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  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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30 septembre 2020 3 30 /09 /septembre /2020 22:09

 

Le prince Vajiravudh  est né le 1er janvier 1881 et est le fils de la reine Saovabha.  Il deviendra le prince héritier en 1894  à la mort de son demi-frère   Vajirunhis et roi à la mort  de son père, le roi Chulalongkorn le 23 octobre 1910, après 42 ans de règne. Il est sacré roi le 11 novembre 1911 et va régner 15 ans  jusqu'à sa mort le 25 novembre 1925. Il a alors 44 ans.

 

 

Nous avions vu que le roi Mongkut (Rama IV) ouvert à la science et à la langue anglaise avait donné une éducation occidentale à ses enfants ; que son fils, le roi Chulalongkorn (Rama V) en avait profité et avait « entrepris des réformes dans les domaines de l'administration, de l'économie, de l'éducation, de la science, qui ont transformé la société traditionnelle et posé les fondations d'un État moderne » (UNESCO), en s'inspirant du modèle européen. Il avait d'ailleurs accompli deux voyages en Europe. Le 1er, officiel de 5 mois, en 1897 (14 mai-26 octobre), le second, officieux de huit mois, du 27 mars au 6 novembre 1907 durant lesquels il avait été ouvert et curieux à la « modernité » européenne, évaluant ce qui peut être importé sans oublier les valeurs siamoises. Il avait pris conscience que la construction de ce nouvel appareil d’État nécessitait de promouvoir une nouvelle instruction pour les Princes et les élites et de former des fonctionnaires pour gérer ces nouvelles tâches et créé l'Éducation nationale pour son peuple. Aussi avait-il envoyé le Prince  Vajiravudh étudié en Angleterre dès l'âge de 11 ans de 1891  jusqu'à janvier 1903.  Cette éducation anglaise sera déterminante pour le Prince dans ses choix culturels et politiques. Mais n'anticipons pas.

 

 

Nous avons consacré plus de 20 articles à Rama VI dans « Notre histoire de la Thaïlande » et  4 autres articles dans d'autres catégories, que nous avons résumé  dans « Que savons-nous de Rama VI (1910-1925) ? » (Cf. (1)) Vous pourrez voir en « notes et références » les liens qui vous permettront d'en savoir plus.

 

 

L’éducation anglaise du roi Rama VI. (2) (1891-1902)

 

Un événement dans l’histoire du Siam : pour la première fois, un futur roi siamois allait étudier à l’étranger. En effet, il partit en Angleterre en 1891. (Vella dit qu’il part en Angleterre en 1893, à l’âge de 12 ans, et qu’il y restera 9 ans). On sait peu de choses sur sa formation, sinon qu'il suivit une formation militaire en 1898 au Collège Militaire Royal de Sandhurst ; et en 1899-1901, étudia le droit et l’histoire à la Christ Church d’Oxford. Il reviendra au Siam en janvier 1903,  après avoir assisté, à la demande de son père, au couronnement du roi Edward VII en mai 1902

 

 

 

 

et à celui d’Alphonse XIII le 9 août 1902.

 

 

On ne peut que supposer qu'il reçut un enseignement général, des cours d’anglais, qu’il maîtrisera, des cours d’allemand et de français, qu’il sera capable de parler. On peut surtout deviner son goût pour la lecture et l’écriture, sachant que durant son séjour anglais, le prince Vajiravudh  a créé et publié deux revues, l’une destinée aux enfants,  The Screech Owl  et l’autre aux Siamois qui résidaient dans ce pays,  The Looker-On. Il a par ailleurs composé, à cette période, une quarantaine de poésies, en anglais et en français.   Talents qu’il développera plus tard dans l’écriture, la traduction et l’adaptation de pièces de théâtre anglaises et françaises, en important et en adaptant des formes dramatiques occidentales. 

 

Le prince a dû aussi fréquenter des gens illustres et cultivés, qui ont compté pour son éducation et sa culture. Il a partagé leurs « us et coutumes », leurs lectures, leurs sorties (théâtre, restaurants), leurs clubs... 

 

 

...leurs sports élitistes (l’équitation, le tennis) ; rencontré et fréquenté les familles royales et nobiliaires lors de ses vacances (France, Belgique, Italie, Hongrie, Espagne, Russie). (Cf. notre article 158. Les vacances  en France du futur roi Rama VI.)

 

 

1903-1910. Le Prince héritier.

 

Le prince Vajiravudh revient donc au Siam en janvier 1903. Walter F. Vella (3) nous apprendra qu’il se verra confier, en tant que prince héritier, de nombreuses responsabilités comme inspecteur général des armées, commandant de la garde royale, secrétaire privé du roi Chulalongkorn, président de la Bibliothèque Nationale, etc.  Il accompagnera son père au Conseil des Ministres, aura accès aux documents ministériels ; assurera même un intérim de ministre de la Justice (quand ?). Il deviendra le Régent du royaume de mars à novembre 1907, durant le séjour du roi Chulalongkorn en Europe, qui continuera néanmoins à prendre les décisions.

 

 

Mais si le prince accomplit ses tâches de prince héritier, il sera surtout intéressé par le théâtre (écriture, mise en scène, acteur), la pratique de la danse classique, la production littéraire et journalistique, et … les jeux de simulation surtout ceux liés à la guerre et aux utopies d’organisation politique.

 

Après la mort de son père, le 23 octobre 1910, il devient le roi Rama VI. Il est sacré roi le 11 novembre 1911.

 

En ce début de règne, on voit un roi qui  a des idées assez précises  sur l’éducation de l’élite, la formation de ses fonctionnaires, de la jeunesse. Un roi qui à travers la création institutionnelle des « Tigres sauvages » et des scouts va mettre en œuvre une idéologie nationaliste.

 

 

 

Son premier acte en tant que roi est de construire le Collège des pages royaux conçu pour y recevoir une éducation sur le même modèle qu’Eton et Harrow.

 

 

Le roi définira lui-même le profil attendu. (Plus tard, il va aussi fonder – sur ses propres fonds - une école d’administration pour les futurs fonctionnaires (Chulalongkorn Academy for Civil Officials) et l’Université Chulalongkorn. En 1912, il va aussi créer le premier hôpital public, l’hôpital Vajira, et le second en 1914, l’hôpital Chulalongkorn.)

 

 

Rama VI créé donc officiellement, six mois seulement  après  le  début  de son règne  le corps paramilitaire des  « Tigres sauvages » เสือป่า (sueapa) le 1er mai 1911,  et  le 1er juillet 1911, le mouvement des Scouts, les  « tigreaux » ลูกเสือป่า (luksuea), réservé aux mineurs. Ils émanent directement du scoutisme fondé par Lord Robert Baden Powell en 1907, avec les premières compagnies d’éclaireurs organisées en 1909.

 

 

Les  « Tigres sauvages ». (Cf. Notre article (4))

 

Les « Tigres sauvages » devenaient non seulement la garde prétorienne du roi, mais aussi le meilleur véhicule pour développer ses idées nationalistes, créer un nouvel esprit national, l’esprit des « Tigres sauvages », et promouvoir un nouvel homme, un citoyen/soldat. Une organisation mise au service d’une pensée politique visant la défense de son pays, face aux appétits coloniaux des puissances européennes. (5)

 

Outre les discours,  le roi écrivait leurs chants, dessinait leurs uniformes, organisait leurs parades, leurs manœuvres ; définissait toutes les règles, donnait les instructions, tous les ordres par écrit. Il contrôlait tout, chaque détail.

 

A la fin de 1911, 4 compagnies avaient été formées à Bangkok, et chaque  gouvernement provincial (monthon) avait créé une compagnie. On ne comptait qu’environ 1000 tigres sauvages à la fin de 1912.  Ils étaient au nombre de 10 000 environ en 1924.

 

 

Le mouvement des Scouts (les tigreaux, les luksuea). (5)

 

Le mouvement des Scouts est créé le 1er juillet 1911 par Rama VI, et sera intégré au cursus scolaire dès 1913. Sa progression fut rapide et en 1922, on pouvait compter 21 500 scouts dans 177 compagnies.

 

Le mouvement fut conçu comme la branche junior des Tigres royaux. Le roi en énuméra les principes basés sur la fidélité au souverain, l’amour de la Nation, et la loyauté à la communauté. Il indiquait qu’il s’agissait bien d’enseigner au plus jeune âge les qualités patriotiques défendues par les Tigres sauvages. Ils prenaient part aux exercices, aux parades et participaient aux manœuvres annuelles. Ils avaient également leurs exercices et pratiques spécifiques (camping, aide aux personnes, aux pompiers, travaux manuels de menuiserie, tissage, etc.).

 

Ce mouvement est toujours intégré aujourd’hui au cursus des écoles, sur la base du volontariat et le roi est leur Chef. Ils seraient  près de 1,5 million à prêter le serment devant le drapeau à « obéir aux chefs, être loyal au pays, la religion bouddhiste et au roi.

 

 

Les critiques et le coup d’État avorté de 1912. ( (4) et (6))

 

Le total investissement du roi dans la création, l’organisation, et le développement de cette nouvelle « institution » des Tigres sauvages, parallèle aux corps constitués et qui transgressait la hiérarchie établie ne pouvait que susciter jalousies, ressentiments, critiques, et donner des arguments à ceux qui visaient un renversement de régime.

 

Les critiques circulaient. Un groupe songeait à une république avec le Prince Ratchaburi comme président, et deux autres groupes songeaient à une monarchie constitutionnelle avec à sa tête,  Chaofa Boriphat (alias Paribatra) pour l’un

 

 

et Chaofa Chakraphong  pour l’autre.

 

 

Pendant que le roi était à ses manœuvres en février 1912 avec ses Tigres au camp de Ban Pong, le Prince Chakrapong fut informé de la préparation d’un coup d’État, et fit rapidement arrêter 106 « conspirateurs » le 1er mars 1912. Le 4 mars le Bangkok Times en donnait l’information. Deux mois après, ils étaient jugés : trois hommes  avaient été condamnés à mort, 20 à l’emprisonnement à vie, 32 à des sentences de 20 ans, 7 à 15 ans, 30 à 12 ans.  Le roi commua ses peines et condamna à la prison les 3 premières catégories. Il les graciera en 1924. Ce fut une sérieuse alerte pour le roi.

 

 

Le « nationalisme » de Rama VI  face à deux modèles : le modèle « occidental » et le modèle « siamois ». (Cf. Nos trois articles. (7).)

 

Le livre magistral de Walter F. Vella, « Chaiyo ! King Vajiravudh and the development of Thai nationalism » répond à ceux qui  vilipendent son « nationalisme »  ne retenant que son essai anti-chinois de juillet 1914 publié dans le Siam Observer, intitulé « Les Juifs de l’Orient », concernant les Chinois installés au Siam, ou ne voyant dans sa politique « qu’une politique d’exclusion, d’opposition à l’étranger, de repli sur une identité nationale figée. ».

 

 

Le roi sait qu’on lui reproche d’être trop pro-occidental, à cause de ses études effectuées en Angleterre, de certains de ses goûts, de l’anglais qu’il parle,  mais il nous invite à ne pas se fier à son extérieur, et de voir à l’intérieur « une chair très thaïe ». Il est, affirme-t-il, profondément attaché aux traditions de son pays et s’il est ouvert à certaines coutumes occidentales, ce n’est qu’en pensant au bonheur et au bien-être de son peuple. Son désir le plus grand est que la nation ne perde pas ses idéaux. (« Sapsat »)

 

Le roi a souvent défini ce qu’il fallait entendre par « Nation ». Le Siam n’est pas seulement un pays (prathet thai ou muang thai) avec une population thaie (chao thai ou phonlamuang thai) mais une nation (chat thai) avec sa propre identité. Les Thaïs, dit-il, doivent savoir ce qui constitue une nation et la Thainess. Ils doivent savoir que les Thaïs sont différents des autres pays, avec leur histoire, leur art, leur langage, leur littérature, leur religion bouddhiste, leur amour du roi, leur esprit de guerrier libre.

 

 

Ils ne doivent pas déprécier leur nation  au nom d’une excessive admiration de l’occident et des Européens, avait-il écrit  dans un essai intitulé Clogs on our Wheels, (Bangkok, in Siam Observer, 1915).

 

De même  le roi va justifier son message nationaliste avec la différenciation entre les Thaïs et les Chinois dans un essai publié en juillet 1914,  « Les Juifs d’Orient ». Ce texte sera critiqué par la comparaison qu'il fait entre les juifs d'Europe à travers plusieurs stéréotypes antisémites  et les Chinois de Thaïlande. Mais il s’agissait pour le roi, de rappeler, une fois de plus, ce qu’était un vrai Thaï : une personne qui parle thaï, qui est loyal à son roi, sa religion et son pays.  (in Kwampen chat doi thae ching) Pour lui, un Chinois restait un Chinois, prêt à quitter le pays au moindre trouble. D’ailleurs, remarquait-il,  ils vivent en communauté, parlent chinois, sont impliqués dans les sociétés secrètes. ( Cf. La grève générale de 3 jours des Chinois en 1910)

 

 

Il développera l’éducation nationale, avec la loi de 1920 sur l’éducation primaire suivie en 1921 de la loi rendant la scolarisation obligatoire pour tous les enfants de 7 à 14 ans qui a permis d’initier un enseignement sur la base de programmes écrits basés sur la moralité et la construction de la Nation.

 

Rama VI et l’économie du Siam. (Tiré de notre article (8))

 

Rama VI avouait en 1912 peu connaître l’économie et encore moins la finance (In A Siam Miscellany), estimant que son étude servait peu, au vu que les riches n’étudient jamais la politique économique, et que les économistes ne devenaient jamais riches. Mais son ambition nationaliste ne pouvait faire fi de la nécessité du développement du Siam, des moyens de sa défense et de maintenir son pays dans une relative autonomie économique ; Et son pouvoir absolu ne pouvait le faire renoncer au budget royal. Mais les crises financières sérieuses, comme celles de 1913, et de 1919-1923,  lui monteront les  tristes « réalités économiques ».

 

lI explicitera à plusieurs reprises ces idées, notamment dans un essai en 1915 intitulé « Réveilles-toi, Siam » qui était consacré aux dimensions économiques de sa politique nationaliste. Il estimait que son peuple produisait ce dont il avait besoin, mais que l’augmentation des importations étrangères et  l’immigration excessive de travailleurs chinois, avaient  causé la perte de nombreuses manufactures thaïes et  remplacé la main-d’œuvre thaïe, et ceci d’autant plus facilement que  les Thaïs -disait-il-  « par nature n’aiment pas le dur travail ».

 

 

Cet appel national à ces concitoyens s’expliquait par la conscience qu’il avait des ressources limitées du gouvernement et au fait  que la défense du pays était la priorité nationale. Terwiel (8) cite Cook qui estimait en 1925, que le Siam consacrait 23,3% de son budget pour sa défense et que 10,7 % était réservé aux dépenses royales, auxquelles il fallait ajouter d’autres dépenses royales que l’on inscrivait dans d’autres lignes du budget.

 

Trois réformes seront engagées ayant pour objectifs d’encourager l’autosuffisance.

 

La première fut l'introduction de l’apprentissage de l’artisanat dans les écoles. La seconde visait à fournir aux paysans une source de crédit pour les rendre moins dépendants des usuriers chinois. Une loi du 1er avril 1913 proclamait la création de la Banque Nationale de Crédit ; Et en 1916, fut créé la première coopérative qui regroupait en 1922, une soixantaine de sociétés.  La troisième réforme visait à soutenir la création de grandes entreprises thaïes, mais la seule qui connut un succès fut la Compagnie de Ciment du Siam fondée en 1913, qui avait pour objectif de couvrir tous les besoins du Siam en ciment. Objectif qui fut atteint à la fin du règne.

 

 

Mais le Siam allait connaître une grave crise financière de 1919 à 1923.

 

Déjà en 1917 (Terwiel dit 1916),  une spéculation sur les pièces en argent avait coûté cher au gouvernement, qui dut se résoudre à l’alliage, puis à l’interdiction de son exportation et enfin en 1918 à son remplacement par du papier monnaie. « La crise financière fut intensifiée par la « crise du riz », provoquée par le stockage du riz réalisé par les marchands chinois l’achetant en vue de l’exporter à Singapour qui était alors le plus grand marché de la Région. Cette spéculation ne pouvait que provoquer la hausse des prix et le mécontentement des habitants des villes et surtout de Bangkok. Le gouvernement fut contraint de taxer le riz à l’exportation avec les réactions prévisibles des traders chinois, et d’imposer une nouvelle taxe qui s’appliquait même à la famille royale. Cette taxation fut même la cause d’une révolte à Pattani en 1922 qui fut « réglée » par le régiment de Natron Si Thammarat. 

 

Terwiel considère que le roi pendant cette période avait laissé ses administrateurs régler la crise, préférant se retirer dans « son monde imaginaire » et user de ses dépenses, comme il l’entendait.

 

D'autres événements marqueront le règne, comme  le passage  « en douceur » au système métrique entre 1912 et 1923 (Cf. Notre article (9)) ;

 

 

la création de l’État-civil  (rendu nécessaire depuis l'abolition de l'esclavage en 1905 pour les ex-esclaves qui en étaient dépourvus.  Cf. Le système mis en place par Rama VI pour l'attribution des noms de famille นามสกุล (namsakoun) dans notre article (10)) ;

 

 

Et la romanisation du thaï (11).

 

 

Mais un autre événement aura des conséquences importantes pour l’indépendance et la souveraineté du Siam : Le 22 juillet 1917,  le roi Vajiravudh  déclare  la guerre à l'Allemagne et à l'Autriche-Hongrie. (12)

 

On peut penser que la décision du Président des États-Unis Woodrow Wilson de déclarer la guerre à l'Allemagne en avril 1917, au côté de l’Entente, a joué un rôle important dans sa décision.

 

Le Siam envoya une petite force expéditionnaire de 1284 volontaires, sous le commandement du général Phya Pijaijarnrit qui arrive à Marseille le 9 août 1918. Certains furent envoyés à l'École de bombardement du Crotoy, d'autres à l'école de reconnaissance de Chapelle-la-Reine, à l'école de tir de Biscarosse, et à l’école de chasse de Poix et le personnel de l’armée  de l’Air commença à se former dans les écoles françaises de pilotage d’Avord et d’Istres. Plus de 95 hommes furent brevetés pilotes.

 

 

Une unité médicale d’infirmières siamoises est signalée sur le front occidental et Claire Tran (in CNRS/le Journal du 9/11/2018) assure qu'un seul groupement automobile siamois partit sur le front, non loin de Verdun en septembre 1918 mais apparemment ne participa à aucun engagement. Après l’armistice, le groupement siamois fut chargé d’occuper la ville de Neustadt dans le Palatinat et à la fin de la guerre, il participa aux défilés à Paris, Bruxelles, et Londres. Le dernier groupement siamois rentra au Siam  le 21 septembre 1919. 19 soldats siamois décéderont sur le front occidental, de maladies, d’accidents et de froid lors de leur participation à l’occupation en 1919 (La France avait perdu 1.350.000 hommes, la Grande-Bretagne 1.150.000 hommes et probablement quatre fois plus de blessés plus ou moins gravement.)

 

Le monument aux morts de Bangkok

 

 

Le 11 novembre 1918, l’armistice est signé, déclarant la fin de la première guerre mondiale. Le Traité de Versailles du 28 juin 1919, entré en vigueur le 10 janviers 1920, déterminera les frontières de plusieurs pays, et créa la Société des Nations.

 

 La Section III, consacré au Siam comporte trois articles :

 

Article 135. L'Allemagne reconnaît comme caducs, depuis le 22 juillet 1917, tous traités, conventions ou accords passés par elle avec le Siam, ensemble les droits, titres ou privilèges pouvant en résulter, ainsi que tout droit de juridiction consulaire au Siam.

Article 136. Tous biens et propriétés de l'Empire ou des États allemands au Siam, à l'exception des bâtiments employés comme résidences ou bureaux diplomatiques ou consulaires, seront acquis de plein droit au Gouvernement siamois, sans indemnité.

Les biens, propriétés et droits privés des ressortissants allemands au Siam seront traités conformément aux stipulations de la partie X (Clauses économiques) du présent traité.

Article 137. L'Allemagne renonce à toute réclamation, pour elle ou ses nationaux, contre le Gouvernement siamois relativement à la saisie des navires allemands, à la liquidation des biens allemands ou à l'internement des ressortissants allemands au Siam. Cette disposition ne doit pas affecter les droits des parties intéressées dans le produit d'aucune de ces liquidations, ces droits étant réglés par les dispositions de la partie X (Clauses économiques) du présent traité. Il permettait ainsi au Siam de conserver à titre de dommages de guerre pas moins de 11 navires appartenant à la compagnie “North German Lloyd” (LGN).

 

 

En janvier 1920, le Siam devenait un des membres fondateurs de la Société des Nations. Rama VI assurait ainsi  une garantie internationale pour l’indépendance et  l’intégrité du Siam.  

 

 

Le 1er septembre 1920, les États-Unis abandonnèrent leurs droits d’extraterritorialité au Siam. Après cinq années de négociation, la France  (février1925) et la Grande-Bretagne (juillet 1925) renonçaient aussi à leurs droits d’extraterritorialité, aux traités inégaux  leur accordant le « Droit de Protection consulaire » qui donnaient (par exemple l’article 7 du traité de 1893) aux Français mais aussi  à ceux qui dépendaient du « Protectorat français »comme les Annamites, les Laotiens, les  Cambodgiens (Cf. les Chinois et Japonais inscrits), la liberté de circuler et de commercer librement sans payer de droits de douanes. Le 12 janvier 1926, la France et le Siam signaient un traité d’amitié, de commerce et de navigation.

 

Mais  Rama VI, fut avant tout écrivain, traducteur, journaliste, promoteur de la littérature au Siam. (13)  « Un roi par hasard, un écrivain par vocation » dira Inthano.

 

Tout au long de son règne Rama VI interviendra via des discours, essais, articles de journaux, poèmes, et pièces de théâtre, sur la scène politique et sociale de son royaume, pour défendre sa politique nationaliste, le bouddhisme, le passé glorieux du Siam, mais aussi sur l’état-civil, l’éducation nationale, le statut des femmes, le bien-fondé de ses Tigres sauvages, l’autosuffisance alimentaire, etc. Mais sa passion restera la culture et la littérature, avec la traduction d’œuvres aussi glorieuses que celles de Shakespeare et de Molière, et leurs adaptations pour  un public siamois, et la création de sa propre œuvre avec poèmes, pièces de théâtre.

 

 

 

Son œuvre est immense.  (Cf. Liste restreinte dans notre article (13))

 

Terwiel a pu compter par exemple 34 pièces de théâtre originales et 36 pièces traduites ou adaptées. Inthano, lui, évoque une édition d’une  centaine d’œuvres identifiés par ML Pin Malakul, intitulée « Cent pièces de théâtre du roi Vajiravudh », qui joueront un rôle fondamental dans la promotion de l’importation des formes littéraires occidentales et dans l’institutionnalisation de la littérature au Siam.

 

Un roi prolifique qui connaissait également la littérature sanscrite et hindoue, et traduisait de multiples histoires tirées du Ramayana et du Mahabharata, et écrivait des pièces qui en sont inspirées. Et nous n’oublions pas le journaliste nationaliste virulent, auteur de multiples articles non seulement dans son journal, le Dusit Samit mais aussi dans le หนังสือพิมพ์ไทย nangsuphimthai (tout simplement « le journal thaï ») ou encore le Siam Observer, journal fondé au début du XXème dans lequel il avait probablement des intérêts financiers, sous son nom de plume de อัศวพาหุ Atsawaphahu (que l’on peut traduire par « le cheval qui fait peur »).

 

 

Un roi qui en 1918 encouragera les publications littéraires et fondera l’hebdomadaire Dusit Samit, dans lequel il laisse place à la liberté d’expression des auteurs, avec des textes littéraires ainsi que de nombreuses satires humoristiques qui seront publiés dans ce magazine jusqu’en 1921». (p.46, in   Louise Pichard-Bertaux, « Écrire Bangkok : la ville dans la nouvelle thaïe contemporaine,  Connaissances et Savoirs, 2010.)

 

On ne peut qu’être impressionné par l’activité littéraire, de « traducteur » des œuvres occidentales, de journaliste engagé, et de promoteur de la littérature siamoise. Certains le lui reprocheront dans la mesure où la vocation littéraire du roi se faisait, selon eux, au détriment des intérêts de l’État.

  

Roméo et Juliette

 

 

Nous avons au fil des articles prouvé le contraire et montré sa détermination à défendre son royaume, moderniser son pays, fonder l’école primaire obligatoire pour tous, redonner au Siam sa souveraineté pleine et entière, en devenant membre fondateur de la Société des Nations en 1920.

 

 

 

 

NOTES ET RÉFÉRENCES.

 

 

(1) 155. Que savons-nous de Rama VI (1910-1925) ?

http://www.alainbernardenthailande.com/article-155-que-savons-nous-de-rama-vi-1910-1925-124661814.html

Résume 4 articles :

28. Les relations franco-thaïes : La première guerre mondiale.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-28-les-relations-franco-thaies-la-1-ere-guerre-mondiale-67543426.html

Notre article 9 sur le nationalisme

http://www.alainbernardenthailande.com/article-article-9-vous-avez-dit-nationalisme-thai-66849137.html

A86. Le coup d’État manqué de 1912 ?

http://www.alainbernardenthailande.com/article-a86-le-coup-d-etat-manque-de-1912-112832034.html

 

Cite nos principales sources :

BAFFIE, Jean. Présentation : Un règne de transition encore trop peu étudié. In: Aséanie 11, 2003. pp. 157-162. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/asean_0859-9009_2003_num_11_1_1777

 

VELLA, Walter F. 1978 - Chaiyo! King Vajiravudh and the development of Thai nationalism,  Honolulu, The University of Hawaï Press, 348 p.

 

GREENE, Stephen Lyon Wakeman 1999 - Absolute  Dreams.  Thai government  under Rama  VI, 1910-1925,  Bangkok, White Lotus, 224 p.

 

FINOT, Louis, « Notes de voyage sur le Siam » (Causerie faite à la Société de Géographie de Hanoi le 11 Mars 1924) In: Aséanie 11, 2003. pp. 163-183.

 

Inthano Theeraphong, « L’influence occidentale sur le développement du théâtre siamois. Le cas du roi Vajiravudh (1910-1925) », thèse soutenue le 23 juin 2013 à l’INALCO.

 

(2) 59. L’éducation anglaise du roi Rama VI.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-159-l-education-anglaise-du-roi-rama-vi-125066391.html

Qu’avait-il bien pu apprendre de 11 ans à 16 ans ? Quelle fut sa formation militaire reçue au Collège Militaire Royal de Sandhurst en 1898 (il a alors 18 ans) ? Quels cours de droit et d’histoire avait-il suivi à la Christ Church d’Oxford de 1899 à 1891 ? Pourquoi y avait-il écrit un mémoire intitulé « The war of the polish Succession » ?

 

(3) VELLA, Walter F. 1978 - Chaiyo! King Vajiravudh and the development of Thai nationalism,  Honolulu, The University of Hawaii Press, 348 p.

 

(4) 162. Les  « Tigres sauvages » de Rama VI (1910-1925).

Basé sur le livre de Walter F. Vella,  en ses chapitres trois et quatre.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-162-les-tigres-sauvages-de-rama-vi-1910-1925-125174342.html

En plus des parades, l’activité la plus importante était la participation des « Tigres sauvages » aux grandes manœuvres annuelles, sachant qu’ils devraient venir en soutien à l’armée en cas de guerre. Le roi y participait ainsi que des ministres et des autorités. La première eut lieu à Nakhon Pathom du 20 janvier au 2 mars 1912. En 1913, des unités de l’armée vinrent se joindre à ces manœuvres. En 1914, du fait de la guerre mondiale, les objectifs ont bien sûr changé et les « Tigres sauvages » furent organisés pour devenir une seconde ligne de défense. Le roi écrivit un essai en octobre 1914 qui précisait les rôles dévolus aux « Tigres sauvages » et aux Boys scouts en temps de guerre. ( Chotmaihet suapa (CMHSP 7, n°6)

Lors de 11 conférences sur le bouddhisme (26 avril 1914 au 13 septembre 1914) , le roi  rappelait à ses « tigres sauvages que chaque race et pays se devaient d’avoir un but afin d’être brave et être prêt à se sacrifier pour défendre sa race, sa religion et son roi. Si la religion était le meilleur moyen de montrer la  voie à suivre, il allait expliquer aux Tigres que le bouddhisme était la meilleure. Et il exposait ensuite, entre autres,  le bien-fondé du bouddhisme pour les Siamois par rapport au christianisme et à l’Islam ; les différents préceptes que les Tigres devaient  suivre.    

 

(5) 163. Rama VI crée le mouvement des Scouts en 1911.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-163-rama-vi-cree-le-mouvement-des-scouts-en-1911-125174353.html

 

(6) A86. Le coup d’État manqué de 1912 ?

http://www.alainbernardenthailande.com/article-a86-le-coup-d-etat-manque-de-1912-112832034.html

 

(7) 168. Le « nationalisme » de Rama VI (1910-1925).

http://www.alainbernardenthailande.com/article-168-le-nationalisme-du-roi-rama-vi-1910-1925-125257916.html

 

 Rama VI face à deux modèles  le modèle « occidental » et le modèle « siamois ».

1. Le modèle occidental. http://www.alainbernardenthailande.com/2015/02/170-rama-vi-face-a-deux-modeles-le-modele-occidental-et-le-modele-siamois.html

2. le modèle siamois. ww.alainbernardenthailande.com/2015/02/1-171-rama-vi-face-a-deux-modeles-le-modele-occidental-et-le-modele-siamois-2-le-modele-siamois.html

 

Cf. aussi notre article 9 sur le nationalisme : http://www.alainbernardenthailande.com/article-article-9-vous-avez-dit-nationalisme-thai-66849137.html

 

(8) 172. Rama VI et l’économie du Siam. (1910-1925)

http://www.alainbernardenthailande.com/2015/03/172-rama-vi-et-l-economie-du-siam-1910-1925.html

Là encore nos sources sont tirées du livre de  Walter F. Vella, « Chaiyo ! King Vajiravudh and the development of Thai nationalism », et du chapitre intitulé “Economic Nationalism” (pp.167-175, 7 pages et demie)

 

 

Et aussi de B.J. Terwiel, « Thailand’s Political History, From 13yh century to recent times », River Books, 2011. Cf. Chapitres : “Siam’s Financial Crisis” et “The King and the Government” (pp. 244-247)

 

(9)166. Le Siam passe « en douceur » au système métrique entre 1912 et 1923.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-166-le-siam-passe-en-douceur-au-systeme-metrique-entre-1912-et-1923-125174367.html

 

(10) 69. Rama VI crée l'Etat civil siamois.

http://www.alainbernardenthailande.com/2015/02/169-rama-vi-cree-l-etat-civil-siamois.html

http://www.alainbernardenthailande.com/2015/02/169-rama-vi-cree-l-etat-civil-siamois.html

 

(11) 165. Le roi Vajiravudh et la romanisation du thaï.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-165-le-roi-rama-vi-et-la-romanisation-du-thai-125174362.html

 

(12) 164. Le Siam participe à la 1ère Guerre mondiale. Les conséquences pour le Siam.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-164-le-siam-particpe-a-la-1ere-guerre-mondiale-125175819.html

28. Les relations franco-thaïes : La première guerre mondiale.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-28-les-relations-franco-thaies-la-1-ere-guerre-mondiale-67543426.html

 

A 176 - พวกเขาถึงตายทำไม ? LE MÉMORIAL DE BANGKOK A LA MÉMOIRE DES 19 MILITAIRES SIAMOIS MORTS AU COURS DE LA GRANDE GUERRE.

http://www.alainbernardenthailande.com/2015/02/le-memorial-de-bangkok-a-la-memoire-des-19-militaires-siamois-morts-au-cours-de-la-grande-guerre.html

 

H 20 - UNE AUTRE VISION DE LA PARTICIPATION DES SIAMOIS A LA 1ERE GUERRE MONDIALE EN 1917.

http://www.alainbernardenthailande.com/2018/06/h-20-une-autre-vision-de-la-participation-des-siamois-a-la-1ere-guerre-mondiale-en-1917.html

 

H 30- LE ROI VAJIRADUDH OU L'HISTOIRE D'UN RÊVE MILITAIRE CONTRARIÉ.

http://www.alainbernardenthailande.com/2019/05/h-30-le-roi-vajiradudh-ou-l-histoire-d-un-reve-militaire-contrarie.html

 

(13) 173. Rama VI, écrivain, traducteur, journaliste, promoteur de la littérature au Siam.

http://www.alainbernardenthailande.com/2015/03/173-rama-vi-ecrivain-traducteur-journaliste-promoteur-de-la-litterature-au-siam.html

 

Cf. aussi :

176.  La fin du régime des capitulations au Siam en 1925.

177. Le Siam de Rama VI retrouve tous ses droits souverains en 1925.

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27 août 2020 4 27 /08 /août /2020 13:23

 

 

LE ROI CHULALONKORN  (RAMA V) 1868-1910.

 

 

 

Chulalongkorn est né à Bangkok le 20 septembre 1853. Il est le fils aîné du roi Mongkut (Rama IV) et de la reine Debsirindra. Le prince a 15 ans lorsque son père meurt le 1er octobre 1868 des suites de la malaria contractée lors d’une expédition menée pour observer l’éclipse de soleil du 18 août 1868.

 

 

 

Un Conseil de régence présidé par Chao Praya Sri Suriyawongse, l’ancien premier ministre de son père Rama IV, le fait roi  le 11 novembre 1868. Sri Suriyawongse va diriger le pays jusqu’au 16 novembre 1873, et céder  le pouvoir à la majorité du roi. 

 

 

 

 

 

Rama V va régner pendant 42 ans jusqu’à sa mort, le  23 octobre 1910,  après avoir eu 77 enfants, de 36 de ses 92 femmes (dont ses quatre demi-sœurs). C’est le grand-père de Rama IX.

 

 

 

Le roi Chulalongkorn fait l’objet d’un véritable culte en Thaïlande.

 

 

Le jour de sa mort, le 23 octobre (1910) est un jour férié et est l’occasion de lui rendre hommage.

 

 

 

 

Il est considéré comme le père de la Nation, « le roi réformateur », celui qui « a entrepris des réformes dans les domaines de l'administration, de l'économie, de l'éducation, de la science, qui ont transformé la société traditionnelle et posé les fondations d'un Etat moderne », comme le dit un communiqué de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) à l'occasion du 150e anniversaire de sa naissance.

 

 

En effet, les 42 années de règne du roi Chulalongkorn vont marquer une rupture  entre le Siam dit « traditionnel » et le  Siam « moderne ».

