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  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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Pourquoi ce blog ?

  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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Merci d’être venu consulter ce blog. Si vous avez besoin de renseignements ou des informations à nous communiquer vous pouvez nous joindre sur alainbenardenthailande@gmail.com

20 avril 2024 6 20 /04 /avril /2024 11:44

 

Nous avons consacré plusieurs articles aux maquis communistes dans le nord-est de la Thaïlande ; C’est là qu’ils y naquirent et furent actifs pendant plusieurs années. D’obédience essentiellement vietnamienne, les souvenirs des participants sont nombreux et souvent émouvants. Nous avons peu d’éléments sur les maquis des jungles du sud de la Thaïlande à la frontière avec la Malaisie,, probablement d’obédience chinoise et surtout divisés en factions rivales en liaisons avec la guérilla communiste du nord de la Malaisie. Nous n’avons guère que les souvenirs de Jean Michel Krivine, militant maoïste trotskyste, frère d’Alain, médecin, qui fit un séjour de quelques semaines dans un maquis du sud à la fin de l’année 78 alors que la rébellion communiste thaï était d’ores et déjà en voie d’éradication. Ces souvenirs, publiés très tardivement en 2005, sont à lire avec circonspection et plus encore, nous leur avons consacré un article.

 

 

Nous avons par ailleurs rencontré notre ami Mina Chalermkiat, professeur de français à la faculté des sciences humaines de Khonkaen et passionné des légendes et histoires locales de son pays, nous avons consacré plusieurs articles aux légendes qu’il nous raconte. Il nous conduit aujourd’hui faire du « tourisme historique » dans l’extrême sud du pays. Cet article trilingue accompagné de nombreuses photographies a été publié sur sa page Facebook le 21 mars 2022. Nous ne sommes pas un guide touristique mais il s’agit là aussi et surtout d’histoire et partager la visite de ce qui est probablement le dernier vestige des maquis communistes malais réfugiés dans l’extrême sud de la Thaïlande appelé le « tunnel de Piyamit » (Umong piyamit - อุโมงค์ปิยะมิตร) mais, nous allons le voir, il s’agit beaucoup plus qu’un tunnel..

 

 

La localisation

 

 

 

Il est situé dans le village Ban Piyamit  (บ้านปิยะมิตร) dans le sous district de Tano Maero (tambon Tano maero - ตำบลตะเนาะแมเราะ) lui-même dans le district de Betong (amphoe Betong  - อำเภอเบตง), débaptisé de son nom malais de Yarom (ยะรม) qui signifie « bambou » en langue locale, le Jawi. Nous sommes à l’extrême sud de la province de Yala (จังหวัดยะลา), limitrophe du sultanat malais de Perak (รัฐเปรัค). Il en est séparé par la chaîne de montagnes Titiwangsa (ทิวเขาตีตีวังซา), une barrière naturelle avec des sommets de plus de 2000 mètres d’altitude. Plutôt que ce nom malais, les thaïs utilisent plus volontiers celui de chaîne de montagnes de Sankalakhiri (ทิวเขาสันกาลาคีรี).

 

 

Pour les habitants, c’est « le pays dans la brume,

 

 

celui des belles fleurs,

 

 

une belle région frontalière et le point le plus méridional du Siam » (เมืองในหมอก ดอกไม้งาม ใต้สุดสยาม เมืองงามชายแดน).

 

 

Le tourisme n’y est actuellement pas conseillé en raison des risques dus à l’activité des activistes musulmans en liaison avec ceux de Perak, ceux que la presse locale appelle systématiquement « les bandits du sud » (โจรใต้ - chontai). C’est ce que signale toujours le site Internet de l’Ambassade de Bangkok : « Les provinces de l’extrême sud de la Thaïlande, Pattani, Narathiwat, Yala, sont en proie à des attaques à l’explosif ponctuelles, du fait d’une insurrection séparatiste. La province de Songkhla subit également des attaques de moindre ampleur. Bien que n’étant pas spécifiquement visés, les étrangers peuvent être les victimes collatérales d’une action violente. Il convient donc de rester vigilant sur tout le territoire, y compris dans la capitale, laquelle a été la cible de plusieurs explosions le 2 août 2019 ».

 

 

Il est toutefois, en dehors du tunnel devenu attraction touristique, d’autres sites dignes d’intérêt, au moins pour le tourisme local,  la source d’eau chaude de Betong (บ่อน้ำร้อนเบตง), une source sulfureuse où les visiteurs font cuire les œufs

 

 

et la cascade d'Inthason (น้ำตกอินทสร).

 

 

Je les cite car leur porche d’entrée et également celui de la route qui conduit au tunnel.

 

 

Avant de suivre Mina dans sa visite, une précision terminologique s’impose. Mina parle dans sa version thaïe mais pas dans sa version française ni dans la version anglaise,  de « bandits communistes malais » (โจรคอมมิวนิสต์มลายา). Je ne vois pas de raison de changer cette traduction dans la mesure où tous les sites Internet qui concernent le tunnel utilisent systématiqument  la même expression.Peut-être y a-t-il une raison commenous le verrons en conclusions ? Si elle vous indispose, vous pouvez toujours l’interpréter comme guérilleros communistes malais.

 

 

Suivons maintenant Mina dans sa visite guidée illustrée.. Je n’ai ajouté que deux observations en italiques.

Le Tunnel de Piyamit

 

Aujourd'hui, j'aimerais vous emmener voir les tunnels de Piyamit. Il s'agit d'une attraction touristique historique située à la frontière de la province thaïe de Yala et du sultanat de Perak en Malaisie.

 

 

Le tunnel de Piyamit est situé à Ban Piyamit, sous-district de Tano Maera, district de Betong dans la province de Yala. Il a été construit en 1977. C’est un tunnel en terre battue que l'ancien Mouvement des bandits communistes malais a construit comme bunker et utilisé comme base d’opérations.

 

Le tunnel fait 1 kilomètre de long, avec 9 entrées et sorties. Actuellement, il n'en reste que 6.

 

Il existait probablement des issues sur le versant malais

 

 

Le trajet dans le tunnel est étroit, en zigzag Il est  divisés en différentes salles.  Les occupants peuvent y passer longtemps de leur vie en restant cachés.

 

 

Il se trouve sur une colline couverte de grands arbres qui constituent un bon camouflage.

 

 

Avant de visiter le tunnel proprement dit, nous visitons une salle présentant des armes, des équipements militaires et  des photographies ainsi que la narration d’anecdotes importantes sur les batailles passées.

 

 

À l'entrée du tunnel, se trouve une grande statue de la déesse Kuan Yin  (เจ้าแม่กวนอิม) que nous pouvons vénérer et solliciter sa bénédiction.

 

 

Présence incongrue, certes mais il ne faut pas oublier que ces maquisards malais étaient essentiellement des Chinois au moins d’origine. Plusieurs sites Internet parlent de « bandits chinois communistes de Malaisie ». Beaucoup de légendes ne sont pas en thaï mais en idéogrammes chinois.

 

Pour accéder au tunnel, il faut gravir la montagne ce qui prend environ une demi-heure.

 

 

Tout dépend de vos articulations ! Un sentier d’accès  pédestre en forme d'escalier a été créé à l'ombre des arbres qui nous  abritent du soleil.

 

 

On n’y voir ni le ciel ni le soleil et l’air est constamment frais et humide.

 

Merci Mina pour ton texte et tes photographies.

Que conclure ?

 

Si Krivine reste discret sur l’emplacement du maquis où il a séjourné, il est permis de penser qu’il se situait dans les montagnes de Khaonamkhang (เขาน้ำค้าง) sous district de Khlong Kwang (คลองท กวาง), district de Natawi (นาทวี) dans la province de Songkhla (สงขลา). Il y a également son bunker souterrain devenu une sorte de « musée du souvenir ». Il était un maquis de communistes chinois de Malaisie ou, pour parler comme les Thaïs de « bandits chinois communistes de Malaisie » (โจรจีนคอมมิวนิสต์มาลายา).

 

 

Ses affinités avec la faction la plus dure des maoïstes, l’y conduisirent irrémédiablement. Le maquis de Piyamit était également un maquis de communistes chinois de Malaisie, bandits ou pas.

 

On peut se poser une première question sans pouvoir y apporter une réponse précise. Ces régions sont peuplées de Thaïs en grande partie musulmans qui revendiquent peu ou prou leur rattachement à la Malaisie ce qui ne signifie pas qu’ils aient des sympathies particulières pour le communisme en général. Les maquisards du nord-est vivaient au milieu de la population « comme des poissons dans l’eau » selon l'ordre de Mao.

 

 

Nous savons par exemple qu’Ho Chi Minh a passé plusieurs années dans la région du nord-est dans une région ou la population est au moins partiellement d’origine vietnamienne. Ces maquisards vivaient-ils réellement au sein de la population locale comme des poissons dans l’eau ?

 

 

Les ponctions financières évidemment illégales effectuées au détriment des populations locales – dont ils sont accusés à tort ou à raison - n’ont pas jouée en faveur de leur popularité !

 

Est-ce la raison de l'utilisation systématique du terme de "bandits" que l'on ne trouve jamais lorsqu'on parle des maquis du nord-est

 

Nous n’avons pas l’intention d’écrire l’histoire de l'insurrection communiste en Malaisie ; Rappelons simplement  qu’elle  eut lieu de 1968 à 1989, entre le Parti communiste malais d’obédience chinoise et le gouvernement fédéral malais.  Les rescapés, pourchassés, se retirèrent dans les jungles frontalières difficiles d’accès entre la Malaisie et la Thaïlande. Ils perdirent le soutient de la Chine lorsque les gouvernements de Malaisie et de Chine établirent des relations diplomatiques en juin 1974 et plus encore 1989 lorsque le parti communiste signa un accord de paix avec le gouvernement malais à Hat Yai. Ne citons que pour mémoire les querelles internes terminées par des « procès » et des exécutions entre diverses factions communistes ou trotsko-communistes, prochinois et provietnamiens. Lorsque fut creusé l’abri de Piyamit à partir de 1977, il s’agissait bien plus surement  de la construction d’un reuge que celle d’une base de combat. Lorsque Krivine visite son camp dans la province de Songkhla, n’oublions pas qu’il est médecin, il assiste à une opération d’ l’appendicite et aux soins donnés aux maladies tropicales endémiques dans la jungle, ce ne sont pas des maladies de combattants. Référence doit être faire à une longue étude universitaire de Phonchai et Nakarin Mektrairat (พรชัย และ นครินทร์ เมฆไตรรัตน์) de l’Université de Songkhla, numérisée sous le titre « les bandits chinois communistes de Malaisie (โจรจีนคอมมิวนิสต์มาลายา) numérisée

http://wiki.kpi.ac.th/index.php?title=โจรจีนคอมมิวนิสต์มาลายา

 

Malgré son titre, elle n’en aucun aspect partisan et assortie d’une montagne de références. La consultation du rapport déclassifié de la CIA « Communiste insurgency in Thailande » daté de 1991 est intéressante car il n’oublie pas de citer Betong comme lieu de refuge. Il est numérisé sur le site de la CIA

https://www.cia.gov/readingroom/docs/DOC_0000012498.pdf

 

 

Références

 

Sur le séjour de Krivine

 

A175. Jean-Michel Krivine : « Carnets De Mission Dans Les Maquis Thaïlandais (1978)».

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2015/02/a175-jean-michel-krivine-carnets-de-mission-dans-les-maquis-thailandais-1978.html

 

Sur le séjour d’Ho Chi Minh

 

H 10 - LA « MAISON D’HO-CHI-MINH » PRÈS DE NAKHON PHANOM, MYTHE OU RÉALITÉ ? DU CULTE DE LA PERSONNALITE À LA DÉIFICATION.

 

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2017/06/h-10-la-maison-d-ho-chi-minh-pres-de-nakhon-phanom-mythe-ou-realite-du-culte-de-la-personnalite-a-la-deification.html

 

Sur la guérilla dans le nord-est

 

H 28- LA GUÉRILLA COMMUNISTE DANS LE NORD-EST DE LA THAÏLANDE (ISAN) DU 7 AOÛT 1965 AU 23 AVRIL 1980 - PREMIÈRE PARTIE.

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2018/12/h-28-la-guerilla-communiste-dans-le-nord-est-de-la-thailande-isan-du-7-aout-1965-au-23-avril-1980-premiere-partie-4.html

 

H 29 - LA GUÉRILLA COMMUNISTE DANS LE NORD-EST DE LA THAÏLANDE (ISAN) DU 7 AOÛT 1965 AU 23 AVRIL 198https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2019/01/h-29-la-guerilla-communiste-dans-le-nord-est-de-la-thailande-isan-du-7-aout-1965-au-23-avril-1980.la-fin.html0. LA FIN.

 

INSOLITE 45 - À LA RECHERCHE DE L’« ILLUMINATION » : LA VIE DES COMMUNISTES DANS LA FORÊT SACRÉE DE DONG PHRA CHAO. คอมมิวนิสต์ป่าดงพระเจ้า แดนสนธยา หรือ « แหล่งแสวงหา »

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2023/03/insolite-45-a-la-recherche-de-l-illumination-la-vie-des-communistes-dans-la-foret-sacree-de-dong-phra-chao.html

Les contributions de Mina à notre blog

 

INVITÉ - MINA - PHRA RUANG ROTCHANARIT (พระร่วงโรจนฤทธิ์) : STATUE SACRÉE DU BOUDHA DE NAKHON PHATOM (นครปฐม)

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2023/05/invite-mina-phra-ruang-rotchanarit-statue-sacree-du-boudha-de-nakhon-phatom.html

INVITÉ – LA LÉGENDE DE LIMKONIAO QUI S’EST PENDUE POUR NE PAS DEVENIR MUSULMANE - ตำนาน ลิ้มกอเห่นี่ยว

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2023/04/invite-la-legende-de-limkoniao-qui-s-est-pendue-pour-ne-pas-devenir-musulmane.html

INVITÉ - LE FESTIVAL DES FUSÉES (บุญบั้งไฟ - BUN BANGFAI) OU LA LÉGENDE DE PHAYA THAEN (พญาแถน) ET PRAYA KHANKHAK (พญาคันคาก)

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2023/04/invite-le-festival-des-fusees-bun-bangfai-ou-la-legende-de-phaya-thaen-et-praya-khankhak.html

H12 Bis - LA PRINCESSE YOTHATHIP (1638–1715), SŒUR DE LA PRINCESSE YOTHATEP (1656-1735), FILLES ET EPOUSES DE ROI;

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2023/12/h12-bis-la-princesse-yothathip-1638-1715-soeur-de-la-princesse-yothatep-1656-1735.html

 

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22 mars 2024 5 22 /03 /mars /2024 03:13

 

Si la politique « de stratégie hygiénique » du roi Rama V dont nous avons parlé la semaine passée, n’eut pas en ce qui concerne « la défécation » un  résultat tangible immédiat,  son projet d’installer l’eau potable à Bangkok, s’il n’en vit pas la fin, fut en tous cas un inconstatable succès.

 

 

L’administration des eaux de Bangkok (การประปากรุงเทพฯ) a été créée le 13 juillet 1909. 

 

 

L’inauguration officielle fut effectuée sous le règne de Rama VI le 19 novembre 1914.

 

 

Selon les Occidentaux présents, l’eau était aussi propre que n’importe quelle ville du monde ! De l'eau à la fontaine pour les habitants de Bangkok ! Nous ne savons si le roi Chulalongkorn y a goûté puisqu’il est mort avant a fin des travaux, Pour sa part, ses palais étaient alimentés en eau provenant de Phtechaburi à 125 kilomètres de là, qu’il préférait à toute autre !

 

 

Au début du siècle dernier, la population n’avait pas d’autre sources que les klongs et le fleuve ; Mais pendant une période de trois à six mois, les klongs étaient à sec dans une partie au moins de la ville ne contenaient  dans l'autre partie que de l'eau salée ou saumâtre imbuvable. L'eau des puits elle-même était est aigre et amère, à cause de la quantité de magnésie que renfermait le sol. Les habitants et les bestiaux en étaient  donc réduits à boire de l'eau impure, qui était la cause principale des nombreuses maladies entériques aussi bien chez les gens que parmi les animaux.

 

 

Lorsque l'eau est trop mauvaise pour être bue, on allait en chercher, soit par bateaux, soit par  charrettes à bœufs, dans des rivières souvent éloignées de plusieurs jours et les gens qui n'en avaient pas les moyens devaient doivent payer cette eau depuis un jusqu'à dix ticals (bahts) le mètre cube.

 

Du temps de Monseigneur Pallegoix qui nous décrit les longues années passée au Siam en 1854, quelle eau buvait-on à Bangkok ? On ne peut le lire sans frémir : « La provision d’eau est très facile à faire puisque l’eau du fleuve (i.e. La maenam Chaophraya) est excellente ». Toutefois, continue le prélat, « il existe un moyen fort  simple pour purifier l’eau des rivières, méthode qui est généralement utilisée au Siam  » c’est tout simplement la purification par l’alun, faisant référence à « tous ceux qui ont des notions de chimie » …

 

 

Bon théologien certes, bon chimiste, peut-être moins. La purification par l’alun est un procédé vieux comme le monde, il clarifie incontestablement l’eau mais ne la débarrasse pas de tous les miasmes, virus ou bactéries qu’elle contient  de par le simple fait qu’il s’agit tout simplement d’une eau d’égouts. Ce procédé permettait une purification au moins partielle : Dans cent litres d'eau, il suffit d’une cuillerée à café d'alun en poudre, d’agiter avec un bâton pendant une ou deux minutes, et de laisser reposer. Dans une heure ou deux l'eau devient très-limpide, et il se forme au fond du vase un dépôt abondant. Cette méthode est bien préférable à une simple filtration, parce que l'alun décompose les sels d'urine et autres sels insalubres, tandis que le filtre ne peut en dépouiller l'eau qui retient toutes les matières salines en dissolution.

 

 

Le procédé était connu en Chine depuis des temps immémoriaux ainsi qu’en Égypte au temps des Pharaons, mais si l’alun existe à l’état natif en Chine et en Égypte, il n’existe pas au Siam. Il était donc certainement importé à grand prix depuis la Chine par les Chinois et utilisé par eux et par les riches.

 

 

Les malheureux devaient donc se contenter de l’eau du ciel quand elle tombait et quand elle ne tombait pas ? Celle du fleuve probablement après filtrage, bénéficiant évidemment d’une mithridatisation héréditaire et de l’effet partiellement antiseptique et prophylactique de la surabondance d’épices !

 

 

La visite de Rama V au puits artésien de Grenelle (foré vers 1830) lors de son séjour parisien de 1897 ne fut évidemment pas innocente.

 

 

La distribution d’eau potable à Bangkok est le fruit de la volonté du Roi et l’œuvre d’un ingénieur français, Louis Robert de la Mahotière, hélas bien oublié des Thaïs eux-mêmes qui lui doivent pourtant une statue et que la presse française en dehors de quelques références dans la presse coloniale et de revues spécialisées a totalement ignoré ces travaux proprement pharaoniques. Nous ne savons que peu de choses sur lui, pas même une photographie. Sa famille était peut-être une famille de coloniaux de Saint Domingue où se trouve un lieu-dit « la Mahotière » qu’elle rajouta à son patronyme ?

 

 

Le Journal officiel du 13 novembre 1871 nous apprend toutefois qu’il fut reçu au concours de l’École Centrale des arts et Manufactures, « Centrale » qui n’est dépassée en prestige que par l’École polytechnique et l’École normale supérieure. Il est le 36e sur 122 admis. Cela le fait naître aux environ de 1850 ? Nous perdons sa trace jusqu’à son arrivée au Siam ;

 

 

En 1900, il est chargé du service  d'assainissement et spécialement des égouts, service concédé par le Siam pour 10 ans à la compagnie anglaise Clean Work.  Nous le trouvons ensuite ingénieur en chef du département sanitaire local.  Il est alors domicilié à Bangkok Surawong Road (ถนน สุรวงศ์). Construit sous le règne du roi Rama V, Surawong Road est l'un des quartiers d'affaires les plus dynamiques et historiques de Bangkok. Cette route historique relie la première route jamais construite à Bangkok, la Charoen Krung Road (ถนนเจริญกรุง), ainsi qu'aux rives de la rivière Chao Phraya.

