Le choix du prénom : Une tradition Isan venue de la nuit des temps
C’est une tradition de l’Isan « qui vient de le nuit des temps » et qui est ou serait encore parfois respectée. Le choix du prénom appartient au moine bouddhiste ou à l’astrologue et permet à l’enfant de bénéficier des bienfaits du ciel.
Il obéit à des règles précises :
• Le nom de l’enfant né le dimanche (sous la protection du Garuda)
doit commencer par la consonne อ (il s’agit d’une consonne dite muette, qui n’a donc aucun son sinon celui de la voyelle qui lui est assortie) et contenir l’une des voyelles อะ อา อิ อี อึ อื อุ อู เอ โอ c’est à dire a bref, a long, i bref,i long, u bref, u long, ou bref, ou long, é long et ô long.
• Le nom de l’enfant né le lundi (sous la protection du tigre)
doit commencer par l’une des consonnes ก ข ค ฆ ง c’est à dire k, kh, autre kh, autre kh et ng
• Le nom de l’enfant né le mardi (sous la protection du lion)
doit commencer par l’une des consonnes จ ฉ ช ฌ ญ c’est à dire dj, tch, autre tch, th et y
• Le nom de l’enfant né le mercredi (sous la protection du chien)
doit commencer par l’une des consonnes ฎ ฏ ฐ ฒ ณ c’est à dire d, t, autre th, autre th et n.
• Le nom de l’enfant né le jeudi (sous la protection du serpent) doit commencer par l’une des consonnes ป ผ พ ภ ม c’est à dire p, ph, autre ph, autre ph et m.
• Le nom de l’enfant né le vendredi (sous la protection de l’éléphant)
doit commencer par l’une des consonnes ส ห ศ ฬ c’est à dire s, h, autre s et l.
• Le nom de l’enfant né le samedi (sous la protection de la chèvre)
doit commencer par l’une des consonnes ต ถ ท ธ น c’est à dire t, autre th, autre th, autre th et n.
Un mécanisme routinier ? Que non pas.
Je remarque dans le choix des consonnes imposées de nombreuses consonnes dites « irrégulières ». Qu’est-ce à dire ? Il existe dans les 44 consonnes de l’alphabet une quinzaine de consonnes (en réalité treize) que la grammaire considère comme « irrégulière ». Elles sont toutes là (en rouge). Les deux qui manquent sont actuellement obsolètes. Pourquoi ces consonnes irrégulières ? La raison en est simple, elles viennent en droite ligne du sanscrit via le pali (dont le thaï est un patois) et permettent (pour autant que les thaïs s’intéressent à l’etymologie) de connaître l’origine du mot, tout comme en français par exemple le y ou le w indiquent le plus souvent un mot d’origine anglaise et le th un mot venu du grec ancien.
Si les 13 consonnes sanscrites sont là, je ne pense pas que ce soit un effet du hasard. Il y a une science du symbolisme des lettres de l'alphabet sanscrite, chacune ayant sa propre divinité. La « découverte » du sanscrit par les érudits occidentaux a mis en lumière son génie. Cette méthode indienne rigoureusement scientifique contraste d'une manière éclatante avec l'alphabet romain, anarchique et arbitraire. L'une des plus remarquables réalisations de l'Inde est son extraordinaire alphabet. Les lettres sanscrites ne sont pas les descendantes de pictogrammes ou d'idéogrammes. Elles sont le résultat de dessins schématiques délibérés basés sur les phénomènes védiques bien classifiés. Elles représentent la transcription rationnelle des sons en formes de lettres.
Sa forme actuelle, le Devanagari « écriture de la cité divine », est l'alphabet actuellement utilisé dans l'Inde du Nord pour le sanscrit (Il y aurait encore un milion d’érudits qui le connaissant ?) et l’alphabet thaï est directement issu de cette écriture qui date du troisième millénaire environ avant notre ère.
La symbolique de l’écriture sanscrite a été approfondie par des philosophes français, notamment René Guénon, (Symboles de la Science sacrée, coll. « Tradition », Éditions Gallimard, 1962) et donne malheureusement lieu aussi à une littérature pseudo ésotérique de bas de gamme. Mais les moines ou les sorciers qui choisissent le nom de l’enfant la connaissent-ils encore ? Voilà qui m’étonnerait bien.
Je n’ai aucune connaissance en la matière et ne peut vous donner qu’un petit exemple : les chiffres thaïs dont l’utilisation n’est pas perdue, viennent directement du sanscrit et portent eux aussi leur symbolique, le zéro, ๐ est comme le nôtre mais c’est aussi le néant au sens philosophie du terme. Le 1, ๑ est le début de la spirale de l’infini…
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Extrait d’un ouvrage dont on peut traduire le titre par « Les traditions magiques de l’Isan », sans date ni références ISBN, mais datant apparemment d’une quarantaine d’années.