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  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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2 mars 2024 6 02 /03 /mars /2024 02:41

 

Le drapeau thaï, drapeau national ou drapeau tricolore, nous le voyons flotter au vent en façade de tous les bâtiments officiels, sa présence y est une obligation (inconnue en France mais une simple recommandation). Nous le voyons encore flotter au haut du grand mat dans les cours des écoles publiques, les bureaux de police ou les casernes militaires. La lever des couleurs à 8 heures et leur baisser à 18 heures est une cérémonie rituelle au quotidien. Les particuliers sont encore nombreux qui l’arborent à l’entrée de leur domicile.

 

 

Voulu par le roi Rama VI e 1910,  il remplaça le drapeau officiel d’alors, le drapeau rouge à l’éléphant blanc, par le drapeau aux trois couleurs qui  portaient encore à l’époque l’éléphant blanc.

 

 

C’est derrière lui que défilèrent les troupes siamoises lors du défilé de la victoire le 14 juillet 1919 bien que leur participation n’y eut guère été que symbolique.

 

 

Les trois couleurs symbolisent selon l’ordre royal, le bleu, le roi, le blanc la religion bouddhiste et le rouge, le sang versé pour la défense du pays. Il n’y a aucune autre interprétation possible quel que soit ce que vous pourrez lire ou entendre.  Il peut aussi s’appeler ‘drapeau tricolore » ธงไตรรงค์ Il fit l’objet depuis 1910 de plusieurs textes de loi, 1917, 1936, 1938, 1940, 1942 et en son dernier état, 1979. Il ne s’agissait pas de modifications fondamentales mais de la disparition progressive de l’éléphant blanc. La raison en est d’ailleurs simple, la confection d’un drapeau à simplement trois couleurs est de confection beaucoup plus facile donc moins couteuse qu’un pavillon portant un dessin dont les normes sont rigoureuses. Ce texte a été publié dans la « Gazette royale » du 22 avril 1979 sous le titre « Loi sur le drapeau » (พระราชบัญญัติธง). Il fut complété en 1986 par l’équivalent de ce que nous appelons un « décret d’application » qui définit les conditions dans lesquelles la loi doit être appliquée. La loi a été voulue par feu le regretté roi Rama IX et soumis à l’approbation du parlement.

 

Elle comporte la description de tous les drapeaux – en dehors du drapeau national qui vient évidemment en tête  de tous ceux que peuvent arborer les membres de la famille royale, le prince héritier, le régent, les autorités civiles judiciaires et administratives ou politiques et militaires, une vingtaine au total en 56 articles. A l’inverse des précédentes décisions législatives, le texte est agrémenté d’illustrations en couleur ce qui en rend, il faut bien le dire et en dehors de l’obstacle linguistique la compulsation plus agréable que celle du très austère « journal officiel de la république française » !

 

 

Les articles 46 et 47 affirment le principe que seuls les drapeaux précédemment visés peuvent être utilisés mais donne les très strictes conditions dans lesquelles les drapeaux étrangers peuvent être arborés ;

 

Ces dispositions n’existaient pas dans les textes antérieurs mais peut s’expliquer à la fois par le contexte international de l’époque et de l’afflux d’Occidentaux qui commençaient à déferler sur le pays et à manifester une propension plus ou moins (mal)saine à afficher ouvertement leur extranéité en hissant leur drapeau en public ?

Le dixième chapitre comprend, depuis l’article 48 jusqu’à l’antépénultième 54, les peines qui punissent ceux  qui enfreignent la Loi, elles sont, nous le verrons, lourdes.

Les deux derniers articles contiennent des dispositions transitoires.

La Loi rappelle en préambule que le drapeau est le symbole de la nation.

Ne citons que trois des  drapeaux de la liste des seuls drapeaux que l’on peut arborer dans le pays.

 

Le premier qui vient est le drapeau tricolore dont la composition ne comporte pas de fantaisie :

 

 

Le drapeau national est de forme rectangulaire, composé de 6 parties de largeur et 9 parties de longueur. La largeur est divisée en 5 bandes, au milieu se trouve une bande bleu foncé, large de 2 parties, , des deux côtés est une bande blanche d'une partie de large de chaque côté de la bande bleue/  Des deux côtés de la bande blanche se trouve une bande rouge d'une partie de large de chaque côté.

 

 

Il est immédiatement suivi, est-ce une préséance ? par celui de la marine royale qui est le seul et le dernier à porter encore l’éléphant blanc, sa description est tout aussi précise : Le drapeau de la marine royale présente les mêmes caractéristiques que le drapeau national mais au milieu du drapeau se trouve  un cercle rouge, dont Le diamètre représente 4/6 parties de la largeur du drapeau, le bord du cercle touchant le bord de la bande rouge du drapeau, à l'intérieur du cercle se présente l'image d'un éléphant blanc debout sur un piédestal face au mât ou à la hampe  du drapeau.

 

 

Il est suivi par le drapeau personnel du roi : Il  est de forme carrée et sur le fond jaune se trouve un Garuda rouge au centre.

 


 

Vous verrez le plus souvent le drapeau national tricolore accompagnant le drapeau jaune du roi.

 

 

LES DRAPEAUX ETRANGERS

 

L’article 46 ne prête à aucune équivoque : Seuls peuvent être arborés le drapeau national, celui de la marine royale, du roi, de la reine, des membres de la famille royale  et des autorisée susvisées. Sont autorisés les drapeaux des chefs d’Etat, des chefs de gouvernement, des chefs de missions diplomatiques, les drapeaux consulaires, des organisations internationales dont le pays est membre et tout autre ayant reçu l’autorisation du premier ministre. 

En cette hypothèse, arborer ces drapeaux étrangers ne peut s’effectuer que dans les endroits suivants :

(1) Leur lieu de résidence ou leur véhicule pour un roi, une reine, l'héritier du trône, le chef de l'État ou les représentants ou chefs de gouvernement à l'occasion d'une visite en Thaïlande

(2) Le siège de la mission diplomatique ou consulaire, celui d’une organisation internationale y compris celui des agences de ces organisations.

(3) Lieu de résidence ou le véhicule du chef d'une mission diplomatique, du  chef d’un bureau consulaire  ou chef de bureau d'une organisation internationale ainsi que les chefs des départements de l'organisation.

(4) Les navires ou aéronefs de pays étrangers ou ceux d'organisations internationales.

(5) Tous autres lieux autorisés par le Premier ministre.

L’article 47 précise que ces dispositions restrictives ne s’appliquent pas à l’intérieur des bâtiments susvisés.

 

 

Le décret de 1986 ajoute quelques précisions à l’occasion de manifestations sportives  lorsque le drapeau est placé avec plusieurs autres, il doit être placé au centre et lorsqu’il est placé aux côtés d’un seul drapeau étranger, il doit l’être à droite étant précisé que le  « côté droit » désigne le côté droit vu de l'intérieur ou de l'endroit où le drapeau est utilisé pour être hissé ou exposé. Ainsi par exemple, lorsqu’un particulier arbore à la fois le drapeau national et celui du roi, ce que l’on voit souvent, vu de l’extérieur, le drapeau national est à notre gauche

 

Ce décret concerne « le lever ou l'affichage du drapeau national et drapeaux des pays étrangers au Royaume » La définition des drapeaux étrangers ne change pas par rapport à celle de la Loi. Il distingue entre

 

Le « lever » c’est-à-dire « Lever le drapeau » signifie hisser le drapeau au sommet du mât selon ou l'occasion qu’il va préciser et l’affichage ce qui se passe de définition selon moi. Il donne, nous l’avons vu, la définition qui a son importante, du  « Côté droit » ;

 

Un préambule, judicieux rappel, a son importance «  Le drapeau national est le drapeau qui représente le pays thaï ou la nation thaïe. Traitez le drapeau avec respect. Ne lui manquez pas de respect et ne portez pas atteinte à la dignité du pays ou de la nation ». Le drapeau qui doit être hissé ou arboré doit être en bon état, non déchiré et les couleurs ne doivent pas être passées.

 

La hauteur et la taille du mât est à la discrétion du responsable des lieux en fonction de l’élégance des lieux. La levée du drapeau doit s'effectuer de la manière suivante : La personne chargée de le hisser doit être vêtue  proprement ; Lorsque le moment du lever approche, le drapeau doit être attaché au fil à droite du leveur. Lorsque l’heure est atteinte, le drapeau doit être déployé  complètement et le leveur doit alors tirer sur la ficelle pour faire monter le drapeau lentement et uniformément jusqu’au sommet du mât et ensuite attacher la corde de manière à ce qu'elle soit bien tendue afin que le drapeau ne descende pas. De même façon pour la descente, elle doit s’effectuer lentement et uniformément. Lorsqu’un chant d’accompagnement est joué, le drapeau, le drapeau doit être hissé ou abaissé jusqu'à la fin du chant. Des consignes tout aussi détaillées sont données pour la mise en berne jusqu’aux deux tiers de la hauteur.

 

 

Les jours ou le drapeau doit être hissé pendant une journée sont le jour de l’an et celui de Songran, les jours de fêtes bouddhistes, le jour de la dynastie Chakri, le jour de la constitution, l’anniversaire de la Reine et trois jours pour l’anniversaire du Roi. Ces jours-là, le drapeau doit être traité avec un respect tout particulier. Le lever s’effectue sauf tradition contraire à hit heures et le baisser à 18 heures.

 

En présence d’autres drapeaux, le drapeau national ne doit pas être placé à un niveau inférieur aux autres drapeaux et normalement le drapeau national doit être disposé au premier mât, côté droit et les autres à gauche. Sa taille ne doit pas être inférieure à cette des autres drapeaux.

 

L’utilisation du drapeau pour recouvrir le cercueil avant la crémation lors des cérémonies funéraires, est strictement réservée à quelques hautes personnalités, ou à des personnes décédées dans l’exercice de leurs fonctions, la décision appartenant au Gouverneur de la Province. Avant la crémation, le drapeau  doit être soigneusement plié sans qu'aucune partie ne touche le sol.

 

Le respect dû au drapeau.

 

Lorsque le drapeau  est hissé et abaissé, lors de diverses cérémonies, il importe de  faites preuve de respect en se tenant droit et en faisant face au mât

 

Les sanctions

 

Toutes des dispositions ne sont pas de simples obligations de convenance et leur violation entraine des sanctions sévères

 

Quiconque enfreint les dispositions générales de la loi sera puni d'une peine d'emprisonnement n'excédant pas deux ans ou une amende n'excédant pas quatre mille bahts, ou les deux

 

Quiconque enfreint les dispositions relatives aux drapeaux étrangers  puni d'une peine d'emprisonnement n'excédant pas un an ou une amende ne dépassant pas deux mille bahts, ou les deux

 

Quiconque utilise, hisse ou affiche un drapeau étranger est passible d'une peine d'emprisonnement n'excédant pas un mois ou une amende ne dépassant pas mille bahts ou les deux

 

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13 janvier 2024 6 13 /01 /janvier /2024 16:27

 

Nous avons dans un article précédent parlé des cinq œuvres majeures de la littérature que le grand érudit que fut Phraya Anuman Ratchathon cite comme étant à l’origine de la culture thaïe. Il cite donc « l’histoire des trois royaumes » qui est pourtant considéré un monument de la littérature chinoise.

 

 

Pourquoi la Chine ?

 

Les raisons en sont nombreuses :

 

Les Chinois sont omni présents dans le pays depuis l’époque d’Ayutthaya, nous en avons parlé à suffisance. Il est difficile de chiffrer la part de la population qui a du sang chinois dans les veines, 20 % peut-être ? Il coule du sang chinois jusque dans celles de tous les membres de la famille royale et de toutes les familles influentes du pays. N’y revenons pas. Ratchathon s’étend d’ailleurs longuement sur les origines probablement chinoises des premières populations ayant peuplé le Siam il y a de millénaires.

 

 

Plus ponctuellement, le grand roi Taksin qui libéra le Siam du joug birman était un sang mêlé, d’un père chinois et d’une mère siamoise.

 

 

Ratchathon enfin était lui-même d’une totale origine chinoise : Né en 1888 dans la région d’Ayutthaya, son père se dénommait simplement « Li » (หลี) et sa mère « Hia » (เฮียะ), des prénoms d’origine chinoise. Lui-même à la naissance était Li Kuang Yong (หลีกวงหยง), Lorsque fut imposée aux habitants l’utilisation d’un nom, de famille à adjoindre à leur prénom, ils reçurent celui de Sathirakoset (เสฐียรโกเศศ). Plus tard, le 2 mai 1942, il reçut la permission royale d'utiliser son titre de Praya Anuman Rachathon (พระยาอนุมานราชธน)  comme nom de famille.

 

 

L’histoire des trois royaumes (สามก๊ก)

 

 

Elle est une œuvre essentielle de la littérature chinoise écrite au XIVe siècle (1522) par Luo Guanzhong et représente une histoire de la Chine connue de tous les Chinois et évidemment de ceux de la communauté chinoise au Siam. Elle a été traduite et compilée pour la première fois en thaï par Chao Phraya Phra Khlang (เจ้าพระยาพระคลัง) sous le règne du roi Rama Ier en 1802.  Chao Phraya Phra Khlang  était lui-même d’origine chinoise et compagnon du roi Taksin.

 

 

Celui-ci qui fut un grand stratège a connu ces leçons de stratégie. Le texte fut imprimé pour la première fois en 1865 par le missionnaire Bradley, créateur de l’une des premières imprimeries ayant créé des fontes thaïes. Il fut depuis lors de nombreuses fois réédité souvent sous version abrégée. La version originale comprend en effet 102 chapitres qui contiendraient 800.00 mots ? Elle est celle d’une guerre qui déchira la Chine à partir de l’an 763 de notre ère. Le pays était dans un total chaos, divisé en trois royaumes, des guerres qui durèrent 100 ans.

 

Cet œuvre fut et est considérée comme un monument de la littérature mondiale mais dans le seul minuscule cénacle des érudits à l’époque à laquelle Rachathon écrit dans la dernière moitié du siècle dernier mais probablement répandue par tradition orale dans la communauté chinoise.

 

Elle ne fut connue en France qu’en 1845 par la publication au moins partielle qu’en fit Théodore Pavie, ami de Victor Hugo et de Sainte-Beuve sous le titre « HISTOIRE DES TROIS ROYAUMES - ROMAN HISTORIQUE  TRADUIT SUR LES TEXTES CHINOIS ET MANDCHOU DE LA BIBLIOTHÈQUE ROYALE ».

 

 

Cet érudit polyglotte avait en effet étudié les deux exemplaires présentement à la Bibliothèque nationale, où ils sont d’ailleurs numérisés sur le site de la BN mais pas son texte qui l’est toutefois sur le site où il me fut accessible 

https://fr.wikisource.org/wiki/Histoire_des_Trois_Royaumes/Texte_entier

 

 

Il permet toutefois d’avoir un bon aperçu de ce texte-fleuve.et sa connaissnce à la fois du langage mandchou et du tartare, ce qui n’est pas donné au commun des mortels, en fait assurément la première version érudite accessible en France. Les explications qu’il nous donne expliquent à suffisance et à posteriori que ce roman historique fut – parait-il – le livre de chevet de Mao Tsé Tung,  je ne donne qu’une citation « La Chine offre le type le plus remarquable de ces empires, pour ainsi dire indestructibles, à peine modifiés par le temps et marchant à pas comptés dans la voie qui leur a été tracée. Deux fois conquise, elle absorba deux fois les conquérants parce qu’elle conservait sur eux la supériorité intellectuelle et morale, fruit de son antique civilisation ; loin d’être anéantie par l’invasion, elle parut emprunter une force nouvelle à une race plus robuste, venue du nord, comme pour la régénérer en ses jours de décadence et d’affaiblissement ».

 

 

Ni toutefois Théodore Pavie, ni Rachatthon ne purent imaginer que Mao Tsé Tung à son tour, même si ce fut au  prix de probablement 100 millions de morts, allait faire de son pays l’une des plus grandes puissances mondiales et peut-être la plus grande dans les décennies à venir.

 

 

LES FILMS TIRÉS DU ROMAN HISTORIQUE

 

 

Nous les devons aux Chinois, plusieurs versions à partir de 1994 firent connaître cette œuvre au monde entier et la firent en Thaïlande sortir du cadre d’une culture érudite pour entre de plein pied dans la culture populaire, ce que Ratchathon ne pouvait prévoir. La version d’origine, soit doublée en thaï soit sous-titrée, est accessible sans la moindre difficulté sur Youtube auxquels pratiquement tous les Thaïs ont aujourd’hui accès.. Editions « pirates » probablement » ? Nous savons que les Thaïs ne respectent pas le « copy right » comme une relique de Bouddha. Cette version dure presque trois heures et demi. Il y a mieux, les Chinois en ont fait en 2000 un feuilleton à épisodes dont la longueur correspond à tout le moins à celle du texte d’origine. C’est un record jamais atteint, même à Hollywood puisqu’il contient 95 épisodes chacun de plus de 40 minutes soit un spectacle d’environ 70 heures, de quoi occuper les longues soirées de la saison des pluies. Il en est toujours sur Youtube une version sous-titrée en thaï.

