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  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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Merci d’être venu consulter ce blog. Si vous avez besoin de renseignements ou des informations à nous communiquer vous pouvez nous joindre sur alainbenardenthailande@gmail.com

22 avril 2020 3 22 /04 /avril /2020 22:02

 

Philippe Drillien dans son article «Le bouddhisme au Laos à travers la philatélie» consacre un chapitre aux légendes relatives au bouddhisme, illustré par les timbres-poste. Nous nous sommes intéressés à l’une d’entre elles qui concerne une déité fondamentale du bouddhisme théravada, Nang Thorani, la déesse-mère. Laissons-lui la parole:

 

 

LA LÉGENDE DE NANG THORANI

 

Mâra, le diable, se rendant compte que Bouddha échappait à son contrôle, voulut lui enlever son trône d’émeraude. Il envoya ses cinq filles (trois selon d’autres versions), magnifiquement parées et parfumées, afin de le séduire, mais celles-ci se retirèrent, confuses et honteuses, soudainement vieillies et ridées. C’est alors que Mâra prépara cinq armées pour vaincre Bouddha, l’accusant de s’être emparé du trône d’émeraude. Nang Thorani, déesse de la Terre, se présenta alors devant Mâra, sur un signe de Bouddha. Tordant ses cheveux tressés, elle en fit sortir l’eau, goutte à goutte, sur la terre. Cette eau se transforma en mers et océans qui engendrèrent toutes sortes de monstres et de reptiles : les armées de Mâra furent décimées et détruites. Grâce à Nang Thorani, Bouddha put se maintenir sur son trône d’émeraude.


 

 

Cette attitude de Nang Thorani est un geste d’entraide et de lutte contre le mal. C’est pourquoi elle a été choisie pour figurer sur un timbre-poste célébrant le vingt-cinquième anniversaire de l’ONU: Ce timbre représente le Palais de l’ONU surmonté également de l’emblème des Nations unies et Nang Thorani, déesse de la Terre. Il s’agirait de la reproduction de la statue en ciment du  Vat Khily de Luang Prabang.

 

 

 

Des statues de Nang Thorani sont souvent représentées dans les cours de pagode laotienne… Rien qu’à Luang prabang, il en existe au moins cinq autres, au vat Aphay, au vat Ho Xieng, au Vat Maha That, au Vat Meun Na et au Vat That Luang. Le Vat Chom Kao de Houey Say en possède également une. J’ai même appris récemment que deux autres (au moins) ont été construites au Texas (1), mais cette liste est loin d’être exhaustive.

 

 

Par ailleurs, dans le chapitre de son opuscule qu’il consacre à «LA REPRESENTATION DU BOUDDHA DANS L’ART LAO»   il nous parle de cet épisode de la vie de Bouddha à l’occasion de la représentation de cet événement:

 

 

Le Bouddha en Bhûmisparsa mudrâ, ce qui signifie « le sceau de toucher la terre ». Cela veut dire que le Bouddha prend la terre à témoin. On dit encore que le Bouddha fait le geste de Mâravijaya (en lao, Mâravixay , victoire sur Mâra, le roi des Enfers). Il s’agit d’une allusion au prodige consacrant la défaite de Mâra. Quatre semaines après l’Illumination de Bouddha, Mâra voulut le tenter et le ramener aux réalités terrestres. Il lui dépêcha donc ses trois filles Concupiscence, Volupté   et Inquiétude. Mais, sous le regard de l’Illuminé, elles perdirent leur attrait. Mâra montra alors à Bouddha, pour le  décourager, l’immensité de la tâche qu’il s’était fixée : jamais Bouddha ne parviendrait à communiquer aux humains la science qu’il venait d’acquérir. Mais, la foi de Bouddha était si forte qu’il toucha la terre de sa main droite afin d’avoir un témoignage. Selon la légende, la Terre apparut, éloigna Mâra et repoussa les démons. La victoire sur Mâra est  un geste qui implique une idée d’imperturbabilité. La main droite, allongée vers le bas sur sa cuisse droite, effleure le siège de l’extrémité de ses doigts tandis que la main gauche repose dans le giron. C’est sans doute la position du Bouddha la plus répandue dans l’iconographie lao (2).

 

 

L’utilisation de cette divinité bienveillante singulièrement assimilée par la philatélie lao à l’organisation des Nations Unies (mais c’était en 1970!) nous a conduit à rechercher qui était Nang Thorani (นาง ธรณี) pour les Thaïs, plus volontiers appelé Phra Mae Thorani (พระแม่ธรณี)Dharani dans la forme pali et Dharana dans la forme sanskrite puisqu’elle vient de la mythologie hindouiste. Dans son premier dictionnaire thaï – latin – français – anglais, Monseigneur Pallegoix traduit «Ange femelle qui préside à la terre». Dans l’édition de 1896, la traduction devient «la terre». Dans le dictionnaire pali-anglais de T W Rhys Davids elle est tout simplement « la terre ». Le dictionnaire sanskrit –français de l’École française d’extrême orient nous donne incontestablement la meilleure définition : « la terre personnifiée ».

 

 

Elle est la déesse mère, vierge mère de toutes les divinités  que nous retrouvons dans toutes les mythologies antiques, indiennes bien sûr d’où elle est passée au bouddhisme, égyptienne. Nous la retrouvons dans la mythologie grecque en la personne de Gaïa, déesse primordiale et déesse mère,  ancêtre maternelle des races divines, qui enfanta de nombreuses créatures célestes.

 

 

Nous retrouvons la Vierge mère chez les chrétiens faisant l’objet d’un culte aux bornes de la déification  (3).

 

 

Son histoire telle qu’elle résulte des Vessantara Jatakas,

 

 

...mais les versions en sont multiples,  est celle de la déesse de la terre ou de la déesse terre.  Au moment où le Bouddha s’engagea dans sa méditation finale avant d'atteindre le Nirvana, le Démon Mara qui incarne l’esprit du mal se présenta au Bouddha avec son armée et lui demanda de quel droit il se tenait assis à cet endroit. Le Bouddha toucha alors le sol de sa main droite pour prendre la terre à témoin, et la tradition dit que la Déesse Mae Thorani se manifesta et fit sortir de sa tresse l'eau qui symbolisait les mérites accumulés par le Bouddha dans ses vies passées. Cette  eau coula en telle abondance qu’elle noya l'armée de Mara et que le Bouddha mit ensuite poursuivre sa méditation en paix. Déesse mère, elle est la mère sans intervention d’un père biologique de toutes les déités de la tradition hindo-bouddhiste. Mère du monde, son culte  remonte à au moins 3 000 ans bien avant le Bouddha historique.

 

 

Elle est la seule divinité à laquelle le Bouddha fit jamais appel quand il était en grand danger, seul, désarmé et attaqué par une armée de démons. Il lui suffisait de se sécher les cheveux pour anéantir cette armée de démons ... 

 

Un fervent bouddhiste suivant l'exemple du Bouddha lui-même ne peut donc faire appel qu’à elle et subsidiairement à Indra.

 

C’est un aspect du bouddhisme qui a frappé les Missionaires. Il n’y a qu’elle et Pha Indra que les laotiens pensent pouvoir leur être secourables (4).

 

Les représentations de Phra Mae Thorani sont omni présentes dans les sanctuaires et les temples bouddhistes du Laos, de Birmanie, du Cambodge et de Thaïlande, statues ou peintures murales. Elle est toujours personnifiée comme une jeune femme qui, en essorant ses cheveux, en fit sortir de l'eau pour noyer Māra.

 

 

Pour ne parler que de Thaïlande, le parc de Suan Thurian Laen (สวนทุเรียนแลนด์) dans la province de Chantaburi vit l’édification de ce qui serait sa plus grande statue au monde.

 

 

A la fontaine de Mae Thorani située à côté de Sanam Luang à Bangkok, on voit parfois des femmes y prendre de l'eau bénie sortant de sa tresse dans l'espoir que cette eau les aidera à tomber enceintes.

 

 

Médailles et amulettes se vendent en grand nombre.

 

 

 

Elle n’et naturellement pas oubliée de la philatélie locale, en 1968 à l'occasion de la décennie hydrologique internationale

 

 

en 2015 pour le 100e anniversaire de la création du service des eaux, mère de la terre, elle est aussi mère des eaux

 

 

 ... et en 2018 pour une série relative au patrimoine artistique

A 361- LE BOUDDHISME DE PART ET D’AUTRE DU MÉKONG. 4- LES LÉGENDES LIÉES AU BOUDDHISME LAO, LA LÉGENDE DE NANG THORANI (Philippe Drillien)

NOTES

 

(1) Probablement à Houston.

 

 

(2) Nous avons longuement parlé de cette posture de Bouddha qui est effectivement l’une des plus représentées dans le monde bouddhiste théravada :

 

Mara (มาร) est l’esprit du mal, la mort, le démon, le malin. C’est le plus grand dieu du domaine des désirs. Vasavarti Mara, le mal personnifié, intervient avec sa horde de démons. Le Bodhisattva appela alors Dharani, la déesse de la terre comme témoin des vertus de ses vies précédentes : elle noya Mara et sa troupe en tordant sa chevelure.

 

 

Cette posture est la 9e. Bouddha est assis la main gauche ouverte, dans son giron la main droite posée sur le genou, les doigts dirigés vers la terre.

 

237 – « LES SOIXANTE-SIX REPRÉSENTATIONS RITUELLES DE BOUDDHA »

http://www.alainbernardenthailande.com/2017/08/a-237-les-soixante-six-representations-rituelles-de-bouddha.html

 

 

(3)  Devant ces excès, dès 431 le concile œcuménique d'Éphèse a défini le rôle de Marie de Nazareth, mère de Jésus, comme « Mère de Dieu » ce qui n'en fait pas l'égale de Dieu. La Réforme mit en question les excès du culte des saints et de la Vierge-Marie en particulier. Au concile de Trente au XVIe siècle, l'Église catholique dut introduire une distinction entre les cultes, culte rendu à la Vierge Marie, supérieur au simple culte rendu aux saints et aux anges et adoration qui ne convient que pour Dieu. Le concile Vatican II pour répondre à des excès a rappelé que pour le christianisme, le rédempteur unique est Jésus-Christ, fils de Dieu et de Marie.

 

 

(4) Voir « Les sorciers laociens » in Annales des missions étrangères de janvier 1923.

 

 

 

 

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24 novembre 2011 4 24 /11 /novembre /2011 04:02

culLa culture de l’Isan : littérature, cuisine, musique, chanson, cinéma, éducation …une culture en train de se transformer…

3/ Littérature 

http://www.alainbernardenthailande.com/article-23-notre-isan-la-litterature-thailandaise-1-79537350.html 

http://www.alainbernardenthailande.com/article-24-notre-isan-la-litterature-dethailande-2-79537520.html 

Nous avions avoué notre méconnaissance de la littérature thaïlandaise et avions proposé, humblement, un chemin, un programme de lecture possible  en nous appuyant sur une étude de Jean Marcel, qui alors professeur à l’Université Chulalongkorn (Bangkok), avait écrit en 2006, « L’œuvre de décentrement : le cas de la littérature siamoise ». (Cf. articles 23 et 24). Il nous apprenait, entre autre, que la littérature « siamoise » était très différente de la littérature occidentale. (Cf. le rôle joué par la tradition orale, la place de la « nouvelle », qui est la forme qui se rapproche le plus de leur tradition orale, toujours aussi active, comme le Ramanakien… le likai (théâtre comique) et le khon toujours joués par des troupes ambulantes d’amateurs ou de professionnels…et la chanson populaire, héritière directe de la tradition poétique séculaire. Le modèle du ranat thum, à savoir  l’improvisation. Les écrivains thaïs ne revendiquent pas une littérature « nationale »... )

« Ajarn Chetana a montré de façon irréfutable que même les écrivains que l’on pourrait qualifier d’engagés, le plus souvent sous l’effet d’influences occidentales (surtout après les événements sanglants des années 70-73), ont peu à peu, non pas renoncé à l’engagement, mais tempéré leur pensée au profit d’une conception plus ample du monde et de son mystérieux destin. »

ecrivain engagé


Toutefois, comme pour le contredire, les écrivains d’Isan comme Pira Sudham  et Khamsing Srinawk tenaient à témoigner, à écrire la vie de leur Isan.

