Notre Isan 16 : Economie en Isan.
Après avoir fait notre enquête sur le passé historique de l’Isan depuis les « dinosaures ! », la préhistoire, les différents empires et royaumes qui l’ont marqué, façonné, vassalisé et finalement annexé au royaume de Thaïlande avec une thaïfication opérée par un nationalisme militant. Après avoir relaté comment l’Isan a fait son entrée dans le monde moderne avec et après l’installation des bases US, il est nécessaire de chercher à comprendre sa place et son rôle économiques. Chacun a déjà sa petite idée : région pauvre d’agriculture, mais dans quelle mesure, région des « rouges », mais pourquoi ? région « pourvoyeuse » de filles tarifées, mais dans quelle mesure ? (traité dans notre prochain article).
Il n’est pas inutile de rappeler les principales composantes de l’économie thaïlandaise, ne serait-ce que pour situer ensuite les principales caractéristiques économiques de l’Isan .
L'économie de la Thaïlande est une économie de pays émergent, fortement dépendante de ses exportations qui représentent plus des deux tiers du PIB, qui est, en PPA, de 627 milliards de $. Le redressement de la Thaïlande depuis la crise économique asiatique de 1997, s'expriment notamment par une spécialisation dans certains secteurs exportateurs comme la construction automobile, l'industrie agroalimentaire, l'électronique ou qui permettent de faire rentrer d'importantes quantités de devises comme le tourisme et ce bien que la majorité de la population active de la Thaïlande travaille encore dans l'agriculture. On peut envier sa croissance qui tourne autour de 7/8 %.
La population active la Thaïlande a donc été estimée à 36,9 millions en 2007, située à 59 % dans l'agriculture, à 37 % dans les services, et à 14 % dans l'industrie. En 2005, les femmes représentaient 48 % de la population active. Moins de 4 % de la population active est syndiquée, mais elle l'est à 11 % dans l'industrie et 50 % dans les entreprises publiques.
« La Thaïlande est un grand pays agricole.
L'agriculture est donc le principal secteur économique de la Thaïlande employant 59 % de la population active, et contribuant à 8,4 % du PIB en 2008 contre 18 % entre 1980 et 1986. Elle vient au premier rang mondial pour la production de riz et de caoutchouc naturel, pour lesquels elle est aussi le premier exportateur. La production d'ananas occupe également le premier rang mondial, et l'on trouve dans les cinq premières places, le manioc, l'huile de palme, la canne à sucre et les mangues. S'y ajoutent le maïs, le coton, le café, le jute et la soie. L'agriculture, dominée par les petites et moyennes exploitations, est majoritairement extensive. » (Larousse)
Mais le riz ne représente plus que 20 % des cultures, pêche/aquaculture 23%, élevage 19% ( poulet, porcins), les fruits et légumes 17%, culture de rente 21% (orchidées 2%, hévéa (850 000 petits planteurs), canne à sucre (bp en Isan) , manioc , maïs, palmier à huile, cocotiers …).8 produits constituent 2/3 des exportations agro-alimentaires (sucre 6%, manioc 2%, poulet 4%, crevettes 11%, ananas 2 % , Riz 12 %, Hévéa 3.5 %, thon 5% ) .
« Ce développement agricole a eu pour revers une diminution excessive de la forêt (55 % du territoire en 1965, 26 % en 1995) ainsi qu'une érosion et un appauvrissement croissant des sols ; ainsi, d'exportatrice, la Thaïlande est devenue importatrice de bois. […] Les inégalités se sont accrues dans le monde agricole et le nombre de paysans sans terre travaillant comme journaliers a augmenté ; la réforme agraire de 1975 n'a pas remédié à cette situation, bien au contraire » (Larousse).
La pêche est très développée : poissons, mollusques et crustacés sont la principale source de protéines des Thaïlandais. Le développement d'une flotte moderne a provoqué la surexploitation des zones de pêche tandis que l'aquaculture s'est installée, alimentant une industrie de transformation (conserves et surgelés), exportatrice.
Industries
Alors que la part de l'agriculture dans le produit intérieur brut diminuait, celle de l'industrie a rapidement augmenté : en 2009, elle représente 44 % du PIB et emploie 20 % de la population active, en raison notamment des industries manufacturières d'exportation, notamment dans l'industrie agroalimentaire, l'industrie textile et l'électronique. Ensuite vient la construction automobile, la production de ciment, de cigarettes ainsi que divers produits chimiques et pétroliers. En 2004, la production automobile a ainsi atteint 930 000 unités, soit deux fois plus qu'en 2001.
