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  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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17 février 2024 6 17 /02 /février /2024 01:22

 

Vous avez souvent pu remarquer ces arbres ceints d’une pièce de tissus de couleur safran, ce qui évoque évidement un lien avec l’habit des moines. C’est bien là le résultat d’une cérémonie qui vient probablement de la nuit des temps, avant même Bouddha, appelée l’ « ordination de la forêt » (PHITHIBUATPA  - พิธีบวชป่า) ou encore l’ « ordination des arbres » (PHITHITONMAI -  พิธีบวชต้นไม้) et remise en vigueur depuis une trentaine d’années  compte tenu de l’état actuel de la planète. Le terme est singulier et l’on peut suivre le très érudit Louis Gabaude lorsqu’il préfère non sans raisons peut-être le terme de « bénédiction » (1).

 

 

N’oublions pas que nous sommes en terre bouddhiste qui ignore le mythe de la création selon la Génèse  « ... Alors Dieu dit : faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre… Dieu a créé l'homme et la femme… Et leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l'assujettissez; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre. Et Dieu vit tout ce qu'il avait fait et vit que cela était bon » (Genèse 1, 25-31).

 

 

Ce texte contient, et il n'est pas possible de l'interpréter autrement, les composantes fondamentales d'une vision du monde en rupture complète avec le monde antérieur au sein duquel, chaque arbre, chaque source, chaque colline, chaque montagne avait ce que les romains appelaient son propre génius loci, son gardien spirituel. Nous connaissons ces génies protecteurs, incontestable survivance animiste, nous en avons longuement parlé (2)

 

 

Le monde fut en quelque sorte désacralisé et l'homme se vit autorisé à l'exploitation de la nature. Ce fut l’entrée du monde dans ce qu’on appelle l’ère « anthropocène » - Un néologisme, associant les mots grecs « homme » et « récent », ensuite de quoi l’homme a provoqué des extinctions massives d’espèces végétales et animales, pollué les rivières et les océans et modifié notre atmosphère.

 

 

Pour les bouddhistes, il existe des liens spirituels entre l’homme et la nature avec d’autant plus de force que le bouddhisme thaï reste fortement empreint d’animisme. Les textes canoniques bouddhistes décrivent la relation de l’homme avec le monde naturel selon les cinq lois de la nature (niyama -  นิยามะ) qui correspondent aux évènements physiques (température, saisons), la biosphère -  à la vie des plantes, la biodiversité -  au Karma – et aux lois naturelles, le Dharma. L’homme ne peut se définir sans son environnement et sur la planète terre, tous est interdépendance, qu'il s'agisse d'une étoile, d'un nuage, d'une fleur, d'un arbre ou de vous et moi.

 

 

La spiritualité bouddhiste suggère que la survie de l’espèce n’est possible qu’en soutenant cet environnement. Les liens spirituels de l’homme avec la nature considérée comme sacrée vont alors jouer un rôle important. L’homme n’est que l’intendant de la terre donc responsable de la protection de la planète. Mais cette exploitation a incontestablement conduit à ce qu’il est convenu d’appeler le dérèglement climatique.

 

 

Certes, les problèmes qu’il pose existaient peut être à l’époque de Bouddha mais la population mondiale n’était que de 150 millions d’habitants et la destruction de l’environnement ne pouvait être que dérisoire. Elle sera cependant probablement de 10 milliards en 2100.  Il ne faut évidemment pas s’attendre  à  trouver dans l’enseignement du maître des directives pour résoudre des difficultés qui n’existaient pas encore et régler les problèmes que pose l’activité humaine souvent désordonnée, forcenée et cupidité face à des ressources limitées. Peut-on toutefois trouver dans la spiritualité bouddhiste une réponse à ces questions ? Le bouddhisme explique que tout sur cette planète est constitué des quatre éléments principaux : la terre, le feu, l'eau et l'air.

