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Le chevalier de La Loubère fut le premier à nous donner un aperçu des « arts » au Siam à l’époque d’Ayutthaya sans distinguer d’ailleurs les « arts mécaniques » de ce qu’on appelle « les beaux-arts », distinction au demeurant plus ou moins fictive puisque « artiste » et « artisan » sont deux mots qui ont la même étymologie latine, « ars – artis », toute chose opposée à la nature. Les bâtisseurs anonymes des cathédrales étaient artisans autant qu’artistes. Il écrit en 1691 à son retour du Siam « j'ai vu dans un de leurs temples une agréable peinture à fresque dont les couleurs étaient fort vives. Il n'y avait nulle ordonnance. Les Siamois & les Chinois ne savent pas peindre en huile, et d'ailleurs ils font de mauvais peintres. Leur goût est de faire peu de cas de tout ce qui n'est que d'après nature. Il leur semble qu'une imitation juste est trop facile …. » (« Du Royaume de Siam » tome I). La peinture à Ayutthaya avant sa description par les Birmans en 1767 était essentiellement constituée de peintures murales (et non des fresques) sur les parois des temples, elle était inséparable de l’architecture. S’il en subsista quelques vestiges, il n’en resterait rien : Les artistes utilisaient une technique de peinture à la fresque sèche, rapidement dégradable sous un climat humide. Les plus anciennes peintures murales (จิตรกรรมฝาผนัง - chittrakam faphanang) ne remontent donc qu'au début du XVIIIe siècle. Les plus célèbres, celles de Wat Pho (วัดโพธิ์), datent du dernier quart de ce même siècle. Le chevalier de La Loubère fut le premier à nous donner un aperçu des « arts » au Siam à l’époque d’Ayutthaya sans distinguer d’ailleurs les « arts mécaniques » de ce qu’on appelle « les beaux-arts », distinction au demeurant plus ou moins fictive puisque « artiste » et « artisan » sont deux mots qui ont la même étymologie latine, « ars – artis », toute chose opposée à la nature. Les bâtisseurs anonymes des cathédrales étaient artisans autant qu’artistes. Il écrit en 1691 à son retour du Siam « j'ai vu dans un de leurs temples une agréable peinture à fresque dont les couleurs étaient fort vives. Il n'y avait nulle ordonnance. Les Siamois & les Chinois ne savent pas peindre en huile, et d'ailleurs ils font de mauvais peintres. Leur goût est de faire peu de cas de tout ce qui n'est que d'après nature. Il leur semble qu'une imitation juste est trop facile …. » (« Du Royaume de Siam » tome I).
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La peinture à Ayutthaya avant sa destruction par les Birmans en 1767 était essentiellement constituée de peintures murales sur les parois des temples, elle était inséparable de l’architecture. S’il en subsista quelques vestiges, il n’en resterait rien : Les artistes utilisaient une technique de peinture à la fresque sèche, rapidement dégradable sous un climat humide. Les plus anciennes peintures murales (จิตรกรรมฝาผนัง - chittrakam faphanang) ne remontent donc qu'au début du XVIIIe siècle. Les plus célèbres, celles de Wat Pho (วัดโพธิ์), datent du dernier quart de ce même siècle.
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Si les motifs sont toujours directement religieux pour l’édification des fidèles, épisodes de la vie de Bouddha et de ses Jatakas, ses 547 existences antérieures ou épisodes de la légende du Ramakian, on peut parfois retrouver en arrière-plan des scènes de la vie quotidienne, traitées avec plus ou moins de fantaisie.
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Khrua In Khong (ขรัวอินโข่ง)
Khrua In Khong (ขรัวอินโข่ง) - Khrua c’est un moine bouddhiste très âgé - ou Phra Achan In (พระอาจารย์อินทร์) a vécu sous le troisième et le quatrième règne de l’actuelle dynastie (Rama III : 1824-1851 et Rama IV : 1851 – 1868). Peintre dans son temple, il est considéré comme un artiste majeur sans équivalent sous le règne de Rama IV par ses contemporains, en particulier le Prince Damrong Rachanupap (พระยาดำรงราชานุภาพ).
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Il considéra à ses débuts que la peinture devait traditionnellement se consacrer à la représentation de figures liées au bouddhisme et ensuite aux enseignements du Dharma en prenant soin de représenter la nature et la végétation en harmonisant les couleurs et en jouant avec la lumière. Son œuvre la plus connue est constituée par les peintures murales ( à l’intérieur de la chapelle d’ordination du temple Bowonniwet (วัดบวรนิเวศ)
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...et de celle du temple Boromniwat (วัดบรมนิวาส)
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Jeunesse et éducation
On ignore tout des débuts de sa vie, même l’année de sa naissance. Nous savons simplement qu’il est né dans le sous-district de Bang Chan, district de Mueang, province de Phetchaburi (ตำบลบางจาน อำเภอเมือง จังหวัดเพชรบุรี), sous le règne du roi Rama III.
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Il vint alors à Bangkok et resta longtemps novice avant d’être ordonné au temple Rachaburana (วัดราชบูรณะ).