Nous avions lu alors  Enfances thaïlandaises et Terre de mousson de  Pira Sudham   

http://www.alainbernardenthailande.com/article-25-pira-suddham-un-ecrivain-de-l-isan-79537662.html


Le prologue d’ Enfances thaïlandaises donnait le ton et nous plongeait dans les dures réalités des villages de l’Isan, avec ses attentes inquiètes de la  mousson, ses périodes de chaleur intense, de disette, de combat pour survivre, de pauvreté,  auxquels  s’ajoutent l’ignorance et la corruption. Le narrateur regrettait amèrement que cette vie misérable, ce cercle vicieux,  soit acceptée comme le prix du karma. Mais malheureusement le changement qu’il voyait  à l’œuvre  : les jeans, le plastique, l’électricité avec les télévisions, les réfrigérateurs, la société changée avec l’entre- aide qu’il faut désormais payer, les migrants du Moyen Orient qui reviennent au village avec leur argent , des idées et des visions nouvelles, le style dit « moderne », ne semble pas inaugurer une période plus heureuse.


Au fil des pages, effectivement, il montrait comment la vie était difficile dans le village d’Isan avec sa pauvreté, sa disette périodique, auxquelles s’ajoutent la corruption venue de l’extérieur (les grands projets de développement détournés par  les autorités de la ville) et l’exploitation de son ignorance (avec les marchands passant au village, le Chinois achetant la récolte).


Mais cette vie était aimée, était sujet de fierté, d’héritage « culturel » qu’il fallait transmettre, mais qu’il faudrait aussi changer, même si, disait-il,  la croyance bouddhiste au Karma empêche toute prise de conscience, toute révolte, tout moyen de bouleverser cette misère. Il montre que les moyens  individuels choisis pour s’en sortir, le départ à l’étranger, les filles « tarifées » n’apportent que désillusions ou malheur aux intéressés. Il estime que les migrants au Moyen-Orient qui reviennent au village n’apportent pas le changement souhaitable avec la monétarisation des relations, et leurs idées dites nouvelles  (les maisons en dur « modernes » n’ont pas le charme des maisons  d’autrefois).


Et pourtant il constate, (il regrette ?)  qu’au fil du temps, le changement, les transformations sont à l’œuvre et modifient la vie traditionnelle des villages d’Isan.


Mais les valeurs bien que menacées demeurent. Elles donnent encore sens au travail des rizières, qui relient les familles, qui constituent la « richesse » de ces déshérités comme  la fierté exprimée du travail du paysan, son devoir d’aider les parents vieillissants, et de  s’entre-aider, sa relation privilégiée avec la nature, son attention aux autres vivants, aux  buffles qui l’aident dans son travail, à sa dignité et son honneur  qu’il faut défendre, sa  « richesse spirituelle » comme disait la mère de Prem, une culture « authentique » que le « changement » venu de l’extérieur commençait à miner.


4/ La cuisine isan ?

Certes elle existe et est bien présente,

 

 cafards


Les gens de la région sont connus pour manger une grande variété de bestioles, comme les lézards, les grenouilles et les insectes frits comme les sauterelle, les vers à soie et les bousiers. mais plutôt que d’évoquer les sempiternels articles sur le riz gluant, les piments redoutable, le somtam, le larb, le gai yang, et  le vin de riz sato, nous avions proposé une interrogation « humoristique » dans notre article 27  sur la : « Gastronomie » en Isan ?

http://www.alainbernardenthailande.com/article-27-notre-isan-gastronomie-en-isan-80673180.html

tant disions- nous, il existe une foule de sites Internet  « flagorneurs » sur les mérites et les vertus de la cuisine Isan. On disait plus simplement :Dans un pays pauvre comme l’Isan, on mange ce que l’on trouve que ce soient des tétards, des chauves-souris, du chien (encore en vente sur les marchés de la province de Sakhon, mais un peu cher), des oeufs de fourmis, toutes sortes d’insectes et naturellement les produits de la terre et de l’élevage.Quand on est pauvre, il faut s’en contenter comme le faisaient nos ancêtres, il y a seulement deux siècles.


Et on rappelait cette simple vérité : N’oubliez jamais que ce qui fait le charme de notre cuisine vient essentiellement d’ailleurs, les tomates des Amériques, ail, aubergines, concombres, pommes de terre d’Amérique encore, oignons d’Asie, abricots ou agrumes d’Asie. Sans parler des épices pour lesquelles de hardis navigateurs sont partis à la conquête du monde.

On se permettait une petite critique sur l’utilisation abusive des épices, essentiellement du piment. « Alors, quand je lis (souvent) que le sommet de la gastronomie Isan est le fameux « somtam », je m’interroge. Le piment utilisé à la façon locale ne parfume pas les mets, il en fait disparaître tout simplement la saveur. Poulet au piment, soit, piment au poulet, ça ne va plus. Et que chacun avait une idée différente de ce qui pue : « Ça pue » lui dis-je quand elle ouvre son pot de kapi, (espèce de pâte de crevettes faisandées), « ça pue » me répond-elle lorsque je confectionne une anchoïade. On recommandait le blog de notre ami Titi

http://www.titiudon.com/article-thailande-la-cuisine-de-l-isan-65564135.html qui nous avait permis de découvrir un site passionnant sur la cuisine :http://bottu.org/recettes_ndx.htm


5/ Musique,  chanson, et cinéma 

Nous avions montré dans l’article : La musique traditionnelle vue par les voyageurs des siècles précédents,

 

 http://www.alainbernardenthailande.com/article-is-30-la-musique-traditionnelle-thailandaise-vue-par-les-voyageurs-85320934.html 

comment beaucoup  présentaient surtout leur préjugé et leur difficulté à appréhender une musique différente.

Par contre, tous les informateurs consultés  s’accordaient pour donner le mor lam comme la principale musique traditionnelle d’Isan .( Il a en commun avec le luk thung(la musique traditionnelle du Centre), son intérêt pour la vie des pauvres des régions rurales, les problèmes sentimentaux, la tristesse de quitter le village, les difficultés de vivre en ville, mais aussi ses « lumières » inaccessibles … et le kantrum chez les Kmers isan .

Nous avons pu constater que les  multiples manifestations  culturelles et concerts donnaient aussi à entendre  d’autres formes de musique (Cf. les blogs amis de Patrick et d’Alain d’Udon Thani et de Jeff) que l’on pouvait reconnaître par exemple  comme le groupe Carabao


carabao

 

ou le pleng luuk thung (musique country thaïe). De plus, il fallait être aveugle pour ne pas voir à la télévision, dans les écoles ou sur les places publiques, que les ados  des villes  adoraient se produire dansant en groupe et en tenue souvent « sexy » sur les airs « à la mode » de leurs vedettes favorites : le string !


De plus, on remarquait que dans les années 1990, il y a eu de nombreuses interactions entre le luk thung, le string et le mor lam… voire la pop. Le mor lam produisit un nouveau genre appelé luk thung Isan ou luk thung Prayuk, qui incorpore les rythmes les plus rapides du mor lam. Il faudrait aussi aller du côté des minorités ethniques comme les  Hmongs, Akha, Mien, Lisu, Karens, Lahu …qui ont aussi leur musique traditionnelle.


La musique populaire thaïlandaise actuelle est donc le fruit d’un important métissage des styles traditionnels et occidentaux. Outre les versions électroniques modernes du morlam (le morlam sing), du kantrum et du lukthung (le luktung électronique), il existe un important mouvement rock inspiré directement de la scène américaine des années 1960 : le wong shadow (en référence à The Shadows) qui évoluera rapidement en ce que l’on appelle la musique string. C'est la musique des adolescents thaïlandais.

Mais nous avions exprimé notre intérêt pour le pleng phua cheewit (l’Art pour la vie, l’Art pour le peuple). « La période de libéralisation politique, entre octobre 1973 et octobre 1976, a vu l’éclosion de plusieurs groupes dont les chansons avaient un contenu  ouvertement politique et social » (Arnaud Dubus). On s’ inspire alors de la protest song américaine comme Joan Baez, Bob Dylan.


Nous avons présenté les deux  groupes les plus connus, Caravan


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et Carabao,qui s’engagèrent alors, non sans courage, dans le mouvement pour la démocratie. (Cf. Notre Isan 32. Carabao, un groupe de rock (« identitaire ? ») thaï et 33. Musique d’ Isan : un groupe incontournable : Caravan !)


6/. Le cinéma thaïlandais et d’Isan ?  

 

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Nous avons essayé de présenter le cinéma de Thaïlande :  http://www.alainbernardenthailande.com/article-a-44-le-cinema-thailandais-84843680.html et découvert qu’il y avait pas de  cinéma d’Isan proprement dit,  même si certains réalisateurs y étaient nés. Vichit Kounavudhi  était l’un des rares à avoir évoqué la vie des « tribus montagnardes avec  Les gens des montagnes (Khon Phukao) (1979), et les difficultés de vie d’une famille d'agriculteurs d’Isan  dans les années 1930 avec  Look Isan (Fils du Nord-Est)

 

a-century-of-thai-cinema


Toutefois, les campagnes connaîtront  le folklore des films itinérants organisés en plein air dans les villages tantôt par les vendeurs de médicaments ou par différents sponsors  à l’occasion des fêtes des temples, de village ou autre ordinations et crémations (Fouquet). Ils étaient doublés en direct ( jusqu’aux années 1970). Deux films contemporains rendent compte de cette épopée :  Transistor Monrak ( 2000 ) et Bangkok Loco ( 2004).

On recommandait le site d’Obeo :

http://moncineasie.blogspot.com/search/label/THAILANDE


7/ Et la boxe thaîe ?


muay thai

les combats de coq ? …

 

Rémy Cogghe Combats de coqs en Flandres 1889

 

eh oui la culture s’exprime dans de nombreux autres domaines. Nous n’en avons certes  pas fini avec notre « environnement » isan dans lequel nous vivons et que nous « découvrons » chaque jour.

Le roman nous avait bien plongé dans les « réalités » de l’Isan qui sont en action dans les villages, montré la diversité des acteurs, la culture traditionnelle et les changements,  les idéaux contradictoires à l’œuvre, l’Histoire en train de s’écrire, comme nous l’avions vu précédemment, avec le nationalisme et la thaïness, la présence américaine,  le capitalisme triomphant et ses valeurs consuméristes, la crise du bouddhisme, les flux migratoires, les combats « politiques », l’urbanisation … et l’ éducation des enfants d’Isan.

 

8. L’éducation 

 

université


Nous avons vu que l’éducation en Isan

  http://www.alainbernardenthailande.com/article-19-notre-isan-l-education-en-thailande-et-en-isan-78269465.html 

avait subi les effets de l’Histoire, à travers surtout la thaïfication de son enseignement, le rejet de sa langue et de sa culture, le faible niveau et le conformisme des enseignants, la « mercantilisation » de l’école, et son  système universitaire à plusieurs vitesses : public, autonome, privé  (avec  le système Rajabhat et rajamangala). Nous avons vu le lien qui existait entre la pauvreté et le bas niveau d’éducation, surtout pour  45 % de cette population vivant en-dessous du seuil de pauvreté.


Nous précisions toutefois que malgré les « faiblesses de ce  système scolaire, la Thaïlande possédait  l'un des meilleurs taux d'alphabétisation d'Asie du Sud-Est avec  98 % de la population adulte sachant  lire et écrire.

Mais si 98 % de la population rurale est alphabétisée, et 64% ont réussi le système d’éducation obligatoire,  seuls 6 % en Isan suivent le niveau secondaire et 1,13 % vont jusqu’ à l’ équivalent du bac . Une relation étroite s’établit bien entre la zone rurale, la production agricole et le bas niveau d’éducation . En effet, la pauvreté et la spécificité du travail agricole obligent les élèves ayant terminé  l’école obligatoire à aider la famille aux travaux des champs ou à rechercher un petit pécule dans le secteur informel. De nombreuses filles ont de plus une grossesse prématurée. 

Le niveau insuffisant des enseignants (en 2011, un article du Bangkok Post révélait que 80% des enseignants de niveau secondaire supérieur, avaient  échoué aux tests proposés à leurs élèves), auquel s’ajoute  le surpeuplement des classes (avec souvent jusqu'à une soixantaine d'élèves dans une classe),  relativise les effets de la loi de 2001 de décentralisation qui donne à chaque établissement d'enseignement la liberté de donner l’un ou les trois types d’enseignement (formel, non-formel et informel) et qui autorise de consacrer 1/3 du temps scolaire aux réalités locales.

Mais la pression de la « mondialisation », les mouvements migratoires vers les villes,  la prise de conscience politique des masses rurales, la révolution internet et la fréquentation quotidienne de la télévision, est en train de bousculer ce que l’on peut considérer comme le monde d’hier.


