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  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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3 juin 2019 1 03 /06 /juin /2019 22:22

 

Nous avons, il y a 5 ans déjà, abordé la question de la résistance aux réformes  administratives du roi Chulalongkorn connue sous le nom de « révolte des saints » (1). Ceux qui ont étudié ce mouvement qui date du début du siècle dernier, y compris les Français qui avaient craint qu’il ne déborde sur le Laos tombé dans notre giron en 1893, lui attribuent une raison première, qui est que  ces réformes ont bouleversé un ordre établi depuis des siècles (2). Motif compréhensible et louable même s’il relevait de la nostalgie d’un passé révolu !

 

 

Ces réformes sont l’œuvre du Prince  Damrong (ดำรง ราชานุภาพ) qui en fut le maître d’œuvre jusqu’en 1915. Mais le Prince Damrong  en donne une version écrite tardive mais avec peut-être une certaine sérénité de la manière dont il a apprécié cette révolte. Elle fut publiée en 1944 après sa mort sous le titre « Histoire de l’ancien temps » mais jamais traduite ni en anglais ni en français,  (3).

 

 

Le prince présente le fruit des souvenirs de la tournée administrative qu’il fit dans les provinces du Nord-est au tout début du siècle dernier comme suit :

 

La révolte des Phuwiset (ผู้วิเศษ – hommes extraordinaires) et de Phraya Thammikrat (พระยาธรรมิกราช  - le seigneur vertueux et royal) et de ses hommes qui voulurent construire leur propre royaume dans le nord-est du Siam. La rébellion fut écrasée, les dirigeants exécutés et leurs partisans capturés furent libérés après avoir prêté serment d'allégeance à Rama V.

 

 

Nous sommes au début de l’année 1902. Le prince nous raconte que depuis Yasothon (ยโสธร) il se rendit à Selaphum (เสลภูมิ) où il arriva le 27 janvier (4). L’année du rat (ชวด Chuat) c’est-à-dire en 1900. Ils  circulaient tout au long de la vallée du Mékong (แม่น้ำโขง - Maenam Khong) une légende écrite sur des feuilles de latanier dont on ne put déterminer quelle en était l’origine, du côté français ce qui est probable ou de la rive siamoise, et qui en était l’auteur. Elle contenait la prophétie suivante : 

 

Au milieu du 6e mois de l'année du bœuf (1901), une catastrophe dévastatrice se produira, la fin du monde en quelque sorte. L’or et l'argent se transformeront en cailloux mais les blocs de latérite deviendront or et argent, les cochons deviendront des géants (ยักษ์ yak) que les gens ne pourront manger. C’est alors qu’arrivera le seigneur (ท้าว thao) Thammikrat (ธรรมิกราช) qui est un saint (Phibun) et qui régnera sur le monde. Ceux qui veulent échapper à la catastrophe doivent copier le contenu des documents et les transmettre à d’autres. S’ils veulent devenir riches, ils doivent ramasser des blocs de latérite et les conserver pour que le Thao Thammikrat les transforme en or et en argent. Ceux qui ont peur de la mort devront tuer les cochons avant le milieu du 6e mois avant qu’ils ne se transforment en géants. La terreur se répandit depuis les populations du Lanchang (ล้านช้าง Laos)  et se propagea sur l’autre rive du Mékong, Monthon Isan (มณฑล อีสาน) ainsi que dans le Monthon Udon (มณฑล อุดร) et celui de Nakhon Ratchasima (นครราชสีมา). Les autorités administratives s’évertuèrent à démonter qu’il s’agissait de fariboles provenant de personnes illettrées qui répandait une rumeur qui ne tarderait pas à disparaître.

 

 

C’était évidemment l’avis du Prince Damrong lorsqu’il en eut connaissance. Ces efforts n’eurent aucun effet, et dès la fin de l’année du rat on pu constater que dans de nombreuses régions de l’Isan les populations avaient amassé des blocs de latérite provenant de Selaphum et se disposaient à tuer les cochons si ce n’était déjà fait. Les agents du gouvernement  ne purent trouver le coupable à l’origine de cette panique collective. C'e fut une peur générale. S’il fut possible par le biais de consignes données aux chefs de village de mettre un terme au ramassage des pierres à Selaphum, il ne fut pas possible d’interdire au peuple d’accorder quelque crédit que ce soit à ces prophéties.

