21. Notre Isan : le bouddhisme thaïlandais et d’Isan ?
Chacun sait en arrivant en Thaïlande qu’il arrive dans un pays bouddhiste ( 94,7% des Thaïlandais sont bouddhistes de la tradition Theravada. Les musulmans sont le deuxième groupe religieux en Thaïlande avec 4,6% .2000).
Ses premiers pas le confirment : la beauté des pagodes rencontrées à chaque promenade , la vision des bonzes dans leurs belle robes safran , les petits autels avec leurs offrandes devant les maisons et même les grands hôtels , les Thaïs marquant par un waï de respect les statues de bouddha rencontrés ,( et même depuis le métro aérien à Bangkok). Les touristes comme tous les farangs qui séjournent en Thaïlande vivent tous cette évidence d’un pays profondément bouddhiste (à l’exception du Sud). Il représente pour les Thaïlandais l’un des 3 « piliers » du Pays avec le Roi et le drapeau.
En effet, le bouddhisme marque profondément l’espace et le temps, la vie de chaque Thaïlandais. Il n’est donc pas inutile d’en savoir un peu plus sur cette « religion » qui donne sens aux pensées, aux moeurs et usages, au calendrier et aux fêtes, au mode de vie, au quotidien des Thaïlandais.
On se doute que le sujet est vaste. Nous avons donc choisi de chercher à comprendre l’origine et l’implantation historique du bouddhisme dans ce Pays, ce qu’on entendait par le bouddhisme thérâvéda, et dans le cadre de notre « enquête » comment il se vivait en Isan. Il nous a aussi paru intéressant de ne pas cacher le rôle qu’il joue dans la conduite de l’Etat, les « crises » qui le traversent, les contradictions les plus visibles, dans une société de plus en plus consumériste. D’où notre plan proposé :
1/Origine et implantation du bouddhisme en Thaïlande et en Isan en particulier.
2/ Le bouddhisme Thérâvéda ?
3/ Le bouddhisme d’Isan ?
4/ Animisme et superstitions en Isan ou un « bouddhisme » particulier ?
5/ Le bouddhisme et l’ Etat (nationalisme) ; Le bouddhisme et la société de consommation , les « crises » et les « contradictions …
1/ Origine et implantation du bouddhisme en Thaïlande et en Isan en particulier
1.1
Grâce à la conversion et au zèle de l'empereur Açoka (milieu du IIIème siècle av. J.-C.), le bouddhisme se répandit dans le sous-continent indien et à Ceylan. Plus tard, il atteignit le Sud-Est asiatique et l'Insulinde par la mer, l'Asie centrale, la Chine (IIème siècle après J.-C.), la Corée, le Japon (religion d'État en 587), le Tibet (VIIème siècle et la Mongolie (XIIIème siècle par voie de terre). Partout, il sut s'adapter aux cultures et mentalités, et souvent devint dans les pays une religion que l'on pouvait pratiquer en plus de la religion autochtone. En Inde, il fleurit jusqu'au VIIIème siècle, puis déclina et disparut après le XIIIème siècle.
« Au Cambodge le Grand Véhicule apparu à la fin du VIIIème siècle. Le Cambodge adopta le petit véhicule au moment où le bouddhisme cingalais arriva. Celui-ci de langue pali, se réclame des anciens, Théravâda. Il fut rénové au XIIème siècle. De la Birmanie le bouddhisme cingalais gagna la Thaïlande où les Thaïs (venus de Chine du Sud au XIIIème siècle) s'étaient ralliés au bouddhisme. Il gagna ensuite le Laos puis le Cambodge. Il est religion d'état dans ces quatre pays. » Jean-Laurent Turbet.
1.2 Arrivée des Thaïs sur le futur territoire du Siam.
Les Thaïs ont commencé leur migration du Sud de la Chine vers l’Asie du Sud-Est au VIII ème siècle ; ils rencontrèrent, bien sûr, d’autres peuples et même des royaumes déjà installés.