9/ La culture de l’Isan est en train de changer. Des « systèmes de valeurs » opposés s’affrontent.


La religion.

Nous avons montré   que l'Église bouddhique perd progressivement son emprise sur la population laïque. Dans la Thaïlande traditionnelle et agraire, la pagode abritait l'école communale et le marché. Nous avons suivi l’analyse de Gabaude qui montre comment la mise ne œuvre du système scolaire public et centralisé de l’Etat a évidemment vidé la voie traditionnelle de la scolarisation qui s’effectuait dans les pagodes et enlever au noviciat le vivier naturel du recrutement. Les pagodes « renommées » étaient alors pour les plus pauvres un moyen d’ascension sociale  et de prestige …ainsi que pour les plus aisés.

Les diplômes « prestigieux », la course  à l’argent, la société de consommation, les publicités, les médias…  bref, les modèles proposés dans la société moderne sont à l’opposé du renoncement proposé par le bouddhisme, et ne peuvent que provoquer sinon une crise ,du moins des fortes tensions entre des systèmes de valeurs opposées. Louis Gabaude dans « la triple crise du bouddhisme en Thaïlande  (1990-1996» nous propose une analyse qui nous montre que le bouddhisme thaï est « en proie à une crise profonde » , qu’il envisage sous la forme d’une crise morale et d’autorité , «  signes d’une plus profonde crise du sens ». 


La crise de la morale est visible dans la presse, qui évoque régulièrement  « La déliquescence du bouddhisme thaïlandais »  avec certaines affaires  (drogue, viols, vols, scandales financiers et …  meurtres) (On pense à l'« affaire Yantra Ammarobikkhu », un des plus célèbres prédicateurs du bouddhisme thaï et à Pawana Phuttho, vénérable d'une soixantaine d'années, qui  s'est retrouvé récemment sous les verrous pour le viol de fillettes). En 1996, le chef de la police nationale, le général Pochana Boonyachinda  déclarait même  publiquement : « Les pagodes sont devenues des refuges pour les criminels. Beaucoup de bonzes ont un mandat d'arrêt qui les attend ».


La crise de l’autorité 


 

autorité

 

avec une hiérarchie dépassée et l'incapacité de l'ensemble du clergé à s'adapter à l'émergence rapide d'une société moderne. «  Les patriarches  sont nommés à vie, et l'âge moyen dépasse aujourd'hui les 80 ans. Certains seraient devenus peu à peu séniles, incapables de lire ou de comprendre de quoi on leur parle. Mais sans leur accord, rien ne peut se faire... Dans les monastères, le problème se pose autrement. Le bonze supérieur peut ordonner qui bon lui semble et décide seul de la répartition des donations. Bref, il règne en maître absolu sur son temple et ses moines. Et lorsqu'il décide de quitter la Sangha, il peut emporter son pécule, soit une bonne partie des donations. ». « La loi ecclésiastique de 1962 fait du bonze supérieur un dictateur en puissance. Le clientélisme et les affaires de pots-de-vin sont notoires dans les temples, mais personne n'en parle par crainte d'être persécuté», explique le vénérable Jerm Suvaco.

 

Une nouvelle société basée sur le matérialisme, le consumériste, la révolution informatique, plus que sur les préceptes bouddhistes.


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Confrontée aux « valeurs » de la société capitaliste et à l’ « évolution »   de la Société, le passage d’une société agraire à une société urbanisée et moderne, les principes du bouddhisme sont sérieusement malmenés par l’expansion économique. Et les mentalités changent.

Nous sommes ici, disions-nous, dans l’évidence d’une société qui ne se distingue plus par son éthique et  ses valeurs « bouddhistes », même si l’Eglise bouddhiste joue encore un rôle fondamental dans la vie des Thaïlandais, comme les supermarchés que l’on visite parfois à défaut de pouvoir acheter. Les rêves et les désirs ne vont plus au renoncement, à la recherche d’une vie plus « bouddhiste », mais à l’achat des biens  de consommation en suivant la mode, que certains aiment qualifier d’occidentale », venue de « l’extérieur » comme pour se dédouaner.

Les jeunes générations sont plus « branchées internet » que sur l’enseignement de bouddha, utilisent davantage leur dernier téléphone, leur «  iphone » (et tablettes bientôt) avec leurs copains et copines, que le réseau religieux.  La « révolution informatique » change les comportements, offrent de nouveaux objets « désirables », proposent d’autres façons « d’être ensemble », « d’autres liens qui les  unissent » à travers les nouveaux « réseaux sociaux ».

Certes, elles fréquentent encore les pagodes, recherchant plus sa « convivialité », le sentiment d’être ensemble pour « fêter » les moments importants du calendrier « officiel » et de la vie sociale et familiale,  que le désir de vivre l’idéal bouddhiste .


Une nouvelle société où la société civile et les masses rurales veulent s’exprimer.

 « Désormais, la société « civile », même si elle est souvent manipulée par des politiciens, des hommes d’affaires et l’armée, s’exprime ; des intellectuels, paysans, régionalistes veulent maintenant prendre la parole et présenter leur vision de l’histoire ». (Thongchai Winichakul ).

Les « événements politiques » récents avec l’émergence des « rouges » entre autres, inaugurent  de nouvelles analyses, font entendre des voix longtemps étouffées, remettent en cause ce qui semblaient aller de soi quant à l’identité, le partage du pouvoir politique, de l’expansion économique. Les normes (respect au chef, thainess, clientélisme, achat de voix, corruption…) que l’on présentaient comme immuables sont aussi remises en cause. La libéralisation aveugle des marchés, l’exploitation du salariat, la mise à l’écart du Nord et de l’Isan n’est plus  acceptée comme une évidence. Le mythe du modèle économique des élites thaïlandaises a montré ses limites. Le nationalisme peine à mobiliser (mais est toujours à l’affût), le roi ne dit plus rien depuis son hôpital, et le message bouddhiste est « brouillé ».


Oui, la société thaïlandaise et l’Isan sont vraiment en train de changer.

 

 ouichef

_________________________________________________________________

Et quand l’ Isan s’est appelé l’ Isan, vous savez ?

http://www.alainbernardenthailande.com/article-a31-et-quand-l-isan-s-est-appele-l-isan-vous-savez-76594862.html

 

 

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17 novembre 2011 4 17 /11 /novembre /2011 04:09

 culture 2La culture de l’Isan ? 

Il n’est pas dans nos prétentions de définir ce qui serait la « culture de l’Isan » tant les peuples qui la composent sont d’origine diverse  et que le sujet devrait couvrir «  l'ensemble des coutumes, des croyances, des institutions telles que l'art, le droit, la religion, les techniques de la vie matérielle, en un mot, toutes les habitudes ou aptitudes apprises par l'homme en tant que membre d'une société ».(Lévy-Strauss citant Tylor). Surtout et d’autant plus que le processus de thaïfication a partiellement dilué le caractère distinctif de la culture d'Isan.  Mais il existe et demeure un fonds culturel, des liens qui unissent les Isans, dont nous avons donné quelques éléments, à savoir : sa langue originelle, sa religion, sa littérature, sa cuisine, sa musique, sa chanson, son éducation … assez parent de ses « cousins » laos.


Mais comme toute culture, la culture de l’Isan évolue, se transforme, au gré  des changements du monde, de la mondialisation, du capitalisme triomphant, de la « modernité », des migrations vers les villes offrant des nouvelles façons d’être, de prier, de travailler, des nouvelles idées, des nouvelles valeurs, des nouveaux « objets » technologiques, bien différent de la tradition, sans oublier la prise en main de son destin politique .

 Ou, comme comme le dit l’écrivain isan Pira Sudham :   une culture « authentique  » qui au fil du temps, subit le changement venu de « l’ extérieur », et modifie la vie traditionnelle des villages d’Isan.


   1/ La langue

 

dialectes


Le principal trait fondamental et distinctif  d’une culture est sa langue. Ou autrement dit, elle se réalise dans une culture singulière, avec des codes spécifiques (religion, lois, coutumes …). « Par la langue, l’homme assimile la culture, la perpétue ou la transforme. Or comme chaque langue, chaque culture met en œuvre un appareil spécifique de symboles en lequel s’identifie chaque société. La diversité des langues, la diversité des cultures, leurs changements, font apparaître la nature conventionnelle du symbolisme qui les articule. C’est en définitive le symbole qui noue ce lien vivant entre l’homme, la langue et la culture. » ( Benvéniste, « Problèmes de linguistique générale »).

On reconnait donc  une coextensivité de la culture et du langage, un lien vivant entre l’homme, la langue et la culture. Certains, dont nous sommes, estiment même,  que chaque langue détermine une vision du monde singulière.

Or, nous avons déjà montré dans notre article 18 de « notre Isan » : http://www.alainbernardenthailande.com/article-18-langues-et-dialectes-en-isan-76545278.html, le nombre et la diversité des langues parlées en Isan, même si  laplupart de ses habitants sont d'origine laotienne, même si les distinctions entre les ethnies laotienne et thaï sont souvent floues. La langue principale de la région est l'isan (qui est semblable au laotien) et le khmer est parlé dans le sud (de l’Isan). Le nombre de locuteurs de l 'isan est estimé entre 15 et 23 millions, la majorité vivant en Isan. La plupart d'entre eux parlent aussi le thaï. Nous avons aussi signalé  le dialecte de Khorat, parlé par environ 400 000 personnes, et des autres langues parlées comme le aheu, le bru, le koui, le nyahkur, le nyaw, le nyueu, le phu thaï, le phuan, le saek, leso, le tai dam, le yoy …  c’est vous dire la diversité des histoires, des cultures de l’Isan.

Mais ils ont en commun « leur » bouddhisme , leur « animisme » (avons-nous précisé), en essayant de discerner, ce que d’autres appellent leurs « superstitions ».


2/ La religion . Le bouddhisme d’Isan ? 

 

animisme

Le Bouddhisme, le  thérâvada , comme chacun sait, est la religion de 95 % des Thaïlandais,  mais unbouddhisme revu et corrigé par le culte des esprits, des Phis, quelques divinités hindoues, quelques stèles ou chédis anciens dont on ne connait même plus l’origine,  la magie comme le démontre le commerce d'amulettes magiques, et quelques  superstitions …

Un « bouddhisme »  où chacun peut se reconnaître dans le calendrier des cérémonies  et des fêtes officielles, mais  très différent selon la région de  l Isan où on se trouve ( si l’on en juge déjà par la quinzaine de langues et dialectes, que nous avons énumérer).

Mais il  ne faut pas confondre la connaissance de la religion, et des textes sacrés et le vécu « spirituel » de la majorité des Isans.


Dans les faits, leur bouddhisme est la " devanture " qui recouvre un mélange d'animisme, de brahmanisme et de bouddhisme.

 

La croyance aux esprits, qui se logent dans les arbres, le sol, les sources …, impose que des offrandes leur soient faites pour qu'ils n'importunent pas les humains ou leur portent malheur.  Les petites pagodes devant les maisons, les arbres ceints de rubans de couleurs, les offrandes de fleurs ou de fruits sont l'expression de ce culte ancien et toujours très présent malgré des siècles de bouddhisme. (Certes, communes à toute l’Asie) 


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Les Isans croient en la réincarnation, la théorie du karma, et croient améliorer leur sort  en accumulant « les « mérites », en nourrissant les moines par exemple, en apportant des offrandes aux temples et en se rendant régulièrement à la pagode, soit pour des demandes particulières ou lors des cérémonies qui jalonnent l’année et les grands moments de leur existence (naissance, mariage, décès). La majorité préfère ne pas attendre la « béatitude » et espère plus simplement devenir riches ou obtenir plus d’aisance dans le futur proche.

Cette recherche du mérite est donc  une activité sociale et religieuse importante, qui se fait surtout dans les pagodes,  centre religieux et social de la vie des villages.