 

 

Appelé, en 1902, par le Gouvernement siamois, pour organiser le Service technique sanitaire de la ville de Bangkok, il eut à étudier l'installation d'un service d’eau potable dont l’absence se faisait vivement sentir; mais des considérations financières et surtout politiques firent différer l’exécution des travaux jusqu’en 1909, époque à laquelle. le roi Chulalongkorn donna enfin les ordres nécessaires. Le projet définitif fut aussitôt mis à l’étude et, dès l’année suivante, les travaux purent commencer. 

 

La description de ces travaux ainsi que les photographies et les croquis, sont de la main de l’ingénieur mais nous fîmes abstraction des considérations et calculs purement scientifiques souvent complexes : voir nos sources

 

 

Leur achèvement a marqué pour Bangkok une date mémorable, car ces travaux ont été les premiers de ce genre exécutés au Siam, et Bangkok était encore la seule ville de ce pays qui soit dotée d'une distribution d’eau potable.

 

 

Le budget du Siam à cette époque représente environ 60 millions de baths, sur lesquels les dépenses de travaux publics sont de l’ordre de 5. Les travaux d’adductions d’eau potable représentent sur le budget 1911-1912,  1 185 899 baths, sur le budget 1912-1913,   1 569 624 baths, sur le budget 1913-1914,  1 004 979 baths et sur la dernière année, celle de la fin des travaux, 417 145 baths soit au total moins que le chiffre de 5 millions de baths qui avaient fait reculer le roi en 1902.

 

 

 

Faut-il rappeler que les 600 000 habitants de la ville étaient – sauf les riches – totalement privés d’eau potable et que cette privation finit par apparaître comme la cause la plus certaine du choléra, qui exerçait tous les ans de grands ravages. Faute de découvertes satisfaisantes dans le sol malgré de forages de 95 mètres de profondeur et une eau de mauvaise qualité et insuffisante en qualité, il fut décidé de prendre l’eau dans la Chaopraya à Chiengrak (เชียงราก), à 30 kilomètres en amont,

 

c'est-à-dire un peu au-delà du point où l'influence de la marée qui rend l’eau saumâtre ne se fait plus sentir, 20.000 m3 d'eau par jour, soit 230 litres par seconde, au moyen d'une pompe puissante et les amènerait à la capitale par une série de tuyaux en fonte, après les avoir fait passer dans des bassins d'épuration. Jusqu'en 1914, avons-nous dit, la population s'alimentait d'eau de pluie recueillie par les tuyaux de descente des gouttières dans des réservoirs en tôle, et surtout d'eau de fleuve et des canaux que l'on versait dans des jarres, en la brassant avec un peu d'alun et laissant décanter. Notre ingénieur écarta le système des filtres à sable lents, qui exige d'énormes emplacements et de fréquents nettoyages avec risque de contamination, en faveur du système Jewell, américain plus simple el plus efficace (1).

 

 

L'usine occupe environ 4 hectares au bord du canal Samsen (คลองสามเสน)   à 2.800 mètres du fleuve. Les eaux brutes sont amenées par un canal de 26 kilomètres de long et de 10 mètres de largeur. Elles sont prises dans un ancien bras du fleuve d'une vingtaine de kilomètres, qui a élé transformé en un réservoir par construction d'un barrage en son milieu et d'une écluse à 1 km.de son embouchure. Dans ce réservoir de 8 km de long sur 80 mètres en moyenne de large, les eaux boueuses du fleuve éprouvent un  commencement de clarification et sont soustraites aux changements de niveau. Le canal d'amenée prend l'eau à 2 kilomètres de l'écluse ; il franchit en siphon trois autres canaux. Une conduite en béton armé amène les eaux du canal dans le puisard des pompes nourricières; une autre est établie entre l'usine et le fleure pour amener directement l'eau du fleuve à la saison des pluies, lorsque l'effet de la marée ne se fait plus sentir, en cas de réparation du canal.  Le bâtiment des pompes, de 40 m. sur 10 comprend deux groupes : celui des pompes nourricières amenant l'eau du canal ou du fleuve dans les bassins de décantation et celui des pompes élévatoires qui refoulent l'eau filtrée dans les tuyaux de distribution et les réservoirs de la ville. Il y a deux pompes nourricières centrifuges, tournant à 730 tours, actionnées directement par des moteurs de 60 chevaux.

 

Elles élèvent 320 litres par seconde à 9 mètres de haut. Les pompes élévatoires, du même système, mais à moteurs de 160 chevaux tournant à 960 tours élèvent 225 litres à la seconde à 33 mètres de haut. Tout a été prévu en vue du doublement éventuel de l'usine. Le courant est fourni par la Centrale électrique du gouvernement. Le filtrage et l’épuration se font par le système Jewel. Ces filtres Jewell donnent un excellent rendement. Chaque appareil est muni d’un régulateur de vitesse qui permet d'obtenir une vitesse absolument constante, quel que soit l'état d'engorgement du filtre. En raison de la vitesse de filtration 40 fois plus rapide, tes filtres occupent 40 fois moins de place que les filtres lents, ce qui permet de les loger dans des bâtiments couverts et dont toutes les ouvertures sont garnies de grillages pour empêcher les chauves-souris et les petits oiseaux de pénétrer.

 

Avant d'arriver aux filtres, l'eau est traitée au sulfate d'alumine que I’on mélange en très légère quantité à l'eau brute avant de l'amener dans les bassins de décantation. II y a quatre bassins de décantation, chacun de 22 mètres  de long sur 5 de large et 5,70 de profondeur. Des cloisons en chicane, augmentent le parcours de l’eau et facilitent ainsi le dépôt des matières en suspension. L'eau est déjà très clarifiée lorsqu'elle arrive au couloir où les tuyaux des filtres viennent la prendre. Deux bassins sont en service à la fois, on profite de l'arrêt des deux autres pour en enlever les dépôts boueux. Le bâtiment des-filtres contient deux rangées de six filtres en tôle de 5 mètres. de diamètre et 2 mètres 30 de hauteur. Ils contiennent une couche de sable de 0,90 d'épaisseur reposant sur une couche de gravier fin: L'eau arrive par un espace annulaire qui entoure la partie supérieure du filtre et se déverse sur tout te pourtour à-la surface du sable. Après avoir traversé le sable, l'eau est recueillie au fond du filtre par 900 petits cribles en bronze qui lui donnent accès dans des tubes de fer; ceux-ci aboutissant au tuyau qui emmène l'eau filtrée au réservoir souterrain. On ferme les vannes d'arrivée d'eau décantée et celles de sortie d'eau filtrée ; la vanne de lavage admet par le fond du filtre de l'eau pure sous pression ; celle-ci traverse les cribles et la masse de sable et s'écoute par le tuyau d'évacuation en emportant les impuretés, tandis qu'un râteau mécanique agite la superficie du sable. En 5 à 6 minutes, le sable est parfaitement lavé. On arrête alors le râteau, on ferme la vanne de lavage et l'on admet à nouveau l'eau décantée : mais pendant  la première demi-heure de remise en marche, on laisse encore par surcroît de précaution l'eau filtrée s'écouter par le tuyau d'évacuation. On ferme alors Ce dernier et l'on admet enfin l'eau dans le caniveau collecteur. L'eau de lavage  provient d'un réservoir spécial de 150 mètres cube et de 17 mètres de haut.

 

Du réservoir souterrain dé 6000 m3, l’eau est aspirée par les pompes élévatoires. Le Système Jewell a donné d'excellents résultats bactériologiques. L'eau est envoyée en ville par une conduite maîtresse de 0m70 de diamètre et distribuée par 92 kilomètres de tuyaux de fonte de 0,70 à 0,80- Dans le terrain de Bangkok, sujet à affaissements, le système adopté et qui a donné la plus entière satisfaction a été celui du joint précis à bague de caoutchouc, des usines de Pont à Mousson, qui ont fourni toute la tuyauterie.

 

Le service de la voie publique est assuré par 420 bornes fontaines dont 230 munies de prises d'incendie. Les installations privées, au compteur, sont au nombre de 1700 et consomment 3,000 mètres cube  Ce furent évidement des privilégiés ?  La consommation journalière moyenne est de 9.000 mètres cube  et l'installation pourrait  fournir '26.000 mètres cube. Il faudra attendre plus de 50 ans pour que l’eau au compteur parvienne à toute les habitations de la ville.

Notre ingénieur ne nous décrit pas les bornes fontaines auxquelles la population a enfin accès à l’eau.

 

Une photographie (en tête de cet article) nous a apporté la réponse ; il s’agit incontestablement des bornes-fontaines Bayard à volant qui alimentèrent Lyon et Grenoble d’abord puis Paris, en eau (2).

 

 

Elles ont l’avantage d’éviter le gaspillage. Elles sont toujours utilisées dans les espaces publics, cimetières, jardins publics, cours d’écoles, et vendues environ 4000 euros HT, prix 2024.

 

 

Les analyses poussées effectuées par l'ingénieur établir que l'reau était potable. C'était en 1914. Qu'en est-il 110 ans plus tard ?

 

 

NOTES

 

(1) Le système des filtres Jewel est basé sur l’emploi du sulfate d’alumine, qu’on mélange en très légère quantité dans l’eau brute avant de l’envoyer dans les bassins de décantation. Ce sel réagit sur le carbonate de chaux ou de magnésie contenu dans l’eau brute, avec production d’alumine hydratée et d’acide carbonique. .L’acide carbonique se dissout dans l’eau, et l’alumine hydratée se précipite à l’état floconneux, entraînant avec elle les matières en suspension ainsi qu’une grande partie des bactéries. Les carbonates calcaires sont transformés en sulfates sans que la dureté de l’eau en soit modifiée. L’eau ainsi traitée est envoyée dans les bassins de décantation où la majeure partie des matières en suspension se dépose rapidement ; elle en sort dans un état très avancé de clarification, puis se rend dans les filtres qui terminent la clarification et l’épuration. Le procédé comprend donc trois opérations distinctes : traitement préalable des eaux brutes par le sulfate d’alumine, décantation et filtration, ces deux dernières opérations étant rendues très rapides, par l’agglutination des matières en suspension à l’état floconneux  Le système est toujours utilisé aujourd’hui pour les aquariums.

(2) La borne fontaine Bayard

 

Les plus anciens se souviennent probablement d’en avoir du fonctionner dans leur enfance dans nos villes ? Elles ne sont plus que l’un des joyaux du mobilier urbain

Les bornes fontaines Bayard sont principalement fabriquées en fonte, ce qui leur confère à la fois solidité et esthétisme. On distingue deux grands modèles à volant ou à bouton.

Elles étaient conçues, disait la publicité, pour permettre aux passants de se désaltérer en toute simplicité. Elles étaient mises hors service  durant les périodes hivernales pour éviter le gel, problème qui ne se pose pas à Bangkok.

Le mécanisme de fonctionnement est simple, il suffit d’actionner le volant.

Le mécanisme est composé de deux masselottes qui sont mises en mouvement par la force centrifuge du volant. Grâce à cette force, les masselottes soulèvent le clapet situé dans le réseau d’eau potable. Ce mécanisme ingénieux permet de contrôler l’écoulement de l’eau de manière efficace et de prévenir tout gaspillage inutile. Une fois terminé, en relâchant le volant, les masselottes reprennent leur position initiale et le clapet se referme, stoppant l’écoulement de l’eau.

 

 

SOURCES

 

Le génie civil, revue générale des industries françaises et étrangères ; numéro du 10 novembre 1917 les installations du service d’eau potable de la ville de Bangkok  par L. Robert de la Mahotière.

Bulletin économique de l'Indochine.  Numéro du 1r mai 1904

Bulletin de la société industrielle de l’Est, numéro 43 de 1905, article sur la filtration industrielle des eaux ;

Les Annales coloniales : organe de la "France coloniale moderne numéro du 1er juin 1903.

La Technique sanitaire et municipale : hygiène, services techniques, travaux publics : journal de l'Association générale des ingénieurs, architectes et hygiénistes municipaux de France, Algérie-Tunisie, Belgique, Suisse et Grand-Duché de Luxembourg. Numéro du 19 janvier 1901.

L'Éveil économique de l'Indochine numéro du 17 juin 1923.

 

พระราชดำรัสการเปิดการประปากรุงเทพฯ ของพระบาทสมเด็จพระมงกุฏเกล้าเจ้าอยู่หัว และเรื่องราวเกี่ยวกับน้ำ  Discours royal à l’occasion de  l'ouverture de l'usine des eaux de Bangkok de Sa Majesté le Roi Mongkut Klao  Publication de 1972.

 

 

 

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16 mars 2024 6 16 /03 /mars /2024 03:09

 

Le roi Rama V à la suite de son père lança une série de réforme essentiellement de façon régalienne mais parfois aussi  donnant lui-même le bon exemple de par son attitude, ses habitudes et ses errements, ceux de sa famille et ceux de la cour. Grand constructeur et grand bâtisseur, tout comme son père, leurs réalisations architecturales sont bien connues, œuvre essentiellement de leurs architectes italiens. Par ailleurs, l’'administration des Travaux Publics de Bangkok, réalisa d’importants travaux de voiries, créant de belles et grandes avenues er des ponts pour franchir le fleuve et les canaux. Tout cela avait un prix mais les ressources du Trésor au fil des ans, de 1892 jusqu’en 1910, date de la mort de Rama V  passèrent de 15 millions de baths par an à 65 millions, chiffres arrondis. Plusieurs millions étaient consacrés annuellement aux travaux publics mais il est difficile de faire la ventilation entre les postes de dépenses, avenues, ponts, lignes de chemin de fer, réseau électrique…

 

 

Il y eut un aspect moins spectaculaire sous le règne de Rama V et pourtant d’une importance pour la population, celui de sa politique de travaux sanitaires dans sa capitale. Il recouvre deux postes précis, celui de l’évacuation des ordures de quelque nature qu’elles soient suivi de l’alimentation de la ville en eau (plus ou moins) potable.

 

 

Sur le premier sujet, nous disposons d’un très intéressant article de Chittawadi Chitrabongs, universitaire et architecte, au titre évocateur s’il en est, mais un peu réducteur sinon provocateur « Politiques de défécation sous le cinquième règne ». Nous y trouvons, au vu de multiples sources pour la plupart en thaï et qui ne nous sont pas accessibles, des éléments totalement inédits à ce sujet qui n’a rien de poétique (1). Elle porte  sur la question de l’évacuation des déchets de toute nature. Dans un prochain article, appuyé sur des sources différentes, nous aborderons un sujet connexe, celui de l’installation de l’eau potable dans la capitale.

 

 

Nous connaissons un premier recensement effectué à Bangkok en 1883 et celui, plus général, de 1909. La ville abrite environ 600.000 habitants dont environ 50.000 résident dans des habitations flottantes, sur les canaux (klongs) qui la sillonnent.  Ces canaux servent à tout, en dehors de l’alimentation en eau dont nous reparlerons, ce sont tout simplement les égouts de la ville. Les visiteurs de Bangkok à cette époque ne parlent que de ses splendeurs et nul de l’infernal état de crasse et de puanteur qui régnait alors sur la ville. Il est une exception toutefois, peut-être y en a-t-il d’autres : Carl Bock, consul général de Suède, après avoir décrit les splendeurs de la ville, fait une très brève allusion à sa crasse et à sa puanteur : « La boue des rues, les ordures entassées partout, les odeurs nauséabondes… » in « Le royaume de l’éléphant blanc », traduction française de 1889.

 

 

Le jeune diplomate Réau en parle dans une correspondance privée qui n’étais alors pas destinée à la publication « Autour du Consulat beaucoup d'Européens - puis plus loin, pendant des kilomètres et des kilomètres, la ville immense, grouillante, empestée par place, sale, puis de larges avenues, le Palais, avec ses pagodes dorées, ses statues géantes ... » in  Jeune diplomate au Siam: 1894-1900 Lettres de mon grand-père Raphaël Réau  publié en 2013. 

Lorsque Monseigneur Pallegoix, vicaire apostolique au Siam, parle du pays en 1854, il ne nous parle que des splendeurs et des magnificences de Bangkok. On ne peut pas même parler de « tout ce que vomit Subure et l’Esgastule » car, s’il y avait des égouts dans la Rome antique, il n’y en avait pas dans le Bangkok de Rama V. Lorsque Monseigneur Pallegoix, vicaire apostolique au Siam, parle du pays en 1854, il ne nous parle que des splendeurs et des magnificences de Bangkok. On ne peut pas même parler de « tout ce que vomit Subure et l’Esgastule » car, s’il y avait des égouts dans la Rome antique, il n’y en avait pas dans le Bangkok de Rama V.

 

 

Lorsque Rama V a visité Paris et Londres, les deux villes étaient pour l’essentiel devenues propres.

 

 

Il  avait lui-même des idées d'ordre et de propreté qui allaient contre, sinon la tradition, du moins la routine. Ce fut la raison pour laquelle, comme pour toutes ses réformes, s’éleva une opposition populaire. Le roi ne voulut pas simplement que sa capitale soit une ville propre, il voulut mouler les habitudes de ses habitants sur les siennes propres qui valaient assurément mieux ! Détails triviaux sinon scatologiques : imposer à son bon peuple l’utilisation d’objets pratiques, conseillers par les médecins étrangers comme de simples toilettes et à défaut de le leur imposer à domicile, imposer l'utilisation de toilettes publiques aux habitants de Bangkok.

 

 

Le souci du roi n’était peut-être pas de modernisation mais celui d’une transformation esthétique de la capitale en imposant une totale rupture avec les attitudes siamoises rurales au profit d’une hygiène personnelle reflétant ses propres idées sur la bienséance. Sa politique de « stratégie hygiénique » débuta dès le début de son règne. Il voulut en priorité que soient installés partout des fours crématoires pour supprimer la combustion des cadavres humains sur un bucher à l’air libre,

 

... seul élément d’hygiène qui choquait Monseigneur Pallegoix mais pour des raisons religieuses, et le rejet dans les canaux et les klongs des cadavres d’animaux et de tous les déchets domestiques en sus de toutes mes merdes : A cette époque en effet, les cadavres et, les ordures et les déchets, organiques ou pas, flottaient tout simplement sur les eaux et les dépouilles étaient parfois laissées à la vioracité des vautours.

 

 

Le monarque s’est d’abord attaché à introduire des water-closets dans ses palais et, faute de pouvoir l’imposer au menu peuple, a tenté d’imposer l'utilisation de toilettes publiques aux habitants de Bangkok. De nombreuses références extraites des archives royales, démontrent que le roi manifestait sa répulsion et son dégoût face à l'aspect de sa capitale, s’indignant notamment de l’habitude siamoise de laisser les cadavres d’animaux pourrir au bord des routes et de l’évacuation des eaux usées à l’air libre. Curieusement, il met sur le même plan son indignation de voir la majorité des femmes circuler les seins nus à Bangkok, moins désagréable tout de même sur le plan esthétique et encore moins sur le plan olfactif.

 

 

Cette lourde tâche, après sa visite eu Europe de 1897, fut été confiée au Prince Narit (Narisara Nuvattivongs  - นริศรานุวัดติวงศ์) qui était par ailleurs à la fois architecte et musicien avant de devenir spécialiste de l’’élimination des eaux usées. Le seul choix de cette figure centrale du pouvoir montre l’importance qu’il attachait à ces problèmes.

 

 

La création du Département sanitaire date de 1897 et l'introduction de toilettes publiques à Bangkok dans le cadre des politiques de réforme de la santé publique, apparaissent comme une reproduction  des politiques européennes en réponse aux problèmes de l'urbanisation rapide. La politique  de Rama V eut un double aspect : en dehors de la modernisation de sa capitale, ses préoccupations personnelles certainement égoïstes,  esthétiques et probablement olfactives. Constater la présence de tas d'excréments dans les rues devenait évidemment une insulte à ses réformes. Or Bangkok à cette époque comme Londres ou Paris au XVIIIe siècle, puait la merde.

 

 

Ces réformes commencèrent  dans la « ville intérieure », dans ses propres palais. 

