Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
  • Contact

Compteur de visite

Rechercher Dans Ce Blog

Pourquoi ce blog ?

  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

(suite cliquez)   POURQUOI CE BLOG ?

Pour nous contacter . alainbernardenthailande@gmail.com

Merci d’être venu consulter ce blog. Si vous avez besoin de renseignements ou des informations à nous communiquer vous pouvez nous joindre sur alainbenardenthailande@gmail.com

19 juillet 2012 4 19 /07 /juillet /2012 03:01

titreIl y avait donc de multiples versions sur l’origine de la fondation d’Ayutthaya. 


Nous avons déjà évoqué trois versions. Deux venant des Annales du Nord  traduites par Mgr Pallegoix , et une autre de wikipédia. Nous étions curieux de la version proposée par Stéphane Dovert, in Thaïlande contemporaine,*qui se mettait sous l’autorité de Richard D. Cushman : « Mais on se référera surtout au travail monumental de Richard D. Cushman, The Royal Chronicles of Ayutthaya ». 

 

LastScan


1/ Que dit Dovert ? (ancien directeur de l’ IRASEC) 

  • Il nous met en garde contre les « récits des chroniqueurs, chinois, européens et persans, qui tendaient à considérer les lieux qu’ils visitaient comme particulièrement centraux », contre l’histoire nationale, qui veut  « légitimer, par une réinterprétation du passé, la notion relativement récente d’Etat-nation. »
  • Ayutthaya « entre le XIV ème et le XVII ème siècle (était très certainement) le principal centre de pouvoir du monde siamois, mais il n’était pas le seul ». Et de citer « les petites principautés thaies de Phetchaburi, Lopburi et Suphanburi ». (et Sukhotai et le Lanna ???)
  • Il présente U Thong comme le « fils d’un commerçant prospère (issu de la dynamique communauté chinoise) qui a pu (quelle précision !) épouser une princesse locale. Et en 1350, alors que le peuple était décimé par une meurtrière épidémie de variole, il a pris la tête d’un groupe d’hommes valides et s’en est allé fonder une nouvelle ville au coeur d’une région marécageuse ».

C’est consternant !


dovert


Pourquoi a-t-il besoin de se référer au « travail monumental de Richard D. Cushman », pour se contenter de telles platitudes et imprécisions. On ne saura pas comment ce héros est passé de la création d’une ville « avec quelques hommes valides » à la fondation d’un royaume (capable de prendre la puissante Angkor en 1353 !), sous le regard indifférent de Sukhotai !


Cette 4 ème version ne tenait pas la route et surtout n’apprenait rien.


2/ Et la version de Xavier Galland** parue dans Gavroche,  (l’auteur du « Que sais-je sur l’histoire de la Thaïlande »).


On apprend (remarquez la précision !)*** :

 

precision


  • qu’ « En l’an 712 (une année du Tigre), au sixième jour du premier croissant du cinquième mois, un vendredi, à trois nalika et neuf bat après le lever du soleil - soit le vendredi 4 mars 1351, peu avant dix heures du matin -, une cérémonie avait lieu sur une île du Chao Phraya »,  où « devenait roi sous le nom de Ramadhibodi et Krung Thep Dvaravati Sri Ayutthaya devenait officiellement la capitale d’un royaume qui désormais porterait son nom » .

Cette 5ème version est plus cohérente, même si on n’en connait pas la source. Elle répond à la question : « Qui était donc ce personnage et pourquoi installait-il sa capitale dans cet endroit ?  »

 

  • On y apprend que U Thong  (dont on ne connait pas le nom) était gouverneur d’ UThong (située à 25 km de Suphanburi)
  • « Selon toute vraisemblance - mais sans preuve formelle - il aurait été lié par son père à l’importante communauté marchande chinoise présente dans la région à l’époque et, par sa mère, à la maison de Lopburi. »
  • U-Thong est marié à une princesse de la maison de Suphan Buri.
  • La recherche d’un nouveau site est due à «  la tristement célèbre épidémie de peste noire ». (selon les versions peste ou variole).
  • Bien situé le nouveau site trouvé « sur le cours du Chao Phraya, le site d’Ayodhya est à la balance des zones d'influence de Suphan Buri, à l’ouest, et de Lopburi, à l’est. Or U-Thong est précisément marié à une princesse de la maison de Suphan Buri. Cette double accointance fait de lui un personnage acceptable par les deux parties. C’est pourquoi, fort de la main-d’oeuvre et de l’expérience militaire de Suphan Buri, de l’expertise administrative et religieuse de Lopburi (héritée de l'empire khmer, précisément en plein déclin) et du soutien logistique et financier de l’importante communauté chinoise, il fonde Ayutthaya - dans le creux du Y, probablement en 1349 - et, deux ans plus tard, en fait la capitale d’un royaume qui regroupe sous son autorité toute la partie inférieure du bassin du Chao Phraya. »

On peut émettre des doutes sur la possibilité de pouvoir créer un royaume après seulement deux ans da la création de la ville d’Ayutthaya, mais au moins cette version explique le nouveau pouvoir du gouverneur d’U Thong, allié à Suphan Buri par sa femme, à Lopburi (par sa mère ?) et à l’appui financier de « l’ importante » communauté chinoise, pour conquérir, en deux ans , « toute la partie inférieure du bassin du Chao Phraya »

 (Importante communauté chinoise ? 4000 au milieu du XVII ème selon de La Loubère et 10 000 selon  William Skinner  à la fin du XVIII ème siècle)


skinner


3/  Dans le précédent article nous rappelions que L. Petithuguenin dans ses « Notes critiques pour servir à l’histoire du Siam », signalait que les « annales d’Ayuthaya » proprement dites, « Phong savada krun kao », un texte imprimé en siamois en 1835 et « perdu »,  avaient été traduites en anglais entre 1836 et 1839 dans les volumes V, VI et VII du « Chinese repository » par le Révérent DJ Taylor Jones.

 

Allions- nous ENFIN y trouver la source susceptible de nous informer de façon fiable ?


 chinese repository


Notre 6 ème version serait-elle enfin la bonne ? 

 

Là encore, on avait le sentiment que notre présentation du document était plus savante que ce que nous allions trouver.

 

L’auteur, après une introduction générale d’une  soixantaine de lignes -dont nous aurions beaucoup à dire- affirme –lui aussi- qu’ « il part de différentes et authentiques sources », dont il nous ne  donne aucune référence.

Ensuite il commence en 712 (disant que cela correspond bien à notre année 1351), pour relater en 16 lignes :

  • La « naissance » sacrée de la ville de Sia Yuttiya,  le « On friday, the 6th day of the waxing moon, 5th month, at 3 O’ clock and 50 minutes », date propice choisie par les Brahmanes »
  • Le couronnement d’ U Tang.
  • Le roi envoie  son fils  Rammasawan gouverner la province de Lopburi.
  • Une liste de 16 « pays » vassaux **** (dont Java ?)
  • Le roi envoie 5000 hommes attaquer le Cambodge et revient victorieux avec un grand nombre de prisonniers.

 

Quelle année !!!


Le roi  peut créer, en  l’année 712 (1351), une ville, un royaume, se faire couronner, avoir déjà 16 « pays » sous sa suzeraineté, et attaquer victorieusement Angkor !

Quel homme !

 

On peut noter que Xavier Galland, donnant plus de détails, n’a pas utilisé la même source.

 

Ensuite notre « Chinese repository » , pour notre roi U Thong, évoque l’année 715 en 5 lignes, (10 ans après) 725 en 2 lignes, 731 en 2 lignes et demie, soit 10 lignes pour 20 ans de règne !

 

A savoir :

  • 715. La fondation du temple « The heavily Budha of Siam », « on thurday, the 1st of waxing moon, 4th month, at two O’ clock and forty minutes ». (Les minutes doivent être importantes!)
  • 725 (10 ans après !). Deux fils du roi meurent de la variole. Le wat « The crystal forest » est érigé.
  • 731. (6 ans après. Et on évoque déjà la mort du roi). Le roi rama meurt après un règne de 20 ans. Son fils revient de son gouvernement provincial pour lui succéder.

 

Et c’est tout.

 

On ne pouvait pas dire que cette 6 ème version  de la fondation d’Ayutthaya tirée du « Chinese repository »  nous avait beaucoup appris.

On revenait avec une nouvelle question, comment le roi Ramathibodi, couronné, sous les auspices des Brahmanes, allait -disent nos « experts »- déclaré en 1360, le bouddhisme theraväda, religion officielle d’Ayutthaya ? Une énigme de plus.

 

4/ Il était temps d’aller vers notre 7 ème version-signalée aussi  lors de l’article précédent-une version écrite en français par L. B. Rochedragon, « Phongsa-Vadan, les « annales officielles siamoises », « traduction littérale » publié en 1891 dans le très confidentiel « Bulletin de la société de géographie de Rochefort ».*****

On peut remarquer que Rochedragon, comme la majorité des auteurs ayant écrit sur le sujet  laisse supposer avec son titre les « annales officielles siamoises », une référence reconnue, officielle et donc vraie.

Malheureusement, une fois de plus, on doit admettre que Rochedragon ne nous a pas éclairé sur cette fondation d’Ayutthaya.


Il évoque lui-même plusieurs versions, comme celle qui fait d’Uthong, un roi qui régna 7 ans au Cambodge après avoir épousé une  fille du roi, et qui fuyant la peste vient s’installer en 1350 à Ayutthaya.


« Il existe deux autres versions-dit-il- de la fondation de la ville imprenable, qui fut prise et détruite de fond en comble par les Birmans, 417 ans après sa fondation. Ces légendes paraissent beaucoup plus vraisemblables que la première.

« Pahyah-Uthon régnait à Kampehng-Pêth. Ayant envoyé inspecter la plage méridionale de l’ïle, on lui rapporta qu’elle était très fertile et très poissonneuse. Il émigra alors avec tout son peuple et vint s’établir dans l’île désignée, où il fonda Ayuthia, en l’an 712 de l’ère siamoise. Le roi Pahya-Uthon régnant à Ayuthia, prit le nom de Somdet-Phra-Rama-Thibodi et établit roi à Lopaburi,  son fils, Prah-Ramesuen. »


Autre version : « Les habitants des provinces de Chiengmaï et Kampehng-Pêth, étant sans cesse ruinés et massacrés par les incursions de leurs ennemis, abandonnèrent leur pays natal et vinrent s’établir à Cha-Leng, à l’ouest du Siam proprement dit. Cinq rois de la première dynastie y régnèrent, jusqu’au sixième, nommé Uthon-Somdet-Prah-Rama-Thibodi, qui monta sur le trône en 706 de la petite ére. Cha-leng fut le siège de son gouvernement pendant six années. La peste s’étant alors déclarée, il fit rechercher un lieu propice à une nouvelle installation et émigra avec tout son peuple, en 712 de l’ère civile siamoise. »


Mais s’il qualifie ses trois versions  de légendes, il porte crédit à une quatrième que nous n’avions pas encore lue.


 Uthong, qui  monta sur le trône d’Ayutthaya en 1350 sous le nom de règne de Somdet-Prah- Rama-Thibodi 1er était auparavant  le fondateur du royaume et de la dynastie de Chieng-Raï !

 

(Chieng-Rai !!! Heureusement que tous ces auteurs ont traduit  les mêmes « annales officielles siamoises »).


Vous ne nous croyez pas. Lisez alors :


« 1– Première dynastie. – Dynastie de Chieng-Raï


1/ En 712 de l’ère civile siamoise (1350), Phra Chao-uthong fondateur du royaume et de la dynastie de Chieng-Raï, monta sur le trône sous le nom de règne de Somdet-Prah- Rama-Thibodi 1er. Il jeta  les fondements de sa nouvelle capitale dans une île nommée Nong-Son, et l’appela Krung-Thap-Maha-Nakhon-Bovora-Thavara-Vadi-Si- Ayutthaya .

Son fils aîné, Somdet- Prah-Ramesuen, fut chargé d’administrer le pays de Lava, ou région de Lopaburi. Ce prince, encore désigné sous le nom de Khun-Luang-Pahngnga, général plein de bravoure, reporta plusieurs grandes victoires sur les ennemis de son père. En récompense de ces services, le roi l’éleva au rang de Somdet-Prah-Boromma-Raxa-Thirat et lui confia le gouvernement de la province de Supahnnaburi. »


Cela sera encore plus sec pour les suivants :


2/ Somdet- Prah-Ramesuen succéda à son père, en sept cent trente-et-un (1369) et abdiqua presque aussitôt en faveur de son oncle, frère aîné de sa mère. Il retourna fixer sa résidence à Lopaburi, où il habitait avant son avènement.

3/Somdet- Prah-Boromma-Raxa- Thirat 1er monta sur le trône en sept cent trente-deux (1370) et mourut en sept cent quarante-quatre (1382).


4/ Il eut pour successeur son fils Somdet-Chao-Thong-Chan, surnommé plaisamment Chao-Thong-Lan ne régna que sept jours.


5/Somdet- Prah-Ramesuen, héritier légitime du trône qu’il avait volontairement quitté quelques années auparavant, revint en toute hâte de Lopaburi, à la nouvelle de la mort de Somdet- Prah-Boromma-Raxa- Thirat 1er , s’empara de la personne de Somdet-Chao-Thong-Chan et le fit exécuter. Il monta sur le trône pour la seconde fois en 744. Son fils, Pahyah-Prah-Ram, ne lui inspirant nulle confiance, il ne lui confia aucun gouvernement de province.


On peut noter que cette version tient aussi pour le fils Ramasuen, à ajouter qu’il avait « volontairement »  abdiqué pour son oncle, alors qu’il n’hésite pas à exécuter le fils de son oncle et écarter son propre fils !!! (Nous reviendrons sur cette succession que certains veulent à tous prix qualifier de pacifique).


Pour le moins cette 7 ème version était plutôt laconique et surprenante. Uthong fondateur de la dynastie de Chieng-Rai !


Décidemment le roi Uthong venait de beaucoup d ‘endroits, du Cambodge, du Nord, du Sud, de Chieng-Rai, de Khampëng-Phet, de UThong (située à 25 km de Suphanburi),  de nulle part … ou bien encore d’une ville appelée Deva Mahanagara … ?


5/ La 8 ème version.


Nous avions été surpris par cette version de L. B. Rochedragon, lorsque, incidemment, en lisant un texte d’Aymonier, nous apprenions par Sir Bowring


Bowring by John King

 

que le roi Mongkut relatait  qu’ U Thong venait effectivement d’une dynastie qui aurait régné à Cha-Liang.

  ( Cité in, III. Le SIAM ANCIEN (Chapitre 6), in Le groupe d’Angkor et l’histoire, par Etienne Aymonier (Directeur de l’Ecole coloniale), Paris, Ernest Leroux Editeur, 1904.)


 Aymonier Cambodge 3-2

« Bowring relate que, d'après l'ancien roi de Siam, Maha Mongkut, les gens de Chieng Raï, Chieng Maï, Kamphêng Péch, molestés par leurs ennemis, quittèrent leur pays et formèrent un nouvel établissement à Cha-Liang dans la partie occidentale du Siam proprement dit, où ils construisirent une ville appelée Deva Mahanagara, nom que conservèrent les capitales ultérieures. Cha-Liang  était environ par 16°N. et 99 E. Là auraient régné cinq princes de la première dynastie, jusqu’ au sixième appelé Uthong Rama thibodi, qui monta sur le trône en 1344. Ce roi, dit-on, « gendre » de son prédécesseur qui s'appelait Siri Chai Chieng Sen et qui n'avait pas d'enfant mâle, reçut la couronne du droit de sa femme. Plus puissant que tous ses prédécesseurs, il soumit à son empire le Sud de Siam et la presqu'île de Malacca. Puis il aurait fondé Ayouthia en 1350. »

 

Pourquoi Mgr Pallegoix, autre « intime » du roi n’a pas évoqué cette version ? mystère.

 

6/ La 9ème version.


Finalement, la version que nous avions déjà évoquée en note  à l’occasion de la succession du Roi Ramkhamhaeng, semble encore la plus cohérente, ce qui ne veut pas dire la plus vraie.


Cette 9ème version correspond mieux à notre conception de la géopolitique des muang défendue dans ce blog. Mais voilà : où sont les preuves ? Les sources ?


Ironie, cette version est de plus anonyme et a été publiée dans  le « Phuket guide !(sic) (Cf. Notre article 28 et le site

  http://www.thailande.phuket.com/phuket_history/ayutthaya.htm)

Cette 9 ème version relate la guerre et l’annexion de la ville d’Ayutthaya pour contrôler une route commerciale stratégique. Elle est menée par le gouverneur de Suphanburi, qui venait après l’annexion des villes portuaires de Mergui et Tenesserim sur la côte occidentale de Thaïlande.  

« Après la mort du Roi Ramkhamhaeng, le royaume vassal de Pegu (Birmanie) se rebella et s'empara des villes portuaires de Mergui et Tenesserim sur la côte occidentale de Thaïlande. Le Roi Loetai (fils du Roi Ramkhamhaeng) ne saisit pas l'importance stratégique de ces ports et ne fit que peu d'efforts pour les reconquérir. Il n'y réussit pas. Par contre, le jeune Prince Thaï Bodi, gouverneur du district de Supanburi dans la plaine centrale de Thaïlande (et Prince d’Uthong), (futur fondateur du royaume d’Ayutthaya en 1350 sous le nom de  Ramathibodi (1314-1369) nda.) profita de l'opportunité pour les conquérir. Il leva une armée, reprit les ports aux Birmans et les annexa à son district. 

A cette époque, les navires de commerce n'étaient pas vraiment en mesure de manœuvrer contre les vents. Il leur fallait six mois voire plus pour parcourir les trois mille milles marins (1 mille=1852m) entre l'Inde et la Thaïlande sous vents dominants. Ils devaient aussi prendre en compte les pirates qui sévissaient dans le Détroit de Malacca. Avec les moussons qui balayaient la mer d'Andaman, c'était autant de dangers qui requéraient un planning soigneux pour livrer les marchandises le plus régulièrement possible. Beaucoup de négociants Indiens et Arabes puis plus tard Européens choisissaient de jeter l'ancre à Mergui puis de se rendre en barge à Tenesserim en amont de la rivière, ce qui les menaient grosso-modo à mi-chemin sur la péninsule. Restait ensuite à transporter les marchandises par la montagne à travers la jungle jusqu'au Golfe de Thaïlande. C'était un voyage pénible et terriblement dangereux, comme le relate ce Jésuite de l'époque qui a vu l'un de ses compagnons déchiqueté sous ses yeux par un tigre. Mais cet itinéraire réduisait la distance de moitié et ramenait la durée du voyage à un peu plus d'un mois. 


Le contrôle de cette route commerciale stratégique donnait au Prince Bodi accès aux richesses et aux technologies étrangères. Aussi mena-t-il campagne pour annexer la ville portuaire d'Ayutthaya, porte de la région centrale de Thaïlande.


Certes cette version paraissait plus « vraisemblable » que les autres. Elle reprenait en partie la version de Xavier Galland, mais de manière plus explicite, plus géopolitique.


 Mais voilà, d’où sortait-elle ? 

 

Et puis notre curiosité aidant, nous allions trouver une version encore plus incroyable -notre 10ème version- qui remettait en cause, non seulement la date de fondation d’Ayutthaya (elle la situe vers 1460), et même l’existence de certains rois retenus dans  la liste « officielle » des 33 rois. Et cette version ne provient pas d’un inconnu, mais d’ Aymonier lui-même, que nous avons souvent cité dans ce blog, et qui est de la lignée des La Loubère,  Mgr Pallegoix, Pavie, R. P. Schmitt, Sir  Bowring, Dr Bradley, M. de Rosny … dont il remet en cause certaines données.

 

 

__________________________________________________________________

 

Références : 

 

*Thaïlande contemporaine, Sous la direction de Stéphane Dovert et Jacques Ivanoff, IRASEC, 2011

 

 « Mais on se référera surtout au travail monumental de Richard D. Cushman, The Royal Chronicles of Ayutthaya, the Siam Society, Bangkok, 2000 . (à propos de la fondation du royaume, voir les pages 9 à 11) ».


Il cite aussi :

Charnvit  Kasetsiri, « Origins of a Capital and Seaport : The Early Settlement of Ayutthaya and its East Asian Trade”, in Kennon Breazeale, From Japan to Arabia : Ayutthya’s Maritime Relations with Asia, The foundation for the promotion of Social Sciences and Humanities, Textbook, Project, Bangkok, 1999.


Jean-Claude Brodeck, in Kromphra Paramanuchit, « Petites chroniques d’Ayutthaya, ancien royaume du Siam (1350-1767 »,  Charlemint éditeur, Bangkok, 1974.