LES PAGODES  

Chaque village a sa pagode, la Thaïlande compte environ 27.000 Wat.  Imaginons le nombre de pagodes dans les 20 provinces de l’Isan quand par exemple, la province d’Udon Thani comprend  déjà 1682 villages. Que d’images, de sentiments,  de réflexions provoqués par la vision de ces différentes architectures, des statues de Bouddha honorés,  la vie paisible de ces monastères, où nous pouvons entendre  les prières des moines, voir les fidèles  se recueillir, ou tout simplement les bonzes balayer et entretenir les jardins. Parfois, on arrive au milieu de cérémonies, ou, plus curieusement, au milieu de  petits restaurants alignés, de petits  stands de boissons offertes  et d’autres points de vente de produits locaux et d’autres manifestations plus « récréatives » …


On apprend vite que  la pagode est aussi le lieu de réunion des villageois, l'aire de jeu des enfants, le centre des soins médicaux, l'hôtel des voyageurs et parfois l'école, l'orphelinat et l'asile du vieillard sans famille… (Cf. Chart Korbjiti dans  son roman « La chute du Fak » :« Individuellement et collectivement, tout le monde dépendait de la pagode. » )


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Bref, toute la société se retrouve à un moment ou à un autre associé à la pagode et aux directives ou  conseils des moines, à leur intercession avec Bouddha et toutes les divinités  particulières de chaque temple, ou tout simplement pour demander un conseil dans la conduite de leur vie.


Le calendrier, les cérémonies, les fêtes et autres célébrations …


Les Isans se rendront au temple à tous les moments importants de leur vie et aussi bien sûr et surtout lors des cérémonies officielles dédiées à la vie de Bouddha et ses enseignements et aux fêtes traditionnelles du cru. 


Le calendrier thaïlandais est ponctué de nombreux jours fériés, qui constituent l’unique source de congés pour la plupart des Thaïlandais. La majorité des Isans « immigrés »  en profitent pour quitter  Bangkok ou les autres villes, pour revenir au village et revoir leur famille (et souvent leurs enfants laissés à la garde des grands parents). Certaines fêtes sont particulières comme le Bun Bungfai (fête des fusées). Ce rite de fertilité, remontant à la période pré-bouddhiste, est célébré en Isan et au Laos, mais peut- être davantage dans la province de Yasothon. Ou encore la fête des chandelles d'Ubon Ratchathani qui marque le début du vassa en juillet, à Ubon et en d'autres lieux, le festival de la soie à Khon Kaen qui fait la promotion de l'artisanat local, le rassemblement des éléphants de Surin et le bangfai phayanak ou Naga fireballs de Nong Khai … (cf.  Le blog ami de Patrick et son guide).


calendrier


Mais, nous savons que la conscience religieuse quotidienne  de la majorité des Isans n’est pas essentiellement compréhensible à travers la doctrine bouddhiste, fut-elle thérâvada, mais à travers le culte des esprits et la pensée magique, auquel il faudrait rajouter, surtout pour les jeunes générations, le culte  « consumériste » …pourtant loin de la philosophie bouddhiste.


Bouddhiste ou animiste ? 

Certes tout le monde reconnait comme par exemple Pornpimol Senawong, dans « Les liens qui unissent les Thaïs, Coutumes et culture », que l’animisme avec sa croyance aux  esprits constitue le socle culturel fondamental  commun à tous les Thaïs. Et donc, l’Isan croit aussi  aux esprits, aux divinités résidant dans certains objets ou éléments de la nature, à de nombreux êtres spirituels qui contrôlent et agissent dans  différents aspects de l'environnement naturel et social. Il  vit dans le sacré, dans un temps et un espace social et géographique sacrés. Il sait ce qu’il faut faire pour vivre ce sacré. Il connait le rituel à suivre dans le calendrier, les cérémonies qui marquent  les étapes de sa vie et de ses activités. Il ne peut accomplir aucun acte important de sa vie sans demander au préalable à un moine, ce qu’il doit faire pour être en harmonie avec le cosmos.   Il connait les endroits sacrés, qu’il faut honorer. En effet, le culte des esprits avec  leur interaction sur le monde du vivant est bien plus ancestral que les autres grandes religions connues dans le monde.


Le Culte des esprits 

Le culte des esprits est une croyance animiste très ancienne, on parle de "chai thé" génie, gardiens du sol, des champs, des arbres, des maisons...Ils sont chargés de tenir éloignés les « Phi », les esprits malveillants.


Ainsi par exemple, chacun peut voir, dans certaines régions, devant les maisons,  les maisons des esprits (san phra phum) ( maisons thaïes traditionnelles miniatures, destinées à abriter les Seigneurs des lieux, les pra phum (langue formelle) ou chao thi (langue populaire) ) chargés d’éloigner les mauvais esprits. On a soin (presque) tous les jours d’y offrir nourritures, boissons, encens et fleurs. Certains n’hésitent pas à se protéger aussi en demandant aux moines de dessiner des symboles protecteurs  sur les murs de leur maison (ou le plafond de leur voiture). 


 Il existe aussi des esprits diaboliques (phii) qui entrent en possession de personnes, surtout les fantômes issus d’une mort violente (phii thai hong) ou inexpliquée. On redoute surtout les femmes enceintes (phii tai hong tong klom) mortes  avec leurs fœtus. Rien n’arrivant au hasard, le moindre incident, maladie inexpliquée, mauvaise récolte seront attribués à la malveillance d’un Phi,  nécessitera une « cérémonie » adaptée à la menace.

 

superstitions


A l’inverse, il n’est pas inutile de s’en protéger. Beaucoup ont aussi le culte des « amulettes » pour se protéger des mauvais esprits et/ou pour avoir de la chance.


Bref, si la « thaïfication » a réussi  à faire oublier leur origine lao ou kmer aux Isans, il semble qu’elle n’ait pas réussi à éradiquer les « superstitions »  ancestrales et leur religion animiste.


La culture dite isan, de ce fait, devient plus difficile à analyser ou à présenter dans sa généralité, tant les particularismes régionaux demeurent, tant les valeurs présentées sont souvent contradictoires et se vivent d’ ailleurs ainsi. On pense alors à Pira Sudham, un écrivain de l’Isan, dont nous avions présenté Enfances thaïlandaises et Terre de mousson, qui  veut nous « initier » à la vie d’un village d’ Isan des années 60, ses dures conditions de vie, ses rituels, ses valeurs, ses changements, enfin une « culture » en mouvement.

 

A suivre : 39.2 Découvrir l’ Isan : La culture de l’Isan : littérature, cuisine, musique, chanson, cinéma, éducation …une culture en train de se transformer… 

 culture

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7 novembre 2011 1 07 /11 /novembre /2011 04:03

 pauvre L’économie de l’Isan ? 

Nous signalions que nous n’avions pas eu accès à une étude globale sur l’économie de l’Isan. Notre article 16 «  Economie en Isan »

http://www.alainbernardenthailande.com/article-16-l-economie-de-l-isan-76544212.html tentait d’approcher, non sans difficulté et imprécisions ce que pouvait représenter l’économie de l’Isan en Thaïlande et l’article 17 essayait de mesurer l’importance de l’apport « économique » des « filles tarifées » pour les familles et la Région d’Isan, de comprendre cette nouvelle industrie : l’industrie du sexe (en précisant que nous n’allions pas traiter de la moralité ou non du tourisme sexuel en Thaïlande).


Nous y montrions que la Thaïlande était un pays émergent, avec une forte croissance et de bons résultats économiques qui avaient fait reculer la pauvreté absolue, mais maintenu les contrastes régionaux au Nord-Est et au Nord qui restaient les régions les plus pauvres.


On constatait que L'Isan était bien la région la plus pauvre de la Thaïlande En 2002, le salaire moyen était le plus bas du pays, à 3928 baht par mois (env. 90 euros) (moyenne nationale de 6445). Aujourd’hui (2011) les ouvriers ruraux sont encore payés 200 baths/jour dans beaucoup de villages. La pauvreté de la région transparaît aussi dans ses infrastructures, et dans son retard, par exemple, dans les nouvelles technologies.


L'agriculture est le principal secteur de l'économie, générant environ 22 % du produit régional brut (comparé à 8,5 % pour l'ensemble de la Thaïlande). Le riz est la culture principale (comptant pour environ 60 % des terres cultivées),


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mais une diversification s'opère vers le manioc, le maïs, le coton, la canne à sucre et d'autres cultures. Beaucoup de fermiers utilisent encore le buffle plutôt que le tracteur. Les principaux animaux d'élevage sont les bœufs, les porcs, les poulets, les canards et les poissons. Ce secteur rencontre de sérieuses difficultés à cause du climat (sécheresse liée à des inondations) qui rendent le sol acide et salin et de moins en moins fertile. La déforestation joue évidemment un rôle dans ces phénomènes, ainsi que l’abondance des pesticides déversés. En 1970, la forêt tropicale couvrait 60 % de la région, elle n'en occupe plus que 10 %.


foret-tropicale

 

Toutefois, devant ces difficultés,  de nombreux agriculteurs abandonnent  le riz pour se tourner vers des légumineuses à cycle court, par exemple le soja, qui nécessite beaucoup moins d'eau qu'un second cycle de riz. D'autres ouvrent des petites échoppes ou partent à Bangkok travailler pendant les longs mois de la saison sèche où ils occupent les emplois les moins considérés et les moins payés. Plusieurs se sont établis de façon permanente dans la capitale tandis que d'autres migrent au gré des saisons.


Mais que dire des autres secteurs économiques, des industries, des services en Isan ? 

Certes pour la Thaïlande, l’industrie représente 44 % du PIB et emploie 20 % de la population active (2009), en raison notamment des industries manufacturières d'exportation, notamment dans l'industrie agroalimentaire, l'industrie textile et l'éléctronique. Le secteur tertiaire  contribue à 44,7 % du PIB et emploie 37 % de la population active (2007).  Le secteur du tourisme représente près de 6 % du PIB…


 Mais pour l’Isan ?

Nous n’avons rien trouvé de chiffré, à telle enseigne qu’on s’était demandé pourquoi ces données économiques étaient si peu accessibles, si cela n’était pas  une autre forme de pauvreté, de désintérêt (de mépris ?) pour cette région où habitent 31% des habitants de Thaïlande ! mais ses habitants savent bien comme tous les observateurs (par exemple Parnwell et Arghiros, 1996), que le revenu moyen à Bangkok est  trois fois celui de l’Isan et  près de 5 fois celui du milieu rural. Beaucoup ne doivent leur survie qu’aux envois financiers de leurs « filles », dont ils veulent ignorer le « métier ».


Que dire de l’apport économique des « filles  tarifées »  d’Isan ?

http://www.alainbernardenthailande.com/article-17-l-apport-economique-des-filles-tarifees-en-isan-76544762.html 

 

1. Le gouvernement thaï promulguait en 1960, une loi pour interdire le commerce du sexe.).

 Mais en fait, avec le développement économique, la prostitution continua de connaître une extension considérable en raison d'une part, de la migration, d'abord largement masculine, de paysans vers Bangkok, et d'autre part, avec l’arrivée des soldats US en Thaïlande en 1961  durant la guerre du Viêt-Nam (Cf. notre article précédent).  

Bangkok, devenait la " ville aux 30 000 call-girls " ( Nouvelle Agence de Presse, 1973  ), et la prostitution prospérait à  Pattaya, et autour des  grandes bases militaires, où séjournaient près de 45 000 soldats US, auxquels il faut ajouter les 2 000 permissionnaires américains du Viêt-Nam qui arrivaient en Thaïlande tous les dix jours.


En 1976, les soldats américains quittèrent la Thaïlande,  mais le secteur privé avait déjà assuré la relève avec l’arrivée d’une nouvelle espèce : les touristes.


2. Du tourisme sexuel à l’industrie du sexe

 

tourisme sexuel


L’industrie du sexe est donc liée de la  conjonction et de la synergie de nombreuses composantes : En effet, si les médias « occidentaux «  aiment traiter et dénoncer le tourisme sexuel, ils oublient bien souvent, l’industrie locale du sexe, toujours bien présente sous la forme de bordels, karaokés, massages et autres établissements nocturnes  La société de consommation et les modèles « publicitaires » des médias qui poussent les lycéennes et étudiantes à se prostituer occasionnellement pour s’offrir les derniers gadgets. L’utilisation de plus en plus courante d’internet pour des rencontres « tarifées » et la recherche de maris farangs.


Tous influent sur l’industrie du sexe et montrent la complexité de cette réalité et la difficulté de l’analyser, surtout si on y ajoute la corruption , l’hypocrisie des Autorités, la « complicité » de la police avec les milieux mafieux … S’il est aisé pour chacun de « discuter » de la prostitution, et de la prostitution thaïlandaise en particulier, il est plus difficile d’en approcher sa réalité économique. Surtout que cette industrie du sexe s’inscrit dans un agrégat d’autres industries comme les agences de voyage, l’industrie hôtelière, centres commerciaux, restaurants,  bars … Ainsi Jean Baffie in , Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande, montre bien par exemple, le  lien qui existe entre le développement économique et la prostitution ;  comment presque tous les membres de l’ élite locale des affaires sont liés à l’industrie touristique : hôtels, restaurants, centres commerciaux, et cimenterie pour la construction des précédents  … et les nombreux  lieux de prostitution.


