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  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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21 juin 2012 4 21 /06 /juin /2012 03:01

titre La céramique ?


Pour Pierre Larousse, source inépuisable (1), la céramique est « l’art de fabriquer des poteries, des faïences, des porcelaines », définition plus simple chez Littré « l’art du potier » (2). Pour Larousse, l’étymologie est intéressante, le mot vient d’une racine sanscrite, « çra » (cuire) qui a donné le « keramos » des grecs. Si le mot est sanscrit, d’où vient la chose ?

Pour Platon, cité par Larousse (loc.cit), l’art de la poterie, séchée au soleil ou cuite au four, a été, après les armes, hélas ! l’une des premières inventions de l’industrie humaine avant même peut-être que l’homme ne quitte sa caverne pour construire une habitation. Il n’y eut que Diogène le philosophe pour loger dans une « poterie », une immense jarre en terre !


Diogène

Nous connaissons déjà les poteries de Ban Chiang (3) que la technique de la thermoluminescence a permis de dater de « plusieurs milliers d’années ». Mais cette industrie n’est pas tombée du ciel, fruit du hasard peut-être (découverte d’un gisement d’argile) mais aussi de techniques de séchage et techinques de chauffe difficiles. Robinson Crusoé, l’ami de notre enfance, nous narre les difficultés qu’il eut, une fois découvert un gisement de terre glaise et faute de tour de potier, à trouver la température de cuisson idéale (« Combien je fis de vases difformes, bizarres et ridicules.... ») que seul un heureux hasard lui fit trouver ! (4). Et nous avons de Bernard Palissy nos souvenirs d’écoliers, qui dût faire brûler jusqu’à son mobilier avant de découvrir au XVIème siècle un secret que les Chinois possédaient depuis des millénaires (5).


Palissy 2


Il n’est point d’art dont les produits arrivent à nous dans un parfait état de conservation, les armes de fer et de cuivre se sont altérées, les bijoux ou objets en or ont été pillés, les habitations en bois se sont effondrées, il ne reste de Sukhotaï que des ruines, mais les modestes vases d’argile de Ban Chiang ont traversé la nuit des temps et les céramiques de Sukhotai après eux.


Commençons par une note technique destinée aux amateurs éclairés :

 

L’ancienne céramique asiatique eut un spécialiste Fujio Koyama (1900-1975) qui fut conservateur du Musée national de Tokyo. Pour lui, la céramique de Sukhotai proprement dite est preque uniquement composée de poteries peintes en noir de fer sur fond blanc. Ces pièces sont caractérisées par une terre grossière et un corps recouvert d’un décors blanc. Leur décor dominant est un poisson dans un médaillon.

decor poisson


 

 

La production de Sawankhalok qui est la plus importante comprend quatre catégories :

  • Des céladons influencés par la Chine, 
  • celadon-thailande-du-nord-
  • Des céramiques à couverte noire extrèmement nombreuses (encore fabriquées actuellement)
  • Des céramiques à couverte blanche opaque
  • Des céramiques peintes à l’oxyde de fer sur fond blanc décorées d’arabesques compliquées (6).

Les Chinois.


C’est de l’avis de tous, aux Chinois que nous devons (après la boussole, la poudre à canon, la monnaie, l’imprimerie ...) l’invention de la céramique, il y a on ne sait combien de milliers d’années (7) ... et une belle légende :

faute de pouvoir répondre aux voeux d’un empereur exigeant une porcelaine d’une certaine forme et d’une certaine couleur, le malheureux potier se jeta dans la fournaise ardente et l’on trouva le lendemain, grâce à ce martyr volontaire la porcelaine qui répondait en tous points aux exigences du tyran. A Dieu ne plaise que cette technique de cuisson se soit reproduite au Siam.


Selon la « tradition », l’art de la céramique céladon aurait été introduite dans le royaume de Siam à la fin du 13ème siècle par 300 potiers chinois que le roi Ramkhamhaeng aurait ramenés de son voyage en Chine ! Les érudits semblent confirmer cette tradition (8). Que l’on doive d’ailleurs l’importation d’artisans chinois aux diligences du grand roi ou tout simplement à l’éternelle propension des Chinois à exercer leur industrie dans le monde entier, la question reste posée ?

Il n’y avait pas de potiers chinois que dans le royaume de Ramakhamhaeng (8)(9), mais  partout au Siam.