 

·         Galland, Xavier, Presses Universitaires De France - Puf - 06/01/1998

Voir les articles de Xavier Galland parus dans le magazine Gavroche « Fondation d'Ayutthaya: mythe et réalité de Xavier Galland ». Le Prince d’U -Thong

Qui était donc ce personnage et pourquoi installait-il sa capitale dans cet endroit ? Le personnage qui prend le nom de Ramathibodi le 4 mars 1351 est connu sous le nom de Chao U-Thong. U signifie berceau, origine, source et thong, or. L’accolage de ces deux mots a donné son nom à une ville située quelque vingt-cinq kilomètres au sud-ouest de Suphan Buri. Pourquoi ce nom ? Probablement pour attirer la prospérité sur cette ville, côtière à l'époque. Le futur Ramadhibodi était précisément gouverneur de cette ville, d’où ce nom de Chao U-Thong (Prince d'U-Thong), le seul qu’on lui connaisse car on ignore son nom personnel.

Une autre explication serait qu’à sa naissance il ait été déposé dans un berceau en or et que ce nom lui ait dès lors été donné. Chao U-Thong signifierait ainsi Prince du berceau d'or. Cette explication quelque peu merveilleuse l’est précisément un peu trop pour ne pas être suspecte. D’autant plus qu'il n’est pas du tout assuré que Ramadhibodi ait été d'origine royale « pure ». Selon toute vraisemblance - mais sans preuve formelle - il aurait été lié par son père à l’importante communauté marchande chinoise présente dans la région à l’époque et, par sa mère, à la maison de Lopburi.


*** Un coup d’œil pour remarquer que cela n’est pas simple :

Le calendrier solaire thaïlandais ou calendrier Suriyakati 

http://www.louisg.net/C_thailandais.htm 

  

**** Petithuguenin P. Notes critiques pour servir à l'histoire du Siam. In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 16,1916. pp. 1-21.doi : 10.3406/befeo.1916.5274

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/befeo_0336-1519_1916_num_16_1_5274 

Les Phonsâvadân Kruh Kao ou « Annales d'Ayudhyâ ». Ces annales ont pour origine une compilation qui, d'après la tradition, aurait été faite en 1795, sous le règne de Phrah Buddha Yót Fâ, fondateur de la dynastie actuelle des Cakri, d'après d'anciennes sources, par le prince Mahëçvara Indramet. Il y

avait environ trente ans qu'Ayudhyâ avait été détruite par les Birmans. Le pays avait été ravagé, les archives brûlées ou enlevées, et les chroniques royales avaient disparu.

En 1840, sous le règne de Phrah Náň Klào, le Prince Vasukri, plus tard Phrah Paramânujit, aurait revu et donné sa forme définitive à ce recueil; et c'est cette version qu'a publiée en 1865, sous les auspices du roi Monkut,"D. B. Bradley.

Mais il n'est pas douteux qu'avant la version de Phrah Paramânujit ces annales étaient déjà connues» car il en existe une traduction anglaise due au Rév. D. J. Taylor Jones, qui a paru de 1836 à 1839 dans les vol. V, VI et VII du Chinese Repository. La traduction de Jones porte sur la période qui va de

1351 à 1639 (!), et elle a été faite sur un texte qui différait sensiblement de celui de Bradley. Il semble en effet qu'il y ait eu dès 1835, un texte siamois imprimé des annales, actuellement perdu.

Les Annales d'Ayudhyâ, depuis 1657 jusqu'à 1767 ont été traduites en anglais par le Rév. Samuel J. Smith et publiées à Bangkok, en 3 fascicules, de 1880 Г1 881 (2)

 

**** Chinese Repository. Liste des 16 pays vassaux.

 

1/Viz.  2/ Mallaca  3/ Java  4/Tenasserim  5/Sidamarat  6/ Tavoy  7/Martaban  8/Maulmein  9/Songkla (Singora)  10/Chantapuri  11/Pitsalunok  12/Sukkhoty  13/ Sawannalok  14/Pichit  15/Khampengpet  16/ Sawanpuri

 

Comparer avec la liste de Mgr Pallegoix :

Malaka,  Xava,  Tanaosi (Ténassérin), Nakhon Si-thamarât (Ligor), Thavai, Mo Ta Ma (Martaban), Mo-Lamlong (Molmein), Song-Kla,Chantabun, Phisalunok, Sukhotai, Phixai, Savankha-Lok, Phichit, Khampheng-phet, NakhonSawan ; ».

***** Société de géographie de Rochefort. Bulletin de la Société, 1890-91. 1890.

 ******

par L. B. Rochedragon, « Phongsa-Vadan, les « annales officielles siamoises », « traduction littérale » publié en 1891 dans le très confidentiel « Bulletin de la société de géographie de Rochefort ».*****

Sur la période considérée :

« la postérité de Pahya-Khrêk s’éteignit après la troisième génération. Il ne restait qu’une fille du roi, qui fut mariée à un homme riche et puissant, du nom d’Uthon.

Pahya –Uthon régna  sept ans au Cambodge. La peste sévissant, il émigra avec son peuple. Se dirigeant vers l’Occident, il fonda dans une île de la Ménam, une nouvelle capitale, en l’an 712 de la petite ère ou ère civile siamoise (1350 de l’ère chrétienne). Il lui donna le nom de Khrung-Thippah-Maha-Nakhon-Borova-Thavarah- Si- Ayutthaya (la grande, imprenable cité des Anges, ville aux cent portes).

Il existe deux autres versions de la fondation de la ville imprenable, qui fut prise et détruite de fond en comble par les Birmans, 417 ans après sa fondation. Ces légendes paraissent beaucoup plus vraisemblables que la première.

« Pahyah-Uthon régnait à Kampehng-Pêth. Ayant envoyé inspecter la plage méridionale de l’ïle, on lui rapporta qu’elle était très fertile et très poissonneuse. Il émigra alors avec tout son peuple et vint s’établir dans l’île désignée, où il fonda Ayuthia, en l’an 712 de l’ère siamoise. Le roi Pahya-Uthon régnant à Ayuthia, prit le nom de Somdet-Phra-Rama-Thibodi et établit roi à Lopaburi,  son fils, Prah-Ramesuen. »

Autre version : « Les habitants des provinces de Chiengmaï et Kampehng-Pêth, étant sans cesse ruinés et massacrés par les incursions de leurs ennemis, abandonnèrent leur pays natal et vinrent s’établir à Cha-Leng, à l’ouest du Siam proprement dit. Cinq rois de la première dynastie y régnèrent, jusqu’au sixième, nommé Uthon-Somdet-Prah-Rama-Thibodi, qui monta sur le trône en 706 de la petite ére. Cha-leng fut le siège de son gouvernement pendant six années. La peste s’étant alors déclarée, il fit rechercher un lieu propice à une nouvelle installation et émigra avec tout son peuple, en 712 de l’ère civile siamoise. »

C’est de cette date (avril 1350 de Jésus-Christ) que part la seconde partie des Annales officielles siamoises, qui s’ étend jusqu’en 1767 de l’ère chrétienne, année de la destruction d’Ayuthia par les Birmans. Dans cette seconde partie, les Annales sont beaucoup plus exactes et plus digne de foi. Les faits qu’elles rapportent sont accompagnés de leurs dates, indiqués par jour, mois et année.

Le roi Uthon (Somdet-Prah-Rama-Thibodi) conquit toute la partie méridionale du Siam actuel, ainsi que plusieurs états de la péninsule malaise. Il réduisit en province siamoises les royaumes dont les noms suivent : mallaca, Xava, Thavaï ou Tavoy, Pihchit, Tanaosi ou Tennassérim, Molamlong ou Moulmein, Nakhon-Si-Thamarat ou Ligor, Motama ou Martaban, Sangkla ou Singora, Chantabun, Phitsalunok, Sukkhotaï, Sawankhalok, Kampehng-Pèth et Nakhon-Savan. Aujourd’hui, Siam aperdu plusieurs de ces conquètes du fondateur du royaume d’Ayuthia, conquètes qui sont aux mains de la Birmanie et des Anglais. »


LES DYNASTIES SIAMOISES 

(Commence avec une explication de la désignation des rois) […]

Lorsqu’une dynastie nouvelle prenait la place de la précédente, les nouveaux souverains avaient le soin de faire commencer leurs titres par les premiers mots de titres d’une dynastie antérieure, afin de paraître être des continuateurs et non des novateurs.[…] (Il évoque ensuite les quatre dynasties) […]

  1. 1.       – Première dynastie. – Dynastie de Chieng-Raï

1/ En 712 de l’ère civile siamoise (1350), Phra Chao-uthong fondateur du royaume et de la dynastie de Chieng-Raï, monta sur le trône sous le nom de règne de Somdet-Prah- Rama-Thibodi 1er. Il jeta  les fondements de sa nouvelle capitale dans une île nommée Nong-Son, et l’appela Krung-Thap-Maha-Nakhon-Bovora-Thavara-Vadi-Si- Ayutthaya .

Son fils aîné, Somdet- Prah-Ramesuen, fut chargé d’administrer le pays de Lava, ou région de Lopaburi. Ce prince, encore désigné sous le nom de Khun-Luang-Pahngnga, général plein de bravoure, reporta plusieurs grandes victoires sur les ennemis de son père. En récompense de ces ervices, le roi l’éleva au rang de Somdet-Prah-Boromma-Raxa-Thirat et lui confia le gouvernement de la province de Supahnnaburi.

La sœur aînée du prince était Prah-Akkha-Mahési (épouse favorite du roi).

2/ Somdet- Prah-Ramesuen succéda à son père, en sept cent trente-et-un (1369) et abdiqua presque aussitôt en faveur de son oncle, frère aîné de sa mère. Il retourna fixer sa résidence à Lopaburi, où il habitait avant son avènement.

3/Somdet- Prah-Boromma-Raxa- Thirat 1er monta sur le trône en sept cent trente-deux (1370) et mourut en sept cent quarante-quatre (1382).

4/ Il eut pour sucesseur son fils Somdet-Chao-Thong-Chan, surnommé plaisamment Chao-Thong-Lan ne régna que sept jours.

5/ Somdet- Prah-Ramesuen, héritier légitime du trône qu’il avait volontairement quitté quelques années auparavant, revint en toute hâte de Lopaburi, à la nouvelle de la mort de Somdet- Prah-Boromma-Raxa- Thirat 1er, , s’empara de la personne de Somdet-Chao-Thong-Chan et le fit exécuter. Il monta sur le trône pour la seconde fois en 744. Son fils, Pahyah-Prah-Ram, ne lui inspirant nulle confiance, il ne lui confia aucun gouvernement de province.

(on peut noter cette « volonté »  d’ajouter qu’il avait « volontairement »  abdiquer pour son oncle, alors qu’il n’hésite pas à exécuter le fils et écarter son propre fils !!!)

 

 

 phongsawadan

 

 

 

Partager cet article
Repost0
13 juillet 2012 5 13 /07 /juillet /2012 03:01

arlesienne profilQuelles sont donc ces fameuses « Annales » que l’on trouve partout comme perpétuelle référence : « les Annales nous apprennent que ... » « Les Annales disent que .... » ou encore « Comme on le sait par les Annales .... » ?


Nous en avons une version anglaise récente mais partielle :


1/ « Chronicle of the kingdom of Ayutthaya » est la reproduction photographique d’un manuscrit copié en 1805 et conserve à la British library de Londres et publié ... à Tokyo en 1999. Sur quel document ce manuscrit a-t-il lui même été copié ? Mystère.

c13618-93


2/Richard D. Cushman en a fait une traduction « The royal chronicles of Ayutthaya » publié à Bangkok sous l’égide de la « Siam society » en 2000.


Ces deux ouvrages ont fait l’objet d’une critique très technique du savant François Lagirarde (1).

Par contre, nous avons déjà insisté sur le travail immense accompli par les chercheurs et savants français en ce qui concerne l’histoire du Siam. L’un d’entre eux ne méritait pas l’oubli.


3/ Nous avons sous les yeux « Phongsa-Vadan, les « annales officielles siamoises », « traduction littérale » par L. B. Rochedragon. Ce travail n’a pas eu l’honneur d’un commentaire de la très prestigieuse « Siam society » qui n’existait pas encore, puisqu’il a été publié en 1891 dans le très confidentiel « Bulletin de la société de géographie de Rochefort » (2) et a simplement fait l’objet d’un modeste « tirage à part ».

Il bénéficie par la suite de plusieurs commentaires élogieux en 1892 dans le « Bulletin de la société de géographie » notamment d’E. Aymonnier qui lui fait toutefois le reproche (justifié) de ne pas indiquer sur quel(s) document(s) il a travaillé. Nous reviendrons sur cette constatation récurrente, puisque nous pourrons renvoyer le compliment au dit Aymonnier. Il reçoit enfin, post mortem, de la « Revue historique », Paris 1894 un hommage appuyé signé E. Barré.

L.B. Rochedragon est en réalité le pseudonyme de Marie-Louis Bazangeon, géographe passionné et très modeste juge au très modeste tribunal de Saint-Marcellin (Isère) où il mourut en 1893 à l’âge de 44 ans.


Revenons sur ces fameuses «  Annales » que tout le monde cite sans les avoir, à de rares exceptions près, probablement ni jamais vues, ni lues, ni traduites.


Manuscrits-3

4/ Tout ce qui était combustible à Ayuthaya a été brulé en 1767 par les Birmans, une tragédie pour les historiens siamois à venir. C’est une réédition du sac de Rome par « nos ancêtres, les Gaulois » en 390 A.D. qui eut pour les historiens romains le même résultat.

En 1767, Louis XV règne en France. En 1350, c’était Jean le Bon. Imaginons la disparition des archives royales et les historiens de Louis XV ou Louis XVI devoir réécrire ensuite l’histoire de France 400 après ?

 

5/ Et pourtant, les Siamois ont dû réécrire leur Histoire, ce sont ces fameuses « Annales ». 

 

Monseigneur Pallegoix (3) (volume II pages 58 s.) en parle en permanence, il les a certainement lues mais sans préciser – Hélas ! - sur quelles piéces ?

Auguste Pavie (4) peut faire l’objet de la même critique tout comme E. Aymonnier (5).

 Nous trouvons toutefois quelques traces de ces Annales dans le « Catalogue des manuscrits siamois de la bibiothèque nationale » (6) :

 

Un document coté 274 (Siamois 33) « Phong savadan muang nua » « première partie des annales de Siam depuis l’origine des Siamois jusqu’à la fondation de Juthia » « offert à la bibliotèque impériale par Mgr. JB. Pallegoix, évèque de Mallas, vicaire apostolique du Siam, Paris 16 mai 1853. Notes de Mgr. Pallegoix ». Commentaire : « XIXème, écriture siamoise cursiven 40 feuillets de 175 mm x 225 mm ». Est-ce le manuscrit traduit par Rochedragon ? Celui-ci est en 1891, à la date de publication de son étude, magistrat à Saint- Marcellin (Isère) et n’avait certainement pas accès à des manuscrits conservés au Siam.

 Pallegoix

 

Un autre coté 275 (Siamois 34) « Phra rachathirat phong savadan muang mong » « Annales du Pegu, de la Birmanie et du Siam depuis 630 jusque vers 1640, traduites du môn en siamois vers 1785, divisées en 20 livres avec un sommaire en tête de chaque livre. Manquent les quatre derniers livres d’ailleurs extrèmement rares » « XIXème, écriture siamoise cursive, 167 feuillets de 235 mm x 270 mm. »  Aucune mention de son origine.

 

Un autre coté 284-285 (Siamois 43-44) « Phra Aniruth – histoire du roi Aniruth allant à la recherche de la reine Usa. En deux volumes. XIXème, écriture siamoise cursive - 355 mm x 115 mm. » Aucune mention d’origine.

 

Un autre coté 286-291 (Siamois 45 1-5) « Phra Aphaimani – en six volumes, histoire d’Aphaimani (=Abhayamani), fils de roi qui se fit ermite – XIXème, écriture siamoise cursive – 340 mm x 110 mm. » Aucune mention d’origine.

 

Un dernier coté 293 (siamois 48) « Nathan, histoire légendaire, incomplet, 29 plis de 345 mm x 110 mm » XIXème, écriture siamoise ». Aucune mention d’origine.

 

« Les manuscrits du Roi », présentement aux « Archives nationales » ne contiennent apparemment rien comme manuscrits concernant l’ancienne histoire siamoise.

 

Ces manuscrits ont été analysés par Jacqueline Filliozat qui déplore l’absence totale de catalogage des manuscrits siamois en Thaïlande (7)


6/ Depuis une trentaine d’années, celle-ci est chargée par l’Ecole Française d’Extrême-Orient (EFEO) du catalogage de diverses collections de manuscrits pâlis, en Asie (Cambodge, Laos, Thaïlande, Taïwan…) et en Europe (manuscrits pâlis en écritures cambodgiennes en France :  330 à la Bibliothèque nationale de France,  97 à l’Ecole Française d’Extrême-Orient,  49 au Séminaire des Missions Etrangères de Paris, 12 à l’Institut de Civilisation Indienne du Collège de France, 5 à la Société Asiatique, soit plus de 3000 textes). 

 

En Thaïlande, les manuscrits sont conservés à la Bibliothèque nationale et surtout dans les monastères où ils ont été déposés, souvent dans de très mauvaises conditions, nous apprend-t-elle.


c13521-32


Ce patrimoine écrit semblerait peu intéresser les autorités thaïes, aux yeux desquelles les monuments sont plus facilement valorisables pour le tourisme nous dit Madame Fillozat ?

D’autre part les moines d’aujourd’hui ne savent plus lire le pâli et peu sont motivés pour l’apprendre (contrairement aux étudiants et chercheurs japonais).

De nombreux textes inédits (plus d’une centaine) ont été découverts pendant cette entreprise de catalogage, dont certains ont été et seront publiés par Mme Filliozat, et d’autres par des équipes japonaises d’Otani University.(8)(9)

 

7/ Dans ses « Notes critiques pour servir à l’histoire du Siam » (10), L. Petithuguenin fait une abondante référence aux « Annales », les premières ayant été « publiées » (où ?) en 1869 à la requète du Roi Chulalongkorn (« Phong savada nua » i.e. « Annales du nord »).


Quant aux « annales d’Ayuthaya » proprement dites, « Phong savada krun kao », un texte imprimé en siamois en 1835 est « perdu ». Il affirme qu’elles ont été traduites en anglais entre 1836 et 1839 dans les volumes V, VI et VII du « Chinese repository » par le Révérent DJ Taylor Jones (la seule de ses références qui soit précise).


Il s’agit en réalité d’une soixantaine de pages en 13 épisodes intitulées « Siamese history », non sans intérêt d’ailleurs, dont l’auteur n’est pas Taylor, mais « from a correspondant ». Nous nous sommes penchés avec attention sur leur lecture et n’avons nulle par trouvé trace de la « chronique » ou des « annales » que ce correspondant anonyme aurait traduites ? Tout ce que nous dit ce correspondant (premier article) est que toute l’ « histoire siamoise est comprise (« comprised ») dans 25 volumes » et qu’il a eu la chande de consulter les 10 premiers sans nous dévoiler où, quand et comment ?

« Petite » contradiction d’Aymonnier, ces Annales ont-elles été publiées pour la première fois en 1869 ou traduites dès 1835 ?

Il existerait encore, nous dit-il, une traduction effectuée en 1865 par le révérend D.B. Bradley (pas de références ?) et encore une autre par le révérend Samuel J. Smith qui aurait été publiée à Bangkok (où) en trois fascicules entre 1880 et 1881. Des traductions françaises en auraient été faites (par qui ?) pour Pavie et Aymonnier. D’après lui (sur quelles bases ?) la traduction de L.B. Rochedragon-Bazangeon aurait été faite en réalité sur la traduction anglaise de Smith. Il est toutefois permis de se demander comment, de son Tribunal perdu de l’Isère, notre magistrat aurait eu connaissance de cette traduction anglaise ?


8/ Ceci dit, notre très érudit Petithuguenin fait référence à un texte qui lui a « semblé » authentique d’une vingtaine de pages « trouvé chez un particulier » et qui se trouve à la bibliothèque nationale siamoise depuis 1907, traduit par O. Frankfurter en 1909 pour « the journal of the Siam society » (qui n’est malheureusement pas numérisé). Il nous dit enfin avoir eu entre les mains « un autre exemplaire incomplet de ces annales » imprimé en 1884 (où ?).

Sir John Browring, éminent historien anglais, fait les mêmes references aux mêmes « annales » citées par Monseigneur Pallegoix. On est conduit à penser qu’il a abondamment puisé dans l’ouvrage du prélat publié l’année précédente (11) ?

 

Contentons-nous, pour conclure, de constater qu’à cette heure, seul le travail de ce « petit juge » nous permet de lire une partie des Annales en français. 

 Sans titre-1

             ---------------------------------------------

 

Nota.

Nous avons commandé le livre de Richard D. Cushman,« The royal chronicles of Ayutthaya » publié à Bangkok sous l’égide de la « Siam society » en 2000.

Nous pouvons vous assurer que nous nous ferons un plaisir d’ en rendre compte ultérieurement.

  

----------------------------------------------------------------------- 

(1) « Bulletin de l’école française d’extrême orient, 2001, volume 88, pages 388-394)

(2)  année 1890, pages 81-138 et 1891 pages 11-33

(3) volume II pages 58 s.

(4) « Recherches sur l’histoire du Cambodge, du Laos et du Siam » 1898

(5). « Le Cambodge – le groupe d’Angkor et l’histoire » 1904.