Les ressources minières sont essentiellement l'étain (Sud-Ouest), le gypse, la potasse, le zinc, le tungstène et les pierres précieuses (industrie de la taille). Pauvre en énergie, la Thaïlande utilise ses réserves de lignite (centrale électrique de Mae Moh, dans le Nord), mais la découverte de pétrole et, surtout, de gaz naturel dans le golfe de Thaïlande, exploité à partir des années 1980, lui a permis de réduire quelque peu sa dépendance énergétique. Toutefois, l'industrialisation fait augmenter régulièrement sa consommation d'électricité.
Services.
En 2007, le secteur tertiaire a contribué 44,7 % du PIB et emploie 37 % de la population active.
Tourisme.
Le secteur du tourisme représenterait près de 6 % du PIB, un taux très élevé par rapport aux autres pays de l'Asie du Sud Est. En 2001, le pays connait un trafic touristique de l'ordre de 10,1 millions de visiteurs qui augmente en 2002 de 7,3 %, à 10,9 millions et env. 15 millions en 2010.
Mais l’Isan ?
Région Revenus en 2000 Revenus en 2001
Bangkok 234 398 239 207
Bangkok et alentours 208 631 213 565
Région Centre 75 075 78 588
Région Nord-Est 26 755 27 381
Région Nord 39 402 40 352
Région Ouest 59 021 63 937
Région Est 166 916 175 292
Région Sud 53 966 54 176
Pays tout entier 78 783 81 435
Tableau n°1 : revenus des régions (en millions de baht)
Source : Anonyme 2547
Nous venons de voir que la Thaïlande est un pays émergent, avec une forte croissance et de bons résultats économiques. Mais si la pauvreté absolue a reculé dans les statistiques nationales, les contrastes régionaux sont frappants, le Nord-Est et le Nord restant les régions les plus pauvres.
L'Isan est la région la plus pauvre de la Thaïlande : en 2002, le salaire moyen était le plus bas du pays, à 3928 baht par mois (env. 90 euros) (moyenne nationale de 6445). La pauvreté de la région transparaît aussi dans ses infrastructures : huit des dix provinces ayant le moins de médecins per capita sont en Isan (Si Saket a le plus faible ratio, un par 14 661 en 2001, contre une moyenne nationale de 3289). L'Isan a aussi huit des dix provinces ayant le moins de lits d'hôpitaux per capita (Chaiyaphum a le plus bas ratio, un par 1131 en 2001 ; moyenne nationale de 453). La région est en retard dans les nouvelles technologies : il n'y avait qu'une connexion Internet par 75 ménages en 2002 (moyenne nationale d'une par 22 ménages). Mais depuis j’imagine que les connexions ont fortement progressé.
L'agriculture est le principal secteur de l'économie, générant environ 22 % du produit régional brut (comparé à 8,5 % pour l'ensemble de la Thaïlande). Le riz est la culture principale (comptant pour environ 60 % des terres cultivées), mais une diversification s'opère vers le manioc, le maïs, le coton, la canne à sucre et d'autres cultures. Beaucoup de fermiers utilisent encore le buffle plutôt que le tracteur. Les principaux animaux d'élevage sont les bœufs, les porcs, les poulets, les canards et les poissons.
Malgré son importance dans l'économie, l'agriculture de la région est très problématique. Le climat est porté à la sécheresse, alors que le terrain plat du plateau est souvent inondé durant la saison des pluies. La propension aux inondations rend une grande partie des terres impropres à l'agriculture. De plus, le sol est très acide, salin et rendu infertile par épuisement. La déforestation accélérée de ces trente dernières années n'a rien arrangé : en 1970, la forêt tropicale couvrait 60 % de la région, elle n'en occupe plus que 10 % : «Une détérioration très sérieuse de notre écosystème», selon Nipon Tangtham, un spécialiste de la gestion des bassins versants.
Devant ces difficultés, les agriculteurs font preuve d'une étonnante faculté. Beaucoup ont abandonné le riz pour se tourner vers des légumineuses à cycle court, par exemple le soja, qui nécessite beaucoup moins d'eau qu'un second cycle de riz.