 

La Loubère ne nous éclaire guère sur la céramique siamoise « Leur vaisselle est ou de porcelaine ou d’argile avec quelques vases de cuivre, le bois simple ou vernis, le coco et le bambou leur fournissent le reste » (10).


Monseigneur Pallegoix note la présence de « cruches de terre et de quelques vases de porcelaine grossière » et des « assiettes de porcelaine de Chine » chez les riches  (11).


A. Jacquemart est le premier (à notre connaissance) à faire mention d’une porcelaine qui serait « venue au Siam par les Indes » (12).


La découverte des céramiques de Sukhotai – ou de Sawankhalok ou de Sri Sachanalai ?


Querelle sémantique de spécialistes dont nous ne sommes pas (13), date de la fin du XIXème siècle. L’ensemble des céramiques de l’époque de Sukhothai sont en effet appelées aussi « céramiques Sangkhalok » ou « céramiques Sawankhalok ».

« Sangkhalok » est probablement une déformation de « Sawankhalok » qui était un des plus importants sites de production de l’époque mais il est possible aussi que le nom dérive du chinois « Song golok » désignant les fours chinois de la période « Song ». 

Découverte des céramiques puis découvertes des fours et à partir de là, les chercheurs (après les collectionneurs sinon les pillards et les antiquaires de Bangkok) étudient les pièces, les fours et les déchets de cuisson.


four


Vous ne serez pas étonnés si nous vous disons que Lucien Fournereau, à l’occasion de sa mission officielle de 1891 – 1892 fit entrer dès 1894 au Musée national de la céramique à Sèvres un important choix de pièces. « Sangkhalok (i.e. Sawankhalok) fut autrefois remarquable par ses productions de céramiques. » « On fabriquait à Bang tao riang des pièces en poterie vernissée  ou des grès émaillés au grand feu les uns de pâte brune, les autres d’une pâte d’un gris assez clair pour permettre de les rapprocher des anciennes porcelaines chinoises ou coréennes » (14). Fournereau ramène ainsi au Musée de Sèvres, à la demande de son directeur, M. Baumgart, 110 pièces ou fragments « paraissant avoir été fabriquées par les Chinois pour le royaume du Siam ». Il retrouve après un dur labeur au sabre d’abattis une trentaine de four éventrés d’où proviennent l’essentiel des pièces « dignes d’être rapportées » et présentement au Musée de Sèvres. Il constate aussi un  brusque et évident abandon des fours alors qu’ils étaient en activité ? (Il est en effet probable qu’à la suite de l’attaque d’’Ayuthaya par les birmans en 1569, de nombreux fours furent détruits. La paix revenue, de nouveaux fours furent construits mais les poteries produites étaient alors destinées aux usages ménagers

 

assiettes

 

et sont considérées de qualité inférieure aux pièces réalisées pendant la période de Sukhothai. En 1767, la deuxième attaque des Birmans entraînait une deuxième vague de destructions de fours, et la production déclina encore, en nombre et en qualité.

C’est à la fois dans un soucis de performance et d’études que les premiers conservateurs du Musée avaient alors commencé à cette époque à réunir des objets de collection asiatiques, non seulement pour le plaisir des yeux mais aussi comme pièces de référence pour la production de la Manufacture de Sèvres (15).


A partir du début du XXème siècle, les recherches se multiplient, des centaines de fours sont découverts dans la région de Sri Sachanalai en particulier.

C’est probablement l’émergence des cités-états du centre qui a suscité l’essor de la céramique thaïe. La production de Sri Sachanalai est datée du XIIIème et comporte des grès à glaçures vertes ou des céladons qui tiendront une place de choix dans l’exportation vers le Japon. Ceux de Sukhotai révèlent des vases ballustres. Mais beaucoup de sites sont encore à étudier sinon à découvrir (16).


Nous savons maintenant que du 14ème au 16ème siècle, Sukhothai a été, après la Chine, le deuxième plus gros producteur de céramiques du monde.

Les épaves de navires marchands retrouvées récemment dans le Golfe de Thaïlande montrent que le premier royaume siamois exportait vers la Malaisie, les Philippines, l'Indonésie et le Japon.  La découverte de navires coulés avec leur cargaison intacte a été précieuse pour les chercheurs (17)(18)(19).


sous marine

 

D’anciens fours ont été découverts près de l’ancienne ville de Sukhothai, mais le plus gros et le meilleur de la production était situé à quelques kilomètres de Si Satchanalaï, sur les sites de Ban Pa Yang et de Ban Ko Noï, où l’argile était d’une qualité supérieure.


