Le prince Vajiravudh est né le 1er janvier 1881 et est le fils de la reine Saovabha. Il deviendra le prince héritier en 1894 à la mort de son demi-frère Vajirunhis et roi à la mort de son père, le roi Chulalongkorn le 23 octobre 1910, après 42 ans de règne. Il est sacré roi le 11 novembre 1911 et va régner 15 ans jusqu'à sa mort le 25 novembre 1925. Il a alors 44 ans.
Nous avions vu que le roi Mongkut (Rama IV) ouvert à la science et à la langue anglaise avait donné une éducation occidentale à ses enfants ; que son fils, le roi Chulalongkorn (Rama V) en avait profité et avait « entrepris des réformes dans les domaines de l'administration, de l'économie, de l'éducation, de la science, qui ont transformé la société traditionnelle et posé les fondations d'un État moderne » (UNESCO), en s'inspirant du modèle européen. Il avait d'ailleurs accompli deux voyages en Europe. Le 1er, officiel de 5 mois, en 1897 (14 mai-26 octobre), le second, officieux de huit mois, du 27 mars au 6 novembre 1907 durant lesquels il avait été ouvert et curieux à la « modernité » européenne, évaluant ce qui peut être importé sans oublier les valeurs siamoises. Il avait pris conscience que la construction de ce nouvel appareil d’État nécessitait de promouvoir une nouvelle instruction pour les Princes et les élites et de former des fonctionnaires pour gérer ces nouvelles tâches et créé l'Éducation nationale pour son peuple. Aussi avait-il envoyé le Prince Vajiravudh étudié en Angleterre dès l'âge de 11 ans de 1891 jusqu'à janvier 1903. Cette éducation anglaise sera déterminante pour le Prince dans ses choix culturels et politiques. Mais n'anticipons pas.
Nous avons consacré plus de 20 articles à Rama VI dans « Notre histoire de la Thaïlande » et 4 autres articles dans d'autres catégories, que nous avons résumé dans « Que savons-nous de Rama VI (1910-1925) ? » (Cf. (1)) Vous pourrez voir en « notes et références » les liens qui vous permettront d'en savoir plus.
L’éducation anglaise du roi Rama VI. (2) (1891-1902)
Un événement dans l’histoire du Siam : pour la première fois, un futur roi siamois allait étudier à l’étranger. En effet, il partit en Angleterre en 1891. (Vella dit qu’il part en Angleterre en 1893, à l’âge de 12 ans, et qu’il y restera 9 ans). On sait peu de choses sur sa formation, sinon qu'il suivit une formation militaire en 1898 au Collège Militaire Royal de Sandhurst ; et en 1899-1901, étudia le droit et l’histoire à la Christ Church d’Oxford. Il reviendra au Siam en janvier 1903, après avoir assisté, à la demande de son père, au couronnement du roi Edward VII en mai 1902
et à celui d’Alphonse XIII le 9 août 1902.
On ne peut que supposer qu'il reçut un enseignement général, des cours d’anglais, qu’il maîtrisera, des cours d’allemand et de français, qu’il sera capable de parler. On peut surtout deviner son goût pour la lecture et l’écriture, sachant que durant son séjour anglais, le prince Vajiravudh a créé et publié deux revues, l’une destinée aux enfants, The Screech Owl et l’autre aux Siamois qui résidaient dans ce pays, The Looker-On. Il a par ailleurs composé, à cette période, une quarantaine de poésies, en anglais et en français. Talents qu’il développera plus tard dans l’écriture, la traduction et l’adaptation de pièces de théâtre anglaises et françaises, en important et en adaptant des formes dramatiques occidentales.
Le prince a dû aussi fréquenter des gens illustres et cultivés, qui ont compté pour son éducation et sa culture. Il a partagé leurs « us et coutumes », leurs lectures, leurs sorties (théâtre, restaurants), leurs clubs...