 

Dans les croyances animistes qui subsistent omni présentes, les hommes adoraient ou vénéraient les  forêts, les montagnes, les  jardins et les arbres, la nature était considérée comme non seulement une source de vie mais encore une source de religion et de spiritualité. Cela n’a évidemment rien à voir avec le concept moderne de protection de la nature et de combat contre les dérèglements climatiques. Mais le fait de se réfugier dans la nature a un résultat direct sur sa protection. Nous avons longuement parlé du Bouddhisme de la forêt (3)

 

 

Les bouddhistes croient toujours aux esprits - que l’on peut appeler génies, démons, fantômes ou anges -  de la forêt et des arbres.  Nous en avons également parlé (2). En dehors de nombreux rituels reliant l’homme à la nature se situe la cérémonie d’ordination des arbres. Couvrir un arbre de la robe safran élève son statut tout comme l’ordination d’un moine. Il est devenu sacré et nul n’osera la couper. Il a en effet son esprit ou son génie qui interdit de l’abattre. Nous avons une longue description (en thaï) de cette cérémonie in  https://www.seub.or.th/bloging/into-the-

 

Avant de considérer ce rituel comme une superstition, il faut en connaître la signification profonde. La forêt et la nature sont sources à la fois de bien et de mal ; Cela dépend de la manière dont chaque individu les traite. Le bouddhisme considère la nature comme le meilleur endroit pour la pratique religieuse et la  plupart des événements importants de la vie du Bouddha se sont déroulés dans la nature. Bouddha lui-même est né dans le jardin de Lumpini,

 

 

a reçu l’éveil sous l’arbre de la Bodhi

 

 

et a prononcé sa première homélie dans le parc aux cerfs.

 

 

Il a passé quarante-cinq ans de sa vie à enseigner au milieu la nature et est mort dans un bois. Le bouddhisme établit ce culte de la nature, forêts et montagne, considérées comme sacrées ou sources d’illumination. N’oublions pas non plus qu’à l’époque de Bouddha, la Thaïlande (en particulier) devait être couverte de forêts ce qu’elle n’est pas depuis longtemps en raison de la cupidité des hommes !

 

 

Tout, dans ce monde, enseigne le bouddhisme, est interconnecté et nos actions y ont un effet d’entrainement sur ce monde qui nous entoure donc de toute évidence sur le climat. Le bouddhisme enseigne que tous les êtres font partie d’un réseau d’interdépendance plus vaste. Un autre principe fondamental du bouddhisme est le concept d’impermanence. Il nous enseigne que tout dans le monde est en constante évolution y compris notre environnement naturel. En reconnaissant le reconnaissant, nous pouvons mieux apprécier sa beauté et sa valeur et prendre des mesures pour la protéger pour les générations futures. Le bouddhisme met également l'accent sur l'importance de la compassion et la nécessité de ne pas causer de préjudice à tous les êtres vivants, animaux, et plantes.  Les moines bouddhistes sont des acteurs de la protection de la nature dans la mesure où ils sont astreints, entre autres, à quatre obligations fondamentales qui sont

Vivre avec des moyens de subsistance suffisant,

Vivre selon un principe de recyclage,

Vivre en harmonie avec la nature,

Vivre une vie d’autosuffisance.

Le premier fondement est à l’opposé d’une vie dictée menée par le consumérisme qui peut devenir immoral. Citons Gandhi : « Le monde en a assez pour répondre aux besoins de chacun, mais pas assez pour satisfaire l’avidité de chacun. »

 

 

Le deuxième fondement, suivre le principe de recyclage ? La planète est inondée de déchets qui sont les sous-produits de l'activité humaine. Par exemple, un moine est censé porter des robes faites de chiffons récupérés dans un tas de poussière, de préférence des cimetières. Cela s'applique non seulement aux robes mais à tout ce que nous consommons dans nos vies.

 

 

Le troisième fondement est de vivre en harmonie avec la nature. Bouddha parlait du « pied de l’arbre » comme de l’abri de base des moines. Les premiers monastères bouddhistes étaient des forêts et des parcs. Détruire toute sorte de la vie est totalement interdit à un bon moine. Détruire une plante vivante, abattre un arbre, arracher une fleur, cueillir des fruits sur un arbre ou brûler de l’herbe est une infraction. Les règles monastiques interdisent de déféquer, uriner ou cracher dans l’eau ou sur des cultures vivantes. C’est protéger les sources de la pollution. Les moines de la forêt sont réputés pour être les meilleurs protecteurs des animaux et de.la forêt

 

 

Le quatrième fondement est de vivre une vie de suffisance pour diminuer les dommages causés par les humains à la planète.

 

 

Même si le bouddhisme ne s’attaque pas spécifiquement au phénomène moderne du changement climatique, ses principes et ses enseignements peuvent offrir des orientations pour relever les défis environnementaux.

 

Ces dernières années, il y a eu un mouvement croissant au sein du bouddhisme pour s'attaquer à ces problèmes.

