Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
  • Contact

Compteur de visite

Rechercher Dans Ce Blog

Pourquoi ce blog ?

  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

(suite cliquez)   POURQUOI CE BLOG ?

Pour nous contacter . alainbernardenthailande@gmail.com

Merci d’être venu consulter ce blog. Si vous avez besoin de renseignements ou des informations à nous communiquer vous pouvez nous joindre sur alainbenardenthailande@gmail.com

4 mars 2011 5 04 /03 /mars /2011 04:05

Nationalisme-V03-cestmondrapeau Le nationalisme et l'école?

Sujet intéressant  d’un article intitulé « Thaïlande : le complexe de l’altérité »  écrit par un chercheur thaï, Waruni OSATHAROM, (chercheur au Thai Khadi Research Institute, Thammasat University, Bangkok).

            « Depuis 1932 et le coup d’État qui a mis fin à la monarchie absolue, les

manuels scolaires thaïs ne se sont pas départis de leur fibre nationaliste. Ils n’ont

d’autre choix que de se conformer à la politique déterminée par le ministère de

l’Éducation .»


 1/ Nous avons déjà montré dans des articles précédents que les Laos de l’Isan sont devenus Thaïs par la mise en oeuvre d’une idéologie, la Thaïness, efficace et  continue depuis Rama V. Elle a pris bien sûr de formes diverses, en accord avec les enjeux historiques et politiques de chaque époque.

Nous savons, nous autres Français,  depuis Jules Ferry que l’école est le principal « média » pour inculquer le nationalisme : une Nation , une langue, un Régime (modèle) politique, des valeurs fondamentales.

 

2/Rappel :

 

Nous avions dit dans notre 1 er article que « La Thaïness a servi aux «aristocrates» et aux élites urbaines des Thaïs siamois à construire « l’unité » de la Nation thaïe et à légitimer leur pouvoir sur le dos des identités régionales, que l’on considérait comme « cadettes » dans le meilleur des cas mais le plus souvent inférieures, incultes, paysannes ».  Son « efficacité » s’appuyait sur le caractère «sacré» du roi, le bouddhisme, et les médias.

 Notre article 9 sur le nationalisme était encore plus précis et montrait son inscription dans l’histoire depuis Rama V (1868-1910) qui avait  engagé le processus d’unification de la nation thaïlandaise et, en parallèle, la modernisation du royaume sur le modèle occidental… En 1938, le premier ministre et commandant des forces armées,  Phibun avait donner une nouvelle couleur au nationalisme thaï, changé le nom du pays, le Siam en Prathétthaï, instauré un  nouvel hymne national : « Le pays thaï, c’est l’union du sang et de la chair des hommes de race thaïe », imposé la langue des Thaïs Siamois (langue de Bangkok) aux minorités ethniques, les Laos de l'Isan, les tribus montagnardes, et les musulmans du sud.

 

Notre article 12 (Terrorisme ou insurrection séparatiste dans le Sud) constatait que la Thaïness  avait réussi en Isan et échoué dans le Sud.

 

 

 

3/ M. Osatharum confirme  donc que ;

C’est sous Rama VI, en 1910, qu’est mis en place un système complet

d’éducation et que l’on introduit l’étude des pays voisins par le truchement des

chroniques thaïes. Leitmotiv : la Birmanie est l’ennemie héréditaire de la Thaïlande,

et  le Laos et le Cambodge sont des colonies. L’élite et les classes

moyennes s’ouvrent par la suite davantage aux apports extérieurs et un peu aux pays étrangers par le biais d’un manuel d’histoire publié en 1928, synthèse entre le travail académique occidental et la chronique thaïe à fort accents nationalistes. Mais les auteurs ont surtout pour objectif de développer le patriotisme et le sens de la souveraineté thaïe, leur thèse fondamentale étant que, si la Thaïlande n’a jamais été colonisée, c’est en raison de la bravoure de sa population et de ses rois-héros.

 

 

 

Ensuite, du coup d’Etat de1932  au régime nationaliste du maréchal Pibul Songkhram (1938-1942, 1948-1957), au  militariste Sarit Thanarat (1957-1963), au  maréchal Thanom Kittikachorn (1963-1973) et au nationaliste  extrême Thanin Kraivichien (1976-1978),   les manuels sont invariablement imprégnés d’une même idéologie :

 

L’école sert à élever la conscience des jeunes et à leur inculquer la loyauté

envers les « valeurs fondamentales », les trois « piliers » de l’État : monarchie, religion – exclusivement bouddhiste –, nation, la Thaïlande apparaissant systématiquement comme le seul pays libre de la région. Seul changement par rapport à l’avant-1932 : l’apparat critique nationaliste et raciste qui, jusqu’aux années 1960, encadre les manuels de géographie.

 

Dans les années 1960-1970, l ’enseignement devient une arme de guerre contre le communisme . Une attention particulière va à la Chine et au Viêt-nam, dans la mesure où la Thaïlande doit précisément servir de rempart à leur expansion, les plans quinquennaux lancés à partir de 1961 ayant pour fonction de consolider la situation intérieure du pays. Quant à l’école, elle fournira de bons citoyens à la démocratie

militarisée …

 

Les pédagogues  , dans le manuel destiné au huitième degré , vont faire commencer l’histoire thaïe au XI ème siècle, lorsque, fuyant l’invasion chinoise, les Thaïs fuient la Mongolie, leur terre d’origine, en direction du sud et des terres de Suwannaphum, ou « péninsule dorée », espaces fertiles habités par les Môn et les Khom, ou anciens Khmers;

 

Ils accréditent l’idée que le Roi envoie des gouverneurs pour administrer Lop Buri et contrôler Sukhotai. En 1240 (?), un groupe de Thaïs s’empare de Sukhotai et en chasse les Khmers. Bang Klang Thao, l’un de ses chefs, sera proclamé roi sous le nom de Sri Indraditya et que les  seigneurs de la guerre,  sont des exemples à suivre  et symboles du combat pour l’unité nationale…

 

 Mais M. Waruni est assez confus  et n’explicite pas suffisamment comment les manuels réécrivent l Histoire en essayant de faire croire qu’il y a une passation directe entre le Royaume de Sukkothaï et d’  Ayutthaya et ensuite du Royaume de Siam.

 

« En août 1997, l'historien Michael Wright (décédé en 2009) écrivait dans The Nation : « En ce qui concerne l’histoire et la culture, la Thaïlande ressemble fort aux pays communistes en ce sens que ces deux matières y sont propriétés de l'État. On ne peut que déplorer une telle situation qui voit toute recherche originale ignorée ou rejetée si elle n'avalise pas la version officielle »(cité par Xavier Galland).