Nous avons déjà relaté dans notre article « 10.1 Notre ISAN : Empires et royaumes sur la terre d’Isan, comment cette terre a été placée successivement sous le joug ou la direction de multiples empires et cultures qui l’ont modelé avec d’abord l’influence de la culture du Funan, de Dvâravatî et de Tchen La, puis de l’empire Khmer, pour être dominé ensuite progressivement à partir du XIIIème par Sukkothaï puis d’Ayuttaya, puis ensuite le Royaume laotien du Lan Xang ( jusqu’à son effrondement en 1707) et les royaumes de Vientiane, de Luang Prabang et de Champassak. , et enfin par le Royaume du Siam. » http://www.alainbernardenthailande.com/article-10-empires-et-royaumes-en-terre-d-isan-72126761.html
1.2.1 Les Môns.
Les Thaïs rencontrent la civilisation de Dvaravati des Môns, et découvrent le bouddhisme hinayana (petit véhicule), alors qu’ils pratiquaient déjà (certes avec l’animisme) le bouddhisme mahayana (grand véhicule) implanté en Chine.
(Les Môns entre les VIe et IXe siècle, avaient une influence sur un territoire situé dans le centre de la Thaïlande (voir Indianisation de la péninsule indochinoise) et une région allant de la basse Birmanie au nord de la péninsule malaise. Au VIIIe ou IXe siècle, les Môns fondent sur le site de la ville actuelle de Lamphun le royaume de Haripunjaya qui se maintient jusqu'au XIIIe siècle.)
1.2.3 Les Khmers
Au IX ème siècle, les premiers groupes de Thaïs, provenant de la Chine méridionale, commencent à s'établir dans les marches septentrionales de l'empire khmer (qui à partir du IXe siècle avaient établi leur capitale à Angkor, et pris progressivement le contrôle de l'ensemble de l'Asie du Sud-Est continentale, imposant leur domination à leurs cousins les Môns au nord des monts Dangrek.).
Les Thaïs donc vont s’établir dans différentes régions au Nord au centre, en suivant fleuves et rivières, et au fil des années, après les premières implantations, former des petits villages, puis des villages plus importants, dans des rapports d’allégeance et de vassalité avec les autorités Kmèr et devenir dominants démographiquement .
Chacun dans sa région va créer un syncrétisme entre l’hindouisme, le bouddhisme et le culte des dieux et des ancêtres, et les multiples influences (chinoise, birmane, lao, Iava …) selon la propre histoire de sa Région.
Ainsi du premier royaume thaï au Nord, le Lan Na, constitué avec les « Muangs » de Chiang Maï, Lamphun , Lampang, Chiang Raï, Phayao, Phrae, Nan et Mae Hong Son. . Cet État a émergé à la même période que Sukhothaï, mais a survécu plus longtemps. Son histoire indépendante s’est terminée en 1558, quand il est tombé aux mains des Birmans et vassalisé pendant deux siècles, pour étre dominé ensuite alternativement avec Ayutthaya. Il deviendra définitivement siamois en 1775 avec la victoire du nouveau roi Taksin).
En 1238 les sujets thaïs vont se rebeller, chasser les khmers et fonder le premier Royaume de Sukkhotaï.
Toutefois le fils du 1er roi de Sukkhotaï, Ramkhamhaeng, c'est-à-dire « Rama le Hardi », (connu par une inscription datée de 1292 considérée comme l'acte fondateur de leur nation) met en place un système de gouvernement nouveau, résolument thaï, qu'il semble s'ingénier à rendre le plus dissemblable possible du modèle angkorien. Même la créativité des artistes thaïs de cette époque s'écarte de la plastique khmère pour créer des sculptures aux traits physiques assurément siamois.
Son fils Lu Thai, auteur d'un traité de cosmologie intitulé Les Trois Mondes (1345), s'absorbe dans les études religieuses au détriment du gouvernement et doit finalement reconnaître la suzeraineté du prince d'U Thong, fondateur d'Ayutthaya. Les rois de Sukhothai ne sont dès lors plus que de simples gouverneurs de provinces, vassaux d'Ayutthaya qui soumet militairement le royaume en 1378 et l'annexe définitivement en 1438.
1.2.5 Le royaume d'Ayutthaya (1350 - 1767)
Le premier souverain d'Ayutthaya, le roi Ramathibodi I, apporte deux contributions importantes à l'histoire de la Thaïlande : l'établissement et la promotion du bouddhisme theravāda comme religion officielle, pour différencier son royaume du royaume hindou voisin d'Angkor, et la compilation du Dharmashastra, un code légal basé sur des sources hindoues et des coutumes thaïes traditionnelles. Le Dharmashastra est demeuré un instrument de la loi thaïe jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Nous avons déjà évoqué dans nos relations franco-thaïes la place et l’importance du bouddhisme à travers les témoignages des premiers missionnaires et ambassadeurs de Louis X1V, au temps du roi Naraï.
http://www.alainbernardenthailande.com/article-15-les-relations-franco-thaies-le-bouddhisme-vu-par-les-missionnaires-du-xvii-eme-siecle-64650528.html
Ces différents royaumes « thaïs » vont en fait co-exister et vont aménager leur bouddhisme avec leur histoire locale, aux multiples influences.