...leurs sports élitistes (l’équitation, le tennis) ; rencontré et fréquenté les familles royales et nobiliaires lors de ses vacances (France, Belgique, Italie, Hongrie, Espagne, Russie). (Cf. notre article 158. Les vacances en France du futur roi Rama VI.)
1903-1910. Le Prince héritier.
Le prince Vajiravudh revient donc au Siam en janvier 1903. Walter F. Vella (3) nous apprendra qu’il se verra confier, en tant que prince héritier, de nombreuses responsabilités comme inspecteur général des armées, commandant de la garde royale, secrétaire privé du roi Chulalongkorn, président de la Bibliothèque Nationale, etc. Il accompagnera son père au Conseil des Ministres, aura accès aux documents ministériels ; assurera même un intérim de ministre de la Justice (quand ?). Il deviendra le Régent du royaume de mars à novembre 1907, durant le séjour du roi Chulalongkorn en Europe, qui continuera néanmoins à prendre les décisions.
Mais si le prince accomplit ses tâches de prince héritier, il sera surtout intéressé par le théâtre (écriture, mise en scène, acteur), la pratique de la danse classique, la production littéraire et journalistique, et … les jeux de simulation surtout ceux liés à la guerre et aux utopies d’organisation politique.
Après la mort de son père, le 23 octobre 1910, il devient le roi Rama VI. Il est sacré roi le 11 novembre 1911.
En ce début de règne, on voit un roi qui a des idées assez précises sur l’éducation de l’élite, la formation de ses fonctionnaires, de la jeunesse. Un roi qui à travers la création institutionnelle des « Tigres sauvages » et des scouts va mettre en œuvre une idéologie nationaliste.
Son premier acte en tant que roi est de construire le Collège des pages royaux conçu pour y recevoir une éducation sur le même modèle qu’Eton et Harrow.
Le roi définira lui-même le profil attendu. (Plus tard, il va aussi fonder – sur ses propres fonds - une école d’administration pour les futurs fonctionnaires (Chulalongkorn Academy for Civil Officials) et l’Université Chulalongkorn. En 1912, il va aussi créer le premier hôpital public, l’hôpital Vajira, et le second en 1914, l’hôpital Chulalongkorn.)
Rama VI créé donc officiellement, six mois seulement après le début de son règne le corps paramilitaire des « Tigres sauvages » เสือป่า (sueapa) le 1er mai 1911, et le 1er juillet 1911, le mouvement des Scouts, les « tigreaux » ลูกเสือป่า (luksuea), réservé aux mineurs. Ils émanent directement du scoutisme fondé par Lord Robert Baden Powell en 1907, avec les premières compagnies d’éclaireurs organisées en 1909.
Les « Tigres sauvages ». (Cf. Notre article (4))
Les « Tigres sauvages » devenaient non seulement la garde prétorienne du roi, mais aussi le meilleur véhicule pour développer ses idées nationalistes, créer un nouvel esprit national, l’esprit des « Tigres sauvages », et promouvoir un nouvel homme, un citoyen/soldat. Une organisation mise au service d’une pensée politique visant la défense de son pays, face aux appétits coloniaux des puissances européennes. (5)
Outre les discours, le roi écrivait leurs chants, dessinait leurs uniformes, organisait leurs parades, leurs manœuvres ; définissait toutes les règles, donnait les instructions, tous les ordres par écrit. Il contrôlait tout, chaque détail.
A la fin de 1911, 4 compagnies avaient été formées à Bangkok, et chaque gouvernement provincial (monthon) avait créé une compagnie. On ne comptait qu’environ 1000 tigres sauvages à la fin de 1912. Ils étaient au nombre de 10 000 environ en 1924.
Le mouvement des Scouts (les tigreaux, les luksuea). (5)
Le mouvement des Scouts est créé le 1er juillet 1911 par Rama VI, et sera intégré au cursus scolaire dès 1913. Sa progression fut rapide et en 1922, on pouvait compter 21 500 scouts dans 177 compagnies.