 

Les cérémonies d’ordination ou de bénédictions des arbres se sont multipliées depuis les années 1990. Avant la guerre de 39-45, la forêt couvrait 70 % de la superficie du pays. Nous ne serions plus aujourd’hui qu’à 25 % t peut-être moins. Aux bénédictions d’arbres ont succédé des bénédictions de forêts entières notamment lors des cérémonies du 50e anniversaire de la montée du roi Rama IX sur le trône en 1996.

 

 

Le récit biblique, que la création résulte du doigt divin ou d’une étincelle lors du « bis bang », énonce que Dieu, une fois créé le monde, créa le troisième jour le vert, un chaos de cellules végétales le quatrième puis les animaux le cinquième puis le plus sublime d’entre eux, l’homme le dernier jour.

 

 

Les connaissances scientifiques actuelles confirment cet ordre d’entrée en scène : les premières cellules vivantes susceptibles d’opérer une photosynthèse seraient apparu sur la planète il y a trois milliards d’années et l’homme tout au plus, il y aurait deux cent mille ans. La photosynthèse a généré l’oxygène rendant possible le développement de la vie animale. Or tout vient à la fois du soleil et des plantes sans lesquels il n’y aurait plus de vie. Le règne végétal a une masse qui correspondrait à au moins 90 % de la masse du monde des vivants, une présence écrasante par rapport aux animaux et à l’homme. Si l’enseignement de Bouddha ignorait tout de la photosynthèse,

 

 

il était par contre parfaitement conscient de l’importante de la végétation dans son ensemble, forêts et jardins. Bouddha fut-il le premier écologue de l’histoire ?

 

 

Nous avons une bonne analyse de ce bouddhisme « écologique » dans un article du vénérable Anil Sakya (Phra Dhammashakyavamshavisuddhi), collaborateur du patriarche suprème, dans son article  « Spiritual Connections to Nature and to Climate Change Action » in Journal of the Siam Society, Vol. 111, Pt. 2, 2023, pp. 233–246,

Notre ami Jean de la Mainate nous a dotés d’un très enrichissant article « L’ORDINATION D’ARBRES » sur son site

https://www.merveilleusechiang-mai.com/ordination-daarbres-la

 

 

 

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18 novembre 2023 6 18 /11 /novembre /2023 02:41

 

La province de Kalasin, bien perdue au cœur du nord-est de la Thaïlande (Isan), est, il faut bien l’admettre, essentiellement connue pour ses dinosaures. Ils ont donné lieu à la création d’un musée parfois  du style « parc d’attraction » au  goût parfois très relatif mais à chacun ses goûts

 

 

Nous avons longuement parlé de ces peintures murales dont la technique n’est pas celle de la fresque (1)

 

 

Certaines sont bien connues, d’autres le sont beaucoup moins, Il en est guère qui retienne l’attention des guides touristiques, y compris le guide vert de Michelin qui est sans conteste le meilleur. J’ai toutefois plaisir de rendre au passage hommage au site de Loris Curtenaz « Temples de Thaïlande » qui arpente le pays à la découverte de temples méconnus des circuits dits « touristiques » https://temple-thai.com/ Ses articles sont toujours ornées de superbes photographies.

Dans notre province un peu assoupie, il signale deux de ces temples dont l’enceinte comprend l’une de ces chapelles ornée de peintures murales.

Le Wat Sawang Phosi (วัดสว่างโพธิ์ศรี) dans le village de Nong Weng Hi (บ้านหนองแวงฮี) situé dans le district de Yang Talat.

 

 

Le Wat Pho Chai Khok Yai (วัดโพธิ์ชัยโคกใหญ่) a retenu notre attention. Alors que lorsque nous découvrons l’un de ces temples « qui mérite le détour » comme on dit chez Michelin, il est le plus souvent impossible d’avoir la moindre source de renseignements sur leur histoire, y compris mêmes des moines qui l’occupent,

 

 

....celui-ci a fait l’objet d’une très érudite étude en 2012 de trois universitaires de l’Université de Khonkaen publiée dans « Journal of the Mekong societies ». Elle est en thaï (2).

 

 

Bien que son objet consiste essentiellement à donner des directives de technique architecturale pour la conservation de la chapelle, cette étude contient de précieux renseignements sur l’histoire de cette chapelle et les techniques de son édification sur la base de deux sources en thaï que nous avons consulté, consacrées aux peintures murales en général (3)  et surtout des rencontres avec quelques personnes âgées qui conservaient après plus de 70 ans des souvenirs précis sur la construction de la chapelle et conservaient la tradition orale relative à l’histoire de ce modeste temple de village.