(6) publié en 1912 par A. Cabaton

(7) « Les manuscrits siamois de la librairie du Roy, la première bibiothèque du monde sous Louis XIV et Louis XV ».

(8)  http://bibasia.wordpress.com/category/bibliotheques-a-bangkok/

(9) « Les manuscrits palis dans leur environnement et le cas particulier de leur gestion dans les bibliothèques françaises » par Jacqueline Lee-Fung-Kaï ; janvier 2009.

(10) « Bulletin de l’école française d’extrème-orient » 1916, tome 16

(11) « The kingdom and the people of Siam » 1857

 

      ***

Depuis quelques années toutefois, magie d’Internet, les sites qui s’intéressent aux « Annales », (พงศาวดาร phongsawadan) se multiplient ce qui nous fait un peu corriger Madame Fillozat !

En voici deux choisis (presque) au hasard. Ils sont en thaï, vous-vous en doutez :

http://www.panyathai.or.th/wiki/index.php/พงศาวดาร

http://www.reurnthai.com/wiki/ ประชุมพงศาวดาร

De même, nous ne prétendons pas en donner une liste complète, les éditions d’ « Annales » transcrites en thaï moderne sont nombreuses ; il y a encore des thaïs qui connaissent le pâli.

Nous en avons déniché une de 1963.


2506 1963


Une transcription d’un manuscrit du « British museum » a été publiée en 1994 par Krom Silapakon (เรื่อง พระราชพงศาวดารกรุงสยาม).


2554


Les « Annales de Thonburi » ont été publiées en 2011 et la même année celles d’Ayuthaya.. 


ayuthaya 2011


Vous trouverez enfin le texte d’une chronique de Chiangmaï, Lampang et Lamphouchaï datée de 1780 disponible en ligne (et en thaï, bien sûr) sur le site

http://www.bloggang.com/mainblog.php?id=rattanakosin225&month=17-03-2007&group=2&gblog=20

et encore une chronique de Songkla (toujours en thaï)

http://www.bloggang.com/viewblog.php?id=panthep&date=14-05-2008&group=2&gblog=18

 

Partager cet article
Repost0
12 juillet 2012 4 12 /07 /juillet /2012 03:01

enquêteNous commençons donc notre Histoire du royaume d’Ayutthaya, fondé en 1351 par le roi Ramadhibodi 1er (dynastie U Thong, 1350-1369), un royaume qui va voir se succéder 33  rois ( plus un usurpateur et un roi birman), cinq dynasties, sur une période de 416 ans jusqu’à sa destruction par  les Birmans en 1767.


Nous pensions raconter une Histoire classique,  en choisissant  une intrigue, des personnages, des dates, des événements, selon une chronologie admise. Mais très vite, nous avons rencontré le problème de la fiabilité des sources.


Déjà, lors de notre « Histoire de Sukhotai » nous n’avons pas cessé de nous interroger sur les sources (Cf. article 23), constaté avec Mgr Pallegoix que les annales du pays (« phongsawada Muang nua » ou « histoire du royaume du Nord ») donn(ant) l'origine des Thais, et un abrégé de leur histoire jusqu'à la fondation de Ayutthaya, étaient « pleine de fables et présente peu de faits historiques », observé que les « spécialistes » avouaient le plus souvent leur ignorance et leurs hypothèses, reconnu que bien souvent les Thais  « entre plusieurs hypothèses, (ils) privilégient volontiers la légende au profit d’une réalité plus ou moins bien connue. »


Mais surtout nous répétions sans cesse, que cette Histoire avait une Histoire officielle « encadrée » par le Pouvoir royal et le « nationalisme » thaï,  et était une fabrication idéologique qui ne distinguait pas les faits historiques des légendes et des mythes.

 

histoire officielle

 

Même leurs preuves étaient sujettes à de nombreuses théories,  interprétations,  polémiques. Cette Histoire était enseignée  comme telle à l’école, relayée par les  médias voire les films « historiques » et n’avait comme fonction que de montrer la grandeur du royaume thaï, de  ses rois et de la  Nation.


1/ Mais on se souvenait des promesses de Mgr Pallegoix qui disait à propos des Annales que

 

«  la fondation d’Ayuthaya, forme quarante volumes, et donne l'histoire bien suivie de la nation thaie jusqu'à nos jours. »

 

On pensait alors avoir NOTRE document.

Quelle ne fut pas notre surprise !

 

Les « Annales » proposaient déjà deux versions complètement différentes pour U Thong, le futur Ramadhibodi 1er .


U Thong500


L’une le faisait descendre d’une princesse cambodgienne  qui devint la reine du Cambodge (sic).  

« Les grands du royaume, ayant tenu conseil, élurent pour roi le fils d'un richard appelé Xôdok, et lui firent épouser la princesse cambodgienne. Le nouveau roi, nommé Phra-Chao-

Uthong, régna sept ans à Inthapat- Nakon; mais la contrée ayant été ravagée par une peste terrible,


peste 2


Phaja-Uthong, avec tout son peuple, abandonna le pays et, s'étant dirigé vers le sud-ouest, après vingt jours de marche, il arriva au bord d'un grand fleuve où il trouva une île d'une forme ronde. Il passa la rivière pour visiter cette île, et il y trouva un ermite qui lui dit que dans les siècles passés Somana –Khôdom était venu là et avait prédit que dans la suite on y bâtirait une grande ville. Phaja-

Uthong fut charmé d'apprendre cette nouvelle et résolut de fixer sa résidence dans cette île. II fit construire des murailles, s'y bâtit un palais, s'y établit avec tout son peuple, et donna à sa nouvelle ville le nom de Krung-Thèp-Maha-Nakon-Si-Ajuthaja, qui devint par la suite fort célèbre sous le nom de Juthia. »


Essay IudeaMap1764

 

 

« Il existe une autre version touchant la fondation de Juthya; on lit dans certains exemplaires des Annales qu'un roi de la nation Thai, ayant fondé la ville de Khampëng-Phet, eut un fils de beaucoup de mérite au moment de sa naissance, Indra lui fit cadeau d'un berceau d'or; c'est pour cela qu'il fut nommé Uthong. Ce prince ayant succédé à son père, envoya ses officiers reconnaître le pays qui est au midi. Ceux-ci, à leur retour, annoncèrent au roi qu'ils avaient trouvé une contrée très-fertile et abondante en poissons. Alors Phaja-Uthong émigra avec tout son peuple et vint bâtir Juthia dans l'ile dont nous avons parlé. Cette seconde version me paraît plus vraisemblable que la première car si l'on adoptait la première, il s'ensuivrait que les Thai actuels ne sont plus de race Thai, mais de race Cambodgienne hypothèse qui est tout à fait inadmissible, vu la grande différence qui existe entre ces deux races. »

« Phaja-Uthong, après avoir fondé en 1350, Juthia, prit le titre de Phrah Rama Thibodi , il établit son fils Phra Ram Suen  roi de Lophaburi ;

 

Voici la liste des 16 États qui étaient alors sous sa domination :

Malaka,  Xava,  Tanaosi (Ténassérin), Nakhon Si-thamarât (Ligor), Thavai, Mo Ta Ma (Martaban), Mo-Lamlong (Molmein), Song-Kla,Chantabun, Phisalunok, Sukhotai, Phixai, Savankha-Lok, Phichit, Khampheng-phet, NakhonSawan ; ».

 

Il ne passa rien de remarquable sous son règne,si ce n'est qu'il porta la guerre dans le Cambodge d'où il amena un grand nombre de captifs.

Phra-Rame- Suén  succéda à son père et mourut une année après (sic). (en 1369). »

 

Malgré tout le bien que nous pensons de Mgr Pallegoix, de ce savant et de son Oeuvre exceptionnelle, il manquait ici d’esprit critique, et s’exprimait avec une certaine naïveté, en évoquant « la vraisemblance ».

 

On peut remarquer : 

 

  • Une crédibilité quelque peu limitée des « Annales ». Il signale plusieurs exemplaires (sans donner de références) qui donnent des versions très différentes  de la fondation du royaume.


thainorthsmall

 

  • Un fondateur  qui reçoit un hommage d’ Indra à la naissance ne fait pas très historique.


Indra

 

  • Des Annales évoquant La Nation thaïe (un roi de la nation Thai) sent trop la construction idéologique du nationalisme du XIX ème siècle.
  • Le savoureux commentaire de Mgr Pallegoix « Il ne passa rien de remarquable sous son règne », permet de déduire que  ces fameuses Annales du pays (« phongsawada Muang nua » ou « histoire du royaume du Nord » ne nous apprendrons rien ou si peu sur la fondation d’Ayutthaya et de son fondateur.

01

 

On savait désormais quoi penser des histoires thaïes qui s’écrivent sous l’Autorité des « Annales ». (sachant  que l’argument d'autorité tend à faire valider un message non sur base de son contenu mais sur base de la source dont il émane.)

 

2/ Mais alors où trouver nos informations ?

 

Wikipédia ?

 

L’article consacré à U Thong se met sous l’autorité d’ « une chronique royale », sans donner la référence.

 

«  Au moins une chronique royale identifie U Thong comme le fils de Chodüksethi, chef présumé de la communauté marchande chinoise » 

 

Ou bien encore l’expert thai « L’érudit Charnvit Kasetsiri a présumé que... ».

 

erudit charmvit


Ou encore plus précis ( !), dans le même article  « Quelques sources indiquent que », « d'autres indiquent qu'elle » pour donner deux versions opposées de l’abdication  du fils de Ramathibodi.

*(Cf. en note ce texte de wikipédia

 

In Thaïlande comtemporaine **?


Stéphane Dovert (une référence pour nous), dans son chapitre sur Ayutthaya (p. 205), donne aussi la référence de Charnvit Kasetsiri***, ainsi que celle de  Jean-Claude Brodeck qui aurait traduit des « chroniques d’Ayutthaya » (Lesquelles ?)****.


Par contre, Dovert  nous donne une piste de travail en citant Richard D. Cushman :


 « Mais on se référera surtout au travail monumental de Richard D. Cushman, The Royal Chronicles of Ayutthaya, the Siam Society, Bangkok, 2000 . (à propos de la fondation du royaume, voir les pages 9 à 11) ».


Il y aurait donc des Chroniques  royales d’Ayutthaya ! 

Une  nouvelle recherche s’imposait.


(Cf. l’article suivant « Les Annales d’Ayutthaya, l’Arlésienne »)

 

 

------------------------------------------------------------------------

 

 

* Wikipédia

Ramathibodi Ier (en thaï: สมเด็จพระรามาธิบดีที่) (1314 - 1369) est le fondateur du royaume d'Ayutthaya, dans l'actuelle Thaïlande, sur lequel il a régné jusqu'en 1369. Il était connu sous le nom de prince U Thong avant son ascension au trône le 4 mars 1351. Natif de Chiang Saen (maintenant dans la province de Chiang Rai), il se réclamait de la descendance de Khun Borom et a propagé le bouddhisme theravāda comme religion d'État. 

Règne 

L’érudit Charnvit Kasetsiri a présumé que U Thong pouvait en réalité être né d’une famille marchande chinoise dans le secteur de Phetburi. Au moins une chronique royale identifie U Thong comme le fils de Chodüksethi, chef présumé de la communauté marchande chinoise.

La position de Ramathibodi a été probablement fixée par un mariage politique et des connexions familiales. Il a épousé une fille de la famille régnante de Suphanburi, et a pu avoir également conclu une alliance matrimoniale avec le roi de Lopburi, qui l’avait probablement choisi pour lui succéder. Il a nommé respectivement son beau-frère et son fils comme Uparaja (vice-rois) de Suphanburi et Lopburiet a établi sa propre capitale dans la nouvelle ville d'Ayutthaya. Le règne de Ramathabodi a uni les dirigeants khmers de Lopburi, les Thaï de l'ouest et les négociants chinois et malais habitant les secteurs côtiers.

La mort de Ramathibodi a allumé une bataille pour sa succession : son fils Ramesuan est d'abord devenu gouverneur d'Ayutthaya (1369), mais il a dû abdiquer dès l'année suivante en faveur du beau-frère de Ramathibodi, Borommoraja. Quelques sources indiquent que l'abdication s'est produite paisiblement, alors que d'autres indiquent qu'elle est survenue à la suite d’une guerre civile sanglante.

 

**Thaïlande contemporaine, Sous la direction de Stéphane Dovert et Jacques Ivanoff, IRASEC, 2011

 

***Charnvit  Kasetsiri, « Origins of a Capital and Seaport : The Early Settlement of Ayutthaya and its East Asian Trade”, in Kennon Breazeale, From Japan to Arabia : Ayutthya’s Maritime Relations with Asia, The foundation for the promotion of Social Sciences and Humanities, Textbook, Project, Bangkok, 1999.

****Jean-Claude Brodeck, in Kromphra Paramanuchit, « Petites chroniques d’Ayutthaya, ancien royaume du Siam (1350-1767 »,  Charlemint éditeur, Bangkok, 1974.

 

 Plantu

Partager cet article
Repost0
5 juillet 2012 4 05 /07 /juillet /2012 03:01

carte 1351 Avant de commencer notre Histoire du royaume d’Ayutthaya, il s’agit  ici de faire une mise au point sur ce que nous avons déjà appris  sur ce royaume.


1/ Nous avions commencé ce blog en retraçant les relations franco-thaïes en 32 articles. Nous étions entrés dans l’Histoire du royaume d’Ayutthaya, en une vingtaine d’articles, à l’époque du règne du roi Naraï (1647-1688). Il était le 29 ème roi, d’une Histoire commencée en 1351.


Nous avions proposé une multiplicité de points de vue avec la venue en 1660 des missionnaires et des jésuites, leur épopée, le premier comptoir commercial au Siam en 1680, les deux ambassades envoyées par Louis XIV de 1685  et 1687, vues par l’Abbé de Choisy, Simon de la Loubère, et les Mémoires du Comte de Forbin. Nous avions à travers le « Portrait de Constantin Phaulkon »,


constance-phaulkon

un grec premier ministre du roi Naraï, évoqué les stratégies et les mœurs politiques  de la Cour du roi Naraï (1647-1688), le « coup d’Etat » de Pretacha (« La « Révolution » de 1688 au Siam », vue par Jean Vollant des Verquains), et «  L’expédition de Phuket de 1689 du général Desfarges » … 


Même si le comte de Forbin nous invitait à nous méfier de ces « relations si magnifiques », de ceux  « qui ont vu les mêmes choses que moi (…) [et qui], sur le royaume de Siam, [ont rédigé] des idées si brillantes et si peu conformes à la vérité », ces articles nous avait donné un aperçu :

  • de ce que pouvait représenter le Pouvoir royal à cette époque, l’absolutisme, le cérémonial, le faste …
  •  la Cour, la hiérarchie
  • l’importance et la place de la religion bouddhiste
  • la diplomatie, le commerce, le rapport aux étrangers
  •  la vie à Ayutthaya
  • Le problème des successions, des rivalités du Pouvoir avec le coup d’ Etat de Pretacha de 1688, avec ses conséquences (Virage diplomatique ; relations avec les occidentaux interrompues. Etrangers expulsés)

Nul doute, nous aurons peu de surprise en décrivant cette période de la fin du XVII ème siècle.


De même notre « travail » récent sur Sukhotai nous a déjà donné des jalons pour commencer l’Histoire d’Ayutthaya.


2/ Notre article 31 « La fin de Sukhotai en 1438 »,  évoquait la  fondation d’Ayutthaya en 1351, et comment après avoir vassalisé Sukhotai en 1378,  il avait annexé ce royaume. 

Dès ces premières années, le nouveau centre du Pouvoir siamois avait démontré une vitalité expansionniste. Nous avions donné la liste de 16 principautés thaïes sous sa domination et signalé sa conquête d’Angkor en 1353, qu’il occupera jusqu’en 1357.

 

Nous avions alors découvert le nom des 7 premiers rois de 1351 à 1488  et quelques faits d’armes comme ceux du nouveau roi Ramathibodi I (1351-1369),

Ramathi 1

 

constaté les « querelles » de succession avec Ramesuan 1er, renversé par son oncle Khun Luang Pha-Ngua (Phra Boromorachathirat 1er) (1370-1388), et revenu au pouvoir au pouvoir à sa mort (1388 à 1395), après avoir renversé son fils Chao Thong Lan, qui régnait depuis 7 jours. Il sera plus intéressé, comme son fils  Ratchathirat (1395- 1409) à la prise du Cambodge que par Sukhotai. (Intharacaha 1er 1409-1424 ne sera pas nommé)

Appris que  roi d’Ayutthaya Boromorachathirat II (1424-1448), voulant garder le contrôle sur Sukhotai avait envoyé son fils Ramesuan mais en tant que gouverneur de Phitsalunok, que Ramesuan II (1448-1488) dût attendre la mort de son père en 1448  pour  hériter et devenir roi d’Ayutthaya,  annexant définitivement ainsi Sukhotai à son royaume.


2/ Dans notre histoire de l’Isan*, nous avions remarqué la complexité que l’on résume un peu trop facilement sous le nom unique d’Ayutthaya, et qui s’inscrit en fait dans le jeu systémique de l’histoire mouvementée des « muang » :


Ainsi nous notions qu’ :

  • À la fin du XIVe siècle, Ayutthaya était considérée comme l'entité politique la plus puissante d'Asie du Sud-Est.  
  • Ayutthaya n'était pas un État unifié mais plutôt un ensemble de principautés autonomes et de provinces tributaires qui prêtaient allégeance à son roi. Ces principautés avaient leur propre stratégie et pouvaient se faire la guerre ou même s’allier avec l’ennemi en certaines circonstances (à l’occasion des querelles de succession par ex.) 
  • Durant une bonne partie du XVe siècle, Ayutthaya va consacrer son énergie à la péninsule malaise et Malacca le port le plus important de l'Asie du Sud-Est. Mais elle échoua à cause de l’islamisation et  de la protection de la Chine. 

On pouvait voir ici l’utilité du concept étudié dans 2 articles sur les «  muang »** présenté comme « une clé essentielle, reconnue par tous, pertinente depuis l’origine jusqu’ à nos jours, couvrant tous les Territoires des Taï, pour comprendre leur identité, leur organisation territoriale, politique et religieuse ».  

  • Le muang étant un système pyramidal politico-religieux hiérarchisé, de type féodal et esclavagiste, exerçant son pouvoir sur tous les sous-systèmes connus définissant la représentation de l’espace des Tai, à savoir : le cosmos, la Nature, le Royaume (et/ou l’Etat), région, le district, le village … sans oublier les « marges », et les  nouveaux « territoires et peuples conquis » sur lesquels s’exercera une « intégration » ou un rapport de vassalité …

 

3/ L’analyse de deux films historiques thailandais connus ( La Légende du Roi Naresuan*** et  La Légende de Suriyothai**** de Chatrichalerm Yukol )confirmait que :

  • chaque période que nous aurons à présenter s’inscrira dans cette « politique » des muang (les guerres, les alliances, les renversements d’alliance (et trahisons !))

 

  • l’histoire des « héros nationaux  » (ici le roi Naseruan (1590-1605) 


naresuan


  • et la reine Suriyaothai, épouse du  roi Mahachakrapat (1549-1568) ) sera toujours à considérer à travers sa « légende » voire son utilisation idéologique (nationalisme, thainess). 

4/ Après ce rappel, la (re)lecture de ces articles, il nous fallait choisir un itinéraire qui allait nous engager  dans une nouvelle aventure : notre Histoire d’Ayutthaya.


Nous savions, for de notre petite expérience (le rapport aux documents, aux mythes, aux légendes, au peu d’informations disponibles, aux voiles idéologiques …),  que nous ne pouvions « raconter » l’histoire de ces 33 rois, de ces cinq dynasties, qui allaient régner durant 416 ans jusqu’à sa destruction en 1767 par les Birmans.


On pouvait déjà commencer par :


-          1/ La fondation du royaume d’Ayutthaya en 1351 par le roi ramathobi 1er (dynastie U Thong) (1350-1369).


