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  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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29 mai 2022 7 29 /05 /mai /2022 04:28

 

 

Nicolas Gervaise fut missionnaire jésuite au Siam entre 1681 et 1685. Nous lui devons une «  Histoire naturelle et politique du royaume de Siam » publiée en 1688. Il consacre un long chapitre au sultanat de Patani, aujourd'hui province thaïe du même nom qui débute ainsi : « Patany n’est pas plus étendu que les trois autres (Johore, Jambi, et Kedah :Jambi est situé sur l'île de Sumatra, Johore est un sultanat malais à la pointe sud de la péninsule malaise et Kedah, autre sultanat est situé au nord à la frontière de la Thaïlande), mais il est bien plus fameux, & mieux connu par l’Histoire de ses révolutions & par l’état présent de son Gouvernement. On dit que ses Peuples lassez d’obéir a des Rois qui les maltraitent, secouèrent le joug, & qu’ayant fait descendre du Trône celui qui régnait alors; ils y firent monter à sa place une Princesse à qui ils donnèrent le Titre de Reine sans lui en donner l’autorité, ils firent choix des plus habiles d’entre eux pour gouverner en son nom & sans sa participation, car elle n’entre point dans le secret des affaires, & elle se doit contenter des respects & des hommages que chacun lui rend extérieurement comme à sa Souveraine, ils ne lui laissent pas même le liberté du choix de ses premiers Officiers, mais ils ne lui refusent jamais rien de tout ce qui peut contribuer à ses plaisirs, rien ne l’empêche de s’y abandonner tout entière & sans réserve, car s’il ne lui est pas permis de se marier, il ne lui est pas aussi défendu d’avoir des galants, elle en a autant qu’il lui en plaise, & elle a même de quoi leur faire des présents considérables; il y a un fond qui est destiné pour fournir à la dépense de ses habits & à l’entretien de sa maison: Elle demeure ordinairement dans Patany qui est la Ville Capitale de son Royaume; la fleur d’or qu’elle paye tous les ans au Roy de Siam se présente toujours en son nom, & non point de la part des Ministres qui ont le gouvernement du Royaume »

 

 

Or, Patani n'a pas eu qu'une seule reine, elle en a eu quatre successivement à partir de 1584 jusqu'à un date en réalité inconnue . La situation est singulière dans un état entièrement musulman. Il est peu de cas dans l'histoire du monde en cette période que soit comme à Patani institutionnalisée la domination féminine. Les sources historiques sont toutefois suffisamment floues sinon contradictoires pour que l'on puisse déterminer avec certitude si elles étaient des reines de façade comme l'écrit Gervaise ou si elles exercèrent effectivement le pouvoir régalien. Qui furent-elles donc ?

Au temps de sa plus grande expansion, le royaume s'étendait sur les provinces actuelles de Patani, Yala, Narathiwat et Satun

 

 

Racha Hichao  (ราชาฮิเชา)

 

 

Elle fut souveraine malaise de Patani  de 1584 à 1616. Son nom signifie « la reine verte », elle est aussi la « la grande reine de Patani». Son règne fut celui de l'âge d'or de Patani. Elle était l'aînée des trois filles du sultan Mansur Shah. Fut-elle mariée ? Il n'en est aucune mention dans les récits historiques, mais il est possible qu’elle ait épousé le tout puissant pirate chinois Lin Daoqian dont les chroniques chinoises disent qu'il aurait épousé la fille d'un sultan à Patani ?

 

 

Son jeune frère Bahdur succéda au sultan Mansur Shah à l'âge de 10 ans, mais fut assassiné en 1584 par son demi-frère qui le fut à son tour la même année.

Fut-elle à l'origine de ses meurtres ? Devons-nous croire la version de Gervaise ? Sa montée sur le trône est-elle due à un mouvement populaire – ce qui est difficile à penser – ou au manque d'héritiers mâles après qu'ils aient tous été tués dans la période turbulente précédente ? Elle devint la première reine de Patani et reconnut l'autorité siamoise d'Ayutthaya en adoptant le titre de Phra Chao (พระเจ้า). Au début de son règne, elle dut faire face à une tentative de coup d'État de son premier ministre, Bendahara Kayu Kelat. Nous savons que le début de son règne fut marqué par le creusement d'un canal provenant d'une rivière endiguée pour d'assurer l'approvisionnement en eau de Patani.

Elle régna pendant 32 ans en apportant la stabilité au pays. Pendant son règne, le commerce avec l'extérieur prospéra entraînant la prospérité de Patani. Elle développa le commerce avec le monde extérieur augmenta et des négociants européens, essentiellement Portugais et Néerlandais vinrent ouvrir des comptoirs au port. Toutefois, la majorité des marchands étaient chinois dont les plus importants s'étaient convertis à l'islam et avaient adopté les mœurs malaises.


La situation du sultanat qui a accés au golfe de Thaïlande et à la mer d'Andaman et la situation privilégiée de la baie qui abrite le port explique la venue  de tous ces commerçants

 

 

Le royaume devint aussi un centre de culture, produisant des œuvres de qualité de musique, danse, théâtre et d'artisanat. Peter Floris, un négociant néerlandais, nous a laissé ses souvenirs qui ont été traduits et publiés en 1934.

Le périple de Floris

 

 

Il a visité Patani en 1612-1613 et décrit en particulier une danse exécutée à Patani comme la plus belle qu'il ait vue aux Indes orientales Les visiteurs européens à Patani étaient impressionnés par la reine, le faste et la splendeur de sa cour. Ne citons que Peter Floris qui la décrivit comme une ` « vieille femme avenante et une grande de personne et pleine de majesté » ajoutant qu'il n'en avait vu aucune dans toutes les Indes orientales qui puisse lui être comparée. Lorsqu'elle partait à la chasse, elle était accompagnée de plus de 600 bateaux. Au cours d'une procession à Patani, elle fut accueillie par environ 4 000 hommes en armes, et la procession comprenait 156 grands éléphants richement harnachés. Son palais était superbement décoré de panneaux dorés et d'ornements en bois sculpté.

 

 

Elle mourut le 28 août 1616 après 32 ans de règne. Tous les hommes reçurent l'ordre de se raser les cheveux et toutes les femmes de les couper en signe de deuil.

Elle avait maintenu la relation de vassalité avec Ayutthaya établie au début de l'histoire du royaume et réaffirmée par le sultan Manzur Syah en 1572.

 

 

Ces relations étaient complexes, elles devaient être fondées sur un équilibre délicat entre les intérêts commerciaux, la politique interne de Patani et ses relations avec ses voisins malais.

Elle a été remplacée par sa sœur cadette Racha Biru sans que cela semble avoir posé de difficultés, elle est la « reine bleue ».

 

 

Racha Biru (ราชาบีรู)

 

La prospérité de Patani continua. En termes de commerce international ce fut la période où les Portugais avaient définitivement perdu leur emprise sur le commerce même du détroit de Malacca et pendant laquelle la route commerciale alternative basée sur Acheh, Bantam et Patani était la plus rentable. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les premiers commerçants d'Europe du Nord à entrer dans la région au tournant du XVIIe siècle se soient précisément dirigés vers ces trois ports). Ce fut, en outre, une période (1589-1641) au cours de laquelle les Japonais s'ouvrirent brièvement à un vaste commerce outre-mer, stimulant l'exportation de peaux de cerf et de bois de sappan de la péninsule malaise et de Thaïlande en échange d'argent, de cuivre et de soies. Peter Floris a observé que Patani faisait du commerce avec pratiquement toute l'Asie du Sud-Est, avec des navires arrivant et partant pour Ayuttaya, Brunei, Jambi, les ports de la côte nord de Java, Makasar, les Moluques, la Chine, le Japon, le Cambodge et Sumatra, en plus de traiter avec les Hollandais, les Anglais et les Portugais, le premier navire hollandais atteignant Patani en 1601 et les Anglais en 1612.

 

 

Ce fut sans aucun doute le commerce prospère de Patani qui y avait attiré vers 1580 le célèbre pirate chinois Lin Daoqian.

 

 

Confrontée à une hypothétique menace siamoise, elle aurait selon les légendes locales, sollicité ou ordonné à un homme d'origine chinoise de fondre trois énormes canons dont l'un est toujours au fond la mer et les deux autres servirent de trophée au Siam et se trouvent aujourd'hui à Bangkok. Ils sont toutefois l'orgueil de la province actuelle puisqu'ils figurent sur son sceau officiel.

 

Le roi Song Tham (1610-1628) avait probablement l'intention de se montrer plus présent dans la péninsule malaise. Pour Floris, l’expansion du Siam portait sur le Cambodge, le Laos, Chiangmai,บีรู Ligor (Nakhon Sri Thammarat), le Tenasserim en sus de Patani. Patani avait certainement des ennemis à craindre : Aceh, Johore et Pahang étaient ainsi que les Portugais et les Siamois.

 

La ville fut d('ailleurs brûlée par des mercenaires néerlandais au début du XVIIe siècle et encore en 1613 par une rébellion d'esclaves javanais en 1613.

Sur ces canons, des précisions dans deux articles :

voir l'article de Pierre Le Roux « Bedé Kada ou les derniers canons de Patani » in Bulletin de l'école française d’Extrême orient, 1998, tome 85 , pp 125-162

voir l'article de Seymour Sewell « Note on some old siamese guns » in Journal of the Siam Society, volume XV, 1622-1

Racha Biru mourut en 1623 ou 1624 et fut remplacée par sa jeune sœur Racha Ungu

 

 

 

Racha Ungu (ราชาอุงกู)

 

 

La « la reine pourpre » entra en conflit avec le Siam et a abandonna son titre siamois de Phra Chao et se baptisa en toute modestie « son excellence dirigeante du monde ». Elle était la troisième et dernière fille du sultan Mansur Shah.

Elle était mariée au roi de Pahang. Après la mort du roi, Racha Biru sa sœur lui demanda de revenir à Patani. Lorsque Racha Biru mourut vers 1624, Racha Ungu lui succéda sans difficultés à la tête de Patani. Hostile aux Siamois plus que sa sœur, elle cessa de payer l'hommage « Bunga mas » (la fleur d'or et d'argent) au Siam....

 

 

...et forma une alliance avec Johore, mariant sa fille Racha Kuning avec leur souverain le Sultan Abdul Jalil Shah III. Cependant, elle était déjà mariée au roi de Patalung, Okphaya Déca qui incita alors les Siamois à attaquer Patani avec l’aide du sultan de Ligot en 1633-1634 mais le Siam échoua alors à prendre Patani. Une attaque ultérieure du Siam en 1634 devait être conjointe avec les Néerlandais, mais les navires de ces derniers arrivèrent trop tard et l'attaque de nouveau échoua. Elle avait elle-même lancé une attaque sur le Siam en 1624 et au début de 1625 avec 3 000 hommes, qui se serait terminée apparemment avec succès car le Siam renonça provisoirement à exercer sa souveraineté sur Patani.

Il est une version différente de l'histoire. Le défunt sultan de Johore (1580-1597) avait marié son deuxième fils à la fille de la reine de Patani à la demande de cette dernière. Le plus jeune frère du prince l'avait accompagné pour vivre à Patani mais il s'était s'est mal conduit avec la femme de son frère aîné que le mari bafoué le fit tuer Là-dessus, la reine de Patani fit à son tour tuer le frère aîné. Tout cela est nébuleux et les récits sont obscurs quand ils ne sont pas contradictoires mais démontre une relation étroite de Patani avec Johore au milieu de laquelle Pahang semblent avoir été quelque peu désavantagé. Johore chercha à plusieurs reprises l'aide néerlandaise contre Patani, tandis que Patani semble n'en avoir eu besoin d'aucune. De plus, Patani était suffisamment puissant pour pouvoir bloquer le commerce de Pahang : Ainsi en 1613, obligeant le sultan de Johore à se rendre à Patani avec sa femme, Racha Ungu de Patani. Lorsqu'il mourut l'année suivante, Racha Ungu retourna vivre à Patani. Lors de la visite de Floris à Patani en 1612-1613, la fille de la troisième des sœurs royales de Patani était mariée à un autre prince de Johore. Malgré, ou peut-être à cause de ces liens étroits, Les relations de Patani avec Johore étaient loin d'être pacifiques, et elles ont certainement été intenses sur une période allant du début du siècle aux années 1640 et au-delà.

Racha Ungu mourut en 1634, sa fille va lui succéder

Sur ces péripéties, voir notre article  H 40  « POUR MIEUX COMPRENDRE LE PRÉSENT DE LA PROVINCE THAÏE DE PATTANI, UN PEU D'HISTOIRE ».

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2019/07/h-40-pour-mieux-comprendre-le-present-de-la-province-thaie-de-pattani-un-peu-d-histoire.html

Racha Kuning (ราชาคุนหนิง)

 

 

Elle est « reine jaune ». Elle succéda à sa mère, morte en après 18 mois après la guerre avec Ayutthaya,. Elle fut la dernière des quatre femmes souveraines à avoir régné sans interruption sur le royaume de Patani depuis 1584. Elle est la dernière reine régnante reconnue comme légitime dans les chroniques de Patani.

Elle était fille de Racha Ungu et du sultan de Pahang.

Lorsqu'elle monta sur le trone, Ayutthaya se préparait également à repartir en guerre en 1636, mais le Racha de Kedah intervint pour aider aux négociations avec Patani. Elle choisit de ne pas continuer la guerre et de rétablit la relation avec Ayutthaya en reprenant l'envoi de bunga mas.

 

 

Cependant, elle ne sembla pas avoir exercé un pouvoir politique significatif et les décisions importantes étaient prises par les aristocrates du pays ? Le pouvoir de la reine avait diminué à cette époque et elle ne semblait exercer aucun pouvoir politique significatif ce qui confirme la version de Gervaise.

Patani est devenu moins attrayant au niveau international pour les commerçants à la fin du XVIIe siècle. Les sources sur l'histoire de Patani sont rares à cette époque. Il y a un différend sur la fin de son règne et sur qui lui a succédé.

Selon des sources Kelantanese, Racha Kuning aurait été déposé en 1651 par le Raja de Kelantan, qui avait installé son fils comme dirigeant de Patani, Ainsi débute la période de la dynastie dite de Kelantan. La présence d'autres reines issues de cette dynastie entre 1670 et 1718 n'a jamais été démontrée.

Son nouveau mari semble avoir usurpé son trône en 1644. Après que le prince de Johore ait insulté la noblesse de Patani en exigeant que leurs femmes et leurs filles soient amenées au palais pour le servir et menacé de les mettre à mort, la noblesse de Patani a attaqua le prince de Johore, massacra les membres de son entourage et le repoussa à Johore. En 1646, Patani rejoignit d'autres états tributaires pour se rebeller contre Ayutthaya, puis rejoignit Songkla en 1649 pour s'emparer de Ligor (Nakhon Si Thammarat). Les Siamois ripostèrent et soumirent les sultanats du sud.

 

 

Lorsque Phetracha prit le contrôle d'Ayutthaya en 1688, Patani refusa de reconnaître son autorité et se rebella. Les armées d'Ayutthaya, 50.000 hommes, soumirent Patani.

 

 

L'âge d'or de Patani était terminé, l'anarchie s'y installa et les marchands étrangers abandonnèrent le commerce avec Patani. Vers la fin du 17ème siècle, Patani est décrite dans les sources chinoises comme peu peuplée et barbare.

Contrairement à sa mère, Racha Kuning se fit de nouveau appelée Phra Chao et elle-même a même visité Ayuthaya en 1641 pour consolider la paix. Son royaume resta donc tributaire du Siam.


 

Les sources sur l'histoire de Patani sont tout aussi nébuleuses que celles concernant l'histoire du Siam à cette époque.

En dehors des ouvrages ou articles que je cite et qui sont tous numérisés, A. TEEUW et D. K. WYATT ont publié en 1970 une compilation remarquable des diverses sources manuscrites ou imprimées, malaises, arabes ou thaïes sous le titre HIKAYAT PATANI - THE STORY OF PATANI que j'ai bien évidemment consulté dans la partie concernant ces quatre reines. Il reste qu'il plane de nombreux doutes, par exemple sur la seule question de savoir quand la dernière de ces reines a quitté le pouvoir.

J'ai aussi consulté l'article deStefan Amirell : The blessings and perils of female rule: New perspectives on the reigning queens of Patani, c. 1584–1718  publié dans Journal of Southeast Asian Studies, 42(2), pp 303–323 June 2011.

            J'utilise pour les reines le terme de Racha, transcription du mot ราชา et pour les Malais celui de Raja, l'un et l'autre signifiant « roi » dans leurs langues respectives.

***

La  place de la femme dans l’Islam ? Voilà bien un sujet déroutant, suscitant souvent des réflexes islamophobes et des flots de quiproquos et de polémiques. Je ne connais de l’Islam que le Coran que j’ai feuilleté et qui devrait à mon sens être la seule source de la doctrine. J’y trouve en particulier ces quelques lignes : « Quiconque fait une mauvaise action ne sera rétribué que par son pareil; et quiconque, mâle ou femelle, fait une bonne action tout en étant croyant, alors ceux-là entreront au Paradis pour y recevoir leur subsistance sans compter ». Les déguisements, burqa et tchador,  ne sont pas prescrits par le prophète.  L'excision ne vient pas de l'Islam mais de l'Afrique noire, pratiquée tant par les mahométans que par les chrétiens ou les animistes. La polygamie n'est pas affaire d'Islam, elle n'est interdite en Thaïlande que depuis à peine un siècle. La vision que donne de l'Islam l’Iran et l’Afghanistan ou le terrorisme qui sévit chez nous doit-elle être généralisée ? J’en doute.

Je pense évidemment aux mahométans de Thaïlande, nombreux surtout dans le sud et à l’origine de problèmes qui ne sont pas forcément réglés. Ils suscitent également des réactions islamophobes virulentes à tel point qu’un internaute que je préfère ne pas citer, préconise pour régler cette question, celle des bandits du sud comme les nomme la presse lorsqu’elle cite leur incontestables méfaits, une solution « à la  Birmane ». Le fait que certains (combien ?) de ces autonomistes forcenés soient partis combattre en Afghanistan et en Syrie ou soient entraînés (encore?) dans des camps palestiniens ne plaide pas en leur faveur.

 

 

En ce qui concerne la Malaisie d'aujourd'hui, précisons qu'elle bénéficie d'un régime constitutionnel unique : fédération de 13 états, 4 de ceux-ci sont dirigés par un gouverneur civil et 9 par des souverains héréditaires, sultans ou rajas. Le chef d'état de la fédération (qui n'a pas d'autre pouvoir que représentatif) est choisi pour la conférence des dirigeants, tous les 5 ans mais parmi l'un des neuf sultans héréditaires et en suivant un ordre cycllique obligatoire. Il n'y plus que des sultanes consort

 

 

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15 mai 2022 7 15 /05 /mai /2022 05:06

 

La deuxième moitié du XIXe siècle et le premier quart du XXe virent le Siam passer d’un état bouddhiste quasiment féodal à un état-nation moderne sous le règne de deux grands monarques, Rama IV (1851-1868) le précurseur et surtout Rama V (1868-1910)

.

 

Un train de réformes

 

La Thaïlande d’aujourd’hui doit au roi Rama V un système d’organisation administrative territoriale centralisée, celui des Monthon (ระบบมณฑล) ou Thesaphiban (ระบบเทศาภิบาล) qui est encore très largement en place de nos jours. Il naquit en 1897 sous l’égide du Prince Damrong (พระยาดำรง) sur le modèle de l’organisation coloniale britannique en Birmanie et en Malaisie.

 

 

La création d'une armée permanente moderne fut organisée selon les modèles occidentaux, les rois envoyant les princes et les membres de la haute noblesse étudier dans les académies militaires prussiennes, anglaises et française.

 

 

Le système d’éducation fut réorganisé sur le modèle occidental. L'importance de la langue thaïe comme ciment de l'unité nationale fut concrétisé par l'érection du thaï central par les gouvernements successifs à partir du règne de Chulalongkorn comme langue nationale standard à utiliser dans les écoles et les bureaux du gouvernement, suivi d’un découragement simultané de l'utilisation de nombreux autres dialectes et langues en usage dans tout le royaume. Une enquête sur l'état de l'instruction religieuse dans tout le royaume ordonnée par le roi au tournant du siècle avait révélé les faibles capacités d'alphabétisation des moines en dehors de la capitale.

 

 

 

Ces efforts d'unification et de standardisation de la langue seront continués par Rama VI qui créa le 19 avril 1926 la «  Société – ou institut - royale de la Thaïlande » (Samnakngan ratchabandittayasathan - สำนักงานชบัณฑิตยถาน)  qui publiera en 1927 le premier « Dictionnaire de l'académie royale » qui fait l'objet de mises à jour régulières.

 

 

Fut également développé un système nationalisé d'administration religieuse et mis en œuvre un programme religieux normalisé pour l'enseignement monastique.

 

 

Une autre réforme fut peut-être moins spectaculaire, on en parle peu, elle a pourtant changé la vie des Siamois au quotidien, la création d'un service postal accessible à tous, suivant l’adhésion du Siam à l'Union postale universelle

 

 

Il faut aussi dater de cette époque la naissance d’un sentiment partagé de l'identité territoriale du pays, toujours au cœur des conceptions contemporaines de la nation thaïe. Il fut une évidente réaction du roi Rama V aux menaces coloniales contre l'intégrité territoriale du Siam. Les discours nationalistes du roi Rama VI en furent la suite, véritable vulgarisateur des notions officielles de l'identité nationale dont la monarchie était, avec le bouddhisme l'élément central.

 

 

Tous ces mouvements de réforme ont évidemment suscité une surabondante littérature

 

.

La bibliothèque nationale

 

 

Une autre institution a suscité moins d’attention alors que son rôle fut important dans le concept du développement de l*identité nationale, la Bibliothèque nationale de Thaïlande.

Elle fut fondée au début des années 1880 et formalisée en 1883 mais institutionnalisée en tant qu'organisme officiel du Siam officiel par décret royal du 12 octobre 1905, d'abord sous le nom de « Bibliothèque Wachirayan » (หอพระสมุดวชิรญาณ) en l'honneur du roi Rama IV, dont le nom monastique avant de devenir roi était « Wachirayan ».

 

 

Elle regroupe le contenu de trois bibliothèques :

la « Bibliothèque Wachirayan » initiale (ห้องสมุดวชิรญาณ), située dans l'enceinte du palais royal et contenant les collections du roi Mongkut,

 

la « Bibliothèque du Mandira Dharma » (ห้องสมุดมณฑิราธรรม) crée en 1883 dans l'enceinte du temple du Bouddha d’émeraude pour y regrouper les collections royales des saintes écritures,

 

 

et la « Bibliothèque Buddhasasana Sangaha » (หอสมุดพุทธสาสนาสังฆะ) fondée par le roi Rama V le 11 juillet 1900 dans l'enceinte du temple Benchama (วัดเบญจมาศ), le temple de marbre et regroupant non seulement des écrits bouddhistes mais des objets de culte.

 

 

Elle est placée sous le patronage royal. Elle fut placée sous celui du Ministère de la culture après le coup d'état de 1932.

 

 

Devenue « Bibliothèque nationale » (hosamut haengchat – หอสมุดแห่งชาติ) elle joua un rôle fondamental dans la formation d'un savoir et de sa conservation. La « matière première » de ces connaissances fut collectée par l’institution pour sa sauvegarde et sa reproduction. Elle contient tout le patrimoine littéraire du royaume.

 

 

Cela comprenait des manuscrits sur feuilles de palmier (bai Ian - ใบลาน)

 

 

ou de samut khoi (สมุทรข่อ),

 

 

...des inscriptions épigraphiques et, à partir de la fin du XIXe siècle, des volumes imprimés reliés. C'était l'héritage d'une grande diversité de savoirs coexistant dans tout le royaume, discours bouddhistes, brahmanisme, chroniques, contes et légendes, droit et coutume traditionnels, astrologie et divination, magie, médecine, et les nombreux traités ou manuels écrit pour la préservation, l'adaptation et l'application des connaissances pratiques.

 

 

Cette évolution c'est effectuée globalement en plusieurs étapes. La période des menaces coloniales sur le royaume siamois fut à l'origine de ce vent de réformes. En réaction à cette menace, le Siam entreprit ses réformes administratives centralisatrices suivant les modèles coloniaux.

Mais ces mouvements suscitèrent également au moins chez les élites, une vague de recherches sur leur passé.

 

 

Il faut évidemment mentionner la Siam Society dont l'objet annoncé fut d'effectuer des recherches sur les arts, la littérature et les sciences ainsi que sur les relations du Siam avec ses voisins. L'assemblée générale constitutive se tint le 26 février 1904 à l'Hôtel Oriental en présence de tout ce que le Siam comporte d'érudits, tous d'ailleurs étrangers au service du pays. Il est amusant de constater que la première livraison de la revue débute par un article en anglais du Prince Damrong sur la fondation d'Ayutthaya. Nous trouvons la signature d'autres érudits que nous avons rencontrés au fil de nos recherches, Frankfurter, Gérini, et la seule d'un autre siamois, Phraya prachakitkonhak (พระยา ประชากิจกรจักร) qui appartient à la famille Bunnag (บุนนาค) et à la haute administration centrale. Actuellement la revue ne publie qu'en anglais et l'immense majorité des articles restent le fait d'érudits étrangers et parfois Thaïs.

 

 

La colonisation par ailleurs et en parallèle suscita la création d'autres assemblées érudites, l'École française d'Extrême-Orient fondée en 1898 à l'initiative de Paul Doumer alors gouverneur de l'Indochine françaises

 

 

et la Burma Research Society fondée en 1910 mais interdite en 1980.

 

 

La Bibliothèque, plus que la Siam Society, est le pendant de ces organisations « coloniales ». La société ne fonctionnant pratiquement qu'en langue anglaise et n'incluant que des européens n'eut pas le même impact et n'a toujours pas le même impact que la bibliothèque.