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Enseignement de la peinture
On ne sait pas où et quand Krua Inkhong a étudié la peinture ? Nous savons toutefois qu’il était introverti et s’enfermait souvent dans sa cellule pour y méditer sur le motif de ses prochaines peintures murales.
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Développement des techniques de peinture occidentales
Le règne de Rama III marque le début de l’influence occidentale au Siam tant sur le plan de la culture que sur celui de la technologie, la culture incluant les formes artistiques occidentales. Le peintre va alors s’écarter des anciennes traditions. Krua Inkhong n’est jamais allé en occident mais l’influence des peintures occidentales proviendrait des estampes apportées par des missionnaires ou des missionnaires de l'étranger ainsi que des photographies venues d’Europe, largement diffusées au Siam à cette époque. Pourtant utilisant les techniques de la perspective inconnues jusqu’alors et un choix spécifique des couleurs, de la lumière et de l’ombre, sa peinture devient réaliste, progressiste dit-on d’elle. La troisième dimension entra alors dans la peinture. Il subit très probablement aussi l’influence du futur roi Mongkut qu’il avait rencontré au temple Rachathiwat Worawihan (วัดราชาธิวาสวรวิหาร).
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Le futur monarque étudiant le bouddhisme en profondeur pour établir la frange Dhammayut (ธรรมยุติ). Il aurait alors proposé au peintre devenu son familier de devenir son peintre attitré. Il fut d’ailleurs le premier peintre siamois à faire un portrait de son roi actuellement conservé au Musée national. Si ce portrait est souvent reproduit ; nul ne précise quel en est l’auteur ! Il est difficile de faire un inventaire exhaustif de ses pieuvres qui, par définition ne sont pas signées. Le Musée national conserve toutefois son carnet de croquis. Il eut probablement de nombreux élèves dont un seul nous est connu Phrakhru Kasinsangvorn (พระครูกสิณสังวร) abbé du temple Thong Noppakhun (วัดทองนพคุณ).
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On ignore les circonstances et la date de sa mort probablement sous le règne de Rama IV et toujours sous la robe safran avant 1910 puisque c’est à cette date que son carnet d’esquisses fut donné à la bibliothèque nationale par l’un de ses élèves, l’abbé du temple Phlapphlachai, (วัดพลับพลาชัย) à Petchaburi.
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Il fut le peintre officiel du Roi Rama IV.
Ce carnet ressurgit à l’occasion de l’Exposition Royale de l'Artisanat en 2011 (นิทรรศการงานช่างหลวง)
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... exhumé de la bibliothèque nationale. Il se présente sous forme de livre koi (สมุดข่อย), feuilles de papier pliées les unes à la suite des autres.
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Cette exhibition suscita un grand intérêt dans les milieux artistiques qui après l’avoir redécouvert probablement parce qu’ils ne hantaient pas les temples, considérèrent alors notre moine comme le Michel-Ange siamois. Ils ignoraient que celui-ci était à l’inverse de notre moine d’une incommensurable cupidité.
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En tous cas Rama V successeur de son père numéro IV préféra s’adjoindre les services de peintres et d’architectes italiens tous dotés d’un d’immense talent.
Revenons sur les constatations du Chevalier de La Loubère : La tradition avant la révolution apportée par Krua Inkhong était irréaliste : Les vagues sur l’eau étaient par exemple dessinées comme des écailles de poisson qui se chevauchent, les arbres avaient l'air d’être artificiels et les personnages se tenaient en des postures hors du naturel.
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Les motifs artistiques dépendaient de l'utilisation de lignes et de couleurs plates sans utilisation de lumière et d'ombre, les objets étaient de la même taille quelles que soient leurs distances relatives, faisant des personnages et des bâtiments seulement deux dimensions et non trois dimensions comme la peinture occidentale. Khrua In Khong a été le premier artiste siamois à utiliser la technique de la perspective tridimensionnelle. N’oublions pas que la technique de la perspective n’a été découverte qu’au XVe siècle par les artistes de la renaissance italienne : ligne d’horizon, ligne de terre et points de fuite, la géométrie est venue au secours de l’artiste.
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Les matériaux de couleur souvent importés de l’étranger se sont améliorés. Khrua In Khong était célèbre pour son utilisation de couleurs monochromes et utilisait souvent des nuances sombres de bleu et de vert ainsi que des nuances claires de bleu, de rose et de blanc et évitait les couleurs contrastées. Il peignait les fonds de couleurs sombres, des tenues masculines en bleu foncé et blanc, tandis que les robes féminines étaient bleu clair ou rose, ce qui rend les personnages doux et douces parmi un fond ombragé qui ressemble à un paysage de rêve.
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S’il changea fondamentalement le style de la peinture murale traditionnelle, Khrua In Khong peignit des sujets principalement liées au bouddhisme puisqu'il est lui-même resté dans la vie monacale probablement jusqu’à sa mort et évidemment influencé par les croyances du Roi sous le patronage duquel il peignait mais le ne négligea pas les sujets profanes.