 

 

Ses femmes et lui s’y soulageaient dans un bâtiment spécial d'un étage aux murs épais de brique et de mortier. A l'intérieur, l’élimination des excréments était une activité collective, évacués par des servantes, transférées d’un pot de chambre dans un récipient spécial et partaient en flottant depuis un site particulier, gardé par la police du palais, lancés sur les eaux par serviteur de confiance. Hors ce gynécée et dans le complexe de palais, des excréments étaient évacués par seaux qui partaient dans les mêmes conditions au fil de l’eau des klongs. Où allaient-ils ? Les vases de nuit étaient placés sur le sol à moins d’un mètre de la tête des lits des soldats. Après avoir identifié le coin le plus agressif du Grand Palais, le Dr Campbell Highet, médecin de la Santé, a conclu que: «Je ne suis pas surpris par le fait de voir la peste de tomber de là-bas en raison de la surpopulation et de la saleté ».

 

 

Le roi fut enthousiasmé par l'importation d'objets modernes dont il ne pouvait évidemment pas imposer l’utilisation aux habitants de la capitale mais il subit de cruelles déceptions lorsqu’en particulier les tirettes des chasses d’eau, superbe matériel provenant de la prestigieuse société de Londres Maple & Co, restaient coincées.

 

 

Il estima alors, non sans raison peut-être, qu’on lui avait refilé des invendus obsolètes d’Europe ? Mais  curieusement, irrité du mauvais fonctionnement de la chasse d’eau, il ne se souciait nullement de savoir où elle évacuait les étrons quand elle fonctionnait ! Ce n’étaient que des toilettes symboliques !

 

Loin de ses palais, le centre-ville était d’une saleté repoussante, lorsque le soleil frappait sur ​​les trottoirs de granit, l’atmosphère était étouffante et la puanteur d’urine insupportable et encore plus en saison des pluies. Si les habitants de la ville intérieure étaient propres, comme le sont les Siamois qui prennent deux bains par jour, le mode d'élimination de leurs excréments restait primitif sinon aléatoire.

 

Le roi était très sensible à la façon dont les résidents européens et les visiteurs pourraient percevoir Bangkok. Tout devait apparaître bien entretenu et en bon ordre. Les plaintes des Européens auraient été prises comme des affronts …

 

Dans ses palais, il avait rejoint le clan des anglomanes ! Les water-closets des salles de bains, provenaient de Maple & Co. à Tottenham Court Road. En 1899, enfin, il reçut un cadeau royal, un bidet, de l'ambassadeur siamois à Paris parce qu'il avait exprimé le souhait, quand il était dans notre capitale, d’en posséder un. Mais en fin de compte, tout ce qu’il imposa dans ses palais, c’était tout simplement la position assise, mais toujours pas le moindre système d'égout.

 

 

L'image de Bangkok qu’il voulut donner de sa capitale était celle d’un ordre idéal, représentant son propre statut de représentant l'ordre céleste. Il voulut donc transformer les habitudes siamoises d’origine rustiques pour les adapter aux exigences de la vie dans une capitale moderne. Le roi avait-il eu conscience de ce qu’était une politique d’urbanisation et d’hygiène ? Par contre et à ses yeux, les coutumes rurales populaires : pisser dans l’herbe et déféquer dans la forêt éloignée de la maison, appropriées à la campagne, ne pouvaient être tolérés dans la densité urbaine de Bangkok.

 

Quelles étaient donc les pratiques des habitants à cette époque ?

 

Ils urinaient et se soulageaient n’importe où, espaces publics ou privés. Il n’y avait aucun moyen de d'élimination des eaux usées. Tout au plus, les autorités tentaient-elles d'empêcher les gens de jeter les matières fécales dans les jardins des voisins et les sanctionnaient en leur faisant porter des seaux d'excréments sur leurs épaules. Mais il n’y eut en réalité eu aucune action officielle ou le moindre règlement même élémentaire pour l'élimination des eaux usées.

 

Une mesure réglementaire intervint certes dès 1870 (พระราชบัญญัติ ว่า ด้วย ธรรมเนียม คลอง) mais elle n'avait rien à voir avec l'hygiène. Il  s’agissait surtout d'interdire ce qui ne devait pas être vu. Ainsi, la police fluviale pouvait forcer le délinquant à ramasser les détritus de toutes sortes (ordures, cadavres ou matières fécales) qu’ils jetaient dans les cours d'eau.  Par la suite, la police eut la possibilité de détruire les constructions édifiées le long de quais d’où partaient souvent ces détritus.

 

La base des réformes vinrent incontestablement du sens esthétique et olfactif du Roi eu égard à l'expansion du réseau des canaux, mais aussi à l'apparition de nouvelles routes à l’occidentale.  La loi sur la police (กฎหมาย โปลิศ) de 1875 visait principalement à rendre propres les rues de Bangkok. Les habitants qui déféquaient le long des nouvelles voies pouvaient être condamnés à une amende de 20 ticals comme on appelait alors le baht. S’ils ne pouvaient pas payer, ils étaient incarcérés pendant 3 mois. S’ils urinaient dans un espace public, ils pouvaient y être ligotés pendant 4 heures. Se rendant à son « jardin céleste », le Roi Rama V avait rencontré une personne qui déféquait devant le palais du prince Bodindécha ce qui l’incita à demander à la police d’agir de façon draconienne, toujours dans le souci de voir sa capitale propre.

 

Mais Bangkok avait grandi le long des cours d'eau : Les Siamois trouvaient naturel de déféquer sur les quais et dans les champs. Dans le langage populaire, « aller dans la rizière », « aller dans la forêt » ou  «aller à l'embarcadère», avaient  le sens précis que l’on devine ! Les matières fécales humaines ou animales attendaient d’être dévorées par les vautours et les corbeaux.

 

Certaines des peintures murales du temple Suthat sont significatives de cette habitude de s'accroupir et de lâcher ses excréments dans les cours d'eau de Bangkok. Il s’agissait même de rencontres conviviales de bavardage et de détente. Un homme déféquant n'était pas considéré comme une nuisance publique !

 

Il y avait toutefois au moins une classe particulière, celle des moines, qui avait appris à s'accroupir et uriner correctement dans le cadre de leur méditation quotidienne : leur règle, le Vinayapitaka prescrit la bonne façon de déféquer dans la cahute comportant un siège et autres accessoires nécessaires à ses fonctions naturelles. Un pot était utilisé et les moines bouddhistes avaient instruction de se laver l’anus après défécation ! Le siège était en bois ou en pierre, un conduit évacuait les urines où elles étaient récupérées et éliminées (comment ?) et les matières fécales également évacuées et éliminées (comment ?). La séparation des matières liquides et solides avait au moins pour conséquence de réduire la puanteur !

 

 

Les pécheurs quant à eux déféquaient dans l’eau depuis le bord de leur bateau. Ceux qui vivaient dans des maisons flottantes le long des cours d'eau adoptèrent la construction d’une petite cahute qui conduisait en tout état de cause les ordures au canal ce qui ne changeait rien à rien.

 

Ces pratiques conduisirent évidemment à l’accumulation d’une invraisemblable concentration de saletés et d’ordures dans Bangkok et une pollution massive de la rivière et des canaux, Bangkok ayant connu une croissance fulgurante, le fleuve Chao Phraya et les réseaux de canaux étaient bordées de maisons ou de maisons flottantes sur pilotis. Le nombre croissant des maisons flottantes rendit de plus en plus difficile la possibilité de prendre un bain. Dans la relation des funérailles d'un policier de la navigation, Phra Bamrasnaradur narre ses souvenirs d’enfance : « Quand je prenais mon bain le matin dans le canal, si la marée est haute, les excréments flottaient à la surface. J’étais obligé de faire des vaguelettes pour que la merde s’éloigne de moi. Je devais ensuite me laver à la hâte avant de me sécher. De toute évidence, je me baignais dans la merde ».

 

Malheureusement, nul alors ne faisait le lien entre la présence d'excréments et les problèmes de santé. Si les habitants logeaient à proximité d’un temple, ils en utilisaient les commodités, sinon les paresseux qui ne voulaient pas marcher continuèrent à se soulager  n’importe où. Mais toujours aucune tentative de réforme relative à l’évacuation des eaux usées, simplement interdiction de le faire à la vue du public ! Lorsque le roi eut fait construire des latrines dans Bangkok, l’éclairage électrique fut installé au voisinage de chacune d’elle pour qu’il n’y ait pas d’erreur ! Certains toutefois préféraient continuer à aller déféquer dans la nuit loin de l'éclairage qui facilitait la tâche de la police ! Il continua à régner dans la ville une odeur pestilentielle que relatent systématiquement les multiples sources exclusivement siamoises de notre universitaire. Aux environs du célèbre « Oriental Hôtel »,

 

 

... non loin du Consulat de France, on trouvait en outre dans des écuries entourées de fumier de cheval, des monceaux de nourriture avariée et des monceaux d’excréments. Le roi ordonna la construction d’une clôture pour les cacher, mais une clôture ne supprime pas les odeurs nauséabondes !

 

Se posait évidemment la question de la relation entre cette situation pestilentielle et la santé de la population. Les résidents européens s’inquiétèrent de l'état sanitaire des voies navigables. Le long des berges des canaux, où la densité de population était la plus importante, la contamination était permanente. En  saison sèche, les particuliers du menu peuple utilisent des eaux putrides pour leurs besoins domestiques. Le long des rues de Bangkok, s’alignent en outre des porcheries, des élevages de canard, des tanneries, des fours à chaux. Les porcheries étaient construites sur pieux le long des canaux et tous les jours, les excréments porcins partent au fil de l’eau. Un résident européen, M. Philippe Peterson, se plaignit à la police qu’une voisine avait construit ses toilettes à côté d’un cours d’eau et qu’il fallait la chasser de l'enclave européenne de Bangrak. Un fonctionnaire anglais note qu’elle avait vécu dans cette maison pendant au moins 30 ans et avait déversé ses excréments dans le canal pendant au moins 20 ans. Un médecin hygiéniste anglais, le Dr Campbell Highet est encore plus dur avec les « coolies chinois », nous nous dispensons de vous reproduire sa description de leurs œuvres.

 

L’Europe, Paris après la gigantesque épidémie de Choléra en 1832, Londres après celle de 1854, qui firent des centaines de morts dans les quartiers populaires, se décidèrent à terminer leur réseau d’égouts, encore que le lien scientifique ne fusse pas encore fait avec certitude entre la maladie et les eaux putrides, il ne le sera définitivement par Koch qu’en 1883. Les Européens de Bangkok pour leur part étaient tout de même plus ou moins conscients de la façon dont des germes putrides pouvaient répandre des épidémies et du danger que faisait courir la crasse de Bangkok.

 

 

Le Siam pour sa part connut une terrible épidémie de choléra qui, en 1849, décima la population. La responsabilité en fut attribuée aux missionnaires que l’on chassa et on la réduisit en envoyant des moines sur la mer chasser les démons qui en était aussi à l’origine.

 

Les Siamois de Bangkok, pour leur part, ne se souciaient ni de quelque maladie contagieuse que ce soit ni de l’aspect de leur ville. Ils continuèrent à déféquer où bon leur semblait et considéraient que les règles draconiennes édictées par le roi était une atteinte à leurs traditions ! Il y eut alors des actes de « résistance passive » certains se plaisant à aller pisser ou se soulager sur les pelouses du grand palais ou sous les fenêtres des fonctionnaires chargés de faire respecter les décisions royales ! D'autres, au lieu d’utiliser les toilettes publiques nouvellement érigées, en utilisaient par provocation les escaliers bien à l’extérieur !

 

Dès 1905, le roi lui-même perdit la foi dans les vertus de ses actions sanitaires. Il se déchargea alors totalement du problème sur son demi-frère, le prince Narit  en 1899. Celui-ci lui fit la promesse que dans les sept jours, Bangkok ne serait plus submergée par les odeurs de merde ! Son rapport nous apprend que les coolies chinois accomplissaient  leur tâche correctement et qu’ils n’étaient la source des odeurs. Il constata des refoulements de déchets lorsque la marée refluait, qui restaient ensuite sur place à marée basse. Rien n’était résolu. Si le roi avait construit des toilettes dans ses palais et des toilettes publiques dans la ville, il n’y avait fait établir aucun un système d'égouts. Or, la question des épidémies de choléra à Londres et à Paris avaient été résolue par la construction de réseaux d'égouts.

 

La technologie avait fait ses preuves irréfutables. Bien que conseillé à ce sujet par son personnel européen. Après la mort du roi en 1910, le Département sanitaire aurait refusé sur décision du prince Damrong d’établir ce réseau mais essentiellement pour des raisons budgétaires.

 

125 années ont passé. D’immenses travaux ont été réalisés dans les années qui suivirent. On ne brûle plus depuis longtemps les cadavres à l’air libre dans l’enceinte des temples, chacun a son crématoire, on ne les donne plus en pâture aux vautours et il ne subsiste plus de cette époque que quelques mauvaises habitudes dont les Thaïs ne se sont pas tous débarrassé comme le rappelle un panneau que l’on trouve toujours dans les toilettes.

 

On peut parfois lorsqu’on s’égare dans certains quartiers défavorisés de la capitale ou lorsqu’on navigue sur certains klongs renifler des odeurs qui ne sont pas celles du jasmin.

 

 

Et 125 ans plus tard, Bangkok n’a toujours pas de système d'assainissement totalement efficace.

 

Mais d'autres capitales ont aussi leurs problèmes de santé publique

 

 

La construction du réseau de distribution d’eau fut envisagée par le roi en 1892 et retardée pour également des raisons budgétaires. Elle fut entreprise entre 1909  et 1914. Nous lui consacrerons un prochain article.

 

NOTES

 

(1) « The Politics of Defecation in Bangkok of the Fifth Reign » in Journal of the Siam society n° 99 de 2011. Monsieur Chittawadi Chitrabongs est chargé de cours à la Faculté d'Architecture de l'Université Chulalongkorn et titulaire d'une maîtrise et un doctorat de la prestigieuse « Architectural Association » de Londres, sur l'histoire et la théorie architecturale.  Nous en avons extrait les croquis, photographies et citation.

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2 mars 2024 6 02 /03 /mars /2024 02:41

 

Le drapeau thaï, drapeau national ou drapeau tricolore, nous le voyons flotter au vent en façade de tous les bâtiments officiels, sa présence y est une obligation (inconnue en France mais une simple recommandation). Nous le voyons encore flotter au haut du grand mat dans les cours des écoles publiques, les bureaux de police ou les casernes militaires. La lever des couleurs à 8 heures et leur baisser à 18 heures est une cérémonie rituelle au quotidien. Les particuliers sont encore nombreux qui l’arborent à l’entrée de leur domicile.

 

 

Voulu par le roi Rama VI e 1910,  il remplaça le drapeau officiel d’alors, le drapeau rouge à l’éléphant blanc, par le drapeau aux trois couleurs qui  portaient encore à l’époque l’éléphant blanc.

 

 

C’est derrière lui que défilèrent les troupes siamoises lors du défilé de la victoire le 14 juillet 1919 bien que leur participation n’y eut guère été que symbolique.

 

 

Les trois couleurs symbolisent selon l’ordre royal, le bleu, le roi, le blanc la religion bouddhiste et le rouge, le sang versé pour la défense du pays. Il n’y a aucune autre interprétation possible quel que soit ce que vous pourrez lire ou entendre.  Il peut aussi s’appeler ‘drapeau tricolore » ธงไตรรงค์ Il fit l’objet depuis 1910 de plusieurs textes de loi, 1917, 1936, 1938, 1940, 1942 et en son dernier état, 1979. Il ne s’agissait pas de modifications fondamentales mais de la disparition progressive de l’éléphant blanc. La raison en est d’ailleurs simple, la confection d’un drapeau à simplement trois couleurs est de confection beaucoup plus facile donc moins couteuse qu’un pavillon portant un dessin dont les normes sont rigoureuses. Ce texte a été publié dans la « Gazette royale » du 22 avril 1979 sous le titre « Loi sur le drapeau » (พระราชบัญญัติธง). Il fut complété en 1986 par l’équivalent de ce que nous appelons un « décret d’application » qui définit les conditions dans lesquelles la loi doit être appliquée. La loi a été voulue par feu le regretté roi Rama IX et soumis à l’approbation du parlement.

 

Elle comporte la description de tous les drapeaux – en dehors du drapeau national qui vient évidemment en tête  de tous ceux que peuvent arborer les membres de la famille royale, le prince héritier, le régent, les autorités civiles judiciaires et administratives ou politiques et militaires, une vingtaine au total en 56 articles. A l’inverse des précédentes décisions législatives, le texte est agrémenté d’illustrations en couleur ce qui en rend, il faut bien le dire et en dehors de l’obstacle linguistique la compulsation plus agréable que celle du très austère « journal officiel de la république française » !

 

 

Les articles 46 et 47 affirment le principe que seuls les drapeaux précédemment visés peuvent être utilisés mais donne les très strictes conditions dans lesquelles les drapeaux étrangers peuvent être arborés ;

 

Ces dispositions n’existaient pas dans les textes antérieurs mais peut s’expliquer à la fois par le contexte international de l’époque et de l’afflux d’Occidentaux qui commençaient à déferler sur le pays et à manifester une propension plus ou moins (mal)saine à afficher ouvertement leur extranéité en hissant leur drapeau en public ?

Le dixième chapitre comprend, depuis l’article 48 jusqu’à l’antépénultième 54, les peines qui punissent ceux  qui enfreignent la Loi, elles sont, nous le verrons, lourdes.

Les deux derniers articles contiennent des dispositions transitoires.

La Loi rappelle en préambule que le drapeau est le symbole de la nation.

Ne citons que trois des  drapeaux de la liste des seuls drapeaux que l’on peut arborer dans le pays.

 

Le premier qui vient est le drapeau tricolore dont la composition ne comporte pas de fantaisie :

 

 

Le drapeau national est de forme rectangulaire, composé de 6 parties de largeur et 9 parties de longueur. La largeur est divisée en 5 bandes, au milieu se trouve une bande bleu foncé, large de 2 parties, , des deux côtés est une bande blanche d'une partie de large de chaque côté de la bande bleue/  Des deux côtés de la bande blanche se trouve une bande rouge d'une partie de large de chaque côté.

 

 

Il est immédiatement suivi, est-ce une préséance ? par celui de la marine royale qui est le seul et le dernier à porter encore l’éléphant blanc, sa description est tout aussi précise : Le drapeau de la marine royale présente les mêmes caractéristiques que le drapeau national mais au milieu du drapeau se trouve  un cercle rouge, dont Le diamètre représente 4/6 parties de la largeur du drapeau, le bord du cercle touchant le bord de la bande rouge du drapeau, à l'intérieur du cercle se présente l'image d'un éléphant blanc debout sur un piédestal face au mât ou à la hampe  du drapeau.

 

 

Il est suivi par le drapeau personnel du roi : Il  est de forme carrée et sur le fond jaune se trouve un Garuda rouge au centre.

 


 

Vous verrez le plus souvent le drapeau national tricolore accompagnant le drapeau jaune du roi.

 

 

LES DRAPEAUX ETRANGERS

 

L’article 46 ne prête à aucune équivoque : Seuls peuvent être arborés le drapeau national, celui de la marine royale, du roi, de la reine, des membres de la famille royale  et des autorisée susvisées. Sont autorisés les drapeaux des chefs d’Etat, des chefs de gouvernement, des chefs de missions diplomatiques, les drapeaux consulaires, des organisations internationales dont le pays est membre et tout autre ayant reçu l’autorisation du premier ministre. 

En cette hypothèse, arborer ces drapeaux étrangers ne peut s’effectuer que dans les endroits suivants :

(1) Leur lieu de résidence ou leur véhicule pour un roi, une reine, l'héritier du trône, le chef de l'État ou les représentants ou chefs de gouvernement à l'occasion d'une visite en Thaïlande

(2) Le siège de la mission diplomatique ou consulaire, celui d’une organisation internationale y compris celui des agences de ces organisations.

(3) Lieu de résidence ou le véhicule du chef d'une mission diplomatique, du  chef d’un bureau consulaire  ou chef de bureau d'une organisation internationale ainsi que les chefs des départements de l'organisation.

(4) Les navires ou aéronefs de pays étrangers ou ceux d'organisations internationales.

(5) Tous autres lieux autorisés par le Premier ministre.

L’article 47 précise que ces dispositions restrictives ne s’appliquent pas à l’intérieur des bâtiments susvisés.