 

 

Naturellement, ce succès cinématographique a donné lieu à de multiples variations, bandes dessinées,

 

 

bandes vidéos et jeux de guerre,

 

 

le tout comme toujours accessible sur Internet.

Au dire des spécialistes ou experts souvent autoproclamés, ces fils à grand spectacle trahissent l’esprit du roman d’origine. La belle affaire ! Les reconstitutions des multiples batailles de cette guerre de cent ans sont impressionnantes, batailles terrestres ou batailles navales, c’est ce que j’en ai déjà retiré d’une vision en diagonale des épisodes du feuilleton.

Du roman d’origine, je n’ai parcouru que la version de Pavie dont l’introduction donne déjà une bonne vision puisqu’il n’a pas eu le loisir de terminer une traduction intégrale.

C’est tout d’abord l’histoire du déclin d’en empire miné par les querelles de palais et les rebellions sporadiques. Il y a de sombres traitres et des hommes de valeur, courageux, ayant à la fois le sens de la grandeur du pays et celui de l’amitié même s’ils sont souvent d’une impitoyable cruautém qui veulent rendre au pays sa grandeur d’origine. C’est aussi la description détaillée de l’art de la guerre : guerres de siège ave utilisation des machines et des « bouche à feu », travaux de sape et de contre-sape, art de fortifier une place et de la défendre, conduite des batailles rangées et des batailles navales. L’élément surnaturel n’est pas étranger évidemment, ce sont les dieux qui donnent le bon vent aux navires de guerre ou dont l’intervention noie les armées ennemis dans la pluie et dans la boue. Un tel sujet se prêtait évidemment à des films à grands spectacle bien que les caractères des hommes y soient moins spectaculairement marquées que dans l’écrit.

 

Nous devons à Phraya Anuman Rachathon cette vaste compilation réunie par ses admirateurs intitulée » « Essays on thai folklore » et publiée en 1988 mais sur des articles publiés dans le Journal de la Siam Society  partir de 1951. Il s’agit en réalité du titre mal choisi d’un essai sur les origines de la culture thaïe.

 

Il nous donne ce qu’il considère comme les œuvres littéraires les plus importantes aux origines de cette culture, c’est un choix évidemment, limité à cinq titres. Cette liste n’est pas chronologique mais probablement le fruit d‘un choix hiérarchique. Nous nous sommes penchés touà à tour sur cette littérature.

 

La romance de Khun Chang et de Khun Yang n’est ni une littérature de la Cour ni bouddhiste. C’est tout simplement une histoire d’amour populaire qui ne se déroule ni dans un palais ni dans un temple. Elle est assurément de très ancienne d’origine locale.

 

Le Ramakian se situe dans un tout autre registre, une mise en forme largement modifiée et complétée, une histoire venue des Indes probablement depuis des millénaires.

 

La romance d’Inao, également mise en forme et transformée est venue de Java.

 

Nous venons de parler de l’histoire des trois royaumes, une gigantesque fresque historique venue de Chine

 

Phra Aphaimani est la mise en forme d’une très ancienne littérature de Cour d’origine locale.

 

Ce choix doit rappeler aux Thaïs que leur culture se situe en Asie et ne trouve ses origines ni dans le Coca cola ni dans les 7/11. Le succès fulgurant de l’histoire des trois royaumes signifie clairement que beaucoup l’ont compris.

 

Le roman de Théodore Pavie a été réédité en 2018 eu deux volumes

 

 

et le texte chinois par Flamarion en 2017 en 7 volumes

 

 

NOTES

 

A 494 – LA ROMANCE D’INAO ET BUTSABA (ความโรแมนติกของอิเหนากับบุษบา). UNE ŒUVRE DU ROI RAMA II

 

A 67. L'influence de la communauté chinoise en Thaïlande.

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/article-a67-l-influence-de-la-communaute-chinoise-en-thailande-106337871.html

 

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7 janvier 2024 7 07 /01 /janvier /2024 04:39

 

Nous avons rencontré à plusieurs reprises l’immense érudit que fut Phraya Anuman Ratchathon (พระยาอนุมานราชธน); Né en 1898 et mort en 1969, il fut un infatigable contributeur au Journal of the Siam society dans lequel il publié 20 articles en anglais entre 1951 et (post mortem,) et participa activement à la rédaction du fondamental Dictionnaire de l’Académie royale. Pour son 80e anniversaire, ses amis souhaitèrent une réédition de ces articles qui ne  put être publiée qu’en  1988 sous le titre de « Essays on Thai Folklore », un épais volume de 459 pages dont le titre est trop réducteur. Il ne s’agit nullement de « folklore » au sens trop touristique du terme mais d’une contribution à ma culture, la langue, la littérature, les contes populaires, le bouddhisme local, les rites et rituels dont beaucoup sont, du fait de la mondialisation, en voie de perdition même s’ils subsistent encore dans le pays profond, avant que tout cela ne se perde, à Dieu et à Bouddha ne plaise.

 

Il nous donne cinq exemples des origines de ce « folklore » dans la littérature traditionnelle, dont l’essentiel fut perdu lors du sac d’Ayutthaya par les Birmans et 1767 et reconstitué sous le règne Rattanakosin, y compris ses monarques successifs ou des proches de la Cour :

 

 

La romance de Khun Chang et  Khun Phan,

 

Elle est une pathétique histoire d’un amour triangulaire entre une héroïne et ses deux soupirants. C’est une vaste source d’informations sur les anciennes croyances et coutumes siamoises avant l’ouverture à la culture occidentale. Elle a fait l’objet de traductions au moins partielles en français et en anglais (1).

 

 

Le Ramakian (« la gloire de Rama »)

 

 

Elle est l'histoire basée sur la célèbre épopée indienne du Ramayana largement complétée par la contribution du Roi Rama Ier par de  nombreux épisodes et détails introuvables dans l'épopée originale. On en connait de multiples versions, en Inde, en Malaisie, à Java, au Laos et au Cambodge. C’est encore principalement une complexe histoire d’amour entre Rama et la belle Sita. La version royale comprend 127 chapitres écrits en vers mettant en lice sauf erreur 225 personnages, Je ne suis pas certain qu’il en existe une traduction convaincante en anglais ou en français mais la présentation que fait notre ami Mina est fondamentale (2). Si le Ramakian via le Ramayana a un très lointain fondement historique, la conquête du sud des Indes et de Ceylan par les populations aryennes venues du nord, il en est de même l’Iliade d’Homère, une histoire d’amour sur fonds de guerre mais des épisodes qui sont un récit en soi. Il n’est pas exclu qu’Homère ait eu connaissance de l’épopée de Rama ?

 

 

Phra Aphaimani.

 

C'est un conte aussi écrit en vers de l’un des poètes les plus célèbres et les plus populaires du pays. C'est une histoire imaginaire d'amour, d'intrigues et d'aventures, qui reflète quelques idées du peuple envers les Européens au siècle dernier. Il existe une traduction anglaise partielle et concise. L'emploi de la prose dans la littérature émotionnelle thaïe est de date récente en raison évidemment de l'influence de la littérature occidentale et de la difficulté de traduire la versification thaïe qui n’a rien à voir avec la nôtre (3).

 

 

La romance d’Inao

 

C’est une romance qui serait venue de Java ou de Pattani qui a été reprise et mise en forme poétique par le roi Rama II reprenant une version écite par son père. Ce conte serait arrivé au Siam à la fin de la période d'Ayutthaya. L'auteur initial en serait la princesse Chaophaa Mongkut (เจ้าฟ้ามงกุฏ), fille du roi Borommakot (บรมโกศ) et de la reine Indasuchathevi (อินทสุชาเทวี) ou Chaophaa Sangwan (เจ้าฟ้าสังวาลย์).  Son texte s’est perdu lors du sac d’Ayutthaya en 1767. Il fait l’objet de multiples reprises simplifiées, mise en musique ou en ballets et de nombreuses éditions populaires illustrées. Essayons de vous en donner un aperçu :

 

 

Le prince Kamangkuning (ท้าวกะหมังกุหนิง) et Pramai Suri (ประไหมสุหรี) avaient un fils nommé Viyasakam (วิหยาสะกำ).

 

 

Celui-ci partit un jour se promener dans la forêt. Un ascète aux pouvoirs magiques, Patarakahala (ปะตาระกาหลา) se transforma en cerf d’or (กวางทอง)

 

 

 

pour l’attirer vers un banian où il avait caché une image de la princesse Butsaba (บุษบา).

 

 

Lorsque Wiyasakam la vit, il en tomba follement amoureux. Butsaba était en réalité princesse fille du prince Daha (ท้าวดาหา)

 

 

et fiancée au monstrueux Charaka (จรกา).

 

 

Par amour pour son fils, le prince Kamankuning envoya un messager pour demander au prince Daha la main de Butsaba pour son fils. Celui-ci refusa et le prince Kamangkuning leva alors une armée pour envahir le pays de Daha et s'emparer de Butsaba.

 

 

Lorsque le prince Kurepan (ท้าวกุเรปัน), père de Charaka l’apprit, il prit contact avec Inao (อิเหนา) seigneur de la ville de Manya (เมืองหมันหย) dans le pays de Chinthara (เมืองจินตหรา) pour lui demander de l’aide. Inao obéit aux ordres de son père et leva une armée avec l’aide de Karatapati (กะหรัดตะปาตี), un demi-frère. Le prince Daha croyait en la victoire mais Inao refusa la main de Bitsaba car il était déjà fiancé à l’une de ses cousines, Chintara (จินตะหรา) ce qui mit le prince Daha en fureur. Inao se décida alors à la bataille.

Finalement, lorsque le prince Kamanguning atteignit les environs de Daha, il ennuagea la bataille avec l’armée d’Inao. Ce fut Sangkamarata (สังคามาระตา) autre frère d’Inao, qui tua Viyasakam et Inao qui tua le prince Kamanguning avec l’aide de son poignard magique (กริชเทวา). Lorsqu’Inao naquit, il y eu un tremblement de terre et de forte pluies. Alors son grand père Patarakahala (ปะตาระกาหลา) était descend du ciel et lui avait fait don de ce poignard magique.

 

 

La beauté de Butsba fit chavirer le cœur d’Inao. Il tomba amoureux leurs noces furent célébrées.

 

 

Ceci n’est qu’une version très très abrégée….Le conte est d’une toute autre complexité mais comporte des épisodes forts qui peuvent – tout dans le Ramkian – faire l’objet d’un récit ou d’un spectacle chanté ou dansé indépendant. Il ne s’agit pas d’un récit linéaire. La version du Roi Rama Ier représente deux volume de 1000 pages chacun.

 

 

Les trois royaumes

 

C’est un texte historique venu de Chine que Phraya Anuman Ratchathon considère comme l’une des sources littéraires du folklore siamois. Nous en reparlerons plus tard

 

 

Cette littérature où nous voyons des hommes auxquels les dieux ou les créatures célestes confèrent des pouvoirs surnaturels, des dieux ou des créatures célestes qui descendent sur terre et changent de forme physique à volonté, des ermites ou des ascètes qui distribuent des pouvoirs magiques, de l’amour et de la guerre, des nagas et des garudas, est peut-être difficile à comprendre pour nos esprits occidentaux souvent trop cartésiens. Elle est pourtant à l’origine d’une foule de publications, bandes dessinées

 

 

ou roman-photo,

 

 

clips video,

 

 

y compris pour les plus petits….

 

 

Nous sommes au XXIe siècle et cette littérature, loin de se perdre dans les, mémoires, s’y maintient et s’y multiplie.

 

Les Siamois ont en tous cas assimilé avec une remarquable facilité les éléments culturels nés dans les pays voisins. Ainsi par exemple, le roi Rama V a-t-il adapté en 1878 et en vers un conte arabe, probablement un épisode du Conte des Mille et une nuits sous le titre  Lilit Nithra Chakrit (ลิลิตนิทราชาคริต) (4)

 

 

NOTES

 

(1) Voir notre article

A 273 - ขุนช้าง ขุนแผน - UNE OEUVRE MAJEURE DE LA LITTÉRATURE THAÏE : KHUN CHANG - KHUN PHAEN OU L’HISTOIRE DE PHIM, « LA FEMME AUX DEUX CŒURS ».

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2018/09/a-273-khun-chang-khun-phaen-ou-l-histoire-de-phim-la-femme-aux-deux-coeurs.html

 

(2) Voir notre article

A 312- AUX SOURCES DE LA MYTHOLOGIE THAÏLANDAISE : LE RAMAKIAN (รามเกียรติ์)

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2019/04/a-312-aux-sources-de-la-mythologie-thailandaise-le-ramakian.html

 

(3) Voir notre article

A 485 - PHRA APHAI MANI (พระอภัยมณี), CLASSIQUE DE LA LITTÉRATURE THAÏ ET ÉLOGE DE LA NON-VIOLENCE

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2023/07/a-485-phra-aphai-mani-classique-de-la-litterature-thai-et-eloge-de-la-non-violence.html

 

(4) Voir

Gilles Delouche «  Les Mille et Une Nuits au Siam : Le Lilit de la nuit éveillée. Adaptation en vers de The Sleeper Awakened par le roi Chulalongkorn (Rama V, 1868-1910) ». In: Aséanie 29, 2012. pp. 35-53

 

 

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15 octobre 2023 7 15 /10 /octobre /2023 05:31

 

 

S'adresser à une personne en la parant d’un nom d'animal est une pratique dans la culture thaïe semble-t-il beaucoup plus fréquente que dans notre monde occidental. L’interprétation n’en est pas toujours facile dans la mesure où tout est évidement question du contexte dans lequel se situe la conversation. Un jeune universitaire thaï, Suphachai Tawichai. de l’université Silpkorn de Nakhon Pathom s’est livré à une amusante mais très sérieuse étude sur cet usage en interrogeant au premier chef 330 étudiants provenant de onze universités ou établissements d’enseignement supérieur différents (universités Chulalongkorn, Kasetsart, Thammasat, Srinakharinwirot, Ramkhamhaeng, Silpakorn, SuanDusit et Mahidol ; ainsi que les instituts de technologie du roi Mongkut à Ladkrabang, Thonburi et North Bangkok), 330 thaïs choisis au hasard qui durent répondre à un questionnaire détaillé et un dernier groupe de 140 Thaïs avec lesquels il avait eu des conversations personnelles.  Ce sont donc 800 personnes qui expliquèrent les raisons pour lesquelles elles utilisaient des noms d’animaux pour s’adresser à une personne ou parler d’elle (1).

 

 

Nous avons déjà que la langue thaïe est déjà d’une infinie richesse en la matière, beaucoup plus que la nôtre (2)

 

 

Comme si cette richesse de leur suffisait pas, certains ont imaginé d’utiliser l’anglais « she » pour une certaine catégorie de la population au sexe plus ou moins déterminé (3)

 

 

Pour en venir à nos animaux, une observation – à mon avis – s’impose : Nous sommes dans un monde bouddhiste dans lequel la vision des animaux est différente. N’oublions pas que Bouddha lui-même dans ses 547 vies antérieures à sa venue sur terre a connue des dizaines d’existence sous forme d’animal. Par ailleurs la croyance en la réincarnation veut que nous puissions connaître une autre existence post mortem sous une forme animale en fonction des mérites acquis dans notre vie présente.

 

 

DES PARTICULARITÉS PHYSIQUES OU MORALES

 

Le lézard

 

 

เหี้ย, ล้างจานหรือยัง

Lézard, as-tu fait la vaisselle ?

L’allusion est évidente au lézard qui se prélasse au soleil. En français, nous parlerions plus volontiers de couleuvre

 

 

L’utilisation de ce nom d’animal a posé quelques difficultés à notre  universitaire qui ajoute quelques exemples :

 

เหี้ย, มึงมาไม่เห็นบอกกูวะจะได้ขับรถไปรับ

Lézard, pourquoi ne m'as-tu pas dit que tu venais ? Je serais venu te chercher.

 

 

 

อิเหี้ย, กูว่าแล้วว่ามึงต้องท􀃎ำได้ดีใจด้วยนะ

I-lézard, Je t'avais dit que tu pouvais y arriver, et tu l'as fait ! Toutes mes félicitations!  Quelques explications sur le préfixe féminin  « I » suivent

 

เหี้ย, มึงเคยคิดจะทำงานอื่นบ้างไหม

Lézard, pourquoi ne penses-tu pas à changer de travail

 

.