.1.2.6 La période de Bangkok, Thonburi (1768-1932)
Après plus de 400 ans de puissance, en 1767, le royaume d'Ayutthaya est conquis par les armées birmanes, sa capitale incendiée et son territoire démembré. Le général Taksin parvient à réunifier le royaume du Siam à partir de sa nouvelle capitale de Thonburi et se fait proclamer roi en 1769.
Cependant, le roi Taksin est déclaré prétendument fou, dépossédé de son titre, fait prisonnier et exécuté en 1782. Le général Chakri lui succède en 1782 avec le titre de roi Rama I, premier roi de la dynastie Chakri. La même année, il fonde la nouvelle capitale de Bangkok.
Certes, chaque roi de la dynastie Chakri aura sa façon particulière d’appréhender la religion.si importante dans la vie des Siamois, mais le roi Mongkut, Rama IV et l’un de ses fils, le prince Vajiranana, vont particulièrement marqué l’histoire du bouddhisme du royaume de Siam.
Vasana Chinvarakorn, dans « L'ETAT DU BOUDDHISME THERAVADA EN THAILANDE » [ Bulletin EDA n° 397 ] 16/05/2004 -) nous signale les travaux de Phra Phaisan « découvrant une version séculière et plus scientifique du bouddhisme du roi Mongkut (Rama IV) qui passa près de trente ans sous la robe safran, et l'un de ses fils, le prince Vajiranana, qui devint le patriarche suprême sous le règne de Rama VI.
« Le roi Rama IV fut le fondateur de la secte Thammayut, une secte nouvelle qui critiquait et défiait la secte Maha Nikaya, alors prépondérante dans la Sangha. Le prince Vajiranana soutenait l'unification du bouddhisme Theravada thaï et son incorporation dans le discours plus large de la nation.
A en juger par les divers commentaires faits par la Cour, le statut des moines ainsi que les modes traditionnels de pratique étaient tombés bien bas. Rama IV commentait à qui voulait bien l'entendre le sort des hommes en jaune : ils étaient « démodés» et jouissaient d'un style de vie indûment confortable. Le prince Vajiranana lui-même exprima son embarras quand il prit la décision de se faire moine : une vie que les autres considéraient pleine de futilités et d'oisiveté.
Son demi-frère, le roi Chukalongkorn (Rama V), alla plus loin : il considérait les moines qui passaient leur temps à méditer comme "les plus paresseux comparés à ceux qui étudiaient les textes bouddhiques ou priaient. (Le monarque fit plus tard amende honorable pour sa "mauvaise compréhension » .
Le prince Vajiranana écrivit des centaines de manuels et de commentaires qui continuent d'être employés dans les écoles de pagodes et les universités bouddhistes.
« La direction de la Sangha fut divisée et catégorisée par strates, depuis la pagode de village jusqu'aux états-majors régionaux. La seule autorité fut confiée au roi et, plus tard, au patriarche suprême qui, à la longue cependant, ne garda qu'un rôle nominal. On créa aussi toute une série de décorations et de récompenses financières comme incitations ; le prince Vajiranana fut à l'origine de vingt et un grades différents (sammanasakdi) pour récompenser les moines qui adoptaient les nouvelles règles et avaient de bonnes relations avec les pouvoirs en place. […] La religion devait être citée en tête dans les discours nationalistes pour justifier l'existence de l'Etat. Peu à peu, cependant, les croyances et le personnel bouddhistes devaient être considérés comme subordonnés aux intérêts de la nation. Une nouvelle religion prenait naissance : celle du nationalisme. »
Phra Phaisan remarque même comment la montée de la prospérité matérielle des pagodes a été parallèle à l'expansion de l'économie capitaliste fondée sur l'argent, spécialement depuis le règne de Rama V.
Mais, jusqu'à il y a un siècle, le pouvoir de l'Etat était restreint à la capitale et à quelques grandes villes. La centralisation du pouvoir politique s'est finalement réalisée au détriment de l'autonomie des communautés locales et de leur participation aux affaires des pagodes.