 

 

Le décret de 1986 ajoute quelques précisions à l’occasion de manifestations sportives  lorsque le drapeau est placé avec plusieurs autres, il doit être placé au centre et lorsqu’il est placé aux côtés d’un seul drapeau étranger, il doit l’être à droite étant précisé que le  « côté droit » désigne le côté droit vu de l'intérieur ou de l'endroit où le drapeau est utilisé pour être hissé ou exposé. Ainsi par exemple, lorsqu’un particulier arbore à la fois le drapeau national et celui du roi, ce que l’on voit souvent, vu de l’extérieur, le drapeau national est à notre gauche

 

Ce décret concerne « le lever ou l'affichage du drapeau national et drapeaux des pays étrangers au Royaume » La définition des drapeaux étrangers ne change pas par rapport à celle de la Loi. Il distingue entre

 

Le « lever » c’est-à-dire « Lever le drapeau » signifie hisser le drapeau au sommet du mât selon ou l'occasion qu’il va préciser et l’affichage ce qui se passe de définition selon moi. Il donne, nous l’avons vu, la définition qui a son importante, du  « Côté droit » ;

 

Un préambule, judicieux rappel, a son importance «  Le drapeau national est le drapeau qui représente le pays thaï ou la nation thaïe. Traitez le drapeau avec respect. Ne lui manquez pas de respect et ne portez pas atteinte à la dignité du pays ou de la nation ». Le drapeau qui doit être hissé ou arboré doit être en bon état, non déchiré et les couleurs ne doivent pas être passées.

 

La hauteur et la taille du mât est à la discrétion du responsable des lieux en fonction de l’élégance des lieux. La levée du drapeau doit s'effectuer de la manière suivante : La personne chargée de le hisser doit être vêtue  proprement ; Lorsque le moment du lever approche, le drapeau doit être attaché au fil à droite du leveur. Lorsque l’heure est atteinte, le drapeau doit être déployé  complètement et le leveur doit alors tirer sur la ficelle pour faire monter le drapeau lentement et uniformément jusqu’au sommet du mât et ensuite attacher la corde de manière à ce qu'elle soit bien tendue afin que le drapeau ne descende pas. De même façon pour la descente, elle doit s’effectuer lentement et uniformément. Lorsqu’un chant d’accompagnement est joué, le drapeau, le drapeau doit être hissé ou abaissé jusqu'à la fin du chant. Des consignes tout aussi détaillées sont données pour la mise en berne jusqu’aux deux tiers de la hauteur.

 

 

Les jours ou le drapeau doit être hissé pendant une journée sont le jour de l’an et celui de Songran, les jours de fêtes bouddhistes, le jour de la dynastie Chakri, le jour de la constitution, l’anniversaire de la Reine et trois jours pour l’anniversaire du Roi. Ces jours-là, le drapeau doit être traité avec un respect tout particulier. Le lever s’effectue sauf tradition contraire à hit heures et le baisser à 18 heures.

 

En présence d’autres drapeaux, le drapeau national ne doit pas être placé à un niveau inférieur aux autres drapeaux et normalement le drapeau national doit être disposé au premier mât, côté droit et les autres à gauche. Sa taille ne doit pas être inférieure à cette des autres drapeaux.

 

L’utilisation du drapeau pour recouvrir le cercueil avant la crémation lors des cérémonies funéraires, est strictement réservée à quelques hautes personnalités, ou à des personnes décédées dans l’exercice de leurs fonctions, la décision appartenant au Gouverneur de la Province. Avant la crémation, le drapeau  doit être soigneusement plié sans qu'aucune partie ne touche le sol.

 

Le respect dû au drapeau.

 

Lorsque le drapeau  est hissé et abaissé, lors de diverses cérémonies, il importe de  faites preuve de respect en se tenant droit et en faisant face au mât

 

Les sanctions

 

Toutes des dispositions ne sont pas de simples obligations de convenance et leur violation entraine des sanctions sévères

 

Quiconque enfreint les dispositions générales de la loi sera puni d'une peine d'emprisonnement n'excédant pas deux ans ou une amende n'excédant pas quatre mille bahts, ou les deux

 

Quiconque enfreint les dispositions relatives aux drapeaux étrangers  puni d'une peine d'emprisonnement n'excédant pas un an ou une amende ne dépassant pas deux mille bahts, ou les deux

 

Quiconque utilise, hisse ou affiche un drapeau étranger est passible d'une peine d'emprisonnement n'excédant pas un mois ou une amende ne dépassant pas mille bahts ou les deux

 

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23 décembre 2023 6 23 /12 /décembre /2023 04:23

La présence au Siam jusque dans les années 30 du siècle dernier de six vice-consulats de France (Chiangmai, Nan, Makheng-Udonthani,  Korat, Ubonrachathani et Chnataburi) en sus du consulat de Bangkok face à l’existence en Thaïlande à l’heure où j’écris de cinq consuls honoraires a de quoi surprendre  en sus de Bangkok : Chiangmai, Phuket, Suratthani, Khonkaen et Prachuap.

 

Revenons sur quelques chiffres : Nous connaissons celui des nationaux enregistrés au Consulat de France en 1913 : 240 dont 146 hommes, 63 femmes et 31 enfants. Parmi les hommes, il y a alors deux ou trois dizaines de missionnaires. Si l’on soustrait les employés de l’Ambassade, du Consulat et des Vice-consulats, leurs épouses et la marmaille, cela fait bien peu de résidents permanents, employés des banques ou des compagnies maritimes  (1)

 

 

 

On ne venait alors pas encore au Siam pour y jouir d’une retraite paisible. Les voyageurs intrépides que l’on n’appelle pas alors touristes ne sont qu’en petit nombre. Diverses éditions du Guide Madrolles nous apprennent que le visiteur intéressé par Phimai pourra être hébergé dans les locaux du consulat !

 

Par ailleurs, il est permis de penser que tous les Français présents dans le pays s’y enregistraient, simple précaution pour bénéficier de la protection consulaire même si elle n’a jamais été obligatoire, ce qui n’était pas alors un vain mot. Compte tenu du contexte géopolitique de l’époque, il s’agissait d‘une élémentaire précaution. Le consulat doit sa protection à tous les ressortissants, enregistrés ou pas comme c’est toujours le cas. Mais en dehors de ces Français de France, le Siam abritait un certain nombre – plusieurs dizaines de milliers probablement – de « protégés ». Ce sont les ressortissants originaires de pays placés sous la suzeraineté française, colonies, protectorats ou comptoirs, Annamites, Cambodgiens, Laos, Indiens et Chinois. Ils échappaient à la législation siamoise,  justice,  fiscalité, corvées et service militaire. La France avait adopté à cet égard une politique ouvertement inflationniste, le « parti colonial » alors tout puissant considérait que c’était une procédure efficace pour coloniser le pays de l’intérieur.  Les missionnaires participaient alors allégrement à cette politique en s’efforçant de faire bénéficier tous leurs paroissiens de cette protection, alliance contre nature – il faut le dire – non pas du sabre et du goupillon mais du goupillon avec  l’équerre et le compas des barbichus francs-maçons qui gouvernaient le pays. On a alors parlé - peut-être non sans raisons – de baptêmes de pure complaisance ? Le nombre de ces « protégés » est difficile à connaître, il en est deux raisons

 

 :

La France tout d’abord a toujours systématiquement refusé de donner aux autorités siamoises la liste de ses protégés. La belle affaire, lorsqu’un siamois était pour une raison ou une autre, arrêté par les autorités siamoises, il exhibait alors, narquois, le précieux document !

 

 

La suivante heurte l’historien  -même du dimanche – que je suis : le Centre des Archives diplomatiques de Nantes (CADN) a conservé tous les documents des légations et des vice-consulats de France installés au Siam à l’époque, il s’y trouve de nombreux documents d’archive intéressants : Certains documents peuvent être consultés, d’autres d’ailleurs spécifiquement liés aux protégés français au Siam sont détériorés et ne sont plus accessibles et consultables en l’état.

Aujourd’hui, il y a un peu plus de 10.000 français vivant au Siam enregistrés au consulat. Un certain nombre pour diverses raisons ne le sont pas, non parce qu’ils sont « en cavale » mais parce qu’ils n’y trouvent pas d’intérêt majeur. Les chiffres les plus grotesques (40.000) sont avancés sans l’ombre de l’embryon d’une justification, sur le nombre de ces réfractaires, peut-être quelques petits  milliers de plus. Ils sont en tout état de cause placés aussi sous la protection de la France. Seule l’administration centrale thaïe de l’immigration pourrait donner le chiffre des français titulaires d’un visa ou d’une autorisation de séjour à long terme et je crains que jamais quelque chercheur ne l’ait demandé à ce jour. Mais en plus de ces 10, ou peut-être 12.000, résident permanents, il y a aussi des centaines de milliers de touristes français qui, lors de leur séjour temporaire en Thaïlande, ont aussi droit à la « protection consulaire » pour autant que ce concept ait encore un sens au XXIe siècle. Nous sommes bien loin des quelques centaines de français et des quelques dizaines  de milliers de « protégés » d’il y a à peine plus de cent ans (2).

 

Ces vice-consuls étaient des fonctionnaires nommés et appointés par le gouvernement sous la responsabilité du Consul général. Il règne une certaine opacité sur leur ressources mais nous avons à tout le moins la correspondance d’une jeune diplomate, Raphaël Réau, en poste à Bangkok comme 3e consul jusqu’en 1900. Et la rémunération des vice-consuls étant celle d’un 3e consul, nous avons donc une bonne idée de la situation de ces vice-consuls.  La correspondance de Réau publiée par son petit-fils; est privée et non administrative, elle a le bénéfice de la sincérité et tout à la fois de cynisme et de naïveté. (3)

 

 

Sa rémunération annuelle était de 10.000 francs. Le convertisseur de l’INSEE nous donne une contre-valeur d’environ 45.000 euros à l’heure où j’écris. Le jeune diplomate crie misère mais c’est probablement pour apitoyer sa mère. Il était en outre remboursé de ses frais « sur justificatifs » ce qui veut à la fois tout dire et ne rien dire. Le consulat reçevait une prime de 5% sur les droits de chancellerie encaissés dont on ne sait s’ils tombaient dans l’escarcelle du Consul général ou s’ils étaient partagés. Un seul chiffre, les « patentes de protection » qui devaient  être reconduites tous les 5 ans avaient un coût moyen de 6 francs, environ 25 euros, les 5% sont peu de choses certes mais il y avait d’autres « à côtés » nous apprend Réau « … J’ai reçu une magnifique lampe à suspension d’un Chinois anonyme protégé. C’est l’habitude ici d’envoyer des cadeaux qu’on ne peut refuser. Ma lampe vaudrait bien 600 francs (i.e 2500 euros). Et des potiches chinoises, des porcelaines, tous nos riches protégés sont très généreux, quelques-uns sont millionnaires ». Ces usages de Bangkok étaient probablement aussi répandus dans les vice-consulats ? Ce n’est évidemment pas la richesse mais une aisance certaine encore qu’Auguste Pavie qui était consul général à Bangkok, vivait – selon le jeune magistrat – comme un satrape 

 

 

Notons que les vice-consuls remplissaient dans leur circonscription les mêmes fonctions que le Consul, tout à la fois officiers d’état civil, délivrance des actes d’état civil, rédacteurs d’actes authentiques comme notaires, magistrats siégeant dans les juridictions connaissant des affaires concernant les protégés en dehors du rôle général de protection des nationaux. La France avait alors une haute conception du prestige qui devait s’attacher à ses représentations diplomatiques et consulaire. Ainsi par exemple des honneurs devaient  être rendus aux consuls lorsqu’ils se transportaient à bord d'un bâtiment de l'État, ils y étaient reçus, savoir : les consuls généraux, au haut de l'escalier par le commandant, les officiers et les aspirants de quart, la garde ayant l'arme au pied et le tambour ou le clairon étant prêt à battre ou à sonner ; et les consuls sur le gaillard d'arrière par le commandant, la garde ayant l'arme au pied. Quand ils quittaient le bord, ils étaien salués, les premiers de neuf coups de canon, et les seconds de sept, Les vice-consuls sont salués de cinq coups de canon et reçus sur le gaillard d'arrière par l'officier en second du bâtiment ….Ils ne mangaient pas à la table du Commandant comme les consuls mais tout au moins à celle des officiers d’état-major. Ils poraitent également l’uniforme de leur fonction.

 

 

Les années passèrent et la question des « protégés » français, qui empoisonnait les relations entre la France et le Siam, ne se posa plus. Le dernier vice-consulat, celui d’Ubonrachathani, fut fermé en 1930. Intervint la Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963. Elle prévoit « Il existe deux catégories de fonctionnaires consulaires : les fonctionnaires consulaires de carrière et les fonctionnaires consulaires honoraires ».  Les consuls honoraires sont des personnalités bénévoles dont la mission première est d'assurer la protection des ressortissants en difficulté et le respect de leurs intérêts, qu'ils soient résidents ou de passage. Dans le cadre de leur mandat, ils peuvent être amenés à délivrer certains actes officiels et avoir une fonction de représentation et/ou de promotion des intérêts économiques du pays qu'ils représentent. Elle consacre une distinction existant de longue date entre les consuls de carrière et les consuls honoraires,

 

 

Intervint alors, ensuite de ce texte signé par la France, le décret 76 548 du 16 juin 1976 relatif aux consuls généraux, consuls et vice-consuls honoraires et agents consulaires. Le chef de la circonscription consulaire peut nommer des consuls honoraires pour 5 ans et dot la mission se termine lorsqu'ils ont 70 ans. Le texte modifié en 1994 précise  que ces fonctions ne donnent lieu à aucun traitement. Ils conservent toutefois au titre des frais de bureaux et honoraires, les droits de chancellerie qu’ils perçoivent. Leurs compétences – que ne sont plus celles, et de loin, du consul général - sont fixées par arrêté ministériel.

 

Pour autant, c’est un  mur de glace qui les sépare des diplomates et des « authentiques » ! La France, jusqu’à l’adoption d’un décret en 1976, admettait la possibilité de recevoir des fonctionnaires consulaires honoraires, mais sans en nommer elle-même.

 

Cette institution est fortement apprécié des « petits États » (Monaco, Grand-Duché de Luxembourg par exemple) pour des raisons d’économie ou dans les contrées où les intérêts à défendre sont mineurs, un consul honoraire peut amplement y suffire mais est-ce bien le cas de notre pays ?

 

Le statut financier des fonctionnaires consulaires honoraires apparaît de plus en plus inadapté pour faire face aux dépenses, telles la location de bureaux ou la rémunération de personnel.

 

Mais quelles sont les attributions exactes de nos consuls honoraires ?

 

La présentation qu’en fait le site Internet de l’ambassade est significative.

Elle rappelle certes que leur mission principale est la protection des Français et de leurs intérêts et le devoir de rendre compte aux autorités consulaires françaises des événements intéressant ces autorités et ajoute qu’une agence consulaire ni un consulat ni une ambassade, le consul honoraire ne possédant pas toutes les compétences dévolues aux consuls généraux et aux ambassadeurs.

 

Suit la liste de ce qu’il PEUT FAIRE, donc possibilité mais pas obligation autre que morale.

 

Vient la liste de ce qu’il ne PEUT PAS FAIRE, il n’est pas le « papa-maman » de ses compatriotes.

 

Le détail de ce qu’il DOIT FAIRE est limité :

 

Remise des passeports biométriques et cartes nationales d’identité qu’i faut faire établir à Bangkok.

Recueil des procurations de vote, ce qui présente de moins en moins d’intérêt dans la mesure où le vote électronique se généralise,

 Établissement de certificats de vie et de résidence.

Certification de signature.

Certification de conformité à l’original de copies de documents.

 

Sur ces seuls actes, il perçoit des droits qui sont sa seule rémunération mais jugez donc : La remise à l’intéressé du passeport établi à Bangkok coûte 8 euros soit environ 300 baths de monnaie locale. La certification de signature est plus coûteuse, 25 euros soit un peu moins de 1000 baths. La certification des copies coûte 21 euros soit environ 800 baths.

 

Restons en-là,

 

Face à cela, lors de l’occupation de l’aéroport de Bangkok pendant 9 jours à la fin de l’année 2008, clouant au sol des centaines de milliers de touristes, j’ai apprécié les diligences du consul honoraire de Sutatthani face aux problèmes causés aux vacanciers ne pouvant regagner la France alors qu’ils y étaient attendus par leur famille et leurs employeurs. Nous étions dans le cadre du « peut faire » !

 

 

Beaucoup plus dramatique avaient été les conséquences du raz de marée de fin 2004 sur l’île de Phuket, l’aide apporté par le consul honoraire à nos compatriotes fut sans faille. Là encore, "il pouvait"

 

 

Ne souhaitons pas le retour d’événements similaires mais souhaitons que la représentation consulaire de la France en Thaïlande ne dépende pas d’un simple bénévolat et, sans vouloir honorer nos consuls honoraires de quelques coups de canon, qu’ils le soient de façon moins indécente.

NOTES

 

(1) Tous ces chiffres proviennent du Bangkok directory for Siam de 1914

 

 

(2) L’implantation des vice-consulats au Siam ainsi que celle des protégés fait l’objet de la très remarquable thèse de notre ami Rippawat CHIRAPHONG soutenue le 12 septembre 2016 en Sorbonne « La question de l’extraterritorialité et ses conséquences juridiques successives concernant les protégés français au Siam, dans le cadre des relations franco-siamoises de 1893 à 1907 ». Nous en avons extraits quelques photographies dont la carte reproduite en tête de cet articlee. Elle est numérisée sur le site thèses.fr

 

(3) La correspondance de Réau a été publiée par Philippe Marchat, son petit-fils, sous le titre « Jeune diplomate au Siam : 1894-1900 » en 2013. En dehors de l’intérêt que présente la vision du Siam, par ce jeune diplomate, elle dévoile tout un aspect de sa vie professionnelle auquel nous avons consacré un article détaillant toutes nos références justificatives :

A 200 – QUELQUES COMMENTAIRES Á PROPOS DE « RAPHAËL RÉAU, JEUNE DIPLOMATE AU SIAM (1894-1900

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2015/12/a-200-quelques-commentaires-a-propos-de-raphael-reau-jeune-diplomate-au-siam-1894-1900.html

 

 

 

 

 

 

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2 décembre 2023 6 02 /12 /décembre /2023 05:40

 

Nous avons longuement parlé de la princesse Yothathep (กรมหลวงโยธาเทพ) fille aînée du roi Naraï (สมเด็จพระนารายณ์มหาราชสวรรคต), qui joua un rôle de premier plan à la cour d’Ayuthaya sous le règne du roi Petracha (สมเด็จพระเพทราชาทรง). Nous avons alors simplement cité le princesse Yothatip (Kromluang Yothathip  - กรมหลวงโยธาทิพ), sœur cadette du roi Naraï (1). Elle mérite quelques lignes, nous les devons à notre ami Mina qui anime sur Facebook une très érudite page d’histoires (Mina's Stories : มินามีเรื่องเล่า). Nous le reproduisons avec son amiable autorisation.

 

 

Après le décès du roi Narai en 1688, le roi Phetracha monta sur le trône :::

 

 

... comme 28e monarque d'Ayutthaya (กรุงศรีอยุธยา) le premier roi de la dynastie Ban Plu Laung (ราชวงศ์บ้านพลูหลวง).

 

 

Il nomma la princesse Yothathip (Kromluang Yothathip  - กรมหลวงโยธาทิพ) sœur cadette du roi Naraï;;;

 

 

....comme reine principale, appelée Phra Akkara Mahési Fai Khwa (พระอัครมเหสีฝ่ายขวา), vivant dans le palais situé à droite du palais royal.  

 

 

Il nomma également la princesse Yothathep nommé (Krom Luang Yothathep) comme reine, appelée Phra Akkara Mahési Fai Sai (พระอัครมเหสีฝ่ายซ้าย), vivant dans le palais situé à gauche du palais royal). Elle était également son épouse:

 

 

La princesse Yothathip avait un fils de Phetracha, Chao Phra Khwan (เจ้าพระขวัญ), aimé de son père et respecté du peuple, comme petit-fils du roi Narai, lui-même bien aimé du peuple. La nuit de sa naissance, il y a eu un tremblement de terre. Cet événement était considéré comme propice pour annoncer la naissance d’un grand personnage. De plus, de nombreux astrologues et les astrologues royaux prédirent que ce jeune prince serait le futur roi comme descendant direct de Phetracha.