L’analyse de notre universitaire, une amusante version historique : Le mot lézard était à l'origine utilisé pour désigner une personne malfaisante en faisant référence aux prisonniers qui étaient punis par des coups de rotin sur le dos qui les faisaient se couvrir de contusions : leur peau ressemblant à celle d'un lézard.  En sus du sens premier de lézard,  les dictionnaires lui donnent le sens second de personne méprisable ou mauvaise et sans valeur. Tel n’est pas le cas dans les exemples ci-dessus, rien d’offensant mais la signification d’une relation étroite avec les destinataires qui étaient leurs amis proches.

 

 

Le porc

 

หมู, แกงมัสมั่นทำยังไงจ๊ะพ่อทำไม่เป็น

      Porcelet, comment fait-on le massaman au carry, je ne sais comment faire

L’interlocuteur utilise comme pronom personnel พ่อ, le père ce qui signifie qu’il s’adresse à son fils qualifié de petit cochon.

 

 

หมูตอน, เดินเร็ว ๆ เข้า เดี๋ยวไม่ทันรถ

Gros cochon, dépêche-toi, nous allons manquer notre autobus

หมูตอนmu- ton, c’est un porc mais un porc castré, la traduction « gros cochon » s’impose

 

 

La souris (ou le rat)

 

หนู, เสื้อตัวนี้ราคาเท่าไหร่ ลดได้ไหมจ๊ะ

‘         Souris, combien coûte cette chemise ? Pouvez-vous me faire une réduction ?

 

หนูnu  prend la valeur  d’un véritable pronom personnel, une façon familière mais pas désobligeante de s’adresser à son interlocuteur.  Il peut être utilisé pour s'adresser à quelqu'un pour la première fois dans la culture thaïlandaise puisque sa signification est neutre : terme d'adresse, mais aussi comme deuxième pronom personnel, « vous », pour une personne plus jeune que celui qui parle. Sa position a son importance : terme d'adresse s'il apparaît comme le premier mot dans un énoncé et est utilisé pour attirer l'attention du destinataire comme dans « หนูกินข้าวยัง » (Vous avez déjà mangé ?). Cependant, dans « กินข้าวยังหนู » (Mangez encore, vous ?), le mot « nu » (vous) est un deuxième pronom personnel utilisé pour remplacer un nom qui est généralement placé à la fin de la phrase.

 

 

Notons que les thaïs son pétris d’anglomanie et préfèrent appeler la souris de nos ordinateurs d’une mauvaise transcription de l’anglais mouse : เมาส์

 

 

Par ailleurs, nous précise notre article, les Thaïs tout comme nous, attribuent à leurs enfants avec tendresse des mots affectueux, celui de « petite souris » (หนูน้อย – nunoi) m’a semblé fréquent dans la littérature enfantine.

 

 

La girafe

 

 

 

ไอ้ยีราฟ, เย็นนี้ไปดูหนังกันมั้ย กูได้ตั๋วฟรีมา

Ai-girafe, on va voir un film ce soir, j’ai un billet gratuit

Girafe par la taille, bien sûr.

Cette phrase appelle une double observation

«ไอ้ - ai » est un préfixe en général péjoratif utilisé pour les hommes mais ne l’est plus lorsqu’il y a une relation étroite entre les interlocuteurs. Il st évidemment intraduisible.

« กูku » est le pronom personnel « je » en principe très familier

L’ours

 

อิหมี, หยุดยาวพ่อกูมาอยู่ด้วย ยกเลิกแผนเที่ยวกระบี่ได้เลย

I-ourse, mon père viendra chez moi pendant ces longues vacances. Nous devrions annuler notre voyage à Krabi.

« อี – I » est la strict équivalent féminin de «ไอ้ - ai » 

Cette dame est donc velue comme une ourse, ce qui est rarissime chez les Thaïes.

 

 

Le cheval

 

ไอ้ม้า, หยิบหนังสือให้กูหน่อย

Ai-cheval, passe-moi ce livre

Beaucoup d’intimité et plus encore dans ce dialogue puisque le mot cheval désigne un ami membré comme un cheval, une intimité qui exclut la grossièreté.

 

 

Le hérisson

 

ไอ้เม่น, กูละยอมใจแฟชั่นของมึงจริง

Ai-hérisson, quelle coiffure !

Pour un qui est coiffé à la punk, évidemment 

         

 

Le sphinx

 

พี่สฟิงซ์, ช่วยวาดรูปให้หนูหน่อยดิ

Phi-sphinx, s’il te plait, fais-moi un dessin.

Cette fois-ci, l’ami a les cheveux longs et bouclés d’un sphinx. « พี่ – phi », aîné, est utilisé pour s’adresser à une personne plus âgée.

 

Le corbeau

 

อีกา, หัดตักนใส่กะโหลกชะโงกดูเงาตัวเองบ้างนะ’

I- corbeau, regarde comme ta peau est foncée !

Le rappel des plumes du corbeau est moins désobligeant que de parler simplement de « noir – dam – ดำ ». Le préfixe « I » désigne la femelle du corbeau qui n’a pas en français de nom spécifique.

 

La crevette séchée 

 

อิกุ้งแห้ง, ไม่ดูสารร่างของมึงบ้างเลยถุยสวยตายล่ะ

I- Crevette séchée, pourquoi es-tu si confiante  Regarde toi ! Tu es si belle!

La maigreur d’une crevette séchée vaut bien celle du filet de morue séché alias  stockfish ou  « stoquefiche » comme on dit en Provence, avec le même sens mais une connotation plus ou moins négative.

 

 

La termite                     

 

อิปลวก, หน้าตาเลวแถมสันดานยังเลวอีก

I-termite, non seulement ton visage est laid, mais tes habitudes sont également mauvaises.

 

 

Le buffalo

 

ควาย, บอกกี่ครั้งกี่หนแล้วทำไม่ไม่รู้จักจำสักที

Buffalo,  je te l'ai dit plusieurs fois. Pourquoi tu ne te souviens pas ?

Dans la culture traditionnelle thaïlandaise, l’agriculteur passe une corde dans le nez du buffle afin qu’il puisse le diriger dans n’importe quelle direction. Le mot évoque alors la bêtise.

 

 

Deux autres exemples d’animaux stupides dont l’un que nous connaissons bien  pour s’adresser à intimider les personnes dont l’intellect passe pour être limité :

Le dinosaure

 

เจ้าไดโนเสาร์, ยุคนี้มันยุคไหนแล้ว ยังจะมาเชื่อผีสางอยู่อีกเหรอ

Dinosaure, nous sommes désormais dans l’ère du numérique. Pourquoi crois-tu  encore aux superstitions ?

 

 

L’âne

 

ไอ้ลา, เขาไม่ได้รักมึง เขารักตัวเอง

Ai-âne, il ne t'aime pas ! Il s'aime !

 

 

DES MOTS TABOUS

 

La palourde

 

หอย หายหัวไปไหนมาวะ

Palourde, où es-tu allé?

Une façon cavalière et plus encore de s’adresser à une amie : « หอย hoi », le sexe féminin, est tout aussi vulgaire que « la moule » en français de la rue.

 

 

Le buffle

 

กระทิง, ตอนนี้ยังทำงานอยู่ร้านเดิมหรือเปล่า

Buffle, est-ce que tu travailles toujours au même endroit ?

Le buffle n’est pas pour les Thaïs un animal noble mais le mot a ici un sens précis : Il est une manière de s’adresser à un travesti, en thaï กระเทย – krathoei (autrement écrit กะเทย – krathoei) sans le traiter ouvertement de ce qu’il ou qu’elle est, les deux mots sonnant de manière similaire

 

 

Il est trois autres procédés pour ne pas utiliser ce mot tabou :  

 

Le cerf-aboyeur

 

ลูกเก้ง, แต่งตัวขนาดนี้สวยตายล่ะ

Cerf aboyeur, regarde comme tu t’habilles ! Que c'est beau!

J’avoue ne pas avoir trouvé la raison que fait de ce petit animal (Muntiacus vaginalis). Il est vrai que son nom est parfois féminisé en « อีเก้ง I-keng » qui devient un cerf-aboyeur femelle ce qui est plus logique

 

 

La biche

 

กวางสาว, แต่งหน้าโทนเทาหลีเหรอจ๊ะ

Biche, est-ce que tu utilises du maquillage dans les tons gris ? 

Précisons que le fonds de teint gris passe pour être de très mauvais goût.

 

 

Le ver de terre

 

ไอ้ไส้เดือน, ได้หน้าลืมหลังนะมึง

Ai-ver de terre, tu as des sentiments pour les garçons et les filles. 

Le ver de terre porte en effet en lui-même les deux sexes et ne passe pas pour être un animal intelligent ?

 

 

L’oie

อิห่าน, มึงเหยียบตีนกู

I-oie, tu as m’marché sur les pieds.       

L’explication de la présence d’une oie est plus subtile, à en croire les universitaires : pour ne pas parler de choléra (ห่า – ha), maladie endémique qui fit des ravages dans le passé,

 

 

 

....on a préféré ajouter un N final afin d’en faire « han » pour ne pas avoir à prononcer un mot qui porte malheur. Mais en Thaïlande comme partout, l’oie, si elle n’est pas maléfique, passe pour être stupide.

 

En conclusions

 

L’utilisation de ces vocables, hors la question des appellations affectives à l’égard des jeunes enfants ou dans un couple, ne laisse apparaître aucune connotation négative, peut-être parfois tout au plus ironique. La langue ignorant le masculin et le féminin, l’utilisation du préfixe « I » pour les femmes et « AÏ » pour les hommes

 

Il ne me vient pas à l’esprit de qualifier un ami, même très proche, de « petit (ou de gros) cochon » ou une amie basanée de « corbeau (ou de corneille) ». Leur utilisation dans ma bouche qui s’efforce de parler correctement notre langue est toujours négative sinon insultante. Si je dis d’un gaillard qu’il est « p… comme un phoque »  (animal auquel on prête chez nous les mêmes caractéristiques que celles du cerf aboyeur), ce n’est pas flatteur.

 

 

Je ne fais guère qu’une exception, elle n’est pas académique mais issue de mes racines provençales : Il m’arrive de saluer ainsi un ami «  Oh ! Gàrri, comment tu vas ? ». En provençal, « garri » c’est un rat (accent tonique sur la première syllabe). Le terme est amical quoique familier.

 

 

Naturellement, l’interprétation peut être différente selon la personne du locuteur et de l’interlocuteur. On peut y voir sans arrière-pensée une image vivante de la personne concernée avec laquelle existe une relation amicale étroite. Il faut évidemment prendre en compte l’intimité des interlocuteurs, leur sexe en le degré de formalité de la situation. Il est évident, et c’est la raison pour laquelle ce langage familier doit nous être interdit car le passage de la camaraderie au vexatoire passe par une porte étroite mais il ne faut pas s’en étonner si nous l’entendons ou le lisons

QUELQUES SOURCES

 

En dehors du Dictionnaire de l’Académie royale qui est incontournable, le site http://www.thai-language.com/  est malheureusement anglophone, mais,  assez extraordinaire, il comporte 20.022 clips audio et près de 70.000 entrées de dictionnaires dans les deux sens

Le « Petit  lexique  du  thaï licencieux et graveleux » (คำหยาบคายไทย) par B. Lavocat (hors commerce) donne plusieurs exemples de l’utilisation des noms d’animaux.

.

NOTES

 

1)  Article publié dans le Journal of the Mekong societies  sous le titre “ « Camaraderie or Destroying a Relationship: Addressing a Person with an Animal Name in Thai Culture” » (volume 10 numéro 2 d’août 2023) que je traduis « Promouvoir la camaraderie ou détruire une relation : s'adresser à une personne avec un nom d'animal dans la culture thaïlandaise »

 (2) Voir notre article H 72 - LE VIEUX SYSTÈME FÉODAL SIAMOIS – ศักดินา – ET SA SURVIVANCE DANS LA GRAMMAIRE

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-log.com/2023/06/h72-le-vieux-systeme-feodal-siamois-et-sa-survivance-dans-la-grammaire.html

 

(3) Voir notre article

A 274 - UN EXEMPLE SINGULIER DE L’ANGLICISATION DE LA LANGUE THAÏE : INTRODUCTION D’UN PRONOM PERSONNEL À L’INTENTION DES HOMOSEXUELS

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2018/09/a-274-un-exemple-singulier-de-l-anglicisation-de-la-langue-thaie-introduction-d-un-pronom-personnel-a-l-intention-des-homosexuels.ht

 

 

 

 

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7 octobre 2023 6 07 /10 /octobre /2023 02:47

 

Le concours « Miss Thaïlande » (นางสาวไทย) fut organisé la première fois en décembre 1934 après le changement de régime en 1932 sous l’égide du nouveau gouvernement. Organisée par le Ministère de l’intérieur, il ne s’agissait pas d’un spectacle pour le plaisir des yeux mais d’un hommage à la nouvelle constitution.

 

 

C’était alors  « Miss Siam » (นางสาวสยาม). Elle se déroula pendant plusieurs jours à l’intérieur du parc royal de Saranrom (พระราชอุทยานสราญรมย์), d’abord les « Miss » de Province (« Miss Thonburi  - นางสาวธนบุรี puis Miss Ayuthaya -  นางสาวพระนคร)  la finale se déroula du 10 au 12 décembre. Les concurrentes devaient être revêtue du costume traditionnel, robe longue en soie jusqu’aux pieds  (thai homsabaiไทยห่มสไบ).

 

 

Le jury était prestigieux, quelques princes et princesses qui avaient échappé à l’exil. Les années suivantes, les exigences vestimentaires furent moins rigoureuses. Le mot Siam fut ensuite politiquement banni et en 1939, ce fut la première élection de « Miss Thaïlande ». En dehors de la reine, quatre dauphines (รองอันดับ) étaient élues. Alors que le gouvernement préparait la célébration de la nouvelle  Constitution de 1941, prévue pour le 8 décembre, ce jour-là au petit matin les troupes japonaises débarquèrent et le Thaïlande entra en guerre. La célébration de la constitution de cette année-là fut  brusquement annulée et il n’y eu plus aucune élection de Miss Thaïlande jusqu’en 1948.

 

 

 

Les cinq plus belles filles du Siam (นางสาวสยาม)

 

J’ai cherché leur parcours ce qui ne fut pas toujours facile car les seuls éléments que l’on trouve sur elles sont en thaï ? Beaucoup d’admirateurs toutefois leur consacrent une page Facebook.

 

 

1934 - la première fut Kanya Thiansawang (กันยา เทียนสว่าง).

 

 

Les renseignements sur elle sont surabondants car elle fut la première.

 

Elle était fille de Salah Thiensawang (นายสละ เทียนสว่าง) et de son épouse d’origine môn, Sanom Thiansawang. Son père travaillait comme capitaine du port à Thakhiaokhaika, Bang Krabue (ท่าเขียวไข่กา บางกระบือ), Elle naquit le 30 août 1914 à Ban Pakkret (บ้านปากเกร็ด) dans la province de Nonthaburi (จังหวัดนนทบุรี). Elle était aînée de cinq frères et sœurs. A cause de son  visage au nez occidental Ses parents lui donnèrent le surnom de « Lucille » (ลูซิล).Elle fit ses études à l'école du Wat Sangwet (โรงเรียนวัดสังเวช) à l’école de la Reine (โรงเรียนราชินี) et l'école Satri Wittaya (โรงเรียนสตรีวิทยา). À l'âge de 10 ans, elle perdit mère et fut adoptée par un oncle. Elle participa au concours à l’âge de 20 ans et demi. À cette époque, elle travaillait comme enseignante à l'école locale de Baphamanukroh (โรงเรียนประชาบาลทารกานุเคราะห์) depuis 4 ans.

 

Ce concours fut une attraction populaire largement commenté dans la presse qui le couvrit en continu, en particulier le journal Prachachat  (หนังสือพิมพ์ประชาชาติ). Elle fut récompensée par une couronne en velours brodé de fil d'argent et ornée diamants qui lui fut volée avant son mariage. Elle reçut encore un bol en argent portant la mention นางสาวสยาม ๗๗ (Miss Siam 77), une médaille et une broche en or émaillé ainsi qu’une somme de 1000 baths en espèces. Sa famille prit néanmoins fort mal cette participation qu’elle considéra comme une honte. Elle quitta ensuite son poste d’enseignante et travailla alors à la Bibliothèque nationale et y fit la connaissance de Suchit Hiranpruek (สุจิต หิรัญพฤกษ์) qui travaillait au ministère des Affaires étrangères. Sa cérémonie de mariage a eu lieu le 31 décembre 1943, en présence du ministre des affaires étrangères Direk Chayanam (นายดิเรก ชัยนาม)

 

 

La vie conjugale fut sans nuages et son mari lui donna 5 enfants. Plus tard, son mari fit partie de la délégation thaïe lors des discussions relatives à l’entrée du pays aux Nations Unies. Elle l’y accompagna et participa à toutes les réunions. Le couple s’occupa ensuite d’une affaire de perliculture sur l’ile de Phuket.