Le concept de bibliothèque nationale était inédit à cette époque même s'il existait en dehors des collections privées des collections royales des manuscrits conservées dans les palais, les temples royaux ou les temples du royaume plus ou moins, celles-ci n'avaient pas tout à fait la même fonction. Ils regroupent principalement des ouvrages religieux. Ho Trai (หอไตร), littéralement « la tour triple », c’est la bibliothèque des saintes écritures (phratraipitaka -  พระไตรปิฏก) qui sont triples (mais en quelques centaines de volumes) d’où le nom (ไตรtraï, c’est trois en sanscrit-pali d’où vient notre chiffre trois). Les plus anciennes sont des constructions en bois sur pilotis sur une pièce d’eau pour éviter les attaques des insectes aux attaques desquels les manuscrits traditionnellement sur feuilles de latanier sont sensibles. Tous les temples n’en comportent pas probablement pour la seule raison que l’achat des centaines de volumes de la sainte doctrine est une dépense hors de proportion avec leurs ressources et compte non tenu du fait que fort peu de moines dans les temples de village connaissent encore le pali.

 

 

En fait, tous ces écrits étaient éparpillés et n'avaient jamais été rassemblés en un seul endroit.

La bibliothèque nationale fut donc fondée sur l'idée de conserver toute la variété des œuvres écrites trouvées dans le royaume dépassant bien au-delà l'étude du dharma.

 

 

Par ailleurs les publications de nouveaux livres, manuscrits ou imprimés, se multiplient et ces ouvrages, réceptacles et symboles de la connaissance, la bibliothèque devint un instrument essentiel du processus d'accumulation des connaissances. Au demeurant, ce rôle est devenu essentiel avec l'adhésion du Siam le 17 juillet 1931 à l' « Union internationale pour la protection des œuvres littéraires et artistiques » avec pour corollaire immédiat d'obligation du dépôt légal. Tout ce qui se publie depuis lors en Thaïlande doit s'y retrouver pour protéger ce qu'il est convenu d'appeler le copyright, tout simplement les droits d'auteur.

 

 

Les principales tâches de la Bibliothèque nationale de Thaïlande consistent à collecter, stocker, préserver et organiser la propriété intellectuelle nationale, quel que soit le support. Les collections comprennent des manuscrits thaïlandais, des inscriptions sur pierre, des feuilles de palmier, des livres traditionnels thaïlandais et des publications imprimées ainsi que des documents audiovisuels et des ressources numériques. Elle se présente donc comme source d'information au service des citoyens de tout le pays.

 

 

Il importe de revenir sur les intentions de ses fondateurs qui vont au-delà de ce rôle un peu réducteur.

Le roi Rama V considérait que « l'étude des livres est la forme la plus noble des études » (wicha nangsu pen wicha anprasoet - วิชา นางสุ เพ็ญ วิชา อันประเสริฐ). Telle était l'opinion du « père » de l'histoire thaïe qui fut bibliothécaire en chef de longue date, le prince Damrong, ainsi que d'autres membres de la famille royale ou de la haute hiérarchie religieuse.

 

 

La bibliothèque était alors considérée comme la matière première à partir de laquelle l'histoire pourrait être écrite.

Le roi Rama V lui confia la tâche d'encourager l'écriture de livres en langue thaï. Sous le sixième règne, en 1914, cette responsabilité fut transférée à la Société littéraire (Wannakhadi Samosorn -วรรณคดี สมโสม)

 

 

Pour eux tous, la possession de livres, concrétisée par l'institution de la Bibliothèque, était l'un des attributs d'un pays civilisé ayant une histoire.

La préservation des livres du royaume fut la préoccupation particulière du prince Damrong, qui après sa retraite du ministère de l'Intérieur en 1915, consacra l'essentiel de son énergie au développement de la Bibliothèque. En 1917, le Prince Damrong écrivait «.. il existe de nombreux livres anciens en pays thaï qui n'ont jamais été imprimés. Ces livres sont éparpillés partout et risquent de disparaître complètement à cause du feu, de la pluie, des insectes et des acheteurs de livres étrangers qui les emportent à l'étranger. Ces livres sont un patrimoine important de la nation, et ne se trouvent nulle part ailleurs en dehors de la nation. Ils sont la propriété de la nation thaïe »,

Il faut bien constater que le développement de la bibliothèque Wachirayan à partir des années 1890, en particulier en ce qui concerne l'activité de collecte, coïncida avec la mise en œuvre de réformes administratives destinée à confirmer que le Siam était ou était en passe de devenir un pays civilisé ayant une littérature pas seulement religieuse

 

.

En 1884 et jusqu'en 1945, la bibliothèque publia régulièrement une revue appelée Wachirayan Wiset (วชิรญาณวิเศ) contenant un mélange d'œuvres littéraires siamoises, principalement de la poésie, des nouvelles, des collections de proverbes, des articles rédigés par des membres sur une variété de sujets, y compris la science, l'actualité, la religion, le commerce et l'économie en sus des informations locales et internationales.

 

 

A l'initiative de Son Altesse Royale la Princesse Maha Chakri Sirindhorn, les 38 volumes ont été réédités et numérisés en l'honneur du 80e anniversaire de la Reine Sirikit en 2012.

 

 

En sus de cette revue, la Bibliothèque commença à publier sur ses fonds propres de nombreux ouvrages essentiellement de nature historique ou littéraire. La préface était généralement écrite par le Prince Damrong, expliquant le livre au lecteur, notant le genre et la nature de l'œuvre, l'auteur et la date de composition, la raison de sa composition, l'origine du manuscrit, la raison de sa publication, la valeur scientifique de l'ouvrage pour les lecteurs, etc. Nombre de ces préfaces sont elles-mêmes devenues des classiques !

Ces publications étaient systématiquement transcrites en caractères thaïs alors que de nombreux manuscrits l'étaient dans des écritures non thaïes, notamment les ouvrages religieux.

Nous sommes à l'heure où les discours coloniaux insistaient sur le sous-développement culturel des peuples colonisés ou en passe de l'être, et de la nécessité de leur apporter les bienfaits de notre civilisation occidentale. Les érudits des pays coloniaux constituaient des sociétés savantes examinant d'un œil souvent critique et négatif la littérature et l'histoire de ces peuples.

La création de l'institution tendit à démontrer que le Siam possédait les attributs d'une nation civilisée avec une histoire et une tradition littéraire.

 

 

N'oublions pas le rôle essentiel d'un Français, Georges Coédès. Il noua des liens d'amitié avec le Prince Damrong, qui finit par lui demander d'assumer la charge de Conservateur de la Bibliothèque nationale du Siam. Il y fut détaché par l'EFEO à partir de 1918 jusqu'en 1924 et s'appliqua à moderniser les méthodes de la bibliothèque, à l'alimenter en sources européennes, à organiser les collections de stèles et à susciter un inventaire des inscriptions dans l'ensemble du Siam, dont il publie un premier recueil en 1924. Il est l'auteur de « The Vajiranana national library of Siam ». Nous lui devons l'essentiel de cet article. Quoique toujours sous droits d'auteur, l'ouvrage est numérisé.

 

Nous devons à l’Australien Patrik Jory une étude circonstanciée « Books and the Nation: The Making of Thailand's National Library » publiée dans le Journal of southeeast Asian studies en septembre 2000 qui – étayé sur une bibliographie circonstanciée – situe la création de la bibliothèque dans le cadre des réformes centralisatrices du roi Rama V et du prince Damrong son demi-frère.

 

 

Il faut bien évidemment souligner que, copyright ou pas, le Bulletin de l'école française d'extrême orient est numérisé sur le site

https://www.persee.fr

 

 

Tous les volumes de The Journal of Burma Research Society le sont sur le site

https://archive.org/ probablement la plus grande bibliothèque virtuelle du monde duquel j'ai extrait l'ouvrage de Coedès.

 

 

Tous les volumes du Journal of the Siam Society sauf les années les plus récentes, sont numérisés sur le site de la société

https://thesiamsociety.org/

 

 

Le site parallèle à la bibliothèque numérise des ouvrages selon un classement déconcertant mais il semble que ce ne soient que des balbutiements. On y trouve les Annales historiques et les anciennes chroniques réunies par le Prince Damrong imprimées et transcrites en caractères thaïs ainsi que les ouvrages rares et les manuscrits que l'on peut consulter en ligne

https://vajirayana.org/

Les Universitaires par contre, plus novateurs, ont créé leurs propres bibliothèques digitales ainsi en particulier

l'université Chulalongkorn (http://library.car.chula.ac.th)

l'université Kasesart (http://lib.ku.ac.th)

l'université Mahidol (http://li.mahidol.ac.th)

l'université Thammasat (http://library.tu.ac.th)

l'université de Chiang Mai (http://lib.cmu.ac.th)

De nombreuses bibliothèques digitales ont été créées par des organisations gouvernementales non gouvernementales dans les domaines les plus divers. (Voir l'article daté de 2006 du professeur TASANA SALALADYANANT « DIGITAL LIBRARIES IN THAILAND » :

http://hdl.handle.net/10150/105288

 

 

La Bibliothèque Nationale de France, un exemple à suivre

 

 

La Bibliothèque nationale de France est lointainement issue de la collection de livres de Charles V en 1368. En 1537, François Ier enjoignit aux libraires et imprimeurs d'y déposer tous les imprimés mis en vente, c’est le début du dépôt légal. De bibliothèque royale, elle devint bibliothèque nationale puis bibliothèque nationale de France. Dépositaire de plus de 40 millions de volumes et 12.000 incunables, sur plus de 400 kilomètres de rayonnage, elle est l’une des plus importantes d’Europe après la British Library  détachée il y a peu du British Museum lui-même créé en 1759.

Elle numérise depuis 1997 de nombreux documents, à ce jour du mois de mars 2022, 8.928.467 et le chiffre augmente tous les jours mais uniquement les documents hors droits.

Il est vrai que la BN a un budget annuel de 235 millions d'euros et emploie plus de 2000 personnes. La Bibliothèque Nationale de Thaïlande emploie seulement 162 personnes et a un budget annuel de 93.000.000 de bahts, un peu plus de 2.500.000 euros ! Ses collections ne comprennent qu’un peu plus de 5.000.000 de pièces de quelque nature que ce soit.

En dehors du souci de conservation des documents et collections du patrimoine, elle affiche son premier soucis qui est d'être au service de la politique culturelle du gouvernement et ensuite celui de promouvoir l'habitude de l'amour et de la lecture chez le Thaïs de tous âges.

 

 

Quel avenir pour le « support papier » autre que symbolique ?

 

Je m'en tiens à un seul exemple : De 1904 à 2016, dernière année de numérisation libre, la Siam Society a publié sauf erreur de ma part 291 volumes (plusieurs publications par an), plus de 2000 articles, probablement entre 1 et 2 mètres de rayonnage. La numérisation est parfaite, compris les illustrations en couleur souvent superbes, le tout occupe sur une clef USB grande comme un timbre-poste moins dedeux gigas.

 

 

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24 avril 2022 7 24 /04 /avril /2022 02:37

 

Dans un amusant article publié dans la très sérieuse revue de la Siam Society dans sa livraison de 2021, le professeur Olivier de Bernon qui appartient à l'école française d'extrème orient, donne à l'invention du parachute une très lointaine origine siamoise. Le titre de son article est évocateur : « The Parachute, a French Invention of Distant Siamese Origin » (Le parachute, une invention française de lointaine origine siamoise - ร่มชูชีพ สิ่งประดิษฐ์ของฝรั่งเศสที่มีต้นกำเนิดจากสยามไกลๆ)

 

 

Selon lui, l'invention du parachute appartient au physicien français Louis-Sébastien Lenormand, né à Montpellier le 25 mai 1757. L'idée est née dans son esprit en lisant un passage de la Description du Royaume de Siam de Simon de La Loubère, envoyé extraordinaire du roi Louis XIV à la cour du roi Phra Narai à Ayutthaya. Le 26 décembre 1783, muni d'un attirail de parasols et de perches, Lenormand se lança du haut d'un arbre de six mètres et vérifié la douceur d'une chute qui était comparable aux acrobaties observées par La Loubère. Il entreprit aussitôt les calculs de résistance de l'air, de volumes, et des surfaces appropriées pour une voile de parachute pour obtenir la plus lente descente. Ce faisant, il a transformé un divertissement acrobatique en une expérience en mécanique physique : l'invention du parachute avait eu lieu.

 

 

Effectivement, ce scientifique revendiqua dans la revue « Annales de chimie » du 30 vendémiaire de l'an IX (22 octobre 1800) la paternité à la fois du mot (« parachûte ») et surtout d'en avoir fait l'essai sur sa personne le 26 novembre 1783.

 

 

L'idée lui en aurait été inspiré par une lecture dans un volume de l' « histoire des voyages » (mais il ne dit pas lequel) où il avait lu que des esclaves, pour amuser leur roi, munis d'un parasol, se laissoient aller d'une hauteur assez grande pour se faira beaucoup de mal ; mais qu'ils étoient retenus par la colonne d'air qui étoit comprimée par ce parasoll ». La revue ne contient malheurement pas le croquis de l'engin. Il indique simplement avoir eu un parasol de 30 pouces de diamètre (75 cm) dans chaque main, l'extrémité des baleines attachés à la poignée pour éviter qu'elles ne se replient.

 

 

Les principes de physiques sur lesquels fonctione le parachute sont effectivement bien connus. Mais s'est-il bien lancé de haut de la tour de la Babotte muni d'un parasol d'un dialètre de 30 pouces dans chaque main et atterrit-il sans dommage ?

 

C'est selon toute apparence Louis Figuier qui a répandu l'idée d'attribuer la paternité du premier saut en parachute à Lenormand . Selon lui « Lenormand avait lu dans quelques relations de voyages que des certains pays, des esclaves pour amuser leur roi se laisaient tomber d'une certaine hauteur munis d'un parasol... ». Il en situe également l'origine de l'idée à une anecdote : une fillette tombée d'une échelle fut sauvée par un vent du nord très violent qui s'engouffra dans sa robe ? Figuier qui n'en est pourtant pas avare ne donne qu'un dessin où l'on voit Lenormand accroché à un seul parasol de diamètres évidement supérieur à 30 pouces ? Pour Figuier, il ne pensait pas à permettre au passager d'un aérostat en danger de s'en échapper mais aux habitants d'une maison en flamme de fuir en sautant dans le vide sans dommage.(1).

 

 

Au demeurant, la paternité de cet exploit fut contestée par un érudit de Montpellier, L.H. Escuret en 1961, où se situe est la vérité ? Voici ce qu'il écrit :

« Louis Figuier... et le parachutiste : En 1945, une plaque commemorative fut fixée sur la tour de la Babote à Montpellier avec cette inscription : « A la mémoire du physicien Sébastien Lenormand qui, en 1783, du balcon de cette tour osa le premier saut en parachute. » C'était trop beau pour être vrai ! En réalité, Lenormand avait seulement décrit dans les Annales de chimie, en 1801, les expériences de parachutage qui furent réalisées à cette époque et à cette tour, mais seulement avec des poids et des animaux. C'est l'étourderie et peut-être le chauvinisme d'un Montpelliérain qui avait fait le reste. Ce Montpelliérain ? Un savant bien connu, Louis Figuier, qui avait ainsi « embelli » la vérité en décrivant cet exploit imaginaire dans ses « Merveilles de la science de 1868 ».

En 1958, l'erreur fut démasquée et la plaque modifiée comme il convenait » (2). Cette contestation est sérieuse. En effet, ces parasols ont chacun une superficie d'un peu moins de 2 mètres carrés soit 4 au total. C'est bien inférieur à la superficie de nos parachutes d'une superficie d'environ 10 mètres carrés qui permettent de toucher le sol à 8 mètres par seconde, un peu moins de 30 kilomètres à l'heure. Ceci dit, le « Livre des records » - mais est-ce une bonne référence - fait état d'un atterissage réussi avec un micro-parachute de 3,25 mètres carrés, alors ?

 

 

Dans son article susvisé, Lenormand continue en précisant qu'il a repris son expérience avec un parasol unique mais cette fois-ci de 14 pieds de diamètre soit 4,25 mètres ce qui donne une superficie d'un peu plus de 14 mètres carrés.

 

Que dit donc La Loubère et a-t-il décrit des parachutes au Siam ? Il s'est effectivement régalé du spectacle des acrobates chinois à la cour du roi Naraï et des saltimbanques jugés au sommet de très hauts bambous, les danseurs de bambous (ลอดบ่วง)

« Il en mourut un, il y a quelques années, qui se jetait du cerceau en bas. se soutenant seulement par deux parasols dont les manches étoient bien attachés à sa ceinture : le vent le portait au hasard tantôt à terre, tantôt sur des arbres, ou sur des maisons, et tantôt dans la rivière. Il divertissait si bien le Roi de Siam, que ce Prince l'avait fait grand Seigneur ».

 

 

Nous retrouvons bien là les deux parasols de Lenormand. A-t-il puisé cette idée à la lecture de La Loubère dans le texte ? L' « Histoire générale des voyages » de l'abbé Prevost dont il parle est une énorme collection de 25 volumes publiée à partir de 1746 sous forme de souscription. C'est une compilation de récits de voyageurs qui a connu un fort succès, l'exotisme étant alors fort à la mode. Le récit des voyageurs de l'ambassade de Louis XIV, tome X fut publié en 1752.

 

L'ouvrage a fait l'objet d'une édition abrégée en 1780, peut-être est-ce celle que Lenormand a eu sous les yeux ?

 

 

J'y lis : « On se rappelle qu'à Paris de nos jours un homme a essayé de s'ajuster des ailes et de voler.

 

Si l'on en croit La Loubère, on est plus habile à Siam qu'à Paris. Il vit un saltimbanque se jetant d'un bambou sans autre secours que de deux parasols dont les manches étaient attachés à sa ceinture, se livrait au vent qui le portait au hasard, tantôt sur les arbres, tantôt sur terre et tantôt dans la rivière.... » (3). La Loubère qui avait un joli coup de crayon ne nous a malheureusement pas laissé de gravure.

 

Une invention française venue du Siam qui a sauvé de nombreuses vies et causé de non moins grands ravages puisque les parachutistes d'Hitler en firent un instrument de mort , passant du simple divertissement artistique à l'élaboration scientifique.

 

 

 

NOTES

 

(1) « Merveilles de la science » 1868 repris dans « Les aérostats » 1887

 

 

(2) « Revue de l'histoire de la pharmacie » 1961

(3) « Abrégé de l'histoire générale des voyages », tome VI, 1780

 

 

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27 mars 2022 7 27 /03 /mars /2022 05:15

 

L'histoire du dépècement du royaume de Siam, vision siamoise, première partie (1786 - 1893)

 

 

 

 

Si les rapports entre la France et le Siam ont été marqués par l'arrivée d'une ambassade siamoise en 1686 en France suivi par les ambassades françaises au Siam qui se sont fort mal terminées, elles furent suivies d'un premier traité passé le 15 août 1856 qui est un « traité d'amitié, de commerce et de navigation, fondé sur l’intérêt commun des deux pays... » Tous ses épisodes historiques donnent lieu à des discours angéliques sur cette longue amitié qui n'a jamais été ternie autrement que par d'insignifiantes questions frontalières... et bla bla bla.

 

 

 

Le traité de 1856 n'appartient pas à la catégorie de ce que l'histoire de la colonisation appelle « les traités inégaux », car il est le seul. La suite sera moins angélique.

 

La perte par le Siam de pans entiers de ses territoires, territoires siamois proprement dits ou territoires feudataires qui payaient tribu annuel au roi du Siam a débuté dès le début de l'installation de la dynastie Chakri dans sa nouvelle capitale de Bangkok. Les prétentions du Siam a bénéficier de droits ancestraux notamment sur le Laos, le Cambodge et la partie nord de la péninsule malaise résultaient de droits de conquête dont à celle époque nul ne constatait la légitimité, tels étaient les principes du droit international.

 

 

Pendant des millénaires, le droit de conquête tel qu'il dérive de la guerre fut affirmé dans toute son étendue avec toutes ses conséquences, et l'annexion des pays vaincus y fut présenté comme l'un des privilèges légitimes de la victoire. Ces principes se retrouvèrent en droit colonial français. Nul ne se soucie alors de « droits des peuples à disposer d'eux-mêmes ». L’écrasante majorité des acteurs de la politique coloniale de l'Angleterre et de la France, conseillers du pouvoir, professionnels du droit, législateurs ou ministres, considère que des dispositions particulières doivent être prises dans les territoires de leur empire pour tenir compte de l’infériorité des « indigènes ». Ne parlons évidemment pas du Noir. ce grand enfant,

 

 

« l’Annamite » mystérieux, impénétrable, est considéré comme fourbe dans la presse de l'époque qui parle systématiquement de duplicité des Siamois,

 

il appartient à une civilisation ancienne certes mais inférieure sur bien des points à la notre. Seuls de rares esprits courageux comme Benjamin Constant le considérèrent-ils comme un fléau.

 

 

 


 

La position anglaise consistait tout simplement à utiliser dans ses conquêtes coloniales le droit du plus fort : ainsi fut constitué son immense empire colonial en Asie, Indes, Birmanie, Malaisie ; comme ceux des États-Unis d'Amérique ou les empires coloniaux des Pays-Bas, de l'Espagne et du Portugal.

 

 

 

Les Français, après avoir conquis toujours sur le même principe, l'Annam, le Tonquin et le Cochinchine, conquête commencée en 1858, furent plus subtils en prétendant plus à tort qu'à raison qu'ils devinrent héritiers des droits et obligations de l'Empire annamitique qui possédait ou aurait possédé lui même des droits ancestraux sur les territoires revendiqués par la France. Un habillage juridique le plus souvent fuligineux..... N’épiloguons pas, l'histoire du dépècement partiel du Siam résulte tout simplement du principe de droit international applicable alors en matière, au mois jusqu'à la fin de la guerre de 14, que la force prime le droit. Ce principe est toujours applicable mais hypocritement voilé sous le nom de « droit d'ingérence »
 

 

Cette triste histoire de la Thaïlande fut longue, elle s'est étendue de 1786 à 1962. Nous l'avons détaillée en deux parties. Cette carte numérote ces empiétements successifs  :

 

 


 

Le 11 août 1786 sous le règne de Rama Ier, les Anglais  (1 sur la carte) :

 

Le sultanat de Kedah payait tribu au roi de Siam. Depuis le 17e siècle, les sultans envoyaient les « Bunga mas » (fleurs d'argent et d'or - ต้นไม้เงินต้นไม้ทอง - tonmai ngoen tonmai thong) au Siam en reconnaissance de la souveraineté du roi du Siam.

 


 

Il dépendait de son territoire l'île de Koh Mak (เกาะหมาก) aujourd'hui Penang (ปีนัง). D'une superficie de 375 kilomètres carrés, elle n'était occupée plus ou moins régulièrement que par quelques centaines de pécheurs malais, en réalité une île déserte.

 

 

Un aventurier anglais, le capitaine Francis Light, conscient de son importance stratégique à l'entrée nord du détroit de Malacca obtint du Sultan Abdullah au profit de la Compagnie des Indes orientales qu'elle lui fut cédée. Cette île ne devait alors pas être au centre des préoccupations du roi Siamois qui ne disposait d'aucune marine de guerre et s'occupait surtout d'asseoir l'autorité de sa dynastie sur le Siam et ses états tributaires. L'île fut immédiatement fortifiée par Cornwallis.

 

 

L'île abrite aujourd'hui plus d'un million et demi d'habitants, est devenue une destination touristique prisée après avoir servi de port de guerre aux Anglais puis aux Japonais qui y établirent une base sous-marine. Ce n'est pas en vertu du droit international qu'elle est devenue britannique mais par simple droit d'occupation. Au demeurant, le roi n'avait aucun moyens de défendre militairement une île déserte située à 1.200 kilomètres de Bangkok. L'accès n'en était d'ailleurs pas facile, elle est aujourd'hui reliée à la terre par deux ponts de plus de 13 kilomètres.

 

 


 


 

Le 16 janvier 1793 sous le règne de Rama Ier, les Birmans  (2 sur la carte) :

 

 

Le roi dut céder à la Birmanie le district côtier de Tavoy - Tanintharyi  (ทวาย ตะนาวศรี) où se trouve la capital Tavoy et l'important port de Mergui, territoire Siamois depuis l'époque de Sukhothai. La superficie est d'environ 17.000 kilomètres carrés. Il fut probablement trahi par Mangsaccha (มังสัจจา), le gouverneur qui travaillait dans l'ombre pour les Birmans. Le roi ne put résister aux Birmans qui n'avaient pas perdu leurs prétentions à avaler le Siam après qu'ils en eussent été chassés par le roi Taksin après l'invasion de1767.

 


 

En 1810 sous le règne de Rama II, la France ? (3 sur la carte) :

 


L'inclusion de cet empiétement sur de nombreux sites thaïs m'interpelle : un empiétement qui aurait au lieu en 1810 sous le règne de Rama II, une cession mystérieuse à la France du territoire de Ban Thay Mat - Ha Tien (บันทายมาศ (ฮาเตียน). J'avoue ne rien avoir trouvé à ce sujet d'autant que cette ville (?) est situé dans le district de Kampot (จังหวัดกัมปอต) – le pays du poivre - et, frontalière, était disputée entre les Cambodgiens et les Vietnamiens. Elle était connue des premiers explorateurs sou le nom de Pontoméas ou Panthaimas ou Ponthiamas ou Pontiano

 

 

...avec de nombreuses variantes orthographiques. Ville portuaire, elle est actuellement située au Vietnam. La ville fut historiquement siamoise mais fut ensuite appréhendée par la Cochinchine peut-être en 1810 ? La Cochinchine ne devint français qu'à la fin de sa conquête en 1862. L'emplacement de ce port de guerre est stratégique dans le golfe de Siam. Peu importe en définitive que cette perte soit imputable à la France ou à l'empire annamitique, elle porte sur 100 kilomètres carrés environ. Si d'ailleurs Joseph Bonaparte fut en 1808 désigné comme roi d'Espagne et des Indes, l'archipel était bien inclus dans son royaume mais il ne semble pas qu'il y ait le temps de faire acte de gouvernement depuis Madrid et encore moins de s'intéresser alors au Siam ? Un tentative tourna court : « Le 14 août 1808, une très-petite goélette française, la Mouche, n° 6, fut envoyée de France sous le commandement de M. Ducrest de Villeneuve, lieutenant de vaisseau, afin d'y faire reconnaître l'avènement du roi Joseph Ier au trône de l’Espagne et de ses colonies. Le gouverneur de ces îles, don Fernando Mariano Fernandez de Folgueras, poussé par la population espagnole de Manille, et à l'exemple de ce qu'on avait déjà fait dans des cas semblables en Amérique, voulut conserver la colonie à son souverain légitime Ferdinand VII.