 

 

Quelques chiffres :

 

Selon le site official du bouddhisme thaï, il y a dans le pays 40717 temples  uniquement Theravada, le bouddhisme orthodoxe, ce qui n’inclut ni les temples bouddhistes chinois ni ceux d’autres écoles. Environ 34.000 sont « en activité » c’est-à-dire abritent un nombre minimum de moines permanents.

 

La province de Kalasin a été créée en 1947, détachée de celle de Mahasarakham. A cette date, elle abritait 307.000 habitants. Au recensement de 1947, il y avait un peu moins de 18 millions d’habitants et 5 millions 800 mille dans la région du nord-est (Isan).

 

Aujourd’hui, la province abrite un peu moins d’un million d’habitants.  La population a donc été multipliée par 3,25, un peu moins d’un tiers.

 

 

Le district aujourd’hui de Yang Talat qui comporte aujourd’hui 130.000 habitants devait donc alors abriter environ 40.000 âmes. S’il comporte aujourd’hui 217 villages (mais leur nombre varie avec le temps vers la hausse), chacun de ceux-ci devaient alors avoir environ 200 habitants, une petite communauté villageoise de quelques dizaines de famille..

 

 

Avant de dépendre de la province de Kalasin, le district de Yang Talat avait été créé en 1908 sous le nom de Prachimkalsin (ประจิมกาฬสินธุ์)   « à l’ouest de Kalasin » abrégé localement en de Pachimkalsin (ปจิมกาฬสินธุ์)    puis en 1913 en district de Phulaenchang (อำเภอภูแล่นช้าง) « l’endroit où courent les éléphants » et prit lors du rattachement à la province de Kalasin son nom actuel de Yang Talat (ยางตลาด) celui du village principal « le marché du caoutchouc », les plantations d’hévéas sont toujours présentes..

 

 

Notons une curiosité toute locale, lors qu’intervint en 1913 la loi exigeant des habitants qu’ils prissent un nom de famille,  beaucoup en choisirent un commençant par le préfixe « Phu - ภู » « l’endroit ». Je ne cite que celui d’une personne qui m’est proche « Phusimaï -  ภูสีไม้ », « l’endroit des quatre bosquets », un vocable parlant.

 

 

Il y a à ce jour (2023) 670 temples agréés par le Sangha dans la province de Kalasin.

 

 

Il y en a 89 dans le district de Yang Talat. Il faut évidemment prendre tous ces chiffres avec précautions, le recensement de 1911 donne une population nationale de 8.300.000 habitants, celui 1917 de 9.200.000, celui de 1929 de 11.500.000, celui de 1937 de 14.000.500 (date de l’achèvement du temple qui nous intéresse) avant celui de 1947 déjà cité. Le sous-district dans lequel se situe le temple comporte aujourd’hui 11.000 habitants et le village auquel le temple a donné son  nom Ban Khokyai (บ้านโคกใหญ่) un peu moins de 600.

 

 

Le temple et sa chapelle

 

La page Wikipedia, « encyclopédie » parfois bien utile mais dont il faut se méfier comme de la peste, dote le sous-district de Buaban (ตำบลบัวบาน) de trois temples :

 

วัดโพธิ์ชัยโคกใหญ่ - Wat Phochai khokyai - วัดโพธิ์ชัยโคกใหญ่โคกคำ -Wat Pho chai khokyai khok kham - วัดโพธิ์ชัยบ้านตูม Wat Phochai bantum

 

Ce sont en réalité trois appellations parlantes pour le même édifice :  โพธิ Phothi, c’est l’arbre de la Bodi sous lequel a trouvé l’illumination ...

 

 

... et ชัย Chai, c’est la victoire.  โคกใหญ่ Khokyai est « une grande colline ».  C’est donc traduit à ma façon le « temple de la victoire de la religion situé sur la grande colline ». La seconde appellation ajoute โคกคำ khok kham, kham signifie « la vie » en dialecte local (Isan) « la colline de la vie ». La suivante, บ้านตูม -  bantum me paraît signifier « le village jeune » c’est-à-dire « le nouveau village ». Ne retenons que l’appellation apparemment officielle,  abstraction faite de deux adjectifs parlants mais que l’histoire de ce temple explique en partie. Il porte aussi l’adjectif de บ้านเว่อ ban woe, Woe étant une horrible trancription du mot anglais « over », je préfère passer.