 

 

Mais il mourut à l'âge de 13 ans dans les circonstances suivantes : Le roi Phetracha dirigea le royaume d’Ayutthaya pendant 15 ans, de 1688 à 1703. Il était gravement malade. Krom Phraratchavang Bovorn Sathan ou encore Luang Sorasak (กรมพระราชวังบวรสถานมงคล ou หลวงสรศักดิ์) vice-roi et fils adoptif du roi Phetracha et qui voulait monter sur le trône, fut l’assassin de Chao Phra Khwan.  Le vice-roi et ses deux fils, Chao Fa Phet (เจ้าฟ้าเพชร), plus tard devenu le roi Thai Sa de 1708 à 1732 (สมเด็จพระเจ้าอยู่หัวท้ายสระ)

 

 

et Chao Fa Porn, devenu plus tard le roi Borommakot (สมเด็จพระเจ้าอยู่หัวบรมโกศ) de 1732 à 1758,

 

 

....envoyèrent un mandarin inviter le jeune garçon à visiter le palais de leur père. Il y fut tué pour respecter la tradition, enfermé dans un sac de soie et frappé jusqu’à la mort avec un bâton de bois de santal. Il fut ensuite inhumé au temple de Khok Phraya (วัดโคกพระยา).

 

 

Lorque le roi Phetracha apprit  connu la triste nouvelle, elle le rendit furieux mais il n’avait pas de pouvoir, sa maladie l’empêchant d’agir. Avant son décès, Il a donné son trône à son neveu, Chao Phra Pichai Surin (เจ้าพระพิไชยสุรินทร์). Celui-ci réalisa le danger de ce cadeau empoisonné. Il est allé voir Luang Sorasak à plusieurs reprises et le supplia de s’emparer du trône.  Ainsi fit le vice-roi qui monta sur le trône sous le nom de Sanphet VIII (สมเด็จพระสรรเพชญ์ที่ ๘) ou Somdet Phra Chao Sua (สมเด็จพระเจ้าเสือ), le « roi Tigre ».

 

 

Yothathip fut attristée de la perte de son fils et de son mari. Elle a perdu son fils et son mari. Elle a demanda au roi l’autorisation de quitter le palais royal et de demeurer dans un palais situé près du temple Phutthaisawan (วัดพุทไธสวรรค์).

 

 

Elle y mourut probablement en 1715, sous le règne du roi Sanphet IX ou Phra Chao Yu Hua Tay Sa (สมเด็จพระสรรเพชญ์ที่ ๙ ou สมเด็จพระเจ้าท้ายสระ), qui était le fils du roi Sanphet VIII.

 

 

Il faut tirer de cette histoire quelques leçons par-delà les incertitudes qui règnent sur les dates ou sur les rapports de famille.  Les sources sont squelettiques, quelques lignes dans les « Chroniques royales d’Ayuthaya » pour les deux princesses...

 

 

...et de longues descriptions de Yothathep dues aux visiteurs étrangers de l’époque mais dont aucun ne l’a jamais rencontrée. Le titre de kromluang, Yothathep pour l’une, Yothathip pour l’autre (กรมหลวงโยธาเทพ – กรมหลวงโยธาทิพ) ne semble pas avoir été simplement honorifique. Elles remplissaient un véritable rôle de minsirte. Les femmes jouent un rôle majeur dans l’histoire du Siam ce qui contredit quelque peu l’affirmation trop répandue que le bouddhisme n’attribue aux femmes qu’un rôle secondaire.

 

 

Il en est singulièrement de même à peu près à la même époque dans le sultanat mahométan de Pattani, alors tributaire du Siam et aujourd’hui province de la Thaïlande. La puissance de ce royaume atteint sous apogée pendant un siècle à partir de 1584 sous les règnes successifs de cinq sultanes d’exception,

 

 

l’Islam était-il alors moins misogyne qu’il ne l’est devenu ? (2)

 

 

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28 octobre 2023 6 28 /10 /octobre /2023 06:23

 

Le Phra Bang (ou encore transcrit Phabang ou Pabang), en thaï พระบาง, en lao ພະບາງ est le palladium et le plus précieux symbole du Laos. Phra est un préfixe qui indique la sainteté ou la grandeur. Bang est un mot venu de Ceylan d’où serait venue la statuette, qui signifierait un mélange de métaux. Elle mesure 1,14 mètre de haut et pèse 52 kilogrammes et 85 milligrammes. Elle est ou serait composé d’un mélange d’or à 90%, d’argent et de bronze. C’est la position de Bouddha mettant fin à la querelle dans un geste d’apaisement, que l’on retrouve aussi dans la position de calmer l’océan (พระยืนปางห้ามสมุทร).

 

 

La tradition qui prétend que la statue du Phra Bang aurait été remise au IXe siècle par le roi de Ceylan au souverain khmer ne repose sur aucune donnée historique et contredite par ce que l’on sait de l’histoire du Cambodge à cette époque.  Nous en avons diverses versions rapportées par des explorateurs, voyageurs, érudits et amis de notre blog que je détaille dans l’indication de mes sources : Pavie, Raquez, Paul Le Boulanger, Anatole-Roger et François Peltier ainsi que deux amis ; Philippe Drillien, l’infatigable érudit philatéliste et Jean de la Mainate, grand érudit de Chiang Maï, ainsi que de nombreux sites Internet en thaï, je n’en cite qu’un dans mes sources.

 

 

Elle perdure toutefois et vaut d’être sommairement contée :

 

Elle aurait été fondue à Ceylan à des dates qui varient en fonction des versions légendaires, l’année 436 avant notre ère, dans la cité de Langka (กรุงลังกา) pour le compte du souverain de la ville, pieux bouddhiste, par un saint  moine qui y inclut cinq reliques de Bouddha.

 

 

Une autre version date la création de la statue de l’en 874 de notre ère (année bouddhiste 1417) soit 13 siècles plus tard ? Quoiqu’il en soit, le Phra Bang est resté plusieurs siècles à Ceylan jusqu’à ce que l’un des rois légendaire d’Angkor demande au roi de Langka de lui céder le Phra Bang, amitié oblige ! La statue va donc se trouver au Cambodge après des siècles passés à Ceylan. Nous allons ensuite la voir entrer plus ou moins dans l’histoire : Au XIVe siècle, le souverain d’Angkor donna sa fille au Prince Fa Ngum, (ฟ้างุ้ม) le premier monarque du Lan Chang (ล้านช้าง), le « royaume du million d’éléphants », dont l’historicité soit certaine et qui régna de 1353 à 1372. Et ce pour faire de son gendre un bon bouddhiste,

 

 

il lui envoya la statuette qui resta un temps à Vientiane (เวียงจันทน์) avant de rejoindre Luang Prabang (หลวงพระบาง) alors appelé Muang Swa (เมืองซวา). Le trajet fut parsemé de miracles dont je vous épargne le détail. Muang Swa prit plus tard le nom de Luang Phabang lorsque le siège de la capitale fut transféré à Vientiane par le roi Setthathirat (ไชยเชษฐาธิ) en 1563. A deux reprises, les siamois s’emparèrent de la statuette pour la conduire à Thonburi d’abord, à Bangkok ensuite (1684 puis 1732) ? Les souverains de Luang Phrabang en obtinrent la restitution non par amitié des souverains siamois mais – semble-t-il – car la statue leur apparut comme de mauvaise augure. Il est toutefois un élément essentiel, la coexistence du Bouddha d’émeraude et du Phra Bang n’additionnait pas leur caractère bénéfique mais les annulait ce qui explique la facilité avec laquelle les Lao obtinrent la restitution de leur statue. Nous savons combien les Thaïs encore aujourd’hui sont imprégnés de ces notions de surnaturel. Si le Phra Bang était maléfique à Bangkok, il ne l’est pas sur l’autre rive du Mékong comme nous allons le voir. 

 

 

Quoiqu’il en soit, le Phra Bang se trouve aujourd’hui au Musée national de Luang Phra bang, ancien palais royal (พิพิธภัณฑ์แห่งชาติหลวงพระบาง) dans l’enceinte du Wat Ho Phra Bang. (วัดหอพระบาง) après un passage au Wat Vichoun (วัดวิชุน). Encore des péripéties que nous décrit Philippe Drillien en 2007 : « Le Phra Bang, dont l’histoire mouvementée mériterait à elle seule un article, avait besoin d’un abri définitif. C’est pourquoi les travaux de construction du Vat Ho Phra Bang commencèrent en 1963, dans l’enceinte du Palais. Un timbre fut même émis en 1965.  

 

 

Initialement, ce temple devait être payé par une modeste contribution de chaque citoyen Lao. Mais la guerre, puis la révolution communiste et l’abolition de la monarchie arrêtèrent les travaux jusqu’en 1993. A cette date, le projet fut repris et transformé pour construire un édifice remarquable, digne de son hôte prestigieux, tout en conservant l’appellation de Vat Ho Phra Bang (« la pagode qui abrite le Phra Bang »). C’est ce temple qui est représenté sur ce timbre  sur un projet initial

 

 

 

…. qui diffère du projet définitif        

 

 

Il est bâti dans le plus pur style de Luang Prabang et rappelle le vihan (วิหาร) du Vat Xieng Thong (วัดเชียงทอง)

 

 

...toit pointu en tuiles plates descend par pans successifs presque jusqu’au sol. Chaque arête du toit se termine par un naga (animal mythique, parfois confondu avec un dragon, qui est un  des douze animaux du calendrier lunisolaire Lao).Ce génie ophidien est censé protéger la pagode et ses fidèles. On le rencontre dans de nombreuses pagodes dont il constitue souvent les rampes d’escaliers.

 

 

Ironie du « sort » : ce temple, dont la construction aura duré plus de 40 ans (de 1963 à 2005-2006), était destiné à abriter la statue du Phra Bang mais il n’a toujours pas accueilli cette statue légendaire qui aurait tout simplement « disparu ». Heureusement, il en existe plusieurs répliques. J’ai pu en admirer une, il y a quelques années à Orléans ».

Aujourd’hui, la statue est revenue après 40 ans de « disparition », en 2006, alors que Philippe n’était plus au Laos.

 

 

Sans avoir aucune compétence en la matière, j’observe toutefois que le Laos est composé d’une population à 66% bouddhiste fort attachée à sa foi et à ses croyances, fussent-elles légendaires. La position des gouvernants communistes à l’égard du bouddhisme fut sinusoïdale mais dorénavant sans hostilité marquée d’autant qu’une partie du clergé bouddhiste s’est ralliée au mouvement socialiste. Je ne cite que l’un des plus illustres de ses membres, Maha Khamtan Thepbuali (มหาคำตันเทพบัวลี), mort centenaire en 2019 et auteur de nombreux ouvrages de vulgarisation politico-bouddhiste. Doit-on s’étonner que les gouvernements communistes aient réhabilité une statue (ou une copie) représentant auprès d’une partie de la population sa propre légitimité ?

 

 

RÉHABILITÉE, EN EFFET – MAIS EST-CE BIEN ELLE ?     

 

On murmure, ce qui vaut bien les légendes, que l’original qui représente, rappelons-le, un demi-quintal d’or, se trouverait à l’abri dans la cave d’une banque à Vientiane, au Vietnam ou peut-être à Moscou ? La disparition de la statuette pendant des dizaines d’années est à l’origine de cette rumeur  répandue à suffisance sur de nombreux sites Internet en thaï. Que s’est-il passé ? : Le samedi 12 mars 1977, les autorités communistes procédèrent à l’arrestation du Roi, de la Reine, du Prince héritier...Ils furent envoyés dans un « camp de rééducation » à Vieng Xay (เวียงไซ) dans le nord du pays.

 

 

Amphay Doré dans « Le partage du Mékong » écrit Un mois après l'arrestation du roi, le Prabang disparut à son tour. Selon de rares témoins, il avait été emballé pour plus de discrétion, dans une vulgaire boîte en carton. Qu'était-il devenu? Emmené au Vietnam comme l'avait prétendu à tort la presse thaïlandaise? Contribuait-il à garantir, quelque part, le kip-potpoy qui tombait en chute libre? Avait-il été mis en sécurité, lui aussi, pour être soustrait des manigances de la CIA et de ses laquais? »

 

 

Philippe Drillien m’écrit « ces lignes correspondent à ce que j'avais pi lire ou (et) entendre dire à l'époque ».

Le mystère demeure. S’il n’y a plus rien craindre aujourd’hui des manigances de la CIA, la menace étai réelle à l’époque. Le kip, unité de monnaie locale, reste l’archétype de la monnaie de singe. Lors d’un voyage en 2000, je me suis cru, quelques minutes, millionnaire après avoir changé quelques billets de 500 francs mais les désillusions commencèrent dès l’achat d’un paquet de cigarettes. Aujourd’hui encore pour un modeste bath thaï, on obtient près de 600 kips. Il en faut 10 fois plus pour un paquet de mauvaises cigarettes.

 
A l'heure actuelle, je ne peux être sûr de rien conclut Philippe Drillien: Le Vat Ho Phra Bang abrite bien une statue qui est visible par les visiteurs. Selon les autorités, il s'agit bien du Phra Bang. Cependant, aucune photo n'est autorisée. Pourquoi???

 

 

 

LES REPRODUCTIONS VÉNÉRÉES SUR LA RIVE DROITE DU MÉKONG

 

 

N’ayant pu, comme Philippe, voir l’original, ni l’éventuelle copie qui n’a gagné que depuis peu son Palais-Musée, j’ai pu admirer au moins une représentation du Phra Bang sur la rive droit du Mékong. S’il est maléfique à Bangkok ai-je dit, il ne l’est en effet pas sur  la rive droite du fleuve, dans le Nord-est. On y trouve (au moins) deux reproductions du Phra Bang original, vénérées par les bouddhistes de la région :

 

Le Bouddha du Wat Traiphum (วัดไตรภูมิ) du district de Tha Uthen (อำเภอท่าอุเทน) dans la province de Nakhon Phanom (จังหวัดนครพนม)

 

Ce district se situe sur la rive droite du Mékong. Le temple, lui-même en bordure du fleuve abrite une statue du Bouddha debout semblable et reproduction du Phra Bang sacré du Laos dans un mondop (มณฑป) face au fleuve. Elle est utilisée, sortie de son cadre, en procession pour appeler la pluie.

 

 

La base porte une inscription en anciens caractères Lao (Tai Noi - ไทน้อย) ainsi transcrite en thaï contemporain «  สมเด็จพระเหมะ วันทา กับทั้ง อัง เต วา สิ อุบาสก อุบาสิกา ได้ร่วมแรง ร่วมใจกันสร้างพระนี้ขึ้นมา มีขนาดเท่าตัวคน เพื่อให้ไว้ เป็นที่ สักการะ บูชา เมื่อ ปี พ.ศ. 2008 ตรงกับปีวอก เดือน 3 ขึ้น 9 ค่ำ วันศุกร์ » soit « Somdet Phra Hema Vantha et Ang Te Wa Si, Upasok Upasika, se sont réunis pour construire cette statue qui a la taille d'une personne pour la conserver comme lieu de culte en 2008 correspondant à l'Année du Singe, le 3e mois, le 9e jour de la lune croissante, le vendredi ».

La statue semble avoir à quelque chose près, les mêmes dimensions que, l’original ? Il ne m’a pas été possible d’avoir des précisions sur les deux personnes qui sont à l’origine de sa fonte sur l’évident modèle du Phra Bang lao.L’année 2008 est une année bouddhiste, c’est-à-dire 1465 de nos années. On peut donc penser que la statue est en réalité très ancienne même si la construction du temple est beaucoup plus récente.Ces précisions proviennent d’un prospectus du Tourisme thaï diffusé à l’intérieur du site et qui donnent la même composition (or, argent et bronze). Il me fut impossible de m’en approcher tant la foule y est dense, venue autant du Laos que de Thaïlande.

 

La vente d’amulettes

 

 

 

ou de statuettes représentant le Phra Bang y est florissante.

 

 

 

Le พระบางจำลอง (reproduction du Phra Bang) du Wat Pra Lao Thep Nimit (วัดพระเหลาเทพนิมิต) du district de Phana (อำเภอพนา) dans la province d'Amnat Charoen (จังหวัดอำนาจเจริญ).

 

Je le cite mais n’en parle pas plus longuement car je ne l’ai pas visité. Une précision linguistique toutefois relative au nom du temple, « lao » n’a rien à voir avec le Laos et signifie « l’or » en langage local.

 

 

Si tout ce qui est écrit sur le Phra Bang, guides ou sites touristiques et sites Internet les plus sérieux fait systématiquement  référence à l’origine légendaire, il semble que la réalité soit toute autre.

LES ORIGINES PROBABLE : L’ARCHÉOLOGIE AU SECOURS DE L’HISTOIRE DÉMENT LES LÉGENDES

 

Sur ce sujet, voir mes sources II. Je note sans avoir la moindre compétence en la matière que les spécialistes de l’art khmer considèrent que le style de la statuette correspond au style du Bayon à Angkor alors que d’autres la considèrent comme du style des Bouddhas du Dvaravati, ce qui est peut-être la porte ouverte vers une explication plus scientifique de l’origine du Phra Bang. Qui a fait l’œuf ? Qui a fait la poule ?

 

 

En 1935, le grand érudit que fut Pierre Dupont, dans un article comparant les « Bouddha debout » du Bayon à Angkor et ceux du Dvaravati, écrit : « La statuaire khmère à l’époque du Bàyon semble d'ailleurs, dans son ensemble, avoir subi plus ou moins fortement l'influence de l'art de Dvâravati. Il est vrai que c’est le temps où un vaste répertoire bouddhique devient nécessaire alors que rien, antérieurement, n’avait préparé les Khmèrs à le constituer ». Son article contient de nombreuses photographies, notamment celle de l’un des Bouddha du gopura III de Preah Khan à Angkor daté de la fin du XIIe siècle.

 

 

Ces ressemblances avaient déjà été plus ou moins soulignées en 1931 par Jean-Yves Cleys dans son article sur l’archéologie du Siam dans lequel il nous donne la photographie d’un Bouddha de style Dvaravati provenant de Phetchaburi (เพชรบุรี)  qui a pris le chemin de Bangkok mais dont il n’évalue pas la date.

 

 

 

La découverte archéologique de Ban Thalat au Laos est fondamentale, commentée par Emmanuel Guillon en 1973 et accompagnée de photographies parlantes :

 

Ban Tha Lat est une petite communauté du Laos située à environ 100 km au nord-ouest de la frontière thaïe et à 90 km au nord de Vientiane.

 

 

En octobre 1968, y fut faite la découverte d’une inscription en ancien langage môn

 

 

et une statue de Bouddha debout dans la style du Dvaravati datés d’environ le  VIIe ou le VIIIe siècle de notre ère. On ignorait, jusqu’alors que les royaumes du Dvaravati aient connu une telle extension au nord. Ce Bouddha, de grès rose comme la pierre inscrite, a été découvert en même temps et au même endroit que celle-ci. Il se trouve présentement au Vat Phra Keo de Vientiane (วัดพระแก้ว) devenu Musée de l’art religieux. Haut de 1,57 m sans son socle, l'image est très abîmée mais présente la plupart des caractéristiques de l'image du Bouddha môn notamment les avant-bras projetés en avant dans une position symétrique : ici les mains sont amovibles, comme c'est souvent le cas à Dvaravati : les mortaises  pratiquées à l'intérieur des poignets coupés droits le prouvent.

 

Cette ptogographie a été prise par Philippe Drillien en 1972 Lors de ma visite du temple en 2000, les photographies étaient stricte,ent interdites

 

 

Ces découvertes contredisent l’opinion faisant venir le Bouddhisme au Laos via le Cambodge, le bouddhisme ayant descendu le Mékong et ne l’ayant pas remonté ?

 

 

Les similitudes avec ce Bouddha et le Phra Bang sont à tout le moins troublantes.

Plusieurs articles de Michel Lorrillard confirment – mutatis mutandis – que le bouddhisme et par voie de conséquences sa statuaire – n’ont pas remonté le Mékong jusqu’au Lan Chang mais qu’il a descendu le Laos jusqu’à Angkor.