 

 

 

Le roi va  réorganiser son  pays en un État national centralisé, avec l'aide de ministres siamois exceptionnels pour la plupart ses frères ou demi frères  (Le Prince Damrong et le Prince Dévawongse entre autres)  et  plus de 300 conseillers européens, et dans la ligne de la grande réforme de 1897, créer pour chaque circonscription administrative une administration judiciaire, un système éducatif, une police et une armée … et  une administration fiscale, avec un service du cadastre qui  fut effectif dans l'ensemble du pays en 1910. (Cf. (1)).

 

 

Il va transformer profondément son royaume en créant de nouvelles institutions et en mettant en œuvre des réformes importantes comme : 

 

]

la création de l'éducation nationale, de la poste, du télégraphe et du chemin de fer ; la loi sur la conscription en 1905,  la réorganisation du système judiciaire, la création d'un nouveau  code pénal en 1908 selon le modèle européen ; un budget d’Etat en 1909, etc ;  et les deux réformes les plus « révolutionnaires »: la  suppression de la corvée royale en 1900, et l'abolition progressive puis définitive de l’esclavage en 1905.

 

 

Mais durant son règne, ses relations diplomatiques et commerciales avec l'Occident (Cf. Tous les traités signés avec les nations européennes) et le développement d’une économie monétaire, avec le rôle prépondérant tenu par les Chinois, et le développement d’une classe de fonctionnaires et de militaires, vont également transformer  la société siamoise. (Pour en savoir plus. Cf.19).

 

 

 Nous avons consacré vingt-et-un articles (Plus de 250 pages) à ce long règne, en nous appuyant sur de nombreuses sources, dont nous vous donnons en notes quelques liens  que nous ne pouvons pas tous reprendre dans le cadre d'un seul article. Il vous appartiendra donc de choisir ce que vous voulez approfondir. Nous nous limiterons -ici- à quelques faits et observations, concernant la politique intérieure et extérieure et la personnalité du roi Chulalongkorn.

 

 

En effet,  le roi Chulalongkorn est une personnalité hors du commun. Il fut le premier roi à entreprendre des voyages à l'étranger. Le  jeune roi  effectuera des visites  en mars-avril 1871 à Singapour et à Java et du 16 décembre 1871 au 16 mars 1872 en Inde anglaise (Calcutta, Delhi, Bombay, puis retour à Calcutta).

 

Puis il accomplira deux voyages en Europe. Le 1er, officiel,  en 1897 (14 mai-26 octobre) au cours duquel, le roi a rencontré le duc de Gênes à Venise, le Président du Conseil fédéral de la Confédération suisse à Berne, les dignitaires de Florence, le roi et la reine d’Italie et le Pape Léon XIII à Rome, l’Empereur d’Autriche et les trois archiducs à Vienne, le président de Hongrie, le Tsar Nicolas II, la Tsarine de Russie et la Tsarine mère,

 

 

 

 

le roi Christian IX et la reine Louise du Danemark, l’Empereur d’Allemagne, la Reine régente de Hollande, le roi des Belges (mais aucune correspondance), le Président français Félix Faure, la reine Margueritte d’Espagne, le roi et la reine du Portugal.

 

 

 

Puis le second, officieux de huit mois, du 27 mars au 6 novembre 1907. Voyages que nous pouvons connaître avec une partie des lettres et télégrammes que le roi enverra à la reine Régente Saowabha Phongsri en 1897 et à sa fille, la princesse Nibha Nabhatala, en 1907. C’est la première fois, que nous avons accès à des lettres royales personnelles, qui permettent d’approcher son sens politique, ses goûts en matière d’art,  sa manière de se comporter, sa relation aux autres, ses jugements de valeur; et aussi ses espoirs et ses craintes, ses faiblesses, ses maladies, ses critiques sur les pays et les gens rencontrés.

 

 

 

 

On y trouve un roi attachant, conscient de sa mission pour défendre son pays, ouvert et curieux à la « modernité » européenne, évaluant ce qui peut être importé sans oublier les valeurs siamoises, un roi exigeant envers lui-même et les autres, conscient de sa valeur et de son rang, mais respectueux des usages et des coutumes européens. (Cf. Nos deux articles sur  ces lettres (2))

 

 

 

La politique extérieure. (3)

 

 

Nous avions vu que le roi Mongkut (1851-1868), ouvert à l’occident, à la science, à l’anglais avait été contraint (ou avait eu la « sagesse »)  de signer avec John Bowring le 18 avril 1855  un traité d’amitié, de commerce et de navigation, avec la Grande Bretagne. Le traité limitait à 3% les taxes à l’importation, autorisait l’importation d’opium en franchise, prévoyait à l’exportation des droits négociés ; et aussi donnait aux Britanniques le droit d’acheter ou de louer des terrains autour de Bangkok en bénéficiant du droit d’exterritorialité et accordait le droit de juridiction civile et criminelle sur les sujets britanniques.

 

 

 

 

D'autres traités analogues seront signés : le 29 mai 1856 avec l’émissaire américain Townsend Harris, le 15 août 1856 avec la France, le 21 mai 1858 avec le Danemark, le 17 décembre 1860 avec les Pays-Bas, le 7 février 1862 avec la Prusse agissant au nom des membres du Zottverein allemand (Union douanière), le 15 juillet  1867 avec  la France, (dans lequel La France conservait le Protectorat sur le Cambodge et le Siam obtenait la propriété des deux provinces cambodgiennes de Battambong et de Siem Reap/ Angkor),  le 10 février 1868 avec le Portugal, le 18 mai 1868 avec la Suède-Norvège, le 29 août 1868 avec la Belgique, le 3 octobre 1868 avec l'Italie, le 17 mai 1869 avec l’Autriche-Hongrie et le 23 février 1870 avec  l'Espagne.

 

 

 

Nous nous sommes limités à l'étude des traités du 3 octobre 1893 et du 23 mars 1907 signés entre le Siam et la France, avec le contexte de leurs négociations et leurs conséquences néfastes  pour le Siam. (Cf. en (4) nos  articles)

 

 

L’Article 1 du traité de 1893  qui en comportait 10, était le plus important : « Le Gouvernement siamois renonce à toute prétention sur l’ensemble des territoires de la rive gauche du Mékong et sur les îles du fleuve ». L’Article  2  portait sur « L’évacuation des postes siamois établis sur la rive gauche du Mékong… ». Des indemnités importantes devaient être payées.

 

 

En sachant que le traité avait été signé,  après que l’aviso l’Inconstant, le J. B. Say et le Comète aient forcé le blocus siamois sur le Chao Praya, durant lequel  le J. B. Say avait été coulé, et un ultimatum en 6 articles, présenté par Auguste Pavie, alors Consul général  de France à Bangkok,  le 20 juillet sous la menace des navires.  Le roi Rama V avait alors accepté sans réserve les conditions de l’ultimatum le 29 juillet 1893.

 

Un Traité de 10 articles et une convention furent signés le 3 octobre 1893. (Dans laquelle la France avait exigé une zone démilitarisée large de 25 km le long de la rive occidentale du Mékong, plus les provinces de Battambang et de Siam Reap. De plus Chantaburi fut occupé par une garnison française. Les Français renonceront à mettre le Siam sous protectorat, mais partageront le pays en zones d'influence avec les Britanniques)

 

 

 

 

La signature du traité et de la convention de 1893 avait plongé la Cour du Siam dans une « véritable crise intérieure » et il faudra de nombreuses années pour régler les problèmes et les différends, puisqu'il faudra attendre que le ministre français des Affaires étrangères Delcassé  propose  à Phya Surya dans un mémorandum le 13 mai 1903, une nouvelle base de discussion. Cela  aboutira à la signature de la Convention en 13 articles du 13 février 1904 (ratifiée en décembre 1904),  établissant un nouveau cadre de « travail » très important, comme la délimitation des frontières entre le Siam et le Cambodge (article1), de Luang Prabang (article 2), entre le Siam et l’Indochine française (article 3). Le Siam renonçait à sa suzeraineté sur Luang Prabang et la rive droite du Mékong (article 4), Les troupes françaises devaient quitter Chantaboun (article 5). Elle comportait des dispositions « commerciales » sur les futurs ports, canaux, chemins de fer et  précisait, une fois de plus, la juridiction et la protection des Français.

 

 

 

Ces négociations aboutirent au Traité du 23 mars 1907.

 

 

Le gouvernement siamois cédait à la France les Territoires de Battambang, Siemréap et Sisophon (article 1). Le Gouvernement français cédait au Siam les Territoires de  Dan-Sai et de Trat (article 2). Des délais, une commission étaient établis (articles 3 et 4). Les articles 5 et 6 établissaient les statuts juridiques des Asiatiques sujets et protégés des Français.

 

 

Le Siam entrait dans une nouvelle période de son Histoire. Certes il avait perdu sa suzeraineté sur le Laos et le Cambodge, cédé quatre de ses territoires « malais » (Kedah, Perlis, Kelantan, et Trengganu) aux Anglais ; (Cf. Le traité anglo-siamois de 1909), mais avait conservé son indépendance, grâce à « L’Entente Cordiale » franco-anglaise du 8 avril 1904, définissant leurs zones d’influence. Le départ du Roi Chulalongkorn pour l’Europe en mars 1907 est peut-être le signe de l’acceptation de ce nouveau monde.

 

 

Le Siam indépendant? Avec cette conviction siamoise souvent brandie « Nous n’avons jamais été colonisé ». (5)

 

 

Le traité anglo-siamois du 18 avril 1855 organisait déjà un régime juridictionnel spécial pour les ressortissants anglais au Siam. (La Grande-Bretagne renoncera très partiellement à jouir de l’exterritorialité par le traité du 3 septembre 1883.)

 

 

Ce sera ensuite au tour des États-Unis de se faire concéder le privilège de l'exterritorialité par le traité du 29 mai 1856 à peu près dans les mêmes termes.

 

 

De même « le traité franco-siamois du 15 août 1856 prévoyait à son tour, l'établissement d'un consul français à Bangkok, la liberté de culte et d'enseignement, la création d'hôpitaux pour missionnaires, la liberté de commerce, de résidence et de circulation sous réserve de l'observation de certaines formalités, la possibilité, pour les Français, d'acquérir des immeubles, mais seulement à plus de six kilomètres de Bangkok dans un rayon égal à l'espace parcouru en vingt-quatre heures par les bateaux du pays. Dans le domaine judiciaire, le traité stipulait que le consul français et le magistrat siamois compétent statueraient conjointement, selon l'équité, sur les difficultés entre Français et Siamois, que les Français, dépendraient de la juridiction française pour les difficultés s'élevant entre eux et que le Siam ne se mêlerait en rien des différends survenus entre Français et étrangers et n'exercerait aucune action sur les navires de commerce français.

 

 

Le traité décidera encore que les Français seront régis par la loi française pour la répression de tous crimes et délits commis dans le royaume. Une dernière disposition enfin était particulièrement lourde pour le Siam constituant jusqu’en 1925 une sujétion exorbitante, « le droit à percevoir sur les marchandises importées par navires français dans le royaume de Siam n'excédera point trois pour cent de la valeur ».

 

 

Le mouvement fut contagieux, comme nous l'avons dit, et de nombreuses puissances vont signer avec le Siam des conventions plus ou moins similaires.

Ces sujétions procédurales imposées au Siam n’auraient eu guère de poids si elles s’étaient limités aux seuls étrangers (quelques centaines tout au plus) résidant dans le pays. Mais elles furent étendues aux « protégés » c’est-à-dire aux ressortissants des pays placés sous souveraineté du pays « colonial ». Ainsi pour la France : Annamites, Laos, Cambodgiens et Chinois installés au Siam et venant se faire inscrire dans nos consulats comme « protégés » bénéficiaient d’un « privilège de juridiction » ;  c’est-à-dire en clair qu’ils échappaient (tout simplement) aux tribunaux siamois, que ce soit pour un meurtre ou une faillite, pour tomber sous la juridiction « consulaire » (des consuls de France) ou sous celle de « commissions mixtes », plus clairement paritaires, moitié siamois, moitié français mais avec prépondérance du Consul de France.

 

 

 (Il y avait 6  Français  inscrits consulaires en 1906,  30 en 1907, il y en aura 200 en 1910. Les « protégés » inscrits consulaires de nos protectorats (annamites, laos et khmers) étaient environ 15.000. » (In nos articles (4) (5))

 

 

 

De plus, les traités signés, avaient accordé d'autres privilèges à ces puissances à l’intérieur même du pays siamois en termes de commerce, de libre-circulation, d’extra-territorialité, qui nous avait amené à nous interroger sur une forme de colonisation intérieure.

 

 

Et de fait, le système postal était revenu aux Allemands, le système portuaire aux Anglais, la gendarmerie et la marine de guerre aux Danois, et le système judiciaire commercial aux Français. « In notre article : la politique extérieure du roi Chulalongkorn » ( (2))

 

 

lI faudra attendre la participation des Siamois auprès des Alliés lors de la 1ère guerre mondiale et que le Siam devienne un des membres fondateurs de la Société des Nations, en janvier 1920, pour que  le Siam de Rama VI retrouve tous ses droits souverains en 1925, et puisse librement établir ses droits à l'importation et à l'exportation, ainsi que ses taxes d'entrepôt. (Cf. (6))

 

 

 

 

La politique intérieure.

 

 

Le modèle ?

 

 

Le roi Mongkut ouvert à la science et à la langue anglaise avait donné une éducation occidentale à ses enfants. Anna Leonowens, en avait été chargée  pendant cinq années, entre 1862 et 1867, et raconte qu’elle enseignait la géographie, l’astronomie, et  la langue anglaise à 20-25 princes et princesses et quelques concubines. (Cf. (7) Notre article Anna et le roi ou l'histoire d'une imposture)

 

 

 

 

(Rappelons-nous que le roi Chulalongkorn enverra son fils aîné le futur Rama VI étudier en Angleterre de l'âge de 11 ans  en 1891  jusqu'à janvier 1903, et que son plus jeune fils, le futur Rama VII étudiera aussi en Angleterre de1906 à 1913)

 

 

 

 

Mais nul doute que les voyages qu’il a effectués en mars-avril 1871 à Singapour et à Java et du 16 décembre 1871 au 16 mars 1872 en Inde anglaise (Calcutta, Delhi, Bombay, puis retour à Calcutta) ont dû contribuer à sa formation, même si de nombreux écrits exagèrent les connaissances qu'il aurait acquises durant ces 4 mois. Ses relations avec le Régent  Sri Suriyawongse, l'ancien premier ministre de son père, qui va diriger le pays du 11 novembre 1868 au 16 novembre 1873 ont  certainement été plus déterminantes.

 

 

 

 

Quoi qu'il en soit, quand le roi Chulalongkorn peut exercer le pouvoir, il commence par une première réforme très symbolique en demandant à ses sujets  de rester debout en sa présence au lieu de se prosterner et de rester accroupis ou aplatis au sol. Et de suite, il va créer  le « Bureau de l'audit » pour collecter les impôts, pour remplacer les percepteurs corrompus, et en 1874 le Conseil d'État en tant qu'organe législatif et un conseil privé en tant que son conseil consultatif.

 

 

Il va ensuite réformer et moderniser le royaume dans tous les domaines : l'administration unifiée et centralisée, le système d’impôts, la justice, les codes du pénal et du commerce, les travaux publics et les infrastructures (canaux, chemin de fer, lignes télégraphiques et téléphoniques, eau, etc.), la poste, l’éducation, les écoles primaires, secondaire, les écoles de droit, de médecine, des mines, de gendarmerie, de police, des arts et métiers, de commerce, etc, avec la fin de la corvée royale (1900) et l'abolition progressive de l'esclavage jusqu'à son abolition en 1905.

 

 

Nous vous avons présenté les principales réformes, ainsi la création d'une nouvelle organisation administrative à partir de 1892 (Cf. (8))

 

 

Le roi Rama V, va donc créer de toutes pièces une nouvelle organisation administrative pyramidale de concert avec le Prince Damrong, son demi-frère, avec la création en 1892 de douze ministères de type occidental, puis  des circonscriptions administratives avec en corollaire et attachée à chacune d’elle, une administration fiscale, une administration judiciaire, un système éducatif et évidemment une police et une armée.

 

 

Le prince Damrong (ministre de l’intérieur en 1892) va créer une subdivision administrative à partir de 1897: le « monthon », avec  sous cette unité administrative de base,  les changwats (les anciens mueangs) qui ne seront baptisées changwat (จังหวัด) qu’au fil des années (en 1907 pour la province de Pattani et généralisé ensuite en 1916 seulement), puis les amphoe et en-dessous les tambon et enfin les groupes de villages et villages. Chaque monthon est sous la direction d’un « commissaire royal » dépendant directement de Bangkok, appelé thesaphiban. Le système a été généralisé en 1897 mais précédé auparavant d’essais ponctuels. (Nous trouvons ainsi en 1915, 19 monthon  contenant 72 provinces (mueang avant de devenir changwat)

 

 

 

En sachant que pour permettre le recouvrement de l’impôt il fut créé le 3 septembre 1885 un véritable service du cadastre qui ne fut effectif sur le terrain qu’en 1901 et généralisé en 1910.

 

 

 

Cette réforme devait bien évidemment se heurter à des résistances, les féodaux n’acceptant facilement la perte de leurs privilèges, et aussi  à des mouvements locaux de résistance ; Le plus connu sera nommé « La révolte des saints ». (Cf. Notre article sur  cette révolte (9))

 

 

 

 

Si  ces réformes seront accomplies avec l’aide des experts occidentaux (plus de 300) dont les plus connus seront  le belge Gustave Rolin-Jaequemyns (ex-ministre de l'intérieur du roi Léopold II), conseiller juridique du roi et le français Padoux, elles  seront dirigées  exclusivement par des membres de la famille du roi, qui occuperont tous les postes ministériels et provinciaux, comme par exemple le prince Damrong comme ministre de l’intérieur et le prince Sri Sahadebh comme son vice-ministre, le prince Dewawongse (un autre demi-frère) le brillant ministre des affaires étrangères. (Cf. en (10) d'autres exemples)

 

 

 

 

La création de l’Éducation nationale. (11)

 

 

La construction de ce nouvel appareil d’État nécessitait de promouvoir une nouvelle instruction pour les Princes et les élites et de former des fonctionnaires pour gérer ces nouvelles tâches.

 

 

Auparavant, l’école était essentiellement assurée dans les écoles des temples. L’enfant devait servir son maître, accomplir des tâches quotidiennes pour l’aider, et recevait des rudiments de lecture et d’écriture, parfois de mathématiques, en plus de sa formation religieuse de base. L’enseignement reçu était peu formalisé, sans cursus défini, et  dépendait des occupations du moine instructeur et des travaux des champs. Si les enfants du peuple étaient peu formés, ceux des nobles ne l’étaient pas davantage.

 

 

C’est donc dans ce contexte  de fondation  d’un État « moderne » qu’il fallut assurer un nouveau mode d’éducation, promouvoir des nouveaux savoirs qui allaient bouleverser l’éducation traditionnelle siamoise. Aussi en 1871, le roi  crée deux écoles royales dans l’enceinte du palais, avec  une école de pages et une école de langue thaï.

 

Un an plus tard, l’école de langue anglaise est fondée. Des enseignants étrangers y assureront des cours de type occidentaux, des manuels scolaires seront élaborés. Le roi y enverra ses petits frères, les dignitaires et les pages pour apprendre l’anglais. En 1875, le roi édictera un décret appelant à l’extension de l’éducation primaire dans tous les monastères royaux.

 

 

En 1879, Rama V  autorisera au palais Nandha Uthayan, l’ouverture d’une école connue sous le nom d’école Suan Anandha. La plupart des élèves seront des membres de la famille royale et des dignitaires du royaume. Les cours donnés consistaient en langues thaïe et anglaise, ainsi qu’en sciences occidentales. En 1881, la nouvelle école Suankulap jouera un grand rôle en enseignant selon un curriculum moderne avec les sciences, l’arithmétique. En 1884, l’école de Wat Mahannaparam de Bangkok sera la première école de roturiers.

 

 

En 1884 également, le roi Rama V envisagera avec l’aide de son demi-frère, le patriarche Wachirarayanwarorot, et son réseau des monastères  d’introduire l’instruction primaire en dehors de Bangkok, mais cela ne fut effectif qu’à la fin du siècle. (Avec la lecture, l’écriture, les connaissances professionnelles de base et les principes moraux.)

 

 

Mais c’est en 1887 que fut créé le ministère de l’Éducation, confié au Prince Damrong qui était alors le commandant en chef de l’Armée. (L’Académie militaire royale sera aussi créée également en 1887 avec des méthodes plus « occidentales ».)

 

 

lI y eut deux projets nationaux pour promouvoir un cursus national. D’abord anglais en 1898, puis en 1902 avec un modèle inspiré par le système éducatif japonais. Des programmes avaient été élaborés,  mais le budget était insuffisant et les maîtres formés peu nombreux, surtout si l'on sait que la première École Normale fut ouverte le 12 octobre 1892.  Toutefois entre 1884 et 1886, le gouvernement avait achevé d’établir une vingtaine d’écoles publiques à Bangkok et une dizaine d’écoles dans les provinces du Centre et  on en dénombrera 338 dans les provinces en 1901, avec 11 630 élèves et 408 maîtres bonzes.

 

 

La résistance fut grande selon les régions et les villages. Outre la crainte de voir leurs enfants enrôler dans l’armée, les parents ne comprenaient pas l’intérêt de cette nouvelle éducation, ni la nécessité de parler le thaï. (Le thaï avait été effectivement choisi pour des raisons pratiques mais aussi de  nationalisme linguistique.) Mais le roi Chulalongkorn avait donné l’impulsion, l’exemple royal,  initié cette nouvelle éducation basée sur le modèle occidental, créé l’institution de l’éducation nationale, rappelé la nécessité de se former à ces nouveaux savoirs, tant pour les élites que pour le peuple. Il promut l’éducation primaire en associant les moines des pagodes à ce vaste chantier de l’instruction publique.

 

 

Il avait également envoyé ses fils étudier en Europe (surtout en Angleterre), donnant ainsi  prestige à ces formations européennes. (L’enseignement primaire fut déclaré obligatoire en 1921 par son fils, le roi Vajiravudh (1910-1925). Il ne fut vraiment effectif dans l’ensemble du pays que dans les années 60.)

 

 

 

 

Mais deux grandes réformes vont marquer une profonde mutation de la société siamoise : la fin de la corvée royale en 1899-1900 et l'abolition définitive de l'esclavage en 1905.

 

 

 

 

 La fin de la corvée royale en 1899-1900. (12)

 

 

Mgr Pallegoix, in  « Description  du royaume thai ou Siam », nous donne une présentation du système de la corvée :

 

 

«  Les gens de corvée, qu’on appelle khao-duean, sont tenus à trois mois de service par an ; on les emploie à bâtir des forteresses, les pagodes ou des palais, à creuser des canaux, faire des digues, des chemins, des hangars et en général à tous les ouvrages royaux et publics. S’ils veulent s’exempter de ces corvées, ils n’ont qu’à payer la somme de seize ticaux à leurs chefs qui la retiennent pour eux ou bien louent quelque autre à leur place. C’est une chose avérée que les chefs, grands et petits, exemptent généralement du service royal et à leur profit, un certain nombre des gens qu’ils doivent y employer, le roi le sait bien, mais il ferme les yeux là-dessus  et avec raison, parce que la modique solde que  reçoivent les mandarins ne suffisent pas pour leur entretien. C’est ce qu’ils appellent proverbialement tham na bon lang phrai, faire les champs sur le dos du peuple.

 

 

Dans toute l’étendue du royaume, il y a une bonne partie du peuple qui n’est pas sujette aux corvées, mais doit payer, chaque année, un tribut, dont la valeur varie de huit à seize ticaux. Il y en a qui le paient en colonnes de bois, d’autres en briques, en tuiles, en chaux, en sable, en bambous, en cire, miel, bois d’aigle, gomme-laque, huile, résine, etc, etc. Cette partie du peuple est peut-être la plus heureuse, en ce que, pourvu qu’elle paie son tribut, en nature ou en argent, elle est libre toute l’année de faire ce qu’elle veut, excepté dans le cas de guerre, où elle doit fournir des soldats comme les autres. » 

 

 

La durée de la corvée et les modalités de son exemption ont varié au cours des règnes. Pour en rester à la dynastie Chaki, par exemple sous Rama II, le décret royal de 1789 dispensait les esclaves de la corvée et celui de 1810 réduisait la corvée à 3 mois par an. Sous Rama IV en 1873, tout le peuple (les 4 catégories) et les esclaves étaient obligés d’effectuer la corvée royale ou de payer l’exemption.

 

 

Par contre, les Chinois, fort nombreux à Bangkok, et maîtres du commerce, devaient payer une taxe qui augmentera au fil des règnes. (Tous les 3 ans sous Rama II) Une nouvelle loi sur la taxe phukpi sera promulguée en 1900, et modifiée en 1905 pour ceux qui seront mobilisés au service militaire et qui en seront exemptés.

 

 

« Le Système des prestations en travail ou corvées (rente travail) fut aboli en 1899 et remplacé par un impôt annuel par tête qui variait selon les régions de 1,5 à 6 bahts. » (Michel Bruneau) Une loi sur l’emploi en 1900 confirmera que désormais les travailleurs ne pouvaient être soumis au travail forcé et devaient être payés.

 

 

 

 

 

 

La fin de la corvée royale enlevait à l’État une source de revenu importante.  Mgr Pallegoix nous avait appris que la source du revenu la plus importante pour le royaume était celle de l’exemption des corvées et clients qui s’élevait à 12 000 000 ticaux et représentait env. 44% du budget de l’Etat. Sa fin nécessitera donc un nouveau système des impôts qui prit la forme d’un impôt par tête et sur les terres et introduira ainsi le Siam dans l'économie marchande. La fin de la corvée royale nécessitera aussi  de trouver un nouveau moyen pour mobiliser les soldats pour la défense du royaume ; une loi sur la conscription fut promulguée en 1905.

 

 

 

 

La réforme du code pénal de 1908. (D'après notre article (15))

 

 

Le régime juridique du pays était– au moins au sens occidental du terme – purement et simplement moyenâgeux : esclavage,  prison pour dettes, mise en esclavage du débiteur, justice chancelante, absence de structures juridiques, etc…

 

  Les peines prévues par la législation criminelle étaient épouvantables et barbares (les meurtriers auront les pieds et les mains coupés, l’auteur de coups et blessures sur un ascendant sera fouetté trois fois, exposé au pilori puis, les doigts des deux mains coupés, attaché sur un radeau et abandonné au fil de l’eau) même si, nous apprend  Padoux, elles n’étaient en pratique plus prononcées. La procédure n'était pas plus clémente et connaissait sept sortes d’épreuves : par le plomb fondu, par le serment, par le feu, par l’immersion dans l’eau, par la nage, en remontant le courant,  par la nage, en traversant une rivière, par les cierges. De plus, son organisation  était très complexe car chaque affaire devait passer devant quatre tribunaux différents avant d’atteindre l’étape du jugement. Elle sera réformée à partir de 1892 sur le système pyramidal correspondant à l’organisation administrative des Monthon.

 

Dans son projet de réformer son pays et de donner une image positive de la monarchie, le roi Chulalongkorn montra dès le 29 mars 1892, son intention de changement avec la création d’un ministère de la Justice et de la rédaction d'un nouveau code pénal.

 

 

Il n'hésitera pas à faire appel à l’expertise de juristes occidentaux qui avaient pour tâche d’évacuer les lois tenues pour obsolètes ou dénigrées par les diplomates européens  et de persuader les Européens de mettre fin au principe d’extraterritorialité. Mais il faudra attendre 1897, pour que les travaux pour la réforme du code pénal commencent avec une « commission » désignée par le roi et présidée par le prince Rachaburidireklit fils du roi et ministre de la justice (16). Devant la lenteur des travaux de rédaction dont était chargé Kirkpatrick, la commission fut remaniée et en 1904 le Français  Padoux, employé comme conseiller législatif, en sera désormais l’élément moteur et  le rédacteur direct des deux versions  en français et en anglais. La version thaïe, la seule  officielle, sera l’œuvre de traduction  du prince Damrong.

 

Elle  est promulguée le 1er  juin 1908, mais sera  déclarée applicable le 22 septembre 1908, jour anniversaire du roi.

 

Le code se présentera sous une forme articulée de 340 articles divisé en plusieurs chapitres et sections, les dispositions générales, les délits contre les bonnes mœurs, les délits contre les personnes, les délits contre la liberté et la réputation, les délits contre la propriété et enfin les contraventions.».

 

 

Cette même année 1908, devant ces premières réussites le roi Chulalongkorn décida de  créer une Commission de Codification spécialisée, composée de juristes français et chargée de rédiger un Code civil et commercial, un Code de procédure criminelle et un Code de procédure civile et d'autres lois pour conforter l’image d’une nation moderne. (Cf. d'autres exemples de réformes dans l'article de Jean Baffie (17))

 

 

 

 

 

Le roi avait aussi envisagé la possibilité de doter son pays d’une constitution écrite à l’européenne. Le projet ne vit pas le jour, probablement parce qu’il mourut avant de pouvoir le formaliser (20).

 

 

Il dota enfin son pays d’un système postal cohérent ce qui n’était pas sans importance pour le quotidien de la population. L’adhésion à l’Union Postale Universelle date de 1883 (21)

 

 

 

Le roi Chulalongkorn meurt  le 23 octobre 1910, après 42 ans de règne.

 

 

On peut comprendre désormais pourquoi le roi Chulalongkorn (Rama V)  est  considéré  comme « le père de la Nation » et fait  l’objet d’un véritable culte. Toutes ses réformes ont transformé la société traditionnelle et posé les fondations d'un État moderne.

 

 

Son fils cadet, le prince Wachirawut, le premier roi siamois éduqué en Angleterre,  poursuivra son œuvre de modernisation r (19).

 

 

 

 

 

NOTES ET RÉFÉRENCES.

 

 

(1) 134. Le roi Chulalongkorn. (Rama V) (1868-1910)

Introduction.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-134-le-roi-chulalongkorn-rama-v-1868-1910-123492284.html

 

(2) 150. Un portrait du roi Chulalongkorn en Europe en 1897.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-150-un-portrait-du-roi-chulalongkorn-en-europe-en-1897-124412381.html

 

149. La visite du Roi Chulalongkorn à Paris en 1897 vue par la presse française.

« Petites histoires » 

http://www.alainbernardenthailande.com/article-149-la-visite-dur-roi-chulalongkorn-a-paris-en-1897-vue-par-la-presse-fran-aise-124067047.html

 

151. Introduction aux lettres du roi Chulalongkorn envoyées d’Europe en 1907 in « Klaï Ban » (Loin du foyer).

http://www.alainbernardenthailande.com/article-151-introduction-aux-lettres-du-roi-chulalongkorn-envoyees-d-europe-en-1907-in-klai-ban-loin-du-f-124500150.html

 

(3) 135. La politique étrangère du roi Chulalongkorn.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-135-la-politique-etrangere-du-roi-chulalongkorn-123539922.html

 

(4) 24. Les relations franco-thaïes : Le traité de 1893

http://www.alainbernardenthailande.com/article-24-les-relations-franco-thaies-le-traite-de-1893-66280285.html

 

 H1- L’INCIDENT DE PAKNAM DU 13 JUILLET 1893 : I - LES PRÉMICES : « L’AFFAIRE GROSGURIN »

http://www.alainbernardenthailande.com/2016/10/h-1-l-incident-de-paknam-du-13-juillet-1893-i-les-premices-l-affaire-grosgurin.html

 

27. Les relations franco-thaïes : Le Traité du 23 mars 1907

http://www.alainbernardenthailande.com/article-27-les-relations-franco-thaies-1907-67452375.html

 

(5) A 38. La Thaïlande n’a jamais été colonisée, en êtes-vous sûr ?

http://www.alainbernardenthailande.com/article-a38-la-thailande-n-a-jamais-ete-colonisee-vous-en-etes-sur-81581652.html

qui revient sur cette conviction siamoise souvent brandie « Nous n’avons jamais été colonisé » ! 

Cf. le « privilège de juridiction ». Depuis le traité de 1856, revu en 1893 et « amélioré » en 1904, Français (bien sûr) mais aussi Annamites, Laos,  Cambodgiens et Chinois installés au Siam et venant se faire inscrire dans nos consulats comme « protégés » bénéficiaient d’un « privilège de juridiction » c’est à dire en clair qu’ils échappaient (tout simplement) aux tribunaux siamois.

 

Et  A 218- La THAÏLANDE N' A JAMAIS ÉTÉ COLONISÉE ? (Suite)

http://www.alainbernardenthailande.com/2016/07/a-218-la-thailande-n-a-jamais-ete-colonisee-suite.html

 

(6) Voir ce que signifie le concept du régime des capitulations, in 176.  La fin du régime des capitulations au Siam en 1925.

http://www.alainbernardenthailande.com/2015/03/176-la-fin-du-regime-des-capitulations-au-siam-en-1925.html

 

(7) A 220 -  « ANNA ET LE ROI » OU L’HISTOIRE D’UNE IMPOSTURE.

http://www.alainbernardenthailande.com/2017/03/a-220-anna-et-le-roi-ou-l-histoire-d-une-imposture.html

 

(8) 139. La nouvelle organisation administrative du roi Chulalongkorn.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-139-la-nouvelle-organisation-administrative-du-roi-chulalongkorn-123663672.html

 

(9) 140.  La résistance à la réforme administrative du roi Chulalongkorn : La « révolte des saints ».http://www.alainbernardenthailande.com/article-140-la-resistance-a-la-reforme-administrative-du-roi-chulalongkorn-la-revolte-des-saints-123663694.html

 

(10) Ainsi en 1908, par exemple  le prince Damrong (son demi-frère) comme ministre de l’intérieur et le prince Sri Sahadebh comme son vice-ministre, le prince Dewawongse, son demi-frère est son très habile ministre des affaires étrangères, le prince Chaofa kromluang Narisara Nuwatiwongse (autre demi-frère) a charge de la maison royale, le prince Chaofa Bhanurangsi Savangwongse (encore un demi-frère) est ministre de la guerre, le prince Sukhum Nayvixit a charge des gouvernements locaux et supervise le prince Inthrathibodi Siharatrongmuang, le prince de Chantaburi (Kitiyakara Voralaksana) encore un demi-frère, est ministre des finances, le prince de Rajaburi (demi-frère encore) est ministre de la justice et dirige le prince Wichitwongse Wudikrai comme vice-ministre, le prince Nares Varraridhi (un cousin germain) est ministre des travaux publics, le prince Dewesra est ministre de l’agriculture et supervise le Prince Sri Sunthara Wohara, vice-ministre de l’agriculture, le prince Inthrathibodi  Siharatrongmuang est ministre chargé des gouvernements locaux, le Prince Phipat Kosa est sous-secrétaire d’État permanent.