3. Une industrie qui touche toute la Thaïlande, toutes les provinces, villes, gros bourgs


Une industrie « consommée » aussi bien par les occidentaux que les  asiatiques, les étrangers que les Thaïs.


Les chiffres


Sur les 15,84 millions d’arrivées de visiteurs internationaux en Thaïlande en 2010, 4.341.447 arrivées sont  en provenance d’Europe, soit seulement 27,41%. L. Brown peut donc rapporté à juste titre que la majorité des clients de prostitués femmes ou enfants sont avant tout des hommes asiatiques, si l’on en juge par une ratio selon le nombre de touristes.  


Le nombre de prostitué(e)s ?

Les chiffres  sont difficiles à obtenir et ne peuvent qu’être une estimation, tant pour le nombre de prostituées que pour leur apport économique (Le secteur du tourisme en Thaïlande concerne plus de 1,5 million d’emplois), surtout dans une société où la prostitution est interdite « officiellement »  et où « l’activité » est surtout informelle et/ou clandestine. « Le nombre exact importe finalement assez peu. Il suffit de noter que 200 000 ou 300 000 femmes prostituées, chiffres minimaux que l'on rencontre aujourd'hui, font de cette occupation un fait social de première importance. » (Formoso).


4. Les revenus de la prostitution 

Or, la prostitution est une source considérable de revenus : peut-être une centaine de milliards de bahts par an ( 20 milliards de francs ) pour 300 000 prostituées). (Jean Baffie)Les gouvernements eux-mêmes en bénéficient ;  en 1995, on a évalué que les revenus de la prostitution en Thaïlande constituaient entre 59 et 60% du budget du gouvernement. Le quotidien Libération du 27 novembre 1998 rapporte qu'une étude du Bureau International du Travail (BIT) considère qu' " en Thaïlande les femmes qui se prostituent dans les villes rapatrient près de 300 millions de dollars, par an, dans les zones rurales : un montant souvent supérieur aux budgets de développement financés par le gouvernement»

Une industrie qui profite à beaucoup. " Par ailleurs, les revenus du tourisme sexuel profitent à une série de personnes, des managers de bars et de cabarets aux intermédiaires, des guides touristiques au personnel hôtelier et aux chauffeurs de taxi, etc., et à un nombre très important d'entreprises comme les chaînes d'hôtels, les compagnies de transports, les restaurants, sans compter le fisc " (Poulin, 2005), certains policiers, hommes d’affaires …et bien sûr les groupes maffieux.


tourisme sexuel 2


5. Nous nous étions ensuite demandé d’où pouvait provenir cette « spécificité » économique des « filles » de l’ Isan ?


Histoire


Nous avons déjà relaté (dans notre article 11 sur l’ Isan lao) qu’ Aymonier , en 1885, avait noté que chez les Laos de l’Isan, l’indulgence était générale pour « les péchés de la chair », et que  les filles étaient aussi sources de revenus. La coutume des « cours d’ amour » était  souvent détournée.  On accepte les réunions  de jeunes le soir dans les cases. Mais si la jeune fille dénonce la « faute » commise, « Tout est tarifé : tant pour la prise de main, tant pour la prise de taille et des seins, et tant …pour les dernières faveurs ». Le garçon doit payer ou épouser. La somme dépend de la Province et de la situation des parents. Mais non sans humour, Aymonier précise que les Laotiens ne sont pas à l’abri des idées novatrices  et que certains mandarins demandent à leur fille de garder « leur capital intact ».


Mais l’évocation de l’Histoire, des « coutumes locales »,  n’expliquent en rien ce passage de la « coutume » à l’industrie du sexe. On pourrait aussi se demander pourquoi les filles tarifées sont essentiellement originaires des zones rurales du Nord et du Nord-est de la Thaïlande. Tout d’abord, bien souvent, une triste réalité sociale et économique, avec un schéma hélas bien connu :   Dans un contexte mondial de capitalisme agressif néolibéral, on observe  le bouleversement des structures sociales qui affecte grandement les zones rurales, et pousse aux migrations vers les villes, favorise l’économie informelle, notamment les industries du sexe, et les déstructurations sociales.


Au niveau local, les structures traditionnelles sont ébranlées.

On observe une forte proportion de jeunes maris violents, « alcooliques » et infidèles. De plus beaucoup de femmes sont abandonnées par leur ami ou mari à la naissance de leur enfant. Les filles ont  peu d’opportunités d’emploi dans leurs villages. La pression des dettes ?  la « facilité » de laisser  l’enfant aux grands parents pendant des années, incitent les jeunes femmes à tenter leur chance en ville. Même si certaines ont la « chance » de trouver un emploi, celui-ci est peu rémunéré, et ne peut suffire à subvenir aux besoins essentiels et à rembourser les dettes de la famille. Une restructuration, une mise au chômage, un coup dur, les conseils avisés d’une copine, les promesses de l’argent facile et conséquent, incitent certaines à tenter « l’aventure ».


Il a donc  fallu à la fois une tradition qui « sacrifiait » souvent la cadette pour aider la famille, et une idéologie  qui acceptait cette pratique pour les farangs dans la mesure où elle ne touchait que les « filles « de l’Isan (et du Nord), non « concurrentiels » pour les Thaïs Siamois. Depuis, cette « pratique «  s’est développée et est devenue un apport économique conséquent. Elle est aussi le plus souvent un signe de réussite et de prestige.

 

Bref, il est devenu pour de nombreuses filles d’Isan, le seul moyen pour vivre  décemment et subvenir aux  besoins essentiels de leurs familles. Il est devenu un rêve pour beaucoup de « trouver un farang » et de pouvoir afficher ainsi les signes de la réussite matérielle. Pire, il est même à craindre que le consumérisme et l’utilisation généralisée d’internet va faciliter les rencontres « tarifées » et multiplier les couples mixtes (fondés sur l’argent ?). Buapan Promphaking, un professeur associé à l’université de Khon Kaen, estime que le nombre actuel de couples transculturels dans les dix-neuf provinces (20 aujourd’hui)  est proche des 100 000, c’est-à-dire 3 % des foyers de la région « (cité par Ivanoff).

 De plus, un nombre conséquent de filles Isan se sont mariées et vivent à l’étranger et envoient chaque mois des devises à leur famille. On peut voir aussi de plus en plus de retraités qui s’installent dans les villes de l’Isan  et villages avec leur compagnes ou femmes, avec la dot, la maison que l’on construit, la retraite qui est virée   ...


Cette nouvelle « réalité » n’empêche pas évidemment de s'atteler aux vrais problèmes de la population locale : lutter contre la paupérisation criante (avec des salaires digne de ce nom),  moderniser l’agriculture, entreprendre des projets de développement ambitieux, aider à  la création de PME,  donner accès aux droits politiques et syndicaux, à une meilleure éducation et scolarisation, à l’accès aux nouvelles technologies, à la démocratie,  au partage du pouvoir … 


Mais qui prendra l'initiative pour conduire ce changement, nous demandions-nous ?

 

 

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. Jean Baffie,  Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – IRASEC  n° 6, 2008.

. Jacques Ivanoff , Construction ethnique et ethnorégionalisme en Thaïlande, in Carnet de l’IRASEC n°13, 2010.

. Jean Baffie, La prostitution féminine en Thaïlande, Ancrage historique ou phénomène importé. 

 

Note :

« Ces dernières années la province a suscité l'attention internationale due à la découverte de potasse. Certains prévoient que la région deviendra un exportateur principal de ce minerai. Des villageois qui vivent au-dessus de la mine ont exprimé des inquiétudes. Cela menaceraient les communautés locales qui comptent principalement sur le revenu du riz.      (http://www.blog-thailande.com/blogs/categories/categorie-globale/item/103-udon-thani.html) »

 

mines

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31 octobre 2011 1 31 /10 /octobre /2011 04:02

américainsAprès la deuxième guerre mondiale, la Thaïlande (et donc l’Isan) devient l’alliée des Etats-Unis et va connaître une profonde mutation socio-économique.


1/ Nous avions expliqué comment l’Isan, autrefois province vassalisée lao, puis province siamoise, était devenue une Région de Thaïlande et les Laos (et les Kmers), des Thaïlandais !

2/ Nous avions déjà dans  nos » relations franco-thaïes » évoqué l’évolution de la Thaïlande avec   le Traité franco-thaï du 23 mars 1907 qui  assurait l’indépendance du Siam ;  comment ensuite le Siam avait « participé » à la 1ère guerre mondiale auprès des alliés ; qu’en  janvier 1920, le Siam devenait un des membres fondateurs de la Société des Nations ; comment le 1er septembre 1920, les États-Unis abandonnèrent leurs droits d’extraterritorialité et ensuite la France  (février1925) et la Grande-Bretagne (juillet 1925) renonçaient aussi à leurs droits d’extraterritorialité, et au« Droit de Protection consulaire ». Bref, .le Siam retrouvait sa souveraineté pleine et entière.


3/ L’entre-deux guerre voit un moment important de son Histoire avec le 24 juin 1932 un coup d'état (dirigé par des étudiants faisant leurs études surtout à Paris) qui met  fin à plus de 7 siècles de monarchie absolue pour installer une monarchie constitutionnelle.


coup d'etat


4/ Après la deuxième guerre mondiale, on se retrouve dans une autre configuration géopolitique. Le monde avait changé.

 

Nous n’étions plus dans la conquête de Territoires, mais dans des accords bilatéraux et des valeurs universelles. Le monde avec la création de l’ONU tentait de créer des règles de conduite et, les ennemis d’hier, se regroupaient au sein de l’Union Européenne par exemple, et pour l’Asie du Sud Est au sein de l’ASEAN.

 

5/ Dans notre article 15 « Les bases US en Isan, les Américains en Isan ! » 

http://www.alainbernardenthailande.com/article-14-le-debarquement-des-americains-en-isan-73255213.html

nous avons expliqué dans quel contexte (l’après 2 ème guerre mondiale, « la guerre froide ») la Thaïlande était entré dans le camp occidental avec  ses conséquences sur le royaume.


En 1948, le maréchal Pibul Songgram, revient au pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat. La constitution est suspendue. Il va promouvoir une politique pro-américaine,  et anti-communiste.  La Thaïlande va participer, aux côtés des Américains, à la force multinationale des Nations Unies lors de la guerre de Corée (1950-1953).


En 1954, la Thaïlande devient un allié officiel des Etats-Unis avec la signature de l’Organisation du traité de l’Asie du Sud-Est (OTASE)


seatostamp

 

qui a surtout comme but de « contenir »  le développement du communisme en Asie du Sud, suite à la guerre d’Indochine. La Thaïlande va  bénéficier alors d’un appui considérable des Américains pour son économie et soutenir un processus d’industrialisation accélérée avec de nombreux déséquilibres cependant. L’aide américaine permettra de soutenir un grand programme d’infrastructures (routes, électricité, irrigation). Près de 3 milliards de dollars seront investis chaque année, pour atteindre jusqu’à 8 % du PNB au moment où plus de 40 000 soldats américains sont  sur le sol thaïlandais. La politique libérale choisie et l’aide américaine vont donc  initier une nouvelle croissance industrielle et le pays va connaître une profonde mutation socio-économique, surtout pendant la guerre du Viet-nam


 

corée

et l’installation des bases américaines. 


En effet en 1961, le gouvernement autorise l'établissement de 8 bases américaines dont celles de Khorat, Nakhom Phanom, Udon Thani et Ubon en Isan. En 1969, on comptera quelque 49 000 soldats américains en Thaïlande.

 

bases


8/ L’ Isan et  les Américains ?


L’aide économique massive américaine, les 8 bases US, les milliers d’américains présents sur le sol thaï pendant plus de 10 ans, les milliers de soldats thaïs travaillant avec les américains et luttant à leur côté, les milliers de rencontres tarifées ou non avec les femmes thaïes, les milliers de couples mixtes… ont profondément modifié non seulement l’Isan  mais toute la société Thaïlandaise.


Bien que les bases fussent   destinées à bombarder le Laos, le Cambodge et le Vietnam, les infrastructures créées et les moyens en place ont eu un effet indirect sur le développement de la Province et la lutte contre les communistes (et l’opposition) de l’Isan (Article qui reste à faire).