Si tout ce qui est écrit sur le Phra Bang, guides ou sites touristiques et sites Internet les plus sérieux fait systématiquement  référence à l’origine légendaire, il semble que la réalité soit toute autre. Il y a pourtant de quoi contenter l'orgueil local puisque la statuette ne serait pas née à l'étranger mais à l'intérieur même du pays ?

SOURCES I

 

La photographie du Phra Bang en tête de cet article est extraite d’un article de la Revue indochinoise illustrée de juillet 1928 et publiée sur le page Facebook de la Siam Society

Une carte postale éditée par l'Edition Laotienne, Artistique et Sportive Vientiane en 1927 communiquée par Philippe Drillien est la plus ancienn photographié trouvée.

 

 

Les illustrations philatéliques sont de Philippe Drillien.

 

Sur l’histoire tortueuse du Laos ou plutôt de ses trois royaumes, Vientiane, Luang Phrabang et Champassak,  et sur les rapports pathologiques  avec les pays voisins, Siam, Birmanie, Vietnam et Chine, où la légende se confond avec l’histoire, voir

Auguste Pavie «  Indochine, tome II « Recherches sur ‘histoire »  1898,

 

 

 

Paul Le Boulanger « Histoire du Laos français » 1930,

 

 

et un intéressant commentaire par Georges Coedés. « Paul Le Boulanger : Histoire du Laos français. Essai d'une étude chronologique des principautés laotiennes » In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 30, 1930. pp. 423-430; Il contient un dessin à la plume de la statuette.

 

 

Anatole-Roger et François Peltier « Tiao Khamman  Vongkotrattana : Tamnan vat mươong Luang Prabang » In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 55, 1969. pp. 281-290; section « Genèse de la statue du Phra Bang », traduction d’une petite brochure en lao de 1964.

 

Philippe Drillien d« découverte au pays des pagodes : Timbre de l’UNESCO : Luang Prabang » in  L’ÉCHO DE LA TIMBROLOGIE de février 2007. N°1804

 

 

 

L’étude la plus complète sur l’histoire de la statuette est celle de Jean de la Mainate « Chronique de Chiang Mai et son temps » volume II de 2023, pages 327 à 336 encore malheureusement hors commerce sauf dans une grande librairie de Chiang Maï, la librairie Suriwong, rue  Suriwong - Suriwong Book Center -  54 54/1 ถ นน ศรีดอนไชย 1 Mueang Chiang Mai District, Chiang Mai 50100 - Téléphone : 053-281-052-6

 

 

Un site Internet : https://siamcoin.com/พระบางพุทธลาวัลย์/  en thaï,  mais ils sont nombreux. Il fait état des rumeurs qui courent sur le sort de l’original.

Sur le bouddhisme et le socialisme, voir Patrice Ladwig et Martin Rathie      « Lao Buddhism and Faith in the Revolution - The Life and Career of Maha Khamtan Thepbuali (1919–2019) in the Context of Buddhist Socialist Movements » in Bulletin de l’école francaise d’extrème orient, I de 2020. L’article comporte une énorme bibliographie.

 

SOURCES II

 

Pierre Dupont « Art de Dvaravati et art khmer. Les Bouddha debout à l’époque du Bayon, », in Revue des Arts Asiatiques, Paris 1935, tome IX, n° II, p. 63-75.  

 

Jean-Yves Claeys « L’archéologie du Siam » in Bulletin de l’école française d’Extrême-Orient, tome 31 de 1931.

 

Emmanuel Guillon. « Recherches sur quelques inscriptions môn ». In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 61, 1974. pp. 339-348;

 

Michel Lorillard « Quelques données relatives à l'historiographie lao ». In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 86, 1999. pp. 219-232;

 

Michel Lorillard «  D'Angkor au Lan Xang: une révision des jugements ». In: Aséanie 7, 2001. pp. 19-33;

 

Michel Lorrillard « Research on the Inscriptions in Laos: Current Situation and Perspectives ». 2018, publication de l’Ecole française d’extrême orient  numérisée sur academie.edu

 

 

 

 

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28 mai 2023 7 28 /05 /mai /2023 08:15

 

Nous ne prétendons nullement jouer aux guides touristiques mais simplement à l’occasion de la découverte d’un site dit « historique » dire quelques mots d’autres sites voisins qui n’ont rien de spectaculaire, ignorés du tourisme autre que local mais l’étranger qui s’y égare est toujours accueilli avec autant de curiosité de que bienveillance. Nous avons fait le tour de ce district bien assoupi de  Nakhum dans la province de Kqlqsin à l’aide d’un petit manuel (en  thaï)

 

 

LES SITES TOURISTIQUES

 

Pha Sawoei (ผาเสวย)

 

 

Ce site, la falaise de Pha Sawoei, est de tous, le plus populaire : situé sur la chaîne de montagnes de Phu Phan (เขาภูพาน), district de Somdet (อำเภอสมเด็จ), sous-district de Pha Sawoei (อำเภอผาเสวย), anciennement connu sous le nom de Pha Rangraeng (ผารังแร้ง). Ce changement de nom intervint dans les circonstances suivantes : En 1954, le roi Bhumibol Adulyadej et la reine Sirikit qinsi aue leur fille rendirent une visite aux habitants de la région.

 

 

Ils s’y arrêtèrent pour déjeuner. En langage royal, la famille royale ne mange pas comme nous (kin –กิน), elle « sawoei » . la falaise du repas royal ! Pha Sawoey est devenu un lieu de promenade dominicale. Le visiteur est accueilli  par  deux grandes et balayé en permanence par une petite bise.

 

 

Du bout de la falaise, la vue est imprenable. Comme il se doit  le dimanche, de nombreux stands de nourriture et de boissons s’installent.

 

 

Le parc forestier de Phufaek (วนอุทายานภูแฝก - Wonuthayan Phufaek)

 

 

Le site est célèbre pour mes empreintes de pas de dinosaures trouées dans le petit ruisseau de Huay Nam, (ห้วยน้ำยัง). Elles sont datées de 140 millions d’années et ont été découvertes en 1996 par des gamins jouant dans l’eau. 4 sont encore parfaitement visibles.

 

 

Il est permis de s’en approcher, le jeu des enfants consiste à mettre un petit pied ou une main dans l’empreinte. N’essayez pas de le faire dans un site français ! Le site est également situé dans un nid de verdure et de fraicheur, lieu de promenade dominicale. Une petite roue y accède en direction du district voisin de Huay Phueng  (ห้วยผื้ง)

 

Trois autres lieux de tourisme sont signalés, baptisés avec une toute petite exagération de « chutes d’eau – namtok - น้ำตก ». Il s’agit de rapides sur de petits torrents, lieux de détentes, de repas sur l’herbe et de baignade pour certains d’entre eux.

 

 

Namtok Kaengka-am (น้ำตกแก้งกะอาม)

 

 

Namtok Khamtoei (น้ำตกคำเตย)

 

 

Namtok Phanangkhoi (น้ำตกผานางคอย)

 

 

LE SITE HISTORIQUE

 

S’il n’est pas un lieu touristique à proprement parler, il est en tous cas un lieu où a soufflé un tout petit vent d’histoire de la région du nord-est, ce en quoi il nous intéresse. Si par ailleurs nous parlons de « Thaïs libres » et non de « résistance thaïe », nous en expliquerons les raisons péremptoires ou présumées telles, plus bas car en réalité, il n'y a jamais eu de « résistance thaïe ».

 

 

Il fut construit pendant la seconde guerre mondiale vers 1945 peut-être pour être utilisé par le mouvement dit des « Thaïs libres » dont les maquis s’organisaient dans les forêts de la montagne de  Phupan (เขาภูพาน) aujourd’hui dans la province de Sakonnakhon alors dans celle de  Mahasarakham. Il se situe une quarantaine de kilomètres au sud du refuge de Tiang Sirikhan (เตียง ศิริขันธ์) connue sous le surnom de Khunphon Phuphan, le seigneur de la guerre de Phupan  et l’un des quatre tigres de l’Isan (สี่เสืออีสาน).

 

 

L’utilisation exacte de cet aéroport si elle fut réelle, reste à déterminer.

 

 

Sa taille, 510 raïs 2 ngans 24 was soit 80 hectares, lui permettait de recevoir les fameux Dakotas britanniques qu’on y vit aterrir et décoler

 

 

Il faut préciser que Tiang bénéficiait aussi non pas d’un autre aéroport mais d’une simple zone de parachutage (dropping zone) dans le sous-district de Tongkhop (ตำบล ตองโขบ) dans le district de Khok Sisuphan  (อำเภอ โคกศรีสุพรรณ) dans la province de Sakonnakhon.

 

 

Le site n’est accessible que par une marche difficile de deux heures au travers de la forêt. 

 

 

Tiang utilisait des chars à bœufs qui vont mois vite qu’une homme au pas. Il y eut des parachutages massifs d’armes dont on ignore la destination réelle même si on peut le deviner comme nous allons voir grâce à la CIA (mais si !). Les Japonais étaient évidemment avisés de leur existence. Le 1er août 1945, ils prirent en otage un chef de village nommé  Ba Lophat (บา ลมพัด) dans la région de Kuchinarai (อาเภอกุฉินารายณ์) dans la province de Kalasin pour les conduire à l’aéroport. Il prétendait l’ignorer, Lorsqu’il fut conduit au lieu dit, ils trouvèrent des plantations de piment, de coton et de légumes que les habitants des villages voisins avaient plantés subrepticement et les Japonais durent retourner à Sakonnakhon le 3 août. A cette date, les Japonais ne pouvaient ignorer que le sort des armes avait d’ores et déjà irrémédiablement tourné en leur défaveur. La présence de cet aéroport n’était de toute évidence pas ignorée des habitants du secteur. Le district de Nakhu comporte actuellement 55 villages et  200.000 habitants et le sous-district du même nom sur lequel fut construit l’aéroport comporte te lui-même 14 villages.

 

 

Cet aéroport qui n’a plus aucune utilité ni civile ni commerciale ni militaire se trouve actuellement la propriété et sous la responsabilité des force aériennes royales de Thaïlande (กองทัพอากาศ). Dans les années 70 (74 probablement), le roi et son épouse ont visité en hélicoptère le district de Nakhu et, soucieux des problèmes occasionnés par la sécheresse, ont ordonné la construction de la réserve d’eau de Huai Mano (ห้วยมะโน) tant pour l’irrigation que pour les réserves d’eau potable.

 

 

C’est là que se situe Namtok Khamtoei (น้ำตกคำเตย) dont nous venons de parler.

 

 

Il permit l’électrification de la zone. L’aéroport qui jouxte la réserve est resté alors en l’état. Le roi est revenu en 1962 vérifier l’état d’avancement des travaux, empoissonné le lac et planté des arbres symboliques. L’emplacement de l’aéroport proprement dit, libre d’accès,  n’est pas sans utilité : les villageois y mènent paître leurs troupeaux,

 

 

....il sert de piste pour l’apprentissage de la conduite des motocyclettes et également d’aire pour les fêtes locales et surtout le festival de Loy Kratong

 

 

;;;;puisque la piste de termine au bord du lac artificiel comme on le voit au fond sur la photographie

 

.

L’aéroport  jouxte la réserve d'eau ...

 

 

... est resté alors en l’état. Il y a de rares photographies du déplacement royal.

 

Un litige a surgi en septembre 2022 entre les habitants du sous district de Nakhu et la 23e division aéroportée, propriétaire du terrain et accusée de « détruire l'histoire ». L’armée avait décidé non pas de détruire la totalité des 510 raïs de la piste mais d’affecter 100 raïs à une plantation de canne à sucre. Le 18 septembre, une réunion comportant des élus locaux, des habitants à l’ethnie Phuthai et des « personnes âgées » de plus de 70 ans qui avaient peut-être des souvenirs d’enfance des vrombissements des Dakotas. Le lendemain, ils se sont rassemblés sur le terrain pour tenter de s’opposer aux engins de chantier. Leurs arguments sont plus ou moins chancelants, il faut bien le dire : la plantation de cannes va entraîner l’utilisation des produits chimiques qui vont polluer le réservoir de Huai Mano qui sert à alimenter le réseau de distribution d’eau potable. La réponse est double :

 

 

La question de la pollution par les produits chimiques utilisés dans l’agriculture ne se pose pas seulement à Nakhu mais dans le monde entier. Par ailleurs, nous sommes au XXI siècle, il y a de longues années que les habitants ne vont plus puiser leur eau potable dans les lacs, naturels ou artificiels. Dans tout le pays, y compris dans les villages les plus reculés et dans les établissements les plus modestes, nul ne boit l’eau de la ville, la namprapha (น้ำประปา) qui sert à cuisiner, à nettoyer des lieux d’aisance, faire la lessive, prendre une douche ou irriguer un jardinet.  Il existe partout dans vendeurs d’eau potable (comme il y en avait peut-être encore chez nous jusqu’au XIXe siècle) qui vendent dans des récipients de 20 litres de l’eau filtrée pour une somme de 10 baths c’est à dire un quart d’euro. Ils distribuent également aux débits de boissons des glaçons de même origine.

 

 

L’arguent historique est tout aussi fuligineux, avancer l’argument d’ « effacement de l'histoire de la nation thaïe » prête à sourire. Pour savoir s’il s’agit d’une zone historique encore faudrait-il savoir ce que fut le mouvement des Thaïs libres au moins dans cette partie du pays. A quoi servirent les Dakotas qui atterrissaient à Nakhu ou les armes qu’ils parachutaient dans le district de Tongkhop. Il règne à ce sujet le flou le mois artistique possible.

 

 

 

Il est de bon ton de faire du mouvement des Thaïs libres une opération de résistance souterraine à l’occupation japonaise. Il semblerait bien plutôt qu’il soit une alliance contre l’autocratie militaire au moins jusqu’en 1949, disparue alors de ses propres faiblesses. Pas plus fut-il un mouvement de masse, ce ne fut certes pas la levée du Peuple en armes ! Son seul nom « free thaï » établit d’où il venait, New-York et l’Angleterre. Ils paradèrent derrière le drapeau américain et non le leur

 

 

On ne peut évidemment pas comparer la « résistance » thaïe à ce que fut la résistance française, mouvement de masse s’il en fut puisque, comme chacun sait, en 1946, tous les français avaient été résistants ni celle de Yougoslavie ni celle d’Italie ni celle des Grèce. Les Japonais sont entrés au Siam essentiellement pour s’en servir de base de départ à leur projet d’invasion de la Birmanie puis des Indes anglaises vers l’ouest, de la Malaisie et de Singapour vers le sud , il n’y a pas eu d’ « occupation » systématiquement féroce comme en Chine, en Corée, en Mandchourie, en Indochine française ou dans les îles du Pacifique. Bien que les sources manquent (les Japonais ont prudemment détruits leurs archives avant la défaite finale), et aussi odieux qu’ait pu être ponctuellement leur comportement, il n’y eut probablement jamais plus de 50.000 hommes en Thaïlande alors que la France nourrissait une armée allemande de 400.000 hommes et, dans les départements qui leur étaient affectés, 200.000 Italiens.

 

 

Au début de l’année 1945, alors que la défaite japonaise était d’ores et déjà inéluctable, Tiang aurait décidé d’organiser une base dans sa région natale en y créant des unités de guérilla ? La base de Sakon fut ainsi créée en mai 1945 (parachutage de deux agents anglais munis d’équipement radio et de deux Thaïs) contre laquelle aucune attaque ne fut jamais menée par les Japonais qui avaient d’autres soucis. Les Anglais intervinrent probablement pour court-circuiter une intervention des Américains ? Ils auraient été rejoints par une petite troupe d’une centaine d’hommes chargés de fournitures (munitions ?) accompagnant une vingtaine de chars à buffles le long d’un chemin difficile ? Le but de cette opération aurait été essentiellement de recueillir des renseignements venus des mouvements de résistance du Laos (mouvement beaucoup plus structuré en particulier par la présence de militaires français). Ce n’est que le 15 juillet 1945, moins d’un mois avant la capitulation (le 9 août) qu’une compagnie (entre 100 et 250 hommes) japonaise arriva à Sakon, probablement via l’aéroport actuel et aurait commencé à effectuer des patrouilles de nuit sans faire l’objet d’attaques frontales ? Tout au plus savons-nous qu’au mois de juin Tiang aurait exécuté un homme soupçonné d’avoir été un espion des Japonais ? Pas d’explosifs sous un pont, pas de sabotage de train (il n’y en a pas dans la région), pas de Mata-Hari, pas de destruction d’un camp japonais, pas de femmes tondues et pas de collaborateurs fusillés, les Japonais les plus proches sont à vol d’oiseau à 100 kilomètres de l’autre côté du Mékong et la forêt de Phupan n’est peuplée que de singes et de cervidés. La base de Tiang a-t-elle servi de dépôt d’armes parachutées (d’où et où) et dont on ne sait à quoi elles auraient été utilisées ? La grotte telle que nous pouvons librement la visiter ne semble pas pouvoir accueillir une centaine d’hommes et encore moins le contenu d’une vingtaine de chars à buffle ?

 

 

Ces guérillas, à la demande même du commandement allié, n'entrèrent pas en action et le mouvement Free Thai  se borna à une activité de renseignement.Au début de l’année 1945, alors que la défaite japonaise était d’ores et déjà inéluctable, Tiang aurait décidé d’organiser une base dans sa région natale en y créant des unités de guérilla ? La base de Sakon fut ainsi créée en mai 1945 (parachutage de deux agents anglais munis d’équipement radio et de deux Thaïs) contre laquelle aucune attaque ne fut jamais menée par les Japonais qui avaient d’autres soucis. Les Anglais intervinrent probablement pour court-circuiter une intervention des Américains ? Ils auraient été rejoints par une petite troupe d’une centaine d’hommes chargés de fournitures (munitions ?) accompagnant une vingtaine de chars à buffles le long d’un chemin difficile ? Le but de cette opération aurait été essentiellement de recueillir des renseignements venus des mouvements de résistance du Laos (mouvement beaucoup plus structuré en particulier par la présence de militaires français). Ce n’est que le 15 juillet 1945, moins d’un mois avant la capitulation (le 9 août) qu’une compagnie (entre 100 et 250 hommes) japonaise arriva à Sakon, probablement via l’aéroport actuel et aurait commencé à effectuer des patrouilles de nuit sans faire l’objet d’attaques frontales ? Tout au plus savons-nous qu’au mois de juin Tiang aurait exécuté un homme soupçonné d’avoir été un espion des Japonais ? La base de Tiang a-t-elle servi de dépôt d’armes parachutées (d’où et où) et dont on ne sait à quoi elles auraient été utilisées ? La grotte telle que nous pouvons librement la visiter ne semble pas pouvoir accueillir une centaine d’hommes et encore moins le contenu d’une vingtaine de chars à buffle ?

 

 

Après le départ des Japonais, Tiang aurait accompagné le célèbre Jim Thomson, le « roi de la soie » et surtout ancien O.S.S devenu membre actif de la C.I.A aux frontières du Laos pour assurer les insurgés indochinois du soutien des U.S.A dans leur lutte pour l’indépendance ? Tiang n’avait jamais caché ses sympathies pour les populations colonisées du Laos et de l’Indochine française. Un mystère plane toujours sur le rôle particulièrement trouble de l’espion américain et sur sa disparition mystérieuse en Malaisie ? Tiang avait probablement organisé en 1951 un trafic d’armes en direction de l’autre rive du Mékong (les armes stockées dans sa grotte ?) par l’intermédiaire de trafiquants chinois ?

 

 

Une fin mystérieuse :

 

En décembre 1952, la presse rapporte qu'il avait pris la fuite vers la Birmanie pour échapper à une arrestation sous de nouvelles accusations de conspiration communiste. Il aurait été tué par la police du régime  dans une forêt de la province de Kanchanaburi. Mais la légende de ce martyr est-elle exacte ? On ne prête qu’aux riches et le sinistre chef de la police avait les mains couvertes de sang mais peut-être pas celui de Tiang ? Le dit chef de la police a fait « exécuter » à la même époque d’autres militants « communistes » mais leurs cadavres ont été soigneusement exhibés, ce qui ne fut pas le cas de celui de Tiang ?