 

Nous ne pouvons que recommander la série d’articles que Xavier Galland  a publiée dans le mensuel Gavroche sur les royaumes  de Sukkhotaï et d’Ayutthaya :

 

« À la lecture d’un guide touristique ou d’un manuel scolaire thaïlandais, on apprend généralement que la ville d’Ayutthaya fut fondée en 1350 et qu’elle devint la seconde capitale du Siam après Sukhothai ».

 

« De fait, soucieuse d’échapper aux appétits coloniaux européens et de promouvoir les sentiments nationalistes dans la population, l’historiographie officielle thaïlandaise a toujours tenté d’accréditer l’idée d’une nation unifiée depuis longtemps et donc d’une passation de pouvoir quasi-directe - une sorte de filiation - entre Sukhothai et Ayutthaya. Cette thèse a d'ailleurs fait école à l’étranger puisqu’au moment même où j’écris ces lignes j’ai sous les yeux un article écrit par un chercheur états-unien qui commence par la phrase « Ce n’est qu’après le transfert de la capitale de Sukhothai à Ayutthaya en 1350 que (...)

 

 

Au début des années 1970, les enfants apprennent que les groupes ethniques

ayant migré à partir du Laos et du Viêt-nam vers la Thaïlande sont « étrangers »

à celle-ci. Et arriérés, parce qu’ils viennent – seule explication fournie – de pays

communistes. Mais les non-Thaïs sont plus généralement classés en fonction de critères raciaux  et entretiennent en conséquence des rapports variables avec

les Thaïs : Indiens, Pakistanais et Arabes sont déclarés consciencieux et appliqués

; les Japonais démontrent leurs capacités dans la grande entreprise ; les

Occidentaux se caractérisent par leur aptitude à l’administration et leurs compétences

en matière de commerce, et sont à l’origine des organisations internationales.

Mais on invite les enfants à se méfier de tous.

Reste en suspens l’épineuse question des Chinois, composante essentielle de

la population, que, à partir de 1967, on ne présente plus comme les « juifs de

l’Orient  » ; mais comme assimilés, industrieux et réussissant  dans nombre de

domaines.

 

Le tournant des années 1970

 

Des manuels plus libéraux sont édités durant la période qui suit le départ, le

14 octobre 1973, des dictateurs militaires Thanom et Praphat. L’enseignement

est profondément réformé et les programmes doivent désormais former à l’analyse

et à la créativité : il s’agit maintenant de mieux comprendre la société et

d’être en mesure d’agir sur le monde. Le nationalisme dur est abandonné, et

même si l’on continue de faire l’apologie des rois-héros nationaux thaïs, l’histoire

des autres États de la région – mouvements et personnages – est évoquée.

 

Avec certes une réserve : les Thaïs, qui n’ont pas été colonisés, s’intéressent

peu à ce qu’a pu être le colonialisme et les  mouvements de libération

nationale ou à la décolonisation avec  son cortège d’horreurs. Cela entraîne, sur

le plan historique, un rétrécissement du champ régional. Ce qui s’applique d’autant

à l’Occident, dont l’étude restera confidentielle dans les universités en

raison de l’image négative qu’en a la population.

 

Régression

Après le coup d’État sanglant des militaires, le 6 octobre 1976, arrive au

pouvoir le très conservateur Thanin Kraivichien (1976-1977). Le ministère

lance deux ans plus tard un plan national pour l’Éducation. Bien que l’on annonce vouloir combattre l’élitisme et rendre l’école accessible à tous, l’objectif

redevient le respect fondamental, des trois piliers  et le retour au nationalisme radical.

 

En 1979, le Department of Curriculum décide de réviser en profondeur Nous

et nos voisins, le manuel rédigé en 1960 pour l’école élémentaire : mais on remarque un retour à un anticommunisme militant et une dénonciation des

« étrangers » issus des pays communistes, qui menacent de saper les « trois

piliers » (la Thaïlande était alors, de fait, confrontée au problème de la guérilla

des intellectuels réfugiés en espace montagneux ). Cette ligne dure dominera

jusqu’en 1981.

 

 

L’époque contemporaine

 

La tradition nationaliste persiste en dépit de la fin de la guerre froide, et les

révisions des programmes de 1978 et de 1981 n’ont pas contrarié cette tendance

de longue durée. Les objectifs des plans nationaux de développement arrêtés ces

mêmes années, qui semblaient traduire la volonté de mettre en place une pédagogie

d’apprentissage autonome de la lecture, une décentralisation administrative

et l’étude de terrain à l’échelon local, n’ont pas modifié l’approche générale

: conscience nationale ; sécurité du pays ; les « trois piliers ».

 

Les affaires intérieures continuent donc de primer sur les matières touchant à la région ou, a fortiori, au reste du monde.

 

Le programme de 1990, cependant, innove dans une certaine mesure. En

effet, si l’enseignement de l’histoire thaïe reste ancré dans les considérations des

années 1960, par contre, les manuels en sciences sociales Évoluer et vivre, Notre

monde, Notre continent, Nos voisins, présentent un contenu à double entrée.

D’une part, on y trouve l’information géographique, économique et démographique. D’autre part, on y traite de l’histoire contemporaine de l’Asie du Sud-Est,

qui va de la Seconde Guerre mondiale à nos jours et inclut les mouvements

nationalistes, les transformations politiques et les conflits régionaux durant la

guerre froide.

Ce contenu à double entrée fait lui-même l’objet de deux approches.

L’anticommunisme primaire est dépassé des manuels officiels mais des pays comme le Viêt-nam, le Cambodge et le Laos restant diabolisés.

 

On explique avec force détails comment ces régimes se sont installés et que, bien

qu’ils se soient ouverts, ils perpétuent le socialisme : la méfiance et l’ironie,

notamment à propos de leur économie absolument inadaptée aux contingences

du monde contemporain, restent donc de mise. Certains manuels, aujourd’hui

encore, recourent à l’argument de la pauvreté et de l’ignorance de la démocratie

chez les leaders pour expliquer l’émergence du communisme ; on ignore

alors délibérément les mouvements de libération et l’adhésion de la population

aux luttes.

 

La principale cible reste le Viêt-nam, toujours considéré comme responsable

de la déstabilisation régionale avec l’invasion du Cambodge en 1978-1979, dont

elle redoute toujours les velléités expansionnistes et dénonce les ingérences dans les affaires intérieures cambodgiennes et laotiennes.

 

On trouve également, pour analyser les évolutions et comprendre les enjeux

régionaux, une approche en termes d’« économie mondiale et de la nécessité de

la coopération régionale en matière économique. L’Association des nations du Sud-Est asiatique (ASEAN) fait l’objet d’un développement séparé. Peut-être cela tient-il à la rémanence de l’anticommunisme, dont les effets seront encore longs à se dissiper ? Toujours est-il que les jeunes générations n’ont pas d’idée claire de ce qu’est la formation d’un marché régional.