-          2/ Un nouveau royaume conquérant ( Prise et perte d’ Angkor 1353/1357) rapport avec les autres cités thaies (Sukhotai, le Lanna …) 

( tentera une nouvelle tentative de  conquête d’Angkor en 1404 (plus de 40 000 déportés) et portera le coup de grâce en 1431. La ville fut rasée, la population déportée…c’était la fin du royaume khmer à Angkor ) 

 

-          3/ Ramathibodi 1er fonde le Siam (religion, législation royale, code  légal dit de Ramathibodi)

 

-          4/ Les querelles de succession (Son fils Ramesuan 1er, renversé par son oncle Khun Luang Pha-Ngua (Phra Boromorachathirat 1er) (1370-1388), et revenu au pouvoir au pouvoir à sa mort (1388 à 1395), après avoir renversé son fils Chao Thong Lan, qui régnait depuis 7 jours)

 

 

-          5/ Phra Boromorachathirat 1er) (1370-1388), premier règne de la dynastie Suphannaphum    (1378. Sukhotai perd son statut de capitale) 

 

-          6/ Ramesuan 1er   (1388 à 1395) (2ème souverain de la dynastie U Thong) 

 

 ramesuan 2


-          7/ Ratchathirat  (1395-1409), Intharacha 1er  (NakarintharaThirat) (1409-1424) (deuxième règne de la dynastie de Suphannaphum)  

 

-          8/ Boromma Ratchathirat II (Samphraya) (1424-1448)   (1431 Prise d’Angkor, ville rasée, la population déportée…c’était la fin du royaume khmer à Angkor) (1438 Annexion de Sukhotai)  

 

 -          9/ Ramesuan II  (Boromma Trailokanat) (1448-1488)    (Adoption d’une structure administrative officialisée et  innovations institutionnelles (uparat), Lopburi et Suphanburi deviennent le cœur du royaume)  

 

-          10/ 1488 Prise de Tavoy par Ayutthaya (les rivalités avec la Birmanie deviennent la source de conflits incessants).


 guerre birmanie

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


*http://www.alainbernardenthailande.com/article-10-3-l-isan-au-temps-des-royaumes-thais-72127161.html


**Le muang ?  2 articles :

http://www.alainbernardenthailande.com/article-16-notre-histoire-la-conquete-du-siam-par-les-muang-99006690.html


http://www.alainbernardenthailande.com/article-15-le-muang-selon-michel-bruneau-99865623.html


*** http://www.alainbernardenthailande.com/article-a55-comprendre-la-legende-du-roi-naresuan-par-le-jeu-des-muang-99434799.html


****http://www.alainbernardenthailande.com/article-a-51-cinema-thailandais-la-legende-de-suriyothai-95050366.html

 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
28 juin 2012 4 28 /06 /juin /2012 03:01

archives chinoisesIl nous parait intéressant de faire le point sur ce que nous avons appris sur le premier royaume thai indépendant après une douzaine d’articles.


1/ Histoire ou légende ?


L’Histoire officielle thaie considère la fondation du royaume de Sukhotai en 1238 comme le début de la Nation, la fondation de la Thaïlande actuelle, le berceau de la civilisation thaie. Et pourtant, dès le X-XI ème siècle, des chroniques chinoises,

titre2

 

 

des annales thaies et des légendes signalent qu’il y  eût  d’autres royaumes thais auparavant.


Nous nous sommes interrogés sur ce choix, pour découvrir que l'histoire de Sukhothaï fut intégrée pour la première fois à l'histoire « nationale » thaï sur décision du roi Mongkut (Rama IV) (1804-1868).

 

Mongkut


  • Ce choix était d’autant plus étonnant que Mgr Pallegoix, le meilleur connaisseur du royaume de Siam de l’époque et « ami » du roi déclarait que les annales de ce pays (« phongsawada Muang nua » ou « histoire du royaume du Nord ») donn(ant) l'origine des Thais, et un abrégé de leur histoire jusqu'à la fondation de Ayuthaya, étaient « pleine de fables et présentent peu de faits historiques ».

Et en effet,  la première partie censée raconter  l’histoire des royaumes thais avant Ayutthaya, non seulement nous plonge dans les légendes, le fabuleux, la magie, les faits miraculeux, les anachronismes, mais surtout ne nous permet même pas de dire de quelle période il s’agit, ne nomme aucun roi, et ne précise aucun événement.

  • Pire, tous les auteurs que nous  avons pu consulter ( Pavie, Aymonier, Coedès par exemple) ne peuvent que constater l’absence de documents fiables. Le peu qu’ils possèdent ont été retrouvés dans des « inscriptions » postérieures aux règnes des rois de ce royaume et encore sont-ils mentionnés incidemment. Les noms, les dates varient d’un auteur à l’autre. Aymonier ne peut que constater : « La pénurie des documents réellement utilisables nous contraint donc de rentrer plus que jamais dans le champ des hypothèses ».

 

  • Même en 2011 encore, dans le livre de l’ IRASEC, consacré à la « Thaïlande contemporaine », l’excellent Stéphane Dovert dans son article « La Thaïlande prête pour le monde » ne peut que nous décourager en déclarant : « il reste difficile de préciser clairement les conditions de la mise en place de ces premiers ensembles politiques d’inspiration taï sur le territoire de ce qui deviendra la Thaïlande. 

 

Nous constations donc qu’il y avait pour le moins deux Histoires de Sukhotai. 

  • Une Histoire écrite par des « spécialistes » qui avouent leurs ignorances et leurs hypothèses.
  • Une Histoire officielle thaïe qui raconte une légende, mais qu’on ne peut discuter.

2/ Preuve de l’Histoire officielle thaie ou fabrication idéologique ?


On découvrait que le roi Mongkut et « ses » historiens se fondait sur une stèle,  la stèle de Ramkhamhaeng de 1292, que le roi aurait trouvé lui-même en 1833 ! Elle était considérée comme preuve et comme  l'acte fondateur de la nation thaïe.

Elle montre le royaume de Sukhotai  comme un royaume dominant en Asie du Sud-Est  avec  un roi exemplaire, le roi Ramkhamhaeng, créateur de l’écriture thaie,  vivant dans une société idéale, prospère où le roi est aimé de ses sujets, respecté par ses « ennemis », et où les habitants se plaisent à observer les préceptes bouddhistes. Elle prouverait à la fois l'antiquité de la nation thaïe et celle des frontières du royaume et  le haut degré d'organisation de la société thaï du XIIIe siècle. Elle exalte le rôle de la monarchie et du bouddhisme en harmonie pour le bien des sujets.


Mais cette « preuve » était sujette à de nombreuses théories,  interprétations,  polémiques. Certains évoquaient sa « fabrication ». Mais le « décret » était royal, la stèle devenait « objet sacré » de l’Histoire Nationale, le doute relevait du sacrilège, du lèse-majesté.


Le doute devenait plus persistant quand  nous avons relaté la redécouverte de la capitale de  Sukhotai par Louis-Lucien Fournerau et le Commandant Lunet de la Jonquières,à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle. (Cf. Note article 32) Nous nous demandions alors comment les Thais avaient pu oublier cette capitale alors que le roi y avait en 1833 « découvert » la stèle de Ramkhamhaeng !


Assurément quelqu’un mentait !


3/ Pourquoi cette Histoire officielle ?


Une question venait alors naturellement ou plutôt deux :


Pourquoi le roi Mongkut (Rama IV) avait décidé de choisir Sukhotai comme la fondation du Siam et pourquoi la dynastie Chakri, les autorités et les élites thais avaient conservé jusqu’à aujourd’hui ce qui apparaissait comme une « idéologie ».


Les raisons étaient-elles différentes ?

  • Le roi Mongkut voulait démontrer aux puissances coloniales anglaise et française menaçantes que le Siam était une vieille Nation, avec un  haut degré de civilisation et d'organisation, et  dans des  frontières reconnues. 
  • Dès la fin du XIX ème siècle (rappelez-vous qu’en 1893, les canonnières françaises sont devant le grand Palais), 


canonières

 

  • Rama V va engager le processus d’unification de la nation thaïlandaise et, en parallèle, la modernisation du royaume sur le modèle occidental. Son successeur le roi Rama VI (1910-1925) donna au nationalisme thaïlandais une dimension culturelle et mis en avant le principe de « Thaï-ness» avec ses trois piliers : le roi, la nation et la religion. Le modèle était lancé ; il allait devenir avant et après la deuxième guerre mondiale,  une idéologie efficace pour imposer la langue, les valeurs…l’ Histoire de la Nation thaïe. Le royaume de Siam était devenue la Thaïlande, une Nation qui était  née à Sukhotai et qui s’était  poursuivie avec Ayutthaya, Thonburi et enfin Bangkok dans une continuité légitime et linéaire.
  • Nous n’étions plus dans l’Histoire mais dans une idéologie imposée à toutes les minorités du Pays (majoritaires en Thaïlande).

 

4/ Pourquoi ne pas avoir choisi le système des muangs pour expliquer l’Histoire thaie ?


Nous avons montré que le modèle unitaire de conception occidentale « oubliait » les autres royaumes, les cités/Etats vassaux, et le Lanna et le Phayao par exemple.


L’Histoire officielle se privait d’une clé essentielle, reconnue par tous, pertinente depuis l’origine jusqu’ à nos jours, couvrant tous les Territoires des Taï, pour comprendre leur identité, leur organisation territoriale, politique et religieuse ; le système des muangs, un système politico-religieux, et un principe d’organisation politique. (longuement analysé dans ce blog et dans notre article 15).


Pourquoi ?


Il est en effet curieuxde privilégier un modèle unitaire qui n’intègre pas tous les cités/Etats et royaumes, qui privilégie une  Histoire dont tous les auteurs  hors élites royales ne cessent de répéter qu’elle se fonde sur des incertitudes, des hypothèses, ou au mieux sur de nombreuses « fabrications « et « inventions ».


Alors pourquoi cette obstination ?


Parce que l’Histoire officielle a été conçue et n’est toujours qu’un instrument idéologique pour légitimer le Pouvoir royal en place et sa lutte contre les pouvoirs « étrangers ».


Toutes les recherches et les publications abondantes sur Sukhotai après la Révolution constitutionnelle de 1932,


revolution 1932

 

et pendant la guerre froide, n’ont pas fait avancer l’Histoire mais ont réaffirmé le royaume de Sukhotai comme le modèle thai, l’exemple du peuple thai se libérant pour la première fois devant Angkor, l’oppresseur étranger.


5/ L’Histoire thaie officielle est une mythologie nationale et une mythologie n’a pas besoin de faits concrets et vérifiables.


D’ailleurs, pourrait-elle  en trouver ?


Nous avions cité l’éminent Prince Diskul

 

diskul

 

qui dans sa présentation du royaume de Sukhotai se voyait contraint d’ajouter des « sans doute », « on pense que », « environ », « Probablement », « semble-t-il », et le savoureux « Si l'on en croit une pierre gravée », qui illustrent bien le manque de fiabilité des sources disponibles.

La raison invoquée est toujours identique par tous les auteurs : cette absence de documents serait le fait des Birmans qui ont rasé Ayutthaya en 1767.

 

guerriers birmans


Ainsi aucun moine n’aurait sauvé aucun document ?  On peut en douter, à moins qu’il n’y eût aucun document historique, aucun écrit sur l’Histoire à cette époque.

Il faut se rappeler que l’écriture thaie ne date que de 1283 « officiellement ». Mais les moines lettrés disposaient du sanskrit et du pâli.

archives temple


Pourquoi supposer que leurs documents ont tous disparus, pourquoi ne pas émettre l’hypothèse que l’Histoire ne les intéressait pas.


On peut se souvenir de certains  présents offerts par la couronne royale britannique à l’Empereur de Chine retrouvés intacts dans leur emballage, lors du pillage du Palais d’été en 1860. Il n’avait pas  vu leur utilité.


Palais d'été


Encore aujourd’hui les historiens thais sont peu nombreux pour écrire librement leur Histoire, et l’histoire de Sukhotai. La thainess est toujours présente et le lèse-majesté à l’œuvre. Il ne doit pas être facile de montrer que le Siam est un « ensemble pluriethnique doté d’une unité politique récente et d’un ancrage territorial changeant ». (en détournant un titre de  S. Dovert, op.cit., p.202)


6/ Nous avons quand même tenté d’écrire l’Histoire du royaume de Sukhotai dans ses 200 ans d’existence, ses 9 rois, sa création en 1238 contre l’occupant khmer, ses luttes,son alliance avec le Lanna et Phayao, sa chute, sa vassalisation en 1378 par le roi d’Ayutthaya, et  son annexion en 1448.


Mais chaque règne, chaque étape, nous plongeait dans les incertitudes, les à-peu-près voire dans les légendes.


A chaque fait affirmé, et ils étaient peu nombreux, nous rencontrions un spécialiste pour nous mettre en garde et préciser, comme Guy David(Cf. article 30) à propos du roi Lithai par exemple, que son histoire avait surtout servi  à légitimer le nouveau pouvoir de Rama 1er,

 

rama I

 

le fondateur de la dynastie actuelle. Même le traité bouddhiste qu’on lui attribuait avait ses contradicteurs :« Ces chercheurs avancent l'hypothèse que ce traité cosmologique sur l'éthique du souverain bouddhiste (utilisé comme charte politique bouddhique) a été écrit à la fin du XVIIIe siècle, durant le règne de Rama I (1782-1809) afin d'aider à soutenir une monarchie thaïe dévastée par le sac birman d'Ayutthaya ».


Finalement le Prince Diskul avait été le plus sage en écrivant : « Selon les recherches les plus récentes, on pense que neuf rois régnèrent successivement à Sukhothai, de 1240 à 1438 environ ».

 

 faux

 

Partager cet article
Repost0
21 juin 2012 4 21 /06 /juin /2012 03:01

titre La céramique ?


Pour Pierre Larousse, source inépuisable (1), la céramique est « l’art de fabriquer des poteries, des faïences, des porcelaines », définition plus simple chez Littré « l’art du potier » (2). Pour Larousse, l’étymologie est intéressante, le mot vient d’une racine sanscrite, « çra » (cuire) qui a donné le « keramos » des grecs. Si le mot est sanscrit, d’où vient la chose ?

Pour Platon, cité par Larousse (loc.cit), l’art de la poterie, séchée au soleil ou cuite au four, a été, après les armes, hélas ! l’une des premières inventions de l’industrie humaine avant même peut-être que l’homme ne quitte sa caverne pour construire une habitation. Il n’y eut que Diogène le philosophe pour loger dans une « poterie », une immense jarre en terre !


Diogène

Nous connaissons déjà les poteries de Ban Chiang (3) que la technique de la thermoluminescence a permis de dater de « plusieurs milliers d’années ». Mais cette industrie n’est pas tombée du ciel, fruit du hasard peut-être (découverte d’un gisement d’argile) mais aussi de techniques de séchage et techinques de chauffe difficiles. Robinson Crusoé, l’ami de notre enfance, nous narre les difficultés qu’il eut, une fois découvert un gisement de terre glaise et faute de tour de potier, à trouver la température de cuisson idéale (« Combien je fis de vases difformes, bizarres et ridicules.... ») que seul un heureux hasard lui fit trouver ! (4). Et nous avons de Bernard Palissy nos souvenirs d’écoliers, qui dût faire brûler jusqu’à son mobilier avant de découvrir au XVIème siècle un secret que les Chinois possédaient depuis des millénaires (5).


Palissy 2


Il n’est point d’art dont les produits arrivent à nous dans un parfait état de conservation, les armes de fer et de cuivre se sont altérées, les bijoux ou objets en or ont été pillés, les habitations en bois se sont effondrées, il ne reste de Sukhotaï que des ruines, mais les modestes vases d’argile de Ban Chiang ont traversé la nuit des temps et les céramiques de Sukhotai après eux.


Commençons par une note technique destinée aux amateurs éclairés :

 

L’ancienne céramique asiatique eut un spécialiste Fujio Koyama (1900-1975) qui fut conservateur du Musée national de Tokyo. Pour lui, la céramique de Sukhotai proprement dite est preque uniquement composée de poteries peintes en noir de fer sur fond blanc. Ces pièces sont caractérisées par une terre grossière et un corps recouvert d’un décors blanc. Leur décor dominant est un poisson dans un médaillon.

decor poisson


 

 

La production de Sawankhalok qui est la plus importante comprend quatre catégories :

  • Des céladons influencés par la Chine, 
  • celadon-thailande-du-nord-
  • Des céramiques à couverte noire extrèmement nombreuses (encore fabriquées actuellement)
  • Des céramiques à couverte blanche opaque
  • Des céramiques peintes à l’oxyde de fer sur fond blanc décorées d’arabesques compliquées (6).

Les Chinois.


C’est de l’avis de tous, aux Chinois que nous devons (après la boussole, la poudre à canon, la monnaie, l’imprimerie ...) l’invention de la céramique, il y a on ne sait combien de milliers d’années (7) ... et une belle légende :

faute de pouvoir répondre aux voeux d’un empereur exigeant une porcelaine d’une certaine forme et d’une certaine couleur, le malheureux potier se jeta dans la fournaise ardente et l’on trouva le lendemain, grâce à ce martyr volontaire la porcelaine qui répondait en tous points aux exigences du tyran. A Dieu ne plaise que cette technique de cuisson se soit reproduite au Siam.


Selon la « tradition », l’art de la céramique céladon aurait été introduite dans le royaume de Siam à la fin du 13ème siècle par 300 potiers chinois que le roi Ramkhamhaeng aurait ramenés de son voyage en Chine ! Les érudits semblent confirmer cette tradition (8). Que l’on doive d’ailleurs l’importation d’artisans chinois aux diligences du grand roi ou tout simplement à l’éternelle propension des Chinois à exercer leur industrie dans le monde entier, la question reste posée ?

Il n’y avait pas de potiers chinois que dans le royaume de Ramakhamhaeng (8)(9), mais  partout au Siam.

 

La Loubère ne nous éclaire guère sur la céramique siamoise « Leur vaisselle est ou de porcelaine ou d’argile avec quelques vases de cuivre, le bois simple ou vernis, le coco et le bambou leur fournissent le reste » (10).


Monseigneur Pallegoix note la présence de « cruches de terre et de quelques vases de porcelaine grossière » et des « assiettes de porcelaine de Chine » chez les riches  (11).


A. Jacquemart est le premier (à notre connaissance) à faire mention d’une porcelaine qui serait « venue au Siam par les Indes » (12).


La découverte des céramiques de Sukhotai – ou de Sawankhalok ou de Sri Sachanalai ?


Querelle sémantique de spécialistes dont nous ne sommes pas (13), date de la fin du XIXème siècle. L’ensemble des céramiques de l’époque de Sukhothai sont en effet appelées aussi « céramiques Sangkhalok » ou « céramiques Sawankhalok ».

« Sangkhalok » est probablement une déformation de « Sawankhalok » qui était un des plus importants sites de production de l’époque mais il est possible aussi que le nom dérive du chinois « Song golok » désignant les fours chinois de la période « Song ». 

Découverte des céramiques puis découvertes des fours et à partir de là, les chercheurs (après les collectionneurs sinon les pillards et les antiquaires de Bangkok) étudient les pièces, les fours et les déchets de cuisson.


four


Vous ne serez pas étonnés si nous vous disons que Lucien Fournereau, à l’occasion de sa mission officielle de 1891 – 1892 fit entrer dès 1894 au Musée national de la céramique à Sèvres un important choix de pièces. « Sangkhalok (i.e. Sawankhalok) fut autrefois remarquable par ses productions de céramiques. » « On fabriquait à Bang tao riang des pièces en poterie vernissée  ou des grès émaillés au grand feu les uns de pâte brune, les autres d’une pâte d’un gris assez clair pour permettre de les rapprocher des anciennes porcelaines chinoises ou coréennes » (14). Fournereau ramène ainsi au Musée de Sèvres, à la demande de son directeur, M. Baumgart, 110 pièces ou fragments « paraissant avoir été fabriquées par les Chinois pour le royaume du Siam ». Il retrouve après un dur labeur au sabre d’abattis une trentaine de four éventrés d’où proviennent l’essentiel des pièces « dignes d’être rapportées » et présentement au Musée de Sèvres. Il constate aussi un  brusque et évident abandon des fours alors qu’ils étaient en activité ? (Il est en effet probable qu’à la suite de l’attaque d’’Ayuthaya par les birmans en 1569, de nombreux fours furent détruits. La paix revenue, de nouveaux fours furent construits mais les poteries produites étaient alors destinées aux usages ménagers

 

assiettes

 

et sont considérées de qualité inférieure aux pièces réalisées pendant la période de Sukhothai. En 1767, la deuxième attaque des Birmans entraînait une deuxième vague de destructions de fours, et la production déclina encore, en nombre et en qualité.

C’est à la fois dans un soucis de performance et d’études que les premiers conservateurs du Musée avaient alors commencé à cette époque à réunir des objets de collection asiatiques, non seulement pour le plaisir des yeux mais aussi comme pièces de référence pour la production de la Manufacture de Sèvres (15).


A partir du début du XXème siècle, les recherches se multiplient, des centaines de fours sont découverts dans la région de Sri Sachanalai en particulier.

C’est probablement l’émergence des cités-états du centre qui a suscité l’essor de la céramique thaïe. La production de Sri Sachanalai est datée du XIIIème et comporte des grès à glaçures vertes ou des céladons qui tiendront une place de choix dans l’exportation vers le Japon. Ceux de Sukhotai révèlent des vases ballustres. Mais beaucoup de sites sont encore à étudier sinon à découvrir (16).


Nous savons maintenant que du 14ème au 16ème siècle, Sukhothai a été, après la Chine, le deuxième plus gros producteur de céramiques du monde.

Les épaves de navires marchands retrouvées récemment dans le Golfe de Thaïlande montrent que le premier royaume siamois exportait vers la Malaisie, les Philippines, l'Indonésie et le Japon.  La découverte de navires coulés avec leur cargaison intacte a été précieuse pour les chercheurs (17)(18)(19).


sous marine

 

D’anciens fours ont été découverts près de l’ancienne ville de Sukhothai, mais le plus gros et le meilleur de la production était situé à quelques kilomètres de Si Satchanalaï, sur les sites de Ban Pa Yang et de Ban Ko Noï, où l’argile était d’une qualité supérieure.