Le mouvement fut conçu comme la branche junior des Tigres royaux. Le roi en énuméra les principes basés sur la fidélité au souverain, l’amour de la Nation, et la loyauté à la communauté. Il indiquait qu’il s’agissait bien d’enseigner au plus jeune âge les qualités patriotiques défendues par les Tigres sauvages. Ils prenaient part aux exercices, aux parades et participaient aux manœuvres annuelles. Ils avaient également leurs exercices et pratiques spécifiques (camping, aide aux personnes, aux pompiers, travaux manuels de menuiserie, tissage, etc.).
Ce mouvement est toujours intégré aujourd’hui au cursus des écoles, sur la base du volontariat et le roi est leur Chef. Ils seraient près de 1,5 million à prêter le serment devant le drapeau à « obéir aux chefs, être loyal au pays, la religion bouddhiste et au roi.
Les critiques et le coup d’État avorté de 1912. ( (4) et (6))
Le total investissement du roi dans la création, l’organisation, et le développement de cette nouvelle « institution » des Tigres sauvages, parallèle aux corps constitués et qui transgressait la hiérarchie établie ne pouvait que susciter jalousies, ressentiments, critiques, et donner des arguments à ceux qui visaient un renversement de régime.
Les critiques circulaient. Un groupe songeait à une république avec le Prince Ratchaburi comme président, et deux autres groupes songeaient à une monarchie constitutionnelle avec à sa tête, Chaofa Boriphat (alias Paribatra) pour l’un
et Chaofa Chakraphong pour l’autre.
Pendant que le roi était à ses manœuvres en février 1912 avec ses Tigres au camp de Ban Pong, le Prince Chakrapong fut informé de la préparation d’un coup d’État, et fit rapidement arrêter 106 « conspirateurs » le 1er mars 1912. Le 4 mars le Bangkok Times en donnait l’information. Deux mois après, ils étaient jugés : trois hommes avaient été condamnés à mort, 20 à l’emprisonnement à vie, 32 à des sentences de 20 ans, 7 à 15 ans, 30 à 12 ans. Le roi commua ses peines et condamna à la prison les 3 premières catégories. Il les graciera en 1924. Ce fut une sérieuse alerte pour le roi.
Le « nationalisme » de Rama VI face à deux modèles : le modèle « occidental » et le modèle « siamois ». (Cf. Nos trois articles. (7).)
Le livre magistral de Walter F. Vella, « Chaiyo ! King Vajiravudh and the development of Thai nationalism » répond à ceux qui vilipendent son « nationalisme » ne retenant que son essai anti-chinois de juillet 1914 publié dans le Siam Observer, intitulé « Les Juifs de l’Orient », concernant les Chinois installés au Siam, ou ne voyant dans sa politique « qu’une politique d’exclusion, d’opposition à l’étranger, de repli sur une identité nationale figée. ».
Le roi sait qu’on lui reproche d’être trop pro-occidental, à cause de ses études effectuées en Angleterre, de certains de ses goûts, de l’anglais qu’il parle, mais il nous invite à ne pas se fier à son extérieur, et de voir à l’intérieur « une chair très thaïe ». Il est, affirme-t-il, profondément attaché aux traditions de son pays et s’il est ouvert à certaines coutumes occidentales, ce n’est qu’en pensant au bonheur et au bien-être de son peuple. Son désir le plus grand est que la nation ne perde pas ses idéaux. (« Sapsat »)
Le roi a souvent défini ce qu’il fallait entendre par « Nation ». Le Siam n’est pas seulement un pays (prathet thai ou muang thai) avec une population thaie (chao thai ou phonlamuang thai) mais une nation (chat thai) avec sa propre identité. Les Thaïs, dit-il, doivent savoir ce qui constitue une nation et la Thainess. Ils doivent savoir que les Thaïs sont différents des autres pays, avec leur histoire, leur art, leur langage, leur littérature, leur religion bouddhiste, leur amour du roi, leur esprit de guerrier libre.
Ils ne doivent pas déprécier leur nation au nom d’une excessive admiration de l’occident et des Européens, avait-il écrit dans un essai intitulé Clogs on our Wheels, (Bangkok, in Siam Observer, 1915).