(Une religion d’Etat. En Thaïlande, le Roi nomme un patriarche pour diriger la Sangha, organisation religieuse fondée par Bouddha. Ce patriarche choisit quarante-cinq moines de haut rang qui nommés à vie forment un conseil qui légifère en matière religieuse. Neuf autres moines assument pour 4 ans l'exécutif.)(Cf. article infra)
1.3 Influence de l'hindouisme sur le bouddhisme et réciproquement
Rappel : Historiquement, le mot « hindouisme » ne faisait pas référence à un système de croyances religieuses ; le terme, d’origine persane se rapportait aux personnes qui vivaient de l’autre côté. Après la colonisation britannique, le terme fut employé pour désigner un ensemble flou de faits religieux.Selon un point de vue plus récent, un hindou est celui qui croit à la philosophie exposée dans les Vedas (Le mot Veda peut être traduit par savoir).
L'hindouisme ou sanâtana dharma s'apparente davantage à un mode de vie ou de pensée qu’à une religion organisée. Ce qu'on appelle « hindouisme » aujourd'hui est la tentative de rassembler les croyances disparates issues de l'ancien panthéon védique éclipsé par la popularité d'un Shiva, d'un Vishnou ou d'un Krishna.
Les Vedas sont peut-être les écritures religieuses les plus anciennes du monde. Leur enseignement de base est que la vraie nature de l’homme est divine. Dieu, ou le Brahman comme il est généralement nommé, existe en chaque être vivant. La religion est donc une recherche de la connaissance de soi, une recherche du divin présent en chaque individu. Le Védanta déclare que personne n’a besoin « d’être sauvé », car personne n’est jamais perdu. Dans le pire des cas, on vit dans l’ignorance de sa vraie nature divine
Les croyances hindoues provenant du Cambodge, en particulier pendant la période de Sukhothaï sont la deuxième influence majeure sur le Bouddhisme thaïlandais.
L’Hindouisme védique a joué un rôle important dans l'instauration de la royauté thaïlandaise, tout comme il l'a fait au Cambodge, et a exercé une influence dans la création des lois et de l'ordre pour la société ainsi que la religion thaïlandaise.
Certains rites pratiqués dans la Thaïlande moderne, que ce soit par des moines ou par des spécialistes des rituels hindous, sont explicitement reconnus comme étant d’origine hindoue ou sont facilement considérés comme ayant été dérivés des pratiques hindoues.
Bien que la visibilité de l'hindouisme dans la société thaïlandaise ait diminué considérablement au cours de la dynastie Chakri, les influences hindoues, en particulier les sanctuaires du dieu Brahma, continuent à être vues dans les institutions bouddhistes et autour des cérémonies.
1.4 Mais ce qu’on entend par bouddhisme thaïlandais ne peut être compris sans la pensée d’un syncrétisme religieux qui a intégré les traditions « religieuses » orales, les croyances ancestrales aux esprits, aux « Phis » bénéfiques et maléfiques, dont il faut demander l’aide ou se protéger, tout un monde « invisible » qui influe sur nos destinées, sur notre espace et notre temps, et qu’il faut appréhender par des rituels , des pratiques dans tous les aspects de la vie ; un culte intégré au bouddhisme , et que certains rejettent en évoquant l’animisme, les superstitions, la magie …
Il est plus facile de faire référence aux textes sacrés, ce qui ne veut pas dire que l’on expliquera ce qui est, ce qui se vit, ce qui donne sens à la vie des Thaïs et des Isans siamois.
2/ Le bouddhisme thérâvada ?
A l'origine, le bouddhisme Theravada est une école plus ancienne et, selon ses adeptes, plus authentique que le Mahayana pratiqué dans l'est de l'Asie et dans l'Himalaya. Le Theravada ("doctrine des anciens") est également connu sous le nom d'école du Sud car il s'est propagé jusqu'en Asie du Sud-Est (Myanmar, Thailande, Laos et Cambodge) par la route du Sud, tandis que le Mahayana, ou école du Nord, s'est développé au Népal, au Tibet, en Chine, en Corée, en Mongolie, au Vietnam et au Japon.
Comme l'école du Sud s'est efforcée de préserver le Theravada ou de limiter ses doctrines aux seuls canons codifiés par les premiers bouddhistes, le nom d'Hinayana ou Petit Véhicule lui a été donné. L'école du Nord, Mahayana ou Grand Véhicule, respecte les premiers enseignements, mais considère sa doctrine comme plus complète car mieux adaptée aux besoins des fidèles.