 

En conclusion

 

Le monde extérieur continue d’être perçu à travers le prisme de l’idéologie

nationaliste enseignée à l’école. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le savoir

académique a en définitive peu évolué.

 

Le Department of Curriculum a bien promu, ces deux dernières décennies, l’élaboration d’ouvrages d’appoint sur l’Asie du Sud-Est, mais leur distribution est restée limitée, rares étant les lycées qui en ont fait l’acquisition.

 

L’un des effets de ce nationalisme répandu depuis au moins soixante-dix ans

en Thaïlande est que l’«Autre » est ce qui s’écarte des trois « piliers », comme par exemple les Karen montagnards de l’Est ou les musulmans du sud de la

péninsule, dans les provinces de Yala, de Pattani et de Narathiwat, qui ont fait

une entrée fracassante sur la scène internationale en janvier 2004 avec un

cortège de violences que le gouvernement a tenté d’enrayer par l’introduction de manuels scolaires.

 

« Huit nouveaux manuels ont donc paru en mai de la même année pour renforcer la cohésion nationale à travers l’étude de la langue et de la culture thaïes, mais aussi pour prendre en compte les particularismes locaux. Un comité ad hoc, composé de trente experts, a ainsi autorisé que le yawi, dialecte malais utilisé par les musulmans, serve de base à l’apprentissage par ses locuteurs de la prononciation des mots thaïs ; sera également promu le dialogue entre bouddhistes et musulmans, l’assimilation des Chinois étant donnée pour modèle. »

 

On ne peut pas dire que cette heureuse initiative a eu le succès escompté. Il est vrai qu’en 2004 et ensuite le gouvernement Thaï n’ pas envoyé que des « manuels » à Pattani.

 

 (Cf. Notre article 12 précédent sur la situation dans le Sud de la Thaïlande )

 

 

Partager cet article
Repost0
27 février 2011 7 27 /02 /février /2011 08:12

 islam 05Essayons de comprendre.

 

1. L’actualité « sanglante » 

Tous les jours ou presque, les agences de presse nous informent sur les attaques à la bombe ou à la grenade avec leurs nombres sinistres  de morts et de blessés dans le Sud de la Thaïlande, dans les provinces de Yala, Narathiwat et Pattani.


AFP
20/02/2011 |
Thaïlande/bombes: 17 blessés :

Dix-sept personnes ont été blessées, dont quatre grièvement, dans une attaque à la grenade et l'explosion d'une bombe, dans le sud musulman de la Thaïlande en proie à une rébellion séparatiste, a annoncé aujourd'hui la police.
Deux femmes ont été blessées dans une attaque à la grenade contre un bar de karaoké, situé dans la ville de Narathiwat (sud) hier soir. L'explosion d'une bombe 25 minutes plus tard, devant un salon de massage à 100 mètres de là, a blessé 15 personnes, dont trois enfants de neuf ans. Parmi les blessés, quatre sont dans un état grave, a précisé la police.

 

Avec souvent ce rappel laconique : http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/ ... lesses.php :

La population de la région est très majoritairement d'ethnie malaise et de confession musulmane, contrairement au reste de la Thaïlande, essentiellement bouddhiste.
Outre les forces de sécurité et des civils de confession bouddhiste, les rebelles séparatistes visent également des musulmans qu'ils accusent de collaborer avec Bangkok
.

 

2/ Et parfois des récapitulatifs sanglants :

 

islam 04Depuis 2004 et le regain de troubles dans le Sud musulman, les autorités ont dénombré plus de 11 000 actes de violence, dont près de 8 000 imputés aux militants séparatistes, qui ont fait 4 317 morts et 7 135 blessés, selon le Bangkok Post. 

 

3/  Des analyses proposées 

Depuis 2004, journalistes, analystes, historiens, militaires, dirigeants politiques  cherchent à comprendre cette insurrection violente avec ses actes de terrorisme et de terreur et proposent parfois leurs solutions… surtout depuis ce jour du 25 octobre 2004, où à Tak Baï, l'armée thaïlandaise tua 105 insurgés musulmans après des raids contre des postes de police.

Il n’est pas sûr que l’Etat d’urgence, l’action militaire, la création de milices, de forces de sécurité dans chaque village, l’armement des civils et des instituteurs, soient la solution, pour rétablir la paix entre les deux communautés, surtout, comme le confiait le moine bouddhiste Phra Maha : « Dans le passé, il y a eu des tensions, mais les deux communautés ne se voyaient pas en ennemies. A présent, c'est bien ainsi qu'elles se voient » (Cf. article du 13/04/ 2009 de Francis Deron in Journal Le Monde).

Pour certains  militaires, la situation est assez simple :

islam 03"Personne, en Thaïlande, n'a de raison de craindre l'Etat, sauf les terroristes, affirme le colonel Somkuan. N'avons-nous pas changé la Constitution, en 1997, pour faire en sorte que le bouddhisme, jadis religion d'Etat, ne soit plus traité que comme une croyance parmi les autres, toutes égales sous la protection du trône ?" La réponse des villageois de Ka Thong est cinglante : "Nous n'avons pas vu l'ombre d'une différence depuis lors", dit le sage du village. »

Pour d’autres, il suffit d’invoquer le Djihad islamique, les terroristes d’ Al-Quaida, des liens  avec le Front de libération islamique Moro aux Philippines et le Mouvement pour l’Aceh libre en Indonésie…et le « on ne négocie pas avec des terroristes », pour éviter toute tentative de compréhension et de recherche de solutions.

Comment discuter avec des « terroristes » manipulés par «  l’étranger » et donc ennemis de l’Etat thaïlandais. Les atrocités commises par ces islamistes en sont bien  la preuve.

Certes les « autorités» cherchent bien des solutions, mais les méthodes fortes et peu conventionnelles  à la Thaksin par exemple ont non seulement échouées, mais provoquées un regain de violences. A l’inverse, celles proposées, il y a 5 ans, par l’ancien premier ministre le général Chavalit Yongchaiyudh,  de créer une zone administrative spéciale pour le Sud a été  refusée par les « nationalistes thaïlandais » qui considèrent toute décentralisation comme le début du séparatisme.


4/ Vous avez dit séparatisme ? Un peu d’histoire pour comprendre 


4.1. le royaume de Patani ?