 

(11) 147. La création de l’éducation nationale par le roi Chulalongkorn. (1868-1910)

http://www.alainbernardenthailande.com/article-147-la-creation-de-l-education-nationale-par-le-roi-chulalongkorn-1868-1910-124067077.html

 

(12) 142. La suppression de la corvée royale au Siam en 1900.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-142-la-suppression-de-la-corvee-royale-au-siam-123823027.html

 

(13) 141. L’esclavage est aboli définitivement au Siam en 1905.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-141-l-esclavage-est-aboli-definitivement-au-siam-en-1905-123721727.html

http://www.alainbernardenthailande.com/article-142-la-suppression-de-la-corvee-royale-au-siam-123823027.html

 

 H 23- L’ESCLAVAGE AU SIAM AU XIXe SIÈCLE JUSQU’À  SON  ABOLITION EN 1905. 1ère partie.

http://www.alainbernardenthailande.com/2018/09/h-23-l-esclavage-au-siam-au-xixe-siecle-jusqu-a-son-aboliton-en-1905.html

 

H 24- L’ESCLAVAGE AU SIAM AU XIXe SIÈCLE JUSQU’À  SON  ABOLITION  EN 1905.

SECONDE PARTIE

http://www.alainbernardenthailande.com/2018/09/h-24-l-esclavage-au-siam-au-xixe-siecle-jusqu-a-son-abolition-en-1905.html

 

110. « La place du peuple et des esclaves au Siam ».

http://www.alainbernardenthailande.com/article-110-la-place-du-peuple-et-des-esclaves-au-siam-121390588.html

 

111. «  L’esclavage au Siam. » basé sur l’article Thai institutions of slavery, de Andrew Turton,  (pp. 411-458), http://www.alainbernardenthailande.com/article-111-l-esclavage-au-siam-121488465.html

in « Formes extrêmes de dépendance », Contributions à l’étude de l’esclavage en Asie du Sud-est », sous la direction de Georges Condominas, Editions de l’Ecole des Hautes Etudes en Science sociales, (EHESS), Paris 1998.

 

(14) Les esclaves pour dettes.

« Au Siam, le statut social des esclaves pour dettes n’est pas tellement différent de celui des hommes libres ; ils sont autorisés à posséder des biens et à en hériter, ils ont le droit de se racheter et de faire appel à la justice ». Et surtout,  ils ne sont pas astreints à la corvée royale comme les phrât. Aussi certains n’hésitent-ils pas à se faire esclave pour éviter la corvée. Selon la loi, les esclaves pour dettes sont divisés en plusieurs catégories :

  • les esclaves rachetables. Il s’agit de pauvres gens, obligés de se vendre pour payer leurs dettes. Il y a un contrat et un garant.
  •  les esclaves non-rachetables. (L’explication donnée par  Suthavadee est peu claire)
  • les individus vendus mais que le maître ne peut pas faire travailler. Ils sont là pour garantir la dette et doivent par contre, payer les intérêts.
  • les enfants d’esclaves nés dans la maison du maître, appartiennent au maître et sont difficilement rachetables, du fait de leur prix élevé. » ( Suthavadee Nunbhakdi)

 

(15) 143. Le code pénal siamois de 1908.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-143-le-code-penal-siamois-de-1908-123864695.html

 

Voir : Mlle Chalanthorn Kidthang,  « Le code pénal du royaume de Siam (1908) et la société thaïe »,  Mémoire de maitrise de l’Université Silpakorn, 2004.

 

(16)  Le prince Rachaburidireklit fils du roi et ministre de la justice est assisté  de deux juristes siamois, le prince Phichitprichakon, frère du roi et ancien ministre de la justice et du prince Prachakit konchak  qui n’est pas de sang royal mais appartient au clan des Bunnag, un érudit historien qui a assuré la publication de diverses éditions des Annales, et qui est président de la cour suprême, un juriste belge,  Richard Jacques Kirkpatrick   et un japonais, juriste aussi, Tokich Masao qui connaissait à la perfection l’ancienne législation siamoise. Le belge Gustave Rolin-Jaequemyns, conseiller juridique du roi est évidemment de la partie jusqu’en 1901. Les Siamois apporteront leurs lumières sur les usages, coutumes et traditions,

 

(17) Cf. L'excellent article de Jean Baffie, « Sous le règne de Rama V (1868-1910), l’adaptation du Siam à la modernité occidentale », p.26-41

 https://books.openedition.org/pup/6640?lang=fr

 

« Ces premières réussites décidèrent le roi Chulalongkorn à créer une Commission de Codification spécialisée, composée de juristes français et chargée de rédiger un Code civil et commercial, un Code de procédure criminelle et un Code de procédure civile. Ces juristes français, qui continuèrent à être très actifs sous les deux règnes suivants, contribuèrent également à la promulgation de lois, plus spécialisées, mais essentielles pour conforter l’image d’une nation moderne, parmi lesquelles les lois sur l’enregistrement des naissances et décès (13 août 1909), sur la naturalisation (18 mai 1911) et sur la faillite (27 novembre 1911) ; le Code pénal militaire (février 1912) ; les lois sur la nationalité (22 mars 1913), sur la morphine et la cocaïne (14 juin 1913), sur la navigation (16 juillet 1913),

sur l’administration locale (14 juillet 1914), sur les marques de fabrique (1er octobre 1914) et sur la télégraphie sans fil (24 avril 1914).

 

(18) 138. Qui était  le commodore  du Plessis de Richelieu, commandant en chef  de la marine siamoise en 1893 ?

http://www.alainbernardenthailande.com/article-138-qui-etait-le-commodore-du-plessis-de-richelieu-commandant-en-chef-de-la-marine-siamoise-en-189-123550274.html

 

(19) 182.1 La société siamoise à la veille du coup d'État de 1932.

http://www.alainbernardenthailande.com/2015/04/182-1-la-societe-siamoise-a-la-veille-du-coup-d-etat-de-1932.html

182. 2 La société siamoise à la veille du coup d’État de 1932.

http://www.alainbernardenthailande.com/2015/05/182-2-la-societe-siamoise-a-la-veille-du-coup-d-etat-de-1932.html

Lecture du livre de Pierre Fistié étudiant « L’évolution de la Thaïlande contemporaine » (Armand Conin, 1967) qui montre comment la société traditionnelle sera  transformée par le développement d’une économie monétaire, avec le rôle prépondérant tenu par les Chinois,  et le développement d’une classe de fonctionnaires et de militaires.

(20)  A - 194 - LE PREMIER PROJET DE CONSTITUTION DE 1885

http://www.alainbernardenthailande.com/2015/09/le-premier-projet-de-constitution-de-1885.html

 

(21) A 252 - 1448 : DÉBUTS DU SYSTÈME POSTAL SIAMOIS.

http://www.alainbernardenthailande.com/2018/02/a-252-1448-debuts-du-systeme-postal-siamois.html

 

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19 août 2020 3 19 /08 /août /2020 22:46

 

Nous avons appris précédemment, qu'à la mort de Rama II  le 21 juillet 1824, le trône devait revenir au Prince Mongkut, fils de la reine Srisuriyendra, mais que son demi-frère le  Prince Chetsadabodin (Tap) (fils de Rama II et de la princesse consort Sri Sulalai), devenu  Chao Yuhua, « ministre » du commerce et des Affaires étrangères, avait su le «convaincre» de lui laisser le pouvoir, ce qu'il fit avec «sagesse», en prenant l'habit de moine. (1)

 

 

Rama III va donc régner du 21 juillet 1824 au 2 avril 1851, et le Prince Mongkut va lui succéder. Il a alors 46 ans, et vient de passer 26 ans comme moine.  Le simple moine voué à la pauvreté et au célibat devient le roi à la vie fasteuse et luxeuse, qui,  épousera 32 femmes et aura 82 enfants. (Cf. Nos deux articles (2) )

 

 

1/ Durant ses 26 ans le moine Mongkut a acquis une grande culture religieuse et scientifique auprès de nombreux amis et professeurs occidentaux. Il organisera la réforme du Dhammayuttika Nikaya ou Thammayut Nikaya qui sera reconnue officiellement par la Sangha en 1902 comme l’une des deux branches du bouddhisme theravada au Siam.

 

 

Avant ses 20 ans, le futur Rama IV reçut l’éducation classique d’un petit prince (littérature, poésie, bouddhisme, pali et sanscrit, histoire de son pays, art de la guerre, géographie) mais son monde était limité au grand Palais et à l’enseignement de cette époque, mais durant ses 26 ans, sa curiosité, son ouverture d'esprit, son désir d'apprendre, vont lui permettre  d'acquérir une immense culture. Tout en se livrant à l’étude du pali, du sanscrit, de l’histoire, de la religion, il étudiera  la physique, la chimie, les mathématiques, l’astronomie et  la langue anglaise, dont il aura une parfaite maîtrise, grâce surtout au  médecin- missionnaire Bradley et au missionnaire anglican, le révérend Jess Caswell. Mgr Pallegoix lui enseignera le latin et d'autres matières et deviendra son ami durant 25 ans. (Cf. (3))  On lui attribuera plus tard le surnom de « Père de la science et de la technologie ».

 

 

Il a voyagé à travers le pays en tant que moine et fut choqué de constater que de nombreux moines ne respectaient plus de nombreuses règles du Canon pâli. Aussi  sa renconte en 1829 avec le moine Buddhawangso à Phetchaburi qui suivait strictement les règles de discipline monastique, le vinaya, fut déterminante.  Il  suivra ses leçons pour réformer le bouddhisme siamois. En 1836, il devient l'abbé du Wat Bowonniwet, où Il organisera la réforme du  Dhammayuttika Nikaya ou Thammayut Nikaya, cherchant à rendre le bouddhisme plus orthodoxe et moins tâché de superstitions. Elle  sera reconnue officiellement, nous l'avons dit,  par le Sangha en 1902 comme l’une des deux branches du bouddhisme theravada au Siam  (Vajiranana, le 47e enfant de Rama III deviendra le patriarche suprême du Siam de 1910 à 1921)

 

 

2/ L’exercice du pouvoir.

 

La première mesure qu’il prit, fut d’assurer sa succession et de nommer son frère, Pinklao, comme « second roi » ou  prince du second palais, qui donnait le droit à une armée privée et une flotte de guerre. Pinklao, maitrisant parfaitement la langue anglaise,  jouera  un grand rôle dans la négociation du traité Bowring de 1855, ainsi que dans la négociation ultérieure du traité Harris de 1856 et la mise à jour du traité Roberts de 1833. ( Il mourut deux ans avant son frère, le 7 janvier 1866)

 

Le roi Mongkut  va partager le pouvoir avec lui et la toute puissante famille Bunnak.  Ainsi Sri Suriyawongse occupe le  poste de Kalahom (1er ministre siamois)  et un autre, intendant des provinces du sud, est le maître de tout le sud du pays.

 

 

Mais il ne faut pas oublier que le roi bien qu' « éclairé » continue de  jouir d’un pouvoir absolu, d'être le « maître de la vie » et le  « maître de la terre » et ses sujets doivent se jeter à plat ventre sur son passage en marmonnant la formule « Moi, ver de terre, moi poussière de vos pieds, moi, cheveu, je rends hommage au maître du monde ». La fortune et l’existence de ses sujets dépendent de son bon vouloir.

 

Les impôts sont versés dans le trésor royal dont il dispose à son gré, mais il doit payer  toutes les dépenses publiques, la solde des princes, des mandarins, de la reine et des dames du palais; des soldats, et des moines des pagodes royales, tous ceux qui dépendent de lui dans la hiérarchie royale.

 

 

 

Mgr Pallegoix, dans la « Description du royaume de Siam » présente  en son chapitre 9 un relevé des Finances du roi Rama IV, avec les 6 sources du revenu royal, et en détaillant tous les produits concernés. (Cf. Notre article (4) sur ce sujet) Le roi tire ses revenus des tributs que lui paient les petits rois soumis à son empire; des impôts sur les champs, les jardins et les plantations; des monopoles qu'il a établis; des douanes et des impôts sur les marchandises; de la taxe des jonques et des navires européens; des amendes et des confiscations.

 

 

 

Nous avions alors remarqué -entre autres- :

 

- que le roi avait établi  son  monopole sur l'àrak, le tabac,  les jeux, l'huile, les torches, les feuilles de palmier pour la toiture des maisons, le charbon, le bois à brûler, le kapi, le marché, la pêche, l'extraction des mines, etc., et les avait mis aux enchères, qui au fil des ans étaient revenues essentiellement aux Chinois.

 

- que la principale source des revenus de la couronne, n’est pas le travail gratuit effectué par les corvées qui rapportent, mais son exemption, ainsi que la taxe sur les Chinois.

- que les jardins rapportent 4 fois  plus que les rizières.

- que le commerce avec les bateaux étrangers rapporte peu  et ne représente que moins de la moitié des revenus de  la loterie, ou le 1/5 du monopole de l’opium.

- que les revenus des provinces du nord. (50,000 ticaux) et les revenus des provinces du midi (40,000 ticaux) représentent peu dans le trésor royal, car les agents de État doivent se « payer » au passage, sans oublier la corruption.

 

 

Un roi qui sut prendre quelques  mesures  « libérales », comme  par exemple d'autoriser les nobles qui se présentaient devant lui à porter une chemise, ce qui était auparavant interdit pour pouvoir cacher une arme.  Il assouplira  la condition féminine autorisant ses royales concubines à se marier à leur gré, interdisant les mariages forcés et interdisant aux maris de vendre leurs épouses pour rembourser leurs dettes. Il rappela à ses Juges par décrets leurs strictes obligations d’honnêteté et  de lutter contre leur corruption. Il édicta de très strictes règles d’hygiène, interdisant par exemple de jeter les cadavres d’animaux dans les canaux.

 

On lui doit aussi en 1852, la fondation de l’imprimerie nationale de Bangkok, qui sera chargée d’éditer les recueils des lois et divers ouvrages dont jusqu’alors, seuls quelques riches privilégiés avaient le privilège de bénéficier.

 

 

Le règne de Rama IV marque aussi un tournant fondamental dans l’histoire de la monnaie siamoise, puisque en 1862, il fit  frapper des pièces plates en or, en argent et de moindre valeur en étain (le pays en est riche) ou en cuivre sur une machine offerte par la Reine Victoria. Il avait déjà en 1853 fait imprimer la première monnaie de papier au Siam mais n’ayant pas cours forcé, son usage ne fut pas généralisé.

 

 

On lui doit bien d'autres « grands travaux ». Mais il est difficile d’avoir des précisions et des détails sur leur étendue. : « Mongkut a déjà fait d’importantes et utiles réformes, lettré et presque savant, il a creusé des canaux, tracé des routes, élevé des fortifications, il a introduit dans le royaume l’usage des bateaux à vapeur.» (Charles Bock (5))

 

 

 

 

 

 

Un roi d'une grande piété bouddhiste.

 

Nous nous souvenons que devenu en 1836, l'abbé du Wat Bowonniwet, Il organisera la réforme du  Dhammayuttika Nikaya ou Thammayut Nikaya. Mais une fois monté sur le trône, il proclama qu'il n'interviendrait pas dans les controverses purement religieuses et de  fait, il accorda sa protection aux deux ordres et manifesta une complète tolérance à l’égard des autres religions, chrétiennes notamment.

 

 

Il se considérait néanmoins comme le pilier de la religion et comme la réincarnation du roi Lithai de Sukhothai. (Cf. Notre article A 384 sur la cosmogonie bouddhiste du roi Lithai (1347-1368)) 

 

 

Comme ses prédécesseurs, on lui doit de nombreuses restaurations de temples  bouddhistes, notamment dans la partie siamoise du Cambodge et en particulier la stèle  du Phrapathomchedi, la plus haute  stèle bouddhiste  au monde (127 m) qui était en ruines lorsqu’il l’avait visitée, et dont la restauration nécessita 17 années de travaux. Il estima que cette restauration, centre probable du royaume de Dvaravati, constituait l'un des événements majeurs de son règne.

 

 

3/ La politique extérieure avec  l'ouverture du royaume au commerce international.

 

 

Certes il y eut bien deux expéditions  guerrières en 1852 et 1855 pour soutenir, à leur demande, le royaume de Chiang Hung contre l'État Shan de Kentung, mais après un siège de Kentung pendant 21 jours en 1855, les troupes siamoises durent renoncer.

 

Mais la politique extérieure du roi Mongkut fut essentiellemnt marquée par l'ouverture du royaume au commerce international.

 

Ainsi, « dés sa montée sur le trône, le 2 juin 1851, le roi Mongkut est conscient que le développement du commerce extérieur de son royaume pourrait stimuler la production agricole de son pays, augmentant ainsi la prospérité de ses sujets et par là les recettes de son trésor.

 

Dès les premiers jours de l’année 1852, un décret diminue déjà d’un tiers la taxe sur les navires étrangers tout en annulant l’interdiction d’exporter le riz, donnant toute liberté aux agriculteurs siamois de vendre aussi leur sucre et autorisant à nouveau sous condition la production d’opium (« drogue pernicieuse ») à la seule condition qu’il soit vendu aux Chinois. Cette proclamation est faite sous la signature des deux rois « souverains réunis » du royaume et le « premier ministre et ministre des affaires étrangères », le prince Si Suriyawongse, de la famille des Bunnag. » (In notre article (6))

 

Rama IV donc, a choisi une politique d’ouverture diplomatique et commerciale envers les pays occidentaux, qui prendra tout d’abord la forme de traités avec les Anglais (traité Bowring en 1855), les Américains (Townsend Harris en 1856), les Français (Charles de Montigny en 1856 et 1867), dont nous vous donnons ci-dessous le contenu. Il y eut également des traités ou accords avec les Danois en 1858, les Portugais en 1859, les Hollandais en 1860.

 

 

Le texte du traité «Bowring» de 1855 comporte douze articles, il est bref mais lourd de conséquences économiques. (6)

 

Après les sempiternelles promesses d’amitié éternelle, il affirme le droit pour les sujets anglais de résider et de commercer librement au Siam. La liberté religieuse était déjà acquise.

 

Il prévoit l’installation d’un consul d’Angleterre qui aura juridiction sur les sujets anglais et sur les litiges entre les Anglais et les Siamois. C’est l’instauration du privilège d’exterritorialité dont nous avons longuement parlé (13). C’est la première fois que le Siam accorde ce privilège à des étrangers.

 

Les sujets britanniques ont obtenu le droit de commercer librement dans tous les ports maritimes, et à séjourner de façon permanente dans Bangkok. Ils sont autorisés à acheter ou à louer des biens dans les environs de Bangkok  et autorisés à se déplacer librement à l'intérieur du pays avec des laissez-passer délivrés… par le consul.

Le traité fixe (à la baisse !) les taxes d’importation et d’exportation à 3%, lesquelles importations et exportations sont libres.

 

Le négoce entre les Britanniques et les Siamois est entièrement libre. Le gouvernement siamois se réserve toutefois la possibilité d’interdire l'exportation de sel, de riz et de poisson en cas de disette.

 

 

Le traité Harris de 1856 entre  le Siam et les États-Unis est « Remodelé en « Traité d'amitié, de commerce et de navigation ». Ces modifications accordent aux Américains des droits extra territoriaux en plus de ceux accordés dans le Traité Roberts. Stephen Matoon, missionnaire américain qui est intervenu en tant que traducteur, est nommé premier consul américain au Siam. » (Wikipédia) (7)

 

 

 Le traité de 1856 entre la France et le Siam de Rama IV fut signé le 15 août.

 

« Il comportait 24 articles, les 4 points du règlement auquel le commerce français serait soumis dans le royaume de Siam, ainsi que le tarif des droits à percevoir à l’intérieur du pays ou à la sortie sur 66 articles nommément désignés, et des modalités spécifiques sur les armes et munitions ne pouvant être vendus qu’aux autorités.

 

Les extraits  des 24 articles  montrent bien l’importance du traité pour le commerce français, la création d’un consulat, la protection des Français résidant au Siam, et des savants, et  la liberté religieuse accordée aux missionnaires. » (Cf. Notre article (8))

 

Le bâtiment du premier consulat :

 

 

L’ambassade  siamoise de 1861 en France. ((9) et (10))

 

Après la signature, le 15 août 1856,  du  traité franco-siamois d’amitié de commerce et de navigation, une ambassade siamoise envoyée par le roi Mongkut arrive en France le 2 juin 1861 et  sera reçue avec faste le 27 juin par l’Empereur Napoléon III et l’Impératrice au château de Fontainebleau. L'étude de Dominique Lebas intitulée « La venue de l'ambassade siamoise en France en 1861 » décrit  le contexte historique, la composition de l'ambassade siamoise, la réception des ambassadeurs par Napoléon III, la remise des deux lettres royales, et les multiples présents précieux offerts par le  roi Mongkut et le second roi (34 articles garnis d'une grande profusion de diamants, de rubis et d'émeraudes), les visites effectuées en France durant plus de deux mois pour montrer l’essor de l’industrie française et de son commerce aux ambassadeurs étrangers, qui achèteront de multiples produits.

 

 

 Mais qu'elle fut l’utilité de cette ambassade ? Au niveau politique ?

 

Cette ambassade qui s'est rendue uniquement en France et à Rome n'aura été en fait qu'une simple visite de courtoisie. Les relations franco-siamoises resteront dans un état d'indifférence réciproque et de stagnation jusqu'à l'établissement du protectorat français sur le Cambodge en 1863. Une ambassade siamoise accompagnée de l'abbé Larnaudie se rendra en 1867 à Paris pour régler ce contentieux, pour aboutir au traité du 15 juillet 1867.

 

Par contre, l'ambassade  prendra conscience de la révolution industrielle et de la nécessité d’importer ces nouvelles technologies au Siam.

 

Le 1er ambassadeur avait emmené son fils Nai Samibin  et son frère, Nai Sarb Vijisy, le second ambassadeur, son fils de douze ans. Il avait également emmené  son premier maître charpentier et un maître mécanicien et était parti avec  l'intention de commander en France une machine de soixante chevaux pour son père, le ministre de la Guerre.

 

L’ambassade acheta une grande quantité de machines-outils, et revint avec de nombreux spécimens des différentes réalisations françaises. Nul doute que les trois ambassadeurs contribuèrent à ouvrir leur pays à la modernité et au progrès technologique.

 

 

Le Traité du 15 juillet 1867 entre le Siam et la France. (Reprise en partie de notre article (11) )

 

Le contexte géopolitique.

 

Le Royaume-Uni était installé au sud de son pays, avait défait une seconde fois les Birmans et avait annexé la basse-Birmanie  en 1852. Ce même  Royaume-Uni s’était mis aux côtés de la France pour attaquer la Chine en 1856 et avaient pris Pékin le 13 octobre 1860, ce qui signifiait la fin de la puissance de l’Empire chinois.

Rama IV ne pouvait qu’être inquiet de l’attitude de la France, qui après le traité du 15 août 1856, n’avait pas répondu à sa demande d’envoi d’ambassade et ne l’avait pas remercié pour les présents envoyés. Surtout que le 9 juillet 1859 la France prenait Saïgon.

 

Certes, les relations vont tenter de s’apaiser quelque peu au niveau « symbolique », avec  l’envoi de l’ambassade siamoise le 23 novembre 1860 et sa réception par Napoléon III le 27 juin 1861. Mais Rama IV ne peut ignorer ce qui se passe au Vietnam, qui aboutira au traité du 5 juillet 1862, par lequel l’Annam cédait ses droits sur le Cambodge à la France qui devenait ainsi partie prenante dans le conflit séculaire entre le Siam et l’Annam.

 

 

Ce que le roi Mongkut ne pouvait que contester.

 

Après la mort du roi de Cambodge en 1860 et la « guerre » de succession entre les trois fils, l’armée royale siamoise rétablit l’ordre et installe le roi désigné Norodom, signifiant bien sa volonté de maintenir sa suzeraineté sur ce pays.

 

Mais le  Contre-Amiral de la Grandière  conclut un traité le 11 août 1863 avec le roi du Cambodge,  dans lequel les Français exigent du roi du Cambodge qu'il ne reçoive aucun ambassadeur ou consul étranger sans l'avis des autorités protectrices qui lui accordent en contrepartie assistance dans le maintien de l'ordre intérieur et face aux agressions extérieures. La présence française demeure discrète, un représentant français est nommé à Udong, alors capitale du royaume, pour veiller au respect des clauses de l'accord, quelques garnisons françaises sont disséminées le long du Mékong, artère vitale du pays tant du point de vue économique que politique. 

 

Le roi Mongkut n’accepte pas ce traité et fait signer à Norodom un traité secret le 1er décembre 1863 qui infirmait le traité franco-cambodgien. La France bien sûr le déclare nul et non avenu. Rama IV invite le roi Norodom à se faire couronner à Bangkok le 3 mars 1864. Les Français occupent alors le palais royal d’ Udong et font hisser le drapeau français. Le roi du Cambodge craignant une occupation de son pays revient alors dans sa capitale le 17 mars 1864 et s’y fait couronner le 3 juin 1864.

 

Le 14 avril 1865, Aubaret, Consul de France à Bangkok, alors qu’une canonnière française est dans les  eaux du Ménam, arrive à conclure un «arrangement» avec le Kalahom (1er ministre siamois) qui est censé régler la « question » du Cambodge. Mais le ministre français de la marine et des colonies conteste l’article 4 qui reconnait une suzeraineté siamoise sur le Laos.

 

Rama IV, fort de l’appui anglais, tente de résister aux revendications françaises, mais l’annexion proche de la Birmanie  par les Anglais, l’obligeait à reprendre les pourparlers avec Paris.

 

Mais les négociations n’évoluent pas et le 1er ministre siamois refuse même officiellement, le 13 décembre 1866, la modification de l’article 4, concernant le Laos et la délimitation de ses frontières par rapport au Mékong. Rama IV envoie  une ambassade à Paris, qui arrive en avril 1867 et remet directement une supplique à Napoléon III. Les pourparlers pouvaient recommencer. Ils durèrent 4 mois.

 

Malgré  les révoltes de l'achar Sua (1864-1866) et de Poukombo (1865-1867) contre les occidentaux et contre le souverain qui les avait accueillis, le traité du 15 juillet 1867 sera signé et ratifié le 24 octobre, dans lequel la France conservait le Protectorat sur le Cambodge et le Siam obtenait la propriété des deux provinces cambodgiennes de Battambong et de Siem Reap/Angkor. Le traité comprenait  aussi un accord commercial et prévoyait des modalités de libre circulation. (L’article 6 autorisait les bâtiments sous pavillon français à naviguer librement sur le Mékong et le grand lac Tonlé-Sap).

 

 

Le  roi Rama IV conscient des forces en présence et essayant d’agir dans un difficile équilibre entre l’Angleterre et la France, avait quand même réussi à sauver sa suzeraineté sur le Laos et   gardait  les provinces de Battambang, Siem Reap et Sisophon.

 

Il fut important pour lui de justifier la légitimité du royaume du Siam auprès de ses interlocuteurs étrangers. On peut se rappeler, au-delà des polémiques et des contreverses qu’elle a suscitée, que le Prince Mongkut avait découvert en 1833 la  stèle dite de Ramkhamhaeng datée de 1292 qui sera considérée comme  l'acte fondateur de la nation thaïe.   Elle prouvait pour lui et ses successeurs que la nation thaïe est une vieille nation, née avec le royaume de Sukhotai en 1238, qui avait une Histoire, un idéal avec un royaume abondant, un roi bienveillant, une religion bouddhiste observée par tous, une société bien organisée, une écriture, etc. (Cf Nos articles (11) ) Le roi Mongkut ne manquera jamais de le faire savoir à ses interlocuteurs occidentaux, comme en 1855 en présentant une copie lithographique de l'inscription, et une lettre expliquant sa signification, à l'envoyé britannique john Bowring, et une autre copie  à  l'envoyé français Charles de Montigny  en 1856.

 

 

 

Sa vie et son œuvre ont eu une importance majeure dans l'histoire de la Thaïlande. Sa passion pour l'astronomie fut d'ailleurs la cause directe de sa mort. Il mourut le 1er octobre 1868, d'une fièvre paludéenne ou fièvre des jungles contractée sur les hauteurs de Sam Roi Yot où il était allé observer avec un certain nombre de savants européens l’éclipse de soleil de 1868, une  éclipse du soleil qu’il avait prévue.

 

 

Son fils ainé, Chulalongkorn a alors 15 ans, un Conseil de régence présidé par Sri Suriyawongse, l’ancien premier ministre du roi Rama IV, le fait roi  le 11 novembre 1868.  Il va régner pendant 42 ans pendant lesquels il va réformer et moderniser le royaume, comme aucun roi avant lui. Mais cela est une autre histoire que nous vous raconterons dans le prochain article. 

 

 

NOTES ET REFERENCES.

 

 

(1) RH 57. 2   INTRODUCTION À L'HISTOIRE DE LA DYNASTIE CHAKRI ACTUELLEMENT RÉGNANTE EN THAÏLANDE DEPUIS 1782.

Rama III (21 juillet 1824-2 avril 1851).

 

 

(2) 126. Le roi Mongkut. (Rama IV). (1851-1868)

1ère partie. « major rex siamensium », « le plus grand des rois du Siam  » (?)

http://www.alainbernardenthailande.com/article-126-le-roi-mongkut-rama-iv-1851-1868-123224741.html

 

127.  Le roi Mongkut. ( Rama IV). (1851-1868)

  1. Le règne d’un monarque « éclairé ».

http://www.alainbernardenthailande.com/article-127-le-roi-mongkut-rama-iv-1851-1868-123269822.html

 

(3) 124. Monseigneur Pallegoix. (1805-1862)

http://www.alainbernardenthailande.com/article-124-monseigneur-pallegoix-1805-1862-123022921.html

 

La relation privilégiée qu'il sut nouer avec le prince-moine continua lorsque celui-ci monta sur le trône. Il partagea avec lui ses connaissances encyclopédiques, le roi lui-même étant curieux de tout : photographie, science, optique, astronomie, linguistique, les richesses de notre pays, mais en contre partie, il voulut tout apprendre de ce pays où il avait charge d’âmes : langue, religion, coutumes, etc.

Le monarque par ailleurs partage le goût de Monseigneur pour la linguistique, l’histoire et les sciences. Les leçons d’astronomie données par Monseigneur Pallegoix  lui permettront de déterminer et annoncer avec précision une éclipse totale du soleil le 8 Aout 1868 [...]

Le roi a par ailleurs une évidente attirance pour la civilisation européenne, il se lie également d’amitié avec un autre farang, John Bowring gouverneur de Hong Kong et grand érudit devant l’éternel. L’évêque et le diplomate représentent alors les deux nations qui comptent dans le monde : l’Angleterre et la France. Monseigneur Pallegoix lui a enseigné le latin (le monarque avait souvent la coquetterie de se qualifier de rex siamensium) et l’astronomie, mais Il fera venir de nombreux professeurs occidentaux pour enseigner l’anglais à ses enfants et aux membres de la Cour.

 

 

[…] Ainsi cet homme de religion, avait su rétablir avec modestie la confiance entre le Siam et la France. Sa rencontre avec Rama IV, souverain tout  aussi exceptionnel permettra cette reprise des relations franco-thaïes.

(4) 121. Les revenus du roi Rama III ? (1824-1851).

http://www.alainbernardenthailande.com/article-121-les-revenus-du-roi-rama-iii-1824-1851-122846466.html

 

(5) Charles Bock, consul général de Suède et de Norvège à Shangaï « Le royaume de l’éléphant blanc – 14 mois au pays et à la cour du roi de Siam », traduction française, 1889.

 

(6)128. Le traité « Bowring » de 1855 entre le Siam et la Grande-Bretagne.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-28-le-traite-bowring-de-1855-entre-le-siam-et-la-grande-bretagne-123310343.html

 

(7) Wikipédia :Traité Harris de 1856 avec le Siam.

 

Harris, bien que désireux de se rendre à son nouveau poste au Japon, passe d'abord à Bangkok pour mettre à jour le Traité Roberts (en) de 1833. Dans son audience formelle avec le second roi, Phra Pin Klao, anglophone et ouvert à l'Occident, Harris indique la position de l'Amérique :

« Les États-Unis ne détiennent pas de possessions en Orient, ni n'en désirent. La forme de gouvernement interdit la possession de colonies. Les États-Unis ne peuvent donc pas être un objet de jalousie vis-à-vis d'une quelconque puissance orientale. Les relations commerciales pacifiques, qui donnent autant qu'elles bénéficient, est ce que le président souhaite établir avec le Siam, et tel est l'objet de ma mission. »

La finalisation du Traité Bowring (en) de 1855 de l'empire britannique retarde Harris d'un mois mais il a seulement à négocier des points mineurs pour en faire le traité Harris de 1856. Remodelé en « Traité d'amitié, de commerce et de navigation », ces modifications accordent aux Américains des droits extra territoriaux en plus de ceux accordés dans le Traité Roberts. Stephen Matoon, missionnaire américain qui est intervenu en tant que traducteur, est nommé premier consul américain au Siam.

 

(8)129. Le traité de 1856 entre la France et le Siam de Rama IV. (1851-1868)

http://www.alainbernardenthailande.com/article-129-le-traite-de-1856-entre-la-france-et-le-siam-de-rama-iv-1851-1868-123342762.html

 

L’étude de Charles Maynard de 510 pages, intitulée : « Le second empire en Indochine, Siam, Cambodge, Annam. L’ouverture du Siam au commerce et la convention du Cambodge » nous montre les différentes étapes de cette ambassade, les principaux éléments de cette négociation, et les résultats obtenus avec le traité signé le 15 août 1856.

 

 

(9) 131. L’ambassade  siamoise de 1861 en France.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-131-l-ambassade-du-siam-de-1861-en-france-123390953.html

D' après l'excellente étude de Dominique Lebas intitulée « La venue de l'ambassade siamoise en France en 1861 » In: Aséanie 3, 1999. pp. 91-112.doi : 10.3406/asean.1999.1621 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/asean_0859-9009_1999_num_3_1_1621

 

(10) A.54 Le Siam au château de Fontainebleau, l’ambassade du 27 juin 1861.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-a54-le-siam-au-chateau-de-fontainebleau-l-ambassade-siamoise-du-27-juin-1861-97695442.html

 

(10) 132. Le Traité de 1867 entre le Siam et la France.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-132-le-traite-de-1867-entre-le-siam-et-la-france-123423031.html

 

(11)   La stèle de Ramakhamhèng de 1292 ;

2 articles :

http://www.alainbernardenthailande.com/article-19-notre-histoire-la-stele-de-ramakhamheng-101595328.html

 

Et 20. Notre Histoire : Le roi  de Sukkhotaï  Ramkhamhaeng, selon la stèle de 1292

http://www.alainbernardenthailande.com/article-20-notre-histoire-le-roi-de-sukkhotai-ramkhamhaeng-selon-la-stele-de-1292-101594410.html

 

Pour en savoir plus :

125. Que savions-nous du Siam en 1855 ?

http://www.alainbernardenthailande.com/article-125-que-savions-nous-du-siam-en-1855-123162026.html

 

A218 - LA THAÏLANDE N’A JAMAIS ÉTÉ COLONISÉE ? (SUITE)

http://www.alainbernardenthailande.com/2016/07/a-218-la-thailande-n-a-jamais-ete-colonisee-suite.html

 

 

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22 juillet 2020 3 22 /07 /juillet /2020 22:05

 

 

 

Rama III (21 juillet 1824-2 avril 1851).