Le déclassement au moins partiel des archives de la CIA en 2010 nous livre une information capitale qui n’a apparemment été exploitée par aucun historien et qui contredit formellement cette version : dans son bulletin « Current Intelligence Bulletin » de novembre 1954 (partiellement censuré) nous le retrouvons à la tête d’un « Thai liberation committee » au nord du Laos (sous influence communiste). Un gouvernement en exil sponsorisé par le Vietminh ? Malheureusement, une partie du texte (probablement la plus intéressante ?) est caviardée, déclassement peut-être mais déclassement très partiel ?  Les commentaires sont en tous cas dépourvus de toute équivoque. On peut penser ce que l’on veut du rôle de la C.I.A mais la qualité de ses sources n’est pas toujours sujette à caution.

Il est donc tout à fait plausible de penser que cet énorme arsenal ait traversé le Mékong avec peut-être l’aide de Jim Thomson mais ce n’est qu’une hypothèse.

Héros de la résistance thaïe contre les japonais ou héros de la résistance communiste  contre les Français ?

Pour les militaires, le déclassement d’une petite partie de son terrain pour but d’en tirer profit pour les œuvres sociales de l’armée, pourquoi pas ?

 

SOURCES

 

Vous ne trouverez de sources sur l’histoire de cet aéroport qu’en thaï :

 

https://www.youtube.com/watch?v=DcHqBcfMoxs

https://www.youtube.com/watch?v=oA4WIeaSxn8

Une visite guidée sur le lieu de parachutage

https://theisaanrecord.co/2022/09/29/taking-a-tour-of-the-seri-thai-airport-in-sakon-nakhon/

Sur Thiang : notre article (avec de nombreuses références)

203 – TIANG SIRIKHAN, LE GUERRIER DE PHUPAN

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2015/10/203-tiang-sirikhan-le-guerrier-de-phupan.html

Sur la résistance (avec de nombreuses références)

202. LA RESISTANCE DES THAILANDAIS, ET DES FREE THAIS, PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE.

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2015/09/202-la-resistance-des-thailandais-et-des-free-thais-pendant-la-seconde-guerre-mondiale.html

 

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9 avril 2023 7 09 /04 /avril /2023 03:08

 

Le territoire du Siam d’alors était plus vaste que celui de la Thaïlande actuelle. Le 16 janvier 1793 sous le règne de Rama Ier le roi dut céder à la Birmanie le district côtier de Tavoy - Tanintharyi  (ทวาย ตะนาวศรี) où se trouve la capital Tavoy et l'important port de Mergui,

 

 

::::territoire Siamois depuis l'époque de Sukhothai comme royaule tributaire. Il fut probablement trahi par Mangsaccha (มังสัจจา), le gouverneur qui travaillait dans l'ombre pour les Birmans et probablement pour les Anglais. Le roi ne put résister aux Birmans qui n'avaient pas perdu leurs prétentions à avaler le Siam après qu'ils en eussent été chassés par le roi Taksin après l'invasion de1767.

 

 

Le 27 novembre 1660, Pierre Lambert de la Motte:::

 

 

:::s'embarque le premier à Marseille pour l'Extrême-Orient, accompagné de deux autres prêtres : François Deydier

 

 

::: et Jacques de Bourges. Ce dernier assurera les fonctions d'historien de la mission et rédigera le carnet de voyage. Leur destination est la Cochinchine. Leur itinéraire et les buts de leur mission sont étroitement encadrés par la Propagande dont les consignes sont précises, elles imposent même le trajet des missionnaires : Le chemin de la Syrie et de la Mésopotamie est beaucoup plus sûr et plus avantageux que celui de l'Océan Atlantique et du Cap de Bonne-Espérance. Elles sont reproduites dans leur intégralité par Adrien Launay, archiviste des Missions étrangères (« Histoire générale de la société des missions étrangères », volume I, 1894. Pages 47 s).

 

 

Suivant ces ordres à la lettre, les trois missionnaires se rendent à Ispahan, alors ville capitale de la Perse. Ce serait Jean-Baptiste Tavernier, explorateur et pionnier des voyages aux Indes qui leur indiqua la route à suivre pour se rendre au Siam, où ils arriveront le 23 août 1662.

Jacques de Bourges demeura un an au Siam. Il suit fidèlement ses instructions ;

Faites une description abrégée des lieux et des chemins par où vous passerez. Marquez les facilités que vous trouverez, les moyens dont vous vous servirez pour surmonter les obstacles, les voies que les lettres peuvent suivre.

Le récit de ce périple fut publié une première fois en 1666,

 

 

:::plusieurs fois réédité et fut le premier récit publié sur le Siam par un Français, précédant de vingt ans la grande masse de textes qui ont suivi le retour des  premières ambassades de France au Siam, longtemps après l'effondrement des ambitions françaises au Siam à la suite de l'exécution de Phaulkon, la mort du roi Narai et la prise du pouvoir par Petracha en 1688. Il a été édité à plusieurs reprises, aurait été traduit en anglais et en allemande et a fait l’objet d’une rééditions partielle en 2001. Le récit de son voyage terrestre a fait l’objet d’une traduction en anglais (« JACQUES DE BOURGES (c.1630-1714) AND SIAM » par  MICHAEL SMITHIES, in Journal of the Siam society – 1993-II, pages 113 s.)

 

 

Le trajet essentiellement  terrestre des missionnaires :

Il est important de préciser que les prêtres des Missions étrangères n’appartiennent pas au clergé régulier, ne sont pas soumis à une règle et ne font pas vœu de pauvreté. Ils se recrutent en général dans des milieux privilégiés et investissent l’argent personnel de leur héritage dans leur mission, ce qui fut probablement le cas de Jacques de Bourges qui se plaint légitimement de beaucoup de choses mais pas du manque d’argent (voir se biographie sur le site de l’Institut de recherches France-Asie – IRFA : https://irfa.paris/en/missionnaire/0002-bourges-de-jacques/) ainsi que ses deux compagnons.

Le 27 novembre 1660, ils quittent Marseille. D’abord par bateau jusqu’à Malte, Chypre et Alexandrette. De là, par voie de terre Antioche, Alep, Bagdad, terre, Bassorah atteint en mars 1661....

 

 

... mais la saison de navigation dans le Golfe Persique est terminée, Il faut remonter jusqu’à Ispahan le 11 juin 1661 dans l’espoir de rejoindre la Chine par voie de terre.

 

 

En vain, le trio retourne donc vers le Golfe Persique à Gamron, aujourdhui Bandar-Abbas.

 

 

Ils obtiennent le passage pour Surate, à l’ouest de l’Inde. De là, ils traversent les possessions mongole, le royaume de Golconde et ils atteignent Masulipatam dans le sud-est de l’Inde sur la côte de Coromandel. Cette ville est un port maritime et fut la première colonie britannique sur le golfe du Bengale, établie en 1611.

 

 

Sans possibilité de passer par voie de terre dans le royaume birman d’Ava, ils décident de rejoindre le Siam, traversant sans difficulté le golfe du Bengale et arrivent à Mergui le 28 avril 1662, le trajet total fut de 16 mois. La partie la plus rude sera celle d’entre Mergui et Ayutthaya. Il se pose des difficultés pour déterminer les lieux dont il nous cite les noms dont certains sont reconnaissables sans trop de difficultés  mais pas pour d’autres qui se situent dans la Birmanie actuelle Nous verrons qu’il en est de même pour le trajet suivi, en sens inverse, par le diplomate

 

 

Arrivés à Mergui, ils se heurtent à un premier obstacle administratif, obtenir des passeports (aujourd’hui nous parlerions de laissez-passer). De Mergui, ils n’atteignent Tenasserim que le 19 mai. Accueillis dans la mission  portugaise, ils auront tout loisir de procéder à des cérémonies religieuses et Monseigneur de Bourges de procéder à des confirmations, sacrement qui ne peut être dispensé que par un évêque dont les religieux portugais étaient dépourvus. Tout au long d’ailleurs de leur trajet terrestre, ils ne musardent pas, en dehors de leur ministère, ils rencontrent des compatriotes et de nos consuls « des échelles du levant » ce qui explique sa relative lenteur.  Le 30 juin, ils s’embarquent sur le « fleuve » ( ?), dans trois petits bateaux couverts de feuilles de palmier, dont chacun avait trois marins. Ce sont des pirogues creusées au feu dans un tronc d’arbre d’une seule pièce d’environ 20 pieds de long, environ 6 mètres.

 

 

Ces rivières rapides sont barrées de nombreux rapides ; c'est pourquoi les barques, exposées à de rudes coups, seraient vite brisées si elles étaient faites de plusieurs parties remarque le missionnaire. On prépare sa nourriture et on vit dans la pirogue car la rivière traverse des forêts peuplées de bêtes sauvages et féroces…. Eléphants, rhinocéros,

 

 

...tigres, sangliers qu’il est prudent d’éviter.

 

 

On ne peut dormir à terre lorsque la procession atteint une cascade, les bateliers sortent les pirogues hors de l’eau et les transportent sur leurs épaules. La pirogue de l’évêque et de l’un de ses ecclésiastiques chavira, emportant leurs malles et s’écrasa sur un arbre auquel les passagers resteront suspendus, sauvetage miraculeux s’il en fut puisqu’ils ne savaient pas nager. Mais les laissez-passer avaient été perdus et il fallut retourner à Tenasserim en chercher de nouveaux ! Nos voyageurs se retrouveront dans un petit village que l’évêque nomme « Ialinga », village non identifié mais probablement le même que celui que Céberet, comme nous allons le voir, nomme Gelingue ? De là il faut reprendre la route sur des chars à bœufs pour arriver au village de Menam, non identifié non plus, le Meunam de Céberet. Ce village se situe à 17 lieux et demi de Kuiburi, soit environ 70 kilomètres à l’ouest, probablement à l’intérieur de la Birmanie actuelle puisque Kuiburi est à environ 40 kilomètres de la frontière, sur le versant birman de la chaîne montagneuse qui sépare les deux pays. De là il faut marcher à pieds en suivant les chars à bœufs, sangsues, moustiques, hurlements des bêtes sauvages la nuit. Il fallut six jours pour descendre des montagnes escarpées et atteindre « Couir » sans aucun doute Kuiburi. De là nos voyageurs atteignent Pranburi puis Petchaburi le 15 août. De là, ce sera une route tranquille jusqu’à la capitale. Ce trajet par voie de terre, quelques dizaines de kilomètres seulement, fut autrement plus rude que les milliers de kilomètres parcourus sur terre.

 

 

On peut supposer sans certitudes absolues, que le convoi a emprunté, pour franchir les collines de la chaîne de Tenasserim le col de Col de Mawdaung de son nom birman, situé à l’ouest de la frontière actuelle, le Col de Singkhon (ด่านสิงขร) pour les Thaïs. Le col est proche du point le plus étroit de la Thaïlande dans le sous-district de Khlong Wan (ตำบล คลองวาฬ), district de Mueang Prachuap Khiri Khan, province de Prachuap Khiri Khan. Il fut toujours l’un des points de passage utilisé au sud par les Birmans lors de leurs invasions du Siam et aussi par les Japonais  lorsqu’ils envahirent le pays après avoir débarqué à Prachuap Khiri Khan en direction de Mergui. Il était encore et probablement toujours  le lieu de passage favori de la contrebande.

 

 

Cette hypothèse est confirmée par le fait que le passage a été rouvert plus ou moins officieusement en mai 2013 pour faciliter l’accès aux touristes et officiellement deux ans plus tard.

 

 

Il donne lieu aux trafics que l’on suppose. Un marché thaï a été installé juste à l’entrée de la passe et comme dans tous les marchés locaux aux points de passage avec la Birmanie, on y trouve toutes sortes de denrées de contrebande, alcools et tabac en particulier, qui ne portent pas la bande de papier, estampille de la régie ! C’est en tous cas le cas, expérience vécue par l’un de nous qui s’est souvent promené du côté de Ranong, séparé de la pointe extrême du sud de la Birmanie (Kawthaung -  เกาะสอง que des imbéciles persistent à appeler « le pointe Victoria) par la rivière kraburi (แม่น้ำกระบุรี) et s’alimentait volontiers en excellents cigares birmans.

 

 

Ne parlons pas des demoiselles qui viennent depuis la Birmanie exercer en Thaïlande une activité que la morale réprouve.ici à Ranong.

 

 

Le trajet de Céberet

Les notes de voyage de Céberet de Boulay n’avaient pas été destinées à la publication. Elles furent exhumées par Adrien Launay aux Archives nationales. Il en donna une publication partielle sous le titre « VOYAG-E DE BANGKOK A  MERGUI PAR TERRE EN 1687 -  FRAGMENT DU JOURNAL INÉDIT DE L'AMBASSADEUR CÉBÉRET » in Revue de Géographie, tome XIII, juillet-décembre 1883, pages 415-427). Son journal fit l’objet d’une publication intégrale en 1992 sous le titre « Journal de voyage de Claude Céberet, envoyé extraordinaire du roi et 1687 et 1688 » commenté par Michel Jacq-Hergoualc'h.

 

 

Bien que celui-ci ait voyagé dans les conditions du déplacement officiel d’un diplomate avec tous les égards dus à son rang, le voyage, s’il fut moins pénible que celui des missionnaires, ne fut pas une promenade touristique.

Le 15 décembre 1687, il quitte Ayutthaya à midi pour Bangkok et y arrive à minuit. Il y reste pour faire ses affaires et préparer son voyage de retour. Le 17, il s’embarque avec un jésuite et le sieur de Bressy, l’ingénieur chargé de faire les relevés sur le plan de la ville de Mergui.

 

 

Il passe à Tachin (ท่าจีน), littéralement, le Port chinois, l'ancien nom de Samut Sakhon (สมุทรสาคร), à l'embouchure de la Ménam. La Ménam au-dessous de Bangkok se divise : la branche principale se dirige vers le sud-est, et arrose Paklat (ปากลัด) et Paknam (ปากน้ำ). Une branche secondaire descend vers le sud-ouest, moins large et moins profonde, celle que suivit Céberet : la rivière diminue, ce n'est plus qu'un petit canal où il y a très peu d'eau, et on supplée à ce défaut par des buffles qui sont disposés de distance en distance pour tirer les balons (pirogues) sur la vase, jusqu'à ce qu'on trouve davantage d'eau, ce qui dure environ deux ou trois lieues. Ils arrivent à Tachin vers cinq heures du soir. Le 18, ils atteignent Mae Klong (แม่กลอง), aujourd’hui Samut Songkhram (สมุทรสงคราม). Le lendemain, une galère les conduit à Pipely (?), probablement Petchaburi (เพชรบุรี), Le lendemain 20, son convoi de 40 « charrettes » tirées chacune par deux bœufs sur lesquelles on embarque les bagages est préparé.

 

 

Le lendemain au matin, le convoi part pour Chaam, aujourd’hui station balnéaire bien connue (Cha-am (ชะอำ). Son excellence voyage en palanquin comme une hétaïre, 

 

 

....suivi de son fils à cheval. Le convoi est désormais composé d’éléphants et accompagné de 100 hommes armés. Il passe en un lieudit Ponta da Serra, ou Baokao, nom donné au lieu par les Portugais. Baokao est évidement Bang Kao (บางเก่า), aujourd'hui un sous district de Cha-am. 

Le 22, l’équipe se met en route jusqu’à Pram (Pranburi, - ราณบุรี) toujours en bord de mer. Le lendemain 23, il part de Praam pour aller à Qouy, probablement Kuiburi (กุยบุรี). De là, le convoi part pour  Bahiron, aujourd’hui probablement en Birmanie donc difficile à situer ? Il est en tous cas au milieu de la forêt et des tigres. Le 24, la procession passe la montagne et nous la retrouvons le 25 à Meunam, le Menam de Monseigneur de Bourges, donc dans la Birmanie actuelle. Nous le retrouvons à Gelingue, le Ialinga de Monseigneur de Bourges. Après une journée de repos, départ le Z7 dans des pirogues sur l’eau d’on ne sait quelle rivière. Les difficultés en raison de la présence de chutes d’eau sont les mêmes que celles que connut l’évêque. La présence permanente des fauves interdit de coucher à terre. Le 30, on atteint enfin Tenasserim où l’on retrouve le chevalier de Forbin, promu gouverneur de Mergui sans que l’on sache malheureusement quel trajet terrestre lui-même a suivi. Il fallut encore une journée de marche pour rejoindre Mergui, distante de 16 lieux (84 kilomètres)

Il attend son voilier pour Pondichery trois jours et arrive à  Madraspatan le 24 janvier.

 

 

Le voyage maritime de l’abbé de Choisy en 1685 :

 

 

La frégate l’Oiseau quitte la rade de Brest le 3 mars 1685. Le 6, il double le cap Finistère. Le 13 nous sommes au large des Canaries. Le 30 avril, on passe le tropique du capricorne ; Le 30 mai, la terre est en vue. C’est le Cap que l’on atteint le 1er juin et que l’on quitte le 7, une escale de mondanités et de ravitaillement.

 

 

On passe le 20 au large de Madagascar et on atteint le tropique le 20 juillet. L’île des Cocos, proche de la Réunion, est doublée le 31 juillet. De là les navires voguent en direction plein nord-est  Il évite la côte ouest du Sian, la mer d’Andaman, infestée de pirates de tous genres, ainsi que les habitants des centaines d’îles qui ont la réputation alors méritée d’être anthropophages.  Le 13 août, on est à la pointe de Java. Le 16 août, brève escale à Bantem. Le 18, on joint Batavia que l’on quitte le 26 août. Encore une escale de mondanités et de ravitaillement. Le 12 septembre, on passe au large de Pattani et de Ligor (Nakon Sithammarat) le 16 septembre ? Le 24 septembre enfin la flotte mouille à la barre de Siam. 3 mars – 24 septembre, un peu plus de 6 mois et de 174 jours. Le trajet fut d’environ 20.000 kilomètres. Compte tenu de quelques jours d’escales au Cap et à Batavia, d’une vitesse de cette frégate d’environ 6 nœuds à l’heure, un peu plus de 11 kilomètres, ce semble satisfaisant. L’abbé donne le point au quotidien, pas toujours facile car il fallut parfois naviguer à l’estime. De nombreuses cartes marines de l’époque, compte tenu de l’incertitude relative du point, donnent souvent une vue du profit de l’endroit recherché ainsi pour Bantem :

A défaut de précisions mathématiques sur la délimitation des côtes, le dessin des profils altimétriques est un précieux outil pour le navigateur lui permettant de reconnaître une côte en dehors d’un « point » plus ou moins assuré. Celui-ci est d’un anonyme, nous ne savons que ce que nous dit la Bibliothèque nationale « Demonstrations dune partie des terres que iay veües pendant le voyage des Indes orientales sur l'Oyseau en 1687 et 1688 »

 

Aucun événement majeur ne fut signalé, notamment dans le passage du détroit de Malacca. Il n’y a pas eu de naufrage malgré une alerte ou deux plus ou moins sérieuses. La traversée du détroit de Malacca, difficile pour les voiliers (elle l’est toujours) se fait sans difficultés, les marins de Louis XIV sont de bons marins et pas de rencontre avec les pirates malais et les flibustiers anglais ou bataves qui sévissent dans la zone, mais l’escadre de navires puissamment armés

 

 

... est suffisamment dissuasive pour les boutres de ces flibustiers ainsi que l’abcès  non éradiqué des pirates chinois qui hantent la côte ouest du golfe de Siam aux environs de Chantaburi ce qui n’est pas le cas de simples navires marchands. . Il n’y a pas de quoi effrayer le chevalier de Forbin dont il ne faut pas oublier qu’il a été un peu corsaire aux côtés de Jean Bart. Quand on a passé le détroit de Malacca, on peut se vanter d’être hors de la plus difficile et la plus fatigante navigation qui puisse se faire.

 

 

Peut-on comparer que qui ne l’est pas ?

 

Nous sommes à la fin du XVIIe siècle, ne l’oublions pas

Depuis le golfe du Bengale, les conseils de la hiérarchie étaient bons,  il était plus sûr sinon plus rapide de gagner Ayutthaya en traversant la péninsule en son endroit le plus étroit qu'en suivant la route maritime, vents incertains. En dehors d’impondérables (laissez-passer perdus par les missionnaires), le trajet est d’une vingtaine de jours. C’est long certes, mais un char à bœufs circule moins vite qu’un homme au pas et les cours d’eau sont souvent remontés à contrecourant. Ce trajet le plus étroit de la péninsule malaise était connu de tous temps.