Le gouvernement lance aussi des programmes comme le développement de l’hévéaculture par exemple dans le Nord et le Nord-Est, en estimant que cette culture à forte rentabilité potentielle peut être un facteur de développement de ces zones rurales défavorisées. Mais ils sont toujours insuffisants et ne créent pas de pôle économique de développement.
Autres secteurs économiques ? Industries ? services ?
Nous avons vu que l’agriculture ne génererait que 22 % de l’économie régionale et pourtant nous n’avons pas encore trouvé une étude sectorielle de l’économie de l’Isan.
Certes, chacun pourrait citer le secteur public, avec ses services, son administration , sa police, ses universités et ses écoles, ses hôpitaux et dispensaires, ses postes, ses services d’eau et d’électricité…Dans chaque ville et villages , chacun pourrait évoquer ses grands et petits magasins, ses grands et petits marchés, ses échoppes, ses restaurants, ses petites cliniques, ses garages, ses hôtels et multiples guesthouse, ses programmes de construction qui sont en train de changer le paysage de l’Isan, ses petites entreprises qu’on voit le long des routes…
Pourquoi ces données économiques sont si peu accessibles ? Pourquoi ce désintérêt ? N’est-ce pas une autre forme de pauvreté ? une « volonté » politique qui empêche ou freine toute prise de conscience. Et l’Isan se compose de 31% des habitants de la Thaïlande. On dit que la terre d’Isan est la terre des « rouges ». N’y aurait-il pas là une cause à effet ? Mais si depuis la victoire de Thaksin aux élections, beaucoup ont estimé que les choses peuvent bouger, s’améliorer, on sait aussi qu’il va falloir lutter, s’engager. Les « événements » d’avril et de mai 2010 de Bangkok sont dans toutes les têtes. Les manifestations, les émissions de télévision se multiplient. La répression des opposants aussi.
La prise de conscience croissante de la pauvreté par les jeunes générations d’agriculteurs, intervient surtout, avec la baisse du nombre d’exploitation et l’intégration croissante de la production dans les marchés mondiaux. Ils n’acceptent plus les inégalités régionales relevées par tous les observateurs (par exemple Parnwell et Arghiros, 1996). Le revenu moyen à Bangkok est égal à trois fois celui du Nord-Est, et à près de 5 fois le revenu moyen en milieu rural dans cette même région.
D'autres ouvrent des petites échoppes ou partent à Bangkok travailler pendant les longs mois de la saison sèche où ils occupent beaucoup des emplois les moins considérés et les moins payés. Plusieurs se sont établis de façon permanente dans la capitale tandis que d'autres migrent au gré des saisons. Et il ne faut pas oublier le rôle « économique » des filles d’Isan allant chercher « fortune » auprès des farangs dans les stations touristiques..
« La pauvreté en Thaïlande n’est plus un phénomène exclusivement rural. La moitié des pauvres actuellement sont en milieu urbain (ADB, 2005) et les pauvres en milieu rural ne sont pas tous agriculteurs. La faible hausse des salaires minima depuis quinze ans a ramené les travailleurs non qualifiés de l’industrie à un niveau de revenu que de nombreux observateurs estiment être des niveaux de pauvreté (Bent, 2002 ; Jitsuchon, 2001). »
Avec l’urbanisation et l’industrialisation, la question de la pauvreté s’est déplacée progressivement. Elle devient de plus en plus liée au statut d’ouvrier ou d’employé des industries et services, modernes et informels. Maintenant à tout prix une main-d'œuvre à bon marché pour rester compétitives sur le marché mondial, les entreprises thaïlandaises (ou étrangères en Thaïlande) ont, pour la plupart, continué sur le modèle à l’origine de la croissance dans les années 1970 : main-d'œuvre abondante, bon marché, faiblement qualifiée et docile. L’ouverture sur le marché mondial n’a pas changé fondamentalement ces bases.
Là aussi, il serait intéressant de connaître la réalité de ces « nouveaux pauvres », ces agriculteurs qui émigrent dans les villes d’Isan , et qui perdent la richesse sociale et les saveurs du village , dont le blog de Jeff nous donne le goût ( http://isan-farang.eklablog.com/).
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N’hésiter pas à nous communiquer vos données , si vous en disposez. MERCI