 

 

 

 

 

Notre article précédent a présenté les deux premiers rois de la dynastie Chakri  Rama I, le fondateur (1782-1809) et Rama II (1809-1824). Nous avons appris qu'à la mort de Rama II  le 21 juillet 1824, le trône devait revenir au prince Mongkut, fils de la reine Srisuriyendra, mais son demi-frère le prince Prince Chetsadabodin (Tap) (fils de Rama II et de la princesse consort Sri Sulalai), devenu เจ้าอยู่หัว Chao Yuhua, « ministre » du commerce et des Affaires étrangères, avait su le « convaincre » de lui laisser le pouvoir, ce qu'il fit avec «sagesse», en prenant l'habit de moine.

 

 

Nous reprenons ici une version allégée et remaniée de notre article sur Rama III de «Notre Histoire de la Thaïlande». (1)

 

 

 

Phra Bat Somdet Phra Chao Yu Nangklao Hua (Thai : พระบาทสมเด็จพระนั่งเกล้าเจ้าอยู่หัว ) ou Rama III est le troisième monarque de la dynastie Chakri. Il est né le 31 mars 1788 et accède au pouvoir royal le 21 juillet 1824. Il a alors 36 ans. Il désigne son oncle Sakdiphonlasep, comme vice-roi. Il règnera  26 ans jusqu'au 2 Avril 1851.

 

 

 

 

Auparavant, le futur roi Rama III s’était distingué en 1809 en matant une révolte du prince Kshatriyanuchit, un des fils du roi Taksin. Son père, Rama II, lui avait attribué en 1813 le titre de Prince Chetsadabodin (สมเด็จ พระเจ้า ลูกเธอ กรม หมื่น เจษฎา บดินทร์) et reconnu sa compétence en l’élevant au rang de Kromma Muen et en lui confiant le poste de Kromma Tha, à savoir le ministère du commerce et des affaires étrangères. C’est donc un homme d’expérience qui arrive au pouvoir.

 

 

 

I. La politique extérieure de Rama III.   

 

 

Il connait la nouvelle situation géopolitique du Siam au début de son  règne marquée par la mainmise anglaise sur une partie de la Malaisie et de l’Indonésie, avec la création de Singapour (1819),

 

 

...l’occupation de Malacca et le sud Sumatra. (Cf. le traité de Londres de 1824)

 

 

Une rivalité anglo-siamoise sur les Etats malais du sud ne pouvait que naitre, surtout après  que Rama II ait envahi  le Kedah en 1821 et créé le sultanat de Perlis en le détachant de celui de  Kedah. Le colonisateur britannique avait des vues sur les mines d’étain de l’État voisin du Perak. Nous verrons que  leurs différends seront réglés avec le traité dit de Burney en 1826.

 

 

A l’ouest, un autre conflit, entre les Anglais et les Birmans ne pouvait que l’inquiéter, surtout après la déclaration de guerre du 5 mars 1824 qui débouchera sur la 1ère guerre anglo-birmane de 1826.

 

 

Au nord, le roi lao Anouvong, de Vientiane, crut alors que le moment était bien choisi pour attaquer le roi du Siam. Nous verrons que les conséquences seront terribles pour ce royaume, avec la capitale rasée et tous ses habitants déportés en  «Isan». (1826-1828)

 

 

Enfin, à l’Est, Rama III devra aussi, comme  ses prédécesseurs, défendre «ses» territoires cambodgiens vassalisées et affronter les Vietnamiens lors des guerres de 1833-1835 et de 1841-1845.

 

Autant dire que le roi Rama III eut fort à faire. Reprenons chacun de ces «conflits». (2)

 

 

1.1 La rivalité anglo-siamoise.

 

La rivalité anglo-siamoise doit se comprendre dans le contexte des visées coloniales des Hollandais et de l’Empire britannique, et surtout par l’expansion anglaise avec la Compagnie des Indes orientales britannique dans les territoires malais, rencontrant le pouvoir siamois.

 

Le traité anglo-hollandais de 1814 était supposé résoudre les différentes questions soulevées par l'occupation britannique des possessions néerlandaises pendant les guerres napoléoniennes, ainsi que celles relatives aux droits commerciaux respectifs des deux nations dans les « îles aux épices ».

 

 

Ce traité ne définissait pas les limites de l'expansion de chacune des parties dans le monde malais. La fondation de Singapour en 1819 par Thomas Stamford Raffles exacerba les tensions. Les Hollandais prétendaient que le traité signé entre Raffles et le sultan de Johor était invalide car ce dernier faisait partie de leur sphère d'influence. La question des droits commerciaux des Hollandais et de leurs anciennes possessions en Inde était un autre sujet de discorde.

 

Des négociations commencèrent en 1820 et aboutirent au traité signé le 23 mars 1824, qui scellait le partage du monde malais en deux, entre ce qui deviendra plus tard la République d'Indonésie, et d'autre part, la Fédération de Malaisie.  Mais si les Anglais par ce traité avaient désormais réglé leur «différend» avec les Pays-Bas, et s’étaient partagé leur zone d’influence, il n’en était pas de même avec les Siamois.

 

La rivalité anglo-siamoise pour le sud malais.

 

En 1786, le sultan de Kedah, qui cherchait de l'aide contre les Siamois, avait loué l'île de Penang à la Compagnie des Indes orientales britannique, qui en fit un port franc. En 1819,  Sir Thomas Stamford Raffles, avait fondé Singapour avec des vues sur le port de Malacca, Rama II avait envahi le Kedah en 1821, pourtant soumis aussi au sultanat d’Aceh, et  créé le sultanat de Perlis, en le détachant de celui de  Kedah. Le colonisateur britannique quant-à lui était intéressé par les mines d’étain de l’état voisin du Perak et  en butte sur un autre front, aux velléités guerrières des Birmans, qui débouchera sur  la 1ère guerre  anglo-birmane de 1824-1826, qui aboutira  au traité de Yandabo signé le 24 février 1826, dans lequel  la Birmanie cédait aux Britanniques Manipur et les provinces de l'Assam, de l'Arakan et du Tenasserim.

 

 

Les différends anglo-siamois quant-à eux seront réglés avec le traité dit de Burney signé le 20 juin 1826. Un traité de 14 articles, avec en annexe un accord commercial de 6 articles. Le traité reconnaissait la souveraineté siamoise sur les quatre États malais septentrionaux de Kedah, Kelantan, Perlis et Terengganu et la souveraineté britannique sur l'île de Penang. Le traité garantissait par ailleurs la liberté du commerce britannique au Kelantan et Terengganu contre toute ingérence siamoise. Les États malais concernés n'étaient pas représentés dans cet accord.

 

 

 

Toutefois  en 1837, un neveu du sultan de Kedah profita du départ des gouverneurs et fonctionnaires siamois à Bangkok pour les funérailles de la mère de Rama III, pour se révolter. Rama III envoya Tat Bunnag pour soumettre la rébellion en 1838 et en 1839 le sultanat fut divisé en quatre territoires autonomes. Il fallut néanmoins attendre 1842  pour que le sultan vassal acceptât cette domination.

 

Il est vrai qu’auparavant Rama III avait décidé d’apporter son appui aux Anglais dans leur lutte contre les Birmans. Mais nous ne savons pas quel fut son importance, ni les formes qu’il a pu prendre.

 

Ce traité fut suivi en 1833 par un traité d’amitié et de commerce avec les Américains ou traité Roberts du nom du représentant du Président américain Andrew Jackson. (Ratifié le 30 Juin 1834, échangé le 14 Avril 1836 (seconde ambassade du Dr SW Ruschenberger)  et proclamé le  24 Juin 1837. (3)

 

 

Les États-Unis, voulurent en 1850 rouvrir les négociations; mais leur représentant, M. Ballestier, ne fut même pas reçu à la cour. Par contre en 1856, le traité Harris modifiait le précédent traité. De même sir James Brooke en 1850, le fameux rajah blanc de Sarawak, se rendit à Bangkok en qualité de plénipotentiaire de la reine Victoria et revint sans traité.

 

 

1.2  La révolte du roi lao de Vientiane, Anouvong (1805-1828), sa défaite, et la fin de Vientiane. (1826-1828). La déportation de ses habitants et les débuts de «l’Isan».

 

Si Rama III avait réglé la question de la souveraineté sur les états malais septentrionaux, avec les Anglais (Cf. traité dit de Burney), il dut faire face à une invasion lao du roi Anouvong de Vientiane en 1826.  

 

Nous avions relaté dans notre article sur le roi Taksin, qu'une révolte de la principauté lao de Champassak avait entraîné en 1778, la prise de Luang Prabang et de Vientiane. (Cf. (2) article 115.2) Anouvong, le fils du roi de Vientiane, avait été ramené comme captif à Bangkok. En récompense pour service rendu pour sa participation à des combats contre les Birmans, il avait été placé par les Siamois sur le trône de Vientiane en 1805 et même obtenu de Bangkok le trône de Champassak pour son fils, après avoir écrasé une révolte des tribus khas en 1819.

 

En 1825 donc, le roi Anouvong vient à Bangkok assister aux funérailles de Rama II. Il y apprend à cette occasion les conflits du Siam avec l’Angleterre au Sud. En 1826, estimant que le Siam était menacé par les Anglais et par la guerre anglo-birmane, il décide d’attaquer le Siam.

 

Il s'empara de Korat, le principal bastion de la défense du Siam et de fait sa frontière, dans le nord-est, et parvint à un jour de marche de Bangkok, mais son armée dut battre en retraite.

 

Le général Bodin (Chao Phraya Bodindecha) contre-attaqua et s'emparera de Vientiane en 1826, après une bataille de trois jours. La ville sera pillée.

 

 

Anouvong s'enfuit au Vietnam à Hué, d'où il revint avec un contingent vietnamien. Mais il fut vaincu une seconde fois et fait prisonnier alors qu'il tentait de passer en Chine. (Anouvong mourut prisonnier à Bangkok en 1829, dans une cage de fer.)

 

Rama III ordonna en 1827 la destruction de Vientiane. Seul le Vat Sisaket fut épargné. Ses habitants furent déportés en «Isan» et contraint de s’y installer. (Cf. (3) et (4), Notre article 11. L’Isan  était lao au XIXe siècle.)

 

 

1.3 Les guerres siamoises-vietnamiennes-cambodgiennes de 1833-1835 et de 1841-1845. (Chapitre réalisé à partir de wikipédia)

 

Comme ses prédécesseurs, Rama III s’est vu contraint d’intervenir dans l’histoire du Cambodge et de ses territoires cambodgiens vassalisés, à cause des discordes internes et des prétendants au pouvoir à chercher un appui auprès des Siamois ou des Vietnamiens, à partir de 1623 (quand Chey Chettha II, Roi du Cambodge, qui avait épousé une princesse vietnamienne, essaya de se libérer de la suzeraineté siamoise grâce à l’aide des Empereurs vietnamiens Nguyên.)

 

 

Depuis, les interventions vietnamiennes dans les affaires cambodgiennes furent nombreuses, et ceci d’autant plus que des colons vietnamiens commencèrent à s’installer au Cambodge. (Cf. (5) Notre article 116. Rama 1er (1782-1809), sur ses interventions au Cambodge)

 

Le Cambodge était repassé  sous la coupe des Siamois, mais depuis 1802, sous le règne de l'empereur Gia Long, le Viêtnam avait retrouvé sa force et son unité et Ang Chan II, roi du Cambodge l'avait reconnu comme suzerain, ce qui provoqua l'occupation du Cambodge par le roi du Siam Rama II. Mais si Ang Chan II avait réussi à reprendre Oudong avec l'appui des Vietnamiens,  il dût céder des provinces du nord du royaume au Siam et accepter l'autorité militaire du gouverneur de Saigon.

 

 

La révolte de Le Van Khôi (1833-1835) au Vietnam, va entraîner Rama III dans une guerre contre l’empereur Minh Mang.  (Cf. (6) Qui est Minh Mang? )

 

 

Minh Mang leva une armée pour mater la rébellion de Le Van Khôi qui a demandé l'aide de Rama III, qui accepte et envoie des troupes pour attaquer les Vietnamiens des provinces de Ha-tien et de An-Giang.

 

Phraya Ratchasuphawadi, qui vient d’être promu par Rama III, Chao Phraya Bodindecha, s'est vu confier la mission de la prise de Saigon, pendant que Dis Bunnag, le ministre de Kromma Tha commande la flotte et doit le rejoindre à Saigon. Les deux princes cambodgiens, Ang Im et Ang Duong, participent à l'expédition. Chao Phraya Bodindecha prend Udong mais  la flotte est repoussée à Saïgon.

 

Les troupes siamoises ont été accompagnées par 2.000 soldats catholiques vietnamiens sous le commandement du Père Nguyen Van Tam.  Ces forces siamo-vietnamiennes ont été repoussés en été 1834 par le général Truong Minh Giang.  Le Van Khôi meurt en 1834 pendant le siège.

 

Il a fallu trois ans à l’empereur Minh Mang pour mater la rébellion et l'offensive siamoise. L'échec de la révolte a eu un effet désastreux sur les missionnaires et  les communautés chrétiennes du Vietnam, accusés de trahison. Une période de persécution sanglante s'ensuivra. A la mort du roi Minh Mang, son fils aîné Nguyễn Phúc Mien Tông (Thieu Tri) devient le 3e empereur de la dynastie Nguyên. (14 février 1841-4 novembre 1847).

 

 

À partir de 1841, une grande partie du Cambodge fut incorporée au Viêtnam pour devenir l’Ouest cochinchinois. Le Viêtnam mit en place une politique d'annexion totale du Cambodge, avec imposition de la langue vietnamienne dans l'administration. L’État khmer, alors sur son déclin, fut divisé en trois « résidences » vietnamiennes sous le contrôle d’un « Résident Général”  vietnamien auprès de la Cour cambodgienne à Oudong.

 

Les Vietnamiens entreprirent alors de détruire les vestiges de la civilisation khmère, au point que dans la province frontalière d'An Giang à Chau Doc, cette opération devint (comme pour les Chams) un véritable génocide par assimilation dans le remplacement d’une organisation sociale et culturelle par une autre. C’est ainsi que les temples (pagodons) et autels bouddhiques furent détruits, le port des vêtements vietnamiens et de la coiffure vietnamienne devint obligatoire, la toponymie des lieux, villages et provinces fut vietnamisée et finalement le titre de Roi fut aboli pour les souverains du Cambodge.

 

L'empereur Thieu Tri, confucianiste, mènera la même politique isolationniste et antichrétienne, en commençant à emprisonner les missionnaires catholiques. Il provoquera alors une réaction immédiate de la France, qui en 1843, enverra une expédition militaire en Indochine avec ordre de protéger et de défendre les intérêts français et de libérer les missionnaires.

 

 

 

Thieu Tri ne cédera pas dans sa volonté d’éliminer tous les catholiques missionnaires du pays. Le 23 mars 1847, les Français exigeront la sécurité des ressortissants français et la fin des persécutions des missionnaires. Devant le refus de l’empereur, les combats éclateront et l’escadre française détruira tous les forts côtiers. Heureusement, les mandarins n’exécuteront pas l’ordre de l’empereur de tuer tous les chrétiens.

 

Engagé contre les Français, faisant face à l’invasion des troupes françaises, l’empereur Thieu Tri dut aussi combattre les Siamois.

 

 

Ang Duong, le frère cadet d'Ang Chan II, avec l’aide des troupes siamoises commandées par Bodindecha est proclamé roi du Cambodge à Oudong le 14 décembre 1843, mais il n’y sera couronné que le 7 mars 1848.
(Ang Duong,  frère cadet du roi d'Ang Chan II, avait été envoyé à Bangkok à l’âge de 16 ans et y restera jusqu’en 1839. Sa nièce Ang Mey, avait été nommée reine du Cambodge par les Vietnamiens et exilée à Hué en 1841. )

 

Pourquoi ?

 

De 1841 à 1847, le Siam et le Vietnam s'affrontent au Cambodge, alternant conflits et trêves agitées.

 

Entre temps, Bodindeccha avait pu prendre Phnom Penh en 1842, qui sera repris par les Vietnamiens en 1845. En 1845, une révolte éclate, qui se traduit par le massacre de Vietnamiens dans tout le pays. Des émissaires khmers sollicitent une intervention siamoise qui est accueillie avec joie par les Khmers. L'armée siamoise pénètre à Oudong.

 

Incapables de remporter une victoire décisive, ils s'accordent pour exercer une hégémonie conjointe sur l'État khmer. Ils décident de couronner Ang Duong dans la nouvelle capitale, Oudong, en 1848. Finalement, Siamois et Vietnamiens se mettent d'accord, chacun conservant les provinces annexées. Mais cet équilibre géopolitique, nous le verrons, sera remis en question par les visées colonisatrices de la France.

 

 

 

II. La politique intérieure.

 

 

Le 21 juillet 2010, un timbre commémoratif et une monnaie en argent ont été émis pour  mettre à l’honneur le roi Rama III, qualifié de «père du commerce thaïlandais». (7)

 

 

 

En cette occasion, un libellé assurait que «Rama III, le troisième de la dynastie Chakri, s’était personnellement engagé à régler tous les problèmes pouvant subvenir dans le commerce international. Il avait même, dit-on, promu de nouveaux produits pour répondre à la demande du marché international, et développé le commerce avec les nations étrangères. Les profits réalisés servirent à l’administration de son royaume, aux bonnes œuvres et le reste fut mis dans un «sac rouge» en prévision d’une future rançon exigée par un ennemi futur.»

 

 Mais  comment mesurer l'importance de ces échanges commerciaux ?

 

Stéphane Dovert (8), l'un des plus grands spécialistes sur la Thaïlande, avoue qu’il n’est pas aisé  de caractériser les principaux événements de son règne au niveau de son action gouvernementale, dans les domaines aussi essentiels que sont: l’administration de son royaume, l’économie, les finances, la culture, la religion, etc, tant les sources en français sont très limitées et les études générales inexistantes. Lui-même en est réduit à reprendre des généralités comme : « Ces gens-là, leur a-t-il dit (parlant de Rama III), nous apportent ce que ce que nous sommes le plus désireux d’obtenir : plein d’armes à feu et des espèces. Ils acheminent en outre de pleins de cargos de sucre et d’autres produits vers leur pays» ; reprenant ce que le Phra klang aurait dit à un ambassadeur britannique à propos des Américains. (Tiré en fait du rapport Crawfurd).

 

Ou bien prenant l’information dans le livre de W. F. Fella (p. 127-130): «Sous l’effet d’une crise conjoncturelle, l’administration de Rama III qui avait donc par le Traité de 1826, laissé augurer aux Anglais des réformes favorables à leur négoce, a  bien renoncé à ses monopoles. Mais ce fut pour la remplacer par de très lourdes taxes sur le commerce qui participaient d’une politique générale de fermeture du pays»

.

Elle fut manifeste à la fin de son règne. En 1850, M. Ballestier, l’ambassadeur américain, nous l'avons dit,  ne fut pas reçu à la Cour alors qu’il voulait renégocier le traité Roberts de 1833, ainsi que sir James Brooke, le fameux rajah blanc de Sarawak qui se rendit à Bangkok en qualité de plénipotentiaire de la reine Victoria et qui revint sans nouveau traité.

 

 

 

Mais par contre wikipédia n’hésitera pas à affirmer que Rama III développa le commerce avec la Chine et qu’il fut prospère. Bien entendu, on se gardera bien de donner la moindre information sur cette prospérité. Certes on peut supposer qu’un certain commerce a dû se pratiquer, tant les Chinois étaient relativement nombreux dans le royaume et à Bangkok. Dovert cite Bowring qui estimait la population du royaume d’origine chinoise à 25% de la population ; et Dean qui « estimait qu’en 1835, vivaient dans la seule Bangkok, 270 000 Teochiu, 70 000 Hokkien, 30 000 Hainanais et 30 000 Kakha ».

 

 

 

Mais que pouvons-nous savoir sur les revenus du royaume ?

 

Il n’y avait pas de compte de la Nation à cette époque, mais il y avait un registre royal. Mais qui a pu le consulter ?

 

Il y avait bien un Trésor royal, des impôts et taxes pour les sujets du royaume, des ministres, des organismes gouvernementaux pour recueillir diverses formes de taxes et droits à l'importation, une flotte marchande siamoise, (Mais combien de bateaux sous Rama I, II III ?),  des  collecteurs d’impôts auprès des entreprises de monopole royal. Mais là encore aucun chiffre, aucune estimation. Il y avait bien des sakdina, qui permettaient de répondre aux «exigences royales»  (impôts et corvées), les tributs et capitations. Rappelons-nous que le nombre d’esclaves augmenta de façon spectaculaire sous Rama III, surtout après avoir déporté tous les habitants de Vientiane en 1827 en Isan. Ces nouveaux sujets devaient payés un tribut ou une capitation dont Aymonier nous donne de multiples exemples. (Cf. (10))

Mais combien cela représentait-il pour le Trésor royal ?

 

Nous étions dans l’incertitude jusqu’à ce notre lecture de la « Description du royaume de Siam » de Mgr Pallegoix, nous donne en son chapitre 9 un relevé des Finances du roi Rama IV, présentant les 6 sources du revenu royal, détaillant tous les produits concernés. Certes ce n'était pas celui de Rama III, mais il pouvait aussi donner de nombreuses informations pertinentes sur les  6 sources du revenu royal, à  savoir: ses revenus des tributs que lui paient les petits rois soumis à son empire; des impôts sur les champs, les jardins et les plantations; des monopoles qu'il a établis; des douanes et des impôts sur les marchandises; de la taxe des jonques et des navires européens; des amendes et des confiscations. Nous y reviendrons dans notre article consacré à Rama IV. (Cf Notre article (8))

 

 

 

L'histoire officielle a donc consacré Rama III comme le « père du commerce siamois », mais fut-il comme ses prédécesseurs un  « fervent bouddhiste » et un « protecteur des poètes » ?

 

Pour Pariya Subpavong, il fut un roi bouddhiste exemplaire, mais son  étude écrite en thaï  ne nous permet pas de vérifiera ses dires. (11)  Il estime même que le bouddhisme inspira toute sa politique, sa gouvernance du royaume; que le roi appliquait la doctrine, en respectait les préceptes, était charitable, construisait des temples, aidait la communauté des moines à assurer sa sérénité. Il fit tout pour restaurer et diffuser la science et les connaissances qui ont contribué à l’identité d’une culture thaïe authentique  (sic).

 

Le site «Merveilles du monde» (12) nous assure qu'il fut un roi bâtisseur. Tourné vers le Bouddhisme, il était particulièrement pieux. Il est à l'origine de la construction du stupa le plus haut du Wat Arun, le temple de l'aube (car tourné vers l'Ouest) de Bangkok. (...)

 

 

On lui doit aussi la Montagne Dorée de Wat Sraket, le premier temple de style chinois (à Rajorasa),

 

 

le Wat Ratchanadda

 

 

et le temple Chetupol. ».

 

Larousse en tous cas estime que le roi Rama III « était soucieux de préserver les connaissances traditionnelles, fit graver sur des tablettes scellées aux murs du Wat Pho les principales œuvres de la littérature. ».

 Le «protecteur des poètes»?

 

 

Nous avions vu en présentant l'un des plus grands poètes du Siam,  Sunthorn Phu, qu'à la mort de Rama II en 1824, son protecteur,  Rama III, bien que poète (dit-on)  avait décidé de ne plus entretenir tous ces fonctionnaires du Comité des poètes-conseillers, et l'avait destitué de ses biens (son terrain et sa maison) et enlevé tous ses privilèges d’homme de cour. Mais qu'en était-il de sa production poétique?

 

 

 

 

Rama III décède le 2 avril 1851. Il avait régné 26 ans. Nous allons retrouver son demi-frère, le Prince Mongkut, qu'il avait évincé et qui avait choisi de devenir moine. Il a alors 46 ans. Le règne de Rama IV peut commencer.

 

 

 

 

Notes et références.

 

 

(1) 118. La politique étrangère de Rama III (1824-1851)

http://www.alainbernardenthailande.com/article-118-la-politique-etrangere-du-roi-rama-iii-1824-1851-122727633.html

 (2) Le Traité Roberts de 1833 en son article II prévoyait le libre–échange avec quelques limitations ; l'article III, un devoir de mesure au lieu des droits d'importation et d'exportation, le tonnage, licence pour le commerce ; accordait en son article IV (et X), le statut de nation la plus favorisée ; en son article V, le secours apporté aux citoyens américains en cas de naufrage ; et en son article VI des mesures en cas de faillite. L’article VIII prévoyait que les citoyens américains pris par des pirates et amenés dans le royaume, devaient être mis en liberté et leurs biens restaurés

 

(3) Nous avons déjà dans un  article intitulé « 11. L’Isan  était lao au XIXe siècle. » cité Larousse qui  expliquait dans quelles circonstances historiques  le royaume de Vientiane devient une province siamoise : «  La mort de Souligna Vongsa (1694) entraîne entre ses descendants une querelle qui va mettre fin à l'unité et à l'indépendance du Laos pour plus de deux siècles. Ainsi voient le jour au début du XVIII e , les royaumes de Vientiane, de Luang Prabang et de Champassak. Ce dernier passera vite sous la suzeraineté siamoise. Celui de Luang Prabang, affaibli par ses rivalités avec Vientiane, est envahi par les Birmans (1753) au cours de leur campagne contre le Siam, puis mis à sac une seconde fois (1771). Le royaume signe un traité d'alliance avec le Siam trois ans plus tard »

 

(4) 11. L’Isan  était lao au XIXe siècle.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-11-l-isan-etait-lao-au-xix-eme-siecle-72198847.html

Nous étions en train de lire les  « NOTES SUR LE LAOS », d’Etienne Aymonier (Saïgon, Imprimerie du Gouverneur, 1885), pour découvrir qu’il décrivait en fait notre Isan. Ainsi en 1885 l’Isan était un pays lao.

Nous y avions appris que cette région occupée à l’origine  principalement par les anciens prisonniers de Vientiane se vit comme un pays lao, mais sans pouvoir central, sous l’autorité des différents mueangs de différentes tailles (districts, villages) qui vont se constituer, mais dans la reconnaissance de leur vassalité au pouvoir du roi du Siam, sous la forme de capitation/tribut, de reconnaissance des chefs laos qui se fait selon le cérémonial siamois. Le pouvoir siamois n’intervenant que pour les conflits majeurs, mais n’imposant pas ses mœurs, ses coutumes, ses valeurs.

 

(5) Sans refaire tout l’historique depuis le XVIIe siècle, nous pouvons  rappeler ce que nous avions dit à propos de Rama 1er 

« Parallèlement, Rama Ier a une politique étrangère très « interventionniste » à l’égard de ses voisins, avec le Cambodge d’abord, à cette époque en pleine déliquescence, « dark ages ». Les monarques en titre ne sont que des fantoches. Le roi Ream Reachea a été déposé en 1779 et le trône donné à son fils, le jeune Ang Eng. Rama Ier le fit déporter à Bangkok, où il en fit son fils adoptif en plaçant au poste de régent un féal, Chao Phraya Abhaya Bhubet qui gouverna le Cambodge comme un proconsul siamois »

 

« Au Vietnam, en 1784-1785, le dernier des Nguyen sollicita l’aide de Rama Ier pour s’emparer du trône alors aux mains des frères Tay Son. Mais la flotte conjointe des Nguyen et des Siamois fut défaite dans la bataille de Rach Gam Xoai Mut le 20 janvier 1785 dans le delta du Mékong et les Nguyen trouvèrent refuge au Siam. La dynastie fut toutefois rétablie en 1802 et sa complaisance permit à Rama Ier et à ses successeurs d’exercer une influence politique considérable, au moins jusqu’à la colonisation française »

 

(6) Minh Mạng est le fils de l'empereur Gia Long. Il est le deuxième empereur de la dynastie des Nguen du Viêt Nam.(14 février 1820-20 janvier 1841)

 

À la mort de Gia Long en 1820, il devient empereur sous le nom de Minh Mang. Cette année coïncide aussi avec la reprise de l'action missionnaire des Missions étrangères de Paris dans tout l'Empire qui avait dû cesser il y a presque trente ans à cause de l'état de guerre permanent entre Gia Long et la dynastie concurrente des Tây Sơn.

 

La première difficulté que le nouvel empereur doit affronter est l'opposition de Lê Văn Duyệt (1763-1832). Ce fidèle lieutenant de son père, avait reçu de l'empereur défunt le titre de vice-roi de Cochinchine (Gia Định, ainsi que la suzeraineté sur le roi du Cambodge) en 1812 avec le droit de la gouverner à sa guise et de traiter avec les émissaires étrangers. Or Duyệt refuse au début de reconnaître le titre impérial de Minh Mang. Il est également favorable à l'action des missionnaires.

 

Minh Mang va s’en prendre à ses factions du Sud, opposées à son régime et  soutenu  par les missionnaires catholiques et les Vietnamiens catholiques ; et ceci d’autant plus qu’elles sont favorables à la restauration des Canh, en la personne de  An-hoa.

 

Une révolte dirigée par Le Van Khôi, le fils adoptif de général Le Van Duyet, mort en 1832, va s’organiser. Le 18 mai 1833, les rebelles, composés de vietnamiens chrétiens et les colons chinois ont réussi à prendre la citadelle de Saigon (Thanh Phien-un).  En outre, Le Van Khôi a pu conquérir six provinces de Gia Dinh dans l'espace d'un mois. 

 

(7) 122. Rama III, « le père du commerce thaïlandais » ( ?)

La philatélie et la numismatique volent au secours des « gloires nationales » !

http://www.alainbernardenthailande.com/article-122-rama-iii-le-pere-du-commerce-thailandais-122934761.html

 

(8) 121. Les revenus du roi Rama III ? (1824-1851).

http://www.alainbernardenthailande.com/article-121-les-revenus-du-roi-rama-iii-1824-1851-122846466.html

 

(9) Stéphane Dovert, pourtant si informé sur le Siam, ne signale, dans « Thaïlande contemporaine »,  que des ouvrages en anglais comme  le livre de Walter F. Vella intitulé « Siam under Rama III » ( Locust Valley, N.Y., Published by J. J. Augustin, 1957.), “The Royal Chronicle of the Third Reign of the Bangkok Dynasty,”de Chaopraya Thiphakarawong, Khuru Sapha, (Bangkok, 1961).

 

In « La Thaïlande prête pour le monde » de Stéphane Dovert, in Thaïlande contemporaine, Sous la direction de Stéphane Dovert et Jacques Ivanoff, IRASEC, Les Indes Savantes, 2011.

 

(10) « NOTES SUR LE LAOS », (Saïgon, Imprimerie du Gouverneur, 1885

Notre article : L’Isan  était lao au XIX ème siècle.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-11-l-isan-etait-lao-au-xix-eme-siecle-72198847.html

 

(11) The influence of bouddhisme on political thought of King Rama III”, de Pariya Subpavong. (Etude en thaï, avec un bref résumé en anglais).

 

(12) https://www.merveilles-du-monde.com/Temple-du-Bouddha-d-emeraude/Rama-III.php

 

 

 

 

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16 juillet 2020 4 16 /07 /juillet /2020 07:06

 

 

UNE DYNASTIE DE 10 ROIS, DE RAMA I À RAMA X.

 

 

Nous avons vu dans l'article précédent dans quelles circonstances Thong Duang   devenu « Chao Phraya Chakri Maha » fut amené à prendre le pouvoir avec  la décision d'exécuter le roi Thaksin le Grand (1768-1782) (1). Il ne pouvait deviner -bien sûr- qu'il serait le fondateur d'une dynastie, la dynastie Chakri, qui verrait se succéder jusqu'à nos jours (2020) 10 rois qui prirent le nom dynastique de «Rama» à partir d'une décision du roi Rama III.(2) Nous avons consacré plus d'une centaine d'articles dans «Notre» Histoire de la Thaïlande à ces rois et aux principaux événements qui ont marqué le Siam, devenu la Thaïlande en 1939. Ce changement dynastique fut aussi l'occasion de la fondation de Bangkok comme capitale du royaume.

 

 

 

Vous comprenez qu'il ne s'agit pas ici de vous en proposer une synthèse -tâche impossible dans le cadre d'un article- mais  d'évoquer ce qui nous semble le plus important, en sachant qu'il y a «diverses manières de concevoir les périodisations: les continuités, les ruptures, les façons de penser la mémoire de  l’histoire» (Le Goff) (3), et qu'elles varient dans le temps, en fonction des pouvoirs en place, des idéologies, des auteurs, et des nouvelles sources trouvées, en se rappelant que face aux puissances coloniales anglaise et française, à partir du roi Mongkut, les Thaïs ont dû écrire leur Histoire, avec leurs mythes, leurs symboles, leurs héros, pour magnifier leurs rois et légitimer leur grande Nation. (4)

 

 

Toutefois, on distinguera  7 périodes.

 

 

La première va de 1782 à 1824. Elle concerne les deux  premiers rois de la dynastie:   Rama I le fondateur (1782-1809) et Rama II (1809-1824), que nous allons introduire infra dans cet article.

 

 

 

 

La seconde avec Rama III (1824-1851). Il connaît la nouvelle situation géopolitique du Siam au début de son  règne marqué par la mainmise anglaise sur une partie de la Malaisie et de l’Indonésie, avec la création de Singapour (1819), l’occupation de Malacca et le sud Sumatra. (Cf. le traité de Londres de 1824).

 

 

 

Une rivalité anglo-siamoise sur les États malais du sud ne pouvait que naître, surtout après  que Rama II ait envahi  le Kedah en 1821 et créé le sultanat de Perlis en le détachant de celui de  Kedah. Le colonisateur britannique avait des vues sur les mines d’étain de l’État voisin du Perak.  Leurs différends seront réglés avec le traité dit de Burney le 20 juin 1826, avec en annexe un accord commercial (Il faut dire que les Anglais venaient de vaincre les Birmans, les « ennemis » des Siamois), qui  fut suivi en 1833 par un traité d’amitié et de commerce avec les Américains ou traité Roberts. (Pour faire contrepoids aux Anglais). Au nord, le roi lao Anouvong, de Vientiane, crut alors que le moment était bien choisi pour attaquer le roi du Siam, mais  les conséquences seront terribles pour ce royaume, avec la capitale rasée et tous ses habitants déportés en « Isan ». (1826-1828).

 

 

 

La troisième  de 1851 à 1910, avec  le roi Mongkut (Rama IV,1851-1868) et le roi Chulalongkorn (Rama V,1868-1910).

 

 

 

 

Le roi Mongkut s’ouvre à l’occident (sa science, ses langues, l’éducation européenne de ses enfants, etc).