 

 

La Mouche n° 6, ayant mouillé, le 25 mai 1809, dans la baie de atangas, fut prise le 29; son commandant ainsi que son équipage furent faits prisonniers. » (Gabriel Lafond de Lurcy : « Voyages autour du monde et naufrages célèbres ».... Tome 4, 1843-1844). Incapable d'asseoir son autorité en Espagne, Joseph le fut encore moins dans l'immemse empire colonial de son royaume.

 

 

 


 

En 1825 sous le règne de Rama III, les Birmans (4 sur la carte):

 

Le roi dut céder à la Birmanie les districts situé dans les états Shan de Saen Wee (แสนหวี), Muang Phong (เมืองพง) et Kengtung (เชียงตุง) pour une superficie de 62.000 kilomètres carrés. Ce territoire avait été cédé au roi Rama Ier par le roi Kawila (พระเจ้ากาวิละ) de Chiangmai.

 

 

Le roi ne put s'y opposer militairement étant occupé par le révolte de Chao Anu Vientiane (เจ้าอนุเวียงจันทร์) au Laos et des rebellions dans ses provinces du sud, Kelatan et Saiburi (กลันตัน ไทรบุรี)

 

 

 


 

En 1826 sous le règne de Rama III, les Anglais (5 sur la carte) :


 

 

Le Siam doit céder à l'Angleterre un an plus tard l'état tributaire de Pérak (เปรัค), 21.100 kilomètres carrés, situé au sud de Penang qui envoyait aussi le tribut de la fleur d'or et d'argent. La perte fut lourde car l'état est célèbre pour ses mines d'argent. Les Anglais ne se sont pas non plus encombrés de principes juridiques.

 


 

Le 1er mai 1850 sous le règne de Rama IV, la Chine (6 sur la carte) :

 

La province de Sibsongpanna (สิบสองปันนา) et ses 90.000 km2 est limitrophe de la Birmanie (au sud-ouest), du Laos (au sud et à l'est) et du Yunnan au nord devient chinoise sous le nom actuel de Xishuangbanna après une guerre perdue contre la Chine. Les Chinois n'usèrent pas non ,plus d'arguties juridiques

 

 


 

Le 15 juillet 1867 sous le règne de Rama IV, voilà la France  (7 sur la carte):

 


 

Le Siam perd le Cambodge et six îles pour une superficie de 124.000 kilomètres carrés mais conserve sa province de Burapha (มลฑลบูรพา) incluant Siamraep et Sisonphon (เสียมราฐ – ศรีโสภณ), la partie nord du Cambodge qui jouxte le sud du Siam. Le site sacré d'Angkor se situe dans la région de Siamraep et reste siamois. Le monarque soliveau du Cambodge s'était de son plein gré soumis à la « protection » de la France. Tel fut le fruit des habiles manœuvres diplomatiques de l'Empereur Napoléon III et l'on vit apparaître la légende d'anciens droits tutélaires de l'empire d'Annam aux droits duquel se trouverai la France, sur le Cambodge.

 


 

Le 22 décembre 1888 sous le règne de Rama V, la France (8 sur la carte):


 

 

Le Siam perd ce que l'on appelle les 12 districts (sipsong chaothai – สิบสองเจ้าไทย) soit 87.000 km2. Ils sont situés à l’extrême nord-est du Laos à la frontière avec le nord-ouest du Tonkin et doivent leur nom à leur population essentiellement thaïe, Thaïs blancs, Thaïs noirs et Thaïs rouges. C'est là que les légendes situent l'origine mythiques des populations thaïes-laos dans leur berceau de Ðiện Biên Phủ. Le rattachement à la France aurait fait l'objet d'un traité entre Pavie et Deo-Van-Tri, seigneur féodal de la région, du 7 avril 1889 dont je n'ai pu trouver trace mais les Français l'auraient investi dés le mois de décembre précédent lorsque la conquête du Tonkin fut assurée. Il y eut probablement des manoeuvres tortueuses de Pavie avec Deo-Van-Tri, en réalité un chef de guerre sanguinaire qui prétendait à tort ou à raison que son territoire avait toujours été tributaire de l'empereur d'Annam aux droits duquel se trouvaient les Français.

 

 

Pour les Français, Pavie est l'homme qui a conquis les cœurs, pour les Thaïs, il est l'homme qui a mangé le Siam !  C'est de cette époque qu'éclate la rage des Siamois contre Pavie. Si la presse coloniale accusa les Siamois de duplicité et de sournoiserie, les écrits siamois le leur rend avec usure en prêtant aux Français en général et à Pavie en particulier fourberie, hypocrisie et sournoiserie.

 

 

Le roi Rama V ne pouvait résister militairement d'autant qu'il y a environ 1200 kilomètres entre les douze districts et sa capitale. La France s'est ainsi emparé de ce qu'elle ne savait probablement pas être un lieu mythique pour les Siamois : Khun Borom est une divinité descendue du ciel dans le pays légendaire de Muang Then, situé à l'actuel Điện Biên Phủ,.Il apprit aux populations thaïe-lao dont il est le père, à cultiver le riz.

 


 

Le 27 octobre 1892 sous le règne de Rama V, les Anglais (9 sur la carte):

 

La Siam doit abandonner au profit de l'Angleterre cette fois ses territoire de la rive gauche de la rivière Salween pour 30.000 kilomètres carrés (แม่น้ำสาละวิน) peuplée par des populations d'ethnie thaie-ngiao (ไทยเงี้ยว) et karen (กะเหรี่ยง), la perte économique est immense en raison de la richesse notamment forestière de cette région.

 

 

 


 

Le 3 octobre 1893 sous le règne de Rama V, la France (10 sur la carte) :

 

C'est l'annus horibilis pour le Siam. Il perd toute la rive gauche du Mékong, 143.000 kilomètres carrés. Le Laos est devenu français, nous avons longuement parlé de ce traité, un modèle de rêve pour les traités inégaux conclus entre les pays colonisateurs et les pays colonisés. La version siamoise présente quelques différences avec celle des Français.

 


 

Le roi Rama V invoqua des manœuvres séductrices auprès des populations du Laos pour les convaincre qu'il valait lieux être soumis à la protection de la France qu'à la domination des Siamois.

 

Il est certain que les prêtres des Missions étrangères y ont joué leur rôle, l'enfer étant pavé de bonnes intentions. Ils avaient l'immense avantage par rapport aux fonctionnaires français de parler la langue, condition sine qua non pour qu'ils puissent partir en mission. Il est singulier de voir la république laïque, franc-maçonne et violemment anticléricale protéger et utiliser ainsi les missions catholiques. Il fallut quelques dizaines d'années aux populations ainsi soumises à la France pour s’apercevoir que leur sort ne s'était de loin pas amélioré par rapport à ce qu'il était du temps des Siamois. N'oublions jamais ce que disait Monseigneur Pallegoix en 1854, ami du roi Rama IV et vicaire apostolique du Siam-Laos, selon lequel le sort des esclaves au Siam était beaucoup plus confortable que celui des domestiques en France à son époque ! Pour les missionnaires d'ailleurs, Siam et Laos étaient inclus dans le même vicariat apostolique.

 


 

La menace française s'intensifia et opposa des fins de non recevoir à toutes les demandes de négociation. Intervint alors la mort d'un malheureux fonctionnaire civil français, Grosgurin dont la France imputa la responsabilité au gouverneur de Khammouane (คำม่วน) Phra Yod Muang Kwang (พระยอดเมืองขวาง).

 

 

En France, la presse, le parti colonial, les cercles religieux se déchaînèrent et exigèrent que des mesures drastiques soient prises contre le Siam. Ne revenons pas sur ces incidents dont nous avons longuement parlé. Relevons simplement que les circonstances de la mort de Grosgurin restent troubles et que le procès exigé par les Français contre le responsable de sa mort se déroula dans des conditions qui font honte à la justice coloniale français dont les magistrats avaient été pratiquement ouvertement achetés pour rendre des services et non la Justice.

 

Pour les Thaïs Phra Yod Muang Kwang est toujours un héros

 

 

...et Grosgurin est tombé dans les oubliettes de l'histore de France

 


 

Les Thaïs comparent toujours ces agissements à la fable du loup et de l'agneau.


 

 

À suivre …..

SOURCES


 

En ce qui concerne les souffrances que ces pertes de territoires ont causé au roi, elles font l'objet d'un article détaillé (en thaï) sous le titre ความทุกข์ในพระราชหฤทัยรัชกาลที่ 5 เมื่อสยามต้องเสียดินแดน que je traduis « Souffrances au cœur du roi Rama V lorsque le Siam a perdu des terres » sous la signature de Sansanee Weerasilchai (ศันสนีย์ วีระศิลป์ชัย), auteur de nombreux ouvrages historiques, publié sur le site https://www.silpa-mag.com/history/article_15671

 

La liste que je viens de donner correspond à la réalité historique, il en est de même pour celle qui va suivre dans la suite de cet article . Reste posée la question de cette cession de 1810 à la France ?

 

Nous avons consacré deux articles à l'incident de Paknam ayant conclu à la signature du traité de 1893. Dans le premier, nous nous sommes posé la question de savoir si l’affaire n'était pas une simple application du vieux brocard « Qui veut la mort du chien l'accuse de la rage ». Dans le suivant, nous avons constaté, ce ne sont plus des suppositions, que le procès qui fut fait à l' «assassin » de Grosgurin constitua une véritable mascarade de l'avis de tous les spectateurs et que deux au moins des quatre magistrats français ont été purement et simplement achetés. Malheur aux vaincus.

 


 

H 1- L’INCIDENT DE PAKNAM DU 13 JUILLET 1893 : I - LES PRÉMICES : L’AFFAIRE GROSGURIN.

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2016/10/h-1-l-incident-de-paknam-du-13-juillet-1893-i-les-premices-l-affaire-grosgurin.html

H 2 - L’INCIDENT DE PAKNAM DU 13 JUILLET 1893 : II – LE PROCÉS : JUSTICE DES VAINQUEURS OU JUSTICE DE CONCUSSIONAIRES ?

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2016/10/h-2-l-incident-de-paknam-du-13-juillet-1893.html

 

 

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16 janvier 2022 7 16 /01 /janvier /2022 06:43

 

De 1979 à 1989, de perpétuelles opérations militaires menées par le Vietnam qui s'est conduit en état prédateur se déroulèrent sur les provinces limitrophes du Cambodge, d'ouest en est, Trat, Sa Kaeo, Surin, Buriram et Si Saket avec des débordements sur Prachinburi.

 

 

Alors que la « bonne conscience universelle » fut prompte à s’acharner sur les opérations militaires menées à grande échelle par les États-Unis au Vietnam jusqu'en 1975 et son cortège d'horreurs, elle fut beaucoup plus discrète sur la guerre d'agression conduite par le Vietnam au Cambodge et sur la zone frontalière avec la Thaïlande. Voilà un point d'histoire aujourd'hui bien oublié et sur lequel il m'a intéressé de revenir

 

 

 

Un bref retour en arrière s'impose

 

Les Khmers rouges – avatar du parti communiste cambodgien pro chinois - ont pris le pouvoir au terme de plusieurs années de guerre civile, mettant en place le régime politique connu sous le nom de Kampuchéa démocratique.

 

 

Entre 1975 et 1979, période durant laquelle ils dirigèrent le Cambodge, leur politique intérieur fut celle d'une dictature d'une extrême violence chargée, dans un cadre autarcique, de créer une société communiste sans classesethniquement pure, purgée de l'influence capitaliste et coloniale occidentale ainsi que de la religion. Le nouveau régime décrète notamment l'évacuation de toutes les villes du pays, contraignant les populations citadines à travailler dans les campagnes, dans des conditions relevant de l'esclavage. Les persécutions contre les Vietnamiens furent féroces. Le Cambodge vit alors sous un régime d'arbitraire total.

 

 

Des dizaines de milliers de Cambodgien qui avaient pu échapper au massacre planifié se réfugièrent en Thaïlande avec femmes et enfants. Des camps de réfugiés sont organisés par, en particulier, l'agence de l'ONU pour les réfugiés. Le plus connu est celui de  Khao-I-Dang (เขาอีด่าง) qui abrita jusqu'à 160.000 personnes.

 

 

Les dirigeants Khmers rouges génocidaires furent chassés du pouvoir au début de 1979 par l'entrée des troupes vietnamiennes au Cambodge qui « libèrent » la population de ces derniers menèrent ensuite , jusqu'à leur disparition à la fin des années 1990.

 

 

 

Il faut évidemment souligner dans l'arrivée des Khmers rouges au pouvoir le rôle assez nauséabond de Norodom Shianouk ...

 

...qui ne joua pas double mais triple jeu, successivement roi, puis premier ministre puis chef d'état à vie puis « roi père » jusqu'à sa disparition, navigant entre l'URSS, le Chine communiste et la France de De Gaulle – on se souvient du discours ouvertement provocateur, neutraliste et anti américain qu'il tint à Phnom Penh en 1966.

 

Très schématiquement il y a au Cambodge les Khmers roses d'un parti démocrate, les Khmers bleus républicains, les Khmers blancs royalistes et les Khmers rouges qui prirent le pouvoir en 1975 avec l'aide plus ou moins ouverte de la Chine communiste.

 

 

questions frontalières entre le Cambodge et l'Annam datent de plusieurs siècles et persistèrent après la décolonisation, les deux pays furent toujours comme chat et chien. Les conflits religieux n'y étaient probablement pas étrangers, le Cambodge étant pratiquement totalement bouddhiste theravada alors que le Vietnam ne comporte guère plus de 20% de bouddhistes mahayana en dehors de la présence prégnante des chrétiens et des taoïstes. Les hostilités reprennent en 1975. Les persécutions ouvertement racistes contre la communauté viet en furent la cause au moins apparente. Les rodomontades des Khmers rouges n’empèchent pas l'invasion du pays et son occupation pendant dix ans.

 

 

Beaucoup de Cambodgiens avaient fui leur pays à l’arrivée des Khmers rouges, d'autres le font vers la Thaïlande à l’arrivée des Viets. Les Khmers rouges, qu'on les aime ou qu'on ne les aime pas, sont comme les autres, ils ont une famille ! Il se trouvent nombreux dans des camps de réfugié situés incontestablement en Thaïlande et pour les rouges dans les zones frontalières, dans des jungles montagneuses et boisées d'accès difficile. Avec l'aide de la Chine, les troupes de Pol Pot avaient réussi à se regrouper et à se réorganiser dans ces zones , à la frontière thaï-cambodgienne. Au cours des années 1980 et au début des années 1990, les forces khmères rouges ont opéré depuis l'intérieur des camps de réfugiés en Thaïlande, dans le but de déstabiliser le gouvernement pro-Hanoï de ce qui était la République populaire du Kampuchea que la Thaïlande avait refusé de reconnaître.

 

Sur la carte ci-dessous, les zones marquées FUNCINPEC sont celles des neutralistes de Norodom Shianouk et KPNLF celle des républicains de Son San :

 

 

Il faut dire tout de même que la Thaïlande n'avait pas réservé à tous ces réfugiés un accueil chaleureux, considérant à tort ou à raison qu'elle n'était pas destinée à accueillir toute la misère de l’Asie du Sud-est, que ce soit celle de Birmanie avec les Karen, du Vietnam lors de la chute de Saigon en 1975 ou des Mongs anti communistes du Laos

 

 

De 1979 à 1989, date du départ des Viets, jusqu'en 1989 vont se dérouler en permanence des raids vietnamiens en Thaïlande, ce ne furent pas une série d'opérations frontalières ponctuelles mais une véritable guerre d'agression du Vietnam qui revendiquait alors le rôle majeur dans l’implantation du communisme en Asie du Sud-est.

 

 

La Thaïlande et le Vietnam se sont alors affrontés de l'autre côté de la frontière thaïe-cambodgienne avec de permanentes incursions et bombardements sur le territoire thaïlandais tout au long des années 1979-1980 au prétexte viet allégué de la poursuite des guérilleros cambodgiens qui continuaient d'attaquer les forces vietnamiennes moscoutaires.

 

 

Ainsi, entre 1979 et 1989, 10 ans, se déroulent une longue théorie d'opérations offensives du Vietnam avec leur cortège d'horreurs : bombardement systématique des camps de réfugiés situés en Thaïlande, morts, blessés et mutilés chez les réfugiés, y compris femmes et enfants, destruction de villages thaïs, habitations, école et hôpitaux en dehors des pertes humaines, utilisation de gaz de combat, exécution sommaires.... Lorsque les Viets renvoyaient les populations vers l'intérieur de la Thaïlande, ils leur imposaient de partir à genoux. Des centaines de milliers de réfugiés croupirent ainsi dans les camps de Thaïlande. Les troupes viets étant sur-armés de matériel lourd, chars, artillerie lourde, gaz de combat, l'utilisation de napalm a été alléguée mais je n'en ai pas trouvé de traces formelles.

 

 

Je donne en annexe la liste de ces opérations,

 

Entre le mois de septembre et de décembre 1989, les Vietnamiens quittent le Cambodge après avoir surabondamment miné toute la zone qu'ils occupaient à l'intérieur de la Thaïlande pour isoler les bastions rouges du Cambodge. Il y laissèrent en effet entre 4 et 6 millions de mines antipersonnel. Celles qu'avaient posé les Khmers rouges étaient destinées à sécuriser leurs zones. La pose de mine par la Thaïlande n'a jamais été prouvée.

 

 

Ils y étaient entré à la tête de 150.000 hommes qui se seraient retrouvés 875.000 hommes à  une époque où la population du Cambodge aurait été de moins de 6 millions d'habitants. Un poids de 14%. Il y avait en France en 1940 environ 40 millions d'habitants. Sur cette proportion, il y aurait eu 5,6 millions d'occupants teutons. Ils ne furent jamais plus de 200 ou 300.000 et leur présence fut pesante !

 

En dehors des 875.000 viets, on ignore le nombre des troupes de Heng Samrin qui les soutenaient.

 

 

La guerre du Vietnam ou seconde guerre d’Indochine est censée avoir commencé en 1961 et s'est terminée par la défaite américaine en 1975. Les armées de Hanoï étaient aguerries par 14 ans d'une guerre féroce avec les États Unis et sur armés par l'URSS. Quelle qu'ait été sa combativité, l'armée thaïe n'aurait pas eu la moindre chance dans un conflit étendu et fut sauvée par la pression internationale.

 

Les accords de Paris sur le Cambodge de 1991, signés le 23 octobre, visent à mettre fin à la guerre civile entre l'État du Cambodge d'une part et une coalition regroupant les forces khmères rouges (Kampuchéa démocratique), celles du FUNCINPEC (royalistes) et du FNLPK (républicains) d'autre part. Ils firent l’objet d'un accouchement particulièrement douloureux, fruit d'une diplomatie plus ou moins encore confidentielle dans laquelle la France de François Mitterrand et de son ministre des affaires étrangères, Roland Dumas, joué un rôle actif ?

 

 

Quand je lis dans le journal officiel de la bonne conscience universelle en France à la date du 1er janvier 1985 qu' « à la différence de ce qui s'était passé en 1983, l'armée vietnamienne semble prendre le soin de laisser aux civils le temps d'évacuer les camps avant que ne commencent les bombardements d'artillerie ….» je me pose tout de même des questions sur le sérieux de ce follicule ? Tout d'abord les opérations n'ont pas débuté en 1983 mais en 1979.. Ensuite justement, l'année 1985 fut dans toutes ces opérations l'annus horribilis. Enfin il est encore permis de se demander comment les Viets auraient pu prendre le soin de laisser aux civils le temps d'évacuer les camps ».....

 

 

 

ANNEXE ; UN APPERÇU DES OPÉRATIONS

 

J'ai utilisé esseniellement deux sources,

 

La première, en thaï : https://th.wikipedia.org/wiki/เหตุปะทะชายแดนไทย–เวียดนาม

Elle donne quelques références que j'ai pu véfifier.

La suivant, en anglais ;

https://en.wikipedia.org/wiki/Vietnamese_border_raids_in_Thailand

donne plusieurs dizaines de références que j'ai pu, pour la plupart, vérifier. soit anglaise, soit américaine, soit évidemment thaies

Je n'ai malheureusement trouvé aucune source de provenance du Vietnam qui me soit accesible, mais en première analyse, le site de Wikipedia en vietnamien :

https://vi.wikipedia.org/wiki/Xung_đột_Thái_Lan_–_Việt_Nam_(1979–1989)

ne me semble pas – pour autant que le traducteur de Google soit fiable – contredire les précédentes qui ne diffèrent guère que sur des détails : Si la première me dit qu'une expédition viet a conduit à l'évacuation de 27.000 personnes et l'autre parle de 40.000, c'est terrible à dire pour les 13.000 de différence mais cela ne chnage rien malheureuse;ent à cette dure réalité.

Pour situer les lieu de ces combats – ou de ces massacres – ne cherchez pas les villages sur votre carte Michelin mais on les trouve sans trop de difficutés en cherchant sur Internet en écriture thaïe.

 

1979 fut l'année des premières agressions.

Ce fut aussi celle au cours de laquelle les armée chinoises envahirent le nord du Vietnam et se disposaient à aller jusqu'à Hanoï, hasard ?

 

 

En avril 1979 : Un premier groupe de soldats vietnamiens s'est infiltré de nuit sur le territoire thaïlandais à côté du canal d'irrigation près du village de Nong Chan (บ้านน้องชา) situé dans le district de Ta phraya (อำเภอตาพระยา) et la province frontalière de Sa Kaeo (จังหวัดสระแก้ว) pour installer le camp pendant la nuit. Un sergent-chef du renseignement militaire de l'armée thaïlandaise parlant vietnamien leur a ordonna de quitter le territoire.

 

 

En octobre 1979 : Une offensive violente des Vietnamiens contre les caches des Khmers rouges dans leurs sanctuaires de montagne a poussé des milliers de soldats khmers rouges, leurs familles et les civils sous leur contrôle à passer la frontière thaïe, ils s'y retrouvèrent dans le camp de réfugié qui porte le nom de Nong Chan (ค่ายอพยพชาวกัมพูชา).

 

 

8 novembre 1979 : des tirs d'artillerie viets frappent le camp de réfugiés de Nong Chan, tuant une centaine de réfugiés, rouges ou pas avec femmes et enfants.

12 novembre : les attaques vietnamiennes repoussent 5 000 soldats et villageois khmers rouges en Thaïlande. Nombreux se regroupent dans un camp de réfugiés de l'ONU (Kamput Holding Center) dans la province de Sa Kaeo.

 

 

 1980

23 juin 1980 : 200 soldats vietnamiens ont traversé la frontière à 02h00 dans la région de Ban Non Mak Mun (บ้านโนนหมากมุ่น อำเภอตาพระยา) non loin du camp de réfugiés de Nong Chan déclenchant une bataille d'artillerie de trois jours qui a laissé environ 200 morts, dont environ 22 à 130 soldats thaïlandais, un villageois thaïlandais, des dizaines de réfugiés et environ 72 à 100 soldats de l'Armée populaire du Vietnam. Des centaines de réfugiés auraient été tués, beaucoup d'ailleurs par un barrage d'artillerie thaï qui a frappé l'un des camps. D'autres ont été pris entre deux feux. Plusieurs centaines de réfugiés qui avaient résisté aux Vietnamiens furent ligotés et exécutés. Les troupes vietnamiennes ont temporairement occupé deux villages frontaliers thaïlandais dont Ban Non Mak Mun et en ont bombardé d'autres.

 

 

24 juin 1980 : contrôlant toujours Nong Chan, les forces vietnamiennes se battent par duels d'artillerie et d'armes légères avec les troupes thaïs et attaquent les points forts de la guérilla. Les Vietnamiens ont abattu deux avions militaires thaïlandais.

26 juin 1980 : les troupes vietnamiennes s'emparent de deux responsables des secours (Robert Ashe et le coordinateur médical du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), le Dr Pierre Perrin) et deux photographes américains au camp de réfugiés de Nong Chan.

 

 

 

1981

En janvier 1981, l'armée vietnamienne et les forces de Heng Samrin (เฮง สัมริน), un communiste moscoutaire cambodgien, ont pénétré le territoire thaïlandais à 500 mètres de profondeur dans le village de Sadang (มู่บ้านสะแดง) également situé dans le district de Ta Phraya. La bataille s'engage avec les forces thaïes. 2 soldats thaïlandais ont été tués et un blessé,

Le 3 janvier, des tirs d'artillerie lourde frappent le sol thaï causant la mort de 10 fonctionnaires et citoyens thaïs.

Le 4 janvier, les forces vietnamiennes toujours depuis le territoire thaï ont ouvert le feu avec des grenades propulsées par fusées soviétiques et armes automatiques mais les Thaïs réussirent à les repousser. Il y eut deux morts et un blessé côté thaïe. Le même jour, entre 50 et 60 soldats vietnamiens auraient ouvert le feu sur une patrouille thaïlandaise à 800 mètres à l'intérieur de la Thaïlande. Les pertes vietnamiennes sont inconnues.Des renforts de troupes thaïes ont été envoyées à la frontière le lendemain sur l'alerte d'un nouveau raid possible des troupes de Hanoï.

 

1982

11 février : l'armée de l'air du Vietnam a abattu deux Northrop F-5E de la Royal Thai Air Force qui se sont écrasés dans une rizière près de Prachinburi, en pleine Thaïlande, l'un des passagers fut tué.. Les viets effectuaient une mission de collecte de renseignements depuis Phnom Penh. A son plus grand rapprochement avec le Cambodge, la province est à 45 kilomètres de la frontière. On peut se demander quels renseignements les Viets allaient y cherche ?