 

C’est alors que surgirent les Phuwiset  dans toute la région Isan (5). A en croire ceux qui les rencontrèrent, ils ne pouvaient pas comprendre leur nom ni savoir de quelle province ils venaient bien qu’ils aient probablement été des locaux. Ils donnaient toutefois l’impression d’avoir été ordonnés, connaissaient les dictons sacrés, les rituels magiques et le peuple les tenait en grande vénération. Ils observaient les prescriptions du bouddhisme, priaient et circulaient vêtus de robes blanches. Partout ils prêchaient en annonçant les cataclysmes qui allaient se produire comme le disaient les manuscrits qui circulaient. Les populations vivant dans la peur leur prêtaient des pouvoirs surnaturels susceptibles de les protéger du désastre futur. Ils récitaient alors des incantations et pratiquaient des rites magiques avec aspersions d’eau bénite. Pensant que le Thao Thamikrat et ses Phibun allaient régner sur le monde, beaucoup rejoignirent les Phu Wiset. Le nombre des adeptes grandit alors dangereusement.

 

 

À cette époque, le prince Sanphasitthi Prasong (พลตรี พระเจ้าบรมวงศ์เธอมรมหลวงสรรพสิทธิ ประสงค์), l’un des nombreux fils du roi Rama V, était gouverneur du Monthon Isan et basé à Ubon. Il y restera jusqu’en 1910. Il disposait d’une troupe de 200 soldats venus de Bangkok et avait formé des soldats locaux. Pour lui, les personnes qui rejoignaient la troupe de Thao-Thammikrat voulaient tout simplement vivre sur le dos de la population en racontant des carabistouilles. Peut-être ne se trompait-il pas totalement ? Il chargea alors l’un de ses officiers qui avait rang de Momrachawong (หม่อมราชวงศ์) c’est à dire d’arrière-petit-fils de roi de s’emparer des Phibun à Ubon avec une compagnie de soldats locaux. Il les rencontra dans un village du Monthon Isan dont le Prince Damrong avait oublié le nom mais qu’il situe à deux ou trois jours de marche d’Ubon. Le meneur des Phibun se trouvait dans une maison et le Momrachawong ordonna à ses soldats de mettre la main sur lui. Ses vaillants guerriers, tremblant de peur devant le Phibun prirent la fuite en laissant leur chef seul. Le Momrachawong dut prendre la fuite pour sauver sa vie. Le Phibun devint alors arrogant et ordonna à ses partisans de regrouper ceux qui avaient des armes dans une grande unité pour marcher sur Ubon et y installer sa capitale menaçant de mort  ceux qui ne se joindraient pas à eux.

 

 

Le Prince Sanphasitthi avait compris la cuisante leçon et estima que pour écraser le groupe,  il devait former une compagnie de soldats locaux encadrés par les troupes aguerris venues de Bangkok. Ceux-ci poursuivirent le groupe jusqu’à deux jours de marche d’Ubon. Les Phibun s’étaient préparés à la bataille. Les meneurs étaient vêtus d’une robe blanche et joignaient les mains au sein de la troupe en prononçant des incantations. Mais les soldats locaux se joignirent aux Phibun et ceux de Bangkok durent prendre la fuite. Cette nouvelle victoire rendit les Phibun plus arrogants et ils purent constituer une troupe de 1000 hommes qui marchèrent en direction d’Ubon avec l’intention au premier chef de massacrer le prince Sanphasitthi. Celui-ci ne perdit pas son sang-froid. Il avait constitué un groupe bien entrainé bien armé de soldats de Bangkok et muni de deux pièces d’artillerie. L’affrontement eut lieu à une journée de marche d’Ubon, plus précisément à 40 kilomètres au nord-ouest dans le village de Ban Saphu (บ้าน สะพือ).