A l’instar des potiers de Dvaravati, les potiers du royaume de Sukhothai réalisaient de magnifiques décors architecturaux en terre cuite, comme les chôfas de temples représentant des nagas. Mais ils étaient aussi célèbres pour leurs céramiques à motifs peints en noir sous couverte blanc crème et leurs céramiques à couverte céladon rappelant les techniques des artisans chinois de l’époque Song.


 ceramique-thailande-1300ac2

 

Nous parlions des collectionneurs ?


Deux d’entre eux méritent un hommage appuyé, sans la générosité desquels une immense quantité de pièces de céramiques siamoises (et bien d’autres objets d’art) auraient été livrées à la cupidité de leurs héritiers ou au feu des enchères. Nous sommes, au XIXème à une époque où les amateurs d’ « antiquités » ne se souciaient guère de leur provenance. Il est toujours dans les environs de Ban Chiang des Thaïs malfaisants qui vous proposeront sans barguigner de la poterie trouvée dans leur champ (vraie ou fausse ?) ou dans ceux de Sahatsakhan d’autres malfaisants qui ont trouvé dans leur champs l’os (qui ne ressemble pas à un bréchet de poulet) de quelque animal antédilivuvien... Ce qui était possible en 1880 ne l’est plus aujourd’hui !

 

Le richissime industriel lyonnais Emile Guimet (1836-1918)

 

guimet 428

 

réunit lors de ses voyages en Asie une immense collection d’objets d’art asiatique qu’il présenta d’abord à Lyon en 1879 et légua ses collections à ce qui allait devenir le Musée Guimet en 1889, enrichies, en particulier et en particulier seulement, des donations d’Aymonnier et de l’Ecole française d’extrême Orient. Ce fut ingratitude de la part de l’administration de le rebaptiser « Musée des arts asiatiques » (20) ingratitude légère toutefois puisque tout le monde continue à parler du « Musée Guimet ». Grâce à l’inventeur du « bleu Guimet » qui fit sa richesse, le plus riche musée d’art asiatique au monde hors Asie se trouve à Paris.


 bleug (1)


Henri Cernuschi, (1831-1896) patriote italien réfugié en France après la chute de l’éphémère république romaine en 1848, y fit une fortune colosale dans de douteuses affaires financières, qu’il n’utilisa pas seulement à la diffusion de ses idées républicaines mais à la constitution d’une remarquable collection de céramiques asiatiques accumulée lors de ses séjours en Asie, léguée à la Ville de Paris qui inaugura le « Musée Cernuschi » en 1898, le deuxième musée d’art asiatique de France (21).


Portrait de Monsieur Cernuschi

 

Le don qu’ils firent de leurs collections à la collectivité en fait oublier l’origine pas toujours bien orthodoxe.

 



 

En guise de conclusion :

 

Pour les Thais.

 

N’oublions pas que les Thaïs ne s’intéressèrent à la richesse architecturale et artistique de Sukhotai que dans les années 60 (1960 et non 1860 !).

 

Pour les curieux de techniques


49 vestiges fours de potier ont été restaurés à Sukhotaï (près de la douve Mae Chon). A quelques kilomètres de Si Satchanalaï, vous pourrez visiter un premier site au village de Pa Yang (20 emplacements de fours de potiers) et le très important site de Ban Ko Noy un peu plus au nord où ont été retrouvés 150 fours au bord de la rivière Yom. Un excellent aperçu de cette activité majeure et un musée très didactique.

 

Pour le plaisir des yeux,


Le Musée national Ramakhahaeng à Sukhotaï comporte une somptueuse collection de ces céramiques des XIIIème et XIVème siècle. Le musée de Songkhla (il est un peu loin de chez nous !) comporte un ensemble très éclectique de porcelaines chinoises ou siamoises anciennes qui, au dire d’un spécialiste qui nous y accompagnait, est somptueux.