Patani avait une position stratégique dans les réseaux commerciaux qui reliait le Moyen-Orient, la Perse, l’Inde, l’Indonésie, la Chine et le Japon et permis son essor

La route du Funan, et au VIIème siècle les routes commerciales passaient par l’isthme de Kra, puis les navigateurs malais ont ouvert la route du détroit de Malacca orientant le commerce plus vers le sud et Srivijaya à Sumatra. Cette thalassocratie avait une aire d’influence au Xème siècle qui couvrait cette région de la Thaïlande. Après sa destruction par les javanais  à la fin du XIVème siècle, les survivants se sont installés à Malacca

 

Au XIIIe siècle, ce commerce international était essentiellement tenu par des marchands musulmans et les princes de Patani s’étaient convertis à l’Islam.

L’islam s’est propagé peu à peu à partir de Malacca dans toute la péninsule malaise puis vers Java. Ces caractéristiques initiales sont originales car il créait une solidarité au sein de la communauté marchande gravitant autour de Malacca, était lié au fruit des échanges d’où l’intérêt des princes, et venant de l’Inde cet islam a su s’accommoder des cultures et croyances traditionnelles.

Entre temps, l'expansion thaïe vers le sud, d'abord sous Sukhôtai puis sous Ayutthaya, devait immanquablement se heurter à la résistance des principautés du nord de la péninsule, dont celui de Patani qui finira néanmoins par accepter leur suzeraineté.

Après la conquête de Malacca par les Portugais en 1511, le comportement de ces derniers amène les marins et marchands qui y faisaient escale, à s'en détourner et à aborder d'autres ports comme  Patani

 Le Portugal y établit un comptoir en 1516, le Japon en 1605, les Pays-Bas en 1609 et l'Empire britannique en 1612

islam 02

On vit


 

    l'essor des sultanats (XVIe-XVIIIe s.)

En 1572, le sultan Manzur Shah meurt. Suivent 12 années de guerres de succession entre ses fils et leurs cousins. Lorsqu'il ne reste plus un seul héritier mâle, c'est une des filles de Manzur, la princesse Ijau, qui monte sur le trône en 1584, devenant ainsi la première "reine" de Patani.

La sultane Ijau règnera 31 ans. Elle renforcera les liens de Patani avec Johor et Pahang, deux autres royaumes malais de la péninsule. Cette politique de relative indépendance vis-à-vis d'Ayutthaya est rendue possible par le fait que de 1564 jusque dans les années 1590, le royaume siamois doit faire face aux menaces des Birmans et des Khmers. Toutefois, à la fin du XVIe siècle, Ayutthaya retrouve sa puissance sous le règne du roi Naresuan.

Ijau meurt en 1615. Sa sœur Biru lui succède et règnera jusqu'en 1622. Elle marie sa sœur Ungu au sultan Abdul Ghafur Mohaidin Syah de Pahang. Ce mariage donnera une fille, Kuning. A la mort de Ghafur, Ungu rentrera à Patani avec sa fille. Lorsque Kuning a 12 ans, sa tante Biru la marie à un prince siamois, Okya Decho, fils du prince de Nakhon Si Thammarat (que les Européens appellent "Ligor"), vassal d'Ayutthaya.

A la mort de sa sœur en 1622, Ungu monte à son tour sur le trône. Elle s'arrange pour remarier sa fille au sultan de Johor. Okya Decho, furieux, obtient du roi d'Ayutthaya la permission de mener des troupes siamoises pour attaquer Patani. Ungu obtient le soutien de Pahang et Johor. L'attaque siamoise échoue.

Ungu mènera une politique anti-siamoise et refuse par exemple de se faire appeler par son titre siamois de phra chao ("princesse"). Lorsque le prince Prasat Thong prend le pouvoir à Ayutthaya et se fait couronner roi en 1630, Ungu refuse de lui payer tribut. Patani saisit même deux bateaux d'Ayutthaya qui se rendaient à Batavia, siège de la VOC (Verenigde Oost-Indische Campagnie ou "compagnie néerlandaise des Indes orientales"). Par ailleurs, Patani envoie des troupes pour attaquer les principautés de Phatthalung et Nakhon Si Thammarat.

Jaramias van Vliet, un représentant de la VOC détaché à Ayutthaya en 1633, mentionne bien cette "rébellion" de Patani sous le règne du roi Prasat Thong. Il écrit que Patani payait jusque là tribut à Ayutthaya.

En 1633, Ayutthaya recrute des troupes pour soumettre Patani. Le roi de Kedah, un autre royaume malais, intervient comme médiateur. Ayutthaya décide finalement d'envoyer plutôt une ambassade à Patani.

La sultane Ungu meurt en 1635. Sa fille Kuning lui succède. Son mari rentre à Johor. Sous le règne de Kuning, Patani retrouve les heures glorieuses du commerce international. La reine fait draguer l'embouchure de la rivière Patani pour qu'elle puisse accueillir plus de bateaux.

Contrairement à sa mère, hostile à Ayutthaya, la sultane Kuning les liens avec le roi Prasat Thong. En 1636, un ambassadeur est envoyé à Ayutthaya. Un tribut sous forme de fleurs d'or est envoyé au roi siamois. Kuning se rend elle-même à la capitale siamoise.

De 1646 à 1649, Patani s'allie aux royaumes malais de Kedah et Singgora (Songkhla) pour résister à Ayutthaya. Les alliés attaquent et occupent Nakhon Si Thammarat en 1649. Ayutthaya envoie des troupes. En 1650, deux bateaux de Songkhla apportent un message de paix et des fleurs d'or (Bunga Mas) pour rendre hommage à Prasat Thong.

En 1651, un prince de Kelantan, Raja Sakti, provoque un coup d'Etat. La sultane s'enfuit à Johor mais meurt en chemin près du rivage de Kelantan. Son corps est enterré dans le village de Kampung Pancor. Son règne aura été un des plus longs et prospères de la région

Le Jésuite français Nicolas Gervaise écrira dans les années 1680 que la sultane Ijau n'avait pas accès à tous les secrets du sultanat. Pourtant, c'est sous Ijau, ses sœurs et sa nièce Kuning, que Patani atteint le sommet de sa prospérité par son commerce avec l'Asie du Sud-Est, le Japon et l'Europe.

 

 Les rivalités, économiques ou dynastiques, étaient fréquentes entre ces multiples États. La lutte s'engagea d'une part entre Atjeh et Johor, d'autre part entre Atjeh et les Portugais. Il y eut de nombreuses expéditions atjihaises, toutes sans succès, contre Malaka, la dernière datant de 1629. Vers le milieu du XVIIe siècle, les conditions changent : Atjeh perd de son agressivité, Malaka passe aux mains des Hollandais (1641). Pourtant, les Européens ne contrôlent guère mieux le commerce du détroit qui, tout au long du XVIIIe siècle, sera l'enjeu d'une âpre lutte entre plusieurs princes indonésiens, soit d'origine minangkabau, tel Raja Kechil de Siak, soit d'origine Bugis, comme le fameux Daeng Parani. Les Bugis, excellents marins, arrivaient des Célèbes et se fixaient notamment dans la région de Selangor et de Johor. Dès 1717, dans l'archipel de Riau, ils sont à la tête d'une puissance maritime qui, sauf une légère éclipse en 1785, après l'attaque de la flotte hollandaise, restera pour ainsi dire incontestée jusqu'à la fondation de Singapour. (wikipédia)


Les Siamois (XVIe-XIXe s.) 