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Le concept de l’art pour l’art viendra plus tard en Thaïlande. La notion occidentale de l’art pour l’art n’est pas concevable dans la mentalité thaïe. Les arts comme la peinture, ont un même objectif : le didactisme et l’édification du spectateur. Faire faire construire un temple, l’entretenir, faire exécuter et le décorer est certes un acte de piété pour tout pieux bouddhiste pour le commanditaire comme pour l’artiste ou l’artisan s’acquérir des mérites ou acquérir des mérites pour son entourage.
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A la différence de l’Occident, les artistes siamois sont restés le plus souvent des anonymes. Rares à être reconnus, ces peintres sont souvent des moines - comme l’indique le titre souvent utilisé - de Phra Acharn - qui vivent le temps de la commande dans le temple. Pour la construction ou la restauration d’un temple dans les villages, la main d’œuvre est constituée des villageois qui possèdent l’habileté manuelle nécessaire mais elle est supervisée par les moines.
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Ne pas avoir conservé le nom des artistes est conforme à la religion qui affirme l’impermanence de toute chose. L’architecture, la sculpture, la peinture ne sont pas faits pour durer. Seule compte la dévotion que doit transmettre aux pieux laïcs tout artiste, notamment les peintres. La peinture siamoise est avant tout un art didactique et édifiant dont les thèmes sont choisis par les religieux. Par ailleurs personne ne pouvait penser que tel temple, telle sculpture, tel meuble puisse subsister dans un pays où le climat éprouvant et les diverses agressions –pollution, humaines- rendaient inévitable la dégradation voire les disparitions des œuvres anciennes.
Il est encore un phénomène qui étonne toujours en notre siècle les esprits occidentaux. Si le nom des artistes qui en sont à l’origine d’une construction et de la décoration d’un bâtiment religieux, architectes, peintres et sculpteur restent toujours anonymes, il n’en est pas de même des noms des commanditaires qui restent toujours fièrement affichés. La chapelle d’ordination du temple du milieu (วัดกลาง) de mon village, Huaymek (หวยเม็ก) a été reconstruite au début du siècle. Une plaque nous indique le montant des dons d’une famille, le plus important est de 99.999 bahts,
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...une autre est plus modeste, 35.000, mais il y en a beaucoup…mais nous ignorons le nom de l’architecte, du sculpteur et du peintre des vies de Bouddha à l’intérieur.
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Le temple PhraPhutthabatNamthip (วัดพระพุทธบาทน้ําทิพย์) dans le district forestier (ภูพาน) de Phuphan dans la province de Sakon nakhon (สกลนคร) est un très ancien temple qui abrite une très sainte empreinte du pied de bouddha.
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Cette galerie située à l’extérieure de l’enceinte comporte une centaine de statues de Bouddha d’une éclatante blancheur édifiée en 2004.
Sur le socle de chacune d’elle le nom du donateur pour en général 25.000 bahts.
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Je ne multiplie pas les exemples.
Cette pratique des peintures murales s’est estompée à la fin du XIXe siècle bien que de nombreuses chapelles comportent des scènes de la vie de Bouddha reproduites à l’acrylique avec plus ou moins de talent mais toujours avec la mention du nom du commenditaire, « maître de l’image » (เจ้าภาพ) le plus souvent, les couleurs acryliques sont cirardes, ainsi le temple de Plailaem (วัดปลายแหลม) sur l’île de Koh Samui (เกาะสมุย) mais le temple est riche sinon richissime et les artistes sont rarement bénévoles.
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Phaibun Suwannakut (ไพบูลย์ สุวรรณกฏ) – 1925- 1982 - donna une nouvelle vie à la peinture murale en travaillant bénévolement pour les temples mais aussi pour de nombreux bâtiments civils , le plus souvent des hôtels de luxe (1).
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A partir de 1939, quand le Siam devient la Thaïlande, les arts qui jusque-là étaient généralement placés sous le patronage royal vont s’émanciper grâce à l’évolution de la société et ainsi le pays fit connaissance avec l’art abstrait. J’ai beaucoup aimé cette toile inspirée par le tsunami de 2004.
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Il existe certes des galeries et des marchands de tableaux dans ce pays mais il ne semble pas que le marché soit (encore ?) pollué par un mercantilisme spéculatif. Certains artistes contemporains se vendent cher mais c’est le prix du travail, du talent et de la notoriété et non de l’imposture du barbouillage.
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Il me faut évidement signaler le magnifique article de Paul McBain, de l'Université Thammasat, que je viens découvir après avoir programmé ce bien modeste article : The Murals of Khrua In Khong - Enlightenment is Happening Everywhere dans le numéro du mois de décembre 2022 du Journal of the Siam Society. Il est aussi remarquablement illustré et repose sur une énorme bibliographie
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Note 1
A 449 - PHAIBUN SUWANNAKUT (ไพบูลย์ สุวรรณกฏ) ET LA RENAISSANCE DE LA PEINTURE MURALE TRADITIONNELLE
https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2021/10/6170dab1-ad49.html
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