. Les trois principes de base du Bouddhisme théravada:
Selon la doctrine Theravada ou Hinayana, l'existence se caractérise par les trois aspects suivants :
- le dukkha (souffrance, insatisfaction, maladie)
- l'anicca (impermanence, caractère éphémère de toute chose)
- l'anatta (non-substantialité de la réalité : impermanence de "l'âme").
Qui a compris l'anicca sait qu'aucune expérience, aucun état d'esprit, aucun objet physique ne dure. S'accrocher à l'expérience, à l'état d'esprit et aux objets en changement constants ne sert qu'à créer le dukkha ( khouame thouk en lao ). L'anatta consiste à comprendre que, dans un monde en changement constant, on ne peut en désigner aucune partie en disant: "C'est moi", "c'est Dieu", "c'est l'âme".
Ces concepts, dégagés par Siddhartha Gautama au VIè siècle av. J.-C., s'opposaient directement à la croyance hindoue en un moi et très individualiste; c'est pourquoi le bouddhisme fut d'abord considéré comme une "hérésie" par rapport au brahmanisme indien. Pour parvenir à cette vision du monde, le prince indien Gautama s'est soumis à de longues années d'austérité.
. Quatre nobles vérités:
Ayant reçu le titre de Bouddha, "l'Illuminé" ou "l'éveillé", l'ascète a prêché les Quatre Nobles Vérités ayant le pouvoir de libérer l'être humain capable de les réaliser:
- La vérité du dukkha - 'Toute forme d'existence est sujette au dukkha (souffrance, insatisfaction, maladie, imperfection)".
- La vérité de la cause du dukkha - "Le dukkha est causé par le tanna (désir)".
- La vérité de la cessation du dukkha - "Eliminez la cause du dukkha (le désir) et le dukkha cessera".
- La vérité du sentier - "l'Octuple Sentier est le moyen de mettre fin au dukkha".
L'Octuple Sentier (atthangika-magga) comprend les huit éléments suivants :
- La compréhension juste - La pensée juste- La parole juste - La conduite corporelle juste - Le mode de vie juste- L'effort juste - L'attention juste- La concentration juste
Ces huit éléments font partie de trois "piliers" de pratique différents :
-la morale ou sila (3 à 5), la concentration ou samadhi (6 à 8) et la sagesse ou pañña (1 et 2). Egalement appelé Voie du Milieu, parce qu'il évite à la fois l'extrême austérité et l'extrême sensualité, le Sentier est censé être suivi par étapes successives selon certains, tandis que d'autres affirment que les piliers sont interdépendants.
But Ultime du Bouddhisme Théravada:
Le but ultime du bouddhisme Theravada est le nibbana (en sanscrit, nirvana), signifiant littéralement "extinction" de toutes les causes du dukkha. Il s'agit concrètement de la fin de l'existence corporelle - le terme de ce qui est à jamais soumis à la souffrance et perpétuellement conditionné par le kamma (action). En réalité, la plupart des bouddhistes lao cherchent plus à atteindre la renaissance dans une existence "meilleure" que le nibbana, notion difficilement assimilée tant par les Asiatiques que par les Occidentaux.
6. Trilatna ou Trois Merveilles:
Le Tilatna ou Triratna ("Trois Merveilles"), hautement respecté par les bouddhistes, comprend le Bouddha, le Dhamma (enseignements) et le Sangha (communauté bouddhiste). On trouve le Bouddha sous forme de statue, non seulement dans les temples, mais aussi sur de hautes étagères ou les autels des maisons et des boutiques. Le Dhamma est psalmodié matin et soir dans chaque vat. Le Sangha se manifeste par la présence, dans les rues, de moines vétus de robes orange, notamment aux premières heures de la journée, lorsqu'ils font l'aumône.
Les moines thaïlandais
La Thaïlande pratique le bouddhisme Theravāda issu de l'école Hīnayāna, c'est une école traditionnelle qui insiste particulièrement sur la pratique d'une éthique personnelle rigoureuse, cette forme de bouddhisme apparait au Vème siècle, il est aussi pratiqué au Sri Lanka, Birmanie, Laos, Cambodge et dans le sud du Vietnam.
Le but à atteindre selon le Bouddhisme, est appelé le nirvana, l'extinction de toute cupidité et donc de toute douleur. C’est aussi la fin du cycle de renaissances auquel croient les adeptes.