 

 

Début mars : une série d'incidents le long de la frontière, culminent avec l'intrusion de 300 soldats vietnamiens et le meurtre d'un certain nombre de gardes-frontières thaïs.

21 octobre : des artilleurs vietnamiens ont ouvert le feu sur un avion de reconnaissance thaï près de la frontière, mais sans l'atteindre.

 

 

1983

16 janvier : les troupes vietnamiennes s'emparent d'un hameau à l'est de Nong Chan. Les insurgés du Front de libération nationale du peuple khmer (KPNLF) non communiste s'y étain installés le 26 décembre.

 

 

21 janvier : L'attaque de l'artillerie vietnamienne force la base du KPNLF à entrer en Thaïlande. Les non-combattants reviennent à la fin du mois.

Le 31 janvier et le 1er février, le Vietnam appuyé par des forces gouvernementales cambodgiennes lance une attaque contre un camp de réfugiés cambodgiens situé non loin de de Ban Nong Chan. C'est une offensive majeure contre les trois factions de la résistance. Ils incendient les maisons et les centre de soins. Les victimes cambodgiennes sont nombreuses En brûlant toutes les maisons et les hôpitaux. De nombreux Cambodgiens ont été blessés et tués. Selon les sources, entre 23 000 et 47 000 Cambodgiens doivent fuir avec femme et enfants vers l'intérieur de la Thaïlande. Les tirs d'artillerie viets causèrent de nombreux dégâts aux habitations et un nombre indéterminé de morts et de blessés thaïs.

Avec un soutien d'artillerie lourde, 4 000 soldats vietnamiens blindés lancent l'assaut contre ce qui était l'un des plus grands camps de réfugiés, il fut totalement détruit. Des combats au sol eurent également lieu à l'extérieur du camp entre les troupes vietnamiennes et environ 2 000 guérilleros du KPNLF. Les tirs d'artillerie viets ont tué des thaïs et détruit des habitations et un temple bouddhiste. Probablement 24.000 réfugiés durent se retirer dans la Thaïlande plus profonde.

Le 28 mars et jusqu'au 2 avril, le 1er corps d'armée vietnamien soutenu par de l'artillerie et des chars soviétiques attaque des camp de réfugiés, à Changgako (จังกาโก), Khao Phanom Chat (เขาพนมฉัตร) et le camp de réfugiés en face de Ban Khok Thale (บ้านโคกทหาร) tous dans le district de Sa Kaeo. Il y eut un jet thaï abattu, de nombreuses victimes cambodgiennes et, des hôpitaux et des habitations détruites. 20.000 cambodgiens fuient vers l’intérieur.

Le 3 avril : Au moins 100 soldats vietnamiens sont entrés en Thaïlande et ont combattu au corps à corps avec une patrouille frontalière thaï, tuant cinq soldats thaïlandais et en blessant huit. Un assaut sur le camp du quartier général du KPNLF après que les occupants aient fait exploser les dépôts laissant les envahisseurs à court de carburant.

Le 27 décembre : le Vietnam masse des troupes au sud de la frontière mais il n'y a pas eu la suite attendue par les Thaïs

Il y eut encore des affrontements sporadiques et des actes de piraterie de la marine viet qui ouvre le feu sur une flotte de chalutiers thaïs située bien au delà des eaux internationales. Ils saisissent 5 chalutiers et emprisonnent 130 pécheurs.

 

1984 ; 200 ou 300.000 cambodgiens doivent se replier à l'intérieur de la Thaïlande.

Du 25 mars au début avril : Hanoï a lancé une opération transfrontalière de 12 jours en territoire thaïlandais à la poursuite des rebelles khmers rouges, en utilisant un char T-54 de fabrication soviétique, une artillerie de 130 mm et quelque 400 à 600 soldats. En conséquence, l'artillerie et la puissance aérienne thaïlandaises ont dû être mobilisées, entraînant des dizaines de victimes des deux côtés et la destruction d'un autre avion militaire thaïlandais. Le raid transfrontalier du Vietnam, ainsi que les pertes militaires et civiles thaïlandaises, ont été considérés comme portant gravement atteinte à la sécurité de la Thaïlande. Des affrontements mineurs ont eu lieu dans la zone du camp des Khmers rouges, le col de Chong Phra Palai reliant le Cambodge et la Thaïlande. L’offensive était concentrée sur le village Samrong Kiat (บ้านสำโรงเกียรติ) situ dans le district de Khun Han (อำเภอขุนหาร) et la province de Sisaket (จังหวัดศรีสะเกษ).

 

 

D'autres camps de réfugiés sont attaqués par des fores viets entrées en Thaïlande par les gorges de Phra Phalai (ช่องเขาพระพะลัย) après avoir affronté les Thaïs au corps à corps.

 

 

Le 15 avril, le Vietnam a envoyé des troupes ainsi que de l'artillerie. et des chars attaquer un camp de réfugiés cambodgiens dans le village de Ta Tum (หมู่บ้านตาตูม), le camp de réfugiés d'Ampil (ค่ายผู้อพยพอัมปิล) et le camp de réfugiés de Ban Suksan (ค่ายผู้อพยพบ้านสุขสันต์) En conséquence, environ 80 000 Cambodgiens ont migré vers la Thaïlande.un certain nombre de blessés.

 

 

Fin mai-début juin, les attaques contre des chalutiers thaïs opérant dans les eaux internationale se renouvellent. : la marine vietnamienne a attaqué à plusieurs reprises des chalutiers de pêche thaïlandais au large des côtes vietnamiennes, entraînant la mort de trois pêcheurs thaïlandais.

Le 10 août : L'infanterie vietnamienne, blindés et l'artillerie bombardent à nouveau Nong Chan et Ampil.

Le 28 octobre : La police frontalière thaïe capture 5 soldats d'infanterie vietnamiens entrés près d'Aranyaprathet (อรัญประเทศ) apparemment à la recherche de nourriture ou se livrer au pillage ?

 

 

18-26 novembre : Le camp de réfugiés de Nong Chan est attaqué par plus de 2.000 soldats de la 9e division PAVN et tombe après une semaine de combats, Les viets laissèrent toutefois quelques officiers et des dizaines d'hommes sur le terrain et 30 000 civils ont été déplacés vers des site d'évacuation.

8 décembre : Nam Yuen (ค่ายผู้ลี้ภัยน้ำยืน), un petit camp situé dans l'est de la Thaïlande près de la frontière avec le Laos, est bombardé et doit être évacué.

11 décembre : Le camp de Sok Sann (ค่ายผู้ลี้ภัยสุขสันต์) est bombardé et évacué.

Le 25 décembre : Le camp de réfugiés de Nong Samet (ค่ายผู้ลี้ภัยหนองเสม็) dans la province de Sa Kaeo est attaqué par les Viets qui utilisent des gaz de combat et c'est encore une nouvelle évacuation en masse des civils.

 

 

Le 31 décembre : les troupes vietnamiennes ont tendu une embuscade à deux unités de Rangers thaïlandais dans la province de Buriram (บุรีรัมย์) en blessant six et les immobilisent par des tirs d'armes légères pendant plus de heures

 

 

1985 : Le drame continue.

 

En janvier-février : Une puissante offensive vietnamienne envahit pratiquement toutes les bases clés de la guérilla cambodgienne le long de la frontière, mettant les Thaïlandais et les Vietnamiens en confrontation directe sur de nombreux tronçons.le terrain.

Les 7 et 8 janvier, le camp d'Ampil est à nouveau attaqué après des bombardements intenses.

Les 23 et 27 janvier, nouvelles attaques des camps de réfugiés de la province de Buriram,.

Les 28 et 30 janvier, ce sont de nouvelles attaques des camps dans la région d'Arayaprathet.

Elles se renouvelleront le 13 février.

Ce mois là en effet, les viets lancent des attaques sur des camps situés dans le district : L'artillerie vietnamienne a tiré une centaine d'obus de 130 mm, des mortiers et des roquettes sur des positions de la 320e division des Khmers rouges près du camp de réfugiés de Khao Din à environ 54 miles au sud d'Aranyaprathet. Cela a été suivi d'un assaut d'infanterie sur Khao Ta-ngoc.[58]

Le 20 février, les Viets lancent l'une de leurs offensives les plus violentes dans le district de Ban Kruat (บ้านกรวด) dans la province Province de Buriram .

Toutes ces opérations s'effectuent avec l'utilisation d'artillerie lourde, de chars soviétiques et de gaz de combat.

Le 5 mars 1985, l'armée vietnamienne attaque directement non plus des camps de réfugiés mais les postes militaires thaïs en particulier dans le district de Kantharalak (กันทรลักษ์,) situé dans la.province de Sisaket (Arayaprathet.). Il y a de nombreuses pertes civiles chez les Thaïs.

Les 6 et 7 mars : les troupes et les forces aériennes thaïes repoussent ds intrusions viets sur le territoire thaï et anéantissent partie de leurs troupes.

Le 10 mars 1985, les troupes vietnamiennes envahissent le territoire thaï dans le district de Sangkha (อำเภอสังขะ) et celui de Bua Chet (อำเภอบัว)เชด dans la province de Surin (จังหวัดสุรินทร์). Ce sont les thaïs qui en pâtissent, 7.500 citoyens doivent prendre la fuite après que 40 maisons et une école aient été détruites.

 

 

Le 5 avril : un affrontement a eu lieu à Laem Nong Ian (แหลมหนองเอียน), toujours dans la province de Sa Kaeo après que cinq Vietnamiens se soient introduits à environ un kilomètre en Thaïlande.

 

 

Le 6 avril : des gardes-frontières thaïlandais ont tué un soldat vietnamien en Thaïlande dans le même secteur.

Le 20 avril : Dans la province frontalière de Trat (ตราด), dans le sud-est de la Thaïlande, quelque 1 200 soldats vietnamiens attaquent des positions thaïlandaises situées à 3 à 4 km du golfe de Thaïlande. Au lieu de se retirer, les Vietnamiens ont établi une base permanente sur une colline en Thaïlande, à environ 800 mètres de la frontière, où ils ont posé des mines et construit des bunkers. Les attaques thaïe les repoussèrent mais les Vietnamiens revinrent renforcer leur position.

 

 

Le 11 mai : des chasseurs à réaction thaïlandais et de l'artillerie lourde pilonnent les troupes vietnamiennes occupant une colline à 800 mètres à l'intérieur de la Thaïlande, et les soldats thaïlandais se préparent à un assaut sur la position fortement minée. Les Thaïlandais ont bombardé et bombardé les Vietnamiens avant qu'une opération d'infanterie ne soit lancée dans la chaîne de montagnes Banthad (เขาบรรทัด), à l’extrême ouest de la chaîne des Dangrek où les Viets s'étaient protégés en minant la zone.

 

1986

 

Le 23 janvier : Un barrage d'artillerie vietnamien a visé un avant-poste de la marine thaïlandaise à Had Lek (หาดเล็ก) un village situé à la pointe sud de la frontière dans la province de Trat. Un navire de guerre thaï depuis le golfe de Thaïlande a répondu en bombardant la base d'artillerie vietnamienne.

Le 25 janvier, les Viets lancent une opération de propagande patr haut-parleurs et bombardement de tracts dans la zone d'Aranyaprathet.

 

1987 : La Thaïlande se met en colère

 

Le 25 mars : le commandant en chef de l'armée thaïlandaise, le général Chavalit Yongchaiyudh, annonce une offensive tous azimuts contre les troupes vietnamiennes qui ont pénétré dans le territoire thaïlandais au-delà de la limite fixée de 5 km.

Le 17 avril : les forces thaïlandaises tentent de chasser l'infanterie vietnamienne de Chong Bok (ช่องโบก), une région montagneuse où convergent les frontières de la Thaïlande, du Laos et du Cambodge dans la province de Si Saket. Des pertes à deux chiffres sont signalées des deux côtés.

Le 30 mai : des Rangers thaï patrouillent dans la région de Chong Bok où les combats font rage pour déloger les Vietnamiens des positions retranchées à l'intérieur du territoire thaïlandais.[75]

A la mi mai 1987 la frontière thaï-cambodgienne sur 800 kilomètres avait été entièrement investie des deux côtés de la frontière par les forces vietnamiennes et cambodgiennes.

1988

 

Le 2 avril : les troupes vietnamiennes violent une fois de plus la frontière dans la province de Buriram.

Le 12 juin : Vers 9 heures du matin, dans la même zone, ils déclenchent l'artillerie qui détruit un village thaï situé à 6 kilomètres à l'intérieur de la Thaïlande.

 

1989

 

Le 22 avril : les troupes vietnamiennes franchissent la frontière dans la province de Buriram et sont repoussés.

Le 26 avril : les troupes vietnamiennes bombardent les plus grands des camps de réfugiés abritant 180.000 personnes. Ils en interdisent ensuite l'accès aux responsables de l'aide occidentale et aux représentants de l'ONU.


 


 

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9 janvier 2022 7 09 /01 /janvier /2022 14:43

 

A la fin de la seconde guerre mondiale, une Commission spéciale de Conciliation franco-siamoise a été constituée par les Gouvernements français et siamois à la suite de la signature à Washington par les représentants des Gouvernements de la république française et du Royaume du Siam de l’accord de règlement franco-siamois du 17 novembre 1946, conformément aux dispositions de cet accord. Il fallait donc régler la question des frontières à titre définitif. En réalité rien ne sera changé par rapport aux délimitations de l'ère coloniale. Ce sera le prix à payer par la Thaïlande pour être admise dans le concert des Nations Unies et faire oublier sa participation marquée aux côtés des Japonais lors de la guerre qui vient de se terminer. La Commisssion qui n'a rien concilié n'a manifestement tenu aucun comptes des arguments thaïs concernant l'origine ethnique l’analogie de langage, d’origine et de culture des habitants de chaque côté de la frontière actuelle en particulier dans la zone où va éclater le conflit. Le Siam avait récupéré en 1941 les territoires antérieurement perdus au profit de la France en 1904 et 1904. C'est le retour à la case départ...et le début d' une situation qui pourrait devenir explosive.

 

 

Ces question frontalières avaient auparavant été réglées par les traités franco-siamois de 1904 et 1907 suivant celui de 1893. Le fixation par le premier traité ne correspondait à aucune réalité ethnique mais avait le mérite de choisir une limite facile à matérialiser : le thalweg du Mékong là où ce fleuve coule en un bras unique; ce même tracé est fixé au thalweg du bras le plus proche de la rive siamoise là où le fleuve coule en plusieurs bras et dans ce cas, les îles font partie de la rive française quand elles ne sont jamais recouvertes par les hautes eaux... mais fixation artificielle tout de même puisque des deux côtés du Mékong les population sont sœurs ethniquement et proches par la culture et par la langue,

 

 

Mais il n'y a pas que le Mékong qui serve de frontière entre les deux pays, les problèmes se posent en cas de limites terrestres en l'absence d'élément géographique – cours d'eau ou ligne de crêtes - facilitant le travail des topographes !

 

 

Les difficultés vont ressurgir dans la région de Phitsanulok et Uthraradit côté siamois et de la province lao de Syaburi côté lao. Des incidents sporadiques sont signalés en 1981 et 1984 sans que coule le sang. Tel ne fut malheureusement pas le cas lorsqu'éclata un conflit armé entre les deux pays en décembre1987 jusqu'en février 1988. Nous le connaissons sous le nom de « guerre des trois collines », trois colline non dénommées autrement que par des chiffres, les collines 1182, 1370 et 1428 (เนิน 1182, 1370, et 1428) situées dans la province de Phitsanulok. Pour les Thaïs, ce conflit est « la bataille du village Romklao » (ยุทธการบ้านร่มเกล้า ).

 

 

Le Laos s'irritèrent de ce que cette région frontalière servait de base de repli de la guérilla des Mongs mais ils ne pouvaient y exercer ce que le droit international appelle le « droit de suite » en raison de la présence américaine alors toujours pesante en Thaïlande. Nous étions alors en guerre froide et ni les Américains ni les Vietnamiens et les Russes derrière eux, omniprésents au Laos ne souhaitaient l'ouverture d'un conflit international. Il était un autre sujet d'irritation côté du Laos qui se plaignait que des entreprises forestières thaïes venaient couper le bois dans la zone litigieuse... Le commerce du bois, légal ou illégal, est une activité très lucrative dans laquelle notables et officiels des deux pays sont souvent partie prenante. La radio de Vientiane accusait ces trafiquants de bois d'être soutenus par des seigneurs de la guerre appartenant à la « clique ultra réactionnaire de Bangkok »  ?

 

Nous reviendrons rapidement sur les opérations militaires proprement dites. La dispute portait pour l'essentiel sur le pojt de savoir si le village de Romklao appartenait au district de Fernand Bernard, dans la province de Phitsanulok (ชาติตระการ – พิษณุโลก), un seule des 72 villages de ce district ainsi que trois autres villages de la province d'Utharadit... une guerre pour trois collines qui aurait pu n'être qu'une guerre pour des queux de cerises s'il n'y avait eu des morts.

 

 

Les conditions d'établissement de la ligne frontalière.

 

Elles sont directement à l'origine de ce conflit.

 

Lorsque les diplomates déterminaient de concert la fixation des limites territoriales, ils ne disposaient pas de cartes et ignoraient tout des réalités en particulier ethniques de la zone. Le travail sur le terrain sera le fait d'une commission. Le président français de la commission ainsi créée en 1904 est Fernand Bernard, un polytechnicien et officier de l’artillerie coloniale. Il a beaucoup navigué en Indochine et est censé bien connaître le terrain. Mais il ne va pas trouver une tâche purement technique et routinière. Il va œuvrer entre 1904 et 1907.

 

Dès le début de la première campagne, sa commission rechercha vainement sur le terrain une rivière et une chaîne de montagne qui n’avaient jamais existé autrement que dans l'imagination des diplomates qui avaient contracté le traité ! On croit rêver !

 

Il ne ne cache pas sa critique à leur encontre : à ses yeux, ils ne comprenaient pas la réalité locale des territoires puisqu’ils ignoraient le terrain et la population, et hésitaient à établir des contacts avec les habitants « à cause de l’amour-propre ou des préjugés ». Il n'hésite pas à parler de « diplomatie imbécile ».... La région ou va éclater la guerre est d'accès difficile et il est permis de penser que les diplomates siamois de Bangkok n'y ont jamais mis les pieds pas plus que les Français évidement (1)

 

Pour cette zone, la ligne frontière choisie était une rivière, le rivière Hueang (แม่น้ำเหือง) mais, version thaïe, il y a une autre rivière qui porte ou porterait ce nom, peut-être l'une de ses branches ? Toujours est-il que, de bonne ou mauvaise foi, les cartographes français auraient choisi l'hypothèse la plus favorable ? Le problème s'est encore compliqué lorsque les Américains se servaient de la Thaïlande pour aller bombarder le Laos, il établirent en 1960 une carte sur la base de photographies aériennes sur laquelle apparaît une rivière dite pour eux Barren Hueang River , pour les Thaïs (ลำลำน้ำเหืองป่าหมัน), ce qui est probablement un bras mort de la même rivière, les Soviets établirent de la même sorte une autre carte frontalière en 1987, probablement pour les besoins de la cause ? Le zone litigieuse entre l'extrémité du district de Chat Trakan et le district correspondant de la province lao de Sayaburi s'étend sur environ 17 kilomètres (sur la carte a-b) qui ont généré quatre cartes contradictoires !

Le village de Romklao proprement dit avait été créé en 1982 par l'armée thaï pour y abriter des Mongs réfugiés en Thaïlande et ne comportait pas plus de 700 habitants sur une zone de 27 milles carrés c'est à dire encore environ 7000 hectares.

 

 

 

 

 

 La guerre

 

En dehors de petits affrontements antérieurs la véritable guerre comment en 1987 : L'armée thaïlandaise occupa la zone contestée de Ban Rom Klao et a hissa le drapeau thaï. Le gouvernement lao protesta avec véhémence en confirmant que le village fait partie de la province de Sayaburi. L'armée lao attaqué alors le bastion dans le nuit, en chassa les Thaïs et arbora le drapeau lao à la place du drapeau thaï. Dés avant le début du conflit, les Laos avaient occupé la colline 1428 et l'avaient transformée en place forte en mai 1987 créant des bunkers, les protégeant par une ligne de tranchées et des champs de mine. Le 5 novembre 1987, les thaïs envoient des troupes à l'assaut de la colline avec le soutien des forces aériennes mais ils échouent devant la puissance de feu des Laos assistés de soldats vietnamiens et peut-être cubains, tous sur-armés par l'Union soviétique, notamment d'artillerie anti aérienne qui aurait permis d’abattre deux avions thaïs. Les rangers thaïs devaient escalader une pente d'environ 70 degrés en zone humide truffée de mines sous le feu des Laos. Le déploiement de l'armée thaïe fut rend difficile en raison de l'itinéraire, routes étroites, accidentées et sinueuses au travers le flanc d'une montagne de 1000 m d'altitude. La combativité des Laos fut étonnante mais leur armée avait été formée au Vietnam et bénéficiait de compétences technologiques notamment en ce qui concerne l'artillerie et l'artillerie anti-aérienne (2). Les opérations militaire étaient supervisée par le premier Ministre Prem et dirigées par le Lieutenant-général Siri Tiwapan (ศิริ ทิวาพันธุ์)

 


  

Après plusieurs semaines de combats acharnés, un cessez-le-feu était annoncé le 19 février 1988 probablement à l’initiative des puissances concernées directement ou pas, États Unis, URSS et Vietnam). Cette guerre aurait coûté la vie à environ 1000 hommes des deux côtés ? Il s'agit d'une évidente exageration journalistique. Les deux pays annoncent des chiffres différents, Il y aurait eu du côté thaï environ 150 morts et environ 190 blessés et côté Laos entre 300 et 400 et des,centaines de blessés, Où se situe la vérité sur le plan humain ? Entre les journalistes occidentaux qui n'ont suivi ce conflit que depuis leurs chambres de l'hôtel Oriental de Bangkok comme ils le faisaient par exemple depuis le Pullman de Bagdad et qui se contentèrent de faire une addition 1000 + 1000 (3) ou celui d'un véritable journaliste d'investigation, Peter B. Martin, qui s'est rendu sur place dans des conditions matérielles difficiles et plus encore dans cette région de forets épaisses (4) ?


 

Les deux pays établirent une Commission mixte des frontières (คณะกรรมาธิการเขตแดนร่วมไทย–ลาว – khanakanmathikankhetdaenruamthai-lao ou JBC : Joint Boundary Commission).

 

 

Lourde tâche puisque la frontière commune entre la Thaïlande et le Laos mesure environ 1 810 kilomètres de long, divisée en 702 kilomètres de frontière terrestre et environ 1 108 kilomètres de frontière maritime. Aux dernières nouvelles, 210 bornes avaient été posés à ce jour (5).


 

 

Á ce jour aussi, il semble que les deux forces se soient retirées l'une et l'autre de cette zone litigieuse qui reste située dans une jungle montagnarde d’accès toujours difficile

Que conclure ?

 

Ces morts et ces blessés, qu'ils soient quelques dizaines ou 2000 ne l'ont malheureusement pas été pour des queux de cerise. Ils sont la conséquence directe des procédures utilisées au début du siècle dernier pour déterminer des frontières dans le cadre de traités inégaux. Ce qui serait amusant s'il n'y avait eu trop de morts et de blessés est que la Laos communiste qui s'est affranchi de la tutelle coloniale s'empresse de chausser les bottes de la France coloniale pour étendre son hégémonie territoriale sur le voisin thaï.

 

Aujourd'hui ?

 

Il règne l'harmonie la plus douce entre les deux pays.

 

 

Ils sont maintenant reliés étroitement par des ponts sur le grand fleuve qualifiés de « ponts de l'amitié » (สะพานมิตรภาพ)

 

Le premier entre Nongkhai et la rive gauche en direction de Vientiane a été construit en 1994 sur un financement de l'Australie (สะพานมิตรภาพ ไทย-ลาว แห่งที่ 1 – สะพานที่เชื่อมต่อจังหวัดหนองคายเข้ากับนครหลวงเวียงจันทน์).

 

 

Pour certains Laos, il est surnommé « pont du Sida », allusion à l’importance des activités de prostitution sur l’autre rive. Comme chacun sait, il n'y a pas de prostitution au Laos !!!

 

 

Le suivant a été construit en 2006 entre Hanoukka et Savannah (สะพานมิตรภาพ ไทย-ลาว แห่งที่ 2 – สะพานที่เชื่อมต่อจังหวัดหนองคายเข้ากับนครหลวงเวียงจันทน์).

 

 

Le troisième date de 2011 et relie  Nakhon Phanom et la province de Kammouane (ะพานมิตรภาพ ไทย-ลาว แห่งที่ 3 - สะพานที่เชื่อมต่อจังหวัดนครพนมเข้ากับแขวงคำม่วน)

 

 

Le quatrième pont a été inauguré le 11 décembre 2013  et relie la province de Chiang Rai à la province de Bokeo (สะพานมิตรภาพ ไทย-ลาว แห่งที่ 4 – สะพานที่เชื่อมต่อจังหวัดเชียงรายเข้ากับแขวงบ่อแก้ว).

 

 

La cinquième pont relie la province de Bueng Kan à la province de Boli Khamxay (โครงการสะพานมิตรภาพ ไทย-ลาว แห่งที่ 5 – สะพานที่เชื่อมต่อจังหวัดบึงกาฬเข้ากับแขวงบอลิคำไซ)

 

 

Le sixième pont relie la province d’Union Ratchathani à celle de Salavan (โครงการสะพานมิตรภาพ ไทย-ลาว แห่งที่ 6 – สะพานที่เชื่อมต่อจังหวัดอุบลราชธานีเข้ากับแขวงสาละวัน).