Ce pont de passage est probablement vieux comme le monde, point de passage des marchandises venues des Indes en direction de la Chine. Les navires venus de l’ouest trouvaient un abri idéal dans le port naturel de Mergui, considéré comme l’une des portes du Siam.

Les marchandises étaient d'abord transportées par bateau en remontant jusqu'à Jalinga (Ialinga ou Gelingue) depuis Mergui via le Tenasserim, puis à dos d'éléphant ou de portefaix à travers les montagnes, jusqu'à Kuiburi, Pranburi et Phetchaburi, où voyageurs et marchandises rembarquaient et étaient acheminés jusqu'à la capitale, par les canaux et les fleuves, via Bangkok. Elles pouvaient rejoindre le site  de Khaosamkaeo (เขาสามแก้ว) qui se trouve à proximité immédiate de Chumpon (ชุมพร), aujourd’hui à l’intérieur des terres, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Langsuan, où les fouilles conduites sous la direction de Mlle Bellina ont démontré la présence d’un important trafic commercial avec les Indes. La baie de Chumpon est en effet beaucoup plus apte à abriter les navires que les rives sableuses de Langsuan.

 

 

Ce port protohistorique  dont les recherches archéologiques essentiellement françaises ont prouvé l’existence a fait ‘objet d’un bel article de Bérénice Bellina : « Le port protohistorique de Khao Sam Kaeo en Thaïlande péninsulaire » In « Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient ». Tome 89, 2002. pp. 329-343. Le site a été largement dégagé par le typhon «  Gay » (sic) de novembre 1989 qui a ravagé la région en tuant malheureusement plus de 800 personnes. Un événement que passent soigneusement sous silence les guides qui vantent les charmes touristiques  de Chumpon !

 

Il a sa place d’honneur au Musée National de Chumpon. Des recherches similaires n’ont pas été entreprises du côté de la Birmanie dans la région  concernée tout au moins.

Le trajet terrestre raccourcit de 700 miles nautiques (1300 kilomètres) la voie entre le golfe du Bengale et le golfe du Siam.

Aujourd’hui les rhinocéros sauvages ont disparu, les éléphants ne subsistent que dans les parcs nationaux ou, apprivoisés, comme bêtes de cirque, quelques milliers seulement. Les tigres subsistent encore à l’état endémique dans les parcs nationaux, une petite centaine  La traversée de l’isthme par la route qui part de Langsuan vers l’ouest pour rejoindre la mer d’Andaman à une vingtaine de kilomètres au sud de Ranong est aisée sur environ 60 kilomètres sans difficultés.

 

 

 

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26 mars 2023 7 26 /03 /mars /2023 04:18

 

Ces trois monarques ont été des bâtisseurs, de temples évidemment, de palais, de bâtiments officiels ou de prestige. Dans leur politique de construction en particulier à Bangkok, Rama V et Rama VI ont privilégié des constructions de style résolument occidental en choisissant des architectes, ingénieurs, peintres ou sculpteurs essentiellement italiens souvent de talent et parfois de génies. Tous lointains descendants des bâtisseurs de la Rome antique, ils avaient l’essentielle qualité de provenir d’un pays qui n’avait aucune ambition colonialiste sur le Siam. Nous leur avons consacré plusieurs articles dont nous vous donnons les références en notes.

 

 

Mais tous trois, en dehors de leur astreignante vie officielle se sont choisis et ont fait construire des endroits privilégiés pour s’y consacrer à leur vie privée et à leurs passions loin des fastes du palais royal. Ils sont tout simplement leur reflet. Notre propos n’est évidemment pas jouer aux guides touristiques – il y en a quelques-uns de bons – peu - en français - mais de dire quelques mots de ces thébaïdes, si l’on peut dire puisqu’il s’agissait de palais, aussi raffinées que confortables mais qui reflètent un aspect de ces monarques auxquels nous avons par ailleurs consacré de nombreux articles. Leurs choix les rattache à l’histoire du Siam, ils sont en réalité le reflet de leur personnalité, leur caractère profond et parfois insolite ce qui concerne directement notre blog.

 

 

Tous ces palais sont proches de la capitale dont le climat est oppressant et se sont portés sur la province de Phetchaburi, à une petite centaine de kilomètres au sud sur le golfe de Thaïlande, facile à joindre par voie de mer.

Le climat à Phetchaburi l’explique bien simplement : Les températures n’y sont jamais caniculaires en raison de l’air marin et les pluies n’y sont jamais excessives

 

 

Le palais très éclectique de Rama IV

 

 

Rama IV, né en 1804, monta sur le trône en 1851 et y resta jusqu’à sa mort en 1868. Il s’effaça au profit de son frère à la mort de son père et passa 27 ans de sa vie dans un temple, se livrant à la méditation et à l’étude. Il dut à son ami, le prélat français Monseigneur Pallegoix, d’avoir appris le français, l’anglais et le latin lui-même enseignant à l’évêque le sanscrit et le pali. Il s’intéressait à tout, à l’histoire, aux sciences en particulier, mathématiques, physiques, cosmographie aux côtés de Bowring.  Réformateur du bouddhisme siamois ; il voulut le ramener à sa pureté primitive. Il fit entrer son pays dans la géopolitique mondiale. Ce fut l’époque des premiers traités conclu avec les puissances occidentales : avec l’Angleterre le 18 avril 1855, avec les Etats-Unis le 29 mai 1856, la même année que la France, le 15 août, avec les Pays-Bas le 17 décembre 1860,  avec  les états allemands de l’union douanière dite Zollverein, dominée par la Prusse, les grands-duchés de Mecklembourg-Schwerin et de Mecklembourg-Strelit, le 7 février 1862.

Ce monarque fit construire un palais qui reflète probablement sa vision globale du monde considéré comme un palais d’été (phraratchawang rueduron - พระราชวังฤดูร้อน). Il imita en cela le grand roi Narai qui avait construit son palais d’été à Lopburi rompant avec une tradition qui voulait que le roi et sa famille résident uniquement au Grand Palais, considéré à la fois comme lieu sacré et centre administratif.

 

 

Le maître d’oeuvre en fut le Prince Bunnag (phrayaborommaha sisuriyawong ou chuang bunnak -  พระยาบรมมหาศรีสุริยวงศ์ - ช่วง บุนนาค).

 

 

Ainsi fut construit dans la province de Phetchaburi (เพชรบุรี) le palais de Phra Nakhon Siri (พระนครคีรี) la cité sainte sur la montagne appela encore Khao Wang (เขาวัง) le palais sur la montagne. La première pierre fut posée le 7 juillet 1859. Singulière architectre européenne mêlée de thaï, de chinois et de khmer. L’ensemble des constructions occupe trois collines. Accessible actuellement par un funiculaire il ne l’était antérieurement que par un escalier assez raide.

 

 

Le roi pouvait se livrer paisiblement à ses occupations favorites, au milieu d’un temple, d’un chedi, d’un château, de salles d’audience, d’un théâtre et d’un observatoire. Les bâtiments de service sont en contrebas. Relevons simplement la simplicité monastique des bâtiments d’habitation destinés au roi et à sa famille.  Le point haut sert toujours d’amer. La présence de l’observatoire est particulièrement significative du grand intérêt du roi pour l'astronomie. L’ensemble est totalement éclectique et ne manifeste aucune unité architecturale mais  il bénéficie d’un panorama exceptionnel sur le golfe et révèle un souverain incontestablement polymathe. Le palais est reproduit sur le sceau officiel de la province

 

 

Le palais de Rama V-le-grand, incontestable germanophile

 

Le Kaiser Guillaume II fut un ami du Roi siamois. Il naquit le 27 janvier 1859 et monta sur le trône de l’Empire en juin 1888, intelligent et cultivé pacifiste quoiqu’en ait dit la revancharde propagande française de l’époque. Son grand père Guillaume Ier lui laissa un Reich à son apogée. L’Autriche a été écrasée à Sadowa et la France à Sedans en 1870 ensuite de quoi l’Alsace et la Loraine germanophone furent rattachée au Reich. Il démontra rapidement un caractère curieux, très intéressé par les sciences et techniques, la religion quoique fervent luthérien ou encore l'histoire. Il a le goût de l'archéologie et des voyages, passant un temps considérable en tournées à l'étranger ou sur les mers. Il avait aussi un goût marqué pour l’architecture, ce en quoi il nous intéresse. La ville de Metz pour laquelle il avait une affection certaine lui doit beaucoup de son architecture actuelle.

 

 

Il ne fut probablement pas un foudre de guerre et sa responsabilité dans le déclenchement de celle de 1914 reste discutable mais ce sont les vainqueurs qui ont écrit cette histoire. Mort réfugié en Hollande en 1941 il refusa à ce que son cercueil soit recouverte du drapeau à croix gammée, il le fut malgré ce souhait, après avoir réprimandé les princes de sa descendance dont plusieurs avaient adhéré au parti nazi.

 

 

Rama V est né le 20 septembre 1853, mort le 23 octobre 1910 et monta sur le trône en 1868. Il avait hérité de l'esprit curieux de son père et, en 1868, l'accompagna à Prachuap Khiri Khan pour observer dans son observatoire l'éclipse solaire que celui-ci avait prédit avec précision pour 18 août de cette année.

 

 

Phra Ram Ratchanivet (พระรามราชนิเวศน์) aussi appelé  le palais de  Ban Puen (พระราชวังบ้านปืน) du nom du village où il est situé est le deuxième des palais d’été de Phetchaburi et doit se situer dans le contexte de la situation géopolitique de son temps. Le roi avait tenté d'utiliser l'Allemagne pour contrebalancer les ambitions coloniales de  la France et de la Grande-Bretagne, l'Allemagne n’ayant aucune ambition colonialiste dans la région. Les deux pays avaient signé un traité commercial en 1862, dès avant  l'unification allemande en 1871, et le Siam avait par la suite saisi toutes les occasions de favoriser des relations amicales avec l'Allemagne. Lorsque le prince héritier présomptif Wachirunhit (ชิรุณหิศ), mort prématurément à 15 ans en 1894, fut officiellement désigné comme tel, le représentant du Kaiser en Allemagne lui décerna l'Ordre royal de l’Aigle rouge.

 

 

Le roi Chulalongkorn effectua sa première visite en Europe en 1897 et fut accueilli par le Kaiser avec tous les honneurs dus à son rang. Il fut hébergé au palais royal d’Agathenourg (Schloss Agathenburg).


 

 

Il déposa une gerbe sur la tombe de Frédéric III, le fils de Guillaume Ier qui ne régna que trois mois en 1888. Il visita le Palais de Sans Souci  (Schloss Sanssouci), le Palais du Grand Frédéric et reçut Ordre de l'Aigle Rouge après avoir présidé un défilé des gardes royaux. Lors de la deuxième visite européenne du roi en 1907, consécutive à son humiliation lors du conflit de 1893 avec les Français, le Kaiser et le Kaiserin l'ont accueilli et soigné. Chulalongkorn resta à Bad Homburg pendant un mois et les liens d’amitié se resserrèrent. C’est alors que le Kaiser lui aurait suggéré la construction d’un palais d’été du modèle du sien dont il lui présenta les plans. Chulalongkorn avait été victime d’un coup de froid pendant la saison des pluies et cherchait un site pour une retraite plus confortable. Phetchaburi lui sembla approprié car il avait de bons souvenirs de Phra Nakhon Kiri du temps de son père. Mais il y avait des problèmes d’alimentation en eau en raison de la position du Palais au sommet d'une colline. Il rechercha donc un site le long de la rivière  Phetchaburi sur les modèles du site du palais d'été de Guillaume II. Les Allemands, techniciens et conseillers, sont alors omni présents au Siam ; Il s’adressa à Karl Siegfried Döhring, un architecte, historien de l'art et archéologue allemand qui vécut principalement au Siam et écrivit de nombreux ouvrages sous le pseudonyme de Ravi Ravendro.

 

 

Celui-ci avait étudié l'architecture à Berlin et après y avoir terminé ses études en 1905, il postula pour un poste au sein du gouvernement siamois à Bangkok. Il débuta comme ingénieur aux chemins de fer royaux du Siam. Il planifia et supervisa la construction de divers bâtiments ferroviaires, en particulier l’ancienne gare centrale de Bangkok, en style moderne

 

 

...et celle de Hua-Hin de style traditionnel et plusieurs autres gares ainsi que plusieurs résidences et bâtiments commerciaux, dont certains n'ont pas encore été identifiés. 

 

 

Le projet fut supervisé par le Prince Paribatra Sukhumband (เจ้าฟ้าบริพัตรสุขุมพันธุ์), l’un des fils du roi,  qui avait passé de longues années en Allemagne dans les Académies militaires prussiennes.

 

 

La première pierre fut posée par le roi en août 1910, quelques mois seulement avant sa mort le 23 octobre 1910. Il est – architecturalement – considéré comme un chef-d'œuvre architectural, de l’Art nouveau du début du XXe siècle, dans sa version allemande du « Jugendstil », le style de la jeunesse. C'était un style en rébellion contre les diktats de l'art classique ;

 

 

Son élégance est moderniste voire minimaliste et traduit l’effort du roi de ne plus être simplement « occidental », mais aussi d'avant-garde, ou du moins, accepter les « modes » les plus récents de la modernité. Le palais est tout en courbes et privilégie le confort le plus moderne.

 

 

Il ne fut achevé qu’en 1916 et est actuellement devenu un musée militaire. On occulte souvent cette empathie du roi pour l’Allemagne et son Empereur. Sous son règne, les Allemands étaient nombreux dans tous les secteurs de l’économie, banques, assurances, compagnies de navigation, et occupaient pratiquement tous les postes de responsabilité dans les administrations des chemins de fer, secteur essentiel du développement économique du Siam.

 

 

Rama VI et sa villa de bord de mer.

 

Rama VI n’était pas destiné à monter sur le trône, Ce fut le mort de son frère aîné qui le plaça en première ligne. La transmission par primogéniture mâle n’était pas établie avec certitude, d’ailleurs la loi successorale de 1924 prévoit toujours que le roi est maître de sa succession. Si son père, mort prématurément, avait engendré six douzaines d’enfants, une fois éliminées les filles, encore fallait-il que l’héritier présomptif eut une mère de sang royal et surtout qu’il n’eut pas dérogé. Il était né le 1er janvier 1881 à Bangkok mais il aurait pu avoir un conçurent potentiel, le Prince Chakrabongse Bhuvanat (จักรพงษ์ภูวนาถ) qui, né en 1883, n’avait pas l’ainesse mais, peut-être, le préféré de son père qui l’avait envoyé faire ses études en Russie, chez son ami le tzar Nicolas. Il y perdit son titre de prince royal après avoir conclu un mariage « inégal » avec une infirmière russe et catholique orthodoxe.

 

 

Rama VI n’eut pas le souci de son père qui dut assister et subir le dépècement du Siam an profit de la France d’une part, Laos et Cambodge et de l’Angleterre d’autre part, partie de la Birmanie et sultanats du nord de la Malaisie.

 

 

Il se lança toutefois dans de bénéfiques réformes administratives, adoption du calendrier grégorien adoption du système métrique, création de l’état civil,  mais là n’étaient pas ses goûts, essentiellement littéraires, journaliste sous pseudonyme, écrivain, dramaturge, traducteur de nombreuses œuvres littéraires en thaï, nous lui devons en particulier une forme de romanisation de la langue qui est toujours utilisée non pas au quotidien mais pour les membres de la famille royale. Il est certain qu’il n’aimait pas le palais royal de Bangkok, y dormit seulement deux fois: lors de son couronnement et de nouveau à l'approche de sa mort lorsqu'il a insisté pour mourir dans la chambre royale suivant la tradition de ses ancêtres. Il résidait régulièrement et officiellement dans son palais de style anglo-victorien de plus ou moins bon goût, prétentieux sinon grotesque  - nous savons que le roi était  viscéralement anglomane -  à Nakon Phatom à l’est de Bangkok dans son palais Sanam Chandra (พระราชวังสนามจันทร์).

 

 

Il n’était pas responsable de cette construction, il en avait hérité. C’est là qu’il recevait ses « tigres sauvages », sa garde prétorienne constituée pour – face à l’armée et à la hiérarchie princière – soutenir sa politique autocrate d’un nationalisme forcené.

 

 

Sa villégiature préférée était son palais Maruekkhathayawan (พระราชนิเวศน์มฤคทายวัน), bouddhisme oblige, Maruekkhathayawan était le parc aux cerfs où le Bouddha a prêché pour la première fois. Le palais est situé dans la province de Phetchaburi toujours mais à une vingtaine de kilomètres au sud des deux autres et directement en bord de mer, à Cha-am (ชะอำ). Le palais a été construit en 1923 et 1924 dans le village de Phratamnak (หมู่พระตำหนัก). L’architecture est d’Ercole Manfredi, une série très linéaire de 16 pavillons reliés entre eux par des passerelles, montés sur pilotis. Les plans rappellent plus une latifundia romaine qu’un palais traditionnel siamois.

 

 

Les pavillons sont en teck doré (ไม้สักทอง) mais montés sur des pilotis en béton armé, ils sont 1180, technique nouvelle à cette époque. Le  roi était soucieux d’économies. Le teck était.  alors un  matériau banal. Les délicates fioritures des constructions traditionnelles sont absentes. Le roi ne put y séjourner que deux fois, une première en 1924 pendant trois mois et une autre l’année suivant, celle de sa mort au Grand Palais. Bâtiments d’habitation pour le roi, pour son épouse, pour les invités, pièces de réception, chapelle de prière et bien évidemment un théâtre.

 

 

Manfredi était non seulement architecte mais peintre et dessinait pour le roi les décors de ses pièces de théâtre et les costumes des acteurs. Ces pavillons romains de conception sont surélevés, tradition siamoise, avec ouverture sur la vue et à la brise rafraichissante. La construction sur piliers remédie à plusieurs inconvénients, les dégâts éventuels de la mer parfois fort agitée dans le golfe et les invasions d’animaux, celle des fourmis n’est pas la moindre.

 

 

Ces trois souverains ont été plongés dans la tempête de la modernité face à l’invasion occidentale, nous dirions aujourd’hui mondialiste.

Le palais du roi Rama VI est peut-être le plus imaginatif et le plus créatif puisqu’il balança tout son règne entre tradition et modernité. Ce palais de teck est probablement le chef d’œuvre de Manfredi

 

 

SOURCES

 

Pour le 60e anniversaire de sa création, en 2011, le Goethe-Institut Thailand a publié une très belle brochure intitulée DEUTSCHE SPUREN IN BANGKOK, THAILÄNDISCHE SPUREN IN BERLIN - GERMAN TRACES IN BANGKOK, THAI TRACES IN BERLIN - ร่องรอยเยอรมันในกรุงเทพฯ และ ร่องรอย ประเทศไทยในเบอ sous la signature de Martin Schacht et une préface de Maren Niemeyer

 

 

Nous avons consacré plusieurs articles aux hommes de l’art occidentaux, essentiellement italiens, architectes, peintres sculpteurs, ingénieurs ayant changé le visage architectural de Bangkok sous les règles de Rama V et Rama VI

A 223 - JOACHIM GRASSI, ARCHITECTE AUSTRO-ITALO-FRANÇAIS À BANGKOK PENDANT 23 ANS (1870-1893).

http://www.alainbernardenthailande.com/2017/04/a-223-joachim-grassi-architecte-austro-italo-francais-a-bangkok-pendant-23-ans-1870-1893.html

A 244 - LES ARCHITECTES ET LES INGENIEURS ITALIENS AU SIAM SOUS RAMA V ET RAMA VI

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2017/10/a-243-les-architectes-et-les-ingenieurs-italiens-au-siam-sous-rama-v-et-rama-vi.html

A 245 - LES PEINTRES ET LES SCULPTEURS ITALIENS AU SIAM SOUS RAMA V ET RAMA VI.

http://www.alainbernardenthailande.com/2017/10/a-244-les-peintres-et-les-sculpteurs-italiens-au-siam-sous-rama-v-et-rama-vi.html

A 374 - STEFANO CARDU. PREMIER ARCHITECTE ITALIEN AU SIAM (1874)

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2020/05/a-374-stefano-cardu.premier-architecte-italien-au-siam-1874.html

 

 

 

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