De même le roi va justifier son message nationaliste avec la différenciation entre les Thaïs et les Chinois dans un essai publié en juillet 1914, « Les Juifs d’Orient ». Ce texte sera critiqué par la comparaison qu'il fait entre les juifs d'Europe à travers plusieurs stéréotypes antisémites et les Chinois de Thaïlande. Mais il s’agissait pour le roi, de rappeler, une fois de plus, ce qu’était un vrai Thaï : une personne qui parle thaï, qui est loyal à son roi, sa religion et son pays. (in Kwampen chat doi thae ching) Pour lui, un Chinois restait un Chinois, prêt à quitter le pays au moindre trouble. D’ailleurs, remarquait-il, ils vivent en communauté, parlent chinois, sont impliqués dans les sociétés secrètes. ( Cf. La grève générale de 3 jours des Chinois en 1910)
Il développera l’éducation nationale, avec la loi de 1920 sur l’éducation primaire suivie en 1921 de la loi rendant la scolarisation obligatoire pour tous les enfants de 7 à 14 ans qui a permis d’initier un enseignement sur la base de programmes écrits basés sur la moralité et la construction de la Nation.
Rama VI et l’économie du Siam. (Tiré de notre article (8))
Rama VI avouait en 1912 peu connaître l’économie et encore moins la finance (In A Siam Miscellany), estimant que son étude servait peu, au vu que les riches n’étudient jamais la politique économique, et que les économistes ne devenaient jamais riches. Mais son ambition nationaliste ne pouvait faire fi de la nécessité du développement du Siam, des moyens de sa défense et de maintenir son pays dans une relative autonomie économique ; Et son pouvoir absolu ne pouvait le faire renoncer au budget royal. Mais les crises financières sérieuses, comme celles de 1913, et de 1919-1923, lui monteront les tristes « réalités économiques ».
lI explicitera à plusieurs reprises ces idées, notamment dans un essai en 1915 intitulé « Réveilles-toi, Siam » qui était consacré aux dimensions économiques de sa politique nationaliste. Il estimait que son peuple produisait ce dont il avait besoin, mais que l’augmentation des importations étrangères et l’immigration excessive de travailleurs chinois, avaient causé la perte de nombreuses manufactures thaïes et remplacé la main-d’œuvre thaïe, et ceci d’autant plus facilement que les Thaïs -disait-il- « par nature n’aiment pas le dur travail ».
Cet appel national à ces concitoyens s’expliquait par la conscience qu’il avait des ressources limitées du gouvernement et au fait que la défense du pays était la priorité nationale. Terwiel (8) cite Cook qui estimait en 1925, que le Siam consacrait 23,3% de son budget pour sa défense et que 10,7 % était réservé aux dépenses royales, auxquelles il fallait ajouter d’autres dépenses royales que l’on inscrivait dans d’autres lignes du budget.
Trois réformes seront engagées ayant pour objectifs d’encourager l’autosuffisance.
La première fut l'introduction de l’apprentissage de l’artisanat dans les écoles. La seconde visait à fournir aux paysans une source de crédit pour les rendre moins dépendants des usuriers chinois. Une loi du 1er avril 1913 proclamait la création de la Banque Nationale de Crédit ; Et en 1916, fut créé la première coopérative qui regroupait en 1922, une soixantaine de sociétés. La troisième réforme visait à soutenir la création de grandes entreprises thaïes, mais la seule qui connut un succès fut la Compagnie de Ciment du Siam fondée en 1913, qui avait pour objectif de couvrir tous les besoins du Siam en ciment. Objectif qui fut atteint à la fin du règne.
Mais le Siam allait connaître une grave crise financière de 1919 à 1923.