 

 

Un suivant dont la construction n'est pas terminée relie la province de Loei à la province de Vientiane (โครงการสะพานมิตรภาพ ไทย-ลาว แห่งที่ 7 - สะพานที่เชื่อมต่อจังหวัดเลยเข้ากับแขวงเวียงจันทน์)

 

 

Un dernier projet relie la province d'Ubon Ratchathani à la province de Champasak (โครงการสะพานมิตรภาพ ไทย-ลาว แห่งที่ 8 – สะพานที่เชื่อมต่อจังหวัดอุบลราชธานีเข้ากับแขวงจำปาศักดิ์).

 

 

NOTES

 

- 1 – Sur les conditions difficiles dans lesquelles travailla Bernard, voir le très précieux article de Miho Matsunuma et Matthieu Séguéla « RECONNAISSANCE DE LA SOUVERAINETÉ OU GRANDEUR TERRITORIALE ? LA DÉLIMITATION DES FRONTIÈRES ENTRE LE SIAM

ET L’INDOCHINE FRANÇAISE EN 1907 » in Société Française d'Histoire des Outre-Mers (S.F.H.O.M) | « Outre-Mers » 2015/1 N° 386-387 | pages 205 à 225

-2 – sur l'acharnement des combats, voir la page (en thaï)

https://th.wikipedia.org/wiki/สมรภูมิบ้านร่มเกล้า

Un site thaï donne une vision sereine du conflit net de ses conséquences :

https://www.silpa-mag.com/history/article_45070

 

- 3 – Un bel exemple dans l'article du journal « Le Monde » :

https://www.lemonde.fr/archives/article/1988/01/03/la-tension-frontaliere-entre-la-thailande-et-le-laos-une-guerre-pour-trois-collines_4075914_1819218.html

 


 

- 4 - http://www.icwa.org/wp-content/uploads/2015/10/ERG-10.pdf

 

- 5 – Voir le site de la Commission (en thaï)

https://www.mfa.go.th/th/content/5d5bd0e815e39c306002206d?cate=5d5bcb4e15e39c306000683d

 

 

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29 décembre 2021 3 29 /12 /décembre /2021 08:31

 

Il est un aspect singulier dans le déroulement des tentatives françaises pour coloniser directement ou indirectement le Siam, c'est celui d'une expansion territoriale en direction de sites inscrits au Patrimoine mondial de l'UNESCO, le site d'Angkor aujourd'hui au Cambodge en 1992, le Vat Phu dans le Champassak (Bassac) aujourd'hui au Laos en 2001 et Preah Vihear aujourd'hui au Cambodge en 2008 situés dans des pays alors sous suzeraineté siamoise..

 

 

Les Français s'intéressèrent les premiers aux anciennes ruines khmères : l'explorateur français Henri Mouhot fut crédité de la « redécouverte » d'Angkor Vat en 1860 complètement abandonné par les rois cambodgiens.

 

 

Un certain nombre d'archéologues et d'historiens furent envoyés pour effectuer des travaux d'exploration et de restauration sur les ruines et la création de l'École française d'Extrême-Orient peu avant cette période ne fut peut-être pas une simple coïncidence.

 

 

EN 1893, la France étend sa suzeraineté sur la rive gauche du Mékong, le Laos. Bien avant, en 1887-1888, l'architecte-archéologue Lucien Fournereau avait obtenu du ministère de l'instruction publique une première mission qui le conduisit aux ruines khmers du Cambodge siamois. Il a le soutien sans faille de deux ministres successifs, Étienne Faye, un juriste député du Lot et Garonne. et Édouard Locroy, un très érudit journaliste député d'Aix en Provence.

 

 

Il disposa de la bienveillance des autorités indo-chinoises et pu constituer une expédition, un aide dessinateur indigène, un charpentier pour les emballages, deux paillotiers pour les échafaudage, cinq ,mouleurs chinois et six coolies annamites, deux collaborateurs européens et en tant que de besoin une escorte militaire ! Il effectuera de nombreux moulages ou estampages, ramènera quelques pièces épigraphiques et constata que, de façon systématique, l'incurie des autorités locales laissait la végétation achever de détruire ce qui restait des ruines. il publia le résultat de ses travaux en 1890, en particulier un très bel album photographique ;  « Les Ruines khmères, Cambodge et Siam, documents complémentaires d'architecture, de sculpture et de céramique » un album de 110 planches en phototypie. .

 

En 1901, Étienne Aymonier publie son monumental « La Cambodge - Les provinces siamoises ». Il y décrit, en dehors des vestiges d'Angkor, longuement deux des temples qui nous intéressent, le Vat Phou de Bassac et le temple de Preah Vihear que nous connaissons de longue date. Des quelques centaines de sites ou de vestiges khmers qu'il décrit longuement, la quasi totalité en était pratiquement inconnue et tous sont dans un pitoyable état de conservation y compris le plus célèbre de tous les vestiges khmers en Thaïlande, le site de Phi Mai, équivalent local du site d'Angkor.

 

 

Il n'y a qu'un siècle, l'accès – quoiqu'il soit proche de Bangkok – au site de Phimai nécessitait une véritable expédition. Les routes ou plutôt les chemins sont impraticables en saison des pluies et pour s'y rendre la seule ressources hôtelière était de se faire héberger au vice-consulat de France s'il voulait bien vous accueillir (1).

 

En 1937 encore, le « Guide Taupin de l'Indochine », parlant de l'accès au Wat Phou et à beaucoup d’autres sites nous dit « ... à l'heure actuelle et pour longtemps encore, les difficultés d'accès et de circulation à l'intérieur du territoire, les très rares ressources qu'il offre par suite de la faible densité de sa population très arriérée, empêcheront le développement du tourisme. Toutefois, les voyageurs se souciant peu de leur confort, jouissant d'une santé robuste, ayant enfin des moyens financiers sérieux, trouveraient ici une région très pittoresque, une mosaïque de races intéressantes à tous égards. Ils auraient en outre, la sensation assez rare en Indochine,de parcourir un pays encore fermé au tourisme proprement dit ». Tout est dit !

 

 

L’appréhension par la France de sites historiques aujourd'hui devenu Lao pour l'un d'entre eux et Cambodgien pour les deux autres nécessite quelques explications.

 

Le royaume de Champassak (Bassac) et le Wat Phu

 

 

La fondation de Champassak en tant que territoire indépendant est généralement fixée au début du XVIIIe siècle, lorsque l'empire relativement puissant de Lan Xang, qui couvrait une grande partie du Laos d'aujourd'hui et du nord-est de la Thaïlande, s'est divisé en trois royaumes indépendants , correspondant aux régions géographiques naturelles du nord, du centre et du sud du Laos. Le Champassak a conservé son statut d'indépendance relative jusqu'à la fin du XVIIIe siècle et a même fait des efforts pour étendre son influence dans le sud du plateau de Korat. À son apogée, son influence s'étendit de Korat aux monts Annamites. Cependant, à la fin du XVIIIe siècle, le roi Taksin du Siam ordonna à son général, le futur roi Rama Ier, de réprimer une rébellion dans la région et Champassak fut placé sous le contrôle du Siam en tant qu'État vassal. Mais comme le royaume, de Champassak, contrairement à Luang Prabang, était situé sur les deux rives du Mékong, la partie occidentale resta après 1893 aux mains des Siamois. Seuls les territoires de la rive est du Champassak tombèrent sous administration française directe. Il faudra attendre le traité de 1904 pour que deux territoires de la rive ouest du royaume soient cédés à la France dont la capitale royale.

 

 

Quel pouvait être l'intérêt de la France de s'emparer de cette toute petite partie de la rive droite du Mékong en 1904 ?

 

Le gain territorial est peu de chose sinon de satisfaire l'orgueil du parti colonial.

 

L'intérêt stratégique est inexistante. La France a déjà depuis 1893 un pied plus ou moins direct sur la rive droite du fleuve en raisons de l'existence de la bande démilitarisée se 25 km de large sur cette rive en sus de la rive gauche.

 

Existait-il le moindre intérêt économique ? La construction d'une voie de chemin de fer allant du Champassak jusqu'à Luang Prabang prévue dans la convention de 1904 pour doubler le trafic fluvial du Mékong incertain selon les saisons, ne fut jamais réalisée et encore moins la construction prévue d'une autre ligne de chemin de fer du Champassak jusqu'à Saigon. Ses seules sinon richesses du moins ressources, sont agricoles qui ne manquent pas à la France entre ses territoires indochinois et laotiens.

 

Il est par contre une raison plus plausible, le territoire siamois de Champassak inclut l'emplacement de plusieurs anciennes ruines khmères. Les Français s'étaient toujours vivement intéressés à l'étude de l'ancienne civilisation khmère et tandis que les perspectives économiques du Laos et du Cambodge s'avéraient de peu d'intérêt, l'intérêt pour le contrôle des monuments khmers sembla augmenter.

 

L'origine de l'École française d'Extrême-Orient remonte à la fondation, par arrêté du gouverneur général de l'Indochine Paul Doumer, en date du 15 décembre 1898, d'une Mission archéologique permanente, dont le projet avait été élaboré par des académiciens et approuvé par l'Académie des inscriptions et belles-lettres. L’École proprement dire est fondée en 1901 et a pour but de se consacrer à tous les vestiges historiques de l'Indochine française, et particulièrement à l'étude des sites archéologiques khmers. Elle se présente alors comme héritière du passé des Khmers et n'hésite pas à dire que leur historique est entre ses mains. À cette époque, les Siamois prêtent peu sinon aucun intérêt aux ruines antiques à la fois sur leur territoire et sur celui des États tributaires. Les Français, en revanche, étaient intéressés à prendre le contrôle de ces sites ce qui semble une probabilité pour les trois sites auxquels nous nous intéressons.

 

Le Wat Phu et son ensemble architectural a eu pour les Khmers une importance capitale puisque probablement le lieu d’origine des dynasties khmères. Il fut découvert à l'abandon par Francis Garnier lors de sa remontée du Mékong.

 

 

Le traité de 1904 est au demeurant présenté comme un échange, la France recevant la petite province de Trat (ตราด) appelée Kratt par les Français leur donnant une ouverture portuaire médiocre sur le golfe de Siam. Les Siamois obtiennent en contrepartie l'évacution de Chantaboun (Chantaburi) occupé depuis 1893, une diminution des privilèges d'extraterritorialité dont bénéficiait ses protégés et l'abandon de la bande démilitarisée de 25 kilomètres sur la rive droit du Mékong qui constituait peu ou prou une occupation déguisée.

 

En sus de la partie occidentale du Champassak, le Siam cédait la province de Sayaburi située elle aussi sur la rive droite du Mékong. Les raisons de la création de cette seconde hernie française sur la rive droite du fleuve, province sans grandes ressources et sans sites architecturaux digne de ce nom, ne sont pas évidentes, probablement de puissants intérêts français dans 'l’exploitation du bois de teck.

 

Le parti colonial considéra qu'il s'agissait d'un marché de dupes, aucune des deux provinces ne présentant alors pas le moindre intérêt stratégique ou économique.

 

 

Le temple de Préah Vihéar (Khao Phra Vihan)

 

 

Nous avons consacré plusieurs articles à ce magnifique vestige dont la construction se situerait entre le IXe et le XIIe siècle au sommet et le long des montagnes Dangrek (2). Il y avait évidemment de quoi susciter l'intérêt des érudits archéologues ou explorateurs français. L'article 1 de la Convention de 1904 définissait la frontière entre le Siam et le Cambodge comme étant la ligne de partage des eaux entre la rivière Mun et le fleuve Mékong. Sur la base de cette définition, le complexe du temple semblerait tomber clairement du côté siamois étant donné qu'il se trouve en dessous de la ligne de crête des montagnes Dangrek et donc dans le bassin versant de la rivière Mun. Cependant, lorsqu'il s'est agi de tracer la frontière, les Siamois, qui n'avaient pas de spécialistes géographes et topographes laissèrent les Français s'occuper des aspects techniques de l'établissement de la frontière et de l’établissement d'une carte qui plaça le temple du côté du Cambodge ….à partir duquel il était pratiquement inaccessible. Ne revenons pas sur la suite ! Il est toutefois permis de se demander les raisons pour lesquelles les cartographes français ont pris une tel intérêt et sur quelles recommandations à conduire une action apparemment délibérée et interprètent de façon fantaisiste les termes du traité. Y eut-il alors volonté non affichée pour prendre le contrôle des ancien sites khmères ?

 

 

Angkor

 

 

La dernière pièce de cette trilogie se situe au Cambodge proprement dit. Son origine est le traité du 5 juin 1867. Le Cambodge était alors incontestablement un état tributaire et vassal du Siam. Le Royaume vivait donc sous la suzeraineté du Siam mais l'influence de l'empire d'Annam y était prégnante. Craignant le dépècement de son pays, le très insignifiant roi Norodom monté sur le trône en 1860 chercha un moyen pour sortir de l'étau formé par ses deux voisins et se plaça délibérément sous la tutelle de la France. Ainsi intervint ce traité, le Siam n'étant pas en mesure de résister à notre pays, nous sommes à l'époque des traités inégaux bien que toujours qualifiés de traités d'amitié. Les termes en sont clairs. La propriété du temple de Préah Vihéar ne se posa pas puisqu'il est inclus dans la province de Siam Raep qui reste siamoise.

 

Le traité de 1907 permit à la France d'agrandir son espace colonial des trois provinces de Siam Reap et Battambang, le Cambodge tout entier devient français, et avait en outre l'avantage de lui offrir une porte largement ouverte sur le golfe de Siam. La France avait d'abord considéré ces territoires cambodgiens comme l'une des clés de la viabilité économique de ses colonies indochinoises et avait tenté pendant près de quarante ans d'en prendre le contrôle. Elle s'apperçut toutefois que le potentiel économique de ces régions était limité. Toutefois la volonté de prendre possession des anciens sites d'Angkor ne fut probablement pas étrangère aux motivations des Français. Ainsi, l'une des explications plausibles de cette acquisition territoriale définitive était la volonté de prendre le contrôle des anciens sites khmers d'Angkor.

 

 

La question reste posée de savoir quelle fut le rôle probablement occulte de l’École Française d’extrême Orient auprès des politiques ?

 

Très vite, un courant d'idée chez nos explorateurs et archéologues naquit, sous l’influence notamment les plus éminents des érudits indianistes, Auguste Barth, Michel Bréal, Émile Senart de la nécessité de créer dans cette région une institution similaire à ce ce qu'étaient pour la Grèce et l'Italie nos florissantes Écoles d'Athènes et de Rome ou pour l’Égypte l'Institut d'archéologie du Caire. Ils ébauchèrent le plan d'une École française de Chandernagor sans susciter grand intérêt dans les sphères qui distribuent les budgets. Il y eut soudan un miracle qui donna corps à ce projet avec M. Paul Doumer, Gouverneur général de l'Indochine entre 1897 et 1902.

 

 

Agissant en proconsul dans un ensemble peu cohérent de pays groupés sous le nom d' « Indochine française », il souhaita en faire un véritable état colonial muni de tous les organes et institutions nécessaires à la vie d'un État. Il créa simultanément un Service géologique pour l'étude du sol, lune Mission scientifique pour celle de la faune et de la flore, l'Observatoire de Phû-liën pour celle des phénomènes atmosphériques. Ardent partisan du colonialisme, dans ses fonctions de gouverneur général de l'Indochine française , il en assainira en outre les finances.

 

Le domaine des sciences humaines, sciences historiques et philologiques : langues, races, religions, idées et coutumes, art, histoire, ne lui était pas non plus étranger. Il ne pouvait être oublié dans le plan d'un homme d’état trop expérimenté (Doumer fut en effet ministre des finances en 1895 et finira sa carrière en 1931 comme Président de la république assassiné par un fou) pour ignorer qu'on ne gouverne pas des abstractions, mais des êtres vivants, pétris d'hérédités anciennes, d'habitudes ancestrales, de croyances profondes et diverses, dont le politique avisé doit tenir compte pour ne pas provoquer de funestes dissentiments.

 

En dehors des efforts ponctuels mais isolés de nombreux érudits, Louis Finot, Parmentier, Aymonier, Fournereau, la création d'une institution était une nécessité. M. Doumer en prit l’initiative et offrit à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres d'en assurer l'organisation et le contrôle scientifique.

 

Ainsi naquit la prestigieuse École française d’extrême orient.

 

Le décret fondateur de 1898 arrête :

Article premier. — II est fondé en Indochine une Mission archéologique permanente. Elle est placée sous l'autorité du Gouverneur général et sous le contrôle scientifique de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de l'Institut de France.

Art. 2. — Elle a pour objet :

1- De travailler à l'exploration archéologique et philologique de la presqu'île indochinoise, de favoriser par tous les moyens la connaissance de son histoire, de ses monuments, de ses idiomes ….

 

Elle commença son travail archéologique au Cambodge et au Laos, en ce compris le Laos siamois et le Cambodge siamois.

 

Le Capitaine Lunet de la Jonquières publie sous l'égide de l’École son monumental inventaire des monuments du Cambodge reprenant les recherches sur le terrain de ses prédécesseurs et les siennes propres. Le volume consacré au seul Cambodge inventorie 300 sites dont beaucoup étaient à l'abandon pur et simple (Preah Vihear et Wat Phu en particulier) ou en pleine décrépitude. Un autre volume publié en 1907 est consacré aux monuments khmers du Siam proprement dit, du Laos français et du Laos siamois (470 sites) souvent dans le même état.

 

 

Doumer eut naturellement connaissance des travaux de l’École. Revenu en France en 1902 et impliqué dans la vie politique toujours à des postes de responsabilités de haut niveau, il semble évident que sa connaissance du terrain et la constatation que ces sites ou monuments étaient laissés le plus souvent en état de total abandon par les autorités locales, siamoises, laos ou cambodgiennes quand ils ne servaient pas de carrières de pierres aux habitants comme le furent le Colisée de Rome ou les pyramides du Caire ne fut pas étrangère aux traités de 1904 et 1907....sans parler des pilleurs d'antiquités khmères comme le fu André Malraux !

 

 

L’École française d’extrême orient fut-elle au service d'un colonialisme architectural ?

 

 

L’École a été pendant des décennies le maître d’œuvre de la restauration des sites d’Angkor. Elle a même fortement contribué au processus de formation de l’identité culturelle du Cambodge, dont le drapeau porte une représentation du temple d’Angkor Wat.

 

 

Considéré, avec Lascaux et Pompéi, comme partie intégrante du «  patrimoine archéologique mondial » à sauvegarder, Compte tenu de l’importance du site, il n’est pas étonnant qu'elle ait fini par s’identifier à la Conservation d’Angkor, installée en 1908 à la pointe ouest du lac Tonlé Sap, au nord-ouest de l’actuel Cambodge, à la diligence de l’administration française de l’Indochine sous le nom de «  Conservation des monuments d’Angkor ».

 


Le « Versailles des Khmers  » comme on disait à l'époque, composé de temples à l'abandon noyés dans une épaisse jungle réputée impénétrable, abandonnés de tous les dirigeants locaux, édifiés au temps où les Capétiens construisaient les cathédrales, suscita un engouement immédiat. Très vite, la puissance de l’empire khmer, le plus grand centre culturel du Sud-Est asiatique pendant la période dite «  angkorienne » du IXe au XVe siècle constitue l’âge d’or, démontra aux fondateurs de l’École le caractère exceptionnel de cet héritage.

 

L'immense site de Bagan en Birmanie et ses 3000 pagodes n'a pas eu ce privilège et fit pendant longtemps et peut être encore aujourd'hui, l'objet d'un pillage systématique.

 

 

Il est à ce jour difficile de savoir ce que représente le bénéfice pour le Laos l'inscription trop récente du site de Wat Phu au patrimoine mondial de l'humanité. Le Laos

 

Il est par contre clair de constater – avant toutefois la crise du Covid - que le tourisme architectural représentait pour le Cambodge une partie considérable de son PIB et que le pays faisait des efforts considérables pour s'ouvrir de plus fort au tourisme.

 

La sauvegarde de son patrimoine architectural doit beaucoup à la fois à l’École française d'extrème orient et à ce qui fut incontestablement un apport positif de la colonisation.

 

 

NOTES

 

1) Voir notre article :

INSOLITE 15 - UNE EXCURSION A PHIMAI … IL Y A UN SIÈCLE.

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2017/01/insolite-15-une-excursion-a-phimai-il-y-a-un-siecle.html

 

2) Voir notre dernier article à ce sujet A 440 Bis - AFFAIRE DU TEMPLE DE PREAH VIHEAR : LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE A-T-ELLE PERDU LA RAISON EN 1962 ? วัดพระวิหาร : ศาลระหว่างประเทศแห่งความยุติธรรมสูญเสียเหตุผลในปี 2505 หรือไม่ ?

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2021/09/affaire-du-temple-de-preah-vihear-la-cour-internationale-de-justice-a-t-elle-perdu-la-raison-en-1962-2505.html

 

 

 

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5 novembre 2021 5 05 /11 /novembre /2021 07:13

Manifestation anti française à Bangkok, circa 1940

 

Lorsqu'éclata le conflit frontalier franco-thaï en 1940, le pays va connaître une virulente campagne contre les prêtres et les catholiques tous assimilés à des espions potentiels pour le compte de la France. Même les prêtres salésiens tous italiens, arrivés en 1927 à la demande des Missions Étrangères seront inclus dans cette campagne ainsi que les prêtres siamois, le clergé étant alors très majoritairement siamisé ainsi que les catholiques siamois,

 

 

 

 

Cette période de persécution reste une question sensible, dont les sources sont difficiles à obtenir. Le gouvernement Phibun fut intentionnellement discret sinon secret en ce qui concerne son programme religieux. Les dossiers du ministère de l'Intérieur confirmant l'existence d'une politiques anti-catholique restent vagues quant aux origines et à la nature exacte de la politique. Les témoignages des catholiques sont beaucoup plus clairs mais se pose la question de leur objectivité.

 

 

Toutefois, deux solides études universitaires dont une thèse magistrale, toutes deux récentes (2009 et 2011) fondées sur des documents d'archives difficiles d'accès, notamment celles du Ministère de l'intérieur et sur les témoignages et les souvenirs de catholiques, permettent de découvrir un coin de ce voile ou une grande partie couvrant cet épisode qui n'est pas à la gloire du gouvernement du Maréchal Phibun. Nous vous en donnons les références en fin d'article en citant nos sources

 

 

Il dirige alors le pays est d'une main de fer, grand admirateur de Mussolini (qui serait d'ailleurs venu en visite officielle à Bangkok mais je n'ai pu vérifier l'information).

 

 

Le nationalisme de Phibun a son idéologue, Luanda Wichitakan (หลวงวิจิตรวาทการ ) qui fut l’initiateur du changement de nom du pays de Siam en Thaïlande.

 

 

C'est également un historien, il revendique avec le Maréchal le retour au « Grand Siam » des temps anciens qui aurait alors compris plus de 30 millions d'habitants. C'est le rève de ce « grand Siam » dans une grande Asie « décolonisée »,

 

 

Le projet est quelque peu mégalomaniaque et ne repose que très partiellement sur de sérieux fondements historiques.

Par ailleurs, l'heure n'est, de loin pas, à la francophilie. Il en est deux explications.

 

La guerre de 1893 et les traités de 1904 et 1907

 

Le traité de 1893 conclu avec la France sous la menace des canons a amputé le Siam de plus du tiers de ses territoires, la rive gauche du Mékong en particulier et toutes les îles et pratiquement une bande de 25 kilomètres sur la rive droite. Pour les Siamois, c'est tout simplement une nouvelle version de la fable du loup et de l'agneau. Pour les historiens locaux, c'est une page sombre de l'histoire du Siam (1).

 

 

L'incident ayant conduit à ce traité honteux pour les Siamois a de tout évidence été monté en épingle par la France (2)

 

Le Siam revendiquait sur la rive gauche du Laos des droits de suzeraineté à tort ou a raison mais plus à raison qu'à tort. La France prétendait tenir ses droits à tort ou à raison mais plus à tort qu'à raison de sa domination sur l’Annam lequel empire annamite aurait eu des droits de suzeraineté fuligineux sur le Laos.

 

 

Cet événement fut considéré par les Siamois et pas seulement par les nationalistes tout comme le fut en France la perte de l'Alsace-Lorrraine. d'autant que le Siam devra ultérieurement et toujours sous la contrainte, en 1904 et 1907 , céder à la France ses provinces cambodgiennes  de Battambang et de Siamrep et  celles laotiennes  de Champassak et de Sayabouru, toutes deux situées sur la rive droite du Mékong.

 

 

 


 

Le régime des protégés


 

Tous les traités dit « d'amitié » conclus entre le Siam et les pays occidentaux prévoyaient que les nationaux résidant au Siam et leurs « protégés » échapperaient à la justice siamoise, à sa fiscalité et bien évidement aux corvées et au service militaire. La question était évidement de savoir ce que l'on entendait pas « protégés ».

 

Or la France fut le seul pays occidental à inclure systématiquement parmi ses protégés tous les habitants du Siam qui y demeuraient souvent depuis plusieurs générations mais originaires de territoires soumis à sa domination c'est à dire Laos, Cambodge et Vietnam essentiellement. Y furent inclus les Chinois au prétexte que la Chine n'avait pas de représentation consulaire au Siam puis peu à peu tous les catholiques.

 

Sur ce, le traité de 1893 permit à la France d'installer des antennes consulaires oú bon lui semblait : Chiangmaï, Nan, Makkeng (Udonthani), Khorat, Ubonrachathani et Chantaboun en sus de Bangkok. Elles devinrent purement et simplement des usines à délivre des certificats de protection de complaisance mais hors tout contrôle des Siamois puisque les Français chercheront à empêcher l’accès des autorités siamoises aux listes de leurs sujets et protégés. Celles-ce se trouvent actuellement aux Archives de Nantes mais leur état n'en permets parait-il pas pas la consultation !