 

 

Un sentier reliait le village à Udon et la végétation était si dense que les hommes devaient marcher en file indienne. Une embuscade fut tendue aux Phibun qui devaient l’emprunter le 4 avril 1902. Une première salve de tir manqua son but. Les Phibun dansèrent de joie. Mais le seconde frappa les plus arrogants et les deux suivants firent des ravages dans les rangs. La plupart prit alors une fuite éperdue. Les soldats les poursuivirent et se contentèrent de les arrêter. Les habitants de l’Isan surent alors que les Phibun n’étaient pas invulnérables, ils cessèrent de les aider et le retour au calme intervint rapidement.

 

 

 Le Prince Damrong ne se souvenait plus  si le Thao Thammikrat - que l’on avait vu tout de blanc vêtu pratiquer des incantations au milieu de ses troupes - avait été mortellement blessé et avait pris la fuite ou si le prince Sanphasitthi avait pu s’emparer de sa personne. Quoi qu'il en soit, le prince Sanphasitthi envoya à Bangkok sa couronne, bonnet en feutre rouge à bord bleu foncé, brodé de rayures en soie dorée. Ceci mit fin à l' « affaire Phibun ».

 

 

La question reste entière de savoir si ce mouvement messianique dont les dirigeants exploitaient la crédulité du peuple et prédisaient un cataclysme prochain, la fin du monde, au cours duquel l’or se transformerait en cailloux fut seulement une réaction du peuple contre les réformes administratives du Prince Damrong et du roi Rama V. Les nombreuses et érudites références visées dans notre précédent article (1) notamment l’article de John B. Murdoch (6) visent les « insatisfactions de la population face à une dislocation de la vie traditionnelle face à un nouvel ordre bureaucratique… ». Elles ne contredisant pas les souvenirs du Prince Damrong, même s'ils ne sont qu'événementiels et ponctuels et nous laissent à penser que par-delà ces nobles motifs, il n'a pas manqué parmi ces « saints hommes » de forts habiles joueurs de bonneteau à la siamoise au milieu probablement de quelques vrais saints.

 

 

NOTES

 

(1) Voir notre article 140 « La résistance à la réforme administrative du Roi Chulalongkorn. La « Révolte des "Saints" » :

http://www.alainbernardenthailande.com/article-140-la-resistance-a-la-reforme-administrative-du-roi-chulalongkorn-la-revolte-des-saints-123663694.html

 

(2) Nous devons à l’historien Tej Bunnag (ตช บุนนาค) une solide et universitaire étude de cette œuvre « The provincial administration of Siam from 1892 to 1915: a study of the creation, the achievements, and the implications of modern Siam, of the ministry of the interior under Prince Damrong Rachanuphap » datée de 1968.

 

 

(3) ดำรง ราชานุภาพ « นิทาน โบราณคดี » publié à Bangkok en 1944. L’accès le plus facile puisque l’ouvrage est numérisé est  le site :

http://www.sac.or.th/databases/siamrarebooksold/main/index.php/history/2012-04-26-08-47-27/1747-2012-10-25-02-23-35

 

(4) Selaphum est aujourd’hui un district de la province de Roiet situé à une quarantaine de kilomètres au Nord-ouest de Yasothon. Le nom du district est parlant, c’est la montagne de roches car on y trouve de nombreuses montagnes de latérite. Ce fut à partir de 1901 un des hauts lieux du mouvement des Phibun (ผีบุญ les saints hommes) au cœur du Monthon Isan (มณฑล อีสาน) puisque c’est de là qu’il démarra comme le prince va nous le raconter.

 

(5) Rappelons qu’il y avait alors au tout début du siècle dernier 5 Monthon nés des réformes administratives du Prince Damrong, celui de Nakhon Ratchasima recouvrant les actuelles provinces de Nakhon RatchasimaBuriram et  Chaiyaphum. Le Monthon Isan recouvrait les actuelles provinces de RoietUbonrachathani,  KalasinSisaket, Surin et  Maha Sarakham. Le Monthon d’Udon recouvrait les actuelles provinces de UdonthaniKhonkaen, LoeiNakhon PhanomNong Khai et Sakon Nakhon.

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commentaires

D
Ancêtres des gilets jaunes ? <br /> Mais avec quel panache !
Répondre
G
De la classe effectivement !