 

 

Souffrant d'un cancer de l'utérus, elle se rendit en Allemagne pour suivre des soins. Son mari fit alors l’objet d’une enquête pour corruption mais fut blanchi par la Cour suprême le 31 mars 1965. Elle n’a pas eu la joie de participer à ce succès. Elle mourut en effet  le 16 novembre 1960 à l'âge de 46 ans. Son corps fut  conservé pendant 21 ans en attendant la crémation avec celle de son époux bien-aimé le 28 décembre 1981

1935 - Wani Laohakiart (วณี เลาหเกียรติ) ou Wani Somprasong (วณี สมประสงค์) 

 

 

Elle naquit le 3 avril 1921. Elle était fille unique du capitaine de police Bunchin Laohakiat et de son épouse Lamom Chantaravekin (ละม่อม จันทรเวคิน) aussi fonctionnaire de police. Elle fut baptisée chrétiennement sous le prénom de Lo Ngek (โล่ เง็ก) puis appelée Evelyne (เอเวอลีน) par sa grand-mère, prénom qu’elle utilisa jusqu’au concours mais pas de prénom chrétien !Elle porte toutefois une minscule croix autour du cour  Sa mère mourut lorsqu’elle avait 9 ans et se retrouvé sous la garde de son grand-père maternel Luang Khachonyutkit ou encore Thao Chantravakit (หลวงขจรยุทธกิจ - เทา จันทรเวคิน) puis de  de sa grand-mère paternelle Lolek Luang (โล่ เง็ก ล้วน). Celle-ci était propriétaire du grand magasin Kiam Hua Heng (เคียมฮั่วเฮง)

 

 

...et de nombreux biens immobiliers, elle fut une bienfaitrice du Collège de l’Assomption. Wani fit sa scolarité dans plusieurs écoles catholiques : en maternelle à l'école Sainte Marie  Kulabwitthaya (โรงเรียนเซนต์แมรี กุหลาบวิทยา) puis au collège de l’Assomption.

 

C’est le chef du district de Bang Rak  (นายอำเภอบางรัก)  qui la convainquit de concourir, malgré son apprehension. Elle me reçut que 1000 baths et une couronne qu’elle offrit plus tard à un club de football.

 

Quatre ans après avoir été couronnée, elle épousa le Docteur Manit Somprasong (นายแพทย์ มานิตย์ สมประสงค์) médecin de l'hôpital Sirirat (โรงพยาบาลศิริราช).

 

 

Le couple eut trois enfants. Nous la voyons en 2014, à l'âge de 93 ans avec toute sa tête. Elle mourut quelques années plus tard après avoir fêté ses 100 ans.

 

 

1936 - Vongduan Phumirat (วงเดือน ภูมิรัตน์)

 

 

Elle naquit le 12 juillet 1922 et vécut jusqu’à 99 ans.  Elle était la fille de Phra Pichai Burintra (พระพิชัยบุรินทรา) gouverneur de Samut Sakhon (สมุทรสาคร). Après l’école primaire, elle fit des études de jardinage et de décoration florale à l’école Panuthat (โรงเรียนภาณุทัต). Patronnée par le journal Siam Rat (หนังสือพิมพ์สยามราษฎร์), elle n’avait que 15 ans.

 

Nous savons qu’elle épousa Thian Chayawan (นายเทียน ฉายะวรรณ) et j’ai ensuite perdu sa trace.

1937,  Mayuri Wichaiwattana (มยุรี วิชัยวัฒนะ)

 

 

Originaire de la province de Nakhon Si Ayutthaya (จังหวัดพระนครศรีอยุธยา), elle fut élue à l’âge de 16 ans. Miss Thaïlande de l'année 1937 à seulement 16 ans. L’année suivante, elle épousa le général de police At Charoensin (พลตำรวจอาจ เจริญศิลป์) dont elle eut quatre enfants.

 

1938 - Phitsamai Chotwutthi (พิสมัย โชติวุฒิ)

 

 

Elle fut la dernière « Miss Siam »

 

Au moment du concours, elle n'avait que 18 ans, portait un pagne et marcher pieds nus sur scène Le prix reçu était un prix en espèces de 1500 bahts, une grande coupe en argent, une couronne et une broche constitutionnelle incrustée d'or.

 

Elle épousa Lek Tantemsap (เล็ก ตันเต็มทรัพย์), avocat et fils d’un célèbre « baron » chinois.

 

 

 

1939 - Riamphet Yanawin (รียม เพศยนาวิน)

 

Elle fut la première Miss Thaïlande. J’en dis simplement quelques mots car elle fut comme la chrétienne Evelyne dans l’obligation d’adopter un prénom thaï pour concourir : Son prénom d’origine était musulman, Mariam (มาเรียม) c’est-à-dire Myriam, elle devint alors Riam (รียม). Jusqu'ou allait la stupidité du "politiquement correct" à cette époque  ?

 

 

 

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24 septembre 2023 7 24 /09 /septembre /2023 02:39

 

Un conte de Béatrice Saule illustré par Emmanuel Guibert numérisé sur le site du Château de Versailles

+++

Il était une fois, au royaume de Siam, un jeune prince qui rêvait de voyager. Il avait dix ans et son père, le Grand et Magnifique Phra Naraï, était le plus puissant roi des Indes., roi de Siam. C’était aussi le plus riche et le plus puissant avec ses 300 000 hommes d’armes et ses 10 000 éléphants

 

En cette année 1686, Poum Tiya réalise son rêve : il accompagne l’ambassade que son père envoie, par-delà les mers, auprès du roi de France, Louis XIV. Grâce à la complicité de Louis-Marie de Faverolles, page à la cour de Versailles, il découvre le château du Roi-Soleil.

Pourtant le Roi était triste. Poum Tiya avait bien compris que ces diables d’étrangers – ceux qu’on appelait les Hollandais – en étaient la cause. Poum Tiya voulait en savoir davantage. Il avait interrogé sa mère, mais la reine du Siam parlait très peu. Elle avait horreur des questions. Elle avait même fait coudre la bouche à des esclaves trop bavardes. Poum Tiya alla voir son ami Counsrivisâravâkiaa qui lui expliqua tout : « Quand les Hollandais sont venus ici, on les a bien accueillis. Mais ils sont de plus en plus envahissants et insolents. Heureusement d’autres étrangers vont nous aider à résister. Ils ont le roi le plus grand qui existe.

- Aussi puissant que l’Empereur de Chine ?

- Oui

- Comment s’appelle-t-il ?

- Louis XIV, le roi de France. »

Depuis trois mois – en cachette car il ne devait pas sortir du palais – Poum Tiya allait retrouver un jeune abbé tout habillé de noir. C’était l’un de ces Français envoyés par le roi de France. « Si tu m’apprends le siamois, avait-il dit à Poum Tiya, je t’enseignerai le français. »

Cela s’était fait en s’amusant. Poum Tiya faisait semblant de manger et disait :

« Kin. »

L’abbé traduisait : « Manger. ».

« Kin kaou.- Manger du riz. ».-

Kin nam.

- Manger … non, boire de l’eau. »

Et tous deux faisaient de grands progrès.

Hélas, les Français allaient repartir. A son tour, Phra Naraï envoyait une ambassade de Siamois en France. La France, Poum Tiya en rêvait la nuit ! Il fit tant et si bien que son père accepta de l’envoyer et désigna même Counsrivisâravâkiaa comme adjoint de l’ambassadeur.

La veille du départ, le Roi et la Reine avaient, du haut de leur éléphant, donné les dernières instructions. La Lettre d’or destinée au roi de France et les traités d’alliance étaient prêts depuis longtemps. La Reine rappelait : « Vous n’oublierez pas ce qu’on vous a demandé de rapporter. »

La liste avait été minutieusement dressée : 532 glaces pour les palais d’Ayuthaya et de Lopburi ; 4 douzaines et demi de chapeaux ;

4 302 pièces de cristal dont   1 257 ornements pour les éléphants mâles et 722 pour les éléphants femelles et des armes, des lunettes astronomiques, des draps, des soieries, des broderies …

Le lendemain à l’aube, deux navires quittaient le Siam.

 

Ce même jour, 22 décembre 1685, à l’autre bout du monde, Louis-Marie de Faverolles, page de Sa Majesté Louis XIV, se faisait encore fouetter sur ordre de son gouverneur.

Il avait entraîné les pages de la Chambre du Roi – ceux qui portent le bel habit rouge à galons bleus – dans une folle partie de cache-cache sur les toits du château.

Cela était défendu. En effet, le château, en travaux depuis plus de vingt ans, se terminait par un prodigieux à-pic : une aile entière restait à construire du côté du nord.

Personne n’aurait rien su de l’escapade. Mais Louis-Marie avait eu l’idée de heurter du marteau la cloche de l’horloge du château au moment même où, dans les combles, l’horloger Martinot en réglait les mécanismes.

Au cours du lever public du Roi, qui avait lieu comme chaque matin devant les principaux courtisans, Martinot s’était plaint au duc d’Aumont :

« J’avais les mains dans les rouages. Pour un peu, ils me coupaient un doigt, ces gredins ! »

 

Six mois plus tard, par un bel après-midi de juin, le vaisseau L’Oiseau et la frégate La Maligne entraient en rade de Brest.

La traversée avait été longue, longue, mais sans tempête. La rade était couverte de bateaux de toutes sortes. Poum Tiya commença à les compter mais s’arrêta à soixante. Il y en avait trop …

On était prêt d’accoster, longeant des monstres bleu et or. Poum Tiya pouvait lire leur nom : Le Soleil royal, La Couronne, La Reine … C’étaient les plus beaux vaisseaux de la Marine Royale, énormes et somptueux.

L’arrivée de l’ambassade fut saluée par 600 coups de canons tirés des navires et des forteresses.

Poum Tiya mit pied à terre, ivre de joie. Enfin, la France !

 

 

La première partie du chemin se fit en litière. « On dirait des palanquins », nota Loüang Calayanaraa, le premier adjoint de l’ambassadeur. C’était un vieil homme sec qui avait été longtemps ambassadeur en Chine ; on l’appelait d’ailleurs le Chinois.

Puis les litières avaient été remplacées par des carrosses. Poum Tiya voyageait entre l’ambassadeur et le Chinois ; tous trois étaient assis sous la planche installée pour supporter la Lettre d’or que Phra Naraï adressait à Louis XIV. Car, c’était bien connu, le roi de Siam n’écrivait que sur de l’or. La feuille d’or était enfermée dans trois boîtes : une d’or, une d’argent et une de laque. Elles étaient couvertes de brocart d’or et de fleurs fraîches que l’on devait changer tous les jours. Tout se passait bien. Mais à une étape, l’ambassadeur entrant dans son appartement, s’exclama :

« Impossible !

- Pourquoi Monseigneur ? S’inquiétèrent les notables de la ville.

- Mes serviteurs sont logés au-dessus de moi.

- Mais, Monseigneur, c’est l’usage : les chambres des domestiques sont toujours sous les toits.

- Qu’importe, je logerai sous les toits.

- Comme Monseigneur voudra. »

Les notables ignoraient ce que chacun doit savoir : premièrement, qu’un ambassadeur du Siam ne peut quitter la Lettre d’or ; deuxièmement, que personne ne peut se trouver au-dessus de la Lettre d’or du Très Grand et Magnifique Roi de Siam. Enfin, ils atteignirent Paris. Quelle drôle de ville !

Et ces maisons, toutes serrées les unes contre les autres et aussi hautes que la tour du temple d’Ayutthaya ! Et quelle foule ! Aux exclamations du jeune prince, le Chinois ne fait que répondre : « C’est comme en Chine ! C’est comme en Chine ! »

 

À l’hôtel des Ambassadeurs, au 10 de la rue de Tournon où les Siamois sont logés, un homme vient les voir.

Un homme très cérémonieux. C’est normal puisque c’est un cérémoniaire. Il est suivi d’un jeune garçon en habit rouge à galons bleus. Il fait trois révérences en faisant virevolter son chapeau. Dans son dos, le page l’imite avec une malice qui surprend Poum Tiya.

« Sa Majesté le Roi mon maître…, déclame le cérémoniaire, Louis XIV, roi de France et de Navarre… m’a envoyé à fin de faire part à Votre Excellence… que l’audience que Sa Majesté accordera aux envoyés du Très Grand et Magnifique Seigneur Phra Naraï, roi de Siam … est fixée au 1er septembre. »

Derrière, l’insolent page continue ses grimaces. Poum Tiya retient un fou rire.

« Par ailleurs, Sa Majesté ayant appris qu’un prince de la Maison royale de Siam… » Encore une révérence, cette fois destinée à Poum Tiya. C’en est trop ! Avant même que le page ne l’imite, Poum Tiya éclate de rire. Un regard de l’ambassadeur l’arrête aussitôt. Et le cérémoniaire reprend : « qu’un prince de la Maison royale de Siam accompagnait l’ambassade… Sa Majesté m’a chargé d’exprimer le vif désir qu’Elle éprouve à le connaître … et l’invite donc à se rendre le dit jour à Versailles. »

 

C’est le grand jour ! Poum Tiya va être présenté au plus grand roi de la terre. Il est content, fier et inquiet à la fois. À cinq heures du matin, il monte dans le carrosse royal. Entre Paris et Versailles, Poum Tiya s’endort.

« Nous arrivons ! s’exclame le cérémoniaire. »

Poum Tiya sursaute. Par la portière, il aperçoit au loin les bâtiments qui barrent l’horizon.

« Ce n’est pas un château ! C’est une ville toute entière !
- C’est comme en Chine ! C’est comme en Chine ! dit le chinois »

Le roi de France habille ses châteaux comme ses serviteurs, en rouge, bleu et or, pense Poum Tiya en voyant les toits d’ardoise ourlés d’or, et les murs de briques.

On franchit une première grille, puis une seconde.

Le carrosse se range à gauche.

Tout le monde pénètre dans la salle de « descente » réservée aux ambassadeurs.

« Je reviendrai chercher Votre Excellence, dit le cérémoniaire, quand Sa Majesté sera prête à se mettre dans son trône. »

 

Les Siamois sont d’une propreté extraordinaire : pensez donc, ils se lavent plus d’une fois dans une journée !

Les ambassadeurs, le jeune prince et les huit mandarins se font frotter le visage et le corps. Par les fenêtres de la salle d’attente, des indiscrets les regardent.

On leur enfile des bottines de cuir souple brodé qui remontent sur les chausses ; puis une chemise au col cassé piqué de deux diamants, et par-dessus, un manteau d’étoffe de soie rayée avec une écharpe en guise de ceinture. L’ambassadeur et Poum Tiya portent sur leur bonnet de cérémonie une couronne de fleurs faites de feuilles d’or si minces qu’elles s’agitent au moindre mouvement.

C’est le meilleur orfèvre de Paris qui les a ciselées.

« Elles sont trop légères, a-t-il hasardé.

- Si elles étaient plus lourdes, il les faudrait donner à porter à des bêtes, a sèchement réparti l’ambassadeur. »

Poum Tiya voudrait bien goûter au chocolat et aux petits pains qui leur ont été offerts. Mais Counsrivisâravâkiaa veille : « Ce n’est pas le moment de se salir. » Poum Tiya se renfrogne et se réfugie près d’une fenêtre.

Tic ! tic ! Il entend gratter au carreau, se retourne et reconnaît le page en habit rouge à galons bleus. En un instant, il l’a rejoint dans la cour des Princes.

Main dans la main, ils sortent du château.

 

 « Moi, explique le page en pointant son index sur sa poitrine, Louis-Marie de Faverolles, Loui – ma – ri –de fa –ve – rol. Monseigneur, pour vous servir.

- Je suis Poum Tiya, prince de Siam et je parle français. Où m’emmènes-tu ? »

Ils pénètrent dans une vaste cour grouillante de cuisiniers, pâtissiers, lavandiers, garçons fruitiers, marmitons et autres tournebroches…

« Ici, c’est le Grand Commun où le Roi loge et nourrit ses officiers. Dans les étages il y a six cents chambres.

- Six cents !