La présence américaine a  sûrement facilité une meilleure intégration de l’Isan  au reste du Pays. Elle a investi des sommes conséquentes  dans l'économie de la région. Des petites entreprises locales ont bénéficié de petits contrats et de nouveaux savoir-faire. Un nouveau prolétariat prenait naissance. L’ « industrie » du sexe se développa. De nombreuses liaisons et mariages créèrent de nouvelles relations et développèrent une nouvelle économie.

vampires


Le Farang américain devenait une valeur, un modèle  à suivre pour beaucoup.. L’élite de l’Isan allait envoyer ses meilleurs rejetons  suivre des études aux USA. L’anglo-américain devenait la 1ère langue étudiée dans les lycées et les nouvelles universités. Un nouveau modèle de société venait bousculer les modèles traditionnels.


L’Isan entrait dans la modernité, même si la société traditionnelle dominait encore dans les villages. Deux sociétés coexistaient désormais. 

 

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27 octobre 2011 4 27 /10 /octobre /2011 03:03

2577907256 61fd6aa81eNous nous sommes alors interrogés pour savoir si la thaïness était « LA » clé pour comprendre la Thaïlande moderne. En fait ce"concept" n'était qu'un élément d'une idéologie bien connue en Occident : le nationalisme.

 Le 1er article de ce blog expliquait déjà comment le Carnet n°13 de l’Institut de recherche sur l’Asie du sud-est (IRASEC), intitulé « Thaïlande, Aux origines d’une crise » nous avait permis de mieux comprendre la crise profonde que traverse la Thaïlande actuelle, en expliquant ce qu’était la  Thaïness.

 http://srv06.admin.over-blog.com/index.php?id=1202199391&module=admin&action=publicationArticles:editPublication&ref_site=1&nlc__=341317264163       ll disait entre autre : 

« La Thaïness a servi aux «aristocrates» et aux élites urbaines des Thaïs siamois à construire « l’unité » de la Nation thaïe et à légitimer leur pouvoir sur le dos des identités régionales, que l’on considérait comme « cadettes (…)  dans le meilleur des cas mais le plus souvent inférieures, incultes, « paysannes »… Encore aujourd’hui, à Bangkok un Isan est perçu comme un « paysan  rustre et inculte » […] La Thaïness a d’autant plus « fonctionné » qu’elle s’appuyait sur le caractère «sacré» du roi, le bouddhisme, et les médias».


paysan


Nous ne pouvions que reprendre ce concept dans notre article 14 sur l’Isan pour expliquer comment l’Isan, autrefois province vassalisée lao, puis province siamoise, était devenue une Région de Thaïlande et les Laos (et les Kmers), des Thaïlandais !

Nous y rappelions que « 1893 est une triste date dans l’histoire de la Thaïlande. Les canonnières françaises sont ancrées face au grand palais. Il fallut céder ». Les territoires « sacrifiés » étaient considérés comme des vassaux traditionnels et historiques du Siam. Quand cependant la France a établi son protectorat sur le Cambodge et sur le Laos, ces états « vassaux » étaient guettés par les boas qui voulaient les avaler... Le temps a suspendu son vol, le boa français a avalé le Cambodge qui allait l’être par le Vietnamien et le Laos a  échappé au boa siamois. Leur sort aurait-il été meilleur ?


1893


C’est à cette époque et dans ce contexte qu’apparait un « nationalisme » siamois.

http://srv06.admin.over-blog.com/index.php?id=1231411430&module=admin&action=publicationArticles:editPublication&ref_site=1&nlc__=591317264277

Il est l’œuvre du palais royal qui souhaite - tout comme en Europe - créer une nation fondée sur une langue commune, des valeurs et une culture. (Et il y a aussi l’exemple japonais, un modèle pour l’Asie.)


Rama V (1868-1910) a engagé le processus d’unification de la nation thaïlandaise et, en parallèle, la modernisation du royaume sur le modèle occidental.

Ce nationalisme thaï s’articule d’une part autour de la notion sinon de « race » du moins d’appartenance ethnique et, d’autre part, sur la fidélité et la soumission au Roi. (…) Il lance la « thaïfication » de la géographie (…) On ne parle plus du Laos mais d’Isan ».


Cette politique fut intensifiée par son successeur le roi Rama VI (1910-1925) lui-même éduqué en Angleterre et conscient sinon imprégné des mouvances nationalistes européennes ou japonaise. Il donna au nationalisme thaïlandais une dimension culturelle et mis en avant le principe de « Thaï-ness » : modèle culturel issu des caractéristiques communes aux ethnies thaïes censées constituer le nationalisme. Les éléments clés en sont la loyauté au roi, le bouddhisme et la nation ; Les trois piliers du nationalisme thaï.

En 1932, éclate le coup d’état de jeunes militaires et civils, pour la plupart formés en Europe qui remet l’absolutisme monarchique en question (…) C’est la transition sans effusion de sang de la monarchie absolue à la monarchie constitutionnelle (…) En 1938, le premier ministre et commandant des forces armées,  Phibun va donner une nouvelle couleur au nationalisme thaï. Il change le nom du pays, le Siam en Prathétthaï. Il instaure le nouvel hymne national.

phibul


Il met  sur pied un régime inspiré du fascisme italien (Dans un discours de 1938, Luang Wichitwathakan (ministre de la propagande) compara même les Chinois du Siam aux Juifs d'Allemagne), propagande ultranationaliste, culte de la personnalité, propagande visant à « élever l'esprit national et la moralité de la nation ». Il impose comme langue nationale celle parlée à Bangkok au détriment des dialectes locaux. Il change encore le nom de divers districts portant ostensiblement des vocables laos, khmers, birmans ou môns (les habitants originaires de la Thaïlande). Cette thaïfication des noms de districts a continué jusqu’en 1957.


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Sa politique de thaïfication était un sous-produit du nationalisme politique constamment suivi par l'Etat pour augmenter la puissance centrale. En France, on appelle cela du « jacobinisme ». Le « nationalisme centralisateur » continue. Le centre de la Thaïlande est devenu économiquement et politiquement dominant, son langage est devenu la langue des médias, des affaires et de l'éducation. Ses valeurs sont devenues les valeurs nationales (…) Les principales cibles de thaïfication ont été les minorités ethniques, les laos de l'Isan, les tribus montagnardes du nord et l'ouest, et les musulmans du sud.


Notre article 13 montrait que l’école fut le principal média utilisé pour imposer  ce nationalisme thaï. en s’appuyant sur l’article « Thaïlande : le complexe de l’altérité »  écrit par un chercheur thaï, Waruni OSATHAROM, (chercheur au Thai Khadi Research Institute, Thammasat University, Bangkok).

http://srv06.admin.over-blog.com/index.php?id=1216919216&module=admin&action=publicationArticles:editPublication&ref_site=1&nlc__=871317264567

 

Il confirmait : 

C’est sous Rama VI, en 1910, qu’est mis en place un système complet d’éducation et que l’on introduit l’étude des pays voisins par le truchement des chroniques thaïes. Leitmotiv : la Birmanie est l’ennemie héréditaire de la Thaïlande, et  le Laos et le Cambodge sont des colonies. L’élite et les classes moyennes s’ouvrent par la suite davantage aux apports extérieurs et un peu aux pays étrangers par le biais d’un manuel d’histoire publié en 1928, synthèse entre le travail académique occidental et la chronique thaïe à fort accents nationalistes. Mais les auteurs ont surtout pour objectif de développer le patriotisme et le sens de la souveraineté thaïe, leur thèse fondamentale étant que, si la Thaïlande n’a jamais été colonisée, c’est en raison de la bravoure de sa population et de ses rois-héros.

Ensuite, du coup d’Etat de1932  au régime nationaliste du maréchal Pibul Songkhram (1938-1942, au  militariste Sarit Thanarat (1957-1963), au  maréchal Thanom Kittikachorn (1963-1973) et au nationaliste  extrême Thanin Kraivichien (1976-1978), les manuels sont invariablement imprégnés d’une même idéologie :


L’école sert à élever la conscience des jeunes et à leur inculquer la loyauté envers les « valeurs fondamentales », les trois « piliers » de l’État : monarchie, religion – exclusivement bouddhiste –, nation. La Thaïlande apparaissant systématiquement comme le seul pays libre de la région. Seul changement par rapport à l’avant-1932 : l’apparat critique nationaliste et raciste qui, jusqu’aux années 1960, encadre les manuels de géographie. 

Après le coup d’État sanglant des militaires, le 6 octobre 1976, le très conservateur Thanin Kraivichien (1976-1977) arrive au pouvoir. Le ministère lance deux ans plus tard un plan national pour l’Éducation. Bien que l’on annonce vouloir combattre l’élitisme et rendre l’école accessible à tous, l’objectif redevient le respect fondamental des trois piliers  et le retour au nationalisme radical.


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En 1979, le Department of Curriculum décide de réviser en profondeur Nous et nos voisins, le manuel rédigé en 1960 pour l’école élémentaire : mais on remarque un retour à un anticommunisme militant et une dénonciation des« étrangers » issus des pays communistes, qui menacent de saper les « trois piliers » (la Thaïlande était alors, de fait, confrontée au problème de la guérilla des intellectuels réfugiés en espace montagneux). Cette ligne dure dominera jusqu’en 1981.


On ne va ici reprendre tous les éditions des nouveaux manuels, mais le monde extérieur continue d’être perçu à travers le prisme de l’idéologie nationaliste enseignée à l’école. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le savoir académique a en définitive peu évolué.


Quoi qu’il en soit, nous montrions dans notre  notre article 12 (Terrorisme ou insurrection séparatiste dans le Sud) comment le nationalisme et la Thaïness  avaient réussi en Isan et échoué dans le Sud. Les Isans se considèrent comme des « vrais » Thaïlandais. Rouge ou jaune, vous blessez un Isan si vous le traitez de Lao.

 

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24 octobre 2011 1 24 /10 /octobre /2011 03:06

siam-thailande-histoire-dun-nom-L-1-175x130Une Histoire de l' Isan .

5/ Nous avons tenté d’expliquer l’origine historique de ces différents peuplements par différents chemins : la présence des temples kmers en Isan, l’Isan lao décrit par Etienne Aymonier en 1885, les notes du Dr Maupetit de 1913, et ensuite une brève histoire des empires et royaumes qui ont vassalisé le Nord-Est (l’Isan), non sans avoir évoqué cette terre au temps des dinosaures, et ses premiers habitants à Ban Chiang, il y a plus de 5000 ans !


5.1  Les temples kmers en Isan

 

Temple-Khmer


L’un des principaux attraits touristiques de l’Isan est assurément les vestiges de la civilisation khmère. A partir du IXe siècle, l’empire khmer commence à s’étendre au-delà des frontières du Cambodge actuel. À son apogée, du XIe siècle au début du XIIIe, il englobe de vastes territoires aujourd’hui thaïlandais, dont, au nord-est, la vallée de la Mun et les provinces de Nakhon Ratchasima, Buri Ram, Surin et Ubon Ratchathani. Dans cette seule vallée, on estime que les Khmers ont construit plus de 300 temples, dont Phimai, qui était relié à Angkor, au sud, par une « voie royale » longue de 225 kilomètres. Aujourd’hui, les Prasat Hin Phimai, Prasat Hin Mueang Tam, Prasat Kamphaeng Yai et Preah Vihear … figurent parmi les plus beaux sanctuaires khmers. Mais beaucoup de provinces possèdent des temples kmers. Nous avons recensé une soixantaine qui nous semblaient  intéressants. Nous vous avons même proposé la route des cités Khmères en I-San de l'office du tourisme thaïlandais.


5.2 L’ Isan des dinosaures et de la préhistoire.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-8-notre-isan-au-temps-des-dinosaures-71522507.html


La visite des musées du Musée Sirindhorn, près de Kalasin, et du musée de Ban Chiang, près d’Udon Thani nous plongeaient dans les espaces lointains de la préhistoire et des dinosaures. Outre un intérêt touristique à exploiter, ces musées étaient aussi des centres de recherche, de découvertes…


BanChiangNationalMuseum02


http://www.alainbernardenthailande.com/article-la-civilisation-est-elle-nee-en-isan-71522720.html


Le musée Siridhorn est un centre de recherche qui permet aussi, à travers des « chemins » pédagogiques, de comprendre l’évolution de la vie, et d’imaginer l’Isan à l’époque  des dinosaures. Les provinces de Khon Kaen et de Kalasin, au cœur du plateau de l'Isan, constitue la région de la Thaïlande la plus riche en sites paléontologiques. Ainsi on peut y trouver un certain  Siamotyrannus isanensis découvert en 1996 et lointain ancêtre du très célèbre Tyrannosaurus rex qui vivait sur le continent américain environ 50 millions d'années après son cousin asiatique.