 

Par ailleurs, les consuls de la république laïque et anticléricale utilisent les services des missionnaires pour leur permettre de délivrer des certificats de protection à leurs ouailles. Le Consul général Auguste Pavie lui même quoique totalement agnostique et franc-maçon, avait recommandé que tous les catholiques asiatiques soient enregistrés comme protégés français. En 1894, une partie de l'indemnité de 3 millions de francs que le Siam s'était engagé à payer à la France en vertu du traité de 1893 fut même en partie (250.000 francs) attribuée au Vicariat de Siam pour promouvoir l'œuvre missionnaire. Les intentions des missionnaires étaient évidement bonnes mais de celles dont l'enfer est pavé. Monseigneur Vey, vicaire apostolique entre 1875 et 1909 avait tenté de s'opposer à la délivrance de certificats de protections par les missions, conscient probablement que beaucoup de baptêmes n'étaient de la part des nouveaux chrétiens pas d'une sincérité absolue ?

 

Bon nombre de sujets incontestablement siamois depuis des générations purement échapper non seulement à la justice locale mais encore au service armé, à la fiscalité et à la corvée. Les conflits vont être permanents entre les autorités locales, les vice-consuls, les missionnaires et le pouvoir central.

 

L'opinion du « parti colonial » était simple, cette colonisation de l'intérieur dans un pays de 6 millions d'habitants, une population de 6.000.000 d'habitants dont 500.000 Cambodgiens, 1.000.000 de Laotiens, 1.200.000 Chinois sans compter les Annamites conduit un jeune diplomate alors en poste à écrire « Si le gouvernement Français voulait prendre le Siam sans dépenser une goutte de sang, et un sou, ce serait la chose la plus facile du monde » écrit-il. Nous retrouvons ses propos dans les écrits d'Isabelle Massieu, peut être aventurière mais tous deux en matière de politique internationale raisonnaient comme des tambours de bronze, oubliant tout simplement qu'une occupation du Siam par la France entraînerait des réactions virulentes de l'Angleterre qui souhaitait que subsiste un état tampon entre ses colonies d'Indes et Birmanie et celle de la France. La correspondance privée de ce jeune diplomate a été publié par son petit fils et nous lisons dans un courrier de 1895 « J’ai reçu une magnifique lampe à suspension d’un Chinois anonyme protégé. C’est l’habitude ici d’envoyer des cadeaux qu’on ne peut refuser. Ma lampe vaudrait bien 600 francs. Et des potiches chinoises, des porcelaines, tous nos riches protégés sont très généreux, quelques-uns sont millionnaires ». Les fonctionnaires de la république, très dignes représentants de leur pays au Siam, reçoivent donc des « cadeaux » de Chinois anonymes ? Ce sont ces mêmes généreux et anonymes Chinois dont il écrit à la même époque : « Je songe à la force de ces sociétés chinoises, et à leur richesse aussi, puisque l’une d’elles n’hésitait pas à débourser deux fois 5.000 ticaux pour sauver un de ses membres, soit 16.000 francs ». C'est dire tout simplement que les certificats de protection sont à vendre ! En bon droit, cela s'appelle de la corruption pure et simple puisque ces cadeaux s'ajoutaient aux droits de chancellerie régulièrement payés pour l'établissement des certificats.

 

 

Aucun des pays occidentaux alors présents n'a jamais osé aller aussi loin. Nous avons des chiffres en 1912 qui nous indiquent 517 sujets britanniques et 534 protégés, 264 allemands qui protègent 27 Suisses et 653 Turcs à comparer aux 240 sujets français et 5120 protégés, en réalité probablement 20 ou 30.000. Ces chiffres sont ceux de l'année 1912 portés dans le Bangkok Siam Directory de 1914 sur des sources siamoises mais ne peuvent être précises en ce qui concerne le nombre des protégés comme nous venons de le voir. Ce n'était pas dramatique pour la suzeraineté siamoisen ça l'était beaucoup plus quand ils étaient quelques dizaines de milliers,

 

Ce régime de protection dépouillant le Siam d'une partie de ses droits souverains ne disparut définitivement qu'en 1925 mais avait laissé des souvenirs cuisants. Il a fait l'objet d'une thèse monumentale de mon ami Rippawat Chirapong en 2016 à l'Université Paris Diderot sous le titre « La question de l'extra territorialité et ses conséquence juridiques successives concernant les protégés français au Siam dans le cadre des relations franco-siamois de 1893 à 1907 » (4). C'est la seule étude exhaustive sur ce sujet et par bonheur elle n'est ni en anglais ni en thaï.

 

En 1940 ..

 

 

et 1941,

 

 

....des manifestations virulentes contre la France sont signalées à Bangkok, reste à savoir si elles étaient spontanées ou suscitées ce que nous ne saurons jamais, elles ne semblent toutefois pas avoir été dirigées contre les catholiques. En tous cas le Maréchal Phibun recevait toujours les chefs de file de ces manifestations irrédentistes.

 


 

Cette poudrière attendait d'être enflammée.

 


 

L'animosité à l'égard des Missions catholiques n'a pas attendu le déclenchement de la guerre de 1940 pour se manifester. Nous pouvons citer des incidents ponctuels

 

Les catholique sont d'ailleurs responsables d'un premier incident ancien  et intempestif: En 1885, une foule de catholiques convertis avait pris d'assaut le Watt Kaeng Mueang (วัดแก่งเมือง) de Nakhon Phanom  détruisant les statues sacrées du temple bouddhiste et les reliques dans un accès de ferveur religieuse.

 

 

Les représailles s'avérèrent rapides et brutales. Les autorités ordonnèrent la destruction de plusieurs maisons appartenant à l'Église et habitées par des convertis. Des fonctionnaires catholiques furent arrêtés et flagellés jusqu'à ce qu'ils promettent d'arrêter leur collaboration avec le clergé. D'autres convertis furent menacés ou soumis à un chantage jusqu'à ce qu'ils promettent de mettre fin à leur appartenance à la religion étrangère

 

Des incidents graves éclatent en juin et septembre 1930 à Bangbuathong (บางบัวทอง) dans la province de Nonthaburi (นนทบุรี) et à Ban Paeng (บ้านแพง) dans la province de province de Singhburi (สิงห์บุรี). Les églises sont incendiées, le vicaire apostolique considère qu'il s'agit d'incendies criminels ce que contestent les autorités locales. Il y aurait eu dans la communauté villageoise des mécontents du refus de la paroisse de permettre à leur bétail à paître sur les terres paroissiales ? Le doute subsiste. Il s'agissait certes de violences contre la propriété mais pas d'un mouvement de persécution généralisé.

 


 

Jusqu'en 1939 le autorités religieuses sont invitées aux cérémonies locales comme l'anniversaire du coup d'état de 1932 ou de la constitution qui a alors proclamé – faut-il le rappeler – la liberté religieuse.


 

La rhétorique nationaliste au cours de cette période n'était toujours pas explicitement anti-française. C'était peut-être l'absence de cet élément qui a bercé la Mission dans un faux sentiment de sécurité dans les années 30 et lui a permis de considérer les événements comme un phénomène purement local.

 

Le Maréchal Phibun choisit de faire entrer son pays en guerre aux côtés du Japon. Il n'a jamais caché sa sympathie non pas peut être pour le régime allemand, mais pour la fascisme italien et pour le Japon qui est en quelque sorte un pays frère. C'est aussi un choix d'opportunité, les Allemands sont maîtres de l'Europe entièreet seront bientôt au portes de Moscou. Seule résiste l'Angleterre. Le Japon après s'être emparé de partie de la Chine et de la Corée va lancer une offensive fulgurante au travers de la Malaisie après que Singapour, forteresse inexpugnable tombée comme un fruit mur.

 

 

Il était difficile à cette époque d'imaginer que quatre ans plus tard cette guerre se terminerait en apocalypse. Ce fut un mauvais choix.

 

 

Le choix de courir auprès du vainqueur fut celui de roi Rama VII qui s'engagea en juillet 1917 dans la guerre aux côtés des alliés dont la victoire était alors inéluctable, en invoquant des grands principes auxquels, d'un nationalisme virulent, il ne croyait pas un mot.

 

Les négociations avec la France avant la guerre avaient prouvé que le gouvernement français était disposé à faire des modifications mineures dans les frontières entre la Thaïlande et l'Indochine française. Après la défaite de la France en 1940, le Maréchal Phibun décide que la situation donne aux Thaïs une chance de regagner les territoires perdus pendant le règne du Roi Chulalongkorn. Bien que cette guerre régionale tourne dans un premier temps à l'avantage de la Thaïlande, l'Indochine française, privée du soutien de la métropole, résiste pourtant à l'invasion et le Japon intervient pour mettre un terme au conflit.

 

La France retrocèdeà la Thaïlande les provinces cambodgiennes de Battambang et Siem Reap, et laotiennes de Champassak et Sayaboury. C'est incontestablement un triomphe pour Phibun qui est salué par la population qu'elle soit ultra nationalise, nationaliste, irrédentiste ou pas.

 

 

Lorsqu'il s'agira après la guerre à la Thaïlande de négocier son admission aux Nations Unies, Pridi qui n'avait rien d'un nationaliste puisqu'il était l'un des animateurs du mouvement de résistance, se battra bec et ongles pour conserver à son pays ces acquis territoriaux qu'il estimait légitime, tout simplement patriote.

 

 

Au sein des missions elles-mêmes, la question s'était posée de savoir quelle serait la positon des missionnaires français - dès avant que la guerre n'éclate - lorsque la Thaïlande entrerait en guerre contre la France ou plutôt contre l'Indochine française quand ils finirent par être conscients de la menace. Se posa aussi la question des salésiens italiens.

 

 

Le Monument de la victoire (Victory Monument - อนุสาวรีย์ชัยสมรภูมิ), toujours présent à Bangkok, célèbre la victoire de juin 1941.

 


 

Les postes thaïes ont honoré le Maréchal Phibun d'une émission philatélique en 2019 ce qu'elles font de façon strictement marginale pour les personnages qui n'appartiennent pas à la famille royale.

 

 

 


 

La conflit frontalier coïncide avec le début d'une période de quatre ans d'une campagne ouvertement destinée à affaiblir la position de l'Église catholique en Thaïlande : écoles fermées, biens confisqués et membres du clergé emprisonnés. Des foules en colère pillent et incendient des églises, tandis que la population locale boycotte les commerces appartenant à des Thaïs catholiques. La forte association du catholicisme avec le colonialisme français, conjugué au déclin de la France, ont fait de l'Église le cible idéale pour les forces anti-impérialistes bien après que la Thaïlande ait gagné la guerre.

 

La situation se tendit lorsque cinq avions français bombardèrent Nakhon Phanom et firent des blessés civils siamois. Le souvenir ne s'en est pas perdu chez les Thaïs (5) et l'opinion publique devient ouvetement hostile aux catholiques qu'elle considèrent comme étroitement liés à la France.

 

 

 

Les missionnaires

 

 

Le 28 novembre 1940, tous les Européens, en particulier les citoyens français, ont reçu l'ordre de quitter les zones frontalières dans le nord-est et l'est dans les 24 à 48 heures, ils eurent le choix de venir à Bangkok ou de partir dans un autre pays. Cela n'avait rien d'exceptionnel, les deux pays étant en guerre ouverte. Certains prêtres, comme le P. Paul Figuet, curé de Songkhon (สองคอน), ont pu partir assez facilement en traversant simplement la Mékong en Indochine française. Nous retrouverons plus bas ce village, situé dans le district de Wan Yai (หว้านใหญ่) dans la province de Mukdahan (มุกดาหาร). En revanche, les prêtres d'autres régions ont rencontré des problèmes allant du harcèlement à la violence et à la détention. Par exemple, trois prêtres de Nong Saeng (หนองแสง) dans la province d'Udonthani dont Monseigneur Gouin, le vicaire apostolique du Laos (1922-1943), ont été emprisonnés dans une cage par des militaires et des policiers avant d'être expulsés (6). Pendant ce temps, des religieuses furent sévèrement battue avant d'être poussées dans un petit bateau et abandonnée au milieu du Mékong sans rameur. Les prêtres étrangers dans le les paroisses de l'Est ont également reçu un traitement similaire. A Paetriu (แปดริ้ว) dans la province de Chachoengsao,(ฉะเชิงเทรา), les prêtres ont été appréhendés en pleine nuit par une dizaine de policiers, battus et exposés à une foule avant d'être à nouveau battus. Après cela, ils ont été conduits à un autre poste de police et durent signer une déclaration selon laquelle ils quitteraient la zone dans les 48 heures, après quoi ils furent libérés. D'autres prêtres ont été simplement menacés et durent promettre qu'ils partiraient dans les 48 heures.

 

À ce stade, la principale préoccupation du gouvernement central était que les étrangers quittent les zones de crise c'est à dire les zones frontalières soit pour un autre pays, soit pour Bangkok, où ils pourraient être placé sous le contrôle du gouvernement : les deux alternatives ont été conçues pour éloigner les étrangers dans le conflit imminent avec la France. Le gouvernement central n'a très certainement jamais donné l'ordre de tuer ou emprisonner mais simplement de les retenir et les forcer à partir ou les arrêter et les envoyer au siège de la police mais seulement s'ils résistent. En l'absence d'ordres clairs, les autorités locales ont mis en œuvre leur propre interprétation de la politique officielle.

 

Un nouvel ordre fut donné par à la police le 6 janvier 1941 concernant tous les missionnaires français restés en province pour qu'ils soient rassemblés à Bangkok dans la mesure ou l'évacuation forcée précédente n'avait pas été bien effectuée. Néanmoins, les restrictions imposées par la police aux mouvement des missionnaires les empêchait d'effectuer leur apostolat et, en février 1941, beaucoup décidèrent qu'il valait mieux quitter le pays. Mais il est constant que ni eux ni la hiérarchie de la Mission à Bangkok, n'étaient officiellement expulsé du pays.

 

Un seul prêtre a payé de sa vie sa foi catholique, Nicolas Bunkerd Kitbamrung (นิโคลาส บุญเกิด กฤษบำรุง) qui était thaï (7). Nous reviendrons plus bas sur ce martyre.

 

 

 

Les catholiques

 

Ils furent victimes des dispositions gouvernementales d'une part et des agissements incontrôlés d'un groupe sur lequel plane toujours un lourd mystère, le Khana luad thai (คณะเลือดไทย – Groupement du sang thaï)

 

Les persécutions gouvernementales

 

Dans les écoles publiques, les administrateurs organisaient des assemblées pour jeter le discrédit sur le catholicisme dans l'esprit des participants. Certains enseignants ont parlé du christianisme comme principale raison du déclin général de l'Occident (8). La campagne contre le catholicisme prit de l'ampleur, le gouvernement faisant fermer les écoles catholiques et les transformant en écoles publiques avec un nouveau programme d'études. Les enseignants ordonnèrent que les croix et les images pieuses soient arrachées du murs et demandèrent ironiquement aux étudiants catholiques d'expliquer pourquoi puisque leur Dieu était si puissant, ne les avait-t-il pas punis de leur sacrilège ? Dans la province de Nong Khai, un directeur d'école donnait une explication fuligineuse ; la France avait été victorieuse de l'Allemagne lors de la Première Guerre mondiale en raison de l'aide reçue des Allemands espions catholiques. Lorsque par la suite les nazis éliminèrent le catholicisme du pays et que l'Allemagne ne fut plus en proie à l'espionnage catholique, la Wehrmacht n'a mis que sept jours pour vaincre la France (9).

 

Les catholiques thaïs vont être étiquetés comme « cinquième colonne » et soumis à toutes sortes de persécutions. Les dirigeants provinciaux et municipaux interdirent tous les services religieux, et firent pression sur les catholiques pour qu'ils « retournent » à la religion nationale, le bouddhisme. Des foules attaquèrent les des prêtres locaux et pillèrent des églises catholiques. Les fonctionnaires du gouvernement firent fermer les églises, les écoles et les pensionnats pour les convertir en écoles, bureaux ou même monastères bouddhistes. Les catholiques qui refusaient de se convertir au bouddhisme pouvaient être licenciés de leur emploi ou condamnés à une amende. Quand il ne resta plus que les prêtres thaïs et les prêtres salésiens ceux-ci subirent les mêmes menaces tant de la foule que des gouvernement locaux et ce malgré l'alliance entre les deux pays.

 

Les deux documents que nous citons dans nos sources contiennent de multiples récits des agressions dont furent victimes les catholiques.

Le Khana luat thai

 

 

En dehors des dispositions gouvernementale restées occultes, intervient un mouvement secret sur lequel il est difficile de trouver aujourd’hui le moindre renseignements. le Khana luatthai (คณะเลือดไทย) groupement de sang thaï dont les membres se livrent à des exactions en dehors des persécutions gouvernementales. Servit-il d'exécuteurs de basses besognes sous la direction évidement occulte de Luang Wichitwathakan ?

 

 

La question n'est pas encore résolue. Dans les quelques documents qui subsistent, il présente le bouddhisme comme une partie essentielle de l'identité nationale afin de marginaliser les catholiques et de les présenter comme déloyaux. Le catholicisme était représenté comme une religion définitivement française sous les arguments les plus simplistes.

 

Ce groupe fut responsable de beaucoup de persécutions incontrôlées. Il semble qu'il n'ait pas été officiel et indépendant du gouvernement. Son niveau d'organisation permets toutefois de se poser des questions puisqu'il existe des antennes à Bangkok, Chiang Mai et Phananikhom dans l'est du pays. En effet, leur chef était Prasert Tharisawat ( ประเสริฐ ธารีสวัสดิ์) fonctionnaire du Bureau de la propagande du gouvernement. Il était le frère cadet de Luang Thamrongnawasawat  (หลวงธำรงนาวาสวัสดิ์), ministre de la justice de 1938 à 1944. Cependant, il semble qu'il n'y ait eu aucun fonctionnaires directement affilié au groupe, le gouvernement ne souhaitant pas le soutenir activement. Néanmoins, ce groupe était le seul à être systématiquement mentionné par les comptes rendus des missionnaires comme un auteur principal majeur des harcèlements contre l'Église catholique, ses biens et son personnel.

 

 

La fin des hostilités ?

 

Avec la fin des hostilités fin janvier 1941, la plupart des dirigeants catholiques croyait que le gouvernement cesserait de harceler l'Église. En fait, la victoire militaire de la Thaïlande sur la France n'a fait qu'enhardir le gouvernement dans ses efforts pour chasser les catholiques de Thaïlande. Bien que Bangkok ait annulé les arrêtés d'expulsion et décrété que tous les citoyens français pouvaient retourner en Thaïlande, les autorités locales refusèrent de respecter ces consignes en ce qui concernait l'Église. Des prêtres qui tentaient de retourner dans les paroisses de Nakhon Phanom ont été arrêtés par des police et plus tard libérés à condition qu'ils retournent à Bangkok. Dans la province d'Ubon, une religieuse a été emprisonnée pendant un an pour avoir tenté de convaincre des proches de ne pas entrer dans un monastère bouddhiste. Dans les écoles publiques, les enseignants et les administrateurs ont continué leurs persécutions contre les étudiants catholiques.

 

La fin des persécutions a commencé à décliner lorsqu'il est devenu clair que le Japon perdrait la guerre et que l'Occident reviendrait en Asie du Sud-Est. Après la démission de Phibun de son poste de Premier ministre en 1944, les nouveaux dirigeants du pays ont pris leurs distances avec son agressivité nationalistes et ont tenté de cultiver le soutien des Alliés. Le mouvement anti-catholique a été l'une des premières politiques à être abandonnée. Le gouvernement thaïlandais comprit que le Vatican pouvait être un allié utile pour tenter d'éviter l'occupation par les Britanniques après la guerre. Ainsi, le gouvernement de Khuang Aphaiwongse a publiquement prononcé son attachement aux principes de la liberté religieuse inscrits dans la constitution thaïlandaise de 1932. Brutalement le ministère de l'Intérieur entama des discussions avec la hiérarchie pur l'informer que le gouvernement accordait une priorité absolue au processus de restitution des terres et des bâtiments appartenant légitimement à l'Église. La Thaïlande renversa complètement sa politique d'élimination du catholicisme dans le pays.

 

 

La question de savoir dans quelle mesure l'Église a été indemnisée pour la confiscation ou des biens endommagés dans le cadre de la réconciliation d'après-guerre n'est pas totalement élucidée mais il est clair, cependant, que l'Église catholique a pu rapidement reconstruire son organisation en Thaïlande malgré quatre ans persécution intenses.

 

Ce triste épisode de l'histoire de la Thaïlande aurait pu ne rester qu'un sombre souvenir historique s'il n'avait été assombri par les assassinats de ce qu'il est convenu aujourd'hui d'appeler les bienheureux martyrs du Siam.

 

Les martyrs du Siam (มรณสักขีแห่งสยาม)

 

 

Nous avons parlé de Nicolas Bunkerd Kitbamrung qui n'a pas directement été assassiné mais mourut en prison de mauvais traitements. Il fut béatifié le 5 mars 2000 par le pape Jean-Paul II et sa fête est le 12 janvier.

 

Sept autres catholiques avaient été assassinés non pas par le Khana luat thai mais par la police. Sept catholiques qui n'étaient ni français ni prêtres furent arrêtés en décembre 1940 dans le petit village de Songkhon (สองคอน) entièrement catholique dans le district de Wan Yai (หว้านใหญ่) sur les rives du Mékong et peu de distance en amont de Mukdahan (มุกดาหาร). Ils furent tués in odium fidei. Certains étaient des enfants. Un religieuse, Soeur Agnès Phila, écrivit au chef de la police du district qui leur demandait d'abjurer, en leur nom à tous, la lettre suivante « Hier soir, vous nous avez ordonné d'oublier le Nom de Dieu, le Seul Seigneur de nos vies et de nos esprits. Nous n'adorons que Lui, monsieur. Quelques jours plus tôt, vous nous aviez dit que vous n'effaceriez pas le Nom de Dieu et cela nous avait plu de sorte que nous avons repris nos habits religieux qui montraient que nous étions ses servantes. Mais ce n'est pas le cas aujourd'hui. Nous professons que la religion du Christ est la seule vraie religion. Par conséquent, nous aimerions donner notre réponse à votre question, posée hier soir, à laquelle nous n'avons pas eu la possibilité de répondre car nous n'y étions pas préparés. Maintenant, nous aimerions vous donner notre réponse. Nous vous demandons de respecter les ordres que vous avez reçu. Merci de ne plus tarder. Veuillez nous ouvrir la porte du ciel afin que nous puissions confirmer qu'en dehors de la religion du Christ, personne ne peut aller au ciel. Nous y sommes préparés. Quand nous serons partis, nous nous souviendrons de vous. S'il vous plaît, ayez pitié de nos âmes. Nous vous en serons reconnaissants. Et le jour du jugement dernier, nous vous retrouverons face à face. Nous sommes : Agnès, Lucia, Phuttha, Budsi, Buakhai, Suwan. Nous aimerions amener la petite Phuma avec nous parce que nous l'aimons tellement. ». lls furent tous fusillés. Ils furent béatifiés par le Pape Jean Paul II le 22 octobre 1989. Leur fête est le 16 décembre (10).

 

 

SOURCES

 

« Thai Nationalism and the Catholic Experience, 1909-47 » de Apisake Monthienvichienchai : A Thesis Submitted for the Degree of Doctor of Philosophy - University of London School of Oriental and African Studies – 2009. Cet ouvrage de 40 pages est numérisé sur

https://eprints.soas.ac.uk/28932/1/10673176.pdf

« An uncivil state of affairs: Fascism and anti-Catholicism in Thailand, 19401944 » in Journal of Southeast Asian Studies, 42(1), pp 5987 February 2011. Une oublication de The National University of Singapore.

 

 

NOTES


 

(1) Voir notre article

H17- L’OCCUPATION DE CHANTHABURI PAR LES FRANÇAIS, « UNE PAGE SOMBRE DE L’HISTOIRE DU SIAM » (1893-1905) . https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2017/11/h17-l-occupation-de-chanthaburi-par-les-francais-une-page-sombre-de-l-histoire-du-siam-1893-1905-premiere-partie.html

  1. Voir nos articles

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/search/1893/3

H 2 - L’INCIDENT DE PAKNAM DU 13 JUILLET 1893 : II – LE PROCÉS : JUSTICE DES VAINQUEURS OU JUSTICE DE CONCUSSIONAIRES ?

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2016/10/h-2-l-incident-de-paknam-du-13-juillet-1893.html


 

(3) Voir nos articles

A 192 - A LA DÉCOUVERTE DU SIAM PAR MADAME MASSIEU, UNE « AVENTURIÈRE FRANÇAISE » DE LA FIN DU XIXÈME

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2015/08/a-la-decouverte-du-siam-par-madame-massieu-une-aventuriere-francaise-de-la-fin-du-xixeme.html

A 200 – QUELQUES COMMENTAIRES Á PROPOS DE « RAPHAËL RÉAU, JEUNE DIPLOMATE AU SIAM (1894-1900

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2015/12/a-200-quelques-commentaires-a-propos-de-raphael-reau-jeune-diplomate-au-siam-1894-1900.html


 

(4) Voir notre article H 53 - LES TENTATIVES DE COLONISATION FRANÇAISE DU SIAM DE L’INTÉRIEUR DE 1856 A 1939 PAR LE RÉGIME DES PROTÉGÉS: L’ANALYSE D’UN UNIVERSITAIRE THAÏ.

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2020/01/h-53-les-tentatives-de-colonisation-francaise-du-siam-de-l-interieur-par-le-regime-des-proteges-l-analyse-d-un-universitaire-thai.ht

Elle est numérisée

http://theses.md.univ-paris-diderot.fr/CHIRAPHONG-RIPPAWAT-va.pdf

 

(5) Voir un petit ouvrage daté de 1998 qui semble avoir bénéficié d'un tirage massif : ฝร่งเศถล่มนครพนม (Les Français bombardent Nakhon Phanom) sous la signqture de charoen tanmahaphran qui est un écrivain à succès (เจริญ ตันมหาพราน).