A l’instar des potiers de Dvaravati, les potiers du royaume de Sukhothai réalisaient de magnifiques décors architecturaux en terre cuite, comme les chôfas de temples représentant des nagas. Mais ils étaient aussi célèbres pour leurs céramiques à motifs peints en noir sous couverte blanc crème et leurs céramiques à couverte céladon rappelant les techniques des artisans chinois de l’époque Song.


 ceramique-thailande-1300ac2

 

Nous parlions des collectionneurs ?


Deux d’entre eux méritent un hommage appuyé, sans la générosité desquels une immense quantité de pièces de céramiques siamoises (et bien d’autres objets d’art) auraient été livrées à la cupidité de leurs héritiers ou au feu des enchères. Nous sommes, au XIXème à une époque où les amateurs d’ « antiquités » ne se souciaient guère de leur provenance. Il est toujours dans les environs de Ban Chiang des Thaïs malfaisants qui vous proposeront sans barguigner de la poterie trouvée dans leur champ (vraie ou fausse ?) ou dans ceux de Sahatsakhan d’autres malfaisants qui ont trouvé dans leur champs l’os (qui ne ressemble pas à un bréchet de poulet) de quelque animal antédilivuvien... Ce qui était possible en 1880 ne l’est plus aujourd’hui !

 

Le richissime industriel lyonnais Emile Guimet (1836-1918)

 

guimet 428

 

réunit lors de ses voyages en Asie une immense collection d’objets d’art asiatique qu’il présenta d’abord à Lyon en 1879 et légua ses collections à ce qui allait devenir le Musée Guimet en 1889, enrichies, en particulier et en particulier seulement, des donations d’Aymonnier et de l’Ecole française d’extrême Orient. Ce fut ingratitude de la part de l’administration de le rebaptiser « Musée des arts asiatiques » (20) ingratitude légère toutefois puisque tout le monde continue à parler du « Musée Guimet ». Grâce à l’inventeur du « bleu Guimet » qui fit sa richesse, le plus riche musée d’art asiatique au monde hors Asie se trouve à Paris.


 bleug (1)


Henri Cernuschi, (1831-1896) patriote italien réfugié en France après la chute de l’éphémère république romaine en 1848, y fit une fortune colosale dans de douteuses affaires financières, qu’il n’utilisa pas seulement à la diffusion de ses idées républicaines mais à la constitution d’une remarquable collection de céramiques asiatiques accumulée lors de ses séjours en Asie, léguée à la Ville de Paris qui inaugura le « Musée Cernuschi » en 1898, le deuxième musée d’art asiatique de France (21).


Portrait de Monsieur Cernuschi

 

Le don qu’ils firent de leurs collections à la collectivité en fait oublier l’origine pas toujours bien orthodoxe.

 



 

En guise de conclusion :

 

Pour les Thais.

 

N’oublions pas que les Thaïs ne s’intéressèrent à la richesse architecturale et artistique de Sukhotai que dans les années 60 (1960 et non 1860 !).

 

Pour les curieux de techniques


49 vestiges fours de potier ont été restaurés à Sukhotaï (près de la douve Mae Chon). A quelques kilomètres de Si Satchanalaï, vous pourrez visiter un premier site au village de Pa Yang (20 emplacements de fours de potiers) et le très important site de Ban Ko Noy un peu plus au nord où ont été retrouvés 150 fours au bord de la rivière Yom. Un excellent aperçu de cette activité majeure et un musée très didactique.

 

Pour le plaisir des yeux,


Le Musée national Ramakhahaeng à Sukhotaï comporte une somptueuse collection de ces céramiques des XIIIème et XIVème siècle. Le musée de Songkhla (il est un peu loin de chez nous !) comporte un ensemble très éclectique de porcelaines chinoises ou siamoises anciennes qui, au dire d’un spécialiste qui nous y accompagnait, est somptueux.

 

Pour les spéculateurs 

Les céramiques siamoises n’atteignent pas (encore) les prix pharaoniques des porcelaines chinoises anciennes.


record


Sothebys a une antenne à Bangkok dont vous pourrez consulter le catalogue à tête reposée. On peut estimer que ce qui y est mis en vente présente toutes les garanties d’authenticité. Il n’y avait malheureusement pas à l’heure où nous écrivions de catalogue sur une vente de céramiques siamoises anciennes.

http://www.sothebys.com/fr/inside/locations-worldwide/bangkok/departments.html


« River City » à Bangkok est un centre commercial bien connu spécialisé dans la vente d’antiquités. Il comprend 4 étages de boutiques vendant des antiquités, et une zone de vente aux enchères mensuelles. Garanties d’authenticité ????

Nous y avons relevé au milieu de beaucoup de bols et d’assiettes sans le moindre caractère cette jarre « provenant de Sukhotaï », datée « du XIV au XVIème » (quelle précision !) évaluée à 4.000 baths ...


 

jarre 14ème 4000

 

Vous apprécierez. Vous trouveriez la même chez les marchands de poteries qui pullulent autour de Sukhotai pour 200 baths avec la certitude (au moins) qu’elle est bien du XXIème siècle.

Vous pourrez encore faire du lèche-vitrine chez les antiquaires de Charoen Krung où l’on peut admirer des antiquités de rêve. Tous mieux gardées que Fort Knox, on peut penser que l’on n’y vend que « de l’authentique » !

« In cauda venenum » ... Nous sommes tout de même irrésistiblement conduits à penser qu’il existe sur le marché autant de fausse céramique que de fausses Rolex à Patpong, mais beaucoup plus difficiles à reconnaître.

N’oubliez-pas ce que nous avons dit des premiers timbres-poste siamois (22)

 

---------------------------------------------------------------------------------------------

 

Sources et références :


(1) « Dictionnaire Universel du XIXème siècle », tome III édition 1867


(2) « Dictionnaire de la langue française », tome I 1863


(3)

http://srv04.admin.over-blog.com/index.php?id=1226271910&module=admin&action=publicationArticles:editPublication&ref_site=1&nlc__=34


(4) Le 30 septembre 1660.


(5) En particulier « Histoire de la céramique » par Edouard Garnier, à Paris en 1882 


(6) Fujio Koyama « Céramique ancienne de l’Asie : Chine, Japon, Corée, Asie du sud-est,

proche Orient »  in « Arts asiatiques » 1965 volume 11 pp 169 - 170.


(7) En particulier « La céramique » par Louis Figuier dans la collection « Les merveilles de l’industrie » à Paris sans date.


(8) Bernard-Philippe Groslier « La céramique chinoise en Asie du Sud-est : quelques points de méthode » in « Archipel » volume 21 numéro 81.


(9) Jean Boisselier « Recherches archéologiques en Thaïlande » in « Arts asiatiques » 1969, tome 20, pp 47-98.


(10) La Loubère « Du royaume de Siam », volume I page 126.


(11) Pallegoix « Description du royaume thai ou Siam » volume I 1854 chapitre 7


(12) A. Jacquemart « Les merveilles de la céramique » Ière partie « Orient » à Paris en 1866


(13) Michel Mirouze « Sawankhalok ou Sri Sachanalai ? A propos d’une évolution de terminologie en matière de céramique thaïe » in « Arts asiatiques » 2005, tome 60 pp 160-171.


(14) Fournereau « Les villes mortes du Siam » in « Le tour du monde » 1897, numéros 30 et suivants.


(15) Voir le site du Musée national de céramique à Sèvres : http://www.sevresciteceramique.fr/


(16) Voir John Guy « Ceramic tradition of south est asia » analysé par Marie-France Dupoizat in « Archipel» volume 42 – 1991.


(17) Société française d’études de la céramique orientale, « la lettre Sfeco » mars 2002, numéro 5.


(18) Marie-France Dupoizat « Rapport préliminaire sur la céramique importée à Banten Girang » (Sultanat d’Indonésie) in « Arts asiatiques » 1992, tome 47.


(19) Denys Lombard « La céramique d’exportation à la mode » in « Archipel » volume 3, 1972.


(20) Voir le site du Musée : http://www.guimet.fr/


(21) Voir le site du Musée : http://www.cernuschi.paris.fr/


 fin

Partager cet article
Repost0
14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 03:02

titreNotre article précédent nous apprenait que l’ancienne capitale de Sukhotai avait été non seulement abandonnée deux siècles après son annexion par Ayutthaya  mais même oubliée par les Thaïs eux-mêmes. Il rendait hommage à sa redécouverte par deux explorateurs français, Louis-Lucien Fournereau en 1890-1892 et le Commandant Lunet de la Jonquières en 1904, qui signalait alors que « le seul monument alors en place « à peu près tout ce qui mérite d’être visité  est le Wat sisavai ». Il faudra attendre, disions-nous, les années 1960, pour que les Autorités thaies  manifestent leur intérêt pour la préservation de leur ancienne capitale.  

 

1/ Pourquoi cet intérêt ?


A la fin du XIX ème siècle on retrouve donc l’ancienne capitale, et l’Histoire officielle prétend que le roi Mongkut (Rama IV) aurait découvert lui-même la stèle dite de Ram Khamhaeng en 1833 ! On avait évoqué les controverses sur l’authenticité de cette stèle, on peut ajouter notre doute sur la date et le lieu de cette « découverte ».


2 stèle


Il s’agissait alors de « créer » l’Histoire nationale, face aux menaces bien réelles des deux puissances colonisatrices anglaise et française. Le Pouvoir thaï avait besoin de  « redécouvrir » son passé, de prouver que le royaume de Sukhotai était un « grand » royaume thai civilisé, avec un pouvoir royal reconnu, une religion, une écriture … La dynastie Chakri « annexait » le royaume de Sukhotai et le « déclarait » le royaume fondateur du pays, « le berceau de la nation thaie ».

 

3 Chakri-Dynastie

 

Mais il est cocasse d’apprendre qu’à cette époque la capitale Sukhotai n’existait plus « réellement », que l’on ne savait même plus exactement où elle se situait.


Décidemment, notre modeste recherche sur le royaume de Sukhotai nous réservait bien des surprises.


Aussi quand les Autorités thaies expriment leur volonté de « restaurer » l’ancienne capitale dans les années 60, on se doute que le principal objectif n’est pas qu’ « artistique ».

En effet, nous sommes dans la période des « indépendances » africaines, et des luttes pour les indépendances (on pense au Vietnam). En Afrique par exemple les nouveaux Etats-Nations procèdent à une collecte de leurs ressources culturelles, et à  la patrimonialisation de leur culture pour fonder leur nouvelle identité nationale. En Thaïlande, la Thaïness est à l’œuvre et veut toujours renforcer son identité nationale, et ce qui est susceptible de contribuer à l’unité nationale et à la cohésion sociale. L’Art peut contribuer à cette construction d’une unité culturelle.


Les autorités ont bien compris que tout ce qui contribue à prouver que « l’art » de la période de Sukhotaï est le début de l’art thaï ne peut que renforcer la légitimité d’une grande Nation. Elles ont compris que la « restauration » des splendeurs d’antan ne peut être que bénéfique et pour l’idéologie nationaliste et pour le tourisme et ses devises.


Les Thais de Sukhotai avaient su autrefois intégrer les populations autochtones, la culture môn et son bouddhisme theravâda, le modèle du pouvoir khmer, conclure des alliances matrimoniales avec les élites « étrangères ».


Les Thais des années 60 avaient encore cette capacité de s’adapter, de pouvoir « recycler » l’Art sacré, le « patrimonialiser » à des fins certes culturels mais aussi nationalistes. On retrouvait « ce mode de construction identitaire »,  signalé par Stéphane Dovert, « basé sur une capacité de transformation de l’exogène en endogène  (…) [ et qui est] comme une composante aussi permanente qu’essentielle de l’’histoire du pays » (Stéphane Dovert, in Thaïlande contemporaine, pp. 205).


Certes, les plus grands spécialistes  s’accordent pour démontrer l’originalité et la spécificité de l’Art de Sukhotai, mais il ne faut pas oublier sa fonction idéologique, ni le réduire aux descriptions des guides touristiques, aux multiples témoignages des  nombreux touristes blogueurs aux discours bien souvent répétitifs de clichés éculés.


Certes, nul n’échappe aux clichés.


Alors que dire de l’ Art de Sukhotai ?    

 

2/  Les influences ?


Nous avons présenté les différents peuplements successifs, Môns, Birmans, Laos, Khmers, Thais, leurs luttes,  leurs rapports, leurs relations, leurs vassalisations, leurs annexions parfois. Ils ont tous eu une influence sur l’art de Sukhotai.

Tous ceux qui écrivent sur le sujet l’affirment, mais sans en faire la démonstration. Un article du blogueur Manu de Chiengmai a le mérite de faire une présentation pédagogique illustrée des différents styles http://www.forumthailandeinfo.com/index.php?topic=576.0


Notre présentation n’aura donc rien d’original faute de documents intéressants. Elle peut vous inviter à lire (relire) des articles antérieurs. Ainsi :


- L'art Môn (Dvaravati) à partir du VIe siècle.

 

4 dvaravati


Nous avions dans notre article 7 évoqué cette civilisation « qui se développa du VI ème au XI ème siècle, et qui eut une grande influence sur la civilisation thaie, jusqu’au XVème siècle. Elle amenait après des siècles d’ « indianisation », le bouddhisme, des éléments du brahmanisme, une conception du pouvoir royal,  les langues pâli et sanscrit, et un art élaboré » http://www.alainbernardenthailande.com/article-7-dvaravati-et-les-royaumes-mons-92109628.html


Nous y disions que « Les Môns étaient des artistes qui excellaient dans la sculpture de la pierre, le stuc et la terre cuite, et dans une moindre mesure, dans le travail du bronze. Leur style étaient essentiellement influencé par les styles Gupta et post-Gupta, qui étaient florissants en Inde centrale et de l'ouest du IVe siècle  au VIIIe siècle. (…) que « l’ art de Dvâravatî est essentiellement tourné vers l’imagerie la plus représentative du bouddhisme dit du petit véhicule (theravâda). La figuration du Bouddha y est omniprésente quel que soit le matériau utilisé (bronze, terre cuite, stuc ou pierre), et de rares objets usuels ou religieux (monnaie, plaquettes votives, éléments de dépôt de fondation…), « Que l’iconographie s’inspire essentiellement du modèle indien (religions, langues, conceptions de la royauté…) avec de rares œuvres qui peuvent être rattachées au bouddhisme du grand véhicule (mahāyāna) et l’hindouisme lui-même. »


On  signalait l’ originalité de l’iconographie mône avec cette nouvelle image du Bouddha représenté debout en position d’argumentation ou assis à l'européenne, les pieds posés sur un socle en forme de lotus. Traits accusés, visage large et carré, arcades sourcilières galbées, nez aplati, lèvres épaisses. Les yeux sont dirigés vers le bas, un regard bienveillant pour le fidèle qui prie à ses pieds. 


- L'art khmer du VIIe siècle au XIIIe siècle, le style classique des temples d'Angkor.

Nous avons  déjà dans notre article, 7. Notre Isan : les temples khmers en Isan,

  http://www.alainbernardenthailande.com/article-7-notre-isan-les-temples-kmers-d-isan-71522278.html

évoqué les principales caractéristiques des temples khmers du VII ème au XIII ème siècle, et montré leurs nombreuses implantations en Isan.

Nul doute  qu’ils devaient aussi être présents sur le futur territoire de Sukhotai occupé alors par les Khmers. C’est alors le règne à Angkor de Jayavarman VII, le plus grand bâtisseur de temples placés sous le signe du bouddhisme. Il met fin à l’art sivaïte implanté par les Indiens depuis douze siècles au Cambodge.


On peut retrouver par exemple cette influence khmère dans les fameux temples du Wat Mahathat

7 mahatat

et du Wat Si Sawai à Sukhothai.

 

6 sisawai8610c


http://www.tourismethaifr.com/decouvrir-les-regions/decouvrir_les_regions.tpl?region=6


Wat Mahathat situé dans le centre de Sukhothai, est le principal temple de la cité. Il comprend plus de deux cents chedis. Le plus important d'entre eux, en forme de bouton de lotus, est entouré de huit autres chedis. Il témoigne de l'influence de l'art Khmer avant la diffusion de celui de Ceylan dans cette région.

Wat Si Sawai situé au sud-ouest de Wat Maha That Il se présente avec ses trois prangs (Pagode de style Khmer) entourés par un mur de latérite. A l'intérieur des murs, le viahara à l'ouest, est composé de latérite, et est séparé du prang principal qui fut édifié dans le style de Lop Buri ou le style hindou. Une trace de sculpture hindou Sayomphu à été trouvée ici, témoignant de l'origine hindou authentique du temple, plus tard converti en un monastère Bouddhiste.(D’après wikipédia)


- L'art du Lopburi du Xe au XIIIe siècle.


8 lopburi


« L'influence khmère est très importante dans cette région et les grands temples tiennent compte des croyances hindouistes et du Bouddhisme Mahayana. On mélange les thèmes religieux et les scènes de la vie quotidienne. Les statues de Bouddha ont un visage carré, des sourcils rectilignes, une large bouche ; un bandeau démarque le front des cheveux et une protubérance coiffe le sommet de son crâne ».


On peut citer le Prang Khaek, qui était à l'origine un temple hindouiste (Cf. wikipédia). Les trois prangs*** sont les plus anciens prangs khmers du centre de la Thaïlande. Le Phra Prang Sam Yod était à l'origine un sanctuaire du bouddhisme Mahayana. Il fut ensuite utilisé comme temple shivaïte (des yonis et des lingas furent installés dans chacun des trois prangs) à la mort de Jayavarman VII. Narai le grand fit restaurer le temple en tant que sanctuaire bouddhiste, et fit construire le viharn de brique, dont les portes et fenêtres sont une combinaison de style Ayutthaya et européen.


Le Wat Phra Sri Ratana Mahathat est le plus ancien temple de la ville de Lopburi. Il possédant le prang  le plus haut de la ville. Le prang, plus élancé que ceux de l'Isan, est fait de latérite avec quelques restes de stuc encore visibles. À l'origine, on le datait de l'époque d'Angkor Vat, c'est-à-dire du XIIe siècle, on estime maintenant qu'il appartient à l'école U Thong (XIV ème siècle). On peut donc le considérer comme le premier exemple de prang tai, par opposition aux prang khmers.(wikipédia)


De nombreux temples de cette période ont été restaurés au XVII ème  siècle par le roi Naraï le grand.


- L'art du Lanna du XIIIe au XVe siècle ?

 

Lanna


On peut certes  caractériser le style du bouddha  « Influence shan, birmane et laotienne. Le Bouddha est opulent, avec un visage rond, des petits yeux et une petite bouche. Grandes boucles sur la tête couronnée d'un bouton de lotus. », mais il est peu probable qu’il ait eu une influence sur Sukhotai.


 Au contraire, Manu **** écrit :


« Influencé par les styles Dvaravati, birman et Sukhothai, l’art Lan Na se caractérisait par des bâtiments aux formes fines et élancées, des toitures à deux ou trois étagements, décorées de Nagas et de Chofas (Wat Phra Sing de Chiang Mai). Les chédis les plus anciens reposaient sur des bases carrées (Wat Pa Sak de Chiang Saen) puis prirent des formes hexagonales (Wat Chedi Luang de Chiang Saen ou Doi Suthep de Chiang Mai). Ils étaient recouverts de stuc, de cuivre ou parfois d’or. »

 - L’art de Sukhotai du XIIIe au XVe siècle (Ch.infra)


L'adoption du bouddhisme theravada engendre cette forme originale qui affirme l'identité du royaume de Sukhothai.


- Ensuite viendra l'art d'Ayutthaya du XIV au XVIIe siècle, où l’'influence khmère est peu à peu remplacée par les influences de Sukhothai.


3. La spécificité de l’art de Sukhotai ?


C’est donc au tournant du XIIIe et du XIVe siècle que se forme un premier art proprement thaï, qui affirme son originalité tout en absorbant et combinant subtilement des influences esthétiques très diverses.

 

L’image du Bouddha domine l’iconographie religieuse,le bouddhisme theravâda s’étant dès l’abord imposé dans le royaume. Les effigies alors créées sont immédiatement identifiables : le corps est mince et délié ; les membres d’une grande souplesse sont tout en courbes ; le visage présente un ovale parfait aux sourcils arqués, fondus à la naissance du nez légèrement busqué. Tous ces traits visent à traduire l’exceptionnelle spiritualité de l’Être Éveillé.

Sukhothaï, savant mélange d’urbanisme khmer et de concepts proprement thaïs.

(Véronique Crombé, Du peuple thai aux Thailandais, conférence au Musée Guimet).

 

L’éminent Jean Boisselier*reconnait lui-même le caractère original de l’architecture religieuse et de la statuaire. « C'est à Sukhothai (Siam) et à Si Sacchanalai, capitales « jumelles » distantes de 55 kilomètres, que s'est élaborée l'architecture religieuse du royaume de Sukhothai. Profondément originale, adaptant les formules les plus diverses, elle devait, comme la statuaire, survivre durant quelque deux siècles à l'annexion de la contrée par Ayuthya (1438) » (Universalis).