Déjà en 1917 (Terwiel dit 1916), une spéculation sur les pièces en argent avait coûté cher au gouvernement, qui dut se résoudre à l’alliage, puis à l’interdiction de son exportation et enfin en 1918 à son remplacement par du papier monnaie. « La crise financière fut intensifiée par la « crise du riz », provoquée par le stockage du riz réalisé par les marchands chinois l’achetant en vue de l’exporter à Singapour qui était alors le plus grand marché de la Région. Cette spéculation ne pouvait que provoquer la hausse des prix et le mécontentement des habitants des villes et surtout de Bangkok. Le gouvernement fut contraint de taxer le riz à l’exportation avec les réactions prévisibles des traders chinois, et d’imposer une nouvelle taxe qui s’appliquait même à la famille royale. Cette taxation fut même la cause d’une révolte à Pattani en 1922 qui fut « réglée » par le régiment de Natron Si Thammarat.
Terwiel considère que le roi pendant cette période avait laissé ses administrateurs régler la crise, préférant se retirer dans « son monde imaginaire » et user de ses dépenses, comme il l’entendait.
D'autres événements marqueront le règne, comme le passage « en douceur » au système métrique entre 1912 et 1923 (Cf. Notre article (9)) ;
la création de l’État-civil (rendu nécessaire depuis l'abolition de l'esclavage en 1905 pour les ex-esclaves qui en étaient dépourvus. Cf. Le système mis en place par Rama VI pour l'attribution des noms de famille นามสกุล (namsakoun) dans notre article (10)) ;
Et la romanisation du thaï (11).
Mais un autre événement aura des conséquences importantes pour l’indépendance et la souveraineté du Siam : Le 22 juillet 1917, le roi Vajiravudh déclare la guerre à l'Allemagne et à l'Autriche-Hongrie. (12)
On peut penser que la décision du Président des États-Unis Woodrow Wilson de déclarer la guerre à l'Allemagne en avril 1917, au côté de l’Entente, a joué un rôle important dans sa décision.
Le Siam envoya une petite force expéditionnaire de 1284 volontaires, sous le commandement du général Phya Pijaijarnrit qui arrive à Marseille le 9 août 1918. Certains furent envoyés à l'École de bombardement du Crotoy, d'autres à l'école de reconnaissance de Chapelle-la-Reine, à l'école de tir de Biscarosse, et à l’école de chasse de Poix et le personnel de l’armée de l’Air commença à se former dans les écoles françaises de pilotage d’Avord et d’Istres. Plus de 95 hommes furent brevetés pilotes.
Une unité médicale d’infirmières siamoises est signalée sur le front occidental et Claire Tran (in CNRS/le Journal du 9/11/2018) assure qu'un seul groupement automobile siamois partit sur le front, non loin de Verdun en septembre 1918 mais apparemment ne participa à aucun engagement. Après l’armistice, le groupement siamois fut chargé d’occuper la ville de Neustadt dans le Palatinat et à la fin de la guerre, il participa aux défilés à Paris, Bruxelles, et Londres. Le dernier groupement siamois rentra au Siam le 21 septembre 1919. 19 soldats siamois décéderont sur le front occidental, de maladies, d’accidents et de froid lors de leur participation à l’occupation en 1919 (La France avait perdu 1.350.000 hommes, la Grande-Bretagne 1.150.000 hommes et probablement quatre fois plus de blessés plus ou moins gravement.)
Le monument aux morts de Bangkok
Le 11 novembre 1918, l’armistice est signé, déclarant la fin de la première guerre mondiale. Le Traité de Versailles du 28 juin 1919, entré en vigueur le 10 janviers 1920, déterminera les frontières de plusieurs pays, et créa la Société des Nations.
La Section III, consacré au Siam comporte trois articles :
Article 135. L'Allemagne reconnaît comme caducs, depuis le 22 juillet 1917, tous traités, conventions ou accords passés par elle avec le Siam, ensemble les droits, titres ou privilèges pouvant en résulter, ainsi que tout droit de juridiction consulaire au Siam.
Article 136. Tous biens et propriétés de l'Empire ou des États allemands au Siam, à l'exception des bâtiments employés comme résidences ou bureaux diplomatiques ou consulaires, seront acquis de plein droit au Gouvernement siamois, sans indemnité.