Les moines sont appelés Bhikkhu ou Bhiksu ce qui peut se traduire par "qui vit près de l'aumône", ils n'ont en effet le droit à aucune possession, et vivent des dons des fidèles. Les femmes monastiques s'appellent Bhikkhunis, et ont un statut inférieur aux hommes, elles sont généralement reléguées à des tâches subalternes.
Les moines thaïlandais vivent sous la règle du Pātimokkha.
Le Pātimokkha est une règle de vie de 227 articles, qui regroupe et résume en fait le Vinaya. En plus d'être une série de 227 articles à respecter, qui sont d'ailleurs récités par la communauté à chaque nouvelle et pleine lune, il comprend aussi la classification des fautes en 8 catégories ainsi que les moyens de s'en purifier. La faute la moins importante demande le dosantā (texte de purification composé de deux ou trois strophes qui se récite à deux ou à trois) jusqu'aux fautes les plus graves qui entrainent la perte définitive et irrémédiable du statut de moine.
La journée type du moine commence à 4h et se termine à 22h avec le coucher. Les moines ne sont pas tenus à une vie recluse, ils doivent participer aux repas, aux prières et aux cours, ensuite ils sont libres de se promener, de rencontrer les laïcs et d'avoir diverses activités.
3/ Le bouddhisme d’Isan ?
Bien que le Bouddhisme soit la religion d'État, les Thaïlandais vénèrent plusieurs divinités hindoues et conservent plusieurs pratiques animistes et superstitieuses.
Un bouddhisme donc, le thérâvada, revu et corrigé par le culte des esprits, des Phis, quelques divinités hindoues, quelques stèles ou chédis anciens dont on ne connait même plus l’origine, la magie comme le démontre le commerce d'amulettes magiques, qui peuvent apporter la chance jusqu'à apporter l'invulnérabilité, et quelques superstitions …
Un « bouddhisme » où chacun peut se reconnaître dans le calendrier des cérémonies et des fêtes officielles, mais très différent selon la région de l’ Isan où on se trouve, si l’on en juge déjà par la quinzaine de langues et dialectes , que nous avons énumérer dans notre article (18. Notre Isan : Langues et dialectes en Isan). Certes, de par l’histoire et le nombre de locuteurs, le bouddhisme « lao » et « kmer » sont largement majoritaires.
Mais il ne faut pas confondre la connaissance de la religion, et des textes sacrés et le vécu « spirituel » de l’ énorme majorité des Isans.
Dans les faits, nous l’avons dit et redit, leur bouddhisme est la " devanture " qui recouvre un mélange d'animisme, de brahmanisme et de bouddhisme. La croyance aux esprits, qui se logent dans les arbres, le sol, les sources …, impose que des offrandes leur soient faites pour qu'ils n'importunent pas les humains ou leur portent malheur. Les petites pagodes devant les maisons, les arbres ceints de rubans de couleurs, les offrandes de fleurs ou de fruits sont l'expression de ce culte ancien et toujours très présent malgré des siècles de bouddhisme. (Ces pratiques sont communes à toute l’Asie)
Certes les Isans croient en la réincarnation, la théorie du karma, mais si la majorité ne recherche pas l’accession au nirvana, tous croient améliorer leur sort en accumulant « les « mérites », en nourrissant les moines par exemple, en apportant des offrandes aux temples et en se rendant régulièrement à la pagode, soit pour des demandes particulières ou lors des cérémonies qui jalonnent l’année et les grands moments de leur existence (naissance, mariage, décès)
Cette recherche du mérite est une activité sociale et religieuse importante : "Faites le bien et vous recevrez le bien ; faites le mal et vous recevrez le mal ».