Et là, ce sont les tables pour les officiers qui y mangent à tour de rôle. »
D’appétissantes odeurs s’échappent de la rôtisserie et de la pâtisserie.

« Hé, Nicolas, ça a l’air terriblement bon ce que tu portes !

- Ce sont des feuillantines à la pistache, répond le galopin de cuisine.

- Je t’en prends une pour mon ami le très haut et puissant seigneur Poum Tiya, prince de Siam, et une pour moi.

- Mais, mon chef va…

- Tu lui diras que c’était pour le très haut et puissant seigneur Poum Tiya, prince de Siam. »

 

« Monseigneur, sauriez-vous jouer à cache-cache ?

- Cache-cache ?

- J’ai la clé du labyrinthe

- Labyrinthe ?

- C’est dans les jardins. Allons-y !

Les jardins de Versailles ! Le Chinois en a déjà vanté les merveilles : ils sont aussi beaux, paraît-il, que ceux de l’empereur de Chine. Après le soleil des grandes allées, quelle fraîcheur dans le bosquet du labyrinthe !

Ils courent par les sentiers sinueux qui se coupent, s’écartent, se croisent et se recroisent. À chaque croisement, il y a une fontaine et chaque fontaine représente une fable : le Chat pendu et les rats, le Singe et ses petits, le Corbeau et le renard, le Lièvre et la tortue… Trente-neuf fontaines. Pas une de plus, pas une de moins.

Tout à coup, Louis-Marie s’aperçoit que Poum Tiya disparu. Depuis quand ? Le corbeau et le renard ? Le lièvre et la tortue ? Il ne s’en souvient plus. Il rebrousse chemin en courant et en criant de toutes ses forces : « Poum Tiya, Poum Tiiiiyyyya ».

En vain.

Il a perdu le prince. Pourquoi l’a-t-il emmené ici ? Quelle idée absurde ! Un labyrinthe est fait pour cela, perdre les gens ! Le petit prince doit être mort de peur. Impossible de le retrouver seul. Il faut aller chercher de l’aide. Louis-Marie imagine déjà la colère de son gouverneur… Pendant ce temps, au château, les ambassadeurs attendent. Counsrivisâravâkiaa est très inquiet : Poum Tiya ne revient pas. Il envoie un serviteur à sa recherche.

 

 

Assis en tailleur, Poum Tiya attend calmement à la sortie du labyrinthe.

« Sois bon joueur, j’ai gagné. »

Au bord du Grand Canal, le clapotis berce les gondoles. Sous un grand chapeau, un homme somnole.

Le page, jouant l’important, lance :

« Par ordre du Roi, à la Ménagerie !

- Non capisco, Signore.

- Que dit-il ?

- Rien. Allons voir le capitaine ! »

Le capitaine Consolin, chef de la Flottille, surveille les manœuvres de la galère royale.

« Que veut mon jeune ami ?

- Je suis avec le prince de Siam. Il a très envie de voir les animaux de la Ménagerie.

- Maffeo, crie le capitaine, porta questi ragazzi dove vogliono !

- Que dit-il ?

- Il est d’accord. Vite, montons ! La gondole file. »

En dix minutes, ils sont arrivés.

 

« Tu m’as trompé, il n’y a pas de bête ici », proteste Poum Tiya. C’est vrai. Quand on aborde la Ménagerie, on ne voit pas d’animaux, seulement un élégant pavillon.

« On dirait une boîte à thé géante » pense Poum Tiya.

« Et les bêtes ?
- On les voit d’en haut ? »

À l’étage, un balcon en fer forgé ceinture le pavillon. Le page s’arrête au-dessus de l’enclos des fauves :

« Voici les tigres, les lions, l’éléphant…

- Un seul éléphant ?

- Oui. Les autres sont morts, invente le page un peu agacé.

- Les singes sont enfermés ? Chez nous, ils sont en liberté.

Louis-Marie ne sait que répondre. Il enchaîne :

« Le réservoir de poisson qui est là sert à nourrir les pélicans et les oiseaux qui sont à côté, dans la volière.

- Je veux voir des ânes, des vaches, des poules, des oies, des chèvres et des moutons », réclame Poum Tiya.

 

Poum Tiya est satisfait car la Ménagerie de Versailles a aussi son étable, sa bergerie et sa basse-cour. Vraiment, le petit Français ne comprend pas que son ami s’intéresse à des animaux aussi ordinaires. Pourquoi s’attarder ici ?

« Descendons dans la grotte ! »

La Ménagerie est construite sur une immense grotte.

Dans la pénombre, Poum Tiya hésite.

« Avancez ! N’ayez pas peur ! J’allume un flambeau. »

Louis-Marie tourne un robinet. Aussitôt un tourniquet arrose tout le pourtour de la grotte, tandis qu’une fine pluie jaillit du sol tout percé de trous. Poum Tiya est trempé et ravi. Si les jets faiblissent, il crie : « Encore ! Et encore, et encore… »

Quand ils sortent, le page s’aperçoit du désastre. Sur la tête du prince, le fier bonnet de mousseline empesée pend lamentablement comme une serviette mouillée.

 

Au même moment, le cérémoniaire rejoint les ambassadeurs. L’heure de l’audience approche.

Quand il apprend l’absence du prince, le cérémoniaire ne veut rien savoir. Impossible de faire attendre le Roi !

Le cortège s’ordonne autour de la Lettre d’or.

Au son de trente-six tambours et deux vingt-quatre trompettes, il traverse lentement la cour vers le grand escalier qui monte à l’appartement royal

 

« Entends-tu comme moi ? On dirait des trompettes et des tambours… »

Dans la gondole, les enfants se taisent, impatients d’arriver. Dès qu’elle accoste, ils sautent à terre. Un Siamois les attend en compagnie d’un mousquetaire à cheval. Le soldat enlève Poum Tiya et l’installe devant lui.

« Vite, dit-il au page, en croupe ! »

Au galop, le cheval remonte le Tapis vert, les rampes de Latone, longe les parterres d’eau et s’engouffre sous un porche qui débouche dans la cour. L’ambassade gravit déjà le grand escalier.

Trop tard ! On ne passe plus ! Les gardes ont du mal à contenir la foule des curieux qui s’écrasent contre les grilles dorées

« Laissez-nous passer ! dit rageusement le page.

- Laissez-nous passer ! reprend le prince, au bord des larmes. »

Rien n’y fait. Il faut dire que le prince n’a plus rien d’un prince avec ses bottes crottées, son manteau couvert de poussière et son chapeau qui ressemble à un bonnet de meunier.

« Ne vous inquiétez pas, dit le page. Quand on ne peut franchir un obstacle, il faut le contourner. »

 

Il entraîne Poum Tiya de l’autre côté de la cour. Ils grimpent quatre à quatre l’escalier de Marbre et pénètrent dans l’appartement du Roi. Celui où le Roi habite vraiment, et qu’il ne faut pas confondre avec le Grand Appartement du Roi que les ambassadeurs viennent d’atteindre.

Dans l’appartement du Roi donc, les pièces sont étrangement vides : quelques gardes dans la première salle, personne dans les antichambres d’ordinaire si encombrées de monde.

« L’antichambre du grand couvert . C’est ici que le roi mange en public.

- En public ? Tout le monde peut voir le roi en train de manger ?     

- Oui. On fait comme si j’étais le Roi. Je suis assis ici, le dos à la cheminée. La table est devant moi. Et la salle est pleine de gens qui me regardent. »

Cependant, l’ambassade vient d’atteindre le salon de la Guerre, dernier salon du Grand Appartement du Roi et premier salon de la Galerie des Glaces. Il sent furieusement la peinture : la veille, on a enlevé les échafaudages et on les remettra demain.

Les cadeaux que Phra Naraï offre à Louis XIV sont là, bien disposés : vases d’or, coupes de jadecabinets et paravents en laque du Japon, porcelaines de Chine. Il y en a pour plus de vingt mille écus d’or et cela se voit.

L’ambassadeur est satisfait et sent sa colère s’apaiser un peu. Mais ce diable de Poum Tiya ! il n’est toujours pas là ! Tout prince qu’il est, il ne perd rien pour attendre !

À travers l’arcade du salon, les Siamois découvrent, stupéfaits, le spectacle de la Galerie. Entre deux foules, par la trouée qu’ils vont devoir parcourir, ils aperçoivent, très loin, très haut…un dieu ! Le Roi-Soleil ! Il étincelle !

Muet de surprise, le Chinois pense : « C’est mieux qu’en Chine ! C’est mieux qu’en Chine ! »

Élevé sur neuf marches, Louis XIV en Majesté est assis dans son énorme trône d’argent. Son habit est constellé de diamants, d’émeraudes et de rubis. Les princes de sa famille l’entourent, eux aussi couverts de pierreries.

 

Non loin de là, Louis-Marie et Poum Tiya s’introduisent dans une pièce tapissée de placards. Ils en ouvrent un. Poum Tiya y découvre de drôles de choses soigneusement rangées sur les étagères.

« Ce sont les perruques du Roi. Celle-ci, c’est la perruque courte que le Roi met au début du lever. Celle-ci, c’est celle de la fin du lever. Voilà pour la fin du conseil. Celle pour le débotté, après la chasse. Et il I il y en a plusieurs, là, pour le soir. »

- Ton roi change de cheveux tout le temps ?

- Seulement cinq fois par jour.

- On peut les essayer ? »

Aussitôt dit, aussitôt fait !

« Assez ri, interrompt Louis-Marie. Vite un coup de brosse sur le manteau ! Un peu de poudre pour cacher les taches de vos bottines ! Et ce porte perruque, là, va redresser votre bonnet ! C’est parfait. Vous voici redevenu un prince ! »

Et il entrebâille une lourde porte…

 

Les voici dans la Galerie des Glaces.

Poum Tiya se faufile à travers sept épaisseurs de courtisans et se glisse dans le cortège qui avance lentement.

Arrivé au pied du trône, l’ambassadeur gravit l’estrade pour remettre la Lettre d’or. Poum Tiya le suis à une marche d’intervalle. Ses jambes tremblent.

 

Louis XIV se lève.

Que le Roi est grand !

Il prend la Lettre et s’adresse ensuite à Poum Tiya : « Nous avons appris que vous connaissiez notre langue. Nous vous parlerons donc en français. Donnez-nous, je vous prie, des nouvelles du roi, votre père, et de la reine de Siam. »

Que le roi est intimidant !

Poum Tiya ne sait que répondre. Cela fait maintenant près d’un an qu’il a quitté ses parents. Incapable de prononcer un mot, il s’incline le plus bas qu’il peut. Apparemment, c’est ce qu’il fallait faire, car le Roi dit : « C’est bon. » Et il ajoute avec un demi-sourire : « Quand vous reviendrez ces jours prochains, nous vous montrerons nous-mêmes nos jardins. Rassurez-vous, vous ne serez pas arrosé ! » Et il regarde Faverolles qui devient plus rouge que son habit.

Le Roi sait toujours tout !

 

 

L’audience des ambassadeurs du roi de Siam eut lieu le 1er septembre 1686 dans la galerie des Glaces. La splendeur et les efforts déployés à l’occasion de leur venue firent de cet épisode diplomatique un événement important dans l’histoire du château de Versailles. Nombreux furent les curieux venus observer la procession emmenée par Kosa Pan, le premier des ambassadeurs du roi Phra Naraï.

Pour Poum Tiya et ses compatriotes, la France représentait vraiment quelque chose de nouveau – « mieux qu’en Chine », comme dit le mandarin qui les accompagnait. Mais il faut imaginer ce que fut pour la cour de France la venue d’une ambassade qui avait traversé les océans ! Leurs costumes et leurs traditions ne manquèrent pas d’impressionner. Ainsi, la profondeur des trois révérences, qui étaient pour Poum Tiya et les ambassadeurs une tradition, fit une très belle impression au Roi de France.

À l’occasion de leur visite, la galerie des Glaces, où a lieu la réception, fut préparée avec le plus grand soin. On regroupa le mobilier d’argent. Louis XIV était vêtu d’un habit brodé de mille pierreries … Les Siamois ne furent pas en reste, parés de leurs plus beaux costumes traditionnels et de leurs chapeaux étrangement pointus. À Paris, les fines feuilles d’or qui composaient les couronnes ne manquèrent pas d’étonner les orfèvres qui les réparèrent à l’issue du long voyage. La lettre de leur Roi, qu’ils présentèrent à Louis XIV, était rédigée sur une feuille d’or.

L’ambassade avait pour but la signature d’un traité portant sur le commerce entre la France et le Siam. Par conséquent, les siamois ne vinrent pas les mains vides. Ils offrirent au Roi de France et aux grands de la cour des présents venus de Chine, du Japon et de toute l’Asie. Cependant, ces cadeaux et la visite des ambassadeurs n’eurent pas l’effet escompté.

Les cadeaux des ambassadeurs impressionnèrent par leur quantité et certains furent à l’origine de nouvelles modes en France, comme la « siamoise », étoffe de soie finement rayée. Une seconde ambassade française fut envoyée au Siam, avec notamment pour mission de suggérer au roi Phra Naraï de se convertir au catholicisme. Cependant, une révolution de palais devait rompre les liens entre la France et le royaume de Siam quelques années plus tard.

Le lendemain, le gouverneur des pages fait appeler Louis-Marie.

« Monsieur, lui dit-il, pour sanctionner votre mauvaise conduite, le Roi m’a chargé de vous infliger une punition. »

Louis-Marie baisse les yeux.

« Elle durera jusqu’à la fin du séjour de l’ambassade de Siam. »

 

Ce livre a été édité pour la première fois en 1995 par les éditions Artlys. Cette publication a été réalisée avec l'aimable accord de Béatrix Saule, d'Emmanuel Guibert et de la Réunion des Musées Nationaux - Grands Palais. Ce livre a reçu le prix Saint-Exupéry-Valeurs Jeunesse 1995. Il est nulérisé sur le site du château de Versailles.
 

Béatrix Saule, née Houdart de La Motte est une historienne de l'artconservateur général du patrimoine. Elle est liée au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon depuis le début de sa carrière en 1976, elle l'a dirigé de novembre 2010 à novembre 2016.

 

Emmanuel Guibert est un dessinateur et scénariste de bande dessinée, Après avoir été finaliste du Grand prix de la ville d'Angoulême en 2019, il est finalement élu par les auteurs lors du festival de l'année suivante4. En 2020, Il devient le premier auteur de bandes dessinées à qui l’Académie des beaux-arts consacre une exposition.

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17 septembre 2023 7 17 /09 /septembre /2023 06:18

 

L’importance des rites dans le monde agricole est essentielle dans la mesure où,quel que soit le progrès apporté par la culture face à la cueillette, elle reste soumise aux aléas des éléments, pluies, sécheresse, dérèglements du climat, qui
vont conduire les paysans à chercher un remède dans le recours à des puissances surnaturelles. Curieusement, elles sont toutes féminines ainsi par exemple Déméter, fille de Jupiter et déesse de la fertilité devenus Cérès chez les
Romains.

 

 

Nous avons rencontré dans le nord-est de la Thaïlande  la Mère du riz qui préside à la destinée de ces récoltes (1). Elle est y généralement connue  sous le nom de Mae Phosop (แม่โพสพ), la « mère du riz ».

 

 

Une version de son histoire légendaire est née sur l'autre rive du Mékong mais celui-ci n'est une frontière ni linguistique ni ethnique ni culturelle. Nous la devons à la plume la plume de Charles Archaimbault (1921-2001) ethnologue spécialisé dans la culture du Laos : « La Légende de Nang K’osop déesse du riz au Laos » (2). C'est la traduction d'un manuscrit conservé au Vat Sisaket à Vientiane.

 

 

Cet article est extrait de son ouvrage publié en 1973 à Vientiane «  Structures religieuses lao – rites et mystères » (3).

 

 

Cet article est extrait de son ouvrage publié en 1973 à Vientiane « Structures religieuses lao – rites et mystères » (3). J'en dois la découverte à Philippe Drillien et son épouse, les infatigables animateurs de l'Association des collectionneurs de timbres-poste du Laos, qu'ils en soient remerciés d’autant que Philippe a largement contribué à l'illustration de cet article.

 

 

 

Je laisse la parole à la légende ainsi rapportée par Archaimbault :

 

 

 

Salut ô riz originel, riz glorieux dont les mérites sont nombreux !

 

 

Il existait un coq nommé Suriya p’angki qui acquit de nombreux mérites durant 240.408 kalpa et qui vint renaître en ce monde sous les traits de l’éminent Bouddha Kukusanto.

 

 

Note : Un kalpa  est une unité de temps dans la cosmologie de l'hindouisme et du bouddhisme. qui correspondrait à  4,32 milliards d'années ou à un an de vie du Dieu Brahma.