 

 

4. Les lieux : les trois anciennes villes historiques : Sukhotai, Si Satchanalai, Khampheng Pet.


La littérature est abondante sur le sujet, les témoignages touristiques nombreux, les qualificatifs descriptifs trop souvent sirupeux.


Même le rapport de COSIMUS** réalisé en novembre 1991 pour l’UNESCO en vue du classement de ces trois sites au patrimoine mondial de l’UNESCO n’échappe pas aux nombreuses platitudes. Mais il a l’avantage d’être écrit sur les données des autorités thailandaises.


« La ville historique de Sukhothai se trouve a une dizaine de kilomètres de I’agglomération moderne et garde une bonne partie de ses fortifications. Parmi les monuments principaux I’on dénombre : le monastère (wat) Mahathat (avec son temple royal et son cimetière), le wat Sra Si (avec ses deux stupas dont les silhouettes gracieuses se reflètent dans I’eau du plus grand réservoir de la ville) et même un impressionnant prang (tour reliquaire typique de I’art d’Ayuthaya) un peu plus tardif. Le site fait I’objet de fouilles et d’études depuis le milieu du siècle dernier. Un projet de campagne internationale a été adopté par I’UNESCO (1977) et une superficie de 70 km2 a été déclarée Parc historique (1988). Hélas, une route moderne traverse le site et le coupe en deux!

 

La ville historique de Si Satchanalai est séparée de la ville moderne par la rivière Yom. Parmi les 140 constructions du site se remarque le monastère Chedi Chet Thao (du temple à sept pointes) qui impressionne par les sept rangées de stupas élancés, érigés pour enfermer les cendres des gouverneurs de la ville. Le site est, depuis 1983, classé Parc historique (45 km2). La ville était célèbre pour sa production de céramique.


 ssisachanalai


La ville historique de Kampheng Pet (“mur de diamant”) a eu surtout un rôle militaire et, même après la chute du royaume de Sukhothai, elle garda son importance stratégique. De ce fait, ses monuments se rattachent autant au style Sukhothai que Ayuthaya. Le site fut classé Parc historique en 1980 (3,38 km2). »

 

Et de conclure :

 

Le parc historique de Sukhothai représente un chef-d’œuvre du premier style architectural siamois. Ces trois sites sont représentatifs de la manière de la première époque de I’art siamois et de la création du premier Etat des Thai.

 

Le rapport confirme néanmoins l’intégration de multiples influences et la « création » du style de Sukhotai :

« La grande civilisation qui se développa dans le royaume de Sukhothai est tributaire a de (sic) nombreuses influences et aux anciennes traditions locales, mais I’assimilation rapide de tous ces éléments forgèrent, en un temps record, ce que l’on appelle le “style Sukhothai”. »

 

 

5. A chacun sa visite.


Il appartient à chacun de se faire une idée de l ’art de Sukhotai, en allant par exemple visiter les sites de Sukhotai, le musée national de Bangkok, le musée Guimet à Paris pour apprécier ce que furent et/ou imaginer l’architecture sacrée, la statuaire bouddhiste, les céramiques de ce premier royaume thai indépendant.

-bol-ancien-en-ceramique-de-celadon-thailande-du-nord-

 

L’office du tourisme thailandais vous recommande aussi le musée National de Ramkhmahaeng, offrant « une exceptionnelle initiation aux arts et artisanat de Sukhothaï et de ses cités vassales ». (http://www.tourismethaifr.com/decouvrir-les-regions/decouvrir_les_regions.tpl?region=6)


Les regards, là comme ailleurs, sont multiples en fonction de la formation de chacun, de ses centres d’intérêts, de sa sensibilité, du moment. Certains ne verront que des ruines avec des briques recouvertes d’éléments décoratifs qu’ils ne comprennent pas. D’autres s’extasieront devant la beauté des temples, des chedis, des prangs, des  statues de bouddha. D’autres chercheront à comprendre l’architecture sacrée, la particularité de chaque statue. D’autres encore essayeront d’imaginer la splendeur d’autrefois, comment les habitants vivaient …

 

Mais si vous allez à Sukhotai, vous ne pourrez manquer au centre, de voir  le  Palais Royal avec les célèbres inscriptions gravées sur la pierre du Roi Ramkhamhaeng et le sanctuaire royal, le Wat Mahathat. Il comprend plus de deux cents chedis et deux bouddhas géants qui encadrent le grand chedi, lui-même entouré de huit chedi plus petits. Cet édifice fut élevé par Lothai pour accueillir deux reliques sacrées de Bouddha – un cheveu et une vertèbre - don d’un moine du Sri-Lanka.

Nous savons ce qu’il représente pour les Thais et qu’il a été érigé par le premier roi de Sukhothai, Sri Inthrathit (1240-1270) puis agrandi et embelli par son fils Ramkhamhaeng (1239-1317) et son petit-fils Lothai (1298-1323).


Vous pourrez continuer votre ballade à l’ouest du Wat Maha That, où au beau milieu d'un paysage saisissant vous verrez le Wat Si Sawai, et ses trois prangs (Pagode de style Khmer) entourés par un mur de latérite, et puis le Wat Traphang Ngoen avec son sanctuaire principal et ses statues de Bouddha debout en stuc, déposées dans quatre niches, ou encore leSan Ta Pha Daeng ou le temple des divinités avec son  simple prang de latérite, et le Wat Mai et son vihara en briques. A l’est le Wat Traphang Thong situé sur une île au milieu d'un large étang, sans compter les autres sites situés à l’extérieur.


Bref, une belle ballade qui peut vous permettre  d’avoir une idée de la splendeur passée.


La statuaire. La représentation particulière de Bouddha.


Vous pourrez constater que les artistes de  cette époque, inspirés par le « bouddhisme theravada » ont développé  un art qui s’éloigne des canons habituels de la représentation de bouddha pour inventer de nouvelles formes idéalisées, mettant l’accent sur la fluidité des formes, la ligne courbe portée à ses limites, dans le but  de traduire la maîtrise et la sérénité de Bouddha. Le visage décrit un ovale parfait, le nez est long et aquilin, les sourcils sont arqués, les paupières lourdes et la chevelure composée de fines bouclettes avec cette  flamme, cette lumière, cette force spirituelle  qui surgit au sommet de sa coiffure. L’autre innovation de cette période serait celle du Bouddha marchant, représenté auparavant uniquement dans les bas –reliefs.

 

Mais l’Art de Sukhotai ne se limite pas à l’architecture sacrée, à la représentation particulière de bouddha. Du 14ème au 16ème , Sukhotai fut aussi après la Chine le plus gros exportateur de céramiques. Vous vous souvenez, nous  avons déjà évoqué l’ambassade du roi Ramkhamhaeng en Chine revenant  avec 300 potiers chinois………..

 

 

Quid de la céramique dite de Sukhotai dans notre prochain article.


 -bol-ancien-en-ceramique-de-celadon-thailande-du-nord-

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

 

*Présentation de Jean BOISSELIER, SUKHOTHAI ART DE , Universalis.


C'est à Sukhothai (Siam) et à Si Sacchanalai, capitales « jumelles » distantes de 55 kilomètres, que s'est élaborée l'architecture religieuse du royaume de Sukhothai. Profondément originale, adaptant les formules les plus diverses, elle devait, comme la statuaire, survivre durant quelque deux siècles à l'annexion de la contrée par Ayuthya (1438). Sukhothai, où subsistent quelques vestiges de l'occupation khmère au xiie siècle (San Ta Pa Dèng ; certaines parties de Wat Pra Pai Luang, remanié et agrandi par la suite, etc.), est une ville de plan rectangulaire régulier (1 800 m sur 1 400 m). Seule une triple levée de terre la protège, franchie par quatre portes en chicane, alors que Si Sacchanalai et Kamphèng Pet sont entourées de hautes murailles de latérite (élevées probablement au xvie s.). Les temples se répartissent à l'intérieur de la cité et dans ses environs. Un petit monastère en marque le centre, et le temple principal, Wat Mahathat, fondé au xiiie siècle et reconstruit dans la première moitié du xive siècle, s'élève immédiatement au sud. Ensemble le plus remarquable et le plus important du site, il suffirait à montrer l'extrême variété de l'architecture de Sukhothai. Son édifice central est un bel exemple de stūpa relevant proprement de l'art de Sukhothai : tour élancée, de construction massive et de plan redenté, avec haut soubassement et couverture en bulbe allongé (dite en bouton de lotus) dressée sur une pyramide élevée à trois gradins. Dans Si Sacchanalai, de plan moins régulier que Sukhothai, Wat Chedi Chet Thèo occupe sensiblement la même situation dans la ville et présente une variété comparable d'édifices autour d'un stūpa avec tour dotée d'une couverture en bouton de lotus. Le temple central, Wat Chang Lom, très important, est centré sur un stūpa campaniforme (type dit singhalais). Sa terrasse inférieure s'orne de protomés d'éléphants (thème jouissant d'une grande faveur dans l'art de Sukhothai) ; la terrasse supérieure est garnie de niches abritant des images assises du Buddha. Dans le site voisin de Chalieng, le monument central de Wat Mahathat est un prang de latérite, édifié durant la période d'Ayuthya.

Jean BOISSELIER , Archéologue, historien d’art spécialiste de l'Asie (1912-1996)


Né à Paris en 1912, Jean Boisselier est petit-fils d’architecte et fils de peintre. Il entre au Beaux Art en 1924 et devient professeur de dessin. En 1945, il suit les cours de l’École du Louvre, dont il obtient le diplôme avec une thèse sur l’évolution de la statuaire khmère. En 1949, Jean Boisselier part pour Angkor et en 1950 devient conservateur du musée de Phnom Penh. En 1955, il est en Thaïlande où il s’intéresse au site d’Uthon et à la période de Dvâravatî. Il est membre de l’École française d’extrême orient (EFEO) de 1949 à 1955, puis entre au CNRS où il travaille sur la statuaire du Campa, dont il révise la chronologie (1963). Il continue à s’intéresser à la Thaïlande et participe aux fouilles de Dambegoda au Sri Lanka. De 1970 à 1980, Jean Boisselier dirige l’UER Inde, Orient, Afrique et de la formation de recherche « archéologie et civilisations de l’Asie du Sud et du Sud-Est » de l’université Paris-III. Il est mort à Paris en 1996.

 

**Rapport de l’ ICOMOS.


LISTE DU PATRIMOINE MONDIAL No 574

A) IDENTIFICATION

Bien proposé : Sukhothai et les villes associées

Lieu                : Province de Sukhotai

Etat partie      : Thailande

Date           : 8 septembre 1990

 

B) RECOMMANDATION DE L’ICOMOS

 

Que ce bien culturel soit inscrit sur la Liste du Patrimoine mondial

au titre des Critères I et III.

 

C) OBSERVATIONS DE I’ICOMOS

 

En juin 1991, le Bureau du Comité du Patrimoine mondial a recommandé I’inscription de ce bien sur la Liste du Patrimoine mondial, à condition que des précisions lui soient fournies, concernant le périmetre des sites proposés pour inscription, en particulier celui de Kampheng Pet.

Au début du mois d’octobre 1991, les autorités thailandaises ont fourni la documentation nécessaire concernant la délimitation de la ville historique de Kampheng Pet.

La documentation fournie est jugée satisfaisante par I’ICOMOS.

C) JUSTIFICATION

 

Dès le Xlle siecle une population venue du Yunnan (Chine) s’installa dans les régions septentrionales de I’Etat khmer. Cette population connue sous le nom de Thai (les hommes libres) s’organisa en petites communautes. Un prince thai épousa une Khmère et se révoltant contre le pouvoir central créa le premier Etat siamois nommé le royaume de Sukhothai, d’après la ville qui était sa capitale. Rama Kamheng (ou Rama-le-Fort), deuxième fils du fondateur de I’Etat (vers 1280-1318) fut un des plus importants souverains thai, car il donna un important territoire à son Etat par ses victoires militaires, il fut à I’origine de la création de I’alphabet siamois (écriture cursive khmère), et il imposa un strict respect de la religion bouddhiste et une organisation militaire et sociale copiées sur celles de ses voisins vaincus (Khmères).

 

La grande civilisation qui se développa dans le royaume de Sukhothai est tributaire a de nombreuses influences et aux anciennes traditions locales, mais I’assimilation rapide de tous ces éléments forgèrent, en un temps record, ce que I’on appelle le “style Sukhothai”.

 

Les trois anciennes villes proposées pour inscription sur la Liste du Patrimoine mondial par les autorites thailandaises étaient les principaux centres du royaume de Rama Kampheng: Sukhothai (la capitale), Si Satchanalai (deuxieme residence royale) et Kampheng Pet. Dans le domaine de I’architecture (en brique avec des décorations en stuc et bois) I’on remarque une grande variété et un savant mélange d’éléments d’inspiration singhalaise ou khmère. Les grandes salles d’assemblée avec un chevet massif sur lequel se profile une image monumentale de Bouddha sont spécifiques de I’architecture de Sukhothai et vont influencer tout I’art thai. Dans la statuaire le premier style thai’ se remarque par la physionomie particulière des Bouddha au nez long et fin et la chevelure surmontée d’une flamme (influences singhalaises) et la double ligne qui entoure la bouche (tradition khmere). Bouddha est souvent représenté debout (“en marche”), les vêtements collés au corps, dans une attitude presque hautaine.

 

La ville historique de Sukhothai se trouve a une dizaine de kilomètres de I’agglomération moderne et garde une bonne partie de ses fortifications. Parmi les monuments principaux I’on dénombre : le monastère (wat) Mahathat (avec son temple royal et son cimetière), le wat Sra Si (avec ses deux stupas dont les silhouettes gracieuses se reflètent dans I’eau du plus grand réservoir de la ville) et même un impressionnant prang (tour reliquaire typique de I’art d’Ayuthaya) un peu plus tardif. Le site fait I’objet de fouilles et d’études depuis le milieu du siècle dernier. Un projet de campagne internationale a été adopté par I’UNESCO (1977) et une superficie de 70 km2 a été déclarée Parc historique (1988). Hélas, une route moderne traverse le site et le coupe en deux!

 

La ville historique de Si Satchanalai est séparée de la ville moderne par la rivière Yom. Parmi les 140 constructions du site se remarque le monastère Chedi Chet Thao (du temple à sept pointes) qui impressionne par les sept rangées de stupas élancés, érigés pour enfermer les cendres des gouverneurs de la ville. Le site est, depuis 1983, classé Parc historique (45 km2). La ville était célèbre pour sa production de céramique.

 

La ville historique de Kampheng Pet (“mur de diamant”) a eu surtout un rôle militaire et, même après la chute du royaume de Sukhothai, elle garda son importance stratégique. De ce fait, ses monuments se rattachent autant au style Sukhothai que Ayuthaya. Le site fut classé Parc historique en 1980 (3,38 km2).


 Wat Phra Keaw in Kamphaeng Phet

 

- Critère I. Le parc historique de Sukhothai représente un chef-d’œuvre du premier style architectural siamois.

- Critère IlI. Ces trois sites sont représentatifs de la manière de la première époque de I’art siamois et de la création du premier Etat des Thai.

 

ICOMOS, novembre 1991

 

ICOMOS est une organisation internationale non gouvernementale dont l'activité principale est de promouvoir la théorie, la méthode et la technique appliquées à la conservation, la protection et la mise en valeur des monuments et des sites.

L’ICOMOS est également mentionné dans la convention du Patrimoine mondial de l'UNESCO comme organe consultatif pour la mise en œuvre de la Convention, et agit comme conseil scientifique du Comité du Patrimoine mondial pour l'inscription des monuments et sites culturels sur la liste du Patrimoine mondial. L’ICOMOS est aussi observateur auprès du Conseil de l'Europe.

***Définition du mot prang : Tour sanctuaire de plan carré couverte d’une haute toiture constituée d’une succession d’étages fictifs en gradin

 

**** Site de Manu :

 

http://www.forumthailandeinfo.com/index.php?topic=576.0

 

 5 khmer

Partager cet article
Repost0
7 juin 2012 4 07 /06 /juin /2012 03:01

titre« C’est à Sukhotaï et à Si Sachanalaï, capitales « jumelles » distantes de 55 kilomètres, que s’est élaborée l’architecture religieuse du royaume de Sukhotaï. Profondément originale, adaptant les formules les plus diverses, elle devait, comme la statuaire, survivre durant quelques deux siècles à l’annexion de la contrée par Ayuthaya » (1).


L’ architecture ?


« L’architecture est la mère de tous les arts », une citation que l’on attribue tantôt à Vitruve, tantôt à Diderot, en réalité une vérité éternelle du jour où l’homme est sorti de son abri sous roche ou d’une caverne pour édifier la première habitation humaine construite puis décorée. Pour Vitruve, architecte romain (entre 46 av. J.-C. et 30 av. J.-C) l'architecture doit posséder trois qualités, traduites en français par matériaux, solidité et plaisir pour l'oeil, c'est-à-dire une bonne construction et le sens de l'esthétique. Il exige que ces trois qualités soient réunies dans une construction pour que l'on puisse parler d'« architecture » (2). Jusqu’au XVIIIème siècle, la langue français ne différenciait pas l’artisan de l’artiste. La technique rejoint la beauté et le maître d’oeuvre du Pont du Gard ou le sculpteur du « sourire de Reims » sont restés des artisans anonymes.


sourire-de-reims


L’architecture siamoise ?


La Loubère (3) nous décrit scrupuleusement l’architecture siamoise, sans manifestement avoir été impressionné par son caractère « esthétique ». Il est vrai que pour lui qui connaissait le Palais et la chapelle du Palais de Versailles, le temple siamois dont il nous donne un aperçu, (loc. cit. p 118) ne dut pas faire grande impression,

 

temple la loubère

pas plus que les maisons de bois ou de briques. Il nous a déjà donné une opinion peu positive de la musique siamoise (4) et son opinion sur les arts vaut d’être citée  (loc. cit. p 268 s.) : « Ils n’ont point de corps de métier et les arts ne fleurissent point parmi eux non seulement à cause de leur paresse naturelle, mais encore plus à cause du gouvernement sous lequel ils vivent. Comme il n’y a nulle sûreté pour le bien des particuliers, sinon à le bien cacher, chacun y demeure dans une si grande simplicité que la plupart des Arts ne leur sont pas nécessires et que les ouvriers n’y sauraient trouver le juste prix des ouvrages auxquels ils voudraient mettre beaucoup de dépense et de travail ».

La Loubère écrivait en 1691.


Monseigneur Pallegoix (il écrit en 1854) a une vision moins négative de la musique (5) et (4), et c’est surtout l’accumulation de l’or et de l’argent qui a attiré son attention dans l’architecture religieuse,  mais sa vision de l’Art siamois n’est pas non plus très positive : « Les Thais ont pris les Chinois pour modèle dans l’art de la peinture et du dessin et jusqu’à présent, ils sont restés bien en dessous de leurs maîtres ; leurs dessins sont grossiers, ils ont un cachet grotesque et qui n’ imite jamais la nature » (loc. cit. p 347 s.)

Il est beaucoup plus admiratif en ce qui concerne l’architecture proprement dite «  L’architecture est un art qui a toujours été bien cultivé à Siam » et la sculpture sur bois que l’on trouve dans la moindre maison et sur la moindre barcasse.


Mais l’un et l’autre ignorent les sites de Sukhotai.


Henri Mouhot qui fit découvrir au monde les ruines d’Angkor visite en 1868 Ayuthaya et trouve la ville dans le même état que ce qu’était probablement alors Sukhotaï : « Les thaïs aiment ce qui brille, vrai ou faux ….. Comme la beauté d’un temple siamois ne consiste pas dans son architecture mais bien dans la quantité d’ arabesques qui recouvre ses murs de briques et de stuc, il cède bientôt à l’action du temps et devient, s’il est négligé un amas informe de bois et de briques recouverte de toutes sortes de monuments parasites….. » (6)

 Timbre Mouhot


La redécouverte de l’ancienne capitale Sukhotaï par les Français.


C’est à deux explorateurs français, Louis-Lucien Fournerau et le Commandant Lunet de la Jonquières-deux précurseurs-que nous devons, que les Thaïs doivent en grande partie, la découverte de leur ancienne capitale dont les vestiges sont aujourd’hui inscrits au patrimoine mondial de l’humanité depuis 1999.


Louis-Lucien Fournereau, architecte de profession et archéologue de vocation fut investi en 1891 d’une mission officielle de recherches archéologiques par Léon Bourgeois, ministre « de l'instruction publique et des beaux-arts » entre 1890 et 1892, qui a laissé le souvenir d’un grand spécialiste du sanscrit.