 

 

 

 

Il est  le roi de transition entre le Siam ancien et le Siam moderne qu’inaugure le roi Chulalongkorn (Rama V,1868-1910) qui lui, s’inspirera de l’Europe, aidé par des centaines de conseillers occidentaux pour transformer son pays et en faire un État moderne.  (Un État centralisé avec des fonctionnaires, création de l’éducation nationale, abolition de l’esclavage, code pénal, etc.). Les lettres  qu'il envoie depuis  l'Europe (1897 et 1907), révèle un roi ouvert, curieux de toutes les nouveautés, de tous les savoirs, de la technique, et même de son art de vivre. Il y enverra presque tous ses fils y étudier.

 

 

 

(Le futur Rama VI recevra une éducation anglaise pendant 11 ans ; Le futur Rama VII étudiera également en Angleterre, (À Eton Collège et à l’Académie militaire de Woolwich, et en poste à l’Artillerie Royale  basée à Aldershot). Il sera de bon ton désormais pour la famille royale et les élites d’y envoyer leurs enfants ).

 

Ces deux rois doivent affronter les puissances coloniales anglaise et française. Les accords commerciaux  et les différents traités signés  résultent des rapports de force de  la période considérée,  (Cf. Nos articles sur ces traités : Le traité « Bowring » de 1855 entre le Siam et la Grande-Bretagne ; Le traité de 1856 entre la France et  Rama IV. (1851-1868) ; Les Traités de 1867, de 1893, et de1907, entre le Siam et la France. (5))

 

 

 

La quatrième période avec Rama VI (1910-1925)  conjugue le modèle « occidental » et le modèle « siamois ».

 

 

 

 

Après avoir fait toutes ses études en Angleterre, le roi Rama VI (poète, écrivain, traducteur de Shakespeare )  poursuivit les réformes de son père (Imposa les noms de famille ; rendit l’école obligatoire et gratuite ;  fonda la 1ère université de style « occidental , mit fin au régime des capitulations au Siam en 1925).  Il mettra en place une politique  nationaliste et prendra surtout la décision historique le 22 juillet 1917, de déclarer la guerre à l'Allemagne et à l'Autriche-Hongrie,  qui aura comme principale  conséquence pour le Siam de devenir en janvier 1920, un des membres fondateurs de la Société des Nations, assurant ainsi une garantie internationale pour l’indépendance et  l’intégrité du Siam.

 

 

 

 

 

Mais la  période la plus marquante pour la dynastie Chakri est causée par  l'événement majeur du coup d’État du 24 juin 1932 avec l’instauration de la monarchie constitutionnelle,  qui  conduisit le roi Rama VII  à abdiquer le 2 mars 1935.

 

 

 

Il fut donc le dernier souverain absolu et le premier de la monarchie constitutionnelle, qui impliquait  que son pouvoir était défini dans une constitution  et que désormais la politique du pays serait menée par un  gouvernement présidé par un 1er ministre.

 

 

 

 

Mais déjà à la veille du coup d’État de 1932, la société siamoise n’était plus la société traditionnelle du XIXe siècle, à cause du développement d’une économie monétaire et d’une classe de fonctionnaires et de militaires qui vont transformer le pays.(6) et (7)

 

 

(En précisant que la dernière constitution a été promulguée en 2017 et est la vingtième loi fondamentale thaïlandaise depuis la fin de la monarchie absolue en 1932, et qu'il y a eu à ce jour 37 premiers ministres, Le dernier, Prayut chan-ocha, en fonction depuis  le 25 août 2014. Premiers ministres issus d'élections (parlementaires ou nationales) ou de coups d'État militaires (8). Le dernier coup d'État militaire du 22 mai 2014  fut dirigé  par le général Prayut chan-ocha, Commandant en chef de l'Armée royale thaïlandaise.)

 

 

 

 

 

La sixième  période avec Rama VIII (1935-1946)   et le long règne de son frère Rama IX (1946- 2016).

 

 

Rama VIII   ne régnera en fait que 5 mois. (De fin décembre 1945 au  9 juin 1946). A son abdication,  Rama VI cède son trône à son neveu Mahidol, le fils de son frère, le prince Mahidol Adulyadej, mais il  n'a pas encore 10 ans. Son père est mort en 1928 et il vit avec sa mère et frère et sœur à Lausanne depuis 1933. il ne visite son pays qu'en 1938 et ne s'y installe qu'après la Seconde Guerre mondiale en décembre 1945. II meurt le 9 juin 1946 à l'âge de 20 ans, dans des circonstances tragiques à la suite d'un « accident » avec une arme à feu. Pridi a été nommé Régent en 1941, autant dire que son action royale a été quelque peu limitée.

 

 

 

 

Ce qui -évidemment- ne sera pas le cas de son frère Rama X  (1946-2016) qui va  régner  70 ans, mais ne sera couronné que le 5 mai 1950, après avoir terminé ses études en Suisse.

 

 

 

 

Nous verrons qu'en 70 ans, son rôle évoluera au fil des «événements» politiques, des constitutions, des 27 premiers ministres,  des 19 coups d’État, dont 12 qui ont abouti à un régime militaire, et des manifestations sanglantes en 1973, 1976, 1992 et 2010, pendant lesquelles le roi aura des attitudes différentes. (En 1973 et en 1992, le roi joue un rôle clé dans la transition de la Thaïlande vers un système démocratique en forçant les représentants de camps ennemis à trouver un accord.)

 

 

S'il n'a alors qu'un rôle cérémonial pendant  le pouvoir dictatorial  du maréchal Phibun (1948-1957),

 

 

 

 

le maréchal Sarit (1959 -1963)  redonnera au roi un rôle central,

 

 

 

 

.....qui va assister à des cérémonies publiques, visiter des provinces et de nombreux villages, initier des projets de développement et devenir  un roi aimé  devant lequel on se prosterne, aidé -il est vrai—par une propagande efficace (Sa photo partout, un reportage quotidien télévisuel saluant ses actions, l'obligation de se lever après chaque film au son de l'hymne national, etc.)   et  une loi de lèse-majesté qui punit durement toute critique du roi et de la famille royale. Avec  le premier ministre Général Prem Tinsulanonda (1980–1988) la relation entre la monarchie et le gouvernement sera  à son apogée. (Prem deviendra son Conseiller et Président du Conseil privé du roi). Il multipliera les projets démontrant l'économie d'auto-suffisance alimentaire, développera des fermes modèles et des centres d'apprentissage.  Dans les dix dernières années affaibli par l'âge et la maladie,  il sera de moins en moins présent sur la scène publique. S'il sera difficile de discerner son action politique (Cf. Son soutien à certaines dictatures), nous verrons que ses activités pour améliorer le sort de ses sujets les plus pauvres furent prolixes.

 

 

 

 

Enfin la dernière période qui commence avec son fils Rama X, qui devient le nouveau roi,  le 1er décembre 2016.

 

 

 

 

Après avoir fixé le cadre,  il est temps de vous présenter les dix Rama de la dynastie Chakri en commençant par Rama 1er(1782-1809) et  Rama II. (1809-1824)

 

 

Rama 1er (1782-1809), « Roi, chef de guerre, défenseur de la foi, législateur et poète. », avions-nous mis en sous-titre. (9)

 

 

 

 

Nous avons vu qu'avant de prendre le pouvoir le 6 avril 1782 en mâtant un coup d'État et en faisant exécuter le roi Taksin, Thong Duang, avait été nommé gouverneur de Ratchaburi en 1758 par  le roi Ekatat et avait  participer auprès de Taksin le Grand à la libération du Siam pour devenir l'un de ses généraux et ministres  les plus précieux. Il était devenu « Chao Phraya Chakri Maha », le guerrier le plus prestigieux, avec son jeune frère Bun Ma devenu Phraya Surasi, qu'il fera son successeur.

 

 

 

 

(Ils avaient -entre autres-  participé à la libération d'Ayutthaya,  à de nombreuses batailles  au Cambodge, libéré le Lanna en 1774 des Birmans, conquis  les royaumes laotiens (Vientiane, Luang-Prabang, Champassak) en 1778.)

 

 

Dès son accession au pouvoir, pour des raisons  stratégiques, il avait fondé officiellement la nouvelle capitale Bangkok, le 21 Avril 1782.

 

 

 

 

Le roi Taksin avait dû affronter les Birmans, il en sera de même pour Rama 1er.

 

 

En 1785-1786 les Birmans avaient  envoyé neuf armées d’invasion par le Lanna et le Nord. Rama Ier lui-même était intervenu et avait libéré Lampang. Les Birmans avaient contre-attaqué par Ranong, Nakhonsithammarat et Phuket et avaient réussi  à s’emparer de Songkhla et de Phatthalung  mais furent mis en fuite par les habitants sous la direction du moine guerrier Phra Maha. Le roi birman Bodawpaya  revient l’année suivante à la tête d’une armée unique mais fut de nouveau défait. En 1787, encore maîtres de Chiengsen et Chiengrai, ils attaquèrent Lampang et Pasang mais seront défaits par une armée conduite par le prince héritier. La même année, les Siamois vont attaquer Tavoy, sans succès, mais le gouverneur de Tavoy se révolta contre le roi de Birmanie en 1791, et jeta son pays sous la main siamoise. Cela conduit à une autre guerre en 1793 au cours de laquelle les Siamois tentèrent en vain d'envahir la Birmanie, et Tavoy  fut alors repris par les Birmans.

 

 

 

 

En 1797 encore, les Birmans vont lancer une attaque sur les provinces du Laos. Ils réussissent à atteindre Chiengmai, capitale du prince Kawila mais ils sont écrasés à Chiengsen. En 1802, les Birmans seront définitivement chassés de Chiengsen, leur dernier bastion dans le nord du Siam. Conformément à leurs néfastes errements, Chiengsen a été dépeuplée et réduite à des ruines.

 

 

De même parallèlement, Rama 1er devra, comme au temps du roi Taksin, intervenir de  de nouveau au Cambodge  et au Vietnam en 1784-85.

 

 

Le roi Ang Non II du Cambodge  a été déposé en 1779 et le trône donné à son fils, le jeune Ang Eng. Mais il n'a que 7 ans. Rama Ier le fit déporter à Bangkok, où il en fit son fils adoptif en plaçant au poste de régent un féal, Chao Phraya Abhaya Bhubet qui gouverna le Cambodge comme un proconsul siamois, jusqu'à ce que Ang Eng puisse remonter sur le trône à sa majorité.

 

 

 

 

Au Vietnam, en 1784-1785, le dernier des Nguyen sollicita l’aide de Rama Ier pour s’emparer du trône alors aux mains des frères Tay Son. Mais la flotte conjointe des Nguyen et des Siamois fut défaite dans la bataille de Rach Gam Xoai Mut le 20 janvier 1785 dans le delta du Mékong et les Nguyen trouvèrent refuge au Siam. La dynastie fut toutefois rétablie en 1802 et régna jusqu'en 1945.

 

 

 

 

Mais si le  roi Rama 1er réussit à battre les Birmans, contrôler la situation au Cambodge, il fut aussi un roi bouddhiste,  législateur et  écrivain.  

 

 

Six ans après son accession au pouvoir, il réunit un concile comportant 250 moines ou hommes de loi qui travaillèrent pendant six mois à reconstituer les textes sacrés en langage sacré, le pali, un ensemble de 45 volumes in octavo de chacun 500 pages qu'il fit publié en 1788.

 

 

 

 

A la suite d’une banale affaire judiciaire dont le roi avait été saisi en dernier ressort, il s’aperçut que sa justice avait rendu une décision inique mais fondée sur des textes anciens bien réels. Il  décida alors de faire procéder à une révision générale du corpus législatif.  Il convoqua un « concile » qui du 31 janvier 1805 au 16 décembre produisit pas moins de  41 volumes. (10)

 

 

 

 

Mais il eut soin aussi de faire revivre la « littérature nationale » dont l’essentiel avait été détruit par les Birmans lors du sac d’Ayutthaya en 1767. Il fit effectuer par ses lettrés un immense travail de recension de la littérature de l’époque d’Ayutthaya fondée soit sur la tradition orale soit sur les manuscrits qui pouvaient subsister, dormant dans les bibliothèques des temples et écrivit lui-même. L’essentiel de son œuvre écrite est une version du «Ramakian» (รามเกียรติ์) publiée en 1798 et est encore considérée comme l'un des chefs-d'œuvre de la littérature thaïe.

 

 

 

Le roi mourut d’une brève maladie le 7 décembre 1809 à l’âge de soixante-douze ans. Il avait régné 27 ans. Son frère  Bun Ma devenu Phraya Surasi, nommé comme Uparat,  ayant décédé en 1803, son fils aîné lui succéda. ( En 1782, son père devenu  roi  lui avait accordé alors le titre de Prince Itsarasunthon et en 1806, l'avait nommé Uparat (Prince héritier).  (11)

 

 

 

Rama II. (1809-1824) (12)

 

 

 

 

Rama II devient roi à 42 ans. A peine sur le trône, il doit faire face  à une révolte ourdie par Kasatranuchitn, dernier survivant mâle et le plus jeune de la nombreuse progéniture du roi Taksin qui se prétendait héritier légitime et une sœur de Taksin. La révolte est réprimée  par le prince Tap, fils aîné du roi né de ses amours avec sa concubine. (Et futur roi Rama III). En remerciement son père le nommera  krommuang, équivalent de ministre des affaires étrangères.

 

 

Il doit aussi  envoyer  son oncle, le prince Senurak (fils de Rama I et de la reine Amarindra) repousser une nouvelle invasion des Birmans à  Chumpon et Phuket. Ce sera  la dernière tentative d’invasion birmane au Siam. Les Birmans devront désormais affronter les Britanniques dès 1824.  

 

 

(Lors de trois guerres: celle de 1824–26, qui aboutit au traité de Yandabo signé le 24 février 1826, par lequel  la Birmanie cédait aux Britanniques Manipur et les provinces de l'Assam, de l'Arakan et du Tenasserim, celle de 1852 et enfin celle de 1885 qui se concluait par l'annexion et la fin de la dynastie Konbaung.)

 

 

 

 

 Il «régna paisiblement  pendant 14 ans », nous dit Monseigneur Pallegoix.

 

 

Rama II  va s'ouvrir lentement à l’étranger et à l’Occident.

 

 

En 1810, il envoie une ambassade auprès de l’empereur de Chine Jiaqing (de la dynastie Qing) probablement pour un acte d’allégeance.

 

 

 

 

Mais le premier contact formel du Siam avec l’Occident sera l’envoi d’une ambassade du gouverneur de Macao en 1818  menée par Carlos Manuel da Silveira qui aboutit à un accord commercial en 23 articles. Aux termes de cet accord, Carlos da Silveira fut nommé consul en 1820, et fut le premier consul occidental au Siam, avec droit de hisser son drapeau national sur les locaux du consulat.

 

 

 

 

ll n’en fut pas de même pour l’ambassade britannique Crawfurd, envoyée par le Gouverneur Général de l’Inde, M. le marquis d’Hastings, basé à Calcutta.  M. Crawfurd fut certes reçu par le roi en avril 1822, mais il ne fut pas entendu. Ce sera un échec retentissant. Elle repartira mi-juillet 1822 pour  la Cour de Hué, où elle subira l’affront de n’être même pas reçue par le roi. 

 

 

Rama II avait sans doute été étonné que cette ambassade lui proposât un traité de commerce, alors que l’année précédente  le Siam avait envahi le  Kedah et crée le sultanat de Perlis en le détachant de Kedah, qui était auparavant soumis à la suzeraineté conjointe du Siam et du sultanat d’Aceh. (Les Anglais s'étaient installés dans le sultanat de Seberang Perai en 1798 et  à Singapour, en 1819)

 

 

 

Rama II fut comme son père,  un bouddhiste pieux et un artiste.

 

 

Bouddhiste dévot, il surveillait attentivement la morale de ses sujets, de ses fonctionnaires et des membres de sa famille sans favoriser personne : De nombreux décrets royaux prévirent des peines sévères (de dures flagellations au rotin) contre les joueurs, notamment ceux qui organisaient ou participaient à des combats de coqs ou de poissons.

Il relança en 1818 les cérémonies religieuses du Wisaka Bucha, et fit  traduire le Tripitaka bouddhiste du pali en thaï pour que les dévots comprennent ce qu'ils récitaient, continuant en cela l’œuvre de son père. Il envoya une mission de moines au Sri Lanka pour y étudier le bouddhisme.

 

 

 

 

Il fut bâtisseur comme ses prédécesseurs et fit  construire de nombreux temples. Il aurait sculpté de ses mains la grande statue de Bouddha dans la chapelle du « temple de l’aube » à Bangkok , le Wat Arun dont il commença la construction qui se termina sous le règne de Rama III.

 

 

Le musée national conserve nombre de ses sculptures, masques ou monstres provenant de l'épopée du Ramayana. Il a également continué la construction commencée par son père et terminée par son successeur du Wat Suthat thepwararam  dont les sculptures polychromes des portes seraient également faites de ses mains.

 

 

 

Mais il fut également  un artiste, un poète et protecteur des poètes.

 

 

Sous son règne, à l’écart des guerres permanentes qui assombrirent celui de son père, les poètes bénéficièrent de sa royale protection, lui-même étant un poète raffiné. Malheureusement  sa production poétique n'a pas été traduite. Nous ne connaissons que celle de Sunthom Phu (1786-1855), son favori, qu'il avait intégré à son Comité de poètes-conseillers,  dont une partie a été traduite en français. (Cf. Notre article  sur « Sunthorn Phu (1786-1855). L’un des plus grands  poètes thaïlandais». (13) )

 

 

 

 

 

L'œuvre poétique de Rama II est importante : il continua l’adaptation pour le théâtre et pour la danse du Ramakian commencée par son père. Il était également un musicien accompli, jouant, dit la tradition, à la perfection du violon à trois cordes et auteur à la suite d’un rêve d’un hymne à la lune qui fut l’hymne national jusqu’en 1913. En 1968, l’UNESCO le déclara pour son œuvre culturelle « World Heritage Person » que l’on peut traduire par « personne appartenant au patrimoine mondial ».

 

 

Il meurt  subitement à 58 ans le 21 juillet 1824. Il n’y avait pas eu d’Uparat désigné.  Le trône aurait du revenir au fils de la Reine Sri Suriyen, le prince Mongkut alors âgé de 20 ans, mais son demi-frère aîné, le prince Tap, devenu เจ้าอยู่หัว Chao Yuhua, beaucoup plus âgé et expérimenté comme chargé des relations étrangères s’imposa comme successeur sans difficultés.  Le prince Mongkut eut la « sagesse » de prendre l'habit de moine.

 

 

Avec le roi Rama III (1824-1851) on entrait dans une nouvelle situation géopolitique. C'est ce que nous verrons dans notre prochain article.

 

 

 

 

 

 

NOTES ET RÉFÉRENCES.

 

 

(1) RH 56-  LE ROI «TAKSIN LE GRAND » (1768-1782).

 

(2) Dynastie Chakri : Rama I - Buddha Yodfa Chulalok พระบาทสมเด็จพระพุทธยอดฟ้าจุฬาโลกมหาราช 1782-1809. Rama II - Buddha Loetla Naphalai พระบาทสมเด็จพระพุทธเลิศหล้านภาลัย 1809-1824. Rama III - Nang Klao Chaoyuhua พระบาทสมเด็จพระนั่งเกล้าเจ้าอยู่หัว 1824-1851. Rama IV - Mongkut พระบาทสมเด็จพระจอมเกล้าเจ้าอยู่หัว 1851-1868. Rama V - Chulalongkorn พระบาทสมเด็จพระจุลจอมเกล้าเจ้าอยู่หัว "พระปิยมหาราช" 1868-1910. Rama VI - Vajiravudh พระบาทสมเด็จพระมงกุฎเกล้าเจ้าอยู่หัว 1910-1925.Rama VII - Prajadhipok พระบาทสมเด็จพระปกเกล้าเจ้าอยู่หัว 1925-1935. Rama VIII - Ananda Mahidol พระบาทสมเด็จพระเจ้าอยู่หัวอานันทมหิดล 1935-1946. Rama IX - Bhumibol Adulyadej พระบาทสมเด็จพระเจ้าอยู่หัวภูมิพลอดุลยเดชมหาราช 1946-2016. Rama X – Vajiralongkorn วชิราลงกรณ /waʨʰíraːloŋkɔːn/  2016-...

 

(3) Jacques Le Goff « Faut-il vraiment découper l’histoire en tranches ?», Seuil, 2014.

http://www.alainbernardenthailande.com/2015/11/209-comment-decouper-l-histoire-de-la-thailande-en-tranches.html

 

(4) « UNE Histoire nationale, « une idéologie linéaire » qui veut faire croire à une continuité entre Sukhothaï considérée comme la « première capitale nationale », suivie par Ayutthaya, puis Thonburi et enfin l’actuelle Bangkok; UNE histoire que l’on a fait « accepter » aux peuples soumis avec le succès que l’on sait avec les Lao « siamois » et l’échec, avec les anciennes provinces malaises (et musulmanes)  du Sud. L’histoire de la Thaïness raconte cette formidable machine « idéologique » pour imposer cette vision de l’Histoire. L’école en fut le « média » le plus efficace. » (In notre article 14)

 

(5) Voir nos articles sur les traités.

  • 128. Le traité « Bowring » de 1855 entre le Siam et la Grande-Bretagne.
  • 129. Le traité de 1856 entre la France et le Siam de Rama IV. (1851-1868)
  • 132. Le Traité de 1867 entre le Siam et la France.
  • 135. La politique étrangère du roi Chulalongkorn. (Cf. L’étude du traité signé avec la France le 3 octobre 1893, dans lequel en son article 1 : « Le Gouvernement siamois renonce à toute prétention sur l’ensemble des territoires de la rive gauche du Mékong et sur les îles du fleuve ». Et le Traité du 23 mars 1907, dans lequel  les articles 5 et 6 établissaient les statuts juridiques des Asiatiques sujets et protégés des Français.

(6) Nos articles :

164. Le Siam participe à la 1ère Guerre mondiale. Avec les conséquences pour le Siam, qui devenait  en janvier 1920, un des membres fondateurs de la Société des Nations.

176.  La fin du régime des capitulations au Siam en 1925.

http://www.alainbernardenthailande.com/2015/03/176-la-fin-du-regime-des-capitulations-au-siam-en-1925.html

177. Le Siam de Rama VI retrouve tous ses droits souverains en 1925.

Le 1er septembre 1920, les États-Unis abandonnèrent leurs droits d’extraterritorialité au Siam. Après cinq années de négociation, la France  (février1925) et la Grande-Bretagne (juillet 1925) renonçaient aussi à leurs droits d’extraterritorialité, aux traités inégaux  leur accordant le « Droit de Protection consulaire » qui donnaient (par exemple l’article 7 du traité de 1893) aux Français mais aussi  à ceux qui dépendaient du « Protectorat français »comme les Annamites, les Laotiens, les  Cambodgiens (Cf. les Chinois et Japonais inscrits), la liberté de circuler et de commercer librement sans payer de droits de douanes. Le 14 février 1925, la France et le Siam signaient un traité d’amitié, de commerce et de navigation.     

 

(7)  182.1 et 182.2 : La société siamoise à la veille du coup d’Etat de 1932.

http://www.alainbernardenthailande.com/2015/04/182-1-la-societe-siamoise-a-la-veille-du-coup-d-etat-de-1932.html

http://www.alainbernardenthailande.com/2015/05/182-2-la-societe-siamoise-a-la-veille-du-coup-d-etat-de-1932.html

187. Le coup d’Etat du 24 juin 1932 au Siam.

http://www.alainbernardenthailande.com/2015/06/187-le-coup-d-etat-du-24-juin-1932-au-siam.html

189. 1 La constitution du 10 décembre 1932.

http://www.alainbernardenthailande.com/2015/06/189-1-la-constitution-du-10-decembre-1932.html

(8) 214 – COMBIEN DE COUPS D’ÉTAT, DE RÉBELLIONS, DE RÉVOLTES ET DE SOULÈVEMENTS  EN THAÏLANDE DEPUIS LE DÉBUT DU SIÈCLE DERNIER ?

http://www.alainbernardenthailande.com/2016/01/214-combien-de-coups-d-etat-de-rebellions-de-revoltes-et-de-souevements-en-thailande-depuis-le-debut-du-siecle-dernier.html

                                                ______________________

(9) 116. Rama 1er. (1782-1809)

Roi, chef de guerre, défenseur de la foi, législateur et poète.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-116-rama-1er-1782-1809-122265066.html

 Le récit occidental le plus complet sur  ce roi (à notre connaissance tout au moins) est l’ouvrage de Wood,  « A history of Siam » publié à Chiangmaï en 1924.

 

(10) Cf. Lingat, « Notes sur la révision des lois siamoises en 1805 » in « Journal of the Siam society », volume 23 de 1929.

 

(11) Le roi Rama 1er avait nommé son jeune frère comme Maha Uparat. Mais celui-ci, fidèle compagnon d’arme et de combats, successeur potentiel, était mort en 1803. Leurs relations avaient toutefois été ombrageuses. A la mort de l’Uparat en 1803, deux de ses fils tentèrent à leur tour – avec l’assistance de nobles du palais - de renverser Rama I, mais ils furent découverts et décapités.

 

(12) 117. Rama II. (1809-1824)

http://www.alainbernardenthailande.com/article-117-rama-ii-1809-1824-122695598.html

 

(13) Lecture du livre de  Frédéric Maurel « Clefs pour Sunthorn Phu », L'Harmattan, 2001.

A119. Sunthorn Phu (1786-1855). L’un des plus grands  poètes thaïlandais.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-a118-sunthorn-phu-1786-1855-l-un-des-plus-grands-poetes-thailandais-118861232.html

 

 

 

 

 

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17 juin 2020 3 17 /06 /juin /2020 22:13

 

 

Nous avons vu que 8 mois après la chute d'Ayutthaya, Taksin avait pu reconstituer une armée, imposé  sa nouvelle autorité sur le Siam central, les provinces de Bangkok, Ratchaburi, Nakhon Chaisi, Chantabun, Trat, une partie de Nakhon Sawan, et repris Ayutthaya  le 7 novembre 1767, une  victoire qui le plaçait  comme  le nouveau «libérateur  du pays », un héros national. Il décida ensuite d'installer sa nouvelle capitale à Thonburi et de réorganiser dès juillet 1768 le nouveau royaume.

 

 

(Avant de quitter Ayutthaya, il s'honora d'organiser la cérémonie de crémation du roi Ekhatat et de prendre soin de quelques membres de la famille royale.)

 

 

 

Il lui fallut donc procéder à la construction de la nouvelle capitale, installer sa Cour selon les traditions anciennes, reconstruire l’administration du pays, réorganiser les sakdina, pour développer une  économie avec la reprise en main de la main d’œuvre et de la corvée, mettre en place le commerce avec l’étranger et  également rénover la religion, recréer le Sangha, avec une nouvelle hiérarchie. Il se sentait suffisamment légitime, en accueillant tous les survivants d’Ayutthaya, les mandarins et les membres de l’ancienne famille royale, et en épousant quatre princesses royales qu’il avait fait libérées de la prison de Lopburi, dont  Chao Ubon, la propre fille de Thepiphit  (fils du roi Boromakot et donc plus légitime que Taksin), pour se faire couronner  le 28 décembre 1768.

 

 

 

 

Quelle épopée ! 8 mois pour reprendre Ayutthaya aux Birmans après l'avoir fui en janvier 1767 avec 500 hommes, et 1 an pour devenir le souverain du nouveau royaume du Siam ! Quels exploits accomplis !

 

 

Mais  si le nouveau roi Taksin avait établi son pouvoir à Thonburi, d’autres lui contestaient cette légitimité.

 

 

 

Les Birmans tout d'abord, certes défaits mais toujours menaçants. Le roi birman en 1768 avait ordonné au gouverneur birman de Tavoy, de joindre ses forces  à ceux de Ratchaburi, qui avaient été défaites. («Elle fut l'ennemie jurée de Thonburi, qu'elle affronta huit fois durant les dix premières années du règne de Taksin». (Wikipédia))

 

 

 

 

Les provinces de Nakhon Sithammarat était gouverné par le «roi» Musika. Les provinces de l’Est incluant Korat, étaient sous le pouvoir du «roi» Thephipit, avec sa capitale à Pimai. La province de Phitsalunok et une partie de Nakhonsawan, étaient sous le pouvoir du «roi» Ruang: Un moine bouddhiste nommé Fang, qui s’était fait roi en sa capitale Sawangburi (près de Utaradit) et se disait la réincarnation de Phra Ruang, un prince aux pouvoirs surnaturels auquel la région vouait un culte. Il avait levé une armée de moines  et  terrorisait les campagnes de la frontière du Lanna jusqu’à Phitsalunok.

 

 

Taksin dut aussi combattre plusieurs fois au Cambodge, qui avait repris son indépendance après la fin du royaume d'Ayutthaya, aidé par les Nguyen (Du Vietnam).

 

 

 

4/ Taksin dût les affronter pour réunifier le pays. Mais la reconquête ne fut pas aisée.

 

Comme pour l'article précédent, nous avons puisé librement dans le roman de Claire Keefe-Fox  « Le Roi des rizières », dont le  pacte de lecture assure que les faits racontés sont « vrais »  et dans nos trois articles à la lumière des versions de Terwiel et de Wood. (1)

 

 

 

 

En 1768, le roi Taksin prend donc l'initiative et attaque Phitsalunok. Il est défait et est même blessé à une jambe. Mais -heureusement pour lui- le gouverneur meurt peu après. Son fils craignant les prétendants choisit de devenir le vassal du roi du Siam. Mais l’allégeance de Phitsalunok fut de courte durée. Le prêtre fou de Fang, s’en était emparé, après un second siège de 3 mois. Il avait empalé le nouveau et récent gouverneur et contrôlait désormais tout le Nord jusqu’au Lanna.

 

 

A la fin de la saison des pluies en 1768, Taksin avait envoyé les frères Duang et Bunma -ses généraux et amis- soumettre la province de Phimai, malgré l’aide apportée par des forces birmanes commandées par Maung Ya. Thepiphit, son principal rival, fut fait prisonnier, et fut battu à mort, selon la coutume. Ils avaient ensuite poursuivi leur action au Cambodge.

 

 

(Certains attribuèrent à l’exécution de Thepiphit, la suite de calamités qui marquèrent 1769, cette année du bœuf. Il y avait eu deux tremblements de terre, la sécheresse et la famine, avec les rats et les souris.)
 

 

Fin 1768, Taksin avait également envoyé deux armées au sud pour prendre  Nakhon Si Thammarat. Mais elles furent vaincues. Taksin était venu alors en personne avec sa flotte et avait vaincu dès le premier jour de combat, les troupes de Nakhon Si Thammarat. La ville s’était rendue sans combattre. Le gouverneur  avait fui, mais il fut fait prisonnier par le gouverneur fidèle de Pattani et remis au roi Taksin qui étrangement lui accorda le pardon. Taksin put remonter sur Thonburi en mars 1769.

 

 

Terwiel nous raconte que durant cette période, le roi Taksin fut exemplaire. Il interdit à ses soldats de tuer les fermiers ou de les voler, et les employa pour construire des bateaux de guerre. Il fournit des fonds pour reconstruire des temples et fit des donations pour les moines.

 

 

 

Claire Keefe-Fox raconte que lors de la cérémonie de reddition, le Sangha, le clergé de la Province réunie, était dans la crainte des décisions de Taksin. Il leur donna sa protection, offrit à chacun, un boisseau de riz et un bath d’argent. Certes, il leur prit l’exemplaire des Tripitaka, le livre sacré, mais afin, leur dit-il, de le faire copier, pour que chacun puisse connaître l’enseignement de Bouddha. Outre l’or et l’argent, il avait décidé également d’emmener à Thonburi, la troupe de théâtre de femmes, pour qu’elles puissent y fonder une école et remettre à l’honneur la tradition ancestrale du spectacle du Ramakien.

 

 

 

 

 

Sa victoire fut complète avec la reddition du Prince gouverneur, qui fut surpris d’être épargné, libéré avec tous les prisonniers. «Enfin, le maléfice était rompu, Taksin était débarrassé de ses peurs irrationnelles et de ses haines aveugles.».

 

 

 

1770. Il était temps pour Taksin de reprendre Phitsalunok et Chiangmai.

 

 

Les versions de Terwiel et de Claire Keefe-Fox sont très différentes.

 

 

Pour Claire Keefe-Fox, si Taksin prépara longuement cette campagne, sans négliger le moindre détail. Il passa des commandes  de mille fusils anglais auprès du capitaine Leck (faisant commerce aussi avec le royaume d’Ava). (Il apprit par lui que la guerre sino-birmane était terminée, et que le roi Mangra envisageait de nouveau d’attaquer le Siam).

 

 

 

 

Taksin avec son armée siamoise  de 10.000 hommes ne rencontra aucune résistance lors de sa marche vers le Nord. En  moins  de 15 jours après avoir quitté Thonburi, il avait pu reprendre Phitsalunok et constater la fuite du prêtre Fang.

 

 

Mais Taksin de retour à Thonburi, avait été surpris de voir les troupes de Duang et de Bunma, ses généraux de l’armée de l’Est, partis conquérir le Cambodge, qui lui apprirent   qu’ils étaient en fait revenus car ils avaient reçu des informations d'après lesquelles ’l'armée siamoise avait été massacrée et le roi tué.

 

 

Pour Terwiel, en mars 1770, Taksin avait décidé d'attaquer Chiangmai occupé par les Birmans, avec une armée de 15 000 hommes, en contournant le territoire tenu par le prêtre Fang. Mais ne constatant aucun point faible dans la défense de la ville, il décida la retraite.

 

 

Mais de retour à Thonburi, de nombreux bateaux étaient arrivés chargés de riz, qu'il distribua à la population. Il vit  là une opportunité d'attaquer Phra Fang à Sawangkhaburi. Entre mai et juillet 1770, trois armées, dont l'une de 12 000 hommes commandée par Taksin lui-même, flanquée de chaque côté par deux forces de 5 000 hommes, attaquèrent Sawangkhaburi qui céda à la 1ère attaque.

 

 

Il resta plusieurs mois pour réorganiser la région, principalement pour réinstaller les fermiers sur les terres et purifier le clergé bouddhiste, car si Phra Fang s'était enfui, quatre  superviseurs avaient été pris et emprisonnés à Thonburi.

 

 

Désirant obtenir l’adhésion des habitants, il épargna les soldats de la garnison, organisa l’approvisionnement en riz des campagnes, maintint à leur poste les chefs des mueang qui avaient été justes. Quant aux moines - et là Terwiel et Claire Keefe-Fox s'accordent- ne pouvant distinguer ceux qui avaient suivis Fang, il les soumit à l’épreuve de l’eau (demeurer sous l’eau le temps de 3 klan), et durent confesser leurs fautes. Les coupables furent battus au rotin et tatoués pour qu’ils puissent être reconnaissables. Une cérémonie de six jours vint clore la paix retrouvée avec le sangha du Nord-Est.

 

 

A la fin de 1771, Taksin avait réunifié un grand royaume, mais la menace birmane était encore présente au Nord, à Chiangmai, et il se devait, une nouvelle fois intervenir au Cambodge.