3.1 LES PAGODES : centre religieux et social de la vie des villages
Chaque village a sa pagode, la Thaïlande compte environ 27.000 Wat. Imaginons le nombre de pagodes dans les 20 provinces de l’Isan quand par exemple, la province d’Udon Thani comprend déjà 1682 villages. Que d’images, de sentiments, de réflexions provoqués par la vision de ces différentes architectures, des statuts de Bouddha honorés, la vie paisible de ces monastères , où nous pouvons entendre les prières des moines , voir les fidèles se recueillir, ou tout simplement les bonzes balayer et entretenir les jardins. Parfois, on arrive au milieu de cérémonies, ou, plus curieusement, au milieu de petits restaurants alignés, de petits stands de boissons offertes et d’autres points de vente de produits locaux et d’autres manifestations plus « récréatives » …
On apprend vite que la pagode est aussi le lieu de réunion des villageois, l'aire de jeu des enfants, le centre des soins médicaux, l'hôtel des voyageurs et parfois l'école, l'orphelinat et l'asile du vieillard sans famille…
En effet, nous dit Chart Korbjiti dans son roman « La chute du Fak » :
« La pagode était au centre de la vie du village. Quand un enfant naissait on le portaità la pagode pour que le révérend père lui trouve un nom propice et conforme à sa date de naissance. Quand un fils ou un petit fils était en âge de devenir novice, c’est à la pagode qu’on le faisait ordonner et qu’il venait résider. Bien entendu, quand quelqu’un mourait, c’ est à la pagode qu’on apportait le corps pour l’incinérer. Pour quiconque voulait faire des rencontres, c’est à la pagode qu’il fallait se rendre. C’est à la pagode que le chef du village réunissait les villageois, que les officiels du district venaient établir les cartes d’identité individuelles et les services sanitaires vacciner contre les épidémies. Les vieux allaient à la pagode faire leurs dévotions et les policiers à la poursuite de malfaiteurs s’arrétaient à la pagode pour prendre des renseignements. Individuellement et collectivement, tout le monde dépendait de la pagode. »
On aurait tous des « activités » à rajouter : s’occuper des chiens abandonnés, élever des tigres ! bénir les maisons, les voitures … bref, toute la société se retrouve à un moment ou à un autre associé à la pagode et aux directives ou conseils des moines, à leur intercession avec Bouddha et toutes les divinités particulières de chaque temple, ou tout simplement pour demander un conseil dans la conduite de leur vie.
Centre religieux
Le fidèle se rend au vat quand il le souhaite, mais surtout lors d'un wan pha (littéralement "excellent jour"), qui a lieu à la pleine lune (Les journées de pleine lune, de premier quartier, de nouvelle lune et de dernier quartier, sont des journées sacrées (Uposatha) pour les bouddhistes) ou à la lune rousse, soit tous les quatorze jours.
Nous avons tous assistés à ces offrandes de boutons de lotus, d'encens et de bougies devant divers autels et reliquaires, à ces temps forts où on offre aussi de la nourriture au Sangha du temple (moines, religieuses et résidents laïcs. On écoute les moines chanter des sutras, ou textes bouddhiques, et on assiste parfois à un thêt, ou conversation dhamma d'un abbé.
Les Isans se rendront au temple à tous les moments importants de leur vie et aussi bien sûr et surtout lors des cérémonies officielles dédiées à la vie de Bouddha et ses enseignements et aux fêtes traditionnelles du cru.
On peut par exemple citer :
Les habitants d'Isan célèbrent beaucoup de fêtes traditionnelles, comme le Bun Bungfai (fête des fusées) (Cf. Reportage photos dans le blog de Patrick d'Udon Thani). Ce rite de fertilité, remontant à la période pré-bouddhiste, est célébré dans beaucoup de lieux en Isan et au Laos, mais plus fortement et avec plus d'impact touristique dans la province de Yasothon. D'autres fêtes d'Isan incluent la fête des chandelles d'Ubon Ratchathani qui marque le début du vassa en juillet à Ubon et en d'autres lieux, le festival de la soie à Khon Kaen qui fait la promotion de l'artisanat local, le rassemblement des éléphants de Surin et le bangfai phayanak (boule de feu des Nâgas) de Nong Khai.
3.2 Le calendrier, les cérémonies et les fêtes
Tous les guides vont énumérer ces cérémonies. Prenons par exemple : « Comprendre la Thaïlande », Guides de voyage Ulysse :
La principale cérémonie de la vie d'un homme est son entrée au temple pour une durée de trois mois à deux ans. Ce passage quasi obligatoire permet à l'enfant de gagner des " mérites " pour ses parents et leur assurer une vie meilleure lors de leur prochaine réincarnation. Il permet aussi de payer symboliquement son dû à la société et à la famille. Le jeune ne peut en principe pas se marier avant d'avoir souscrit à cette tradition.
Makha Bucha. Célébrée le jour de la pleine lune du troisième mois lunaire, généralement en février, Makha Bucha commémore l’important sermon que donna le Bouddha à 1 250 de ses disciples à cette date.
Visakha Bucha est l’anniversaire commémorant simultanément la naissance, l’illumination et le décès du Bouddha. Cette fête est célébrée le jour de la pleine lune du sixième mois lunaire, généralement au mois de mai.