Au Nord, les royaumes de Sukhotai et ensuite d’Ayutthaya parvinrent à établir des rapports de vassalité avec le royaume de Patani. Certes les alliances fluctuèrent et les révoltes n'étaient pas rares, comme, nous l avons dit, celle de  la reine Ungu au 17 ième siècle   qui mènera une politique anti-siamoise et refusera  par exemple de se faire appeler par son titre siamois de phra chao ("princesse"). De 1646 à 1649, Patani s'allie aux royaumes malais de Kedah et Singgora (Songkla) pour résister à Ayutthaya…Après la chute d'Ayutthaya en 1767, Patani redevient indépendant. Puis sous le roi siamois Rama 1er, Patani tombe de nouveau sous la suzeraineté du Siam.


Anglais, Chinois, Indiens (XVIIIe-XXe s.) 


 Les Anglais, en quête de relais sur la route maritime d'Extrême-Orient, s'installèrent d'abord dans l'îlot de Penang, cédé par le sultan de Kedah à Francis Light en 1786, puis en 1795 à Malaka, qu'ils prirent aux Hollandais, et enfin, après l'intermède des guerres napoléoniennes, dans l'île de Singapura, la « cité du lion » à l'extrême sud de la péninsule, où Stamford Raffles fonde, en 1819, une ville destinée à un étonnant avenir. Ces trois settlements furent longtemps considérés comme des postes avancés de l'empire des Indes et les Anglais ne se risquèrent pas à « intervenir » davantage en péninsule avant 1874.

    Non moins significative est l'arrivée massive des Chinois. Ceux-ci s'établissent à Singapour, mais aussi dans l'État de Johor où ils créent des plantations de gambiers et de poivriers à la faveur de contrats spéciaux, dits « de kang-chu », qui, moyennant le versement aux sultans de quelques taxes fixes, laissent aux chefs de l'entreprise une liberté d'action quasi totale. Parallèlement, ils se groupent pour ouvrir des mines d'étain, dans le Selangor, sur le site de l'actuelle capitale Kuala Lumpur, l'« embouchure envasée », et surtout dans le Perak, notamment à Larut. C'est à la suite de dissensions, opposant entre elles et aux princes malais deux de ces sociétés chinoises, que les anglais se décidèrent à agir dans le Perak. Ils conclurent le traité de Pangkor en 1874, mais les maladresses du premier résident, J. W. W. Birch, entraînèrent son assassinat et l'intervention armée de l'Angleterre (1875). Progressivement, l'administration britannique parvint à placer un résident auprès des sultans des États du Sud, puis de ceux du Nord, qui restèrent en principe vassaux du Siam, jusqu'en 1909. Finalement, grâce aux efforts d'un résident général, sir Frank Swettenham, une « Fédération de Malaisie » fut créée en 1891 (Wikipédia).

4.2 Le Traité anglo-siamois de 1909

Dans le cadre de leur rivalité coloniale, les Britanniques et les Français avaient décidé tacitement de faire du Siam un Etat tampon et devaient donc « négocier ». Nos « relations franco-thaïes » rendent compte des accords et traités entre la France et Le  Siam, à propos du Laos et du Cambodge.

Le traité anglo-siamois de 1909 ou traité de Bangkok de 1909 fut signé le 10 mars 1909 à Bangkok entre le Royaume-Uni et le royaume de Siam. Par lui, les Etats malais, non représentés lors des négociations, se trouvaient partagées entre le Siam et les Etats malais non-fédérés, sous influence britannique.

Par ce traité, le Siam renonçait à ses prétentions sur les États de Kedah, Kelantan, Perlis, et Terngganu, transférant aux Britanniques sa souveraineté sur ces derniers. Perlis avait été séparé de Kedah et érigé en sultanat par les Siamois En revanche, le Siam gardait la souveraineté sur une région qui consiste dans les provinces actuelles de Narathiwat (Manara en malais), Pattani (Patani), Satun (Setul), Songkla (Singgora), et Yala (Jala).La région de Setul, de population à majorité thaïe avait été séparée de l’Etat malais de Kedah.

Auparavant en 1826 par le traité Burney, le Royaume Uni avait reconnu la souveraineté du Siam sur les quatre états transférés, tandis que le Siam reconnaissait la souveraineté britannique sur l'île de Penang et la province Wellesley. Toutefois, les Siamois s'engageaient à laisser les Anglais libres de commercer dans le Kelantan et le Terengganu.

Les Anglais regrouperont plus tard ces quatre États malais avec celui de Johor dans le sud de la péninsule pour formé les " Etats malais non-fédérés", par opposition aux "États malais fédérés" de Negeri Sembilan Pahang, Perak, et Selangor

On dit que ce traité a scellé la frontière entre la Malaisie et la Thaïlande modernes.

4.3. Sauf que l’on oublie la deuxième guerre mondiale,  la genèse de la Malaisie, comment cette fédération s’est « construite » et devient indépendante dans le cadre du Commonwealth en 1957. En 1963, la fédération s'associe aux colonies britanniques de Singapour, Bornéo du Nord (renommé Sabah) et Sarawak pour former une nouvelle fédération appelée Malaysia (en français toutefois, le nom de "Malaisie" a été conservé pour désigner la nouvelle fédération). Singapour se sépare de la Malaysia en 1965 pour devenir une république indépendante.

 

4.4 Sauf que l’on oublie de chercher pourquoi la Thaïness (Cf. nos articles sur la thaïness et le nationalisme) a réussi à transformer les Laos d’Isan en Thaïlandais et que cela n’a pas réussi dans l’ancien royaume malais  de Patani.


.Conclusion provisoire.

On peut donc se rendre compte que cela n ‘est pas  si simple, que ce royaume malais   a été annexé par la Thaïlande avec la complicité du colonisateur  britannique, que dans les années 60 d’autres Etats malais ont « conquis »leurs indépendances pour devenir qui la Malaisie, qui Singapour.

Même si la Malaisie n’aurait jamais rien encouragé, il  semble que  l’état du Kelantan au Sud de la frontière est entre les mains des islamistes. Société rurale et traditionnelle, peu touchée par le développement urbain et technologique de l'Ouest de la Malaisie, le Kelantan fait figure de bastion des valeurs traditionnelles. Ces caractéristiques s'expriment sur la scène politique avec la domination du PAS (Parti islamique de Malaisie) depuis 1990 – la montée nationaliste et islamique en Malaisie est -elle un facteur à considérer ?