 

 

 

Le Cambodge et les multiples versions  (1771- 1773).

 

 

Pour Terwiel, Taksin décida à la fin de la saison des pluies de 1771 de vassaliser de nouveau le Cambodge, qui avait repris son indépendance après la fin du royaume d'Ayutthaya en 1767. Deux armées de  10 000 hommes furent formées; l'une commandée par Bunma, l'autre par Taksin qui arriva par bateaux sur les lieux du combat. Au début, les troupes siamoises ne rencontrèrent qu'une faible résistance au port de Bantheay Meas, mais  au début de 1772 une armée annamite tenta d'expulser les Siamois. Tewiel nous dit que Taksin put les contenir en 1772 et 1773, mais la menace d'une invasion des Birmans depuis Chiangmai l'obligeait de nouveau à les combattre pour garder Phichai, au nord de Phitsalunok. (Ce qu'il fit en 1774)

 

 

Claire Keefe-Fox et Wikipedia disent toute autre chose.

 

 

Dès 1769, le Cambodge devait faire face à la rivalité de deux frères. L’ainé  Ramraja ( ?) défait par son frère qui avait bénéficié  de l’aide des Annamites se réfugia auprès de Taksin, à qui il demanda son aide. Celui-ci vit là une occasion de reconquérir le Cambodge.

 

 

« En 1770, Taksin attaqua les seigneurs Nguyên  pour le contrôle du Cambodge. Après des défaites initiales, l'armée siamoise-cambodgienne réussit à vaincre l'armée vietnamienne en 1771 et 1772. En 1773, les Nguyen conclurent un traité de paix avec Taksin, par lequel ils lui abandonnaient une partie de leurs territoires du Cambodge. Ces événements provoquèrent la rébellion des Tay Son, qui finirent par renverser les Nguyen. Mais il fallut attendre 1779 pour que  l'ensemble du Cambodge redevienne un État vassal du Siam en 1779.» (Selon wikipédia).

 

 

Le roman de Claire Keefe-Fox -quant-à-lui- raconte que, juste avant le nouvel an chinois, Taksin avait envoyé au Cambodge par voie de mer une armée de quinze mille hommes, deux cents jonques et deux cents barges de guerre, avec Duang à sa tête,  prenant ainsi l’ennemi à revers, par le Sud. Cette décision avait été prise préventivement, pour empêcher que le Cambodge s’allie avec les Birmans qui venaient d’occuper Vieng Chang et Luang Prabang au Laos.

 

 

Il est dit que le monarque cambodgien se soumit à Duang, le nouveau Phraya Chakri, à Angkor Thom, une ancienne capitale, dont personne ne savait pourquoi elle avait été abandonnée.

 

Mais la rivalité entre le Siam et l'Annam pour le contrôle du Cambodge est une histoire plus mouvementée  que ces versions.

 

 

Dans un autre article (Cf. (2)),  nous disions que le roi du Cambodge Outey II (1758-1775) avait refusé de reconnaître  la suzeraineté du nouveau roi Taksin installé à Thonburi. Celui-ci tenta alors d’imposer un prince khmer, Ang Non, à Oudong en 1770. Outey II appela alors la cour de Hué à son secours qui envoya une   l'armée  qui mit en fuite les Siamois (1771). Mais le protégé du Siam, Ang Non, s'était cependant retranché à Kampot, d'où il dirigea une guérilla contre son rival. Le pays était en ruine. Les Siamois avaient encore déporté à l'ouest une partie de la population. Le Vietnam, affaibli en 1774 par la révolte des Tayson, ne pouvait rien faire. Le Cambodge revint alors sous la tutelle du Siam.

 

 

 

 

Mais une tutelle pendant laquelle Siamois et Annamites continuèrent à s'affronter, au milieu des complots, des rivalités et luttes princières entre frères et sœurs, révoltes populaires, invasion successives du Siam et de l’Annam, occupation et vassalité conjointes, co-suzeraineté, tentative d’annexion, des territoires cédés et repris, des interventions incessantes…

 

 

Ainsi, si Ang Non II avait mis à profit la révolte des Tay Son qui s’étaient emparés de Hué  et avaient renversé en 1774 la Dynastie Nguyen pour monter sur le trône  avec l’appui du Siam, il devra déjouer complot, révolte, trahison, avant d'être assassiné par des agents vietnamiens en août 1779. Ses quatre fils seront exécutés la même année dans la forteresse de Banthaiphet par ordre du mandarin Mou, gouverneur de Trang,  régent du royaume.

 

 

Toutefois, il faut rappeler qu'en  1772, la Chine  reconnaissait enfin  Taksin comme le souverain légitime de Siam.

 

 

Dès sa prise de pouvoir, Taksin avait voulu légitimer son pouvoir par une reconnaissance du roi de Chine, qui lui avait fait parvenir une réponse humiliante sur la foi d'un rapport du prince de Chanthaburi. Mais en 1772, l’ambassadeur siamois avait été bien reçu à la cour de l’Empereur Qianlong.

 

 

 

 

1774-Janvier 1775. Taksin reprend Chiangmai.

 

 

 

Les  Birmans ayant conclu  la paix avec la Chine  pouvaient de nouveau attaquer le Siam en 1774.

 

 

 

 

L’armée birmane attaqua Phitchai, une petite citadelle au nord de Phitsalunok, mais Bunma  réussit à la repousser, et elle se retira à Chiangmai. Taksin profitera que les Birmans soient occupés par une rébellion des Mons pour  attaquer et prendre facilement Chiangmai en janvier 1775 (Selon Terwiel).

 

«C'est d'Ayutthaya que vint le secours. Le roi Taksin venait à peine de relever les murailles de sa capitale, quand le Chao Fa Chai Kéo apprit qu'il se disposait à envahir le Lanna pour s'y mesurer avec les Birmans. Avant de s'engager avec les Siamois, les sept frères tinrent conseil, car ils couraient un grand risque et leur père était à ce moment entre les mains des sbires d'Alaungphaya. Ils finirent par promettre leur concours à Taksin qui parvint devant Chiangmai à la tête d'une armée. La ville fut  livrée aux Siamois qui délivrèrent Chao Fa Chai Kéo de la cage où les Birmans le tenaient enfermé (1774).

 

 

 

 

Cet événement mémorable eut pour conséquence de placer le Lanna sous l'influence du Siam, qui en 1778 étendit de même son autorité sur le Lan Chang. (Extrait de notre article 108. Le royaume thaï du nord, le Lanna. (1564-1939)) (3)

 

 

 

 

Taksin revient à sa capitale Thonburi en février 1775, où il apprend qu'une autre armée  birmane a envahi le Sud et va prendre Ratchaburi. Il ne peut démobiliser son armée et appelle en renfort une  réserve de troupe venant du  nord. Il applique une discipline stricte et vainc les Birmans rapidement pour revenir victorieux en avril à Thonburi. (Claire Keefe-Fox donne une version complètement différente. (Cf. (4))

 

 

En mars 1776, les Birmans attaquent de nouveau  et reprennent Phitsalunok, contrôlant ainsi le Nord. Terwiel estime que les Siamois vont «profiter» de la mort du roi birman Hsinbyushin [10 juillet 1776] et de la décision du nouveau roi Singu Min [1776-1782] de se retirer,  faute de pouvoir  contrôler Chiangmai. (Quand?)

 

 

 

 

Claire Keefe-Fox  raconte une autre histoire et évoque un retour de l'armée siamoise épuisée et affamée à Thonburi en 1777,  après  deux ans de batailles ininterrompues à Phitsalunok, après avoir subi une terrible défaite. Qui dit vrai ?

 

 

En 1777 (?) Taksin décide de réprimer  la principauté lao de Champassak, qui  avait soutenu le gouverneur de Nangrong qui s'était rebellé contre lui. Le général siamois  Phaya Sourasi avait attaqué le Cambodge puis remonté vers le nord pour faire jonction au Champassak avec le général Phaya Chakri. Le chef de Champasak avait été capturé et avait demandé à être désormais le vassal du Siam, mais il fut décapité.

 

 

 

 

 

En 1778, sous le prétexte d’un affront, Taksin avait demandé à ses deux fameux  généraux, les frères Bunma et Tong Duang (Phraya Chakri)  de prendre Vientiane et Luang Prabang.

 

 

 

La victoire n’avait pas été aisée et le siège de Vientiane (Vieng Chan) avait été sanglant. Bunma avait même fait décapiter tous les prisonniers laos, puis avait fait empiler les têtes dans une barque sur le Mékong afin qu’elles soient vendues devant la ville, qui avait été prise au bout de quatre mois. Phraya Chakri quant à lui, avait vaincu Luang Prabang. L'invasion du Laos avait été un succès et les troupes siamoises étaient revenues en avril 1779 à Thonburi avec de nombreux prisonniers laotiens dont un grand nombre fut installé dans le district de Saraburi.

 

 

Ils avaient auparavant reçu l’ordre de Taksin, d’apporter  à Thonburi, le Phra Bang, la statue d’or très vénérée de Luang Prabang, ainsi que le Bouddha d’émeraude  de Vientiane. Taksin les accueillit à la tête d'une procession de 246 embarcations. Ils furent déposés au Wat Arun (temple de l'Aube). Le Bouddha d'Émeraude est depuis devenu l'emblème religieux de la Thaïlande. (Pour son histoire, Cf. (5))

 

 

 

 Le roi Taksin, un roi bipolaire  ?

 

 

Il faut savoir que durant son règne, le roi Taksin a connu de temps en temps  des  «désordres psychiques ». On dirait aujourd'hui  qu'il souffrait de  troubles bipolaires. (6)  Il oscillait entre des périodes d'exaltation, d'irritabilité extrême qui pouvaient conduire à des délires ou des hallucinations et des périodes de dépression, souvent entrecoupées par des périodes de stabilité. Un état maniaco-dépressif  qui pouvait l'amener à des actes très généreux ou cruels, plaçant ses interlocuteurs dans la crainte de ses décisions imprévisibles.

 

 

 

 

 

 

Il avait par exemple, nous raconte  Claire Keefe-Fox,  ordonné le viol en public, par ses rameurs et ses boxeurs, de deux de ses princesses qu’il aimait et de deux pages soupçonnés de relations adultères, avec les supplices qui s’ensuivirent. Il avait ensuite rassemblé toutes ses femmes et annoncé qu’il allait mettre fin à ses jours et avait demandé quelles étaient celles qui étaient prêtes à le suivre. Il devenait imprévisible, exalté, dangereux. Il passait ses journées en méditation ou se promenait incognito dans les marchés, à l’affût de la moindre rumeur, dans la peur, disaient certains, de perdre son trône. La confiance était ébranlée. Puis il retrouvait ses esprits et redevenait le général adulé.

 

 

Ainsi par exemple, en 1770, il avait  fait décapiter un marchand chinois de Chantabun, qui n’était pas venu assez vite le saluer; bien que celui-ci lui avait pourtant offert sa fille Ngoen et son fils Thong. Après la victoire de ses troupes au Cambodge en 1771, la santé mentale de Taksin s'était altérée. Il avait  de nouveau des accès de rage

 

 

Mais surtout cette fois-ci,  il avait déclaré devant le général en chef et ses officiers, et les mandarins de la Cour, qui allaient repartir renforcer les troupes de l’Ouest, que ses méditations et ses jeûnes l’avait amené au rang des divinités, un bouddha en devenir, avec de nouveaux pouvoirs. Et «Je suis maintenant en mesure de me transporter par les airs, et je pourrai donc, lorsque j’en aurai le loisir, venir voler au-dessus de vos têtes et m’assurer que vous faites mes volontés, et que vous combattez bien.» (In Keefe-Fox) Il avait poursuivi en les informant que leurs parts de butin rapporté du Cambodge leur seraient livrées, mais qu’il les invitait à renoncer aux possessions terrestres et suivre la voie de la sainteté. On imagine la  tête de tous les auditeurs. On pourrait bien sûr multiplier les exemples.

 

 

 

 

Terwiel confirme les décisions excentriques prises par Taksin, lors de ses audiences quotidiennes, que son chef conseiller vivait dans la peur. Claire Keefe-Fox nous dit que  la situation n’avait fait qu’empirer. Les mandarins, l’armée et le peuple subissaient en silence les brimades et tyrannies du roi, toujours dans ses dévotions successives en compagnie de deux ou trois bonzes et astrologues, ou apparaissant  pour proclamer «un nouvel impôt pour telle et telle confrérie de marchands ou guilde d’artisans», une nouvelle taxe, une nouvelle exécution.

 

 

Les conflits se multipliaient. Terwiel signale que Taksin avait déjoué une attaque navale vietnamienne dont l'intention était de prendre Thonburi. Mais il avait dénoncé une conspiration de plusieurs chefs vietnamiens résidant à Thonburi et en novembre 1780 avait exécuté 50 d'entre eux, et déporté d'autres à la frontière. Il avait fait arrêté et exécuté le moine Maha Da d'Ayutthaya, devenu trop indépendant et qui s'était octroyé des prérogatives royales en nommant des praya. Il entra également en conflit avec le patriarche qu'il rétrograda et avec de nombreux moines sur des questions de doctrine considérant comme une insulte que de simples moines osent lui donner tort.

 

 

Mais en 1781, les signes de «folie»  sont plus évidents. Il se prend pour un bodhisattva, fait fouetter les moines qui en doutent, et multiplie les exactions, faisant torturer, exécuter de hauts mandarins pour des raisons confuses. Tous ceux qui l’approchent finissent par craindre pour leur vie, et le mécontentement devient général.

 

 

La fin du roi Taksin en 1782. Rébellion, trahison, coup d'État et son assassinat.

 

 

Taksin avait envoyé un nouveau gouverneur à Ayutthaya  chargé de traquer tous les moines qui pourraient contester son pouvoir.  Mais beaucoup s'étaient révoltés en l'accusant  de piller les temples sous prétexte de lever l’impôt.  En mars 1782, le roi Taksin  avait alors « dépêché un de ses mandarins, Phra Sun (ou phraya  Sankaburi pour Wood)), pour l’arrêter, nous dit Claire Kee-Fox, ou pour restaurer l'ordre, car le gouverneur avait été tué, nous dit Terwiel.

Mais loin de mater la révolte, Phra Sun en profita pour organiser des troupes et marcher sur la capitale.

 

 

Assiégé, Taksin choisit de négocier son abdication pour son fils par l'entremise du nouveau Patriarche et  de ses deux maîtres en méditation Phra Wannarat et Phra Rattanamun, et de lui permettre de devenir un simple moine au Wat Chaeng.

 

 

Phraya Sun forma un gouvernement avec Chaophraya Mahakasatsuk, Phraya Ramanwong et Kromakhun Anurakongkhran, qui en serait devenu le chef. Mais Terwiel nous informe que ce ne fut pas si clair et que différentes versions s'affrontent.

 

 

Ainsi, il nous dit que Chaophraya Mahakasatsu'k (Chao Phraya Chakri?) ayant appris l'abdication de Taksin se déclara son successeur. Il demanda à Bunma d'isoler  Kromakhun Intharaphitak et envoya un message à son neveu, Phraya Surya Aphai, le gouverneur de Korat (Nakhon Rachasima) pour qu'il parte au plus vite pour contrôler la capitale. Il arriva  avec mille soldats siamois et laociens, moins de 15 jours après l'abdication de Taksin. Kromakhun Anurakongkhran alla au-devant livrer bataille mais fut vaincu et emprisonné.

 

 

La version de Wood dans son «Histoire du Siam» est plus clair; ce qui ne veut pas dire plus vraie. (7)

Phraya Sankaburi (Phraya Sun ), après avoir contraint Taksin à l'abdication et à prendre la robe de moine, prend donc la direction des affaires. Mais Phraya Surya Aphai, le gouverneur de Korat, ayant appris  la rébellion et le coup d'État a envoyé un message à Chao Phraya Chakri, qui était encore à Siemrap (Cambodge) avec ses troupes. En réponse, il lui demanda d'aller de suite avec ses soldats prendre la capitale avant son arrivée. Mais Phraya Sankaburi avait l'intention de se faire roi. Il utilisa le Trésor pour se faire des alliés. Il libéra le neveu de Taksin, le Prince  Anurak Songkram, lui fournit des troupes pour qu'il puisse affronter Phraya Surya Aphai, mais il fut vaincu, fait prisonnier, et une moitié de ses troupes se joignit aux troupes victorieuses.

 

 

Phraya Sankaburi constata que sa cause était sans issue et qu'il valait mieux être en bon terme avec Chao Phraya Chakri qui arriva à la capitale avec son armée. (mi-avril dit Wood, mais ce fut plutôt au début avril) Il fut reçu en triomphe, par les notables, et le peuple qui jubilait. Phraya Sankaburi ne pouvait que s'incliner devant l'homme le plus puissant du royaume. Chao Praya Chakri se fit couronner le  6 avril 1782.


 

 

 

(Ou sous les noms de Phrabat Somdet, Phra Ramathibodi Sri Sinthra, Maha Chakri Borommanat, Phra Phutthayotfa Chulalok the Great). Ou sous le nom plus connu de Rama Ier établissant la  dynastie Chakri actuelle.

 

 

Devant le danger que représentait  Taksin qui  avait encore des fidèles dans le royaume, la situation troublée au Cambodge  et une invasion birmane  imminente,  Chao Phraya Chakri écouta les avis de son Conseil et décida le lendemain, la mort de Taksin.  Il fut enfermé dans un sac de velours pourpre, et battu à mort à coups de batte de bois de santal. Phraya Sankaburi et ses complices furent également exécutés.

 

 

(Les restes de Taksin furent enterrés au Wat Bang Yireua Tai, puis déterrés et brûlés sous l'ordre de Rama Ier en 1785.)

                                      _______________________

 

Le roi Taksin  était mort. Il avait 47 ans.

 

Il avait reconquis Ayutthaya le 7 novembre 1767, soit  8 mois après sa chute, réorganisé la Cour, l’Etat, son clergé, son administration, et  sa culture, réunifié le pays, refondé le royaume du Siam, en lui  redonnant son prestige d’antan, vassalisant Chiangmai, Champassak,  les royaumes lao et une grande partie du Cambodge, en moins de 15 ans!

 

 

Il est devenu un héros national que l'on honore chaque année le 28 décembre (jour de son couronnement); et que l'on appelle désormais  «Taksin le Grand» (ตากสินมหาราช – Taksinmaharat)-, par décision gouvernementale depuis le 27 octobre 1981.

 

 

 

 

 

NOTES ET RÉFÉRENCES.

 

 

(1) 113. Le roi Taksin, «Taksin le Grand». (1768-1782).

http://www.alainbernardenthailande.com/article-113-le-roi-taksin-taksin-le-grand-1768-1782-122163306.html

 

114. Le roi Taksin, chef de l’État. (1768-1782)  (La cour, l’administration, le Sangha, et la culture.)

 http://www.alainbernardenthailande.com/article-114-le-roi-taksin-le-chef-d-etat-1768-1782-122246092.html

 

115.1 La représentation romanesque du règne du roi Taksin  (1767-1782). Selon le roman «Le Roi des rizières » de Claire Keefe-Fox, Plon, 2007.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-115-1-la-representation-romanesque-du-regne-du-roi-taksin-1768-1782-122246116.html

 

115.2  La représentation romanesque du règne du roi Taksin  (1768-1782). (Suite.)

http://www.alainbernardenthailande.com/article-115-2-la-representation-romanesque-du-regne-du-roi-taksin-1768-1782-122246151.html

 

 B. J. Terwiel, «Thailand's Political History, from the 13th to recent times», River Books Production, 2011. In Ch 3. Tumult and reform (1767-1782), pp. 54- 79.

 

W.A.R. Wood, A History of Siam, T. Fisher Unwin. 1926

 

(2) 10.5 Notre Isan Au Temps De La Rivalité Du Siam Et De L'Annam

http://www.alainbernardenthailande.com/article-10-5-notre-isan-au-temps-de-la-rivalite-du-siam-et-de-l-annam-72127678.htm

 

(3) 108. Le royaume thaï du nord, le Lanna. (1564-1939)

http://www.alainbernardenthailande.com/article-108-le-royaume-thai-du-nord-le-lanna-1564-1939-121187351.html

 

(4) Les Birmans avaient traversé le col des Trois Pagodes et étaient arrivés jusqu’à  25 miles de Thonburi. Ils avaient été repoussés par Bunma avec la petite force dont il disposait (Les troupes étant encore à Chiang Mai).  Les Birmans avaient alors pris Ratchaburi.  Bunma avait demandé des renforts. Taksin ne consentit qu’à dépêcher son fils, « ce curieux Kromakhun, un peu falot ».


 

 

 

Bref, il fallut attendre plusieurs mois, alors que chacun restait sur ses positions pour que Taksin décidât d’engager sa royale personne et « plus de 8.000 officiers et soldats, et 227 fusils et canons ». Devant les troupes assemblées, il s’étonna qu’ils avaient toujours besoin de lui pour vaincre, et qu’il récompenserait ou sévirait chacun selon ses mérites. Il fut plus explicite en promettant à ses soldats, qu’en cas d’échec à Ratchaburi, il ferait emprisonner leurs femmes et leurs enfants.

 

 

Ils vainquirent après des mois de siège et des combats acharnés, avec des maladies qui faisaient de nombreux morts. L’assaut final fut célébré par une pluie miraculeuse qui gonfla les rivières et leur permis d’encercler les Birmans par bateau.

 

 

Taksin était resté auprès de son armée, malgré sa mère mourante. « Il y avait des lunes et des lunes qu’on ne lui avait connu aucune de ses crises de rage.» Il offrit une sakdina considérable aux deux commandants birmans qui avaient acceptés de se mettre à son service.

 

(5) Pour l'histoire sur le Bouddha d'émeraude.

Cf. Notre article: http://www.alainbernardenthailande.com/2016/11/h-5-a-propos-du-boudha-d-emeraude-du-wat-phra-keo.html

 

(6) Taksin, bipolaire?

Le trouble bipolaire (ou trouble maniaco-dépressif, anciennement classifié sous les termes de psychose maniaco-dépressive (PMD) ou maladie maniaco-dépressive (MMD)) est un diagnostic psychiatrique décrivant une catégorie de troubles de l’humeur définie par la fluctuation anormale de l’humeur, oscillant entre des périodes d'élévation de l'humeur ou d'irritabilité (manie ou dans sa forme moins sévère d'hypomanie), des périodes de dépression et des périodes euthymiques. Plus rarement le trouble bipolaire peut se caractériser par une phase maniaque sans présence de phase dépressive. Les individus souffrant de trouble bipolaire peuvent également faire l'expérience d'épisodes mixtes durant lesquels les symptômes de manie ou d'hypomanie tel que l'excitation par exemple et les symptômes de dépression tel que la tristesse sont ressenties en même temps. Ces événements sont souvent entrecoupés par des périodes de stabilité. Chez certains individus, la dépression et l'excitation peuvent rapidement alterner. Un état maniaque très intense peut conduire à des symptômes psychotiques tels que les délires et les hallucinations. (Wikipédia)

 

 

(7) W.A.R. Wood, A History of Siam, T. Fisher Unwin. 1926

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16 juin 2020 2 16 /06 /juin /2020 03:37

 

 

Partie 1: Origine et carrière, de la prise d' Ayutthaya le 7 novembre 1767 jusqu'à son couronnement le 28 décembre 1768.

 

 

On peut comprendre que le roi Taksin soit honoré par une fête nationale le 28 décembre (jour de son couronnement) et que le gouvernement en 1981 ait décidé que l’on l’appellerait désormais «Taksin le Grand» (ตากสินมหาราช – Taksinmaharat)  -

 

 

N’a-t-il pas reconquis Ayutthaya le 7 novembre 1767, soit  8 mois après sa chute, réunifié le pays, refondé le royaume du Siam, en lui  redonnant son prestige d’antan, vassalisant Chiangmai, les royaumes lao et une grande partie du Cambodge en moins de 15 ans.

 

 

Qui aurait pu imaginer que le gouverneur de Tak, qui avait réussi à fuir Ayutthaya  assiégé par les Birmans, en janvier 1767 avec 500 hommes, aurait pu refonder un nouveau royaume en si peu de temps?

Il faut se rappeler ce que fut la fin du royaume d’Ayutthaya, fin avril 1767: tout fut pillé, les métaux précieux fondus, les temples et leurs statues de Bouddha incendiés, tous les documents brûlés, la population jugée peu utile massacrée avec cruauté, toute la population active et «l’ex» roi Uthumpon et la famille royale emmenés en déportation en Birmanie.

 

 

 

Il est difficile d'imaginer l’épopée, le destin exceptionnel de cet homme, de ce «héros national». Un destin fabuleux que le cinéma thaïlandais a raconté, l'inscrivant dans l’histoire siamoise comme une page essentielle du nationalisme thaï, comme il l’avait fait pour cet autre héros, le roi Naresuan, ou le village de Bang Rachan (บางระจัน) ayant résisté pendant cinq mois à l’armée birmane (1). Une histoire qui a inspiré Claire Keefe-Fox qui raconte l’histoire du roi Taksin dans son roman « Le Roi des rizières », dont le  pacte de lecture assure que les faits racontés sont « vrais » et puisés aux meilleures sources. (Cushman, Gesik, Jacq-Hellgoualch, Launay, Nyen, Smithies, Wood, Wyatt, la thèse de doctorat de Jacueline de Fels consacrée au roi de Thonburi, et les Archives des Missions Etrangères de Paris).

 

 

Nous avons consacré trois articles à ce règne dans «Notre Histoire de la Thaïlande», (2) que nous reprendrons – ici - librement, et que nous confronterons avec la version de Terwiel. (3)

 

 

 

 

1/ Origine et carrière avant la fin d’Ayutthaya en 1767.

 

 

 

 

 

Le futur Taksin serait né le 17 avril 1734, d’un père chinois, originaire de Chao Zhou avec des racines dans le district de Chenghai, et d’une mère thaïe. (d’origine Teochiu, selon Claire Keefe-Fox). Il reçut le nom de Sin (สิน - Trésor). Wikpédia lui donne le métier de collecteur d’impôts, alors que Claire Keefe-Fox le fait tenancier de tripot à Ayutthaya, et Terwiel lui attribue un monopole sur les jeux du district, qui lui donnait de fait, une place dans la bureaucratie officielle. Il lui donne le nom de Khun Phat Nai'akon et signale qu'il  a grandi avec les deux langues. (3)

 

 

Claire Keefe-Fox présente son père comme un triste individu qui se serait enfui pour faillite, en abandonnant sa femme enceinte. Sa mère désespérée, aurait  glissé un cobra dans le  couffin de Sin et l’aurait laissé dans un marché. On le retrouvera sain et sauf, le cobra lové autour de lui. La femme du Chakri - le mandarin du royaume le plus titré - a cru à la chance offerte et  aurait demandé à son mari de l’adopter. Terwiel quant-à lui présente une légende différente, tout en signalant qu'on peut trouver différentes versions (Il cite G. E. Guerini, K. P. Landon, J. Stransky, M.J. Smith).

 

 

Quand il eut trois jours, il fut trouvé avec un serpent enroulé sur son corps. Son père vit cela comme le  présage qu'il serait tué mais sa mère ne croyait pas au présage et se querella. Cela arriva aux oreilles de Chaophraya Chakri (เจ้าพระยา จักรี) le chef du ministère Mahatthai [de l'Intérieur], qui habitait en face de Khun Phat, qui décida d'adopter l'enfant.

 

 

 

 

Comme Chaophraya Chakri venait de réussir de bonnes transactions financières, il l'appela Sin (Trésor). L'enfant était intelligent et reçu la meilleure éducation, tout d'abord à l'école du monastère  de Wat Kosawat (วัดโกศาวาส)  - pendant 7 ans avions-nous dit -  et plus tard il servit comme page au Palais royal.

 

 

 

 

Toutefois, ajoute Terwiel, il était courant que des parents confient leur enfant à une riche famille afin qu'il puisse recevoir une bonne éducation. Terwiel nous apprend également que Sin devint moine au monastère de Kusawat où il suivit le carême (40 jours), mais s'il ne voulut pas se faire ordonner, il put y poursuivre sa retraite et ses études durant trois années. Terwiel poursuit.

 

 

Il obtient ensuite un poste d'assistant auprès du roi Borommakot pour les relations avec le Ministère de l'Intérieur. Après la mort  du roi Borommakot en 1758, et la « querelle » de succession en faveur d'Ekathat, il est envoyé en mission d'inspection  de quelques muang du Nord. Puis il est nommé Luang Yokrabat dans une petite ville (4e rang) de Tak. Cette nomination lui vaut de recevoir une sakdina de 500. En 1760, il est promu vice-gouverneur avec une sakdina de 600 et quand le gouverneur décède, il devient gouverneur à son tour, avec une sakdina de 3.000 et le rang de phraya.

 

 

(Évidemment, pour mesurer l'ascension sociale de Taksin, il faut savoir à quoi correspond une sakdina. Cf. Notre article (4))

 

 

 

 

Cette position  de gouverneur  le fait  commandant en chef de l'armée provinciale. Aussi n'est-il pas étonnant de le voir prendre part à la guerre contre les Birmans en 1764 où il aurait joué un rôle important dans la bataille près de Phetchaburi (Terwiel) et ensuite dans l'armée d'Ayutthaya entre 1764 et 1766. Il fut promu gouverneur de la province de Kamphaeng Phet, mais en note, Terwiel estime que cette  promotion ne fut pas effective car la province était occupée par les Birmans.

 

 

(Claire Keefe-Fox précise qu'il ne put  tenir la place désespérée de Phetchaburi, attendant en vain les 10.000 hommes et 500 éléphants demandés et n'hésite pas dans son repli à  en faire l'organisateur de la résistance des villageois de Bang Rachan (Si célèbre dans l'histoire du Siam), avant qu'il revienne  sur la capitale avec ses soldats épuisés, blessés. (Vérité romanesque?))

 

 

 

 

Ensuite toutes les sources, à leur manière, vont raconter le rôle joué par Taksin dans la défense de la capitale en 1766 et les circonstances qui vont le conduire à quitter Ayutthaya avec 500 volontaires (1.000 dit Terwiel) en janvier 1767. Claire Keefe-Fox, nous raconte que le roi était dans son monde, qu'il jubilait, car il avait gardé en  réserve ses troupes d’élite, invisibles ! Il fit même interdire le canon qui faisait sursauter ses concubines et que Taksin avait même été arrêté quelques jours pour avoir désobéi aux ordres. Il fallait ajouter les rumeurs, la faim, les épidémies, bref le constat, selon Taksin  que la capitale était devenue indéfendable, et qu'll fallait, après avoir recruté des volontaires, quitter la capitale pour poursuivre le combat dans le Sud. Terwiel ajoute qu'en novembre 1766, Taksin effectua un raid à l'extérieur de la capitale et  put tenir un bastion près de la capitale, jusqu'en janvier 1767, où un grand incendie s'y déclara.

 

 

 

2/ Taksin parvient à reconstituer une armée en 8 mois et à reprendre Ayutthaya le 7 novembre 1767, après seulement 2 jours de combat.

 

 

Taksin avait donc quitté Ayutthaya avec ses partisans avec l'intention de rejoindre  Prachinburi, pour lever des troupes en faisant jouer les relations familiales de son père, d’origine Teochiu, qui était en forte concentration dans cette région. Il avait obtenu de nombreux  ralliements dont les plus importants furent Thong Duang (Le futur général, son ami d’enfance, Chao Phraya Chakri, chef de ses armées et successeur (Rama 1)),  et son frère, Nai Sudchinda (Boonma)).

 

 

 

 

Il prit ensuite la route  en direction de la côte, tout en évitant le fleuve, toujours aux mains de l’ennemi. La première bataille importante fut la prise de la citadelle siamoise de Chantabun, qui était la clé de la côte et son port le plus sûr. Elle allait lui servir comme la première base pour commencer la reconquête du Siam. Autour, Rayong, Chonburi et d’autres petites villes tomberont et lui apporteront de nouvelles recrues et argent. Il se sent suffisamment fort pour se faire élire comme le nouveau roi du Siam en mai 1767.  Mais pendant ce temps  à l'est, le Prince de Chantaburi refusait son allégeance et préparait sa défense.  Le 15 juin 1767,  Taksin s'empara de Chantaburi, dont il fit son quartier général et son arsenal. Il y fit construire une soixantaine de balons (long bateau avec rameurs) Il obtint ensuite la soumission de Trat (frontière du Cambodge); une bataille navale lui permit de s'emparer des jonques chinoises présentes dans la baie. Il  organisa son nouveau « royaume » en nommant des nouveaux gouverneurs et chefs, mun, khun, luang, et phra  chargés de faire respecter le nouvel ordre et nouvelles lois.

 

 

Il annoncera à ses  troupes son projet de former une immense armée afin de reprendre la capitale, de la faire renaître sous la protection de la sainte religion bouddhiste en chassant alchimistes, magiciens, et faux prêtres.

 

 

 

 

Il était sur tous les fronts: organisant, (provisions de poudre et de munitions), encourageant la production des armes, prenant attention à la formation et à l’exercice, (former des  artilleurs, exercice de tirs, de combats aux sabres), intégration des nouvelles recrues). Il participe lui-même aux entraînements, aux manœuvres comme celles d’abordage des bateaux, maintenant construits, sollicite et lit attentivement les rapports, a nommé Phra Sena, ministre de la Défense (pour se le concilier) … en vue d’un départ prévu en octobre, après la saison des pluies. En moins de huit mois, il a su intégrer des hommes venus d’horizons divers, leur apprendre à travailler ensemble, les former, organiser une véritable armée, avec des bataillons d’éléphants, une cavalerie, et une flotte d’une centaine de bateaux, et était prêt pour reprendre Ayutthaya.

 

 

 

 

Ils mirent 3 semaines pour arriver à Ayutthaya, depuis l’embouchure du grand fleuve. Ils avaient avancé en silence, pris les deux forts de Bangkok tenus par les Birmans aidés par les Siamois enrôlés de force qui s’étaient libérés. Et ils étaient repartis aussitôt sur Ayutthaya pour empêcher les Birmans, prévenus, de préparer leur défense. Ils avaient dû subir une attaque surprise de bateaux de guerre birmans et les avaient défaits. Taksin avait fait parler des prisonniers et appris que le commandant birman Sukyi avec une troupe de 3.000 hommes,  était installé, comme au temps du siège, au camp des Trois Figuiers, en amont de la capitale, secondé par Maung Ya qui venait de les attaquer. Mais Taksin avait aussi appris que la garnison était composée de prisonniers, non seulement siamois mais aussi de Môns, de Karens; une garnison affamée, prête à déserter. Effectivement, après deux jours à peine de combat, le général Sukyi, par la voix de l’ancien chambellan du palais du Devant, offrait sa reddition. Taksin l‘accepta en offrant au général Sukyi de partir ce jour même avec cinq hommes.

 

 

 

8 mois après sa chute, Ayutthaya était repris  le 7 novembre 1767. 