 

dino


Les trouvailles les plus impressionnantes à Ban Chiang  proviennent d’un cimetière démontrant l’existence de sept niveaux de civilisation successifs qui autorisent certains (dont nous-mêmes, non sans ironie), à déclarer qu’elle serait la première civilisation au monde à avoir utilisé le fer ; ces recherches livrèrent des pièces de poterie, perles de verre, outils de fer et de bronze, bijoux, témoignant d’une civilisation datant ( ?) de 3 à 7.000 ans avant notre ère, démontrant des techniques avancées dans l’utilisation du bronze et du fer (moulage à la cire perdue, creusets d’argile, moules bivalves). Ces découvertes, disions-nous, battent en brèche l’idée que l’âge du bronze est né en Mésopotamie, qu’il est de bon ton de considérer toujours comme le « berceau de la civilisation ». On ne peut que vous encourager à vérifier par vous-mêmes. Le site est d’ailleurs classé au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1992.


5.3 L’Isan, terre de conquêtes, d’exil, d’émigration…Une Histoire encore à écrire…


http://www.alainbernardenthailande.com/article-10-empires-et-royaumes-en-terre-d-isan-72126761.html

L’Isan fut une terre de passage, de « colonisation », de déportation, de vassalisation des villages et bourgs établis au fil des conquêtes, une terre multiculturelle et multiethnique.

Nous avons essayé de donner quelques repères qui tentent d’établir   l’influence de la culture du Funan sur l’Isan, de  Dvâravatî et de Tchen La, puis de l’empire Khmer, pour être  dominé  ensuite progressivement à partir du XIIIème par  les royaumes siamois de Sukkothaï puis d’Ayuttaya, puis le Royaume laotien du Lan Xang et les royaumes de Vientiane, de Luang Prabang et de Champassa , et enfin vassalisée au XIX ème siècle par le royaume du Siam  pour devenir une province thaïlandaise au XX ème siécle.

C’est vous dire la difficulté d’en rendre compte.


Nous vous avons proposé un premier récit dont nous connaissons les faiblesses et cela d’autant plus que les « spécialistes » avouaient que les connaissances acquises dépendent des fouilles archéologiques et se limitent souvent à l’épigraphie, aux épitaphes et aux bas-reliefs des temples nouvellement découverts et aux récits et chroniques des diplomates chinois et voyageurs et commerçants étrangers et des missionnaires, ainsi que des Histoires « reconstituées » pour les besoins des nationalismes birmans, laos, kmers et thaïs …


http://www.alainbernardenthailande.com/article-notre-isan-13-le-nationalisme-thai-73254948.html


Toutefois, on sait que l’Empire kmer d’Angkor a  eu une influence déterminante sur la terre d’Isan dans la mesure où il y fut bien présent du IX ème au XIIIème siècle.


http://www.alainbernardenthailande.com/article-10-2-l-empire-kmer-d-angkor-en-isan-72616398.html

Nous avons donné des éléments et évoqué quelques guerres et révoltes qui ont ébranlé cet empire. Ainsi les Chams mettront à sac Angkor en 1177, et les sujets thaïs vont se rebeller, chasser les  khmers et fonder le premier Royaume de Sukkhotaï en 1238.

 

sukotai

 

Ensuite le royaume Ayuthia, fondé en 1350 s'étend aux dépens de l'empire khmer, affaibli. Les hostilités incessantes tournent à l'avantage des Siamois, qui s'emparent d'Angkor en 1431, la pillent et emmènent ses habitants en captivité. La prestigieuse capitale est abandonnée en 1434.


ayuthaya


Les historiens thaïs traditionnels considèrent la fondation du royaume de Sukhothaï comme le début de leur nation, tant les informations sont limitées pour les périodes qui précèdent même si les premiers Ayutthayiens « ne considéraient probablement pas Sukhothai différemment d'autres muang tels Chiang Mai, Lop Buri ou Nakhon Sri Thammarat. » (Charnvit Kasetsiri, 1976. Cité par Xavier Galland « Les Débuts d’ Ayutthaya : quels débuts, in Gavroche)

En fait, après le déclin de l’Empire Kmer au XIIIème siècle et l’affaiblissement du royaume de Sukkhotaï au milieu du XIV ème, l’Isan fut surtout dominé par le royaume d’Ayutthaya , qui n'était pas un État unifié mais plutôt un ensemble de principautés autonomes et de provinces tributaires qui prêtaient allégeance à son roi, et ensuite par les royaumes laos  de Lan Xang,de Luang Prabang et de Vientiane) (Cf. article 10.4), puis de Thonburi et enfin de  l’actuelle Bangkok avec la dynastie des Chakri, dont le roi actuel , Rama IX  descend.


Nous avions signalé un texte de wikipédia qui donnaient une bonne explication de ces vagues migratoires, qui  dépendaient des guerres, car « Avec des réserves importantes de terre disponible pour la culture, la viabilité de l'État dépendait de l'acquisition et de la commande d’une main-d’œuvre à répartir entre le travail à la ferme et la défense. La population globale était peu nombreuse, estimée à seulement 2,2 millions d'habitants vers 1600. La primauté politique d'Ayutthaya nécessitait une guerre constante, car aucun des états dans la région ne possédant d'avantage technologique, le résultat des batailles était habituellement déterminé par la taille des armées. Après chaque campagne victorieuse, Ayutthaya déportait une partie des peuples vaincus sur son propre territoire, où ils étaient assimilés et ajoutés à la main-d’œuvre locale.

Chaque homme libre devait être enregistré en tant que domestique, ou "phrai", auprès du seigneur local, ou "Nai", pour le service militaire et les corvées de travaux publics sur la terre du fonctionnaire à qui il avait été affecté. Le phrai pouvait également remplir ses obligations de travail en payant un impôt. S'il trouvait le travail obligatoire sous son Nai trop pénible, il pouvait se vendre en esclavage à un Nai plus attrayant, qui payait alors une compensation au gouvernement pour la perte de travail de corvées. Pas moins d'un tiers de la main-d’œuvre au dix-neuvième siècle se composait de phrais ». (D’autres diront d’esclaves).


Cette politique fut aussi, nous l’avons déjà vue, pratiquée évidemment par les Khmers, les Birmans, les Laos …au gré des conquêtes. Et on doit retrouver en Isan, au fil des guerres,  des vestiges de ces anciennes déportations. Cela sera plus évident, car plus visible au XIX ème siècle, surtout qu’en 1827 Vientiane est pillée, rasée et ses habitants déportés en Isan.

 Le royaume devient province siamoise.  Etienne Aymonier en 1885, évoquera «  les Moeongs laos du pays « Isan » dont beaucoup d’habitants venaient de la « déportation ».

Il précise qu’est considéré comme moeongs (ou muang ?), tout royaume si petit soit-il, toute province, district, chef-lieu, canton où on parle lao. Chaque entité est dirigée par un  « roitelet » dont le titre  correspond à l’importance du moeong : le chau (oppahat, ratsevong, ratsebout), le taseng est un petit chef de canton et le komnan un chef de village.  

Si un village devient important, il devient un moeong, avec une hiérarchie organisée au profit du chau supérieur. Avec des liens de dépendance différents selon les chaus (ou djao ?). Tous dans un rapport de vassalité souvent différent  avec le roi du Siam.


5.4. L’Isan  lao du XIX ème siècle.


http://www.alainbernardenthailande.com/article-10-4-l-isan-au-temps-des-royaumes-lao-72127428.html


On avait appris, en lisant les notes d’Etienne Aymonier qu’en  1885 


http://www.alainbernardenthailande.com/article-11-l-isan-etait-lao-au-xix-eme-siecle-72198847.html

 « 

-          L’ Isan de 1885 se vit bien comme un pays lao , mais un pays éclaté sans roi reconnu, sans pouvoir central.

-          Tous les clans, Moeungs (province , districts) et villages  reconnaissent leur vassalité auprès du roi de Siam. Elle prend la forme de capitation / tribut, reconnaissance des pouvoirs des chefs lao selon une hiérarchie et un cérémonial  siamois, de recours à la justice siamoise  pour les conflits majeurs. 

-          Le pouvoir siamois n’intervient pas pour imposer ses mœurs, ses coutumes, ses  valeurs et laissent les Laociens (sic)  vivre en Laociens  ». 

-          Si tout l’Isan est décrit comme Lao, Aymonier note et décrit d’autres peuples comme les Kouis , les Kmers dans la province de Koukan par exemple . Il signale même des « sauvages » ! Il précise aussi pour chaque village, la présence ou non  de Siamois  et de Chinois et même parfois de Birmans au sein de la population lao. »

Nous avions aussi  été étonné par le Dr Maupetit, qui, en 1913, soit 30 ans après, rappelait  « ces Thays refusent d'ailleurs avec vigueur et énergie les preuves qu'on pourrait faire de leur communauté d'origine avec les Laotiens ». « Le terme de « Lao » suivant en cela les coutumes du pays [désignait]  les indigènes des classes inférieures, soumis à l'autorité siamoise, réservant aux maîtres du pays le nom de « Thay » qu'ils se donnent eux-mêmes ».

Il décrivait d’ailleurs les  « Moeurs laotiennes », voire  la description de leur  style de vie et leur stratégie matrimoniale…dont beaucoup ont encore leurs effets aujourd’hui.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-un-docteur-fran-ais-en-isan-en-1913-75354573.html


5.5 L’Isan vassal devient une province du Royaume de Siam qu’il doit défendre. Le temps de la colonisation.


http://www.alainbernardenthailande.com/article-10-3-l-isan-au-temps-des-royaumes-thais-72127161.html


Nous avons déjà montré dans notre « histoire des relations franco-thaïes », comment le Siam avait été « forcé » par la volonté colonisatrice de l’ Angleterre et de la France de penser désormais ses territoires  « vassaux » comme des provinces siamoises dont il fallait défendre les possession et les frontières, surtout après la prise de Saïgon le 9 juillet 1859 par les Français, qui  allait bouleverser l’histoire de l’Asie du sud-est.

Une lettre du roi Rama IV datée du 19 janvier 1867 (citée par Duke) confirme cet état d’esprit : « nous prions qu’on veuille bien faire droit à notre requête, et donner une décision favorable qui nous permette de conserver et continuer à posséder en paix des provinces qui sont en notre pouvoir depuis plus de quatre règnes successifs durant l’espace de 84 ans ».Nous ne pouvons que vous invitez à relire les péripéties de ces différents traités de 1856, 1867 qui permettait à la France de conserver le Protectorat sur le Cambodge et à  la Thaïlande d’ obtenir la propriété des deux provinces cambodgiennes de Battambong et de Siem Reap/ Angkor, puis celui de 1893, où le roi Rama V accepte les conditions de l’ultimatum :  « Le Gouvernement siamois renonce à toute prétention sur l’ensemble des territoires de la rive gauche du Mékong et sur les îles du fleuve ».


Le rapprochement franco-anglais qui devait aboutir, le 8 avril 1904,  à « L’entente cordiale » ne laissait plus de choix au Siam. Les zones d’influence avaient été nettement précisées, des cartes établies, des engagements pris. Une convention établissait un nouveau cadre de « travail » très important, comme la délimitation des frontières entre le Siam et le Cambodge (article 1), de Luang Prabang (article 2), entre le Siam et l’Indochine française (article 3). Le Siam renonçait à sa suzeraineté sur Luang Prabang et la rive droite du Mékong (article 4), Les troupes françaises devaient quitter Chantaboun (article 5). Elle comportait des dispositions « commerciales » sur les futurs ports, canaux, chemins de fer et  précisait, une fois de plus, la juridiction et la protection des Français.


Le travail de délimitation de frontières fiables débouchait sur des questions vitales d’échanges de territoires…Le Traité du 23 mars 1907 obligeait le gouvernement siamois à céder à la France les Territoires de Battambang, Siemréap et Sisophon (article 1). Le Gouvernement français cédait au Siam les Territoires de  Dan-Sai et de Trat (article 2).Des délais, une commission étaient établis (articles 3 et 4). Les articles 5 et 6 établissaient les statuts juridiques des Asiatiques sujets et protégés des Français. Le Siam entrait dans une nouvelle période de son Histoire.