 

 La « résistance » a commencé en fait voilà plus de 70 ans  avec le refus de la thaïness, la thaïfication forcée. Certes depuis 2004, celle-ci a pris une forme violente, condamnable dans les moyens  employés.

Mais la solution ne sera ni policière  ni militaire et pourquoi on ne consulterait pas les intéressés ?   un référendum par exemple ?

Impossible ?

Cela semblait impossible pour le sud Soudan et pourtant  les autorités soudanaises à Khartoum ont accepté les résultats du référendum d'autodétermination au Sud-Soudan, où les électeurs ont voté à plus de 99% en faveur de l'indépendance. (Reuters), après plusieurs décennies de guerre civile entre le Nord et le Sud. L'indépendance du Sud-Soudan devrait être officiellement proclamée le 9 juillet 2011.

Même le gouvernement américain est prêt à « entamer la procédure de radiation du Soudan de la liste des États qui parrainent le terrorisme », a déclaré M. Lyman (ambassadeur des Etats-Unis) si le processus de paix se poursuit. (programmes d'information internationale du département d'Etat. Site Internet : http://www.america.gov/fr/).

 

Le monde est en évolution constante. L’ONU avait 154 membres en 1980 et en a 192 aujourd’hui. Demain le Sud Soudan en sera sûrement le 193 ème.

----------------------------------------------------------------------------------------------------

Une autre  source possible
 -“Rebellion in southern Thailand” , Aphornsuwan Thanet 

.(professeur agrégé au département d'histoire et directeur des études d'Asie du Sud, Faculté des arts libéraux, l'Université Thammasat, Bangkok, Thaïlande.)

 

 Cette étude traite de l'histoire de la Thaïlande et de ses relations avec Patani depuis  le quatorzième siècle jusqu'à la moitié du XXe siècle. . Il fournit une explication des causes du conflit politique en cours entre les musulmans malais dans les trois provinces les plus méridionales de la Thaïlande et le gouvernement thaïlandais, contre lequel les mouvements séparatistes se sont battus dans les années 1960.

  Même si Janvier 2004 a marqué le début de la violence actuelle qui sévit maintenant au sud de la Thaïlande, beaucoup continuent de croire que la nature d'un tel conflit est interne et pourrait être résolu pacifiquement.


 Mais  l'histoire des relations du Siam et de Patani  est surtout marquée  par les  politiques nationales menées qui ont abouti à la discrimination et la destruction de l'identité culturelle des musulmans et de leurs droits.


  Dans le début du XXe siècle sous le règne du roi Chulalongkorn, qui a été caractérisée par la centralisation et à la répression culturelle, Patani a été réduite à une simple province. De plus, l'assimilation forcée s'est produit sous le gouvernement Phibun dans les années 1940 date à laquelle les pratiques islamiques et l'utilisation de la langue yawi ont été réprimées.   Les sources de ces  conflits politiques - y compris le statut politique de Patani, l'identité ethnique, au-delà  de la politique de Bangkok dans le sud - ont des racines historiques.  Seule une compréhension  des deux cultures et le respect des identités ethno-religieuses peuvent conduire à une volonté politique positive pour la résolution pacifique du conflit.

 

  Cette publication est la trente-cinquième Policy Studies, une revue scientifique East-West Center de Washington série qui présente une analyse scientifique des principaux enjeux contemporains nationaux et internationaux politiques, économiques et stratégiques concernant l'Asie d'une manière politique pertinente.

 

Partager cet article
Repost0
11 février 2011 5 11 /02 /février /2011 04:53

 

 

fieldmarshallComment ce concept – purement occidental – a- il pu être semé en terre siamoise ?

 

L’idée d’Etat est née en France à l’époque de Philippe le bel, forgée par ses  légistes, présente chez les élites. Celle de nation s’ancra dans la population pendant la guerre de cent ans, soudant les Français dans l’adversité et contribuant de manière décisive à l’émergence du sentiment national.

Il n’en a pas été de même au long de l’histoire plus ou moins chaotique du Siam…Une population composée d'un peuple soumis à 6 mois de corvée par an et d' un tiers d’esclaves dominée par quelques seigneurs locaux et à un monarque d’essence divine. A lire les Mémoires des Français de l’expédition de 1685, et celles des explorateurs du Siam au XIXème, on en retire peut-être l’impression qu’il existe un Etat, mais certainement pas une Nation.

Les années 1880-1900 furent les plus sombres de l’histoire du Siam. Le pays doit faire face aux ambitions coloniales de la France et de l’Angleterre. Les historiens thaïs considèrent que le pays n’a pas été colonisé en raison du processus de modernisation de l'Etat et de la société jusqu'à ce qu'il obtienne la reconnaissance du monde « civilisé », et parce que  des pans entiers de son territoire ont été sacrifiés pour préserver l'indépendance du pays.

1893 est une triste date dans l’histoire de la Thaïlande. Les canonnières françaises sont ancrées face au grand palais. «  Il fallut céder ». Les territoires « sacrifiés » étaient considérés comme des vassaux traditionnels et historiques du Siam, certes. Quand cependant la France a établi son protectorat sur le Cambodge et sur le Laos, ces états « vassaux » étaient guettés par les boas qui voulaient les avaler...  

C’est à cette époque et dans ce contexte qu’apparait un « nationalisme » siamois. Il est l’œuvre du palais royal qui souhaite - tout comme en Europe - créer une nation fondée sur une langue commune, des valeurs et une culture.

Rama V (1868-1910) a engagé le processus d’unification de la nation thaïlandaise et, en parallèle, la modernisation du royaume sur le modèle occidental. Ce nationalisme thaï s’articule d’une part autour de la notion sinon de « race » du moins d’appartenance ethnique et, d’autre part, sur la fidélité et la soumission au Roi.

Il lance la « thaïfication » de la géographie.

Nous vivons (habitant en Isan) dans ce que les Français appelaient le « Laos siamois », 16 provinces à l’époque. Le nord-est, c’était le « Laos phouthaï » (ลาวภูไท ou ลาวผู้ไท ou encore ลาวผู้ไทย) et le « Laos yo » (ลาว ย้อ), Phouthaï et Thaïyo étaient le nom des « minorités tribales » dominantes. On ne parle plus du Laos mais d’Isan, nom d’origine sanscrit, tout simplement celui du Dieu Shiva.

Cette politique fut intensifiée par son successeur le roi Rama VI (1910-1925) lui-même éduqué en Angleterre et conscient sinon imprégné des mouvances nationalistes européennes ou japonaise.