 

 

Taksin se rendit compte qu’Ayutthaya était désormais indéfendable et aurait coûté trop cher à reconstruire. Il décida qu’il fonderait la nouvelle capitale à Thonburi.

(Hsinbyushin, le roi birman ne put réagir devant repousser une attaque chinoise à ses frontières.)

 

3/ Taksin devient chef d’Etat à Thonburi, sa nouvelle capitale. Il s’y fait couronner  le 28 décembre 1768 et doit réorganiser le nouveau royaume.

 

 

Claire Keefe-Fox nous raconte que Taksin s’était fait couronner avec l’assentiment de tous les mandarins et de l’ancienne famille royale, survivants d’Ayutthaya. Il avait assuré sa légitimité en épousant quatre princesses royales qu’il avait fait libérer de la prison de Lopburi, dont  Chao Ubon, la propre fille de Thepiphit qui prétendait encore à la couronne. Très vite, il avait refondé la Cour, avec son protocole, et les règles du roi précédent, présidé au Conseil.

 

 

Mas outre la Cour, il dut  refonder le royaume. Il était passé du rôle de chef d’armée à celui de chef d’Etat. Il fallait construire la nouvelle capitale, réorganiser le nouveau royaume.

 

 

Il reconstruit donc l’administration du pays en reprenant les structures administratives d'Ayutthaya avec son administration centrale (et ses quatre départements des affaires civiles, palatiales, financières et agricoles), son administration provinciale  avec, soit les gouverneurs que le roi nommera à la suite des révoltes et des guerres ou qu’il confirmait pour leur fidélité, ou soit les États-vassaux auxquels Taksin accordait une relative indépendance. Il dut aussi remettre en ordre le système hiérarchisé de la sakdina, sachant que  le pouvoir royal s’exerce dans  le contrôle des sujets et de sa main d’œuvre.

 

 

Il y eut des migrations de population énormes, avec la  population active de la capitale emmenée en captivité, les captifs prisonniers ramenés et redistribués par le roi,  lors des guerres au Cambodge, au nord, aux trois royaumes laos. Et puis ceux qui profitèrent des situations pour s’enrichir, à savoir prendre les places laissées vacantes, ou les hommes qui étaient auparavant au service du roi (phrai luang). Devant le chaos de la situation, le roi Taksin dut prendre une mesure « révolutionnaire » pour contrôler de nouveau le système de la sakdina, il ordonna en 1773, que désormais tous les phrai seraient tatoués au poignet, avec le nom du groupe auquel ils appartenaient ainsi que leur mueang d’origine !

 

 

 

 

Il fallut aussi développer une économie avec la reprise en main de la main d’œuvre et de la corvée, et le commerce avec l’étranger et  aussi régler le problème des liquidités. Le système de troc ne pouvait demeurer très longtemps et les réserves d’or trouvées à Chantabun et Chonburi seraient vite épuisées. On taxait déjà les marchands des ports du Sud. Et puis, on vit arriver des lingots, qui provenaient en fait des trésors enfuis de l’ancienne capitale. Les autorités laissèrent faire.

 

 

Taksin voulut également rénover la religion, recréer le Sangha, avec une nouvelle hiérarchie, et des moines qui auraient réussi au passage d’un examen.

 

 

 

 

Taksin lui-même organisait les distributions de vivres, attribuait des tâches aux arrivants en fonction de leur savoir-faire, pour construire la nouvelle capitale. Il rendait la justice, condamnant les voleurs à être fouettés et les prêtres impies à mort.

 

 

Turpin, dans son histoire du royaume de Siam (1771), signale que Taksin dut aussi sa popularité dans les premières années à sa justice implacable contre ceux qui abusaient de leur pouvoir (dont de nombreux moines), et par sa générosité et sa volonté de distribuer les vivres aux plus démunis.

 

 

Mais si le nouveau roi Taksin avait établi son pouvoir à Thonburi, les provinces de Bangkok, de Ratburi, Nakhon Chaisi, Chantabun, Trat, et une partie de Nakhon Sawan, d’autres, comme nous le verrons dans le prochain article  lui contestaient cette légitimité et le pays demeurait divisé. Taksin dut les affronter pour réunifier le pays.

 

 

 

NOTES ET RÉFÉRENCES.

 

 

(1) Pour le film en thaï consacré à Praya Tak. Cf.

http://www.iseehistory.com/index.php?lay=show&ac=article&Id=405032

Deux films thaïs sur Bang Rachan ont été réalisés. Le premier en 1966 est l’œuvre de  Sombat Metanee (qui fut félicité par le roi en personne). Et le deuxième en l’an 2000 fut réalisé par Thanit Jitnukul avec pour vedette Winai Kraibutr, film fleuve à grand spectacle et à gros budget. Oliver Stone en a adapté une version américaine qu’il a présentée aux Etats-Unis en 2004.

 

 

 

 

(2) 113. Le roi Taksin, «Taksin le Grand». (1768-1782).

http://www.alainbernardenthailande.com/article-113-le-roi-taksin-taksin-le-grand-1768-1782-122163306.html

114. Le roi Taksin, chef de l’État. (1768-1782)  (La cour, l’administration, la Sangha, et la culture.)

http://www.alainbernardenthailande.com/article-114-le-roi-taksin-le-chef-d-etat-1768-1782-122246092.html

 

115.1 La représentation romanesque du règne du roi Taksin  (1767-1782).

Selon le roman «Le Roi des rizières » de Claire Keefe-Fox, Plon, 2007.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-115-1-la-representation-romanesque-du-regne-du-roi-taksin-1768-1782-122246116.html

 

115.2  La représentation romanesque du règne du roi Taksin  (1768-1782).

Selon le roman «Le Roi des rizières» de Claire Keefe-Fox. (Suite.)

http://www.alainbernardenthailande.com/article-115-2-la-representation-romanesque-du-regne-du-roi-taksin-1768-1782-122246151.html

Le livre comporte 587 pages et  25 chapitres.

L’auteur.  Née à Trieste, de père américain et de mère française, Claire Keefe-Fox a vécu entre les Etats-Unis, la Suisse, la France et l'Italie.

Interprète, elle a été directrice de l’Alliance française de Bangkok. Elle a déjà publié « Le Ministre des moussons, Plon, 1998,  et « L’atelier d’éternité », Plon, 2007

 

 

 

 

(3) B. J. Terwiel, «Thailand's Political History, from the 13th to recent times», River Books Production, 2011.

In Ch 3. Tumult and reform (1767-1782), pp. 54- 79.

 

 

]

 

 

(4) 48. La sakdina, le système féodal du Siam ?

 

 

http://www.alainbernardenthailande.com/article-48-la-sakdina-le-systeme-feodal-du-siam-110214155.html

 

« Il s’agit d’un système de grades (le terme peut se décomposer en sakdi « pouvoir » et na « rizières »), d’après lequel chaque homme peut détenir une quantité de terre variable suivant son statut (…) un système hiérarchique qui attribue un rang, un grade donnant droit à une surface donnée et un nombre de paysans (Phraï ou hommes libres et That ou esclaves) correspondant. » (…) « Le chiffre indiqué comme sakdina recouvrait, d’après H.G. Quaritch Wales, la superficie en rai – mesure de surface équivalente à 1 600 m² – qu’un vassal tenait de son seigneur. Cela permettait de déterminer le nombre de clients qu’un patron pouvait mettre à la disposition du service gouvernemental régi par tout un système de corvées civiles et militaires. En supposant que chacun de ses clients possédait 25 rai, un patron du grade 400 en sakdina contrôlait 16 hommes, tandis qu’un ministre du grade 10 000 en sakdina contrôlait 400 clients. » (…) La sakdina est un des moyens qui permet au chef du muang d’assurer son pouvoir en gérant: son territoire (son foncier), son « pouvoir économique », « ses subordonnées », de répondre aux « exigences » (impôts et corvées) du muang supérieur … ou encore de fournir des soldats quand le pays était en guerre.

 

 

 

 

 

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27 mai 2020 3 27 /05 /mai /2020 22:14

 

 

 

Nous nous étions arrêtés  dans notre dernier article consacré au dernier roi du royaume d’Ayutthaya, Ekkathat, juste avant  l'attaque finale qui aura lieu  le 7-8 avril 1767. (1)  Une attaque finale qui avait été lancée en fait en mars 1767 après un siège de 14 mois, contre les quartiers extérieurs des Chinois et Malais au nombre de 2.000 qui avaient résisté 18 jours, avant d'obtenir, ensuite la reddition du quartier portugais (21 mars) puis celle du quartier du séminaire -le quartier des Cochinchinois et des Français- qui avait été pris, pillé et incendié le  23 mars 1767. (Selon Forest (2))

 

 

 

Turpin sur des informations données par Mgr Brigot en donne une autre version.(Cf.Notre article (3)):

 

 

«   Le 7 mars, les Birmans sont à 500 mètres de la ville et dressent une batterie de canons sur des collines élevées qui les rend maîtres de la rivière. Le dernier espoir de la population est entre les mains des chrétiens «dont on avait éprouvé la valeur héroïque lors de la dernière révolution ». Ils sont chargés de la défense des bastions, on leur confie 30 canons et des munitions. Les chrétiens sont 80 aux côtés de 6.000 Chinois, ils sont inexpérimentés mais ils sont l’élite de l’armée siamoise. Le 8 mars, on apprend que les Birmans se disposent à donner l’assaut final. Les chrétiens et les Chinois font une sortie et un carnage de Birmans. Une attaque birmane est par ailleurs repoussée par les Portugais. Mais les Birmans réussissent à s’emparer du quartier français. Ils s’attaquent alors au quartier hollandais où s’étaient réfugiés Portugais et Chinois. Le quartier tombe. Les Siamois ne peuvent compter sur aucun secours de l’extérieur. L’évêque de Tabraca (Mgr Brigot) escomptant alors que les Birmans avaient le sens de l’honneur, fait sa reddition au bénéfice de vagues promesses. Aucune ne sera tenue, le quartier chrétien est réduit en cendres, l’église et le séminaire sont pillés, les prêtres enchainés. Ils ont juste le temps de marier en catastrophe les jeunes vierges à de jeunes ouailles pour leur éviter d’avoir à subir les derniers outrages, d’«échapper aux caresses brutales».

 

 

Mais quelles que soient les versions,  les Birmans pouvaient  dès lors attaquer au cœur de la ville, protégée par le fleuve et les fortifications.

 

 

« Le mardi 7 avril 1767, l’assaut final fut lancé par les assaillants, allumant des incendies au pied des murailles et faisant donner les canons de toutes parts. Une brèche fut ouverte et la ville tomba après un siège de quatorze mois. Les vainqueurs se comportèrent comme des Vandales.

 

 

 

 

Le palais, les bâtiments principaux, des milliers de maisons privées furent bientôt la proie des flammes. « Ils n’épargnèrent pas les temples dédiés au culte de leur propre foi ». Toutes les statues, les plus grandes et les plus belles de Bouddha furent détruites, brûlées après avoir été dépouillées de la feuille d'or dont elles étaient recouvertes. Pillage et plus encore pillage, c’était le mot d'ordre. Hommes, femmes et enfants ont été fouettés et torturés pour leur faire révéler les cachettes où leurs quelques trésors ou économies ont été dissimulés. Les Birmans s’emparèrent ainsi d’une grande quantité de trésors, d'or et de bijoux trouvés dans le palais, également des quantités d'armes et de munitions dont les plus précieuses furent emmenées en Birmanie et les autres jetées à la rivière. 

 

 

D’autres irremplaçables trésors furent purement et simplement brûlés, comme presque tous les documents écrits du royaume. « Mais plus tard nos rois purent recueillir et rassembler des fragments épars, jusqu'à ce que, peu à peu, quelques détails de l'histoire de notre vieille capitale aient pu être écrits, avec des lacunes et d'erreurs, mais en conservant un semblant de vérité ».

 

 

Le roi réussit à s’échapper sur un petit bateau, mais, nous apprennent les annales, mourut de faim quelques jours plus tard, caché dans la forêt de Ban Chik (ป่าบ้านจิก), à côté du temple de Sangkhawat (วัด สังฆาวาส). Son cadavre y fut alors découvert par un moine et aurait été incinéré au sommet d’une colline appelée «Khok Phramen» (โคก พระเมรุ), face à un temple vénéré appelé «Phra Wihan Phra Mongkhonlabophit» (พระวิหาร พระมงคลบพิตร) dans les environs d’Ayutthaya. Une fin misérable pour le successeur même indigne de tant de grands rois.

 

 

De rage de n’avoir pu le capturer, le roi birman se vengea indignement: L'ex-roi Uthumphon fut arraché du refuge de l'abri de son temple et déporté en Birmanie, comme nous le savons, où il finit ses jours en captivité en 1796. Le Birman s’empara de tous les membres de la famille royale, de centaines de militaires, de fonctionnaires et de 20 ou 30.000 «gens du commun». (In notre article 105 (4) )

 

 

 

 

Forest, quant-à lui, dans son chapitre « La fin d'Ayutthaya» (pp. 128-130) précise que la plupart des habitants faits prisonniers à Ayutthaya furent emmenés vers le Pégou et la Birmanie, même si dans le désordre beaucoup purent s'échapper. Ils furent transférés en barque dans la nouvelle ville birmane de « Chaktret » -qu'ils brûleront après leur repli-, d'où ils emprunteront ensuite le col des trois Pagodes vers le Pegou. Les Birmans vont s'installer solidement dans les provinces de Mergui et de Tenasserim, et confier à des auxiliaires siamois la garde de certaines places importantes comme celle de Ban Xang (Kanchanaburi?). Mais ceux-ci se retourneront contre eux en octobre 1767, en repoussant une attaque du gouverneur de Tavoy auquel le roi d'Ava avait donné l'ordre de retourner occuper le Siam.

 

 

 

 

Mais Forest, s'appuyant surtout sur la correspondance du missionnaire Corre revenu à Bangkok le 4 mars 1769,  signale également que l'on prêtera aux Birmans dans la mise à sac de la capitale et la prise des richesses plus que ce qu'ils ont réellement  effectuées. Effectivement, après le départ des Birmans, des mains siamoises et chinoises  continueront à piller, fouillant palais, monastères, chedi, églises, statues de Bouddha, jardins, fondant sur place, or, argent, cuivre. Il constate que toutes les murailles sont noires, le pavé couvert de charbon et de morceaux d'idoles. Il cite la pagode d' Uthumpon, où ils auraient trouvé jusqu'à cinq jarres d'argent. M. Corre, nous dit Forest, « attribue aux richesses retirées de ce pillage, le rapide relèvement des affaires des Chinois, la reprise du commerce (…) le rapide rétablissement économique de royaume. » B.J. Terwiel accréditera les propos du père Corre dans son article, Who destroyed Ayutthaya. (Cf. Notre article ' «Qui a détruit Ayutthaya en 1767 ? Les Birmans, mais pas qu'eux. » sur cette lecture (5) )

 

 

 

 

Le royaume d'Ayutthaya qui avait été fondé en 1351 par Ramathibodi I, il y avait 406 ans n'était plus. Sa capitale ne fut jamais reconstruite.

 

 

 

 

Notre récit sur le royaume d'Ayutthaya s'achève, mais vous pouvez vous reporter à « Notre histoire de la Thaïlande » où en 75 articles, nous avons raconté  «L'Histoire» du royaume d’Ayutthaya, qui a vu se succéder 34 rois de 1351 à sa fin le 7 avril 1767, de la 1ère dynastie Uthong (1350–1370), à la 1ère dynastie  Suphannaphum dynasty (1370–1388), la 2ème dynastie Uthong (1388–1409), la 2ème dynastie Suphannaphum (1409–1569), la 1ère chute d'Ayutthaya, vassal de la Birmanie (1564-1568), la dynastie Sukhothai  (1569–1629), mais encore vassal de la Birmanie  (1569–1584), la dynastie Prasat Thong (1630–1688) et enfin la dynastie Ban Phlu Luang (1688–1767). (Cf. Nos deux articles pour le bilan en 30 pages (6)) 

 

                              

 

 

Mais au moment où le royaume d'Ayutthaya s'achevait, nul n'aurait pu prévoir que le  gouverneur de Tak  qui avait réussi à fuir Ayutthaya  assiégé par les Birmans, en janvier 1767 avec 500 hommes, aurait pu reconquérir Ayutthaya le 7 novembre 1767, fonder une nouvelle capitale à Thonburi, et devenir le roi Taksin le 28 décembre 1768. ((1768-1782). Une aventure fabuleuse qui lui vaudra en 1981 d'être appelé désormais  « Taksin le Grand». Une histoire qui mérite d'être racontée.

 

 

 

NOTES ET RÉFÉRENCES

 

 

(1) RH 53. LE ROI UTHUMPHON (AVRIL 1758-MAI 1758) ET LE DERNIER ROI D'AYUTTHAYA, EKATHAT (MAI 1758-7 AVRIL 1767)

 

(2) Alain Forest,  « De la révolution de Siam à la chute d'Ayutthaya. (1688-1767) », in la 2e partie du livre 1, «Les missionnaires français au Tonkin et au Siam. XVIIe- XVIIIe siècles». (pp.81-164),  L’ Harmattan, 1998.

 

(3) 109. La chute d’Ayutthaya vue par Monseigneur Brigot et racontée par M. Turpin.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-109-la-chute-d-ayutthaya-de-1767-121330085.html

 

(4) 105. Le dernier roi d’Ayutthaya. Ekkathat (mai 1758-7 avril 1767)

http://www.alainbernardenthailande.com/article-105-le-dernier-roces.i-d-ayutthaya-le-roi-ekkatat-mai-1758-avril-1767-120770682.html

 

(5) H 35- QUI A DÉTRUIT AYUTTHAYA  EN 1767 ? LES BIRMANS,    MAIS PAS QU'EUX ?

http://www.alainbernardenthailande.com/2019/06/h-35-qui-a-detruit-ayutthaya-en-1767-les-birmans-mais-pas-qu-eux.html

 

Basé sur l'article de B.J. Terwiel, Who destroyed Ayutthaya ,  Indian journal of thai studies  publié à Moranhat – Assam – Indes,  le 9 octobre 2009.

 

« Le père Corre fit probablement le premier européen à visiter Ayutthaya après sa chute. Terwiel cite son courrier du 1er novembre 1769. (...)

 

« L'année dernière, et même cette année, les Chinois et les Siamois ne faisaient point d'autre métier que celui de renverser les idoles et les pyramides. Les Chinois ont fait rouler l'or et l'argent à Siam c'est à leur industrie que l'on doit le prompt rétablissement de ce royaume. Si les Chinois n'étaient pas si âpres au gain, il n'y aurait aujourd'hui ni argent, ni monnaie à Siam. Les  Birmans avaient tout emporté c'est aux travaux des Chinois en déterrant l'argent caché sous terre et dans les pyramides (les chedis), que l'on doit le commerce que l'on  fait ici tous les jours. J'étais déjà de retour à Siam quand les Chinois ont détruit Vat Phu Thai, cette grande pagode qui est auprès du séminaire. Ils ont trouvé de l'or pour charger trois ballons (navires). Dans la pagode du roi talapoin Vat Padu, on a trouvé jusqu'à cinq jarres d'argent, et dans les autres à proportion. Ils ont fait la guerre aux idoles d'étain et de cuivre, celles de bronze n'ont pas été respectées. Les portes, les fenêtres, les colonnes, tous les bois  des pagodes ont été les matériaux avec lesquels on a fondu et fait couler ces colosses d'airain. L'état piteux où sont réduites les pagodes ne peut être mieux représenté que sous la figure de nos fourneaux. Les murailles sont toutes noires, le pavé couvert de charbons et de morceaux d'idoles. Le nouveau roi ne protège la religion siamoise qu'autant qu'il faut, dans le commencement, pour ne pas aliéner les esprits».

 

(6) Nos deux articles d'une trentaine de pages: Pour un bilan de nos 75 articles, de « notre » histoire du royaume d’Ayutthaya,  qui a vu se succéder 34 rois de 1351 à sa fin en 1767.

112.1 Le royaume d’Ayutthaya (1351-1767).

http://www.alainbernardenthailande.com/article-112-1-le-royaume-d-ayutthaya-1351-1767-122070155.html

 

112.2 Le royaume d’Ayutthaya (1351-1767).

En guise de bilan. Suite et fin.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-112-2-le-royaume-d-ayutthaya-1351-1767-122070212.html

 

Cf. aussi  W. A. R. Wood «A history of Siam from the earliest time to the year A.D. 1781 with a supplement dealing with more recent events»,  Chiangmaï en 1924.

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20 mai 2020 3 20 /05 /mai /2020 22:50

 

 

Le Prince Uthumphon devint le nouveau roi à la mort de son père, sous les noms de   Somdet Phrachao Uthumphon (สมเด็จพระเจ้าอุทุมพร) ou Phra Bat Somdet Phra Chao Uthumphon Mahaphon Phinit (พระบาทสมเด็จพระอุทุมพรมหาพรพินิต).  (Le 13 avril selon les Chroniques;  25 avril selon Forest). Il ne pouvait pas deviner qu'il serait le 32e et avant-dernier roi du royaume d'Ayutthaya et que son règne  durerait moins de deux mois.

 

 

En effet son frère Ekathat, qui n'avait pas été nommé Uparat, et avait revêtu l'habit de moine, n'avait pas renoncé au trône et organisa ses propres forces qui devaient être suffisamment menaçantes pour que son frère, le roi Uthumphon eut la « sagesse» de lui céder le trône  pour se retirer dans le monastère Wat Pradu le 1er juin 1758,  qu’il avait eu le temps de faire construire. Comme il avait eu le temps de faire exécuter ses trois demi-frères qui avaient  manigancé pour faire tomber son frère aîné Thammathibet!

 

 

Cette «coutume» royale fut d'ailleurs reprise par Ekhatat qui fit exécuter ceux de ses demi-frères qui avaient soutenu Uthumphon. Mgr Brigot dans une lettre du 10 juin 1760 nous apprend même qu'il fit «châtier et confisquer presque tous les grands officiers du royaume parce qu'ils avaient tenté de rétablir le talapoin (Uthumpon)». (Cité par Forest) Mais, nous dit encore Forest, pendant la première attaque birmane contre Ayutthaya en 1760, Uthumphon reprend du service pour quatre mois du 24 mars au 17 juillet 1760 afin d'assurer la défense d'Ayutthaya, avant de retrouver le monastère une fois les Birmans partis. (p. 112 (2))

 

 

«Bien lui en prit puisqu’il mourut en 1796, non pas dans son temple, hélas, mais captif des Birmans, capturé lors de la chute d’Ayuthaya en 1767. Il écrivit de nombreux poèmes, et, à la demande des Birmans eux-mêmes, leurs chroniques historiques. (…) Il avait été installé avec ses compagnons nobles siamois dans un village construit pour eux aux environs de Mandalay. Ce village, Mégntasu (เมงตาสึ) existe toujours et ses habitants prétendent être les descendants de ces nobles exilés. Son nom signifierait en birman «le village princier». Ses cendres sont présumées se trouver dans un chedi près de là, qui est en tous cas toujours un lieu de pèlerinage.» (In notre article 105  (3)).

 

 

 

Le dernier roi d’Ayutthaya. Ekathat (mai 1758-7 avril 1767)

 

 

(Ou Somdet Phra Chao Ekkathat (สมเด็จพระเจ้าเอกทัศ) ou Somdet Phra Borommaracha III, ou Boromma Ratchathirat V ou  Phra Bat Somdet Phra Borommaracha Kasat Bowon Sucharit (พระบาทสมเด็จพระบรมราชากษัตริย์บวรสุจริต), ou encore Somdet Phra Chao Yu Hua Phra Thinang ou Suriyat Amarin (สมเด็จพระเจ้าอยู่หัวพระที่นั่งสุริยาสน์อมรินทร์))

 

 

 

Il sera le 33e et dernier roi du royaume d'Ayutthaya. 

 

 

«Les chroniques royales d'Ayutthaya» vont consacrer 56 pages à son règne et relater une soixante dizaine d'événements, sans essayer de comprendre leurs relations, ni leurs causes et conséquences. (4) Mais une lecture du sommaire permet d'observer que nombre d'événements sont consacrés aux trois guerres contre les Birmans, celles de 1760, de 1764, et celle de 1766-1767 qui aboutira à la chute de la capitale le 7-8 avril après un siège de 14 mois qui sera pillée et brûlée, avec le roi en fuite qui mourut de faim quelques jours plus tard et  tous les membres de la famille royale, des  centaines de militaires et de fonctionnaires et de 20 à 30.000 sujets qui furent emmenés sous bonne garde en Birmanie. C'était la fin du royaume d'Ayutthaya qui avait été fondé en 1551 par Ramathibodi I, il y a 406 ans, et qui avait connu 33 rois.

 

 

 

Mais avant d'aborder le rôle que vont jouer les Birmans dans le déclin et la fin du royaume d'Ayutthaya, une réflexion d'A. Forest s'appuyant sur les courriers des missionnaires français nous livre une autre clé possible pour expliquer la chute d'Ayutthaya. (pp. 117-118 (2) ) Déjà en 1713, Mgr de Bourges revenant au Siam après une absence de 44 années, constata  le triste état du royaume avec en plus cette année la petite vérole qui avait tué la moitié de la population et la famine qui affligeait les survivants. A la veille de la première attaque birmane en 1759, le Siam est encore une année de grande misère due à la sécheresse et la petite vérole opère régulièrement avec en 1765 une épidémie qui emporte 5 à 6.000 personnes dans la capitale, accentuant une sévère crise démographique. Et on observe «un important glissement de la population agricole naguère concentrée autour d'Ayutthaya vers Bangkok».

 

 

Mais pour revenir aux Chroniques, on voit un roi au début de son règne  poursuivant la tradition de bâtisseurs de ses prédécesseurs en construisant ou rénovant de nombreux temples et pagodes. Toutefois il introduisit diverses mesures administratives pour unifier le cours des monnaies et les poids et mesures (Lesquelles?). Il rénova encore les ports de Mergui et Tenasserim pour relancer le commerce avec l’étranger (In Wood (8)).

 

 

 

 

S'il  réussit toutefois à réprimer quelques révoltes de palais, notamment un complot mené par  son demi-frère le prince Thep Phiphit qui voulait replacer Uthumpon sur le trône, son   caractère imbécile et  pusillanime (Selon les Chroniques) prit rapidement le dessus et son incompétence conduisit de nombreux aristocrates à abandonner la fonction publique civile ou militaire pour se réfugier sous la robe des moines et surtout à ne pas appréhender les dangers qui allaient venir de Birmanie.

 

 

Pourtant, nous avions vu que le roi de Birmanie avait apprécié l’attitude du roi d’Ayutthaya, lors de la rébellion des Môns en 1740. Les bonnes relations s’étaient manifestées en 1744, avec une ambassade birmane à Ayutthaya, et en 1746, avec une ambassade siamoise à Ava. Mais un coup d’état en 1746 avec un nouveau roi môn à Pegu allait changer la donne.

 

 

En 1740 donc, avec l’aide des Français (provenant d’un comptoir français de Pondichéry), les Môns de la basse-Birmanie se révoltent et arrivent à reprendre aux Birmans  leur capitale Ava en 1752, provoquant la chute de la dynastie Taungou, en fondant  brièvement, le «royaume restauré d'Hanthawaddy». (In notre article 105  (3)).

 

 

Mais cette renaissance mône fut brève, car un chef du village birman de Mokhsobo (Shwébo, à 80 km au nord d’Ava) va se révolter et réussir à reprendre la capitale la même année. Il se proclame roi sous le nom Alaungpaya et fonde une nouvelle dynastie.» (In Notre article (5)

 

 

 

 

L'article de Pierre L. Lamant consacré aux «relations commerciales entre la Birmanie et les nations européennes vers le milieu du XVIIIe siècle: espoirs et tragédies», nous  rappelle le contexte dans lequel les Français ont aidé les Môns contre les Birmans et aussi nous aide à comprendre l’enchaînement des faits qui entrainera le roi birman Alaungpaya à envahir Ayutthaya. (6)

 

 

 

Mais les sources sont nombreuses qui relatent les événements qui ont eu lieu en Birmanie de 1740 à la première guerre des Birmans contre Ayutthaya en 1760. Le Prince Damrong par exemple, dans son livre «Our Wars with the Burmese. Thai-Burmese Conflicts 1539-1767» (7), consacre 40 pages à la période de 1664 (date de la dernière guerre birmane-siamoise) à la 1ère guerre menée par le roi Aluangpayaen 1760. Mais Wood estime que si beaucoup de raisons ont été données pour expliquer le déclenchement de la guerre de 1760, la vérité est plutôt à chercher du côté de l'ambition du roi Aluangpaya. (8)    

 

 

Rendons compte de sa version.

 

 

 

 

En 1759, le roi Aluangpaya prend Nan, Chiengsen, Payao et la plupart des petits États laos sont désormais sous sa suzeraineté. Seul Chiangmai avec le Prince Ong Kam arrive à maintenir une indépendance précaire. Aluangpaya estime alors qu'il peut le faire plier ainsi qu'Ayutthaya.

 

 

Au début de 1759, des rebelles pégouans (Môn) qui ont tenté un raid au Syriam ont pu s'enfuir sur un bateau français, mais une tempête les oblige à demander aux Siamois de pouvoir se protéger au port de Tenasserim. Mais les autorités siamoises refusent. Il y a là pour les  Birmans un prétexte de s'engager dans la guerre, surtout que des rebelles qui avaient été capturés par des Birmans à Tavoy ont pu s'échapper pour rejoindre Tenasserim. Le fils d'Aluangpaya, Mangra et son général Mingaing Nohrata décident alors d'envahir le Siam. Le roi birman va les rejoindre avec une grande armée. Tenasserim tombe rapidement et les Birmans vont traverser la péninsule et se diriger vers le Nord. Personne au Siam ne pouvait croire à une invasion depuis le Sud. Les Birmans marchèrent rapidement durant plusieurs jours avec la mer à leur gauche et les montagnes à leur droite. Les Siamois avec envoyé trois armées sur les points vulnérables de la frontière et une armée de 20 000 hommes sous le commandement de  Praya Yomarat vers la péninsule, qui fut défaite près de Kuiburi. Petchaburi et Ratburi tombèrent ensuite rapidement et le roi Aluangpaya put installer son camp à 40 miles d'Ayutthaya.

 

 

 

Ce fut un choc pour Ayutthaya et le roi fut appelé à abdiquer devant son manque de prévoyance. On rappela Uthumpon mais il était trop tard pour faire quoi que ce soit sinon se préparer en urgence pour le siège. La première attaque birmane put être repoussée, mais en avril 1760 Aluangpaya reçut des renforts. Le siège se poursuivit pendant un mois.  En mai, un gros canon fut monté sur une colline afin qu'il puisse atteindre le palais royal. Mais  Aluangpaya fut blessé et il était tellement sûr d'une victoire rapide qu'il fut à cours de vivres avec la saison des pluies qui commençait. Il ordonna le retour en Birmanie par la route de Melamao. Mais il mourut en mai 1760 à Taikkala, avant que  la rivière Salween ne fut atteinte. Il n'avait que 45 ans.

 

 

Le danger passé, les Siamois auraient dû prendre conscience de la nécessité de s'unir,  mais  devant les intrigues menées de nouveau par son frère, Uthumpon choisit de retourner dans son temple en 1762 (sic).

 

 

 

La version d'A. Forest de « la première attaque birmane de 1760) » est quelque peu différente.

 

 

« Tandis que Borommakot édifie son royaume mystico-bouddhique, un certain nombre d'événements se précipitent à l'ouest, dans ce qui est l'actuelle Birmanie, qui ne paraissent guère retenir l'attention d'Ayutthaya.

 

 

En 1754 notamment, un chef birman, Alaungpraya [Ou Alaungpaya], parvient à chasser d'Ava les Môns du Pégou qui ont investi le royaume birman d'Ava et occupé cette capitale deux années plus tôt, en 1752. Plus encore, Alaungpraya poursuit sur sa lancée, attaque le Sud, conquiert ville après ville et finit par prendre et détruire Pégou en mai 1757. Il n'y a plus d'obsatcle entre les Birmans et leurs vieux ennemis siamois, tandis qu'Alaungpraya, loin de s'arrêter au Pégou, poursuit son offensive. L'occupation de Pégou lui donne le moyen de contourner un autre obstacle, la principauté thaïe de Chiengmai, pour s'attaquer directement au nord du Siam, en passant par une des voies qui relient traditionellement le Siam au delta de l'Irraouadi, et en portant le fer dans la région de Tak et Khamphaeng qui lui ouvre la vallée de la Menam. Qu'il s'assure aussi des régions de Mergui et Tenasserim, et cela lui ouvrirait, au sud, la voie vers le golfe du Siam et la région de Bangkok, et lui permettrait de prendre en tenaille Ayutthaya.

 

 

Tel est ce qui se produit en 1760.

 

 

[…] dès le début de 1760, les troupes birmanes d'Ava, après avoir balayé la petite principauté-tampon de Tavoy, s'emparent sans coup férir de Mergui et de Tenasserim, qu'ils brûlent et détruisent avant de s'enfoncer vers le golfe du Siam par le col de Mawdaung, l'habituelle voie des voyageurs. Simultanément, une partie de l'armée birmane attaque au nord, du côté de Tak et Kampaeng, mettant en déroute une troupe siamoise de 15.000 hommes.

 

 

Fin mars 1760, c'est la panique à Ayutthaya où la surprise et l'état d'impréparation sont manifestes. Sans rencontrer de véritable résistance, les troupes birmanes peuvent atteindre les environs de la ville dont on renforce en hâte les fortifications -en détruisant d'abord les maisons qui s'étaient construites contre les murs-, dont on interdit aux habitants de sortir et dont on a éloigné les embarcations qui pourraient permettre aux ennemis de mieux s'attaquer à l'île formant le coeur de la cité. (…) C'est encore à ce moment, le 24 mars 1760, que l'éphémère « roi talapoin » Uthumphon, remonte sur le trône à la place d'Ekathat dont le phra klang est quant lui relégué au monastère.

 

 

L'attaque birmane contre Ayutthaya sera cependant de courte durée. Elle est déclenchée le 8 avril 1760, avec la poussée des troupes birmanes contre les quartiers extérieurs. Certains de ceux-ci comme le quartier hollandais, sont détruits; d'autres qui résistent bien, tel le quartier portugais, ne sont qu'en partie brûlés; d'autres, tel est le quartier des Cochinchinois et des missionnaires sont épargnés. Les victimes se comptent surtout à ce qu'on appelle la « douane » (ou la tabamque) où s'étaient massés des gens qui tentaient d'échapper au siège, espérant trouver des embarcations pour Bangkok, et qui se sont retrouvés au cœur des plus violents combats: le chef du comptoir hollandais, par exemple y fut tué.