 

 

(6) Début 1939, il se trouva immédiatement mêlé aux troubles très graves consécutifs à l'état de guerre où est plongée la France. Le Siam en profite pour ouvrir les hostilités et les missionnaires, avec leur évêque, sont chassés de la rive siamoise de la mission. Mis en cage de fer avec quelques confrères, Mgr. Gouin a vécu la ruine de sa mission avant d'être expulsé sur la rive française : cathédrale, évêché, séminaire, tous les bâtiments sont détruits, églises expropriées et incendiées. De 1940 à 1943, Monseigneur Gouin continue son apostolat à Thakhek, sur la rive partie Est de la Mission du Laos (alors française) ; mais vaincu par la fatigue et la maladie, il donne sa démission qui est acceptée par Rome le 1er juillet 1943. Le 9 mars 1945, les Japonais, après avoir envahi le Laos, renversent l'administration en place et internent tous les Français dans des camps de concentration. Mgr. Gouin est arrêté avec Mgr. Thomine et le Père Thibaud, ainsi que plusieurs fonctionnaires français. Liés les uns aux autres, ils sont menés à Nakay, à environ 80 kms de Thakhek, où ils sont sauvagement fusillés par les Japonais, le 21 mars. Les corps, laissés cinq jours à découvert sont inhumés sur place, puis ramenés à Takhek où des funérailles solennelles ont lieu en mai 1946.

 

(7)  Envoyé dans la mission de Khorat, les autorités le soupçonnèrent de collaborer avec les Français. Il fut arrêté le 12 janvier 1941, il se trouvait alors dans sa paroisse de Santa Teresa. La cloche qu'il sonna pour la messe permit de le repérer et donna le signal de son arrestation. Il fut accusé de « rébellion contre le royaume » et emprisonné à la prison de Bang Khwang  (เรือนจำกลางบางขวาง) et condamné à 15 ans d'emprisonnement. Pendant sa captivité, il prêcha l’Évangile et baptisa 68 camarades de captivité. Il contracta la tuberculose et les soins lui furent refusés parce qu'il était catholique. Il mourut en prison de sa tuberculose le 12 janvier 1944 .

 

(8) Nous retrouvons singulièrement les thèses de Voltaire, Nietzsche et d'autres libre-penseurs anti-chrétiens. ainsi que celle du philosophe Celse sur les causes de la chute de l'empire romain par la perversion des valeurs consécutive à l'adoption toute récente du christianisme devenue religion d'état en 395.

 

(9) Tous les historiens admettent que la conduite des Alsaciens-Lorrains devenus allemands en 1871et mobilisés dans l'armée de l'empire fut exemplaire de loyauté. En ce qui concerne la Wehrmacht, il faut rappeler qu'Hitler n'a jamais éradiqué le catholicisme et que la population se partage entre catholiques et luthériens.

 

(10) Ils étaient Philip Siphong Onphitak, catechiste, âgé de 33 ans (ฟิลิป สีฟอง อ่อนพิทักษ์ ), la sœur Agnès Phila, âgée de 31 ans (อักแนส พิลา ทิพย์สุข) , la sœur Lucia Khambang, âgée de 23 ans (ลูซีอา คำบาง สีคำพอง), et les laïcs, Agatha Phutta, âgée de 59 ans (อากาทา พุดทาองไว), et trois enfants : Cecilia Butsi, âgée de 16 ans (เซซีลีอา บุดสี), Bibiana Khampai, âgée de 15 ans (บีบีอานา คำไพ) et Maria Phon, âgée de 14 ans (มารีอา พร ). Les deux religieuses furent violées avant leur exécution.

 

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23 septembre 2021 4 23 /09 /septembre /2021 07:13

 

L'ancienne capitale khmère d'Angkor, au Cambodge, est l'un des sites antiques les plus grands et les plus reconnaissables au monde en raison de son architecture riche en iconographie et magnifiquement construite. Entre le neuvième et le début du quatorzième siècle, l'influence culturelle et le contrôle politique d'Angkor s'étendaient sur une grande partie du Cambodge, le Plateau de Khorat au nord-est de la Thaïlande et au sud du Laos. Lorsque l'empire khmer s'est effondré, il a laissé derrière lui un paysage couvert de temples et de sites connexes, dont quelque 300 se trouvent en Isan (le nord-est de la Thaïlande) 66. Il en est de majestueux, Phimai ....

 

 

...ou Phanomrung par exemple ...

 

 

... et bien d'autres plus modestes,

 

 

...parfois de simples vestiges abandonnés totalement ignorés de tous les guides et les circuits touristiques.

 

 

La possession de l'un de ces temples périphériques, Preah Vihear, fluctue entre la Thaïlande et le Cambodge depuis plus de 100 ans, étant situé sur la frontière disputée entre les deux pays. Le site se trouve maintenant à 700 mètres au Cambodge.

 

 

Cette question frontalière fit l'objet de traités successifs entre le Siam et la France.

 

Le traité du 5 juin 1867

 

Le Cambodge est incontestablement un état tributaire vassal du Siam. Le Royaume vit donc sous la suzeraineté du Siam et l'influence e l'empire d'Annam y est prégnante. Craignant le dépècement de son pays, le très insignifiant roi Norodom monté sur le trône en 1860 cherche un moyen pour sortir de l'étau formé par ses deux voisins et se place délibérément sous la tutelle de la France. Ainsi est intervenu ce traité, le Siam n'étant pas en mesure de résister à notre pays, nous sommes à l'époque des traités inégaux bien que toujours qualifiés de traités d'amitié. Les termes en sont clairs. La propriété du temple ne se pose pas puisqu'il est inclus dans la province de Siam Raep.

 

 

Article I - Sa Majesté le Roi de Siam reconnaît solennellement le protectorat de Sa Majesté l’Empereur des Français sur le Cambodge.

 

Article III - Sa Majesté le Roi de Siam renonce, pour lui et ses successeurs, a tout tribut, présent ou autre marque de vassalité de la part du Cambodge.

 

Article IV- Les provinces de Battambang et d' Angkor (Nakhon Siemrap) resteront au .Royaume de Siam. Leurs frontières, ainsi que celles des autres provinces siamoises limitrophes du Cambodge, telles qu'elles sont reconnues de nos jours de part et. d autre, seront, dans le plus bref délai, déterminées exactement à l'aide de poteaux ou autres marques, par une commission d'officiers siamois et cambodgiens, en présence et avec le concours d'officiers français désignés par le Gouverneur de la Cochinchine.

 

Nous avons une bonne analyse de la lente domination du Siam sur le Cambodge par l'Universitaire australien Martin Marty (1)

 

Le traité du 13 mars 1904.

 

Il intervient après que le Siam ait subi l'humiliation du traité de 1893 sous la menace de nos canonières braquées sur le Palais royal.

 

Article I - Le Gouvernement siamois cède à la France le territoire de Battambang, Siem-Reap et Sisophon, dont les frontières sont définies par la clause 1 du protocole de délimitation ci-annexé :

 

….. A partir du point ci-dessus mentionné, situé sur la crête de Dang-Reck, la frontière suit la ligne de partage des eaux entre le bassin du Grand- Lac et du Mékong d'une part, et le bassin du Nam-Moun d'autre part, et aboutit au Mékong en aval de Paks-Moun, å l'embouchure du Hue-Doué, conformément au tracé adopté par la précédente Commission de délimitation ….

 

Il n'y a pas d'équivoque, la frontière suit la ligne de partage des eaux et elle situe le temple sur le versant nord de la ligne, donc au Siam.

 

 

Le traité du 23 mars 1907.

 

Il réitère la fixation de la frontière sur la ligne de partage des eaux mais la délimitation prévue par le traité précédent inclut par une erreur probablement d'ailleurs involontaire, le temple du mauvais côté de la ligne de partage des eaux.

 

Avant que n'éclate le contentieux devant la Cour Internationale, il n'est pas évident de savoir lequel des deux pays a effectivement exercé des droits de propriété sur le temple. Les Cambodgiens invoquent le fait que le Prince Damrong se soit rendu sur les lieux en 1930 et y ait rencontré des officiels français arborant le drapeau tricolore sans protester ou de parler d'approbation tacite de la Thaïlande, mais il est constant en droit que qui ne dit mot ne consent pas.

 

 

J'écarte évidemment les arguments ad populum, les Thaïs prétendant qu'il est chez eux, ce qui est probablement vrai mais devenu judiciairement faux et les cambodgiens « Il est à nous puisque nous l'avons construit » ce qui est juste mais un tel argument aurait permis à Mussolini de revendiquer le Pont du Gard !

 

 

La procédure ayant abouti à l'arrêt du 15 juin 1962

 

J'y ai consacré plusieurs articles en ayant longuement consulté sur le site de la Cour de Justice le détail de cette procédure et de ses multiples annexe (2). Il faut le situer dans son contexte temporel. Ce n'est pas un procès entre le Cambodge et la Thaïlande mais entre le Cambodge et la France, le Cambodge n’ayant alors aucun moyen d'organiser un tel déploiement procédural dont le coût dépassait de toute évidence ses capacités. La justice de la Cour internationale est alors incontestablement coloniale ou colonialiste. Il suffit pour s'en convaincre de voir la liste des protestations véhémentes suscitées par une décision de 1966 concernant le Sud-ouest africain, protestations unanimes de l’Égypte, de Madagascar, du Nigeria, de la Côte d'Ivoire, du Tchad, de Ceylan, de l'Urss, du Canada, du Nigeria, de l’Éthiopie, de Pékin, de la Guinée et la voix plus mesurée mais ferme du Président Senghor (3).

 

 

C'est dans ce contexte qu'il faut voir la décision de la Cour d'écarter toute notion d'erreur invoquée par la Thaïlande, sa jurisprudence constante consistant à nier la possibilité d'erreur dans un litige concernant des États souverains. Ne revenons pas sur les conditions dans lesquelles le Siam avait signé les traités de 1904 et 1907, traités évidemment inégaux.

 

 

J'ai été conduit à parler d'une ambiance nauséabonde, je persiste : Son-Sann, premier ministre de l'époque raconte la préparation du dossier, préparation bien singulière puisqu'il avoue avec impudence qu'il a purement et simplement obtenu, par de tortueuses manœuvres avant le procès, le soutien de plusieurs sinon directement des quinze magistrats, du moins celui de leur pays. Il avoue même avoir visité dl'un des juges dont j'ai préféré rayer le nom, "très porté sur l'alcool"

 

 

Il se réjouit avec une égale impudence que son pays ait à ses côtés dans son équipe d'avocats la propre fille de l'un des quinze qui allait donc plaider devant son père, la déontologie en prit un sacré coup...Suzanne Basdevant face à Jules Basdevant....

 

 

Les mémoires de ses manigances, je ne les ai pas inventées, elles sont toujours accessibles sur Internet :

https://www.scribd.com/doc/50243303/Memoire-de-Son-Sann-sur-Preah-Vihear

 

 

La vision sur le terrain

 

Je n'y reviens pas mais j'ai à l'époque oublié ce qui me semble être un élément essentiel, la connaissance in situ. Lorsque j’étais avocat, je ne manquais pas dans ce genre de procédure – en l’occurrence, il s'agissait d'un bornage à grande échelle – non seulement d'aller sur les lieux mais également d'obtenir des magistrats de prendre de leur précieux temps pour organiser une descente sur les lieux. N'ayant pas la possibilité de m'y rendre, j'ai cherché à en avoir une description aussi précise que possible de ses visiteurs.

 

 

Une première constatation m'a frappé. Dans le dossier présenté à l'Unesco pour l’inscription du temple au patrimoine mondial, le Cambodge produit une vue cavalière (« empruntée » sauf erreur de ma part à Lunet de la Jonquières ?)  et une vue aérienne prise également du côté siamois ou nous voyons une pente douce qui descend doucement vers le nord siamois.

 

Pourquoi n'y a -t-il pas de vue côté cambodgien ? C'est justement parce que le temple est pratiquement inaccessible (sous entendu « du côté de chez nous » disent les Cambodgiens) qu'il a été si bien conservé...ce qui n’empêchera pas le Cambodge de revendiquer les œuvres d'art dont la Thaïlande se serait emparé sur le site dans le années 50. Toutefois, lorsqu'Aymonier le visite en 1901, nous allons y revenir, le lieu est à l'abandon mais fréquenté par des pèlerins venus du nord essentiellement du district de Khukhan (ขุขันธ์), actuellement dans la province de Sisaket, le district frontalier le plus proche du temple. Lunet de la Jonquière aussi constatera en 1907 qu'il est à l'état d'abandon. Il n'y a apprememnt pas de pélerins cambodgiens qui ont suffisament à faire avec leurs centaines de temples

 

 

 

 

Comment donc accéder au temple ?

 

J'ai donc cherché quelques descriptions de ses visiteurs que je suppose honnêtes.

 

Depuis la Thaïlande jusqu'au Cambodge, en dehors de l'accès par voie de mer, il n'y a que deux accès qui contournaient le chaîne des Dangrek. Une mauvaise piste partie de Samrong conduit à une passe et surtout à l'ouest une large trouée depuis Sisophon qui fut la voie classique des invasions réciproques dans un sens ou dans l'autre. L'accès au temple ne peut alors manifestement se faire que du côté siamois

 

Sur cette carte du Guite Taupin de 1937, nous voyons Samrong en B  et Sisophone en A, le temple est en C. Nous verrons plus bas ce qu'il en était de  la piste qui y aboutit depuis le sud

 

 

En 1901 dans « Le Cambodge – les provinces siamoises » Aymonier nous le décrit : « La montagne de Preah Vihéar, en saillie de deux cents mètres environ sur le plateau supérieur, descend vers le Nord en pentes très douces et couvertes de forêts ». C'est évidement de là que venaient les pèlerins et non du pied de la falaise. La description qu'il nous en donne démontre à suffisance qu'il y a accédé par la voie sacrée du nord et non depuis le Cambodge et que la jungle n'y était pas d'une densité telle qu'elle en interdisait l’accès.

 

En 1904, il écrit toujours Aymonier écrit dans « Le Cambodge – le groupe d'Angkor et l'histoire » que tous à l'époque s'accordaient à placer la chaîne des Dangrek dans un territoire « notamment siamois ».

 

Quelques années plus tard, le capitaine Lunet de la Jonquières chargé de faire l'inventaire des monuments du Cambodge le fit dans deux épais volumes intitulés « Inventaire descriptif des monuments du Cambodge ». Lui aussi a accédé au temple par la voie sacrée. Il en décrit un total état d'abandon dont il se demande s'il est dû aux ravages du temps mais émets une hypothèse qui a son poids. Les dégradation affectent le sanctuaire seul, à l'exclusion des autres parties du temple qui n'ont eu à souffrir que de l'abandon où elles ont été laissées mais il est aussi possible que ces déprédations soient dues à une réaction contre l'hindouisme des rois cambodgiens, lorsque les envahisseurs eurent été chassés du Siam ? Il est aussi possible, ce n'est qu'une hypothèse, que le temple ait tout simplement servi de carrière comme le fut le Colisée par les Romains ou les pyramides par les arabes, à moins qu'André Malraux ne soit passé par là ?

 

Certes, les travaux d'Aymonier et du Capitaine Lunet de la Jonquières consistèrent à décrire ces monuments, leur architecture, leur décoration et leur épigraphie mais il est singulier de noter qu'ils nous disent y avoir accédé par la voie sacrée au nord qui fait quelques huit cent mètres aménagés en avenue coupée de portiques et d'escaliers, et qui s'étage d'escaliers en paliers. Alors que tous ces temples ont le plus souvent une entrée unique, aucun ne nous parle d'un accès par une voie partant de la plaine cambodgienne plein sud. Il est évident que leurs méticuleuses observations n'auraient pas laissé échapper l'existence d'un autre accès alors probablement envahi par la végétation ? Ils étaient par ailleurs à l’affût de renseignements que fournissait la population locale, Aymonier avait ses interprètes et Lunet parlait le siamois, on peut penser qu'à cette époque les habitants de ce secteur ignoraient totalement cet accès ?

 

Si il existait et il existait, il est probable qu'à cette époque, il était complètement envahie par la végétation tropicale. Le dossier déposé à l'Unesco par le Cambodge pour l'inscription au patrimoine mondial nous dit que le tempe est situé au haut d'une falaise vertigineuse mais ne donne pas la moindre précision sur un accès possible depuis la plaine du Cambodge qu'il se contente de signaler. Il se garde encore de donner la moindre précision sur sa fréquentation du temple par des fidèles venus du sud.

 

 

La première mention de cet accès, nous le devons à l'infatigable Madrolles dans son guide de 1926 « Indochine du Sud. de Marseille à Saïgon ; Djibouti, Éthiopie, Ceylan, Malaisie, Cochinchine, Cambodge, Bas-Laos, Sud-Annam, Siam » (page 136). Je le cite « Prah-Vihear est situé à 730 met. d'alt. sur une crête de la chaîne des Dangrek. Son accès est encore difficile et peu d'étrangers le visitent. On peut s'y rendre par deux voies : I° celle du N. par le plateau gréseux. 2° celle venant des plaines du Cambodge. Cette dernière aboutit à un escalier taillé dans la roche, coupé de paliers inégaux, long de plus d'un kilomètre pour gravir 400 mètres de la falaise abrupte.

 

 

Par cette escalade, on arrive sur le plateau à proximité du premier portique du temple ». L'arrivée est marquée A ci dessous

 

 

S'il décrit longuement la voie sacrée, il ne nous donne aucune précision sur les détails de cette escalade. Il est probable qu'à cette époque, l'escalier taillé dan la roche granitique avait été dégagée de l'envahissante végétation tropicale ?

 

 

Pour entreprendre cette escalade, encore fallait-il savoir comment atteindre le pied de l'escalier ? J'ai au moins un embryon de réponse qui est postérieur de 10 ans : « Gouvernement général de l'Indochine française. Réponses aux vœux émis par le Grand conseil des intérêts économiques et financiers de l'Indochine au cours de sa session ordinaire de 1937 ». Elle concerne la piste qui aboutit au point C marqué sur la carte ci dessus :

 

« Vœu n° 64 tendant, à obtenir la transformation de la piste locale, reliant Kompong-Thom au Pra-Vihear, en une route touristique empierrée et asphaltée : Le Grand Conseil : Considérant que malgré les efforts faits à l'étranger pour faire connaître les merveilles que recèle le Cambodge, les touristes ignorant qu'il existe d'autres ruines d'une valeur égale à celles d'Angkor, connues du monde entier, se contentent de visiter ces dernières seules ; Considérant que notre devoir pour assurer le succès de nos entreprises touristiques, est de retenir le plus longtemps possible les touristes au Cambodge, en leur faisant visiter le plus de choses intéressantes possibles ; Considérant que le Pra-vihear, éperon montagneux, surplombant de plus de six cents mètres, les plaines cambodgiennes, laotiennes et siamoises, sur lequel sont édifiés huit temples magnifiques, en bon état de conservation, malgré leur ancienneté millénaire, constitue un centre d'attraction touristique de premier ordre, et qu'il y a lieu d'y attirer, en plus grand nombre possible, les visiteurs étrangers, Emet le vœu : Que l'Administration du Protectorat et le Gouvernement général envisagent la possibilité d'intensifier la propagande publicitaire à l'étranger, afin de faire connaître à nos futurs visiteurs, ces ruines d'un réel intérêt historique et archéologique, et qu'ils les inscrivent dans leur itinéraire ; Que cependant afin d'éviter toute fatigue inutile à nos visiteurs, qui aurait pour résultat de les décourager, ils envisagent la construction d'une route empierrée et asphaltée, remplaçant l'actuelle piste reliant Kompong-thom au Préa-vihear, car le voyage en automobile, sur ladite piste, outre la trop longue durée (environ douze heures) (aller et retour) est absolument inconfortable ».

 

A ce vœu dicté par la seule cupidité de livrer le temple au tourisme de masse, le Gouvernement répondit :

 

« Le projet de transformation de la route Kompong-thom à Preah-vihear en une route touristique empierrée et asphaltée ne paraît pas présenter d'intérêt majeur au triple point de vue : économique, parce qu'elle traverse une région pauvre et sans possibilités de développement, touristique parce que la distance de Kompong-thom au Preah-vihear est d’environ 280 kilomètres et qu'il est bien peu probable que même avec une route en excellent état le touriste étranger toujours pressé consente, après avoir vu Angkor à faire un crochet supplémentaire de 600 kilomètres pour visiter des ruines, intéressantes certes, mais qui n'offrent pas un intérêt spécial pour le visiteur. Stratégique parce que la transformation de cette route ne présenterait de l'intérêt que si les travaux d'aménagement en route automobilisable étaient effectués en même temps que sur la grande rocade de couverture Sisophon-Svaichek-Samrong, Anlongveng-Cheomkesan-Thalaborivat et la rocade intérieure Siemréap-Beng, Mealea-Kohker, Mélouprey-Thalaborivat, travaux que la situation budgétaire ne permet pas d'envisager/ Économique ; Sous la forme actuelle la piste de Préah-vihear permet la visite de cet intéressant monument pendant toute la saison touristique ».

 

En clair, la route ou plutôt la piste est impraticable en saison des pluies, mais admettant qu'elle doit asphaltée, rien n'est dit sur l'escalade.

 

L'escalier

 

Si l'on en croit Madrolles, il est d'un kilomètres pour gravir 400 mètres ? Il comporterait « seulement »  442 marches pour gravir ces 400 mètres ce qui me semble correspondre à une hauteur moyenne des marches de 45 centimètres. Ce n'est pas un escalier mais une échelle de perroquet. Je fais une comparaison qui en vaut une autre, le plus long escalier du monde d'une seule jetée est l'escalier suisse qui grimpe au Nie sen (dit «la pyramide suisse»), dans l’Orlando bernons. il n'est accessible qu'une fois par année, à l'occasion du «Laurentides», la course qui voit des athlètes du monde entier se lancer à l'assaut de ces quelque trois kilomètres et demi de sueur. Il comporte 11674 marches sur 3500 mètres donc une moyenne de 30 centimètres par marche, ce n'est plus une échelle de perroquet.

 

 

Le plan ci dessus nous montre qu'il ne part pas du pied de la falaise mais sur le flan plein est de la colline et conduit au tout début de la voie sacrée. Il a été doublé actuellement par un escalier tournant à 90° avec des paliers multiples pour adoucir une pente raide mais toujours dans une végétation luxuriante.

 

 

Le dossier déposé par le Cambodge lors de la demande d'inscription au patrimoine mondial est remarquablement discret sur les accès au temple : « L'accès au site peut se faire de deux côtés, cambodgiens comme du côté thaïlandais, depuis le Cambodge par Cham, Ksan (environ 55 km) ou par Along Ven, depuis la Thaïlande via Sisaket par la route 221 (environ 106 km) ».

 

Ainsi donc la Justice internationale a attribué au Cambodge un temple qui est pratiquement inaccessible du côté cambodgien. Le bon sens n'est pas toujours la chose la mieux partagée du monde.

 

Je termine sur une simple supposition qui explique peut-être les raisons pour lesquelles cet accés qui ne fut redécouvert qu'en 1926  : Le temple surplombe la plaine cambodgienne mais il est orienté vers la Thaïlande. Son accès principal vient de cette direction; mais il y a aussi un accès du côté du Cambodge –et cet accès, du fait qu'il est abrupt et difficile - et précisément pour cette raison - doit avoir été conçu délibérément et dans un but précis, pour ainsi dire contra naturam, puisqu'il nécessite une montée de plusieurs centaines de mètres...un pssage sinon secret du moins confidentiel ? Cette raison reste à ce jour mystérieuse.

 

 

NOTES

 

(1)« SIAMESE DOMINATION OF THE LAO-CAMBODIAN FRONTIER REGION». Australian National Thai Studies Conference, RMIT, Melbourne, 12th-13th July, 2001 - Department of History, University of Queensland, Australia.

(2) Voir les articles

24 Affaire Du Temple Vihear : Et Si Les Thaïs Avaient Été Floués ?

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/article-25-affaire-du-temple-vihear-et-si-les-thais-avaient-ete-floues-72276720.html

A136. La Décision Du 11 Novembre 2013 De La Cour Internationale Sur Le Temple De Pheah Vihar.

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/article-a136-la-decision-du-11-septembre-2013-de-la-cour-internationale-sur-le-temple-de-pheah-vihar-121125783.html

(3) Voir Georges Fischer «  Les réactions devant l'arrêt de la Cour internationale de Justice concernant le Sud-Ouest africain ». In: Annuaire français de droit international, volume 12, 1966. pp. 144-154;

 

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31 août 2021 2 31 /08 /août /2021 13:05
A 438 – DEUX PIEUX BOUDDHISTES S'IMMOLENT PAR LE FEU À BANGKOK EN 1790 ET 1816.

Le mardi 11 juin 1963 à 9h17, le moine bouddhiste Thich Quang Duc, 66 ans, émerge d'une Austin bleu marine accompagné de ses disciples et s’assoit en position du lotus un chapelet dans la main au croisement de deux rues fréquentées du centre de Saigon. L'acte qu'il s'apprête à commettre va changer l'histoire de son pays. Les moines avaient contacté les correspondants étrangers de Saigon pour les prévenir de l'imminence d'une action de protestation spectaculaire.  Deux jeunes moines sont sortis d'une voiture. Un moine plus âgé, légèrement appuyé sur l'un d'eux, est sorti aussi, avant de se diriger tout droit vers le centre du carrefour. Les deux jeunes moines ont apporté un jerrican en plastique, qui contenait manifestement de l'essence. Dès que le plus âgé s'est assis, ils l'ont aspergé de liquide. Il a sorti une allumette, l'a craquée, et l'a lâchée sur ses genoux. Aussitôt, les flammes l'ont englouti. Tous les témoins de la scène étaient horrifiés. C'était terrifiant. Ces photos ont fait le tout du monde. Cette immolation fut suivie de nombreuses autres (1).

Ces immolations de moines par le feu étaient historiquement connues au Japon jusqu'au XIIIe siècle avant d'être condamnées par la hiérarchie bouddhiste. Elles n'étaient alors pas des actions de protestation mais un moyen de gagner la sainteté.