Asanha Bucha et la retraite de la saison des pluies, célébrée le jour de la pleine lune du huitième mois lunaire au mois de juillet, commémore le premier sermon du Bouddha au Parc des Cerfs à Bénarès et la fondation de la Sangha. Le lendemain de cette fête marque le début d’une période de retraite de trois mois lunaires pour les moines, la Pansa. Les laïcs célèbrent la première journée de cette période, Wan Kao Pansa, en offrant nourriture, robes et autres objets de première nécessité aux moines et aux monastères. En cette période de l’année, les supermarchés sont remplis de paniers d’offrandes prêts à être donnés, ce qui facilite la tâche des fidèles.
À la fin de la saison des pluies, les Thaïlandais célèbrent un festival dénommé « Kathina », dans lequel ils remettent à nouveau aux moines des robes afin de commémorer la fin de leur retraite.
Jours fériés et autres célébrations
Le calendrier thaïlandais est ponctué de nombreux jours fériés, qui constituent l’unique source de congés pour la plupart des Thaïlandais. La majorité des Isans « immigrés » en profitent pour quitter Bangkok ou les autres villes, pour revenir au village et revoir leur famille (et souvent leurs enfants laissés à la garde des grands parents). Chacune de ces « fêtes » est aussi l’occasion d’une cérémonie au wat.
- Jour de l’an – 1er janvier. Nouvel An chinois – Janvier ou février. Makha Bucha – Février ou mars. Fête de la dynastie Chakri – 6 avril. Nouvel An thaïlandais (Songkran) – 13-15 avril. Fête du Travail – 1er mai. Fête du couronnement du Roi Bhumipol – 5 mai. Cérémonie du Labour Royal – Mai. Visakha Bucha – Mai. Asanha Bucha et Wan Kao Pansa (jours consécutifs) Juillet. Fête de Sa Majesté la Reine et fête des Mères – 12 août. Fête de Chulalongkorn (Rama V), commémorant son décès – 23 octobre. Fête de Sa Majesté le Roi Bhumipol (Rama IX), fête nationale et fête des Pères. - 5 décembre. Fête de la Constitution, la première du pays, promulguée en 1932 -10 décembre.
Nous ne pouvons dans le cadre de ce modeste article reprendre chacune de ces cérémonies et fêtes importantes et en décrire le rituel particulier. De nombreux blogs, en commençant par nos blogs amis en décrivent les moments forts.
Mais, nous l’avons déjà dit, nous restons persuadés que la conscience religieuse quotidienne de la majorité des Isans n’est pas essentiellement compréhensible à travers la doctrine bouddhiste, fut-elle, thérâvada, mais à travers le culte des esprits et la pensée magique, auquel il faudrait rajouter, surtout pour les jeunes générations, le culte « consumériste » …pourtant loin de la philosophie bouddhiste.
Mais quel peuple ou individu ne doit pas vivre au milieu de ses contradictions ?
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Les guides de l’état du monde , « Thaïlande, Histoire, Société, Culture, », par Arnaud Dubus, La découverte, 2011
Vasana Chinvarakorn, « L'ETAT DU BOUDDHISME THERAVADA EN THAILANDE » [ Bulletin EDA n° 397 ] 16/05/2004
[NDLR - A plusieurs reprises ces dernières années, Eglises d'Asie a publié des documents au sujet de ce qui est perçu comme une certaine crise du bouddhisme en Thaïlande (voir, entre autres, les documents parus dans EDA 223 : "Bouddhisme en crise" ; EDA 289 : "Le malaise du bouddhisme thaïlandais" ; EDA 331 : "La crise du bouddhisme en Thaïlande" et "Le bouddhisme en Thaïlande : la robe safran disparaît du tissu moral"). Le Dossier publié en supplément de EDA 347, "Approche du bouddhisme thaï", rédigé par le chercheur Louis Gabaude, permettra à nos lecteurs d'aller plus loin dans l'analyse de cette crise du bouddhisme thaïlandais. Avec l'article ci-dessous, parus à quinze jours d'intervalle dans le magazine Outlook du Bangkok Post, en date des 24 novembre et 8 décembre 2003, nous publions une analyse complémentaire. Rédigée par Vasana Chinvarakorn, elle offre une analyse d'une étude du moine Phra Phaisan Visalo explorant les racines de la crise actuelle du bouddhisme Theravada en Thaïlande. La traduction est de la rédaction du P. Marcel Laouénan, MEP.]<br />, (EDA, Bangkok Post, mai 2004)
Chart Korbjitti, La chute de Fak, seuil. Il a reçu le SEA Write Award pour ce roman .