Fort pragmatique, Fournereau (7) rétribuait de petits siamois pour qu’ils recherchent les ruines au milieu de la luxuriante végétation.


enfants Fournereau


Les dessins de son collaborateur Bouvier (page 367) nous expliquent ses propos « L’on éprouve une certaine difficulté à se figurer que c’est là l’emplacement de l’antique et puissante Sukhôdaya ». Quant aux moines qui viennent quémander quelques ticaux, « ils ne saurons pas nous guider à travers les ruines, dont ils soupçonnent à peine l’existence, mais encore leur ignorance crasse les met hors d’état de comprendre ce que nous leur disons par la bouche de notre interprète ». Il nous dit, non sans raison « Que de trésors archéologiques resteraient inconnus si l’explorateur n’avait pour le soutenir, la soif de l’inconnu ! »

photos founereau

En 1904, le Commandant Lunet de la Jonquières (8) s’est rendu depuis le nord jusqu’à Sukkhotai (en charette à buffles, traversées de « fleuves empestés ») qu’il atteint le 28 novembre après un mois et demi d’un voyage émaillé d’incidents multiples qu’un laissez-passer du Prince Damrong facilite quelque peu. « Sukkhotai signifie « aurore du bonheur » ; quel plus joli nom trouver à une ville naissante ? Le mieux est qu’il fut justifié puisque celle-ci devint le berceau de la nation siamoise, la capitale d’où partirent les armées qui ébralèrent la suprématie cambodgienne dans la peninsule et assurèrent la liberté des peuples « thai » ». Après une analyse savante de la fameuse stèle de Ramakhamhèng, il nous décrit ce qu’est alors Sukkhotaï : « Aujourd’hui la forêt recouvre tout ce qui fut autrefois la capitale de prédilection de Rama Khomeng... ». Il loge dans un modeste sala. « Tout autour, ce ne sont que fourrés épineux, hautes herbes, marais, avec ça et là des colonnes en briques décapitées, des pans de murs écroulés, des statues brisées et abandonnées ». Il croit reconnaître dans des levées de terre les anciens remparts de la ville. «  A en croire les inscriptions, il y eut donc entre ces remparts à l’époque de la splendeux de la cité, des pagodes et des édifices religieux en grand nombre. Peut-être en trouverait-on les vestiges .... Du palais lui même, il ne reste plus rien que le soubassement, un terre plein quadrangulaire d’environ 1200 mètres carrés »... « Tout semble avoir été éventré par les chercheurs de trésor ». Le seul monument alors en place « à peu près tout ce qui mérite d’être visité » est le Wat sisavai.

Lunet de La J-7


Dans son monumental « Inventaire des monuments du Cambodge » (9) il croit  reconnaître une architecture purement cambodgienne après avoir effectué de  nombreux levés de plan (page 330).


Claudius Madrolle,

 

Portrait de Madrolles

fonctionnaire colonial, fut le fondateur de la célèbre série des « Guides Madrolle » et par ailleurs l’initiateur de ce qui allait devenir le « tourisme de masse » en Asie du sud-est. Les guides qu’il consacre au Siam en 1902 et 1906 (10) comprend plusieurs parties : un exposé des renseignements pratiques et généraux, afin de préparer le « voyageur » (à l’époque, on ne parle pas de « touriste ») à une meilleure compréhension du pays; Les itinéraires y sont méticuleusement présentés par région; Tout y est, depuis le plan de « la Joliette » (port de Marseille) d’où part le navire jusqu’au coût de la chambre à l’ « Oriental »,

madrolles tewte

moyens de transports, guides, interprêtes etc... Mais il ignore encore Sukhotaï.


En 1930 encore, le site est visité de façon approfondie par le grand archéologue niçois Jean-Yves Claeys (11).

 

Claeys

 

Il n’avait point d’autre guide que les écrits de Fournereau. Le « chaos végétal » y règne de plus belle en maître et les monuments sont « beaucoup plus abimés qu’à l’époque de Fournereau. »


Le pillage systématique des ruines, déploré par Lunet de la Jonquière l’a aussi été par Carl Bok, Consul général de Suède et de Norvège quelques années auparavant (12), apparemment une institution généralisée qui ne s’est pas limitée aux vestiges de Sukhotaï ! Madrolle écrit avec quelque pertinence « Au Siam, on n' entretient pas les pagodes, quand elles menacent ruine, on en construit de nouvelles ».


Il est singulier que l’UNESCO (13) oublie (délibérement de toute évidence) l’oeuvre de ces « découvreurs » de Sukhotaï et affirme que le site « fait l'objet de fouilles et d'études depuis le milieu du siècle dernier ». Ce serait donc à partir de 1850 ? Par qui ? Les pilleurs de sites ? La découverte de la stèle de Rama Khamhaeng sur le site semble avoir satisfait l’orgueuil du Siam, et les chercheurs et les savants se sont désinteressés du site de leur ancienne capitale pendant plus d’un siècle.


L’intérêt des autorités thaïes pour la préservation de Sukhotaï est récent.


Il fallut en effet attendre 1960 pour que les autorités thaïes s’intéressent à la préservation des monuments de leur ancienne capitale. Située à 600 kilomètres au nord de Bangkok, elle  est aujourd'hui ruinée. Le palais en bois de ses rois a disparu. La ville possède encore de nombreux vestiges de temples, construits en latérite et en brique. La plupart des édifices qui ont été découverts, et pour partie relevés, se trouvent à l'intérieur d'un rempart renforcé de douves. Mais de nombreux autres bâtiments, disséminés dans les rizières environnantes attendent toujours d'être dégagés de l'enveloppe de terre qui les recouvre. C’est peut-être ce qui les préserve encore d’un pillage systématique avant que ne soit entreprise une campagne de fouilles, toujours aléatoire en des lieux habités. Sauf erreur de notre part, aucun relevé photographique infra-rouge aérien n’a encore été entrepris à ce jour ?


La statuaire (essentiellement des images en bronze du Bouddha et des divinités brahmaniques évidemment dépouillées de leurs ors d’origne) (loc. cit. p 564-567) serait inspirée de Ceylan selon Jean Boisselier et rien ne nous permet d’avoir une idée précise de ce qu’était la décoration murale.


Nous n’avons pas l’intention de rédiger un « guide touristique ». Les visiteurs intéressés  consulteront sur l’ « art de Sukhotaï » avec intérêt et profit le chapitre que lui consacre le « Guide vert Michelin » ou celui du Guide « Lonely Planet ».


Peut-on, au vu de ces monuments aujourd’hui ruinés dont ne subsistent que les soubassements et quelques piliers ou statues dépouillées en priorité de leur revétement en feuilles d’or reconstituer ce que furent ces monuments « en trois dimensions » ?


Pierre Pichard (14) nous renvoie pour cela à Phitsanulok, au Wat Mahathat qui serait selon lui « une image représentative de ces édifices de l’époque de Sukhotai ».

 

11306058-detail-of-church-at-wat-phra-sri-rattana-mahathat-


Nous n’avons à ce jour qu’un aperçu tronqué de ce qu’étaient nos cathédrales dont il paraît acquis (malgré querelles d’expert évidemment) qu’elles étaient intérieurement et extérieurement peintes de couleurs vives (15). Imaginez-vous Notre-Dame de Paris bariolée ?


notre dame

 

Seule la riche décoration actuelle des temples que l’on continue à construire tous les jours - beaucoup plus que d’églises en France – peut nous en donner une modeste idée. Ainsi le Wat Mahathat de Nakonsrithammarat, l’ancienne Ligor, centre spirituel du sud de la Thaïlande, dont la grande flèche du Djedi, 78 mètres de haut, serait recouverte de plusieurs centaines de kilos d’or massif  et la grande galerie alignerait 172 statues de Bouddha toutes recouvertes d’or fin ?


nakhonsri


Il ne faut voir ici aucune agressivité « négative » à l’égard de nos amis thaïs.


Au milieu de l’avant-dernier siècle, le Colisée était envahi par les ronces et menaçait ruine, le Théâtre d’Orange servait de poulailler et les Pyramides de carrières de pierre.

 

______________________________________________________________________________________


Sources


(1) Jean Bousselier « Dictionnaire du bouddhisme » Encyclopedia Universalis 1999, V° « Sukhotaï » p. 532.


(2) Vitruve « Les dix livres d’architecture » traduits par Tardieu et Coussin, à Paris en 1837.


(3) Simon de La Loubère « Du royaume de Siam » volume I pages 107 s.


(4) http://www.alainbernardenthailande.com/article-is-30-la-musique-traditionnelle-thailandaise-vue-par-les-voyageurs-85320934.html


(5) Monseigneur Pallegoix «  Description du royaume thai ou Siam» volume 1.


(6) Henri  Mouhot « Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos » Paris 1868


(7) Lucien Fournereau « Les villes mortes du Siam » in «  Le Tour du monde », 1897


(8) Ct E. Lunet de la Jonquères « Le Siam et les Siamois », Paris 1906.


(9) Ct Lunet de la Jonquères « Inventaire archéologique de l’Iindo-chine – monuments du Cambodge – tome II » Paris 1907


(10) « Chine du sud, Java, Japon, Presqu’île malaise, Siam, Indochine, Philipines, Ports américains » Madrolle 1906.


(11) Jean-Yves Claeys « L’archéologie du Siam » Bulletin de l’école française d’extrême-Orient, 1931 tome 31.


(12) Carl Bock « Le royaume de l’éléphant blanc » traduit du norvégien, à Paris en 1889.


(13) « Sukhotai et l’ancienne civilisation thaïe » publication de 1982.


(14) Pierre Pichard « Moduler la lumière. Galeries et fenêtres, de l’Inde au Cambodge et au Siam » in « Aséanie », 8, 2001.


(15) Paul Deschamps et Marc Thibout « La peinture murale en France au début de l’époque gothique » in « Carnets de civilisation médiévale » 1964, volume 7.

temple PLAI-LEM (60)

 

Partager cet article
Repost0
31 mai 2012 4 31 /05 /mai /2012 03:01

titreNous avons quitté le roi Lithai (décédé en 1368), le sixième roi du royaume de Sukhotai. Nous avons indiqué que si nous avions peu d’éléments biographiques, il était néanmoins entré dans la légende et représentait un grand roi dans l’Histoire officielle thaie. Il ne pouvait savoir que son royaume s’achèverait 70 ans plus tard, après le règne de trois descendants (Leuthai (Thammaracha II) (1368-1399) (fils de Lithai), Saileuthai (Thammaracha III) (1400-1419) (fils de Leuthai) et Borommapan (Thammaracha IV) (1419-1438) (fils de Saileuthai)), qui n’auront pas même pas droit d’’être nommé par le Prince Diskul* :

 

« Depuis lors, bien qu'il y eût trois autres descendants de la dynastie régnante, la cité de Sukhothai perdit sa prééminence au profit de Phitsanulok, ou Kampaengpet, au Sud. Le dernier héritier du trône s'éteignit en 1438, date à laquelle le royaume fut annexé à l'empire d'Ayuthya. »

 

En effet, un nouveau royaume, le royaume d’Ayutthaya se fonde en 1351, et va devenir très vite le nouveau centre du pouvoir du monde siamois pendant plus de quatre siècles.

 

 carte

 

1/  Fondation d’Ayutthaya en 1351. Nouveau centre du Pouvoir siamois.

 

L’Histoire du « Siam » s’inscrit dans l’histoire de ses luttes contre les puissances étrangères (Birmans, Laos, Môns, Khmers …) et surtout les autres principautés thaies. Nous avons déjà décrit plusieurs épisodes de ces guerres. Il y en aura d’autres.

 

Avant de revenir sur l’origine d’Ayutthaya ultérieurement, on peut constater que dès 1353, nous l’avons dit, il entreprend la conquête d’Angkor, qu’il occupera jusqu’en 1357. Le nouveau roi Ramathibodi I même une politique d’expansion.

ramathibodi 1

 

Mgr Pallegoix, dans sa Description du royaume de Siam, citant les Annales, confirme :

 

« Phaja-Uthong, après avoir fondé en 1350, Juthia, prit le titre de Phrah Rama Thibodi , il établit son fils Phra Ram Suen  roi de Lophaburi ;

Voici la liste des 16 États qui étaient alors sous sa domination :

Malaka,  Xava,  Tanaosi (Ténassérin), Nakhon Si-thamarât (Ligor), Thavai, Mo Ta Ma (Martaban), Mo-Lamlong (Molmein), Song-Kla,Chantabun, Phisalunok, Sukhotai, Phixai, Savankha-Lok, Phichit, Khampheng-phet, NakhonSawan ; ».

 

Ayutthaya et Sukhotai devaient forcément se « rencontrer ».

 

2/ Les étapes de l’annexion de Sukhotai par le royaume d’Ayutthaya.

 

Un article de Gilles Delouche**, L’Incorporation du royaume de Sukhotai au royaume d’Ayudhya par le roi PhraBoromotraylokanat (1448/1488), permet de donner quelques éléments de cette histoire (Cf. en note ce travail). Mais il est vrai que sa lecture peut être fastidieuse, tant les épisodes sont ramassés, les luttes dynastiques nombreuses, et les noms des rois peu familiers. Aussi, nous vous proposons ce petit résumé plus accessible.

 

 Résumons en 6 étapes : 

  • Aussitôt créé, Ayutthaya est dynamique et va mener une politique d’expansion vers le Cambodge (prise et occupation d’Angkor). Sukhotai est délaissé. Mais à la mort du roi Ramathibodi I en 1369, tout change. 

 

  • Ramesuan 1er succède à son père mais il est renversé par son oncle Khun LuangPha-Ngua (PhraBoromorachathirat 1er) (1370-1388) l’année suivante, qui régnait sur Suphanburi. Il l’exile à Lopburi avec le titre de gouverneur.

En 1378, Boromorachathirat 1er après 6 attaques, défait le roi de Sukhotai, Phra Maha Thammaracha II (1368-1399), qui se voit « obligé »  de reconnaitre la suzeraineté d’ Ayutthaya. Le royaume de Sukhotai est alors divisé en deux.Phra Maha Thammaracha garde Sukhotai comme capitale et un gouverneur de la dynastie de Sukhotai est installé à KhamphaengPhet.

 

 boromaratchathirat

 

  • A la mort de Boromorachathirat 1er en 1388, Ramesuan 1er revient au pouvoir (1388 à 1395), après avoir renversé son fils Chao Thong Lan, qui régnait depuis 7 jours. Il sera plus intéressé, comme son fils Ramaracha (1395- 1406) à la prise du Cambodge que par Sukhotai.

 

246px-King Ay02 Ramesuan

  • En 1419 le roi de Sukhotai Maha Thammaracha III (1400-1419) meurt, et comme souvent un conflit éclate entre princes de la dynastie de Sukhotai. Il sera arbitré par le roi d’Ayutthaya, Intharacha1er (Nakharinthrarachathirat) (1409-1424), désormais maitre du jeu. (On évoque une division dont nous n’avons pas vu les termes)

 

  • Le dernier roi de Sukhotai Maha Thammaracha IV meurt en 1438.

Le roi d’Ayutthaya Boromorachathirat II (1424-1448),

le dernier

voulant garder le contrôle sur Sukhotai envoie son fils Ramesuan mais en tant que gouverneur de Phitsalunok.

(Le prince Ramesuan, gouverneur de Phitsalunok. Il y reste jusqu’en 1450 et y revient en 1463 jusqu’ à sa mort en 1488, choix stratégique par rapport au Lanna) 

 

  • Ramesuan II doit attendre la mort de son père en 1448  pour  hériter et devenir roi d’Ayutthaya,  annexant définitivement ainsi Sukhotai à son royaume.

 

On peut remarquer que si en 1378, le roi de Sukhotai, Phra Maha Thammaracha,avait dû reconnaitre par la guerre la suzeraineté d’Ayutthaya, l’annexion de Sukhotai en 1448 au royaume d’Ayutthaya a été le résultat d’une succession dynastique, qui n’a nécessité ni l’usage des armes, ni été suivi de révolte. Un fait assez rare à signaler.

 

Sukhotai, divisé, contrôlé « politiquement », étouffé économiquement par la mainmise d’Ayutthaya sur les voies fluviales n’avait plus les ressorts de réagir.

 

  • Le royaume de Sukhotai fondé en 1238, avait connu son apogée avec le roi Ramkhamhaeng à la fin du XIII ème siècle. Une écriture avait été créée, 
  • ecriture
  • la religion du bouddhisme theravada intégré au pouvoir royal. 

 theravada-bouddha

 

  • Le royaume de Sukhotai avait connu tous les stades en 200 ans d’existence et 9 rois : création 1238 contre l’occupant khmer étranger, vassalisation d’autres muangs thais, alliance avec le Lanna et Phayao. Emergence d’un nouveau Pouvoir dominant thai avec Ayutthaya en 1351 puis la chute de Sukhotai avec sa vassalisation en 1378 par le roi d’Ayutthaya, et  son annexion en 1448.

 

Le dernier roi de Sukhotai Maha Thammaracha IV était mort en 1438.

 

 le dernier

Mais le royaume de Sukhotai a été le premier état thai et est considéré comme le berceau de la civilisation thaie et comme nous le rappelle le prince Diskul :

 

« En se révoltant contre leurs souverains Khmers et en proclamant le premier royaume indépendant thai de Sukhothai au 13e siècle, les deux chefs thais,  PhaMuang et Bang Khang Thao, ne jetèrent pas seulementles fondations de la Thaïlande actuelle, ils ouvrirent aussi la voie à l'épanouissement de l'art sculptural et architectural thai, dont l'influence se prolongea bien après que le royaume qu'ils avaient fondé fut tombé dans l'oubli ». 

 

 unesco

 

---------------------------------------------------------------------------------------------

 

Notes et références.

 

*dans un article intitulé « Avec l'aide de l'Unesco, la Thaïlande restaure la splendeur d'une ancienne cité bouddhique » in Le Courrier de l’UNESCO de juin 1979.

 

**in Les cahiers de l’ Asie du Sud-Est, N° 19

 Gilles Delouche, linguiste et spécialiste de la langue et de la littérature siamoises, est professeur des universités à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). Cf. ses livres sur Méthode de Thaï (vol 1 et 2)

delouche livre

 

*** Phaja-Uthong, après avoir fondé en 1350, Juthia, prit le titre de Phrah Rama Thibodi , il établit son fils Phra Ram Suen  roi de Lophaburi ;

Voici la liste des 16 États qui étaient alors sous sa domination:

Malaka,  Xava,  Tanaosi (Ténassérin), Nakhon Si-thamarât (Ligor), Thavai, Mo Ta Ma (Martaban), Mo-Lamlong (Molmein), Song-Kla,Chantabun, Phisalunok, Sukhotai, Phixai, Savankha-Lok, Phichit, Khampheng-phet, NakhonSawan ;

 Il ne se passa rien de remarquable sous son règne, si ce n'est qu'il porta la guerre dans le Cambodge d'où il amena un grand nombre de captifs.

Phra-Rama-Suen succéda à son père en 1369, et mourut une année après.

Phra –Borom-Raxa , frère du pré cèdent, monta sur le trône en 1370 et régna douze ans.

Phra- Chao-Tong-Lan fut tué en 1382 par son frère Phra- rama-Suen, après avoir régné trois jours seulement.

Rame –Suen s'empara de Siengmaï et en amena captifs plusieurs milliers de Lao. Il prit aussi la capitale du Cambodge, et n'y laissa en 1385 que cinq mille âmes. Il bâtit une pagode célèbre appelée la Montagne d'Or.

Son fils Phaja-Bam lui succéda et régna quatorze ans. En 1401, un parent du roi appelé Intharaxa s'empara du trône et envoya ses trois fils gouverner les provinces du nord, et mourut l'an 780. A la nouvelle de sa mort, deux de ses fils, Chào-Ai et Chào-Ji, accoururent à Juthia pours'emparer du trône ces deux princes, montés sur des éléphants, se rencontrèrent au milieu d'un pont; armés tous deux d'un sabre à long manche, ils se précipitèrent l'un sur l'autre avec une telle fureur qu'ils se coupèrent mutuellement la tête. Chao Sam, leur frère, devint paisible héritier de la couronne sous le nom de Borom-raxa –Thirat (792)  Il alla faire la guerre à 1430 à Xieng-Mai, d'où il ramena douze mille captifs Lao. Il  mourut l'an 796, et son fils Boroma-Trai-Lôkhanùt lui  succéda en 1443.

Sous son règne, il y eut une grande famine la quantité de riz contenue dans une mesure de coco se vendait un fuang.

 Le roi étant mort en 1472 ; son fils Phra-Rama- Thibodi occupa le trône pendant trente-six ans. Il fit fondre en airain, avec alliage d'or et d'argent, une statue de Bouddha assis, haute de cinquante coudées. Phra-Borom-Raxa succéda à son père et ne régna que quatre ans.  RaxaKuman en 1513 ne garda le trône qu'un an son fils xaja-Raxa –Thirat. Juthia fut presque entièrement consumée par un incendie épouvantable qui dura trois jours; il est rapporté dans les Annales que cent mille maisons devinrent la proie des flammes.

 incendie

Le roi, en mourant, en 1527,  ne laissa qu'un fils âgé de onze ans, appelé Phra-Jot-Fa.

Sa mère Si-Suda-Chan,devint régente du royaume. Peu après elle contacta une liaison criminelle avec un Phaja avec qui elle finit par vivre publiquement dans le palais. Elle parvint même à le faire proclamer roi. Après, cette mère dénaturée fit massacrer son propre fils.