Il donna au nationalisme thaïlandais une dimension culturelle et mis en avant le principe de « Thaï-ness » : modèle culturel issu des caractéristiques communes aux ethnies thaïes censées constituer le nationalisme. Les trois piliers du nationalisme thaï deviennent donc : le roi, la nation et la religion.

Son successeur Rama VII (1925 à 1935) s’écarte de la camarilla nationaliste  basée autour de lui et parle plus volontiers d’harmonie et d’amitié entre les minorités ethniques et les Thaïs. En 1932, éclate le coup d’état de jeunes militaires et civils, pour la plupart formés en Europe qui remet l’absolutisme monarchique en question. C’est la transition sans effusion de sang de la monarchie absolue en monarchie constitutionnelle

En 1938, le premier ministre et commandant des forces armées,  Phibun va donner une nouvelle couleur au nationalisme thaï. Il s’est rendu populaire en écrasant une révolte monarchiste menée par le prince Borowadet. Le roi se trouve en porte-à-faux et abdique en 1935. Son successeur a 10 ans et poursuit sa scolarité en Suisse

Phibun fait remplacer partout les portraits du roi par le sien. Comme Mussolini, il frappe à droite et à gauche, fait arrêter 40 opposants politiques en 1939, monarchistes et démocrates qui seront exécutés après un procès sommaire.

Il change le nom du pays, le Siam en Prathétthaï. Ce changement de nom est lourd de symbole : le mot Siam (สยาม, Sayam, est d’origine inconnue, probablement khmer)Le mot Thaï (ไทย) ne serait pas, comme il est généralement écrit, dérivé du mot Thaï (ไท) qui signifie «libre», il est le nom d'un groupe ethnique de la plaine centrale (C’est la définition qu’en donne le Dictionnaire de l’académie royale, équivalent de notre académie française en moins poussiéreuse). Thaï (ไท) signifie tout simplement «peuple» ou «être humain» et est utilisé dans certaines zones rurales au lieu du mot « khon » (คน « une personne»).Restons-en pudiquement à la version « terre de la liberté ». A ce jour, les efforts faits par certains universitaires pour revenir au nom de Siam sont restés vains. 

Il instaure le nouvel hymne national, celui que nous entendons tous  les jours à 8 heures et 18 heures dont je ne traduis que le premier vers, il se suffit à lui même : « Le pays thaï, c’est l’union du sang et de la chair des hommes de race thaïe ». Il met  sur pied un régime inspiré du fascisme italien, propagande ultranationaliste, culte de la personnalité, propagande visant à « élever l'esprit national et la moralité de la nation ». Il impose comme langue nationale celle parlée à Bangkok au détriment des dialectes locaux et incite même la population à adopter le vêtement occidental ! En 1941, le 1er janvier est  adopté comme jour officiel de la nouvelle année, en lieu du 1er avril traditionnel. Il crée encore (après la guerre) la première chaîne de télévision thaïe.

Le régime adopta surtout une politique nationaliste en matière économique, en menant une politique de quotas visant à réduire la place des produits chinois en Thaïlande et à favoriser les produits locaux. Dans un discours de 1938, Luang Wichitwathakan (ministre de la propagande) compara même les Chinois du Siam aux Juifs d'Allemagne. L’accès des étrangers à la propriété immobilière est verrouillé (il l’est redevenu encore plus lourdement en 1970) et le régime des visas durci (il l’est toujours). Il change encore le nom de divers districts portant ostensiblement des vocables laos, khmers, birmans ou mons (les habitants originaires de la Thaïlande), cette thaïfication des noms de districts a continué jusqu’en 1957. Tout ce qui porte le nom de ลาว (lao) มอญ (mon) จีน (djin i.e. chine), 26tambons, disparait de la géographie. 

facistethai Si Pibun a été incontestablement séduit par son modèle italien, il est difficile de parler d’un tournant vers le « fascisme ». Pas de parti unique, et surtout pas de politique guerrière expansionniste, il n’y a pas d’Abyssinie ou d’Albanie à envahir. Il porte le titre, plus ou moins bien traduit, de « maréchal » mais ce n’est pas un guerrier dans l’âme. 
Un micro parti fasciste thaï (financé par l'Italie) n'a pas connu grand succès Les hostilités déclenchées en 1941 contre la France sont surtout une question d’opportunité et le désir de venger l’humiliation de 1893 contre la France que l’on croyait à genoux. Rien ne pouvait laisser envisager une seconde à cette date l’écroulement apocalyptique des puissances de l’axe quatre ans plus tard.

 

Regardez-donc sur le remarquable site de l’Institut national de l’audio visuel le reportage « la nouvelle armée thaïe défile dans les rues de Bangkok » du 20 février 1942,

(hhttp://www.ina.fr/histoire-et-conflits/seconde-guerre-mondiale/video/AFE85000711/la-nouvelle-armee-thai-defile-dans-les-rues-de-bangkok.fr.html


Pibun est contraint de démissionner en juillet 1944 et est détenu au Japon par les alliés. Il est autorisé à rentrer au Pays en 1947. Pridi doit s’exiler et Pibun refait un coup d’Etat en 1948 et rétablit un régime autoritaire. Phibun renoue avec sa politique anti-chinoise des années 1930. Son gouvernement arrête l'immigration chinoise et prend diverses mesures pour restreindre la domination économique des Chinois en Thaïlande. Les écoles et associations chinoises sont de nouveau interdites.

Sa politique de thaïfication est  un sous-produit du nationalisme politique constamment suivi par l'Etat pour augmenter la puissance centrale. Le  centre de la Thaïlande est devenu économiquement et politiquement dominant, son langage est devenu la langue des médias, des affaires et l'éducation. . Ses valeurs sont devenues les valeurs nationales. 

Les principales cibles de thaïfication ont été les minorités ethniques, les laos de l'Isan, les tribus montagnardes du nord et l'ouest, et les musulmans du sud. 

L'utilisation prescrite de la langue thaï dans les écoles a eu peu d'effet sur les Thaïs du centre qui l’utilisent dans la vie quotidienne, mais fait des bilingues des locuteurs de l'Isan dans le nord-est, du nord ou du sud très majoritairement musulman.

 Cet encouragement au nationalisme thaï a eu pour effet secondaire et évident de décourager les autres éventuelles allégeances, Laos en Isan ou Malaisie dans le sud, mais là sans grand succès. Rouge ou jaune, vous blessez un Isan si vous le traitez de Lao.