Les biens, propriétés et droits privés des ressortissants allemands au Siam seront traités conformément aux stipulations de la partie X (Clauses économiques) du présent traité.
Article 137. L'Allemagne renonce à toute réclamation, pour elle ou ses nationaux, contre le Gouvernement siamois relativement à la saisie des navires allemands, à la liquidation des biens allemands ou à l'internement des ressortissants allemands au Siam. Cette disposition ne doit pas affecter les droits des parties intéressées dans le produit d'aucune de ces liquidations, ces droits étant réglés par les dispositions de la partie X (Clauses économiques) du présent traité. Il permettait ainsi au Siam de conserver à titre de dommages de guerre pas moins de 11 navires appartenant à la compagnie “North German Lloyd” (LGN).
En janvier 1920, le Siam devenait un des membres fondateurs de la Société des Nations. Rama VI assurait ainsi une garantie internationale pour l’indépendance et l’intégrité du Siam.
Le 1er septembre 1920, les États-Unis abandonnèrent leurs droits d’extraterritorialité au Siam. Après cinq années de négociation, la France (février1925) et la Grande-Bretagne (juillet 1925) renonçaient aussi à leurs droits d’extraterritorialité, aux traités inégaux leur accordant le « Droit de Protection consulaire » qui donnaient (par exemple l’article 7 du traité de 1893) aux Français mais aussi à ceux qui dépendaient du « Protectorat français »comme les Annamites, les Laotiens, les Cambodgiens (Cf. les Chinois et Japonais inscrits), la liberté de circuler et de commercer librement sans payer de droits de douanes. Le 12 janvier 1926, la France et le Siam signaient un traité d’amitié, de commerce et de navigation.
Mais Rama VI, fut avant tout écrivain, traducteur, journaliste, promoteur de la littérature au Siam. (13) « Un roi par hasard, un écrivain par vocation » dira Inthano.
Tout au long de son règne Rama VI interviendra via des discours, essais, articles de journaux, poèmes, et pièces de théâtre, sur la scène politique et sociale de son royaume, pour défendre sa politique nationaliste, le bouddhisme, le passé glorieux du Siam, mais aussi sur l’état-civil, l’éducation nationale, le statut des femmes, le bien-fondé de ses Tigres sauvages, l’autosuffisance alimentaire, etc. Mais sa passion restera la culture et la littérature, avec la traduction d’œuvres aussi glorieuses que celles de Shakespeare et de Molière, et leurs adaptations pour un public siamois, et la création de sa propre œuvre avec poèmes, pièces de théâtre.
Son œuvre est immense. (Cf. Liste restreinte dans notre article (13))
Terwiel a pu compter par exemple 34 pièces de théâtre originales et 36 pièces traduites ou adaptées. Inthano, lui, évoque une édition d’une centaine d’œuvres identifiés par ML Pin Malakul, intitulée « Cent pièces de théâtre du roi Vajiravudh », qui joueront un rôle fondamental dans la promotion de l’importation des formes littéraires occidentales et dans l’institutionnalisation de la littérature au Siam.
Un roi prolifique qui connaissait également la littérature sanscrite et hindoue, et traduisait de multiples histoires tirées du Ramayana et du Mahabharata, et écrivait des pièces qui en sont inspirées. Et nous n’oublions pas le journaliste nationaliste virulent, auteur de multiples articles non seulement dans son journal, le Dusit Samit mais aussi dans le หนังสือพิมพ์ไทย nangsuphimthai (tout simplement « le journal thaï ») ou encore le Siam Observer, journal fondé au début du XXème dans lequel il avait probablement des intérêts financiers, sous son nom de plume de อัศวพาหุ Atsawaphahu (que l’on peut traduire par « le cheval qui fait peur »).