Mais bientôt les grands du royaume, révoltés d'une conduite si abominable, tramèrent une conjuration, et, un jour que la reine avec l'usurpateur allaient visiter  une pagode, tous deux étant assis dans le même ballon, un mandarin, qui montait une des barques du cortége, accosta le ballon royal, et l'épée à la main, il se précipita sur le roi et la reine qui poussaient des cris d'effroi, et les perça tous deux de son glaive avant que personne pût venir à leur secours. Après cela les grands du royaume allèrent offrir la couronne àun oncle du roi défunt qui était alors retiré dans une pagode.

Mgr Pallegoix, Description du royaume de Siam.

 

***En 1406 la dynastie dite d’Indra reprend le pouvoir Mais  là encore 2 versions  s’affrontent :

(Soit 1 roi soit 2 rois de 1406 à 1424 selon les annales birmanes (qui donne de 1406 à 1412 le roi PhraChakraphat) .

 

****

 Un article de Gilles Delouche**, L’Incorporation du royaume de Sukhotai au royaume d’Ayudhya par le roi PhraBoromotraylokanat (1448/1488), permet de donner quelques éléments de cette histoire.

 

 Les étapes de l’annexion de Sukhotai par le royaume d’Ayutthaya.

 

1. Aussitôt créé, Ayutthaya est dynamique et va mener une politique d’expansion vers le Cambodge (prise et occupation d’Angkor). Sukhotai est délaissé. Mais à la mort du roi Ramathibodi I en 1369, tout change. 

 

Deux dynasties vont s’affronter pour le trône d’Ayutthaya.

  • La 1ére dite dynastie d’ U-Thong ou dynastie dite de Rama.
  • l’autre dite de Suphanburi (nom de la ville dont elle est issue) ou dynastie d’Indra.

Voici la liste des 9 premiers rois d’Ayutthaya pour pouvoir suivre les querelles dynastiques de la période que nous considérons :

  • Ramathibodi Ier, U thong สมเด็จพระรามาธิบดีที่ 1 1350-1369
  • Ramesuan Ie r สมเด็จพระราเมศวร 1369-1370
  • BorommaRatchathirat I (Pangua) สมเด็จพระบรมราชาธิราชที่ 1 (ขุนหลวงพะงั่ว) 1370-1388
  • Thong Lunพระเจ้าทองลัน 1388 (7 jours)
  • Ramesuan Ier สมเด็จพระราเมศวร (second règne) 1388-1395
  • Ratchathirat สมเด็จพระรามราชาธิราช 1395-1409
  • Intharacha Ier (NakarintharaThirat) สมเด็จพระอินทราชา (นครินทราธิราช) 1409-1424
  • BorommaRatchathirat II (Samphraya) สมเด็จพระบรมราชาธิราชที่ 2 (เจ้าสามพระยา) 1424-1448
  • Ramesuan II BorommaTrailokanat สมเด็จพระบรมไตรโลกนาถ 1448-1488

 

2. Le 3ème roi d’Ayutthaya, Boromorachathirat 1er (1370-1388) et la vassalisation de Sukhotai en 1378. 

 

  • Ramesuan 1er succède à son père Ramathibodi I,  en 1369.

Mais il est renversé par son oncle KhunLuangPha-Ngua (PhraBoromorachathirat 1er) (1370-1388) l’année suivante, qui régnait sur Suphanburi. Il l’exile à Lopburi avec le titre de gouverneur.

 

 

  • De 1370 à 1378, Boromorachathirat 1er  mène 6 attaques contre Sukhotai. En 1378, le roi de Sukhotai, Phra Maha Thammaracha, reconnait la suzeraineté d’ Ayutthaya.

 

 

Le royaume de Sukhotai est divisé en deux :

 

  • La première avec Sukhotai comme capitale  est laissée à Phra Maha Thammaracha.
  • La deuxième  autour de KhamphaengPhet est laissée à un gouverneur (de la dynastie de Sukhotai).

 

Cette victoire met désormais en contact Ayutthaya et le Lanna. En 1386 PhraBoromorachathirat attaque Lampang et échoue. En 1388 au cours d’une nouvelle campagne il tombe malade et meurt.

 

3. La revanche de Ramesuan 1er, qui revient au pouvoir (1388- 1395). 

 

Vous vous souvenez de Ramesuan 1er, fils du fondateur d’Ayutthaya, qui avait été renversé par son oncle un an parèset envoyé comme gouverneur à Lopburi. A la mort de Boromorachathirat en 1388, il va pouvoir prendre sa revanche sur son fils Chao Thong Lan, et le renverser après seulement 7 jours de règne.

 

Il va régner 7 ans de 1388 à 1395 et comme son fils Ramaracha (1395- 1406) seront plus intéressés par la  prise du Cambodge que par Sukhotai.

 

4. Le 7ème roi d’Ayutthaya : Inthraracha Ier(NakarintharaThirat) สมเด็จพระอินทราชา (นครินทราธิราช) 1409-1424***

  • En 1419 le roi de Sukhotai Maha Thammaracha III meurt, et comme souvent un conflit éclate entre princes de la dynastie de Sukhotai.
  • Il sera arbitré par le roi d’Ayutthaya, Nakharinthrarachathirat, qui divisera le royaume en deux en devant accepter sa suzeraineté.
  • Il s’empare de la ville de Chaynat où il met son fils Chao Sam Phraya comme gouverneur. Chao Sam Phraya épouse une sœur du nouveau roi de Sukhotai,  Maha Thammaracha IV, dont il a un fils Ramesuan.

 

  • En 1424 Inthraracha Ier meurt.

 intharachat IER

5.La curieuse succession, avec l’avénement du 8ème roi d’Ayutthaya, Boromorachathirat II (1424-1448). 

 

Les deux fils aînés (Paya Ram et Paya Banmeung) de Inthraracha Ier en lutte pour le trône  s’affrontent en duel à éléphants et meurent tous les deux, laissant leur frère cadet  Chao Sam Phraya (vous vous souvenez, gouverneur de Chaynat) devenir roi sous le nom de Boromorachathirat II.

 

  • En 1438 le dernier roi de Sukhotai Maha Thammaracha IV meurt à Phisalunok (sa capitale).

 

Boromorachathirat II envoie donc son fils Ramesuan faire valoir ses droits au trône de Sukhotai,  mais il succède à Maha Thammaracha IV en tant que gouverneur, avec la dignité de Phra Maha Uparat (soit l’ héritier du royaume d’ Ayutthaya).

 

(Le frère cadet Phraya ram de  Maha Thammaracha IV, installé à Sukhotai ne pouvait réagir).

 

  • En 1448, Boromorachathirat II meurt. Ce sera la fin de Sukhotai. 

 

 world-heritqge

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
24 mai 2012 4 24 /05 /mai /2012 03:05

ruines titreNous allons continuer notre récit dans les incertitudes et les à-peu-près, avec l’arrivée du roi Lithai (Thammaracha 1) (1347-1368) (cousin de Nguanamthom,  Fils de Loethai) qui aurait succédé à son père  Loethai pour certains ou à Nguanamthom (cousin de  Loethai et fils de Ban Muang) (1323 et 1347) pour d’autres. Et même à un régent nommé Saisongkhram pour d’autres encore ( ?). C’est vous dire les incertitudes dynastiques !


1/ Le Prince Diskul

 

diskul

 

le présente ainsi * : Le petit-fils de Ram Kamhaeng, Lithai, qui régna de 1347 à 1368 environ, réunifia de nouveau le royaume sans toutefois lui garantir les limites antérieures. Adepte zélé du bouddhisme Theravada (issu de la secte Shri Lanka), il est le premier souverain thai à avoir vécu comme un moine pendant une partie de sa vie. Il combattit le puissant royaume d'Ayudhya qui s'était implanté au sud depuis 1350.

 

Le Prince Diskul, modéré pourtant, le présente donc comme un grand roi, un guerrier conquérant, résistant au nouveau royaume d’Ayutthaya, et pieux (a vécu longtemps comme un moine). Il a oublié le grand traité de cosmologie bouddhique que l’on lui attribue, le Tribhumikathà (les Trois Mondes bouddhiques organisés, à partir du mont Meru,

 

meru

 

en trente-deux niveaux de progression spirituelle). qui fut utilisé comme charte politique bouddhique.

 

boudhisme traité

 

Mais vous avez beau chercher, vous ne trouvez pas  comment le roi Lithai a réunifié le royaume,  même « sans toutefois lui garantir les limites antérieures. ». Vous ne trouverez ni le récit, ni la référence d’aucune bataille.

 

On avait de suite le sentiment d’un déjà vu. Nous n’étions plus dans l’Histoire ou plutôt nous étions dans cette façon particulière qu’à le Pouvoir thai d’utiliser les rois ou princes à des fins idéologiques. On pouvait penser que « le grand roi » Lithai entrait dans l’histoire du nationalisme largement présenté dans ce blog.

 

2/ Guy David, professeur à l'Institut de science et de théologie des religions de Toulouse, dans un excellent article**, pouvait nous renforcer dans cette hypothèse :


« L'héritage laissé par Li'thai a été très important dans le proces­sus d'intégration nationale et de légitimation politique pour la pé­riode moderne. Cependant certains chercheurs ont émis des doutes quant à l'authenticité du Tribhumikathà (les Trois Mondes), écrit par Li'thai. Ces chercheurs avancent l'hypothèse que ce traité cosmologique sur l'éthique du souverain bouddhiste (utilisé comme charte politique bouddhique) a été écrit à la fin du XVIIIe siècle, durant le règne de Rama I (1782-1809) afin d'aider à soutenir une monarchie thaïe dévastée par le sac birman d'Ayutthaya. Durant la période moderne, on peut noter que le Tribhumikathà (les Trois Mondes) fut utilisé par les groupes conservateurs néo-traditionnels pour renforcer le pouvoir des élites thaïes. »


Certes la méthode n ‘est pas nouvelle et de nombreux histoires nationales racontent différentes versions du sabre et du goupillon. Nous avons eu la nôtre :


L'un brandissant le glaive et l'autre le ciboire
Les peuples n'avaient plus à se poser de questions
Et quand ils s'en posaient c'était déjà trop tard
On se sert aussi bien pour tondre le mouton

Jean Ferrat.

glaive

 

Guy David rappelle la version du Sud-Est asiatique, avec le roi Asoka (qui) a souvent été  utilisé par de nombreux rois pour acquérir leur légitimité et leur autorité dans la région.


« Le Roi Asoka, symbole ou mythe du souverain bouddhiste paradigmatique, sera à l'origine du rapport entre les institutions religieuses et le pouvoir royal en Asie du Sud-Est ».


asoka-

 

« Le soutien des ordres monastiques bouddhistes fut établi sur la base d'une réciprocité, d'une part par une fidélité institutionnelle du pouvoir aux communautés monastiques, d'autre part par la construction de cosmologies et de mythologies religieuses de la part de ces communautés monastiques. Celles-ci valorisaient le roi comme propagateur de la religion du Buddha et comme clé de l'harmonie et du bien-être de l'univers, afin d'éta­blir l'ordre du monde, de l'organiser et de le rendre sacré 

[…]     À l'image du dieu Indra, le roi terrestre, le cakravartin, Li'thai fit construire son palais au centre symbolique du royaume, ainsi que des tours-caitya jusque dans les provinces éloignées afin de montrer les liens qui unissaient la capitale et les provinces. Stupa et reliques légitimaient les droits territoriaux de Li'thai. Une roue géante (cakra) et une ombrelle, symboles du pouvoir religieux et de la royauté, accompagnaient le roi dans ses déplacements. Il faisait en même temps distribuer par la communauté monastique des images de Buddha, des reliques, des empreintes de pas de Buddha aux 108 signes cosmologiques surnaturels. »


3/  Et oui, il vaut toujours mieux être de droit divin  si on veut se maintenir au Pouvoir.


Si on est bouddhiste, on peut encore mieux faire comme par exemple le roi Mongkut.  W Pongsripian, un éminent historien thai, nous rappelle *** :  « dans son récit intitulé Témoin de miracles (Aphinihan kanprachak), le prince-patriarche Pavaret laisse entendre que le roi Mongkut se considérait comme la réincarnation du roi Lithai de Sukhothai.

(Cf. notre article sur le nationalisme thai et ses trois piliers : le roi, la nation et la religion).

http://www.alainbernardenthailande.com/article-notre-isan-13-le-nationalisme-thai-73254948.html)


4/ Les Légendes.


Le roi Lithai a donc bénéficié d’un statut particulier dans l’Histoire de la Thaïlande. Il est vrai que l’absence de documents vérifiables permet tous les récits fabuleux  et autorise les légendes. (Il y en aura d’autres).


En effet, on peut trouver de nombreuses légendes à propos du roi Lithai. Ainsi par exemple : 

 

  • La Statue du Dieu Indra

 

indra

 

La légende raconte que le souverain Li Thai, désireux d’acquérir ce qui serait le plus beau Bouddha du royaume du Siam. Il commanda trois statues à ses trois meilleurs sculpteurs : l’un originaire de Chiang Saen, l’autre de Sukhothai et le troisième sculpteur de Sawankhalok (…) La troisième statue Phra Chinarat, bénéficia de la touche personnelle du Dieu Indra, ce qui érigea la statue au rang de chef-d’oeuvre. Cette oeuvre d’art,  fût choisie par le souverain Li Thai pour trôner dans le sanctuaire de sa capitale, en 1357.

Une statue similaire siège dans le temple de marbre, à Bangkok. Les chroniques racontent aussi que tous les souverains, au fil des siècles, vinrent rendre hommage à l’éveillé de Phitsanulok en le parant de feuilles d’or.

  • L’origine de Loy Kratong. (Thaï ลอยกระทง)  

Loi-Kra-Thong

 

Selon la légende la plus communément admise, il avait dans le Royaume de Sukhotai (v.1220-1350), à la cour du roi Pra-Ruang (aussi connu sous le nom de Lithai), un prêtre Brahmane qui avait une fille extrêmement belle du nom de Naang Noppamart(Cf. la suite en note *****).


5/ Il est difficile de comprendre le succès posthume du roi Lithai de Suhkotai, surtout que va émerger durant le début de son règne en 1350 (ou 1351), le royaume d’Ayutthaya, qui va bouleverser la géopolitique de la Région.


Il est difficile de croire à un Lithai conquérant quand le nouveau royaume d’Ayutthaya peut déjà en 1353 prendre Angkor et l’occuper jusqu’en 1357 avec les fils de Ramathobi 1er, Chau Bassat (1353-1354), Chau Baat (1354-1355), et  Chau Kampang Pisey (1355-1357). 

Quand par exemple une cité comme Kamphaeng Phet qui s’est fortement développée sous le règne de Li Thaï nous dit-on, mais qui est annexé par Ayuttaya pour devenir un simple poste de garnison.( La province dispose d'un parc historique, classé au patrimoine mondialde l’UNESCO depuis 1991).


Il nous restait à évoquer comment le nouveau Pouvoir central d’Ayutthaya allait redistribuer les cartes par une politique de conquêtes qui aboutira  à la vassalisation de Sukhotai en 1378 et son annexion en 1438. 

      ----------------------------------------------------------------------------

 

*Le Courrier de l’UNESCOde juin 1979


**Guy david, (professeur à l'Institut de science et de théologie des religions de Toulouse), Article : Communauté bouddhique et pouvoir politique en Asie du Sud-Est,

In, DROIT ET RELIGIONS EN ASIE DU SUD-EST sous la direction de Jean-Marie Crouzatier, Université de Perpignan. Jeudi 10 mai 2001, Colloque organisé par l'Institut du droit et des institutions francophones d'Asie du Sud-Est  et le Centre d'études et de recherches constitutionnelles et politiques. Copyright et diffusion : 2002 Presses de l'Université des sciences sociales de Toulouse Place Anatole France 31042 Toulouse cedex France


droit et religion

« B - Sukhotai

            Sukhothai est situé à environ 350 km au nord de Bangkok en Thaïlande et fut la capitale la plus importante du Siam. A l'ori­gine, la ville était un avant-poste khmer. Elle fut conquise par les tribus thaïes au milieu du XIIIe siècle et restera un centre de pou­voir jusqu'à la fin du XIVe siècle.

            La ville était entourée de trois remparts concentriques en terre, séparés par des fossés. Quatre portes étaient percées aux points cardinaux. L'ensemble couvrait une superficie de presque trois kilomètres carrés. À la fin du XIIIe siècle, sous le Roi Rama Khamhaeng (1275-1317), le centre axial de la ville était le Manansilàpàtra, une pyramide à degré, représentant le mont Meru. Au sommet de cette pyramide, le roi accordait des au­diences, de même que les moines prêchaient le dharma. En 1330, une tour en forme de bouton de lotus contenant une relique de Buddha fut ajoutée au sommet de la pyramide, la transformant en stupa bouddhique.


Nous clôturons cette présentation des villes thaïes par un bref regard sur le Roi Li'thai qui régna à Sukhothai de 1347 à 1361. Il serait l'auteur d'un traité de cosmologie bouddhique, le Tribhumikathà (les Trois Mondes bouddhiques organisés, à partir du mont Meru, en trente-deux niveaux de progression spirituelle). Ce traité fut utilisé comme charte politique bouddhique.

Tripitaka


            Li'thai mettait tout particulièrement l'accent sur les cinquième et septième niveaux de ces royaumes cosmologiques. Ces deux royaumes étaient gouvernés par des rois qui allaient servir de mo­dèles aux monarques bouddhistes d'Asie du Sud-Est. Le sommet du mont Meru, était le centre cosmologique et le palais d'Indra.

            À l'image du dieu Indra, le roi terrestre, le cakravartin,

 

indra

 

Li'thai fit construire son palais au centre symbolique du royaume, ainsi que des tours-caitya jusque dans les provinces éloignées afin de montrer les liens qui unissaient la capitale et les provinces. Stupa et reliques légitimaient les droits territoriaux de Li'thai. Une roue géante (cakra) et une ombrelle, symboles du pouvoir religieux et de la royauté, accompagnaient le roi dans ses déplacements. Il faisait en même temps distribuer par la communauté monastique des images de Buddha, des reliques, des empreintes de pas de Buddha aux 108 signes cosmologiques surnaturels.


            L'héritage laissé par Li'thai a été très important dans le proces­sus d'intégration nationale et de légitimation politique pour la pé­riode moderne. Cependant certains chercheurs ont émis des doutes quant à l'authenticité du Tribhumikathà (les Trois Mondes), écrit par Li'thai. Ces chercheurs avancent l'hypothèse que ce traité cosmologique sur l'éthique du souverain bouddhiste (utilisé comme charte politique bouddhique) a été écrit à la fin du XVIIIe siècle, durant le règne de Rama I (1782-1809) afin d'aider à soutenir une monarchie thaïe dévastée par le sac birman d'Ayutthaya. Durant la période moderne, on peut noter que le Tribhumikathà (les Trois Mondes) fut utilisé par les groupes conservateurs néo-traditionnels pour renforcer le pouvoir des élites thaïes. »

 

***www.persee.fr/web/.../asean_0859-9009_2000_num_6_1_1691de W Pongsripian - 2000


  ****  Notre Isan 14 :   Le nationalisme thaï ? http://www.alainbernardenthailande.com/article-notre-isan-13-le-nationalisme-thai-73254948.html


***** Légende de Loy Kratong de Lithai.

Suite : Elle était très intelligente et douée de talents artistiques la rendant capable de confectionner de magnifiques guirlandes de fleurs. Sa beauté et ses talents attirèrent l’attention du roi et à l’âge de 17 ans, elle fut admise au rang de concubine royale. À cette époque, les Hindouscélébraient au cours du 12e mois lunaire une fête où ils vénéraient leurs trois principaux dieux (Brahmâ, Shiva et Vishnou) avec des lanternes montées sur de longues perches et par le lâcher de lanternes dans le fleuve sacré du Gange afin de rendre hommage à la déesse Gangâ, « Mère des Eaux ».

Accompagnant l’expansion de l'hindouisme en Asie du Sud-Est, ces traditions atteignirent l'Empire khmer, puis la Thaïlande, d’abord le royaume môn d'Haripunchai puis ceux de Lanna et de Sukhothai. Le roi Pra-Ruang voulut créer une version thaïe de cette fête hindoue et organisa un concours de « Lanternes Flottantes » lors de la nuit de la 12e pleine lune. Naang Noppamart se servit de ses talents pour fabriquer une magnifique embarcation, utilisant un tronc de bananier comme flotteur et des feuilles de bananier pour la décorer en forme de feuilles de lotus. Sa création remporta le concours et le roi décréta que dorénavant, ce Kratong dénommé à l’origine Khamot, servirait de modèle pour cette nouvelle cérémonie thaie des Lumières ou Loy Kratong.

Naang Noppamart devint la favorite du roi et mena une vie heureuse. A son actif, on compte le Tumrub Thao Srichulaluck, un compte-rendu autobiographique sur l’histoire et le déroulement de la cérémonie du 12e mois lunaire, ou Loy Krathong. Légende ou réalité ? Qui sait ?(wikipédia).


 finale

Partager cet article
Repost0