 

Pour les spéculateurs 

Les céramiques siamoises n’atteignent pas (encore) les prix pharaoniques des porcelaines chinoises anciennes.


record


Sothebys a une antenne à Bangkok dont vous pourrez consulter le catalogue à tête reposée. On peut estimer que ce qui y est mis en vente présente toutes les garanties d’authenticité. Il n’y avait malheureusement pas à l’heure où nous écrivions de catalogue sur une vente de céramiques siamoises anciennes.

http://www.sothebys.com/fr/inside/locations-worldwide/bangkok/departments.html


« River City » à Bangkok est un centre commercial bien connu spécialisé dans la vente d’antiquités. Il comprend 4 étages de boutiques vendant des antiquités, et une zone de vente aux enchères mensuelles. Garanties d’authenticité ????

Nous y avons relevé au milieu de beaucoup de bols et d’assiettes sans le moindre caractère cette jarre « provenant de Sukhotaï », datée « du XIV au XVIème » (quelle précision !) évaluée à 4.000 baths ...


 

jarre 14ème 4000

 

Vous apprécierez. Vous trouveriez la même chez les marchands de poteries qui pullulent autour de Sukhotai pour 200 baths avec la certitude (au moins) qu’elle est bien du XXIème siècle.

Vous pourrez encore faire du lèche-vitrine chez les antiquaires de Charoen Krung où l’on peut admirer des antiquités de rêve. Tous mieux gardées que Fort Knox, on peut penser que l’on n’y vend que « de l’authentique » !

« In cauda venenum » ... Nous sommes tout de même irrésistiblement conduits à penser qu’il existe sur le marché autant de fausse céramique que de fausses Rolex à Patpong, mais beaucoup plus difficiles à reconnaître.

N’oubliez-pas ce que nous avons dit des premiers timbres-poste siamois (22)

 

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Sources et références :


(1) « Dictionnaire Universel du XIXème siècle », tome III édition 1867


(2) « Dictionnaire de la langue française », tome I 1863


(3)

http://srv04.admin.over-blog.com/index.php?id=1226271910&module=admin&action=publicationArticles:editPublication&ref_site=1&nlc__=34


(4) Le 30 septembre 1660.


(5) En particulier « Histoire de la céramique » par Edouard Garnier, à Paris en 1882 


(6) Fujio Koyama « Céramique ancienne de l’Asie : Chine, Japon, Corée, Asie du sud-est,

proche Orient »  in « Arts asiatiques » 1965 volume 11 pp 169 - 170.


(7) En particulier « La céramique » par Louis Figuier dans la collection « Les merveilles de l’industrie » à Paris sans date.


(8) Bernard-Philippe Groslier « La céramique chinoise en Asie du Sud-est : quelques points de méthode » in « Archipel » volume 21 numéro 81.


(9) Jean Boisselier « Recherches archéologiques en Thaïlande » in « Arts asiatiques » 1969, tome 20, pp 47-98.


(10) La Loubère « Du royaume de Siam », volume I page 126.


(11) Pallegoix « Description du royaume thai ou Siam » volume I 1854 chapitre 7


(12) A. Jacquemart « Les merveilles de la céramique » Ière partie « Orient » à Paris en 1866


(13) Michel Mirouze « Sawankhalok ou Sri Sachanalai ? A propos d’une évolution de terminologie en matière de céramique thaïe » in « Arts asiatiques » 2005, tome 60 pp 160-171.


(14) Fournereau « Les villes mortes du Siam » in « Le tour du monde » 1897, numéros 30 et suivants.


(15) Voir le site du Musée national de céramique à Sèvres : http://www.sevresciteceramique.fr/


(16) Voir John Guy « Ceramic tradition of south est asia » analysé par Marie-France Dupoizat in « Archipel» volume 42 – 1991.


(17) Société française d’études de la céramique orientale, « la lettre Sfeco » mars 2002, numéro 5.


(18) Marie-France Dupoizat « Rapport préliminaire sur la céramique importée à Banten Girang » (Sultanat d’Indonésie) in « Arts asiatiques » 1992, tome 47.


(19) Denys Lombard « La céramique d’exportation à la mode » in « Archipel » volume 3, 1972.


(20) Voir le site du Musée : http://www.guimet.fr/


(21) Voir le site du Musée : http://www.cernuschi.paris.fr/


 fin

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commentaires

B
Un très bel article, exactement ce que je recherchais pour mes élèves francophones au Laos. Bravo et merci.
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G
Si notre article vois a été utile, nous en sommes satisfaits et vous remercions de votre commentaire<br />