Un roi qui en 1918 encouragera les publications littéraires et fondera l’hebdomadaire Dusit Samit, dans lequel il laisse place à la liberté d’expression des auteurs, avec des textes littéraires ainsi que de nombreuses satires humoristiques qui seront publiés dans ce magazine jusqu’en 1921». (p.46, in Louise Pichard-Bertaux, « Écrire Bangkok : la ville dans la nouvelle thaïe contemporaine, Connaissances et Savoirs, 2010.)
On ne peut qu’être impressionné par l’activité littéraire, de « traducteur » des œuvres occidentales, de journaliste engagé, et de promoteur de la littérature siamoise. Certains le lui reprocheront dans la mesure où la vocation littéraire du roi se faisait, selon eux, au détriment des intérêts de l’État.
Roméo et Juliette
Nous avons au fil des articles prouvé le contraire et montré sa détermination à défendre son royaume, moderniser son pays, fonder l’école primaire obligatoire pour tous, redonner au Siam sa souveraineté pleine et entière, en devenant membre fondateur de la Société des Nations en 1920.
NOTES ET RÉFÉRENCES.
(1) 155. Que savons-nous de Rama VI (1910-1925) ?
Résume 4 articles :
28. Les relations franco-thaïes : La première guerre mondiale.
Notre article 9 sur le nationalisme
A86. Le coup d’État manqué de 1912 ?
http://www.alainbernardenthailande.com/article-a86-le-coup-d-etat-manque-de-1912-112832034.html
Cite nos principales sources :
BAFFIE, Jean. Présentation : Un règne de transition encore trop peu étudié. In: Aséanie 11, 2003. pp. 157-162. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/asean_0859-9009_2003_num_11_1_1777
VELLA, Walter F. 1978 - Chaiyo! King Vajiravudh and the development of Thai nationalism, Honolulu, The University of Hawaï Press, 348 p.
GREENE, Stephen Lyon Wakeman 1999 - Absolute Dreams. Thai government under Rama VI, 1910-1925, Bangkok, White Lotus, 224 p.
FINOT, Louis, « Notes de voyage sur le Siam » (Causerie faite à la Société de Géographie de Hanoi le 11 Mars 1924) In: Aséanie 11, 2003. pp. 163-183.
Inthano Theeraphong, « L’influence occidentale sur le développement du théâtre siamois. Le cas du roi Vajiravudh (1910-1925) », thèse soutenue le 23 juin 2013 à l’INALCO.
(2) 59. L’éducation anglaise du roi Rama VI.
Qu’avait-il bien pu apprendre de 11 ans à 16 ans ? Quelle fut sa formation militaire reçue au Collège Militaire Royal de Sandhurst en 1898 (il a alors 18 ans) ? Quels cours de droit et d’histoire avait-il suivi à la Christ Church d’Oxford de 1899 à 1891 ? Pourquoi y avait-il écrit un mémoire intitulé « The war of the polish Succession » ?
(3) VELLA, Walter F. 1978 - Chaiyo! King Vajiravudh and the development of Thai nationalism, Honolulu, The University of Hawaii Press, 348 p.
(4) 162. Les « Tigres sauvages » de Rama VI (1910-1925).
Basé sur le livre de Walter F. Vella, en ses chapitres trois et quatre.
http://www.alainbernardenthailande.com/article-162-les-tigres-sauvages-de-rama-vi-1910-1925-125174342.html
En plus des parades, l’activité la plus importante était la participation des « Tigres sauvages » aux grandes manœuvres annuelles, sachant qu’ils devraient venir en soutien à l’armée en cas de guerre. Le roi y participait ainsi que des ministres et des autorités. La première eut lieu à Nakhon Pathom du 20 janvier au 2 mars 1912. En 1913, des unités de l’armée vinrent se joindre à ces manœuvres. En 1914, du fait de la guerre mondiale, les objectifs ont bien sûr changé et les « Tigres sauvages » furent organisés pour devenir une seconde ligne de défense. Le roi écrivit un essai en octobre 1914 qui précisait les rôles dévolus aux « Tigres sauvages » et aux Boys scouts en temps de guerre. ( Chotmaihet suapa (CMHSP 7, n°6)
Lors de 11 conférences sur le bouddhisme (26 avril 1914 au 13 septembre 1914) , le roi rappelait à ses « tigres sauvages que chaque race et pays se devaient d’avoir un but afin d’être brave et être prêt à se sacrifier pour défendre sa race, sa religion et son roi. Si la religion était le meilleur moyen de montrer la voie à suivre, il allait expliquer aux Tigres que le bouddhisme était la meilleure. Et il exposait ensuite, entre autres, le bien-fondé du bouddhisme pour les Siamois par rapport au christianisme et à l’Islam ; les différents préceptes que les Tigres devaient suivre.