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Le problème des frontières 

http://www.alainbernardenthailande.com/article-11-le-siam-l-isan-et-ses-frontieres-72124773.html

http://www.alainbernardenthailande.com/article-les-frontieres-de-l-isan-72125167.html

Nous avions fait une mise au point dans l’article 13 sur « Le Siam et ses frontières » en rappelant ce qu’est une « frontière » linéaire, si différent des conceptions de « vassalité » établies autrefois par le royaume du Siam (« Entre des royaumes rivaux, une zone de circulation et d’établissement libre entre des princes alliés ou ennemis, pas de stricte délimitation qui aurait été considérée comme inamicale, des zones fluctuantes et aucune notion d’intégrité territoriale !La présence d’une ceinture d’états vassaux autour du Siam est donc un paramètre majeur pour la future délimitation des frontières.) 

Les problèmes de délimitation se sont posés d’abord lorsque les Britanniques ont entrepris la conquête de la Birmanie (dans les années 1820). A la fin du XIXème, le Siam est cette fois en compétition avec les Français et les Britanniques pour absorber ces petits Etats et transformer ces zones territoriales floues en frontières délimitant mathématiquement des zones de souveraineté absolue. C’est ce qui conduit le Roi Chulalongkorn à engager ses réformes administratives pour incorporer entre 1880 et 1890 ces états tributaires aux statuts divers en un système de provinces dans un état centralisé. Les frontières seront ensuite établies par une série de traités entre la France et la Grande-Bretagne en 1893, 1899, 1902, 1904 et 1907 en utilisant des techniques de cartographie modernes. 

Ainsi donc, le passage d’un état ancien à l’état nation territorial avec des frontières linéaires cartographiquement définies s’est imposé sous la contrainte coloniale. Mais chacun des états (Thaïlande, Birmanie, Laos et Cambodge) conserve peu ou prou un comportement imprégné du système ancien.


 Et les frontières de l’Isan avec les pays voisins ? Dix des vingt provinces de « notre » Isan sont frontalières avec le Laos puis avec le Cambodge sur des centaines et des centaines de kilomètres. Si nous avons remarqué que la frontière avec le Laos était une « passoire » (nous avons aussi fait un article sur cette « zone grise » aux trafics importants), nous avons noté qu’il ne subsiste avec le Cambodge qu’un point chaud, explosif même, celui du temple de Preah Vihar.

                                                ------------------------------------

Nous avions donc appris, non seulement que « l’Isan » avait une Histoire, une préhistoire même, et surtout qu’il n’était devenu  siamois et thaîlandais finalement que récemment.

Nous avions   été étonné  en apprenant par le Dr Maupetit, qu’  en 1913 encore  « ces Thays refusent d'ailleurs avec vigueur et énergie les preuves qu'on pourrait faire de leur communauté d'origine avec les Laotiens ». « Le terme de « Lao » suivant en cela les coutumes du pays [désignait]  les indigènes des classes inférieures, soumis à l'autorité siamoise, réservant aux maîtres du pays le nom de « Thay » qu'ils se donnent eux-mêmes ».


On pouvait alors se demander ce qui avait pu se passer pour que quelques dizaines d’années plus tard les Laos, les Kmers et autres ethnies d’Isan  se considèrent comme des Thaïlandais.    

 

 

 

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20 octobre 2011 4 20 /10 /octobre /2011 03:13

Sans titre-1Qu’avons-nous appris de l’Isan après ce voyage effectué en une trentaine d’articles ? 

Le projet était assez ambitieux puisqu’il exprimait le désir de connaître, enfin d’approcher toutes les principales « réalités » de l’Isan, à savoir ses composantes historiques (et préhistoriques), administratives, économiques, culturelles, sociales, et touristiques…

Il impliquait donc une certaine humilité dans les « résultats » obtenus et  une première approche susceptible d’être explorée de façon plus conséquente dans une phase ultérieure.

Il s’est écrit à partir de nos deux formations, nos deux sensibilités, nos deux expériences ... donc dans nos limites ;  mais dans une volonté commune de faire « aimer » cette Région dans laquelle nous vivons avec nos deux femmes d’Isan, et que nous cherchons (un peu) à comprendre. 


Découvrir l'isan donc : récits de vie, démographie, administration, diversité linguistique

 

1/ Nos avons commencé en évoquant quelques récits de vie, sachant qu’il y avait une multitude de parcours, de nombreuses histoires susceptibles de raconter les premières relations avec l’Isan, voire l’expatriation dans cette Région pour ceux qui avaient fait ce choix de vie.

Nous avons conseillé des blogs des « amis » installés en Isan,


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qui exprimaient les différentes « approches », les différents « rapports » entretenus avec la vie d’Isan.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-notre-isan-2-decouvrir-l-isan-via-les-blogs-71317647.html Nous aurions pu aussi  aborder les questions pratiques, les pièges à éviter, mettre en garde sur les « arnaques » constatées, mais de nombreux forums abordent ces « difficultés ». La vie, ici comme ailleurs, n’est pas toujours un « fleuve tranquille » !

TITI-DANS-LA-RIZIERE-018


2/L’importance démographique 


http://www.alainbernardenthailande.com/article-notre-isan-3-les-isan-des-vrais-thais-71449425.html 

Nous avons voulu savoir ensuite ce que représentaient les Isans en Thaïlande (leur importance démographique, leur origine), pour découvrir qu’ils composaient 31 % des 68 millions de la population thaïlandaise et que les Siamois y étaient minoritaires (40%). Que sous ce terme se  regroupaient en fait des groupes ethniques très divers, aux origines,  traditions, coutumes, langues différentes, dont les 3 principaux étaient les Thaïs Isan, les Thaïs Kmer, et les Thaïs  Kouis. Qu’ils avaient été « colonisés » par les Thaïs siamois qui avaient imposé leur langue, leurs normes et établit une « hiérarchie » avec ces autres peuples, comme avec les  Muangs, les Pak Tai, les Kmers, les Chinois, les Khaek, les groupes montagnards (Karens, Hmongs, Akhas …) Ils étaient tous Thaïlandais, mais pas tous des vrais Thaïs .  Nous avons longuement décrit ensuite cette thaïfication forcée (ou Thaïness)  en étudiant l’importance du nationalisme.


demographie


3/ Nous avons appris  la place de l’Isan dans l’ organisation administrative de la Thaïlande, qui comprend 4 zones géographiques selon l'Institut Royal Thaïlandais (le Nord, le Nord Est, le Centre et le Sud), divisées en 77 Provinces - qui correspondent en gros à nos départements. http://www.alainbernardenthailande.com/article-notre-isan-4-organisation-administrative-de-la-thailande-71449804.html 

S’il y a env. 80.000 villages en Thaïlande, notre seule région Isan, (environ 22 millions d’habitants) comporte  20 provinces, 327 amphoe, 2.602 tambon et 27.440 villages.

 

Ainsi le Nord Est comporte 20 régions : 1. Amnat Charoen (อำนาจเจริญ) 2. Bung Kan 3. Buri Ram (บุรีรัมย์) 4. Chaiyaphum (ชัยภูมิ) 5. Kalasin (กาฬสินธุ์) 6. Khon Kaen (ขอนแก่น) 7. Loei (เลย) 8. Maha Sarakham (มหาสารคาม) 9. Mukdahan (มุกดาหาร) 10. Nakhon Phanom (นครพนม) 11. Nakhon Ratchasima (นครราชสีมา) 12. Nong Bua Lamphu (หนองบัวลำภู) 13. Nong Khai (หนองคาย) 14. Roi Et (ร้อยเอ็ด) 15. Sakon Nakhon (สกลนคร) 16. Si Sa Ket (ศรีสะเกษ) 17. Surin (สุรินทร์) 18. Ubon Ratchathani (อุบลราชธานี) 19. Udon Thani (อุดรธานี) 20. Yasothon (ยโสธร)

Chacune de ces Régions est divisée en districts en thaï  อำเภ Amphoe ou Amphurcorrespondant à nos Arrondissements. Les districts sont dirigés par un Chef de district  นายอำเภอ nommé par le Ministre de l'Intérieur et adjoint du Gouverneur.   Ces Chefs de district  correspondent à nos Sous Préfets. Ainsi par exemple, la Province d'Udon Thani est divisée en 18 districts Amphoe et 2 districts mineurs King Amphoe.   Ces districts sont subdivisés en 155 communes tambon et 1682 villages. 

administration


La structure actuelle date de la réforme administrative de 1892, essentiellement sur la base des anciennes เมือง (transcription officielle mueang, prononciationmüang), petites chefferies locales datant du royaume d’Ayutthaya et alors dirigées par des roitelets plus ou moins soumis à la juridiction de Bangkok.


Nous pensons que les villages siamois ne se sont pas  créés autour de leurs temples, mais que ce sont plutôt les temples qui se sont installés dans les villages au fur et à mesure de l’implantation plus ou moins tardive du bouddhisme. (Les statistiques sur le nombre de « wats » en Thaïlande varient selon les sources de 30 à 45.000). C’est manifestement autour des points d’eau que se sont édifiés nos villages, l’onomastique est là pour nous le montrer. Si le nom de nos villages français tourne souvent autour de leur clocher, celui de leur saint patron, celui des villages thaïs tourne autour de l’eau ! Combien de หนอง nong – étang, de บึง bung  – marais, น้ำ nam – eau,  แม่น้ำ mènam – fleuve, บ่อ bo – puits, สินธ์ sin – rivière, หวั้ย ouaï – ruisseau ? Combien de sources miraculeuses ? L’humanité les vénère depuis toujours, des sources de la Seine à celle de la Mecque, de Lourdes à la Grèce et à l’ancienne Egypte, elles donnent la vie et elles guérissent.


eau


Une diversité linguistique

http://www.alainbernardenthailande.com/article-notre-isan-4-organisation-administrative-de-la-thailande-71449804.html


diversités linbguistiques


4/ Mais que cette division « administrative » en 20 provinces recoupait en réalité  trois entités plus ou moins distinctes caractérisées surtout par la langue, et beaucoup moins par l’ethnologie, les coutumes et les traditions.


Les 7 provinces de l’Isan nord, ce sont spécifiquement les nôtres, celle de l’ « Isan lao ». On y parle couramment Isan dans les chaumières.


Les 8 provinces de l’ « Isan centre » (6 millions d’habitants environ)  ont leurs propres spécificités linguistiques, on y parle le ภาษาผู้ไท, le phouthaï (qui ressemble à du thaï standard). Ethnologiquement, on trouve une très forte minorité vietnamienne, réfugiés catholiques d’Indochine dans les trois provinces riveraines du Mékong où fleurissent autant de clochers d’églises catholiques que de djedis bouddhistes.


Les 5 provinces du sud, environ 8.000.000 millions d’habitants, ce sont celles de la « route des temples khmers » conduisant à Angkor.


A l’ouest, dans la province de Nakhonratchasima, autrefois et toujours appelée Korat, on parle le ภาษาโกราช, le thaï de Korat, il y aurait 2 000 000 de locuteurs, au milieu encore des dialectes tribaux (le ภาษากุย le koui qui ressemble à du thaï, 300.000 locuteurs), à l’est, n’essayez pas de comprendre, c’est du khmer, la population d’origine khmer y est nombreuse. Il y aurait encore 2 000 000 de locuteurs.

Ces distinctions linguistiques sont bien évidemment fragiles, on peut parler koui à Udonthani, phouthaï à Kalasin et cambodgien à Khonkaen.


Mieux, dans un autre article, nous avons indiqué une réalité linguistique encore plus complexe,

avec  le Mon, (la langue des premiers habitants du pays aurait encore plus de 100.000 locuteurs dont une grande partie sur Khorat), le Phouan (parlé par environ 100.000 personnes en Thaïlande, dont une partie à Loeï), le (connu de 60.000 personnes environ à Nakhonphanom, Sakhonnakhon, Nongkhai et Kalasin), le Brou du couchant à Mukdahan  (20 000 personnes), le Brou du levant, (5.000 fidèles à Sakhonnakhon). le Yoï, (5000), le Sèk (à Nakhonphanom, 11.000 locuteurs, proche du lao),le Yokoun a encore 10.000 fidèles en partie à Khorat. 

Il resterait même 700 habitants d’un amphoe de Loeï qui connaissent le Thaïdam, quelques 300 initiés de la province de Loeï connaissent le Malabri,,et  encore 200 de Sisakét, le Yeu. Et une dernière curiosité, quelques dizaines de musulmans d’un amphoe de la province de Khorat parlent encore un langage spécifique, lle Malais de Khorat, qui n’a paraît-il rien à voir avec le malais de Malaisie ? 


Une « tour de Babel » ?  Nous ne le pensons pas et signalions que chacun de ces dialectes- miracle de la technologie moderne- avait son site Internet (en thaï évidemment !).

 

 tour de babel

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