 

 

Le 14-16 avril, les Birmans, « battent à coups  de canons » les fortifications qui défendent l'île centrale. Puis ils lèvent brusquement le siège, le 16 avril 1760, non sans brûler derrière eux nombre de villages des alentours. C'est que la saison des pluies approche et que les Birmans préfèrent se retirer: ils se contentent de maintenir une garnison dans la ville de Kamphaeng qui contrôle la voie de Pégou, au nord. Sur le chemin du  retour vers Ava, leur souverain Alaungpraya meurt.

 

 

Ayutthaya vient donc de l'échapper belle.” Le roi Ekhatat retrouve son trône le 17 juillet et Uthumpon se retire de nouveau dans son temple.

 

 

On peut remarquer qu'A. Forest nous dit que le siège d'Ayutthaya est levé le 16 avril 1760 et que Wood prétend qu’en avril 1760 Aluangpaya reçut des renforts et que le siège se poursuivit pendant un mois. Si les deux nous apprennent que le manque de vivres et la saison des pluies qui approche sont les causes du retour des Birmans chez eux, A. Forest n'évoque pas la blessure d'Alaungpraya alors que Wood  signale qu'Alaungpraya fut blessé et qu'il est décédé en mai 1760 à Taikkala, avant que  la rivière Salween ne fut atteinte.

 

 

 

 

On pouvait s'attendre que le successeur d'Alaungpraya , son fils aîné Naungdawgyi (1760-1763), lance l'année d'après, une autre campagne contre le Siam, mais il dut faire face à de sévères rebellions. Notre article «Les Birmans avant la chute d’Ayutthaya en 1767»  (5) indique que  «Les plus sérieuses furent celles  de Myat Htun, un des généraux de l'armée de son père de retour d'Ayutthaya, qui s'empara d’Ava en 1760 avec 12 000 soldats avec l'intention de restaurer la dynastie Taungû et celle de son oncle Minhkaung Nawrahta, qui était vice-roi de Taungû. Les révoltés furent vaincus et mis à mort, mais Naungdawgyi épargna son oncle, qu'il se contenta d'emprisonner à Ava. Il dut encore faire face à d’autres rebellions dont une d’un de ses généraux môn de Pegu, envoyé à Martaban.

 

 

Naungdawgyi meurt à 29 ans en novembre 1763. Son frère cadet Hsinbyushin  lui succède. Le royaume birman était « apaisé». Il pouvait reprendre les conquêtes de son père.», mais cette fois-ci en planifiant une guerre de longue haleine pour prendre Ayutthaya.

 

 

 

 

En 1763, les Birmans attaquent Chiangmai, qui est considérée comme une province rebelle  Le prince de Chiengmai, qui avait succédé à son frère Chao Ong Kham l'année précédente, appellent le roi Ekkathat à l'aide. Une armée fut alors envoyée au nord sous le commandement du Phraya de Phitsanulok, mais Chiangmai était déjà tombé, et un général birman, Aphai Khamini, en avait été nommé gouverneur. La même année, les Birmans s’emparèrent de Luang-Phrabang. L’influence des Birmans s’étendit ainsi  à l'ensemble des États laos.

 

Plutôt que d’adopter une attitude prudente, Ekkathat joua la provocation: il reçut une ambassade de Huithongcha, chef rebelle de Tavoy, accepta son hommage de vassalité, prenant ainsi officiellement sous sa protection une province birmane révoltée, au motif que « dans les temps anciens Tavoy avait appartenu à Siam ».Tavoy ne jouit pas longtemps de la « protection » nominale de Siam. La première chose que fit le nouveau souverain de Birmanie dès après la mort de son frère fut de récupérer Tavoy, ce qu’il fit sans difficultés.

 

 

Le gouverneur rebelle se réfugia alors à Mergui, les Siamois refusèrent de le livrer, et le Siam fut alors une nouvelle fois de plus envahi, Mergui et Tenasserim occupés. Les Birmans ne rencontrèrent pas d’opposition sérieuse jusqu'à ce qu'ils atteignent Phetchaburi. Ils se heurtèrent au Phraya Tak, plus connu sous le nom de Phraya Taksin. (Futur roi du Siam). Ils durent alors s’en retourner à Tenasserim.  Il faut préciser que Huithongcha, le gouverneur rebelle de Tavoy, après avoir fui son pays, était accompagné par le prince Thep Phiphit, revenu de son exil de Ceylan probablement touché par les malheurs de son pays? Le Roi Ekathat ne voulut pas accepter le secours d’un banni, le fit arrêter et incarcérer à  Chantabun.

 

 

Chiangmai et Luang Phrabang étaient tombés sans combats difficiles, et la possibilité d'une invasion réussie du Siam par le sud ayant été déjà démontrée, le roi birman  fit alors converger ses armées du Nord et du Sud vers Ayutthaya en équipant une troisième armée qui devait envahir le Siam par la «voie des Trois Pagodes», depuis toujours, la principale route terrestre entre le sud de la Birmanie et l'ouest de la Thaïlande.

 

 

Les Siamois bénéficièrent alors d’un répit de près d'un an, en raison d'une rébellion à Chiangmai qui en chassa le gouverneur birman. À la fin de 1764, cependant, la rébellion fut réprimée, et en juin 1765 une armée birmane de 5.000 hommes quitta Chiangmai pour le sud, tandis qu'une autre de même force se dirigeait vers la frontière occidentale.

 

 

Mais ce ne fut pas une partie de plaisir selon les chroniques royales, qui mentionnent largement sur plusieurs pages que cette armée fut retenue pendant cinq mois [mi-août 1765 à fin janvier 1766] à Bang Rachan par des villageois, ce que contestent -évidemment- des sources birmanes (Cf. Wikipedia) La résistance de ce village est entrée dans l’histoire siamoise comme symbole du nationalisme thaï, saluant ses héros déterminés à défendre la patrie au prix de leur vie.

(Tous les élèves connaissent cette page d'histoire et deux films thaïs sur Bang Rachan ont été réalisés. Le premier en 1966 est l’œuvre de  Sombat Metanee (qui fut félicité par le roi en personne) et le second, plus connu, fut réalisé en l’an 2000 par Thanit Jitnukul. Oliver Stone en a adapté une version américaine qu’il a présentée aux Etats-Unis en 2004.)

 

 

Tandis qu'au sud, en janvier 1765, les Birmans avaient investi  Mergui et Tenasserim et  déportées leurs populations  vers le Pégou.  Ils organisèrent leur armée du sud et quittérent Tenasserim en octobre 1765. En novembre, ils occupaient Phetchaburi et Rathaburi, en détruisant au passage tous les villages, tuant les habitants ou en les prenant  comme esclaves, sans distinction d'âge ou de sexe.

 

 

En décembre 1765, les Birmans attaquaient Bangkok, mais un capitaine de vaisseau anglais nommé  Pauni qui s’était lié d’amitié avec Ekathat les mit en échec, mais quand un des forts d'Ayutthaya fut capturé, et son bateau exposé aux tirs, il dut battre en retraite à Nonthaburi. Les Birmans le poursuivirent, mais faute de munitions, il s’enfuit au loin sur son vaisseau courant janvier 1766.  Nonthaburi tombe, et en février 1766, les Birmans sont une fois encore sous les murs d’Ayutthaya. outes les provinces côtières sont investies, le blocus est complet. Forest signale qu' à la montée des eaux, au 3ème trimestre 1766, les Birmans coupent les digues afin d'inonder le pays.

 

 

Forest, toujours s'appuyant sur les  courriers des missionnaires nous apprend que ce n'est qu'en mars 1767 que les Birmans lancent leur attaque finale, notant au passage qu'en deux ans, ils ont pu «recruter» un grand nombre d'habitants siamois. Mais «Ils se heurtent tout d'abord à une forte résistance du quartier portugais installé sur la rive droite de la Menan, et à celle de 2.000 Chinois et Malais repliés en face sur la rive gauche, autour de la  loge hollandaise. Il leur faut 18 jours pour réduire les Chinois avant d'obtenir, ensuite la reddition du quartier portugais (21 mars) puis celle du quartier du séminaire -le quartier des Cochinchinois et des Français- qui est pris, pillé incendié le  23 mars 1767. Les Birmans peuvent dès lors attaquer au cœur de la ville, protégé par le fleuve et les fortifications.» (p. 128

 

 

Si l'attaque finale des Birmans commencent en mars 1767, Wood signale que déjà en septembre 1766, les Birmans avaient pris une bonne position en menaçant les quartiers des  chrétiens et du comptoir hollandais. Des troupes chinoises s'étaient également préparées à défendre leur quartier. Peu de temps auparavant, une grande flotte siamoise de 160 bateaux avec trois canons à bord, et composée de 6 000 hommes commandés par Praya Petchaburi et Praya Taksin avaient attaqué les forts birmans installés sur des petites îles, mais ils avaient été défaits et Praya Petchaburi avait été tué. Praya Taksin avait pu rejoindre avec difficulté  Ayutthaya avec les survivants, mais il avait été accusé de ne pas avoir été très actif et ni suffisamment aidé Praya Petchaburi et était tombé en disgrâce. Il voulut alors prendre la responsabilité du grand canon, mais un ordre absurde l'empêcha de fait de s'en servir. Constatant l'impossibilité de se battre avec efficacité,  Il choisit alors de quitter Ayutthaya avec 500 partisans. Nul Birman, ajoute Wood, n'aurait pu imaginer que de cette petite armée naîtrait une force qui mettrait fin à la domination birmane. ( Wood aurait pu être plus précis en notant que nous étions en janvier 1767 et que Taksin parvient à reconstituer une armée en 10 mois et à reprendre Ayutthaya le 7 novembre 1767, après seulement 2 jours de combat.)

 

 

Bref, en cette fin de mars 1767, la résistance extérieure à la capitale, a été vaincue et les Birmans peuvent se préparer à l'attaque finale. Les Siamois ont déjà subi le 7  janvier un grand incendie qui a brûlé plus de 10 000 maisons, la famine règne et une grave épidémie de petite variole se répand, laissant des corps dans les rues dévorés par les chiens.  Ce n'est pas la mort du général birman Maha Nohrata qui eut lieu au début de 1767 qui pouvait  arrêter la volonté birmane d'anéantir Ayutthaya.  Ekathat, voyant que tout était perdu, offrit d’abandonner sa capitale et de devenir vassal du roi de Birmanie; ce que les Birmans refusèrent, exigeant une reddition sans conditions. Mais à ce moment critique, «il était plus enclin à s'appuyer sur toutes sortes de charmes et d’amulettes, de superstition et de magie, et son peuple, encouragé par son exemple, gaspillait son temps à chercher des talismans pour se rendre invisibles ou invulnérables». (Les annales)

 

 

 

 

Ayutthaya est prise et incendiée le 7-8 avril 1767.  C'était la fin du royaume d'Ayutthaya, sur laquelle nous allons revenir dans notre prochain article.

 

 

 

 

NOTES ET RÉFÉRENCES

 

 

(1) RH 52- LE ROI BOROMMAKOT (1680, 1733–1758)

 

 

(2) Alain Forest, cf. De la révolution de Siam à la chute d'Ayutthaya. (1688-1767), in la 2e partie du livre1, «Les missionnaires français au Tonkin et au Siam. XVIIe- XVIIIe siècles». (pp.81-164),  L’ Harmattan, 1998.

 

 

(3) 105. Le dernier roi d’Ayutthaya. Ekkathat (mai 1758-7 avril 1767)

http://www.alainbernardenthailande.com/article-105-le-dernier-roi-d-ayutthaya-le-roi-ekkatat-mai-1758-avril-1767-120770682.html

 

 

(4) Chapitre 11, (pp. 465-523) Les derniers rois d'Ayutthaya, in A Synoptic Translation by Richard D. Cushman, “The Royal Chronicles of Ayutthaya”, Edited by David K. Wyatt, The Siam Society, Under Royal Patronage, 2006.

 

(5) «Les Birmans avant la chute d’Ayutthaya en 1767»  

http://www.alainbernardenthailande.com/article-104-les-birmans-avant-la-chute-d-ayutthaya-en-1767-120735678.html

 

 

(6) pp. 127-135, In Nguyên Thê Anh et Yoshiaki Ishizawa, « Commerce et navigation en Asie du Sud-Est (XIVe-XIXe siècle) », Sophia University (Tokyo), L’Harmattan, 1999.

 

 

(7) Prince Damrong Rajanubhab, «Our Wars with the Burmese. Thai-Burmese Conflicts 1539-1767», White Lotus, 2001.

107. Le Prince Damrong explique les guerres entre les Siamois et les Birmans, entre 1539 et 1767.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-107-le-prince-damrong-explique-les-guerres-entre-les-siamois-et-les-birmans-entre-1539-et-1767-121187300.html

 

 

 

 

 

(8) W. A. R. Wood «A history of Siam from the earliest time to the year A.D. 1781 with a supplement dealing with more recent events» Chiangmaï en 1924.

 

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7 mai 2020 4 07 /05 /mai /2020 04:45

 

De l'usage des sources.

 

Nous avions vu dans notre dernier article de notre récit historique, que la succession de Thaï Sra (1709-1733) fut  chaotique et sanglante, et racontée dans la confusion des versions divergentes et contradictoires le plus souvent. (1) Nous retrouverons avec le roi Borommakot, selon les sources trouvées, des présentations différentes de son règne (1733-1758), en sachant que nous avions déjà  dans notre «Histoire de la Thaïlande» proposé une première vision basée sur « Les Chroniques royales d'Ayutthaya ». (2)

 

 

Mgr Pallegoix dans sa «Description du royaume thaï ou Siam» exécute ce règne en une ligne: «Ce fut sous le règne de cet usurpateur qu’on découvrit les mines d’or de Bang Thapan». Alain Forest, reprenant la correspondance des missionnaires français, nous apprend en deux pages qu'ils n'ont signalés qu'un seul événement marquant: une révolte des Chinois en 1735 contre d'autres autorités d'origine chinoise sévèrement réprimée, mais sans en donner le motif. (3) Elle aurait justifiée l'envoi d'une ambassade siamoise auprès de l'empereur de Chine (Quand?). A. Forest citant une correspondance de Mgr Brigot du 27 juin 1757, évoque aussi le triste sort réservé à Thammathibet qui avait été nommé uparât (successeur) par son père en 1741, mais qu'il avait été accusé par des  demi-frères d'avoir couché avec une des premières concubines du roi, qui le livra à leur «tribunal» «qui l'ont condamné et l'ont fait châtier si rigoureusement qu'il est mort de ses plaies et a été enterré sans cérémonie». Toutefois plus loin, traitant dans un chapitre le renouveau bouddhiste sous l'impulsion initiale du roi Petracha (1688-1703) (pp.119-124), il nous apprend que Borommakot «ne dédaigne pas apparaître comme un nouveau Bouddha»  et qu'après la découverte d'une mine d'or en 1748, il décida de redorer  l'Empreinte du pied de Bouddha et de confectionner une fleur de lotus en or. Ce qui donna l'occasion d'un grande procession  fastueuse, où  tous les princes et princesses  et dignitaires placés chacun selon leur rang, suivaient le roi. 

 

 

D'ailleurs, dit A. Forest, on peut constater ce rayonnement bouddhiste avec la demande du roi Kirti Sri Râjasimha (1747-1782) de Kandy à Ceylan au roi Borommakot d'envoyer des moines du Siam pour régénérer la religion bouddhique. Cette demande fut acceptée et une première mission fut envoyée en 1751-1752, composée de deux moines supérieurs et de 12 autres moines. (Une autre aura lieu  en 1759-1760)

 

 

 

A cette identité bouddhique affichée, il faut noter une période de riches créations littéraires, avec surtout de poésie qui était  appréciée et répandue à la Cour et aussi parmi le peuple. Le roi lui-même s'y est essayé et surtout le prince héritier Thammathibet, auteur reconnu à l'époque de célèbres poèmes. Ce règne eut aussi une importante production de pièces théâtrales principalement sur le thème du voyage et de la séparation avec les êtres aimés popularisés par le Ramayana (Cf. Le genre nirat) et sur les vies antérieures de Bouddha. Les filles de Borommakot, les princesses Khunton et Mongkut auraient d'ailleurs écrites des pièces avec un certain succés. Mais de cela, les « Chroniques royales d'Ayutthaya » ne disent mot.

 

 

 

W. A. R. Wood quant-à lui, dans son «Histoire du Siam» dans son chapitre 15 va consacrer 7 pages au règne de Borommakot (pp. 231-238) (4). Après avoir évoqué la succession sanglante et la terrible répression qui s'en suivit, il nous apprend qu'en 1733, 300 Chinois ont attaqué le palais royal, qu'ils ont été repoussés et que 40 d'entre eux furent capturés et exécutés, sans nous donner les raisons de cette attaque.

 

 

Ensuite sans transition, il nous dit que Borommakot eut beaucoup de difficultés avec ses  enfants et qu'à sa mort en 1756 (?) il laissait 123 enfants dont 15 avec ses trois reines et 108 avec ses épouses inférieures.  Le paragraphe suivant nous apprend qu son fils aîné  Kron Sena Pitak (Thammathibet)  fut très indiscipliné dans  sa jeunesse et qu'il haïssait son cousin le Prince Naren que le roi appréciait. Un jour, le Prince Sena Pitak attaqua sauvagement avec une dague le Prince Naren -qui était moine-   venu rendre visite au roi  qui alors était malade. Il ne fut pas blessé mais le roi l'ayant appris ordonna que son fils fut fouetté.

 

 

 

 

Le moine prince lui pardonna et l'emmena sous sa protection au temple, mais deux de ses demi-frères qui avaient été impliqués furent fouettés à mort! En 1740, le Prince Sean Pitak fut nommé Uparat. Ensuite Wood, sans donner aucun nom, nous dit que tous les écrivains qui ont écrit sur  Borommakot qualifient son règne comme  un âge d'or et évoque la magnificence de la Cour et un peuple heureux. Wood en doute mais reconnaît que ce fut une période de paix.

Puis il va mentionner quelques événements qui ont eu lieu en Birmanie qui auront ensuite de graves conséquences pour le Siam. En 1734, la capitale de Birmanie est transférée à Ava, ce qui est très impopulaire parmi les Pégouans (Môns).

 

 

 

 

En 1737, le gouverneur birman de Pegu, Maung  Tha Aung se rebelle contre le roi de Birmanie Maha Tammaraja Dhiphati et proclame son indépendance. Il est assassiné par un Pégouan en 1740. L'oncle du roi qui avait été envoyé pour gouverner Pegu fut bien accueilli au départ mais partagera son destin. Un prêtre shan qui se prétendait être descendant de la famille royale fut choisi (par qui?) en 1742 pour être le nouveau roi de Pegu sous le titre de Saming Toh.

 

 

 

 

Les gouverneurs birmans de Martaban et de Tavoy qui étaient restés fidèles à Ava, se trouvèrent isolés et choisirent par désespoir de fuir à Ayutthaya avec plusieurs centaines de leurs sujets. Le roi Borommakot les accueillit chaleureusement et  leur offrit des lieux d'habitation. Sa politique fut pro-birmane estimant sans doute, précise Wood, que le pouvoir de Pegu était devenu trop important.

 

 

Pourtant le nouveau roi de Pegu proposa une alliance au Siam et  demanda une princesse siamoise en mariage.  Borommakot refusa et fut même indigné qu'un simple parvenu ose demander la main d'une de ses filles. Saming Tho chercha alors une autre alliance et obtint une fille du Prince de Chiangmai Chao Ong Kam.

 

 

En 1744, le roi de Birmanie envoya une ambassade à Ayutthaya -la première depuis près de 100 ans- afin de remercier le roi de l'accueil qu'il avait fait aux réfugiés birmans et de lui demander son appui contre les Pégouans ou au moins une promesse de neutralité. En 1746 une ambassade siamoise était chaleureusement reçue à Ava; ceci d'autant plus qu'en 1744 les Pégouans avaient pris Prome et se dirigeaient  actuellement vers eux. Ceux-ci crurent que l'ambassade siamoise précédait son armée et décidèrent de se replier. Les Birmans en profitèrent pour les attaquer et leur infliger une défaite.

 

 

 

Par ailleurs, le mariage de Saming Tho avec une princesse de Chiangmai causa sa perte, car il avait une autre femme, la fille de Pya Dala. Elle se plaignit auprès de son père de son indifférence à son égard et lui demanda d'organiser un complot contre son mari. En 1746, Pya Dala profita de l'absence de Saming Tho parti à la chasse à l'éléphant pour fomenter une conspiration. Saming Tho dut se retirer à Chiangmai et Pya Dala fut le nouveau roi de Pegu.

 

 

En 1750, Saming Tho eut l'intention de reprendre son trône avec une armée de Chiangmai, mais il avait besoin de l'aide de Borommakot. Il alla  donc à Ayutthaya pour solliciter son aide, mais  Borommakot avait conservé du ressentiment vis-à-vis de sa demande en mariage d'une de ses filles et après l'avoir reçu, le mit en prison. Pya Dala demanda ensuite son extradition mais Borommakot refusa considérant qu'il était sous sa protection. Mais devant  le danger que constituait sa présence à Ayutthaya il le fit embarquer sur une jonque chinoise qui regagnait la Chine. Mais la jonque échoua sur la côte d'Annam et Saming Tho put rejoindre Chiangmai.  Ayant appris qu'Alaungpaya avait vaincu Pya Dala en 1756, il décida  de quitter Chiangmai avec plusieurs centaines de ses fidèles. Mais  Alaungpaya se méfia de lui et l'emprisonna jusqu’à sa mort en 1758.

 

 

 

 

Borommakot doit intervenir au Cambodge en 1750.  Le roi Ramathibodi qui était monté sur le trône en 1748 avait été détrôné une année plus tard par le Prince Satta avec l'aide des Cochinchinois. L'armée siamoise avait été envoyée, mais le Prince Ong Eng, le frère du Prince  Satta avait fait preuve d'allégeance au roi d'Ayutthaya, ce qui permit au Prince Satta de se maintenir sur le trône. Mais il mourut quelques mois plus tard et Ramathibodi put reprendre son trône.

 

 

Puis Wood revient sur Pya Dala, pour signaler que son frère, l'Uparaja de Pegu, avait capturé Ava en mars 1752 et fait prisonnier le roi de Birmanie qu'il fit transférer à Hanthawadi. La Birmanie semblait alors sous le pouvoir de Pya Dala. Mais très vite, un  Birman au nom d’Alaungpaya, issu du petit village de Moksobo (Shwebo) se révolta et put composer une armée de 5 000 hommes qui put reprendre Ava en décembre 1753 et capturer Hanthawadi  en mai 1757.  Pya Dala fut fait prisonnier et la suprématie birmane fut rétablie et mit fin au  royaume récent de Pegu.

 

 

 

Pendant ces événements qui avaient lieu en Birmanie, Borommakot gérait les affaires domestiques et religieuses. Il fut flatté de recevoir en 1753, une ambassade du roi de Ceylan qui lui demandait de lui envoyer une mission de quelques moines siamois pour réformer et purifier sa communauté bouddhiste corrompue. Il l'a reçue en grande pompe et envoya 15 moines. Il est dit que le chef de cette mission de moines  siamois s'appelait Upali et que de nos jours (En 1924) une secte appelé Upaliwong (ou Sayamwong) subsiste encore.

 

 

 

 

En 1756, le roi apprit que son fils aîné, l'Uparat, avait couché avec deux de ses propres femmes. (Remarquons que contrairement à Forest, on ne parle d'intrigue menée par deux de ses demi-frères) Le roi furieux, ordonna que son fils fut fouetté 230 fois, mais il  expira au bout de 180  fois. Ses deux épouses furent également fouettées à mort.

 

 

Il restait deux fils au roi: les Princes  Ekatat et Uthumpon. Il devenait urgent de nommer l'ainé Ekatat comme le nouveau Uparat (successeur), mais celui-ci estimait qu'il n'était pas capable de diriger le gouvernement. (La raison ici invoquée est surprenante, quand on sait qu'Ekatat reprendra le pouvoir à son frère deux mois après son accession. Cf. Article suivant).  De plus son visage était marqué par la lèpre. Son frère était intelligent, studieux, religieux par nature et aimé du peuple. Il fut donc nommé Uparat.

 

 

En mai 1758, le roi mourut à l'âge de 77 ans après un règne de 36 ans. Wood nous dit qu'il fut un des meilleurs rois du royaume d'Ayutthaya. Il aimait la paix et  fit tout pour éviter la guerre. Le peuple fut prospère et heureux, et il y eut peu de voleurs et de malfaiteurs durant son règne. Toutefois, quand il était offensé, le roi pouvait être d'une grande sévérité. Mais il était par nature gentil, généreux et gai. Chaque année, lors de la saison froide, il allait avec toute sa Cour vivre dans les rizières pour s'y relaxer, et profiter des danses et de la musique traditionnelles. Il aimait aussi assister aux courses de poney et toutes sortes de sport de la campagne.

 

 

Il fut également un grand législateur [Aucun exemple n'est donné] et certaines de ses lois ont encore cours (Lesquelles?).  Il fut sévère pour les voleurs d'éléphants et de bétail, qui étaient tatoués à la main et au  front pour leur premier vol et mutilé lors du second. Il faut savoir, ajoute-t-il, que le vol du bétail était fréquent à cette époque.

 

 

Ainsi pour Wood, le récit du règne de Borommakot avait été marqué par une dizaine d'événements en consacrant une large place aux bouleversements qui ont eu lieu en Birmanie de 1737 à 1757 (Révolte des Môns contre le roi birman qui refonde le royaume de Pegu en 1740, coup d'État à Pegu, et  Alaungpaya, chef du  petit village de Moksobo (Shwebo) qui put reprendre Ava en décembre 1753 et capturer Hanthawadi  en mai 1757 et mettre ainsi fin au royaume de Pegu. (Voir  (5) un récapitulatif en notes)

 

 

 

 

Une autre source: Les «Chroniques royales d'Ayutthaya» (6)

 

 

 

 

Elles vont consacrer 47 pages, en leur chapitre 10,  au roi Borommakot (1733-1758).

(Ou Somdet Phra Chao Yu Hua ou Boromokot ou Maha Tammaratchathirat II ou Boromma Kot).

Un règne que nous avons déjà traité en notre article 103 de «Notre Histoire de la Thaïlande». (2)

 

Le début du chapitre 10 des Chroniques royales (p.415-419), nous donne une version  de la prise sanglante du pouvoir par le futur roi. (Cf. Une mise en perspective des versions divergentes dans notre précédent article (1)) Ensuite dans leur style particulier, les chroniques vont relater une cinquantaine d'événements d'inégale importance et sans relations, où nous allons retrouver les rubriques habituelles, dont vous nous avons montré la valeur dans la légitimation bouddhiste et la puissance royale, à savoir l'éléphant blanc, les pèlerinages,  la rénovation des temples.

 

Ainsi nous trouverons la capture et le don solennel d'un éléphant blanc du roi du Cambodge au roi Borommakot (p.430), la capture d'éléphants dans le Sud (p. 436), la capture d'un éléphant blanc à Nakhon Si Thammarat (p.443), une chasse royale d'éléphants à Lopburi (p.453), une nouvelle chasse avec un pèlerinages (p.457); des pèlerinages en 1739 et 1740 (p. 434) avec celui traditionnel  à l'Empreinte du pied de Bouddha (p. 447), royale bienfaits et autre pèlerinage (p. 459). Outre le prestige acquis par les éléphants blancs et les pèlerinages, on  n'oubliera pas de signaler que le roi est un bon roi bouddhiste qui  rénove des temples et fait des dons (Cf. «dédication au monastère de division du Sceau» (p. 443), et surtout en 1755 (p. 454)) et une diplomatie religieuse engagée avec le roi de Sri Lanka pour l'envoi de moines siamois.  (p.452)

 

 

 

 

Mais on trouvera aussi d'autres événements comme: la rénovation du palais royal en 1735 (p. 428), son incendie en 1744 (p.439), la mort de la princesse Yothathep et du Chao Praya Chamnana Borirak et l'organisation de leurs funérailles, etc …

 

 

Mais les Chroniques relateront surtout d'autres événements plus importants, comme La révolte des Chinois en 1733 (ou 1535?), la découverte de l'or en 1747, les «événements» de Pegu et Ava (p. 437- haut p. 439) suivie d'une mission d'Ava à Ayutthaya (p.439-haut p.440), l' attaque d'Ava par Pegu, avec des Môns qui se réfugient à Ayutthaya (p.442 et p. 444), d'une mise au point des relations avec Pegu en 1750 (p.451), le rôle joué par Saming Tho (aux frontières de l'Ouest) ( p.448 et p.451),  une révolte de Lopburi en 1746 (p. 443), une nouvelle querelle dynastique au Cambodge suivie d'une nouvelle intervention guerrière d'Ayutthaya en 1750 (pp.449-451), une ambassade du roi de Sri Lanka en 1753 pour obtenir des moines siamois. (Cf. La version Wood plus haut afin de ne pas nous répéter et notre article 103 (2)).

 

 

Mais si les Chroniques royales retiendront une cinquantaine d'événements, il faut noter qu'elles se termineront (pp.459-462) sur une histoire touchante concernant le premier éléphant du roi nommé Paramount Chakraphanet que nous vous résumons:

Cit Sunthon obtint du roi que cet éléphant très vieux et prêt de mourir  puisse être présenté à l'Empreinte du Bouddha couché avant d'être relâché dans la forêt.

 

 

 

 

Le roi en personne fit les pèlerinages et relâcha l'éléphant, mais il reçut 2,3 jours après un rapport du gouverneur de Lopburi, qui lui apprit que l'éléphant  n'était pas entré dans la forêt, mais était venu dans sa ville et avait dormi au Pavillon central. Le roi fut touché et vit là une marque d'amour et son désir de finir ses jours à côté de lui. Des ordres furent donnés afin qu'il soit ramené à la capitale et placé là où il vivait, avec un titre encore plus honorifique.

 

 

Les Chroniques s'achèvent sur les circonstances de la mort du roi qui survint en mai 1758, en résumant superbement sa vie:

«Le pays était prospère, le peuple était satisfait, la sécurité régnait, pas de voleurs, il était inutile de clôturer les propriétés, charitable par nature même s’il fallait si besoin était, faire preuve de sévérité.».

 

 

Il avait 77 ans et avait régné 26 ans. Nul ne pouvait prévoir que le royaume d'Ayutthaya tomberait neuf ans après sa mort.

 

 

Nous avions là les principaux événements les plus connus, il restait aux historiens d'écrire  un récit possible.

 

NOTES ET REFERENCES.

 

 

(1) RH 51 -  LE ROI TAI SRA DU ROYAUME D'AYUTTHAYA (1709-1733)

http://www.alainbernardenthailande.com/2020/03/rh-51-le-roi-tai-sra-du-royaume-d-ayutthaya-1709-1733.html

 

 

(2) Notre article: 103. Les rois Borommakot (1733 – 1758) et Uthumphon. (13 avril 1758 – mai 1758)

http://www.alainbernardenthailande.com/article-103-les-rois-borommakot-1733-1758-et-uthumphon-1758-120704153.html

 

 

(3) Alain Forest, cf. De la révolution de Siam à la chute d'Ayutthaya. (1688-1767), in la 2e partie du livre1, «Les missionnaires français au Tonkin et au Siam. XVIIe- XVIIIe siècles». (pp.81-164),  L’ Harmattan, 1998.

 

 

(4) W. A. R. Wood, «A history of Siam from the earliest time to the year A.D. 1781 with a supplement dealing with more recent events», Chiangmaï, 1924. 

Chapitre 15, pp. 231-238

 

(5) Récapitulatif des événements évoqués par Wood:

 

La succession sanglante; L'attaque du Palais royal par 300 Chinois en 1733 (Forest évoque une révolte entre Chinois et en 1735. Mais aucun des deux ne nous donne les raisons); La nomination du Prince Sean Pitak (ou  Thammathibet pour Forest) comme successeur (Uparat) en 1740 (1741 pour Forest) et sa triste fin en 1756, fouetté à mort sur ordre de son père pour avoir couché avec deux de ses femmes, qui furent également fouettés à mort. (Chez Forest, on évoque une intrigue mené par des demi-frères qui l'ont accusé d'avoir couché avec une des premières concubines du roi (Deux chez Wood) , qui leur laissa le châtier à mort et enterrer sans cérémonie» (Mgr Brigot));

 

 

Ensuite Wood va s'attarder longuement sur les événements importants qui ont eu lieu en Birmanie qui auront ensuite de graves conséquences pour le Siam, avec quelques dates clés:

 

 

Transfert de la capitale birmane  à Ava en 1734; Rébellion en 1737 du gouverneur birman de Pegu, assassiné par un Pégouan (Môn) en 1740. Prise du pouvoir à Pegu par le Môn  Saming Toh en 1742, avec pour conséquence, la fuite à Ayutthaya des gouverneurs birmans de Martaban et de Tavoy avec leurs fidèles qui étaient restés fidèles à Ava; Leur accueil par le roi Boromamakot, favorable à une politique pro-birmane pour contrer les Môns. Refus de l'alliance proposée par  le nouveau roi de Pegu; Envoi d'une  ambassade  birmane à Ayutthaya en 1744 suivie en 1746 d'une ambassade siamoise  chaleureusement reçue à Ava; Coup d'État de Pya Dala en 1746 à Pegu (Avec les vaines tentatives de Saming Tho pour reprendre le pouvoir). Et enfin l'avènement du roi birman  Alaungpaya, chef du  petit village de Moksobo (Shwebo) qui put reprendre Ava en décembre 1753 et capturer Hanthawadi  en mai 1757 et mettre ainsi fin au royaume de Pegu. Il est le fondateur de la dynastie Konbaung et du troisième empire birman, en réunifiant la Birmanie de 1752 à 1759. Meurt en 1760.

 

 

Une incursion guerrière  au Cambodge en 1750, pour rétablir sur le trône le roi Ramathibodi, détrôné  par le Prince Satta avec l'aide des Cochinchinois, mais le frère du Prince  Satta  fait preuve d'allégeance au roi d'Ayutthaya. Ce qui met fin à la guerre. (On se souvient qu'en 1717, le roi Tai Sra avait aussi dû intervenir  au Cambodge pour rétablir Keo Fa sur  son trône).

 

 

En 1753, une ambassade du roi de Ceylan demande à Borommakot de lui envoyer une mission de quelques moines siamois pour réformer et purifier sa communauté bouddhiste corrompue.

 

 

En 1756, après la punition mortelle de l'ainé, coupable d'avoir couché avec deux épouses du roi, le Prince Ekatat s'estime incapable d'être  le nouveau Uparat (successeur), son frère  Uthumpon est nommé. En mai 1758, le roi meurt à l'âge de 77 ans après un règne de 36 ans et Wood en fait un portrait flatteur qui fait de lui, dit-il,  l'un des meilleurs rois du royaume d'Ayutthaya.

 

 

 

(6) Chapitre 10, pp. 415-462 in A Synoptic Translation by Richard D. Cushman, “The Royal Chronicles of Ayutthaya”, Edited by David K. Wyatt, The Siam Society, Under Royal Patronage, 2006.

 

 

 

 

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