 

Sa fondation daterait de 1761. Phra Yakhuphuan (พระยาคูพวน) y était Phraupatcha  (พระอุปัชฌาย์), terme qualifiant un moine ayant compétence pour procéder à des ordinations mais le temple de comportait pas de chapelle d’ordination, ces batiments spécifiques connus sous le nom de « Sim » (สิม). Par conséquent, une chapelle fut construite. La chapelle actuelle fut construite entre 1936 et 1938 alors que Pra Yakupulue (พระยาคูปู่ลือ) était abbé (เจ้าอาวาส). Un vietnamien nommé Yai Kaeodi (ใหญ่แกวดี) fut chargé de platrer les murs et d’y effectuer les peintures murales dont nous savons quelles sont l’âme des chapelles d’ordination dans le nord-est, appelées localement huptaem (ฮูปแต้ม). Il était installé dans le petit village voisin de Ban Donmuang (บ้านดงเมือง) où il s’était marié.

 

Le temple reçut l’agrément royal (Phraratchathanwisungkhamsima – พระราชทานวิสุงคามสีมา) le 14 mars 1938. Il appartient à la plus orthodoxe des écoles bouddhistes, le Sangmahanikai (สงฆ์มหานิกาย).

 

 

La communauté villageois proprement dite est celle de la fondation du temple, 1761 par le « Pho » Yaihomsombat (พ่อใหญ่หอมสมบัติ). « Pho » qui signifie littéralement le père au sens biologique est tout simplement ici un préfixe marquant le respect. Il était originaire du village de Ban Khuang (บ้านข่วง) du district de Selaphum  (เสลภูมิ), sous district de Tha Muang (ท่าม่วง) dans la province de Roi Et (ร้อยเอ็ด) mais son épouse venait du village de Chiang Sa (บ้านเชียงสา) situé dans le district actuel de Yangtalat. Devenu aveugle, il eut la vision du lieu où il devait s’établir, y construisit une maison et y fait venir des proches.  L’endroit s’appela à l’origine Nonsuanbannuea (โนนสวนบ้านเหนือ) « Jardin dans un village au-dessus d’une petite colline » Actuellement, Non Suan Ban Nuea est une propriété royale. La superficie est de 1 rai. À l'origine, il y avait de grands arbres de bois de santal (ต้นจันทน์) dans la région

L’endroit était fertile et les forêts alors abondantes abritait de nombreux animaux sauvages, tigres, singes, éléphants sauvages, gibbons et loups. Tigres et loups venaient attaquer et manger les chiens et les poulets.

 

 

Nous connaissons le nom du chef de village entre 1781 et 1800, Phuyai Homsombat  (ผู้ใหญ่หอมสมบัติ). Entre 1801 et 1821, le chef de village venait de Vientiane au Laos, appelé Phra Phatchachon Naban (พระปัชฌาชลนะบาล). .ors des attaques des Thaïs contre le royaume de Vientiane, beaucoup d’habitants d’origine lao s’installèrent dans les villages voisins.

Lors de la construction de la chapelle d’ordination, la communauté villageoise comptait 76 ou77 autres familles, soit environ 300 personnes.

Il n’en est aucune trace photographique antérieures à  celles données par nos universitaires, en raison de la croyance que les personnes qui prennent fréquemment des photos perdront la vie prématurément

 

 

La plupart des activités religieuses se déroulent aujourd'hui dans le pavillon  polyvalent. qui est construit derrière la chapelle

 

 

La chapelle d’ordination

 

 

Il en est qui sont fermées, les peintures se trouvent alors dans la galerie extérieure, d’autre, comme celle-ci, qui sont ouvertes, peintures sur les murs intérieurs.

 

 

Toutes sont orientées vers le levant d’où vient la lumière et compotent une statue de Bouddha qui regarde également vers l’est.

 

 

La construction est une œuvre collective de la communauté villageoise et fait parfois appel aux habitants des villages voisins tant pour les travaux que pour faire leur cuisine et leur apporter la nourriture. A charge de réciprocité, ainsi virent les habitants de Ban Khokcharoen (บ้านโคกเจริญ), Ban Nongbua (บ้านหนองบัว),. Ban Nongkungsi (บ้านหนองกุงสี) et Ban Siao (บ้านเสียว).

 

 De nos jours, ce ne sont pas les habitants du village qui gâchent le ciment, ce sont eux qui financent les travaux. La restauration de l’ancienne chapelle d’ordination du temple de mon village qui abrite environ 900 habitants, fut ainsi financée à concurrence de 3 millions de baths (environ 80.000 euros)

 

 

À cette époque, la construction utilisait des matériaux et des ressources locales. Il en fut de même – dans la mesure du possible – lors de la restauration de la chapelle en 2007.