(5) 163. Rama VI crée le mouvement des Scouts en 1911.
(6) A86. Le coup d’État manqué de 1912 ?
http://www.alainbernardenthailande.com/article-a86-le-coup-d-etat-manque-de-1912-112832034.html
(7) 168. Le « nationalisme » de Rama VI (1910-1925).
Rama VI face à deux modèles le modèle « occidental » et le modèle « siamois ».
1. Le modèle occidental. http://www.alainbernardenthailande.com/2015/02/170-rama-vi-face-a-deux-modeles-le-modele-occidental-et-le-modele-siamois.html
2. le modèle siamois. ww.alainbernardenthailande.com/2015/02/1-171-rama-vi-face-a-deux-modeles-le-modele-occidental-et-le-modele-siamois-2-le-modele-siamois.html
Cf. aussi notre article 9 sur le nationalisme : http://www.alainbernardenthailande.com/article-article-9-vous-avez-dit-nationalisme-thai-66849137.html
(8) 172. Rama VI et l’économie du Siam. (1910-1925)
http://www.alainbernardenthailande.com/2015/03/172-rama-vi-et-l-economie-du-siam-1910-1925.html
Là encore nos sources sont tirées du livre de Walter F. Vella, « Chaiyo ! King Vajiravudh and the development of Thai nationalism », et du chapitre intitulé “Economic Nationalism” (pp.167-175, 7 pages et demie)
Et aussi de B.J. Terwiel, « Thailand’s Political History, From 13yh century to recent times », River Books, 2011. Cf. Chapitres : “Siam’s Financial Crisis” et “The King and the Government” (pp. 244-247)
(9)166. Le Siam passe « en douceur » au système métrique entre 1912 et 1923.
(10) 69. Rama VI crée l'Etat civil siamois.
http://www.alainbernardenthailande.com/2015/02/169-rama-vi-cree-l-etat-civil-siamois.html
http://www.alainbernardenthailande.com/2015/02/169-rama-vi-cree-l-etat-civil-siamois.html
(11) 165. Le roi Vajiravudh et la romanisation du thaï.
(12) 164. Le Siam participe à la 1ère Guerre mondiale. Les conséquences pour le Siam.
28. Les relations franco-thaïes : La première guerre mondiale.
http://www.alainbernardenthailande.com/article-28-les-relations-franco-thaies-la-1-ere-guerre-mondiale-67543426.html
A 176 - พวกเขาถึงตายทำไม ? LE MÉMORIAL DE BANGKOK A LA MÉMOIRE DES 19 MILITAIRES SIAMOIS MORTS AU COURS DE LA GRANDE GUERRE.
http://www.alainbernardenthailande.com/2015/02/le-memorial-de-bangkok-a-la-memoire-des-19-militaires-siamois-morts-au-cours-de-la-grande-guerre.html
H 20 - UNE AUTRE VISION DE LA PARTICIPATION DES SIAMOIS A LA 1ERE GUERRE MONDIALE EN 1917.
H 30- LE ROI VAJIRADUDH OU L'HISTOIRE D'UN RÊVE MILITAIRE CONTRARIÉ.
(13) 173. Rama VI, écrivain, traducteur, journaliste, promoteur de la littérature au Siam.
Cf. aussi :
176. La fin du régime des capitulations au Siam en 1925.
177. Le Siam de Rama VI retrouve tous ses droits souverains en 1925.
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