 

 

Il existait aussi un roi nommé Praya Virupaka qui, lors de la naissance de ce Bouddha, avait déjà accompli de nombreux actes méritoires.

 

Le riz céleste naquit dans ce parc royal. Ce riz ne comportait qu’une seule touffe, mais son tronc imposant mesurait pas moins de 7 kam de diamètre.

 

 

Note :  Un kam  = 20 centimètres. Cette mesure éxistait dans le Siam ancien

 

Des branches partaient de nombreux rameaux qui procuraient une ombre fraîche. Certains de ces rameaux portaient d’abondantes grappes de fruits. L’arbre était ainsi couvert de fruits splendides comme des pattes de tortue. Ces fruits larges de 5 kam et longs de 5 k’eub portaient une queue longue et splendide comme un chasse-mouches royal.

 

Note : Un k’eub  = 12 pouces  Ces mesureséxistaitent dans le Siam ancien

 

Ils étaient pourvus de petites ailes semblables à celle de l’oiseau Nok Khien dont le chant est mélodieux.

 

Note : Cet oiseau apparaît dans la légendaire bouddhiste. Il s'agit de la grue antigone. Il est considéré comme le plus grand des oiuseaux volants.

 

 

Leur tête effilée, ronde et annelée, ressemblait à un oignon. Leur corps était d’un blanc aussi pur que l’argent sans alliage. La saveur de ces fruits égalait alors celle du lait de coco ou du lait de bufflesse.

 

Mais les hommes ne savaient point que cet arbre était le riz céleste. Ils pensaient qu’il s’agissait là d’une sorte de haricot ou de sésame.

 

Note : Le sésame aurait été domestiqué dans le sous-continent indien et il est même probable que ce soit la première plante oléagineuse à avoir été cultivée.

 

 

Après de longues discussions, ils allèrent offrir des fruits de cet arbre à un ermite qui demeurait dans la montagne nommée « Pierre de l’Etang de la Tortue ». L’ermite se rendit immédiatement compte que ces fruits n’étaient autres que ceux du riz planté par le roi Virupaka dans l’attente du Bouddha qui descendrait du ciel. « Ce riz est né par suite des mérites du Bouddha Kukusanto ; il est très beau, parfait, splendide comme les yeux », déclara l’ermite. Les hommes retournèrent alors chez eux, balayèrent ce riz qu’ils firent cuire à la vapeur et dont ils se nourrirent. Pour l’engranger ils construisirent des greniers. La tradition s’ensuivit, hommes et femmes se transmirent cet usage. Le riz précieux continua à croître tandis que le Bouddhisme se propageait. Le Bouddha nommé Kukusanto, qui était venu renaître dans le Jambudvipa, aida les hommes, lui, le Clairvoyant.

 

 

Note : Jambudvīpa est  l'un des quatre continents situés dans les quatre directions autour du mont Sumeru, selon l'ancienne vision indienne du monde, il est le continent sud.

 

 

Il se nourrit de ce riz durant toute sa vie, durant 40.000 ans, jusqu’à ce qu’il fût au Nirvâna. Le riz était toujours aussi parfumé, aussi savoureux. Au bout de 8.000 ans, un second Buddha, nommé Konak’om, vint renaître comme être parfait. Les grains de riz diminuèrent de grosseur, ils n’eurent plus que 4 kam de diamètre et 4 k’eub de long. Le tronc de l’arbre portait encore des branches splendides comme des pattes de tortue, les yeux du riz étaient beaux et vifs comme ceux des animaux sauvages. Il était odorant et parfumé. Le Bouddha s’en nourrit toute sa vie jusqu’à ce qu’il obtînt le Nirvâna, à l’âge de 30.000 ans. Puis la religion fut sans Bouddha durant 7.000 ans. Mais le riz demeura savoureux et parfumé. Les hommes, ne connaissant ni famine ni pauvreté, étaient alors à l’abri du malheur et des calamités.

 

En ce temps-là, vivait une vieille veuve fort acariâtre. Ses sept époux étaient décédés et elle n’avait ni enfants ni neveux. Cette veuve alla chercher du bois pour construire son grenier. Mais avant que la construction n’en fût terminée, le riz précieux que la puissance en mérites du Bouddha Kukusanto avait fait surgir, vola à travers les airs et s’entassa, s’accumula sous le grenier. La vieille fort en colère grommela, saisit un gourdin et frappa le riz qu’elle réduisit en miettes, en poudre. Les menus fragments s’envolèrent vers le ciel et tombèrent hors de la frontière, dans la forêt dense. On leur donna le nom de taro. D’autres fragments plus épais tombèrent au sein des forêts, on les appela tubercules. Le riz, c’est-à-dire l’âme du riz, fort irrité, exhorta les fragments à prendre leur essor et s’enfuir vers les forêts et les grottes. Il vint demeurer dans l’étang originel.

 

Il ne revint plus [parmi les hommes] ; le riz prit désormais le nom de Nang  K’o-sop  

 

 

Note : Nous connaissons la version siamoise et la légende de  la déesse du riz, Mae Phosop

 

 

Cette époque, qui vit la disparition du riz, porte le nom de « Temps de la Disparition ». Le riz, fâché, garda rancune aux hommes. Tous les êtres humains moururent de faim. Cette famine sévit durant mille ans.

 

Un jour, le fils d’un richard s’engagea dans une forêt en quête de nourriture. Il s’égara et passa plusieurs nuits en ce lieu. Il parvint enfin au bord d’un ruisseau où vivait une carpe d’or. Touché par le harpon du fils du richard, le poisson s’écria : « Je me meurs ! » L’écho du cri fut entendu du roi des poissons  qui se coiffa d’un chapeau conique en or et vint demander au fils du richard de libérer la carpe d’or.

 

 

En échange, il lui promit de lui donner un trésor : Nang K’o-sop. « Ce bien précieux, dit-il, fait disparaître la fièvre, les furoncles, les maux de ventre et recouvrer la santé. Emportez cette Nang (demoiselle) et plantez-la. Vous pourrez vous en nourrir tant que la religion subsistera ». Touché par ces paroles dignes de foi, le fils du richard retira son harpon de la plaie et demanda

« Demeure-t-elle près d’ici ou là-bas, dans la forêt, dans quelque grotte, dans quelque étang ? » « Elle demeure à côté d’ici, dans une grotte de la forêt »  répartit le roi des poissons.

 

 

Le fils du richard rendit hommage au roi des poissons et lui demanda Nang K’o-sop. Le roi des poissons appela la Nang. Celle-ci s’envola à travers les airs, se posa près du fils du richard et tourna vers lui ses regards. Le fils du richard la serra dans ses bras et l’embrassa :tout son corps en demeura parfumé. Il déclara alors qu’il allait l’emmener, mais elle refusa. Fâchée contre la méchante vieille qui l’avait frappée, elle préférait mourir en ce lieu plutôt que de retourner dans le monde des hommes. Le fils du richard la supplia : « Venez avec moi, je vous en conjure, vous avez conçu du ressentiment, mais faites preuve de patience. Songez à l’avenir plutôt qu’au passé ». Mais il ne parvint point à la convaincre. Deux Devata (créatures célestes)  joignirent alors leurs efforts à ceux du roi des poissons. Ce dernier déclara : « O Nang K’osop, partez ! Ne demeurez point dans l’étang, allez nourrir les hommes de façon que la religion progresse. Vous êtes née avec le Bouddhisme et vous êtes liée à la religion ».

 

L’un des Devata, qui s’était métamorphosé en un Cerf d’or, ajouta d’une voix harmonieuse : « Nang K’osop retournez parmi les hommes ! Ne demeurez point dans la forêt. Entretenez la vie de façon qu’elle puisse être aimée. Maintenant, par suite de votre faute, le Bouddhisme présente une faille ».

 

 

Le second Devata se métamorphosa en un perroquet à la voix harmonieuse :

 

« O Nang K’osop, dit-il, nous avons tous les deux des ailes et nous volons dans les espaces célestes. Ne demeurez point dans la forêt, dans la grotte. Retournez pour soutenir la religion de l’Omniscient qui va naître. Soyez à l’avenir le soutien de la religion à laquelle vous avez manqué dans le passé ! »

 

.

La Nang, comprenant que le Cerf d’or et le Perroquet n’étaient autres que des Devata, répondit alors qu’elle ne ferait nulle opposition et qu’elle retournerait au pays du fils du richard. Celui-ci put donc ainsi l’emmener. Sans les mérites du fils du richard, plus nombreux que ceux des habitants des milliers de villes, tous les hommes seraient morts de faim.

 

Le riz avait gardé la même saveur. Tous les êtres humains s’en nourrirent et firent progresser le Bouddhisme. Le Bouddha Kassapa renaquit alors. Le riz n’eut plus que 3 kam de diamètre et 3 k’eub de long, mais il conserva la même saveur. Quand Bouddha Kassapa fut âgé de 4000 ans, il obtint le Nirvâna et laissa la religion à elle-même durant 6000 ans. Le riz conserva la même saveur. Enfin Gotama,  l’Omniscient, le Vainqueur du Samsâra naquit. Le riz n’eut plus qu’un; kam ½ de diamètre et 1 k’eub de long. Le Bouddha s’en nourrit. Quand il eut atteint 80 ans, il parvint au Nirvâna et laissa la religion prospérer pendant 5000 ans.

 

 

 

1.012 ans exactement après la mort de Gotama, un Monarque tout puissant vint régner sur un royaume de Jambudvipa. N’établissant aucune distinction entre le bien et le mal, il était coléreux et détestait le peuple. Il n’observait  pas les préceptes et ne commettait que des péchés. Les signes fastes disparurent alors, la pluie ne tomba plus, la sécheresse sévit dans tout le pays. Les hommes, le gosier desséché, souffrirent de la famine. Le monarque fit construire de vastes greniers pour engranger le riz prélevé qu’il échangea contre de l’argent, de l’or,

 

 

... des éléphants,

 

 

.... des chevaux,

 

 

...des esclaves.  Nang K’osop, irritée, décida de regagner son ancienne demeure. Elle s’enfuit sur la montagne de la « Pierre de l’Etang de la Tortue » où résidait un ermite qui se livrait à la méditation.

 

 

Le riz s’étant enfui, tous les hommes moururent de faim. Le monarque périt également. Cette famine sévit pendant 320 ans. Un vieil esclave et son épouse à bout de forces, s’engagèrent dans la forêt, la montagne.

 

 

Les Devata les conduisirent à l’ermite. Quand il les vit dans ce triste état, l’ermite leur adressa la parole. Les deux esclaves levèrent les deux mains en demandant à manger. L’ermite médita alors sur la disparition des hommes et de la religion, puis appela Nang K’osop pour la donner aux deux vieillards :

 

« - O couple ! voici un cadeau précieux, déclara l’ermite ; voici un aliment qui entretient la vie et la religion ! Prenez Nang K’osop et plantez-la pour que la vie continue ! »

 

 

 

Nang K’osop, respectueusement protesta :

 

« Je demande à demeurer avec vous ; je ne veux point retourner là-bas car je suis fâchée. Jadis, en effet, une vieille me roua de coups ; par la suite un monarque pervers me troqua contre des éléphants, des chevaux, des esclaves, de l’or, de l’argent. Je demande à m’attacher à vos pas, à demeurer près de vous jusqu’à la vieillesse »

 

L’ermite, songeant à l’avenir du Bouddhisme et craignant qu’il ne disparût, déchiqueta le corps de Nang K’osop ; les fragments se métamorphosèrent en riz noir, en riz blanc, en riz annamite, en riz gluant. N’opposant plus aucune résistance, Nang K’osop retint sa respiration et mourut. Son corps s’enfla, devint une pierre. Etendue, les pieds en l’air, sur le dos, elle demeura là, au sommet de la falaise. Plus tard, quand Bouddha Maitreya naîtra en ce monde, toutes les variétés de riz se réuniront pour former le riz primitif.

 

 

L’ermite qui prévoyait cet événement enjoignit au couple d’emporter le riz, de le planter et de le surveiller avec grand soin. Or le tronc bientôt jaunit, se dessécha. L’ermite se rendit immédiatement compte qu’il avait commis quelque erreur. Il saisit les ailes et la queue et les teignit. Elles devinrent la Mère du riz.

 

L’ermite jeta ensuite le foie et le cœur de la déesse du riz. Ces organes devinrent le cœur du riz que l’on sème avant toutes les autres sortes de riz. Les deux vieux lui donnèrent le nom de Khao h’êk, c’est-à-dire « riz du début ». Avec les vertèbres, les côtes et les tibias de la déesse du riz l’ermite confectionna un poteau, avec les entrailles et l’estomac, un drapeau.

 

Note : C’est ce qui explique que l’autel du génie gardien de la rivière soit souvent surmonté d’un piquet orné d’anneaux en bambou qui symbolisent les entrailles de la déesse. Ces anneaux sont parfois considérés comme des épis de riz qui doivent assurer l’abondance

 

Les nerfs, le sang, les yeux noirs et splendides de Nang K’osop, sa bouche, ses dents, sa tête furent métamorphosés en deux phi ou génies ne possédant qu’un œil unique noir et rond.

 

 

Ces deux phi, nommés « phi à l’oeil unique » ou Phi Ta H’êk, avaient pour fonction d’accroître les forces du Khao h’êk. Ces deux phi n’eurent point besoin de songer à leur subsistance. De l’alcool de jarre,

 

 

... des plateaux de poulets bouillis, des corbeilles de riz gluant, des chiques, des carafes, des étoffes, des bracelets, des bagues leur  furent offerts. Le riz alors verdit et recouvra sa splendeur. Les deux vieillards récitèrent la gatha que leur avait enseignée l’ermite, puis arrosèrent le riz qui proliféra.

 

Note : Une gatha désigne dans le bouddhisme une poésie en vers, un hymne.

 

 

Les deux phi le surveillèrent. Ce riz donna naissance à une multitude prodigieuse de petits grains. Les jeunes épis se multiplièrent. Les deux vieux en donnèrent une mesure au royaume de Naga k’utanaga où le Bouddha avait instauré la religion. Ils en offrirent une mesure à la cité de Jettavana. 134 épis furent réservés au Jambudvipa. Les deux vieux enjoignirent alors à leurs enfants et à leurs petits-enfants de transporter ce riz dans leurs villages, leurs maisons et d’ériger des greniers pour l’abriter. « Que tous ceux qui sont pauvres, ajoutèrent-ils, viennent en chercher. » Certains emportèrent alors le riz dans leurs bras, d’autres le portèrent en bandoulière, d’autres utilisèrent des bœufs, des buffles ,

 

 

... des chevaux pour le transporter.

 

Des gens parlant des langues  diverses : birman, man, chinois, kha, cham ; t’ai, lao, ho, construisirent des charrettes, des chariots pour le transporter.

 

 

Les populations montagnardes tels que les Kha des hauteurs le mirent dans des hottes ou le portèrent sur l’épaule. Ceux qui habitaient à l’embouchure des rivières construisirent des pirogues et se livrèrent au transport jour et nuit. Ce riz ne diminua jamais. En tas nombreux, il s’étala à perte de vue et tous les hommes vécurent heureux respectant la religion. Les deux vieux enseignèrent aux hommes à cultiver les rizières, à pratiquer l’écobuage et, à l’époque de la moisson, pour accroître la vitalité de l’âme du riz, ils leur apprirent la gatha efficace. Ils ordonnèrent à la déesse du riz et aux Phi Ta h’êk de veiller sur le riz jusqu’à l’extinction du Bouddhisme. Quand ils eurent atteint 964 ans, les deux vieux moururent, laissant leur dépouille à la terre.

 

Tous les hommes leur firent des funérailles, versèrent de l’eau sur le sol pour leur transmettre des mérites et les faire parvenir ainsi jusqu’à la cité céleste des grands Brahmas. Grâce aux deux vieux, les hommes vécurent heureux. Après la mort des Pou Neu Na Neu (probablement le vieil esclave et son épouse?), les hommes continuèrent à puiser et à piler le riz, à cultiver raï et rizières

 

 

Je veux pour en terminer souligner que ces rituels appelant la divinité à protégerles récoltes ont été repris - mutatis mutandis - par l’Église catholique qui pendant deux mille ans et peut-être encore aujourd'hui continue à placer ses paysans (et ses fidèles) sous la protection de la divinité non point directement mais par l'intermédiaire de ses saints – souvent locaux- dont l'existence historique est souvent aléatoire tout autant que les vertus dont les fidèles les parent. Les catholiques du Comtat-Venaissin dont je suis continuent à honorer le 16 mai Saint Gens pour éviter la sécheresse d'un été torride à venir.