 Ce nationalisme omni présent va parfois de pair avec une conception génétique, une  obsession pour une « race pure de vieux thaïs»qui n'est ni  nouvelle, ni isolée. On trouve trace de ce débat dans le Bangkok Post de 2006.  Mais la presse thaïe, ce n’est ni le Bangkok post ni the Nation, mais essentiellement ไทยรัฐ (la nation thaïe, plutôt rouge) et le เดลินิวส์ (daily news, plutôt jaune) qui tirent à près d’un million chacun, 20 fois plus que les deux journaux anglophones. Les attentats dans les provinces musulmanes, ce sont les โจรใต้, djontaï, les bandits du sud. Les travailleurs migrants birmans sont aussi la cible : ils violent, tuent et transmettent le sida. Il y aurait 500.000 travailleurs birmans déclarés et tout autant de clandestins, il n'est pas surprenant que certains d'entre eux commettent des crimes, mais on parle peu des conditions dans lesquelles ils travaillent.


La « querelle » autour du temple de Preah Vihear que les Thaïs disputent aux Cambodgiens a donné lieu à de belles envolées nationalistes, notamment sur ASTV, la chaine de télévision des jaunes. les géographes français responsables de la délimitation frontalière ont eu (qu’ils reposent en paix) les oreilles qui sifflaient…

 

Nous ne sommes que de simples farangs et nous savons que notre volonté de savoir pour comprendre « un peu » ce qui se passe est limitée et que nous ne serons jamais en mesure d'atteindre le cœur de la Thai-ness.

Mais c’est  « Ce qui fait que les Thaïs sont Thaïs », non ? 

____________________________________________________________

Nota : Version abrégée d’un article à paraître dans notre prochain thème consacré à « Notre Isan »

 

 

 

Partager cet article
Repost0
11 février 2011 5 11 /02 /février /2011 04:07



 

Article 8 :Cessez-le-feu à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge ? 

dc7723d0-3370-11e0-853b-70e062cb542b Les principales agences de presse et de télévisons du monde ont  relaté et n’ont pas fini de relater les combats et les multiples  cessez-le-feu concernant le temple de Preah Vihear (Prasatkhaophrawihan pour les Thaïs) et les terres environnantes qui sont revendiquées par la Thaïlande  et le Cambodge 

 

Ainsi par exemple le journal  « Le Monde » :

 LeMonde.fr avec Reuters | 05.02.11 

La Thaïlande et le Cambodge se sont mis d'accord samedi sur un cessez-le-feu après des affrontements qui ont fait au moins trois morts à la frontière. Mais la situation reste tendue, et après des combats à l'arme lourde vendredi pendant environ deux heures, des échanges de tirs ont à nouveau eu lieu samedi à l'aube pendant une trentaine de minutes, toujours à proximité d'un temple disputé par les deux pays.

Des affrontements ont encore opposé dans la nuit de vendredi 4 à samedi 5 février soldats thaïlandais et cambodgiens, à la frontière entre les deux pays, faisant un mort et quatre blessés dans les rangs thaïlandais. Bangkok et Phnom Penh se disputent la souveraineté d'une portion de territoire de 4,6 km2 autour d'un temple du XIe siècle, appelé Preah Vihear par les Cambodgiens et Khao Phra Viharn par les thaïlandais.

 

La situation est d’autant plus critique qu’elle est devenue  un enjeu de politique intérieure pour les « jaunes » contre la politique du 1er ministre Abhisit.

 

Historiquement chacun peut choisir et  s’appuyer sur un passé glorieux où il dominait la Région concernée. Le Cambodge du 9 ème au 14 ème siécle et plus particulièrement au 13ème et 14 siècle, sous les règnes de Suyavarman II (1113-1150) et Jayavarman VII (1181-1219) et la Thaïlande entre le 14ème et le 18 ème siècle sous le royaume dit d’Ayutthaya.

 

Mais ce contentieux pour ces frontières entre la Thaïlande et le Cambodge date, dans sa forme moderne,  depuis les  accords franco-siamois de 1893 (cf . notre article à paraître sur le sujet le 7 mars 2011). Mais déjà  le traité du 15 juillet 1867, qui confirmait le Protectorat de la France sur le Cambodge assurait au Siam, sa « suzeraineté » sur Battambong et Siem Reap.

 

 Le traité franco-siamois du 28 septembre 1928, du 7 décembre 1937 et l’accord du 17 novembre 1946 confirmaient aux yeux des Thaïlandais sa suzeraineté sur le temple.  Aussi au départ des Français et l’accès du Cambodge à son indépendance en 1954, le gouvernement thaïlandais faisait occuper le temple par ses forces armées.

 

temple 8 La protestation du Cambodge aboutissait à la Cour Internationale de justice de La Haye, qui lui attribuait, le 15 juin 1962,  le temple de Preah Vihar. Mais le fait que la Cour n’ait pas  statué sur les terres environnantes le temple ne pouvait qu’aboutir à une revendication des deux parties et devenir une source de conflit permanent. 

 

Une carte de google et surtout le classement du temple au patrimoine mondial de l’Unesco en juillet 2008 exacerbaient les nationalistes des deux bords.

Mais aujourd’hui le contentieux «historique » est repris par les « nationalistes » thaïlandais et alimentent les tensions entre les deux pays. Pire, il est devenu, nous l’avons dit, un enjeu de politique intérieure.  Nul ne sait les conséquences que prendront les manifestations des « jaunes » à Bangkok , tant la corde « nationaliste » semble redonner force à l’unité  du Pays, bien entamée ces derniers mois .

 

Le moindre « incident » territorial entre les deux pays a tendance à dégénérer. On se souvient qu’en janvier 2003, des émeutes avaient éclaté à Phnom Penh sur une fausse rumeur d’une actrice thaïlandaise. L’ambassade de Thaïlande de la capitale cambodgienne.avait été brûlée et bien des Thaïlandais mis à mal. La situation est donc  sérieuse alors que des morts sont à dénombrer de part et d’autre.

 

Dans une déclaration lue dimanche à la télévision d'Etat, le Premier ministre cambodgien Hun Sen a réclamé une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU pour "arrêter l'agression" thaïlandaise qui "menace gravement la paix et la stabilité dans la région".

Le porte-parole du gouvernement thaïlandais Panitan Wattanayagorn a de son côté assuré que le Cambodge avait "commencé à attaquer", affirmant: "ce que nous faisons, c'est protéger notre pays, notre souveraineté".

f215a7e6-336d-11e0-853b-70e062cb542b La dispute s'est cristallisée autour de ce temple de Preah Vihear, ruines du XIe siècle qui relèvent de la souveraineté du Cambodge, selon une décision de la Cour internationale de justice de 1962. Plusieurs secteurs de la frontière n'ont jamais été délimités, ce qui alimente des différends à l'origine de plusieurs incidents armés ayant fait plusieurs morts en 2008 et 2009.
  (ats / 07 février 2011 07:17)



 

 

                        

Partager cet article
Repost0