 

 

Il est un précédent ignoré de beaucoup de bouddhistes, celui de deux hommes pieux qui se sont immolés par le feu au cœur du temple d'Arunratchawararam (วัดอรุณราชวราราม ราชวรมหาวิหาร) à Bangkok, les laïcs Nai Rueang et Nai Nok (นาย เรือง และ นาย นอก), qui se sont immolés par le feu en offrande à Bouddha et aspiraient à atteindre la « bouddhéité ».

 

 

Il ne s'agissait pas non plus d'une immolation de protestation mais d'un moyens d'atteindre la sainteté. Le premier à se sacrifier fut Nai Rueang, un pieux bouddhiste, dont histoire est écrite dans la Chronique royale de Rattanakosin - Roi Rama II (พระราชพงศาวดารกรุงรัตนโกสินทร์ รัชกาลที่ ๒..Elle est compilée par le Prince Damrong (พระยาดำรง) et numérisée sur le site de la bibliothèque nationale Varirayana dans le chapitre 62 (2).

 

 

L'événement eut lieu le vendredi, du 3e mois lunaire, de la 8e lune croissante, année Rattanakosin 1152 c'est à dire sauf erreur en 1790. Nai Rueang se rendit en compagnie de deux amis, Khun Srikanthat Kromma et Nai Thongrak (ขุนศรีกัณฐัศว์กรมม้า et นายทองรัก) à l'ubosot (chapelle d'ordination - พระอุโบส) de Wat Krut (วัดครุธ) à Bangkok. Ils priaient avec un bouton de lotus dans la main pensant que celui ou ceux dont le fleur s'épanouirait serait Bodhisattva (พระโพธิญาณแล้ว). Seule la fleur de Rueang s'épanouit. Le lendemain, il écouta un sermon à l'ubosot du wat Arun. Lorsqu'il eut fini de l'écouter, il s’imbiba le corps avec un coton d'huile inflammable. Il s'assit les mains jointes et y mit le feu et chanta pendant que les flammes l'engloutissaient. 5 ou 600 personnes assistaient à l'immolation et manifestaient leur respect en criant « สาธุ - satu » qui est un cri d'admiration et d'approbation. Ils enlevèrent une partie de leurs vêtements et les jetèrent sur le feu pour l'alimenter. Ceux des spectateurs qui n'étaient pas bouddhistes manifestaient leur respect aussi en ôtant leur chapeau et le jetant sur le feu. Les fidèles conduisirent ses restes pour qu'ils fussent incinérés après trois jours de prière au Wat Hong Rattanaram (วัดหงส์รัตนารามราชวรวิหาร). Le temple est situé au bord d'un canal et lorsque le feu fut mis au bûcher. Les fidèles aidèrent à transporter le cadavre dans le cercueil pour les funérailles. 12 poissons sautèrent dans le feu et y périrent. Leurs cendres furent réunies aux siennes et transportées au Wat Arun.  La même chronique nous donne moins de détails sur l'immolation par le feu de Nai Nok..Elle eut lieu un mercredi du 7e mois lunaire de l'année 1816. Il se donna la mort au pied de l'arbre sacré de la bodi (ต้นศรีมหาโพธิ์) devant la chapelle d'ordination du wat chaeng (วัดแจ้ง) dans l'enceinte du Wat Arun.

 

 

Ces immolations volontaires n'étaient pas des immolations de protestations. On admet qu'ils voulaient pratiquer le bouddhisme au niveau supérieur (ukrit – อุกฤษฎ์) pour atteindre le Bodhisattva.

 

 

A cette époque, il était admis que sacrifier sa vie pour obtenir le nirvana était considéré comme un acte de grand mérite hautement vénérable. C'est probablement sous le règne de Rama III que furent installées au Wat Arun leurs statues en pierre dorée. Nai Ruang est assis les jambes croisées, les mains jointes

 

 

et Nai Nok est assis les jambes croisées mains entrelacées sur ses genoux en position de méditation pour atteindre le Bodhisattva (3).

 

Si ces auto-immolations étaient saluées et le sont peut-être encore dans une certaine frange du bouddhisme, elles furent interdites avec fermeté par le roi Rama IV qui considérait que ces pratiques n'existaient pas dans les canons pali que d'ailleurs aucun bouddhiste, y compris les moines et les nonnes, ne lisent jamais dans son intégralité et qui ne mentionne pas directement la valeur du sacrifice de soi. Ne parlons que des écrits canoniques dont les Jataka, le récit des 547 existences de Bouddha avant sa venue sur terre comme Gautama. Le roi les connaissait pour sa part ayant passé plus d'un quart de siècle dans un temple à étudier les textes sacrés avant de monter sur le trône

 

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Les âges du passé sont l'arrière-plan de la vie historique du fondateur en tant que Gautama. Les légendes des Jataka sont généralement reconnues comme étant plus anciens que le Concile de Vesali (380 av. J.-C.) et omniprésent dans la littérature bouddhiste.

 

 

On trouve d'ailleurs des représentations sculptées de scènes des Jataka autour de nombreux sanctuaires. Ces bas-reliefs sont la preuve que les légendes des naissances antérieures de Bouddha étaient connues dès le IIIe siècle av.J-C et étaient alors considérées partie intégrante de l'histoire sacrée de la religion. Elles étaient continuellement rapportées et introduites dans les discours religieux des différents maîtres au cours de leurs pérégrinations, que ce soit pour magnifier la gloire de Bouddha ou pour illustrer les doctrines et les préceptes bouddhistes par des exemples appropriés.

 

Extrait d'un manuscrit sur feuilles de la tanier (1850)

 

 

Il est probable que ces diverses histoires de naissance n'ont pas alors été rassemblées sous une forme systématique comme dans la collection actuelle des Jataka. Elles étaient transmises oralement mais sur la base d'une certaine permanence.

 

La tradition veut que ces légendes, contes, fables ou paraboles furent écrites très tôt en cinghalais à Ceylan puis traduites en pali vers 430 après J-C par Buddhaghosa, une version perdue qui reprenait des traditions connues dès les premiers temps des communautés bouddhistes.

 

 

Ils ne furent diffusés, traduits du pali en langue thaï au Siam que sous le roi Rama V.

 

 

Il y en eut une première traduction du Pali en anglais par le professeur Rhys Davids en 1880.,et d'autres par plusieurs érudits supervisée par le professeur Robert E. B. Cowell publiées à Cambridge en 1895, elle représente 6 volumes d'environ 350 pages chacun.

 

 

Il n'y a que de très partielles traductions en français.

 

Le succès de cette longue tradition orale fut immense puisqu'il est certain qu'elle a gagné le monde grec, le monde chrétien du proche orient et le monde égyptien probablement par le biais des missions de l'Empereur Asoka (4).

 

 

C'est dans le texte canonique des Jataka que nous avons recherché s'il était des légendes concernant le don de soi. Il en est peu peut-être, mais importants puisqu'ils sont canoniques (5). Certains sont très (trop) longs, il semblerait qu’il n’y en a que sept qui concernent le sujet mais je ne suis pas certain d’avoir été exhaustif.

Les seuls textes canoniques du bouddhisme thaï :

 

 

Nigrodhamiga – Jataka

 

 

Le plus connu est celui qui porte le numéro 12 dans la recension classique. Nous savons que Bouddha a passé certaines de ses 547 existences sous forme animale. Il porte le nom de Nigrodhamiga – Jataka Cette histoire est celle de sa vie comme roi des cerfs. Il est probablement l’un des plus connus des fervents bouddhistes. Nous enlevons de ce récit ses très asiatiques hyperboles. Il se passe au temps où Brahmadatta - en réalité Ananda, le disciple préféré de Bouddha  dans une existence antérieure - régnait sur Bénarès.  N'y revenons pas, nous en avons fait une synthèse en enlevant les très asiatiques et très longues hyperboles dans notre article 276 (1). Le roi des cerfs proposa au roi l'échange de sa vie contre celle d'une malheureuse petite biche portant un bébé. Le roi décida alors qu’à ce jour on ne tuerait plus d’animaux dans ses forêts, le Bodhisattva avait transformé sa vie et lui dit « Seigneur roi des cerfs  je n'ai encore jamais vu, même parmi les hommes, un homme aussi abondant en charité, en amour et en pitié que toi. C'est pourquoi je suis content de toi. Levez vous tous deux, vos deux vies sont épargnées ».

Silavanaga Jataka

 

 

Il porte le numéro 72. Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta devint éléphant dans l'Himalaya, entièrement blanc, avec des yeux qui avaient l'éclat du diamant. Il était paré de toutes les perfections et d'une beauté inégalée. Il devint le chef des éléphants de l'Himalaya. Il était à la tête d'un troupeau de 80.000 éléphants mais s'aperçut que certains avaient le cœur mauvais. Il quitta la troupe et alla vivre dans la forêt où il reçut le nom de « Bon roi des éléphants ». Alors, se détachant du reste de la troupe, il alla habiter dans la solitude de la forêt, et la bonté de sa vie lui valut le nom de Bon Roi Éléphant. Un bucheron de Bénarès vint dans l'Himalaya et se fraya un chemin dans cette forêt à la recherche de bois pour son travail. Perdant ses repères et son chemin, il va et vient, étendant les bras de désespoir et en pleurant, la peur de la mort dans les yeux. En entendant ses cris, le Bodhisatta se déplaça avec compassion et résolut de l'aider et s'approcha de l'homme. Mais à sa vue le bucherons prit peur et s'enfuit. Il s'aperçut toutefois que la bête ne lui voulait pas de mal et souhaiter l'aider. Le Bodhisatta s'approcha et lui dit « Pourquoi, homme, êtes-vous en train d'errer ici en vous lamentant ? » « Seigneur, j'ai perdu mon chemin et j'ai peur de mourir ». Alors l'éléphant amena l'homme dans sa propre demeure, et l'y hébergea pendant quelques jours, le régalant de fruits de toutes sortes. Puis, disant : « N'aie pas peur, ami, je te ramènerai dans le repaire des hommes », l'éléphant le fit asseoir sur son dos et le conduisit là où les hommes habitaient. Mais l'ingrat pensa que, s'il était interrogé, il devrait pouvoir tout révéler. Ainsi, alors qu'il voyageait à dos d'éléphant, il nota les repères des arbres et des collines. Enfin, l'éléphant le fit sortir de la forêt et le déposa sur la grande route de Bénarès, en disant: « Voici ta route, ami homme: Ne dis à personne, que tu sois interrogé ou non, le lieu de ma demeure » et le Bodhisatta reprit la route pour retourner chez lui. Arrivé à Bénarès, l'homme fit le tour des artisans qui travaillaient l'ivoire et leur demanda s'ils étaient intéressés par les défenses à prendre sur un éléphant vivant puisqu'elles valent beaucoup plus cher que celles prises sur un mort. Après accord, il partit vers la demeure du Bodhisatta, avec des provisions pour le voyage, et une scie bien affutée. Il se lamenta alors auprès de l'éléphant en lui disant que son métier n'était d'aucun profit et qu'il était venu lui demander un peu d'ivoire pour lui permettre de gagner sa vie. «Bien » lui dit le Bodhisatta, « Avez-vous une scie avec vous ? » «  Alors prends mes défenses et emporte les avec toi ». Et il fléchit les genoux et couché à terre, laissa le bucheron scier ses deux défenses. Le Bodhisatta lui dit « Ne penses pas, homme, que c'est parce que je n'estime ni n'apprécie ces défenses que je te les donne. Mais mille fois, cent - des milliers de fois, plus chères à moi sont les défenses de l'omniscience qui peuvent comprendre toutes choses. Et donc puisse mon don t'apporter l'omniscience ».

 

 

L'homme les emporta et les vendit. Et quand il eut dépensé l'argent, il revint chez le Bodhisatta, disant que les deux défenses lui avaient permis de payer de vieilles dettes et mendiât le reste de l'ivoire du Bodhisatta. Le Bodhisatta y consentit et abandonna le reste de son ivoire. L'homme les enleva et les vendit et quand il eut dépensé l'argent, il revint «  je ne peux pas gagner ma vie de toute façon. Alors donnez-moi les racines de vos défenses ».

 

 

« Qu'il en soit ainsi », répondit le Bodhisatta, et il s'allongea comme auparavant. Alors le misérable, piétinant le tronc du Bodhisatta, dégagea brutalement les racines des racines des défenses jusqu'à ce qu'il ait dégagé la chair. Puis il scia racines et alla son chemin. Mais à peine le misérable eut-il quitté le Bodhisatta, que la terre se mit à trembler, qu'un gouffre s'ouvrit et il fut emporté dans les flammes de l'enfer. C'est évidemment une belle conclusion pour une fable sur l'ingratitude.

Cula Nandiya Jataka

 

 

L'histoire qui est recensée sous le numéro 222 se déroule toujours à l'époque ou Brahmadatta était roi de Bénarès. Le Bodhisatta était devenu un singe nommé Nandiya et habitait dans la région de l'Himalaya. Son plus jeune frère portait le nom de Jollikin, Ananda son disciple. Ils étaient tous les deux à la tête d'une troupe de quatre-vingt mille singes et ils devaient s'occuper d'une mère vieille et aveugle à la maison dans une forêt de banians. Il y avait un jeune homme mauvais que son maître brahmane avait dû chasser. Il s'était marié et incapable de travailler, gagnait sa vie à la chasse, vendant le gibier qu'il tuait. Un jour, alors qu'il rentrait chez lui bredouille, il aperçut un banian au bord d'une clairière et pensa y trouver du gibier. Les deux frères étaient assis derrière leur mère dans un arbre cachés dans les branches quand ils virent l'homme venir. Il s'apprêtait à tuer la mère singe et leva son arc mais le Bodhisatta le vit et dit à son frère : « mon cher frère, cet homme veut tuer notre mère ! Je lui sauverai la vie. Quand je serai mort, prenez soin d'elle ». En disant ainsi, il descendit de l'arbre et cria : « homme, ne tire pas sur ma mère ! Elle est aveugle, âgée et faible. Je vais lui sauver la vie ; tue-moi à sa place ! » Et quand le chasseur eut promis, celui-ci le tua sans pitié. Il prépara ensuite son arc pour tirer sur la mère singe. Jollikin vit cela et descendit de l'arbre et dit : « homme, ne tirez pas sur ma mère ! Je donne ma vie pour la sienne » et le chasseur le tua et ensuite la vieille mère. Il tira enfin sur la mère; les suspendit tous les trois à une perche et retourna chez lui. A ce moment, la foudre tomba sur sa maison et brûla sa femme et ses deux enfants avec la maison dont il ne restait plus que le toit et les montants de bambou. Le chagrin l'envahit : sur place, il laissa tomber sa perche avec le gibier et son arc, jeta ses vêtements et, nu, il rentra chez lui en gémissant. Alors les montants de bambou se brisèrent, tombèrent sur sa tête et l'écrasèrent. La terre s'ouvrit et une flamme s'éleva de l'enfer. Il pensa alors à l'enseignement de son maître brahmane lui avait donné « Faites attention de ne rien faire dont vous pourriez vous repentir ».

 

Sasa Jataka

 

 

Il porte le numéro 316. Le Bodhisatta était alors un lièvre. Il vivait dans la forêt et avait trois amis : un singe, un chacal et une loutre. Le Bodhisatta conseillait ses amis sur les questions morales et un soir avant un jour saint de jeûne et de prières, il leur rappela que faire l'aumône apportait de grands mérites. Ils devraient donc nourrir tous les mendiants qui s'approcheraient d'eux. Tôt le lendemain matin, ils sortirent tous chercher de la nourriture à rapporter chez eux pour manger plus tard lorsqu'ils pourraient rompre le jeune. La loutre trouva sept poissons dans le filet d'un pécheur. Le chacal entra dans la hutte d'un paysan absent. Le singe ramassa des fruits dans la foret. Le Bodhisatta ne mangeait que de l'herbe et n'avait donc aucune nourriture à offrir aux mendiants et décida alors qu'il donnerait sa propre chair si nécessaire. Lorsque le Dieu Indra apprit le vœu, il décida de se déguiser en brahmane et de mettre le Bodhisatta à l'épreuve. Il rendit d'abord visite à la loutre lui demanda de la nourriture pour rompre son jeûne, elle lui offrit ses sept poissons. Il fit la même demande au chacal et au singe qui lui remirent le fruit de leurs recherches avant d'approcher le Bodhisatta. Après avoir entendu la demande d'Indra, le Bodhisatta fut rempli de joie et lui demanda d'aller préparer un feu, ce qu'il a fait. Lui-même secouant trois fois sa fourrure pour éviter de tuer les insectes qui y vivaient puis sauta dans les flammes comme un cygne atterrissant au milieu des lotus.

 

À sa surprise, il ne ressentit aucune brulure et se demanda ce qui se passait. Indra se dévoila et lui expliqua qu'il était venu tester sa vertu. Celui-ci lui répondit qu'il aurait fait la même chose même la personne la plus humble. Indra dit alors que la vertu du Bodhisatta devrait être connue du monde entier. La loutre, le chacal et le singe étaient des vies antérieures d'Ananda, Moggallana et Sariputta, trois des meilleurs disciples de Bouddha.

 

Ce jataka explique à suffisance pour quoi les Thaïs pieux se refusent à manger du lapin. La langue ne fait pas la différence entre lapin et lièvre qui est le même mot : kratai (กระต่าย). Lorsque vous leur posez la question des raisons de cette aversion, je l'ai faite, sans avoir des commaisances approfondies « C'est Bouddha »... Tout simpelement la crainte de manger une incarnation de Bouddha.

Sivi Jataka

 

 

Il est le 499e. Ce n'est plus le don d'une vie mais celle d'une partie du corps. Le Bodhisatta était a né sous le nom de Sivi, roi d'Aritthapura, son père portant le même nom que lui. Il gouvernait bien et faisait chaque jour six cent mille aumônes. Un jour, le désir lui vint de donner une partie de son corps à qui le lui demanderait. Indra lut dans ses pensées et, apparut devant lui comme un brahmane aveugle, lui demanda ses yeux. Le roi accepta de les donner et fit appeler son chirurgien nommé Sivaka. Lorsque les orbites furent cicatrisées, Sivi souhaita devenir ascète. Indra lui demanda alors s'il avait un souhait. Sivi voulut mourir mais Indra insista pour qu'il choisisse autre chose. Il demanda alors de retrouver la vue. Les yeux réapparurent, mais ce n'étaient ni des yeux naturels ni divins, mais des yeux appelés « Vérité absolue et Perfection ». Sivi retrouva son trône et enseigna à ses sujets la valeur des cadeaux.

Jayadissa Jataka

 

Il est le 513e jataka. Le prince Alinasattu était Bouddha et il offrit sa propre vie à un géant mangeur d'hommes en remplacement de celle de son père. Cette très longue parabole est encombrée de stances originairement en pali mais traduites en vers anglais par Cowell. Si je suis incapable d'apprécier la versification pali, je le suis tout autant d'apprécier la versification anglaise. Disons simplement que Bouddha offrit sa vie à l'ogre en remplacement de celle de Pancala, roi de Kampilla, son père.

 

 

Chaddanta Jataka

 

 

Il est le 514e. Le Bodhisatta était un éléphant du blanc le plus éclatant avec des défenses à six couleurs, il mesurait quarante mètres de haut et vivait le long d'un lac magnifique au cœur de l'Himalaya et dirigeait un troupeau de huit mille têtes. Il avait deux reines. Un jour, alors qu'il se tenait entre les deux, il frappa de la tête un arbre en fleurs. Des fleurs et des feuilles tombèrent sur sa reine préférée et des brindilles sèches mélangées à des feuilles mortes et des fourmis rouges tombèrent sur l'autre ce qui la mit en colère. Une autre fois, en se baignant dans le lac, lI donna la fleur d'un grand lotus à sa reine préférée mettant l'autre en colère. Plus tard, lorsque lui et ses épouses offrirent des fruits sauvages à cinq cents futurs bouddhas, la reine rancunière pria pour renaître en tant que reine humaine. Ainsi elle pourrait envoyer un chasseur pour tuer le Bodhisatta. Puis elle mit son plan à exécution en se laissant mourir de faim et naquit à nouveau en belle princesse. Lorsqu'elle fut majeure, elle épousa un roi et devint reine consort et chef de ses seize mille femmes. La nouvelle reine se souvint de sa vie antérieure et, le moment venu, elle enfila une robe sale et se coucha dans son lit en faisant semblant d'être malade. Le roi vint alors lui offrir tout ce qu'elle pourrait souhaiter afin qu' elle se sentsse mieux. Elle demanda à ce que tous les chasseurs du royaume soient convoqués au palais. Le roi le fit par une proclamation à coups de tambour et peu après soixante mille hommes se rassemblèrent. Là, la reine annonça qu'elle avait besoin d'un chasseur pour lui apporter les défenses à six couleurs d'un éléphant qu'elle avait vu dans un rêve, mais aucun des hommes n'en avait jamais entendu parler. Elle choisit parmi la foule pour être son chasseur le plus dur, imposant, laid, défiguré par des cicatrices et fort comme cinq éléphants parmi la foule pour être son chasseur. Elle lui indiqua sa mission, difficile et dangereuse et lui proposa en récompense la propriété de cinq riches villages. Au début, il était terrifié à mort, mais il accepta la tâche après que la reine lui ait promis le succès et lui eut donné mille pièces d'or avec tout l'équipement dont il aurait besoin pour le long et pénible voyage jusqu'au repaire du Bodhisatt. Il partit en promettant de tuer l'éléphant et de ramener ses défenses. Le chasseur voyagea sept ans, sept mois et sept jours à travers des champs épineux, des forêts denses, des marécages boueux et des montagnes montantes au-delà du royaume des hommes pour atteindre le lac du Bodhisatta. Là, il se cacha non loin de l'endroit où un ascète, attendant avec une flèche empoisonnée. Quant arriva le Bodhisatta, le chasseur lui tira dessus et le reste du troupeau s'enfuit pris de panique tandis que leur roi hurlait de douleur. En voyant le chasseur, le Bodhisatta lui demanda pourquoi il voulait sa mort et le chasseur lui parla du rêve de la reine. Le Bodhisatta comprit que c'était le travail de son ancienne reine et dit la vérité au chasseur. Ne pouvant tacher son karma d'une colère, le Bodhisatta dit au chasseur de couper ses défenses et de les emmener à la reine afin qu'il puisse faire des mérites pour atteindre finalement le nirvana. Le chasseur essaya, provoquant une grande douleur dans la bouche sanglante du Bodhisatta, mais il était si grand que le chasseur ne put y parvenir. Le Bodhisatta prit alors la scie et coupa lui-même ses défenses et mourut peu après en laissant à la bonne reine prendre la tête du troupeau. Grâce au pouvoir magique des défenses, le chasseur revint au palais en seulement sept jours. Il donna à la reine les défenses aux six couleurs mais reprocha avec véhémence sa haine du Bodhisatta. Elle fut alors remplie de remords et de chagrin et mourut ce jour-là.

Je ne prétends pas faire l'exégèse des textes canoniques du bouddhisme, j'en suis incapable mais on conçoit à leur lecture qu'il n'est jamais question de suicides de protestation ni de sacrifices rituels permettant de gagner le nirvana mais de perfection dans la générosité. L'interdiction de Rama IV semble avoir été largement justifiée. Nous rejoignons évidemment la phrase de Saint Jean dans son évangile (XV-13) Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Il y a une différence fondamentale entre l'acte de se donner volontairement la mort et celui d'offrir sa vie. Judas s'est suicidé, suicide égoïste, Jésus ne s'est évidemment pas suicidé, sacrifice oblatif. Bouddha interdit de prendre la vie mais n'interdit pas de l'offrir.

 


 

NOTES

 

(1) Nous avons vu en 2011 et 2012 des moines du Tibet en exil se transformer en torches vivantes aux Indes et en Chine, probablement plusieurs centaines.

 

 

L'immolation par le feu est devenue une arme politique dont l'efficacité reste à démontrer.

 

En 2007, un groupe de moines thaïs a fait vœu de jeûner jusqu'à la mort à moins que le Conseil constitutionnel n'inscrive la déclaration « Le bouddhisme est la religion nationale thaïlandaise » dans la nouvelle constitution. Ils ont revendiqué ce sacrifice de soi comme une offrande au Bouddha. Ce défi audacieux aux autorités laïques n'était peut-être pas simplement un coup publicitaire, il avait ses racines dans la culture, l'histoire et la littérature thaïe. Il n'eut toutefois aucune suite !

 

(2) https://vajirayana.org/พระราชพงศาวดาร-กรงรัตนโกสินทร์-รัชกาลที่-

 

(3) Une nuit, vers les années 1980, les statues ont été décapitées probablement par des pillards à la recherche d'antiquité… ou tout simplement de pieux bouddhistes ? La reconstruction de leur tête actuelle fut immédiate.

 

(4) Voir nos articles :

 

A 432 - LES MISSIONNAIRES BOUDDHISTES DE L’EMPEREUR ASOKA SUR LES RIVES DE LA MÉDITERRANÉE ORIENTALE VERS 250 AVANT NOTRE ÈRE.

A 276 - LES JATAKA BOUDDHISTES (ชาดก) ONT-ILS MIGRÉ VERS LE CHRISTIANISME ?

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2018/10/a-276-les-jataka-bouddhistes-ont-ils-migre-vers-le-catholicisme.html

A 287- LES JATAKAS BOUDDHISTES ONT-ILS MIGRÉ VERS LES FABLES D’ÉSOPE ET CELLES DE LA FONTAINE ?

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2018/11/a-287-les-jatakas-bouddhistes-ont-ils-migre-dans-les-fables-d-esope-et-celles-de-la-fontaine.html

(5) Bien que les volumes de la recension de Robert E. B. Cowell soient parfaitement accessibles puisque numérisés, de pieux bouddhistes en ont fait une numérisation d'accès plus facile. Seuls les commentaires sont différents :

http://www.sacred-texts.com/bud/j1/index.htm

http://www.sacred-texts.com/bud/j2/index.htm

http://www.sacred-texts.com/bud/j3/index.htm

http://www.sacred-texts.com/bud/j4/index.htm

https://www.sacred-texts.com/bud/j5/index.htm

http://www.sacred-texts.com/bud/j6/index.htm

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