 

 

J'ai encore entendu lors d'une messe en pays viticole avant les vendanges les fidèles appeler la protection de Saint Vincent, patron des vignerons.

 

 

Aujourd’hui encore, chaque année, la Saint-Vincent tournante est célébrée en
Bourgogne.

 

 

C'était, il est vrai avant l'Eglise conciliaire.

 

Ce n'est qu'un exemple parmi des milliers et curieusement, ce sont en général des saints et non des saintes qui protègent les agriculteurs. La multiplication de ces intermédiaires avec rites et œuvres méritoires conduisit à des excès dénoncés par Luther au XVIe siècle.

 

 

NOTES

 

(1) Voir notre article« A 402- MAE PHOSOP, แม่โพสพ, LA DÉESSE DU RIZ» https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2020/11/a-402-mae-posop-la-deesse-du-riz.html

 

(2) Sur la vie et l’œuvre exceptionnelles de ce grand savant, voir l'article de Yves Goudineau « Charles Archaimbault (1921-2001) » dans le Bulletin de l'école française d’Extrême-Orient, tome 88 de 2001  et celui de Jacques Lemoine « L’œuvre de Charles Archaimbault (1921-2001) » dans Aséanie, numéro  7 de  2001. Ces deux articles sont numérisés sur le site https://www.persee.fr

 

(3) L'ouvrage est disponible pour quelques euros sur plusieurs sites de vente en ligne : AbeBooks,fr – Amazon et Rakuten

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3 septembre 2023 7 03 /09 /septembre /2023 02:55

 

Un article daté de 2009 « The Last Orientals – The Thai Sakdina System » sur le site « Thai blogs » donne une vision originale de ce vieux système féodal appelé « sakdina » (ศักดินา) : Sakdi (ศักดิ์) peut de traduire par « pouvoir » et Na (นา) c’est une « rizière » dont la superficie se mesure toujours en raï (ไร่) correspondant à 1600 mètres carrés (1)

 

 

Système féodal certes mais un système qui ne correspond nullement aux systèmes féodaux que nous avons connu en Europe.

 

 

Nous en avons parlé. Il a été élaboré à l’époque du roi Boromtrailok (1448- 1488) (2)

 

 

Revenons-y très rapidement.

 

C’était un système de hiérarchie sociale singulier attribuant un rang à tout individu en fonction de sa place dans la société.  Un chiffre déterminait le nombre de raïs que chacun était autorisé à posséder ce qui ne veut d’ailleurs pas dire que celui qui était chiffré à 100.000 raîs ait été effectivement propriétaire de ces 100.000 raïs.

 

Formellement, le système a été aboli après le coup d’état de 1932 fomenté comme nous le savons par le « parti du peuple » qui n’avait rien de populaire. Certains pensent toutefois qu’il subsiste de façon insidieuse et que la société demeure fondamentalement féodale. On peut citer en particulier Chit Phumisak (จิตร ภูมิศักด),

 

 

 :::historien et poète, assassiné en 1966 alors qu’il se trouvait dans les maquis communistes de la forêt de Phuphan dans la province de Sakonnakhon (Visage de la féodalité thaïeโฉมหน้าศักดินาไทย - Chomna Sakdina Thai, dont la première édition est de 1957)

 

 

Depuis 1932, le pays a connu je ne sais combien de constitutions. Toutes proclament que les Thaïs sont égaux entre eux mais il est incontestable, comme dirait Coluche, que certains sont plus égaux que d’autres.

 

 

C’est une évidence propre à toutes les sociétés du monde entier bien qu’elle soit dans la Thaïlande du XXI siècle plus marquée qu’ailleurs. Doit-on voir des vestiges de féodalité dans la déférence montrée par un serviteur envers son maître, des étudiants baissant la tête lorsqu'ils croisent un enseignant dans le couloir

 

 

ou lorsque les jeunes, lors des fêtes de Songkran, viennent rendre aux anciens « l’hommage de l‘eau » en s’agenouillant devant eux ?

 

 

Les origines du Sakdina sont-elles  si profondément ancrées dans l'histoire thaïe ? L’article que j’ai cité en tête de ma communication en trouve la démonstration, sinon la preuve, dans la langue thaïe où l'utilisation des pronoms personnels a une importance primordiale. C’est à ce dernier point que je me suis attaché.

 

Les pronoms personnels (บุรุษสรรพนาม) sont utilisés dans la conversation ou la narration pour désigner trois personnes, le locuteur la personne mentionnée. La grammaire est précise ; elle ventile plusieurs solutions.

 

 

Si le locuteur et l’auditeur sont de rang égal, il faut distinguer s’ils sont des hommes, et encore le locuteur de l’auditeur. Si ce sont des femmes, il faut également distinguer entre locutrice et auditrice. S’il s’agit d’un homme et d’une femme, même ventilation.

 

Chez les égaux, nous avons le choix entre sept pronoms différents ce qui peut rendre une lecture difficile car certains peuvent être utilisés par l’un ou l’autre sexe. Ai-je à faire à un homme ou à une femme ? Seul le contexte peut parfois permettre de s’y retrouver.

 

Si les personnes sont de rang différent, la langue distingue les « petites gens » (phunoi – ผู้น้อย) des « grands » (phu yai – ผู้ใหญ).

 

Une première liste concerne les rapports inégaux au sein de la même famille et une distinction encore selon le sexe de celui ou celle qui parle et s’il s’agit d’un dialogue entre homme et femme.

 

Et voilà dans cette catégorie des inégaux de la même famille dix-sept pronoms personnels qui s’ajoutent à la liste.

 

Si les personnes sont de rangs différents sans lien de parenté, là encore distinctions entre l’homme qui parle, la femme qui parle et un homme et une femme qui dialoguent. Une nouvelle quinzaine de pronoms personnels sont à notre disposition.

 

Si enfin la « phunoi » s’adresse à une très haute autorité, famille royale, bonze, très haut fonctionnaire, une nouvelle quinzaine de pronoms personnels est à sa disposition : S’il ne s’agit pas de dialogue proprement dit, ils sont utilisés dans les correspondances ou suppliques adressées aux grands de ce monde. Nous sommes dans le « Rachasap » et les traités d’apprentissage ne manquent pas

 

Voilà bien une bonne cinquantaine de pronoms personnels qui ne sont pas sortis de mon imagination mais tout simplement d’une grammaire que j’utilise volontiers car, en plus d’être complète, elle est présentée de façon particulièrement attractive (3).

 

 

L’inventaire des pronoms personnels est long comme un jour sans pain, leur maniement aussi délicat que les règles de l’étiquette à la cour du Roi d’Espagne au temps de Philippe II. N’utilisez jamais que les pronoms passe-partout à peine de devoir commettre des gaffes irréparables.

 

 

A cette hiérarchie des prononçons personnels, il faut ajouter une autre hiérarchie, celle au sein de la langue proprement dite :

 

La langue thaïe se subdivise grammaticalement en 5 étages de vocabulaire dont les deux premiers sont du « Rachasap » :

 

 

Celui qui concerne le Roi, et la famille royale,

Celui qui concerne les moines bouddhistes,

Celui destiné aux autorités administratives,

Le langage courtois,

Et le langage familier.

A chaque étage, son mot propre.

 

En ce qui concerne le dernier étage, il semble que l’on puisse passer facilement au « langage du marché » (ภาษา ตลาด) qui donne volontiers lieu parfois à un langage de charretier. Il connaît aussi ses pronoms personnels. S’ils ne sont pas du langage raffiné, ils sont du langage puisque mentionnés dans le Dictionnaire de l’Académie royale qui dit par exemple de l’un d’entre eux « ce mot peut être utilisé, quoique peu convenable, par une personne d'un rang très supérieur pour désigner une personne de sexe féminin d'un rang très inférieur ou un animal femelle »

 

Quelques réflexions enfin nées en partie de mon expérience personnelle : Si vous avez fait l’effort de passer la barrière linguistique, vous n’aurez guère l’occasion de pratiquer ces subtilités dans les dialogues au quotidien, d’autant que dans la conversation courante, le pronom personnel est volontiers éludé mais vous les trouverez assurément dans la langue écrite, y compris la littérature enfantine qui est un bon exercice pour s’entraîner à la lecture puisqu’elle utilise volontiers un langage soutenu.

 

 

Quelle que soit la méthode que vous avez utilisée pour apprendre la langue, elle se situe au niveau du langage courtois avec peut-être des incursions dans le familier, mais elle vous donne toujours des pronoms personnel que vous pouvez utiliser sans crainte de faire des bévues, point n’est besoin d’une cinquantaine.

 

 

Les Thaïs n’ont pas encore abattu l’arbre des bienséances, ils ne l’ont pas même étêté.

 

La société thaïe était et reste verticale, la hiérarchie sociale est profonde et l’on y respecte (encore ?) les personnes respectables ou représentant une institution respectable, les prêtres, la famille royale, les personnes âgées, les autorités administratives, les enseignants et même, les policiers, les magistrats et les avocats. Il est difficile de ne pas y voir jusque dans la grammaire, la persistance du vieux système imaginé par le Roi Boromtrailok. Nous le retrouvons dans d’autres aspects du savoir-vivre dont nous avons parlé (4)

NOTES

 (1)

http://www.thai-blogs.com/2009/03/11/last-bastion-of-the-orient/?fbclid=IwAR1HoNj45KmzteBxGhUYAQ_Bt1i7HJCTTTPlgT0hTANpr3NOqobw6aIwnvQ

(2) Voir notre article 48. La Sakdina, Le Système Féodal Du Siam ? https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/article-48-la-sakdina-le-systeme-feodal-du-siam-110214155.html

(3) La collection รักภาษาไทย (j’aime la langue thaïe) est remarquable et somptueusement illustrée (En thaï) :

การอ่าน ISBN 974-08-5118-5 (la lecture)

โครงสร้างของคำ ISBN 974-08-4634-3 (la structure des mots)

ชนิตของคำ ISBN 974-08-4632-7 (les types de mots)

ราชาศัพท์ ISBN 974-08-4633-5v (le rachasap)

การไช้เครื่องหมาย ISBN 974-08-3883-9 (la versification)

คัคล้องจอง ISBN 974-08-4633-5 (les rimes)

คำร้อยกรอง ISBN 974-08-3691-7 (la poésie)

สระและมาตราตัวสะกค ISBN 974-08-4731-5 (les voyelles et le son final des consonnes)

(4) Voir notre article R10. (A 164) - QUELQUES BRÈVES NOTIONS DE BONNES MANIÈRES EN THAÏLANDE

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/article-a164-quelques-breves-notions-de-bonne-smanieres-en-thailande-124704927.html

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27 août 2023 7 27 /08 /août /2023 03:23

 

Lorsque nous avons parlé de Sunthorn Phu (สุนทรภู่) (1786-1855), considéré de façon unanime comme l’un des plus grands poètes thaïs, et  le plus grand poète des Rattanakosin (กวีเอกแห่งกรุงรัตนโกสินทร์). Rattanakosin est à la fois le nom de la dynastie et celui du Bouddha d’émeraude, palladium du pays. Rattanakosin est à la fois le nom de la dynastie et celui du Bouddha d’émeraude, palladium du pays.  

 

 

Nous n’avons fait qu’une brève allusion à ce qui passe pour son chef-d’œuvre Phra Aphaimani  (พระอภัยมณี) (1). Il eut une vie à tout le moins chaotique. Nous avons conclu, un peu rapidement peut-être « Il ne vous reste plus qu’à le lire …… en thaï ! » car il n’a pas été traduit, le sera-t-il jamais ? Apparemment, l’épopée n’a jamais été traduite dans son énorme intégralité, ni en français ni même en anglais mais uniquement des traductions ponctuelles sur un ou l’autre des chapitres (2).

 

Il faut à cette question donner une double réponse, d’ordre général d’abord, d’ordre particulier ensuite.

 

 

Sur la possibilité d’une traduction

 

La grammaire thaïe est – au moins dans la syntaxe - complexe. Elle est d’ailleurs fort singulièrement analysée en utilisant des paramètres du latin. N’y revenons pas, c’est une question que nous avons abordé (3). Nous avons consacré un article à ces (in)surmontables difficultés de traduction, référence étant faite à des sources fort érudites (4). N’y revenons pas non plus ces difficultés sont multiples. Je n’ai cité qu’un exemple en partant de la traduction du français au thaï : Même s’il concerne une traduction en sens inverse, sur une seule phrase dans « Le petit Prince » que nous « Je suis responsable de ma rose ».(5)

Relevons encore une difficulté probablement plus difficile à surmonter dans des textes anciens comme celui qui nous intéresse que dans des textes contemporains, il faut ajouter une autre difficulté, celle de la hiérarchie au sein de la langue proprement dite et plus encore dans des textes vieux de deux siècles, nous lui avons consacré un article (6).

 

Il est une dernière difficulté qui m’aurait permis de m’en sortir par une pirouette : Le texte de Sunthorn Phu est une longue épopée en vers, « on ne peut pas traduire la poésie » a dit Albert Camus je ne sais quand et  je cite de mémoire

 

 

Dans notre article précédent (4), nous avons donné un exemple caractéristique de la traduction d’une poésie en bon français. Il s’agit d’une églogue de Virgile. Elle est en latin, certes, mais la versification des romains, tout comme celle des Thaïs, n’a rien à voir avec l’art poétique de Boileau ! Elles sont toutes deux d’une complexité qui n’a rien à voir avec notre art poétique et ses alexandrins. Nous avons mis en parallèle un texte d’origine, une églogue de Virgile, sa traduction très littératures par un classique, et celle de deux poètes, Paul Valéry et Marcel Pagnol qui l’ont mis en bons alexandrins, considérant qu’on ne peut traduire de la poésie que par de la poésie, un périlleux exercice. Mais Le Petit Prince est aussi de la poésie en prose !

 

 

Pour en revenir, dans le sens de la traduction en thaï d’une poésie française, j’ai consulté un bel article d’Apichart Poemchawalit, un universitaire distingué : La poésie française et la traduction en thaï. Il donne une bonne analyse à la fois de la versification française et de la complexe versification thaïe (7). Il donne de nombreux exemples de traduction de notre poésie classique, je n’en cite qu’un sur le début d’un alexandrin que nous connaissons tous : O temps ! Suspends ton vol. Je vous livre sa traduction :

 

กาลเวลาเจ้าเอย  ขอเจ้าหอุดอยุ่เฉยอย่าบินหนี - kanwela chao oei - kho chao yut yu choei ya binni. Ces explications proviennent du Dictionnaire de l’Académie royale : kanwela est la forme poétique et archaïque du mot wela, le temps. Chao est la forme archaïque et poétique du pronom personnel tu. Oïe est une particule de fin de phrase en langage recherché qui marque l’exclamation, en quelque sorte le point d’exclamation dans une langue qui ne connait pas la ponctuation. La deuxième partie se traduit littéralement par Toi, le temps ! Je te demande de t’arrêter et de ne pas t’envoler : Si je traduis par O temps ! Suspends ton vol, je suis devenu un poète non pas qui traduit mais qui interprète !

 

 

L’épopée

 

Le texte de Sunthorn Phu appartient à la littérature classique, littérature de cour sous forme de poème. Phra Aphaimani est un poème épique de 48.686 vers et – paraît-il – 600.000 mots, composé par le plus grand poète des Rattanakosin, mais il y a eu de versions condensées Il est considéré comme l'une des épopées nationales de la Thaïlande et répertorié comme le plus long poème thaï. Battus Victor Hugo avec les 25.000 vers de « La légende des siècles » mais qui, en dehors de quelques hugolâtres passionnés, peut actuellement se vanter de l‘avoir lu dans son intégralité ? Battu le vieil Homère, le barde aveugle, avec les 12.000 vers de l'Odyssée disposés en 24 chants formant des histoires indépendantes pouvant être racontées en une seule fois. Suthorn Phu a commencé à travailler sur cette poésie épique en 1822 et l'a terminée en 1844. Les protagonistes sont tous sortis de son imagination à l’inverse, par exemple d’une autre épopée dont nous avons parlé, Khun Chang et Khun Phaen  (ขุนช้าง ขุนแผนune épopée légendaire colportée depuis des siècles, d’abord sous forme orale ou chantée puis tardivement mise sur écrit.

 

 

Suthorn Phu nous plonge parfois dans l’actualité même de son époque. Il est une démarche préalable que font rarement ceux qui ont commenté le texte, c’est de traduire le nom du héros le prince Aphai Mani, ce qui est essentiel pour la compréhension du texte et explique qu’il ne s’agit pas seulement d’un roman d’aventures: พระอภัยมณีPhra – พระest son titre de prince et fils de roi. Aphai – อภัย est un joyau. Mani – มณี c’est le pardon. Le joyau du pardon, c’est bien le message transmis par l’auteur. Dois-je traduire par les vertus du pardon ? N’oublions pas que ce texte a été écrit à une époque de guerres perpétuelles, avec la Birmanie, avec le Laos, avec le Vietnam ?

 

 

Les principaux protagonistes sont le prince Aphai Mani et son frère cadet   Si Suwan (ศรีสุวรรณ). Ils sont tous deux fils du prince Suthat et la princesse Pathum Pathum Kaset (ท้าวสุทัศน์พระนางปทุมเกสร). Suthat règne sur la ville de Rattana – เมืองรัตนา. Il est difficile de ne pas y voir une allusion avec la capital du Siam ; Bangkok, dont le nom officiel est  krungthepmahanakhonamonrattanakosin – กรุงเทพมหานครอมรรัตนโกสินทร์- La cité des anges, ville immortelle des Rattanakosin.

 

 

Le prince Suthat va envoyer ses deux fils à l’étranger pour s’y former à l’art de gouverner. Sri Suwan maîtrise les arts martiaux de combat mais  Phra Aphai Mani maîtrise une flûte magique Pi (ปี่) qui endort mais donne aussi le pouvoir de tuer. Aphai Mani  est souvent dans l’iconographie représenté en joueur de flute.

 

 

On peut penser mais ce n’est qu’une hypothèse, que Sunthorn Phu dont la culture était immense, acquise en partie auprès des occidentaux présent dans la capitale, missionnaires et scientifiques, a eu connaissance de la flute enchantée, opéra que Mozart avait écrit quelques dizaines d’année auparavant

 

 

::: tout comme il a pu avoir connaissance de l’épopée de l’Odyssée par des missionnaires alors tous baignant dans la culture gréco-latine ?

 

 

De retour dans la cité de Rattana, leur père est en colère du fait que ce qu'ils ont appris n'a pas été utile pour diriger un pays.

 

Est-ce déjà une leçon, on ne gouverne ni par l’épée ni par la musique. 

 

Il les expulse donc du royaume, ainsi commence des aventures qui vont s’étaler pendant de longues années.

 

Le merveilleux si cher aux Thaïs ; n’en est pas absent. Nous allons ainsi rencontrer un démon femelle de l’océan – นางผีเสื้อสมุทร  - nang phisuea samut –  une ogresse qui peut prendre la forme d’une femme superbe, appelée สินสมุทรSinsamut. Nous trouvons aussi une sirène : นางสุวรรณมาลี  - Nang Suwanmali qui donnera à Aphai un fils appelé สุดสาคร Sutsakhon.

 

 

Il y aura des guerres puisque – Usaren  (อุศเรน) qui règne à Lanka (เมืองลังกา) c’est-à-dire Ceylan était amoureux de la sirène qui lui préféra Aphai Mani. Phra Aphai Mani essaie d'éviter l'effusion de sang en utilisant la musique. Lorsque la guerre fut terminée, Phra Aphai Mani pardonna à ses ennemis, les libéra, restitua leurs biens et leur fournit des moyens de transport pour regagner leur pays respectif.

 

A la fin de l’épopée, Phra Aphai Mani abandonne son trône et les biens de ce monde. Il devient  ermite assisté de Nang Suwanmali qui a été ordonnée religieuse. Il qui prêche que tous les êtres humains avant de mourir doivent laisser leurs biens derrière eux. C'est un conseil à tous d'abandonner l'avidité, la colère et l'attachement aux choses passagères. La non-violence permettra enfin d'atteindre la paix

Une page Internet en thaï nous dresse la liste de trois douzaines des personnages principaux avec leur rôle (9). Elle n’est pas inutile compte tenu de la longueur et de la complexité de cette épopée.

 

Je n’ai pas eu l’occasion de trouver un exemplaire imprimé de cette épopée, une édition de 1920 aurait comporté 104 livraisons. Je me reporte donc à la publication qu’en fit sur Internet la Bibliothèque nationale Vajirayana (10). C’est évidement l‘accès le plus facile. En dehors d’une très longue présentation, se déroulent 132 chapitres dont je n’ai consulté et traduit que les titres. Une section de l’introduction donne une liste probablement exhaustive de ses 24 œuvres toutes poétiques  (ว่าด้วยหนังสือที่สุนทรภู่แต่งles œuvres composées par Sunthorn Phu)

 

Je n’ai pas la prétention d’avoir traduit ce texte, je n’en ai ni le temps ni surtout les compétences, je me suis contenté de le feuilleter. Tout comme les 24 chants d’Homère peuvent former des histoires indépendantes, ainsi apparemment des 132 chapitres de l’épopée qui font ainsi l’objet de multiples productions en langage actuel. Sunthorn Phu avait à l'origine l'intention de mettre fin à l'histoire là où Phra Aphai abdique du trône et se retire dans le bois, le chapitre 64 sous le titre de « l’harmonie royale » (กษัตริย์สามัคคี).

La traduction de la littérature contemporaine nécessite une maîtrise  complète de la langue orale et écrite en particulier pour des textes anciens écrits en vers que je suis très, très loin d’avoir. Je n’ai consulté que des résumés écrits dans une langue qui est à ma portée (11). Tous ne font jamais moins de 20 pages.

 

Texte traduits (ou interprétés) à ma façon en essayant de conserver leur aspect totalement irrationnel ? Les Thaïs manquent parfois un peu d’esprit critique ce qui les conduit à lire ces textes sans s’étonner. Nous avons un sens critique plus développé. Je m’étonne un peu de voir The Journal of the Royal Institute of Thailand  (11) publier  des articles en anglais.

NOTES

 

  • 1 -

Voir notre article

A119. Sunthorn Phu (1786-1855). L'un des plus grands poètes Thaïlandais.

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/article-a118-sunthorn-phu-1786-1855-l-un-des-plus-grands-poetes-thailandais-118861232.html

  • 2 –

Voir l’étude de Gérard Fouquet «  INVENTAIRE DES OEUVRES LITTÉRAIRES THAÏES TRADUITES EN FRANÇAIS » accessible via

https://leo2t.hypotheses.org/litterature-thaie

  • 3  – Voir notre article

A 365 - LA SINGULIÈRE UTILISATION DE LA GRAMMAIRE LATINE PAR LA GRAMMAIRE THAÏE.

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2020/04/a-365-la-singuliere-utilisation-de-la-grammaire-latine-par-la-grammaire-thaie.html

  • 4 – Voir notre article

A 377- DES DIFFICULTÉS DE TRADUIRE LE THAÏ EN FRANÇAIS ?

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2020/06/a-377-des-difficultes-de-traduire-le-thai-en-francais.html

Voir aussi « Traduire le thaï : un exemple littéraire » de Louise Pichard-Bertaux in Mouson de 2018 : https://journals.openedition.org/moussons/4163?lang=en

 

  • 5 -

พะงาพันธุ์ โบบิเยร์ (Phangaphan  Bobiye), เจ้าชายน้อย 1997 (ISBN 974-300-090-9)

  • 6 –

Voir notre article

H 72  - LE VIEUX SYSTÈME FÉODAL SIAMOIS ศักดินาET SA SURVIVANCE  DANS LA GRAMMAIRE

 

  • 7 –

L’article est numérisé :

http://www.bonjourajarnton.com/images/sub_1259723791/poesie%20francaise%20et%20traduction%20en%20thai.pdf

  • 8 -

Voir notre article

A 273 - ขุนช้าง ขุนแผน - UNE OEUVRE MAJEURE DE LA LITTÉRATURE THAÏE : KHUN CHANG - KHUN PHAEN OU L’HISTOIRE DE PHIM, « LA FEMME AUX DEUX CŒURS ».

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2018/09/a-273-khun-chang-khun-phaen-ou-l-histoire-de-phim-la-femme-aux-deux-coeurs.html

  • 9 –

https://education.kapook.com/view91646.html

  • 10 –

https://vajirayana.org/พระอภัยมณี

  • 11 –

En particulier

 et un article de Srisurang Poolthupya dans The Journal of the Royal Institute of Thailand , volume II de 2010 : Peace and Non-Violence in Phra Aphai Mani, A Poetic Tale by Sunthon Phu, numérisé :

https://royalsociety.go.th/peace-and-non-violence-in-phra-aphai-mani-a-poetic-tale-by-sunthon-phu/

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30 juillet 2023 7 30 /07 /juillet /2023 03:01

 

Nous avons consacré deux articles à ce qu’il est convenu d’appeler « la révolte des Saints », plus précisément « la révolte des hommes qui ont gagné des mérites » (Prakotkanpibun  ปรากฏการณ์ผีบุญ ou encore การขบถผู้มีญ kankhabotphoumibun).

 

 

Les plus méritants d’entre aux acquirent des pouvoirs charismatiques de thaumaturges et de prophètes. Elle débuta au débit du siècle dernier au sud du Laos, lutte anticoloniales par excellence, les habitants s’était rapidement aperçu dès l’arrivée des Français que les mots « liberté, égalité, fraternité » inscrits au fronton des édifices publics ne s’appliquaient pas aux Indigènes.

 

 

Rapidement réprimée par les Français elle déborda de l’autre côté du Mékong dans les provinces du sud de l’Isan (nord-est de la Thaïlande). Mouvement anti colonial aussi en lutte contre la politique de réforme du roi Rama V et de son frère, le prince Damrong tendant à une « siamisation » forcenée  des marches du royaume dont les liens féodaux avec Bangkok étaient évanescents : le Siam ne doit comporter que des Siamois avec les mêmes droits et surtout les mêmes devoirs. Ils sont aujourd’hui célébrés, au Laos comme les précurseurs de la lutte anti coloniale et en Thaïlande par les « activistes qui luttent pour une réforme en profondeur d’un régime centralisateur, vers plus de démocratie, de déentralisation et de justice sociale. Mon propos n’est pas de les juger. Il n’est pas non plus de réécrire l’histoire mais il est des constatations d’évidence.  Le roi Rama V avait en face de lui les puissances occidentales qui se disputaient la colonisation des pays d’Asie-du-sud-est. Il dut consentir à de lourds sacrifices, perte du Laos et du Cambodge au profit des Français, pertes de territoires aujourd’hui birmans et des sultanats du sud au profit des Anglais sans compter des pertes de souveraineté, essentiellement au profit des Français, par le système des « protégés ». 

 

 

Ainsi le Siam a-t-il survivre jusqu’à la fin de l’ère coloniale. Mais dans ces conditions, il est évident qu’il ne pouvait tolérer des mouvements centrifuges qu’il lui fallait réprimer de façon spectaculaire car si ses armées n’étaient pas de taille à affronter les Français et les Anglais, elles l’étaient assurément face à des paysans dépourvus d’armement modernes et ne pouvant espérer aucun secours extérieur, bien au contraire puisqu’il est fort probable que les Français du Laos lui apportèrent leur aide. Dans son essai de 1951 « L’homme révolté » Albert Camus, examinant les conditions historiques du développement de l'agitation sociale et de la contestation dans les sociétés occidentales, propose une distinction entre rébellion et révolution : La rébellion est, par nature, de portée limitée. Ce n'est rien de plus qu'une déclaration incohérente. La révolution, au contraire, prend naissance dans le domaine des idées. Plus précisément, c'est l'injection d'idées dans l'expérience historique. Ce qui donne aux révolutions un caractère plus cohérent et soutenu, c'est l'insertion d'idées et de concepts concrets - parfois agrégés en diverses théories révolutionnaires - dans l'histoire.

 

 

Il faut bien constater que la politique de Rama V en lutte contre les féodalités dans ces régions frontalières, était révolutionnaires. La répression fut donc féroce. Elle se termina en 1912 dans la sanglante bataille de Nonpho (ศึกโนนโพธิ์) dans la province de Sisaket (ศรีสะเกษ) non loin d’Ubon que les insurgés avaient réussi à investir et des combats sporadiques aux environs de Ban Sapue (บ้านสะพือ) dans la province d’Ubon  (อุบลราชธานี).

 

 

Vers un monument à la mémoire des morts de la bataille de Nonpho

 

Un premier monument à la gloire de ces révoltés fut édifié au Laos : Le mouvement des « saints » est parti du Laos en 1901, mené par l’un d’entre eux, dénommé Ongkhaeo (องค์แก้ว) surnomé Bac My, doté de pouvoirs charismatiques. On ne sait quelle fut sa fin, peut-être assassiné par les Français, peut-être réfugié en Isan pour continuer la lutte, peut-être échappa-t-il au Siamois et revint reprendre la lutte contre les Français ?  Il a en tous cas son parc du souvenir à Saravane au sud du Laos au lieu présumé de sa mort. Le monument au nord-est de la ville, près de l’hôpital, est dédié au « premier révolutionnaire lao ayant combattu pour l’indépendance contre le colonialisme français » et situe sa mort à la fin des années 60 ou au début des années 70 ? Elle fait l’objet d’un article très documenté - nottament par des recherches dans les archives de la France d'outre-mer à Aix en Provence - de Geoffrey Gunn publié en 1985 dans le Journal of the Siam Society  « A Scandal in Colonial Laos: The Death of Bac My and the Wounding of Kommadan Revisited » précédé d’ailleurs d’un article de J.B. Murdoch, tout aussi documenté, publié dans la même revue en 1974, volume I « The 1901-1902 'Holy Man's Rebellion ».

 

 

Un monument en Thaïlande ?

 

L’idée en est venue à Thanom Chapakdee, cet artiste « activiste » atypique, provocateur et iconoclaste que nous avons rencontré en 2019.  

 

 

Prônant un « art alternatif », il est difficile à situer entre art primitif, art premier ou art de la rue. Aux limites de l’hérésie, il affirme que l’art, à la fois dans le passé et dans le présent, met en évidence  une représentation massive de la religion, de la monarchie et de l'élite; le bouddhisme est devenu l'objet central de l'art, en sorte que le mouvement artistique thaï du bouddhisme s'est développé sans jamais créer.

Á la tête d’une équipe de 70 artistes locaux, il avait choisi pour cela le village de Ban Sapue.

 

 

Son projet ne vit pas le jour puisqu’il est mort à 64 ans le 22 juin 2022 à Sisaket. Le projet n’est pas mort. Le groupe des artistes de Thanom sur sa page face book Ubon Agenda a ouvert une souscription pour que ce monument, le rêve/ de Thanom, puisse voir le jour. Le concept – œuvre collective mais le maître d’œuvre principale est le professeur Chatree Prakitnantha (ศ.ชาตรี ประกิตนนทการ) - en est plaisant et n’a rien de martial ni d’agressif comme le monument de Saravanne 

 

 

: Les abords sont conçus pour faciliter leur entretien. Le monument est au milieu d'un étang, entouré de végétation.

 

 

Un pavillon sera un espace pour célébrer des cérémonies annuelles. Une partie de l’espace devant le monument pourra être utilisé comme rizière pendant la saison, conformément au mode de vie des « Saint Homme ».

 

 

Les chemins reliant chaque partie seront de simple pont en bois.

 

 

Le monument proprement dit aura 16 mètres de haut en forme d'orgue à anches du Laos, fabriqué à partir de métaux noirs fumés, pour représenter l'identité laotienne dans la région.

 

 

Les parties en bambou de l'orgue sont remplacées par des couteaux et des épées, pour représenter le soulèvement des rebelles.

La base du monument est une traverse pour représenter l'arrestation et l'emprisonnement des rebelles. Le style du monument - des épées assemblées en forme d'orgue à anches - est le symbole des gens du commun  qui se dressent contre le gouvernement central.

Reste à savoir si ce projet verra le jour ?

NOTES

 

Nos articles sur la révolte des Saints :

 

140. La Résistance À La Réforme Administrative Du Roi Chulalongkorn. La Révolte Des "Saints".

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/article-140-la-resistance-a-la-reforme-administrative-du-roi-chulalongkorn-la-revolte-des-saints-123663694.html

 

H 32 - LES SOUVENIRS DU PRINCE DAMRONG SUR LA « RÉVOLTE DES SAINTS » (1900-1902), SAINTS OU BATELEURS ?

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2019/05/h-32-les-souvenirs-du-prince-damrong-sur-la-revolte-des-saints-1900-1902-saints-ou-bateleurs.html

Notre article sur Thanon

A 322 - LE « MANIFESTE DE KHONKAEN » : NAISSANCE D’UN « ART ALTERNATIF » EN ISAN - ขอนแก่นแม่นอีหลี

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2019/07/a-322-le-manifeste-de-khonkaen-naissance-d-un-art-alternatif-en-isan.html

 

 

 

 

 

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