Le sable provenait du lac proche de Huai Nam Pao (ลำห้วยนำปาว) depuis disparu au sein du grand lac artificiel de Lampaodam (ลำปาวดำ) dont la plus grande partie se trouve sur le territoire du district de Yangtalat.

 

 

Il était transporté dans des paniers en bambou tressés à cette fin et le sable était tamisé dans un panier également en bambou.

 

 

L’argile était extraite d’un gisement local situé dans le village de Ban Woe (บ้านเว่อ) dans le sous-district de Buaban (ตำบลบัวบาน).

 

 

Elle était mélangée avec de l’eau et de la paille de riz et le tout longuement foulé aux pieds jusqu’à obtention d’un mélange homogène. Les briques étaient confectionnées dans des moules en bois dont elles étaient retirées puis séchées au soleil pour quelles durcissent. Elles étaient suite cuites dans un four recouvert d’argile et ensuite retirées après refroidissement. Le feu était alimenté par du bambou et de la paille de riz. L’opération du début jusqu’à la fin prenait environ une semaine. Ces briques constituent la structure des murs.

 

 

Les couleurs utilisées pour les peintures murales sont présentes dans la nature. La couleur bleu argenté provient des fleurs de l’arbre-indigo (Indigofera tinctoria - ต้นคราม)

 

 

La couleur jaune vient du noyau du fruit-jacquier (Artocarpus Heterophyllus - ขนุน ) bouilli dans l‘eau.

 

 

La couleur rouge provient de l'écorce de l'arbre Pradu (ประดู่ - Pterocarpus indicus)  longuement bouillie.

 

 

On utilise aussi l’écorce de l’arbre-mek (ต้นเม็ก - Syzygium gratum).

 

 

Les couleurs jaunes et blanches proviennent de la combustion des coquilles de coquillages  comme les palourdes (หอยกาบ)

Lorsque les coquilles sont terminées, ces coquilles sont finement broyées puis mélangées à de l'eau puis brûlées en général avec des bouses sèches de buffle dont les troupeaux étaient alors nombreux dans les champs.

 

Les coquilles broyées servaient en outre à la confection de chaux et de ciment

 

 

La structure des murs est constituée de grosses briques en terre cuite. La charpente du toit est en bois dur. Entièrement chevillé, on n’utilise pas de clous. Le bois provenait des forêts autour du village offrant du bois rouge, dur, imputrescible et réfractaire aux attaques des termites. La toiture est en zinc, matériau présent dans la région dès le début des années 30. La rouille superficielle la protège de la dégradation. Même si le toit Il deviendra rouge rouille, il reste solide et durable

 

Les peintures représentent des créatures célestes et les anges de la forêt d’Himmaphan (ป่าหิมพานต์), forêt entourant le mont Meru dans la mythologie hindoue abritant  de nombreuses créatures légendaires. D’autres représentent l'histoire du Vessantara Jataka, (เวสสันดรชาดก), celle de la dernière histoire de Bouddha avant sa venue sur terre. Nous y trouvons aussi la description d’un mode de vie, mode de vie, tenues vestimentaire, armes, véhicules pour voyager, ustensiles quotidiens, instruments de musique, etc.

 

 

Le site (en thaï) donne une vision complète des 20 peintures de la chapelle

https://www.bloggang.com/viewdiary.php?id=muralssay&month=11-2015&date=19&group=8&gblog=19https://www.bloggang.com/viewdiary.php?id=muralssay&month=11-2015&date=19&group=8&gblog=19

NOTES

(1) Voir notre article

A 196 – LES PEINTURES MURALES, L’ÂME DES TEMPLES DU COEUR DE L’ISAN.

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2015/11/a-196-les-peintures-murales-l-ame-des-temples-du-coeur-de-l-isan.html

 (2) Voir l’article dans le Journal of the Mekong societies -  Vol.8 No.3 Septembre - décembre 2012, pp. 103-120 :

วารุณี หวัง / ทรงยศ วีระทวีมาศ / กุลศรี ตั้งสกุล : ประวัติศาสตร์ท้องถิ่นในสิมวัดโพธิ์ชัยโคกใหญ่ จังหวัดกาฬสินธุ์ และแนวทางการอนุรักษ์

Madame Waruni Wang, Songyot Weeratawimat et Kunlasri Thungsakul

« Histoire locale à Sim Wat Pho Chai Khok Yai Province de Kalasin et directives de conservation »

(3) Ces deux articles sont signés d’Universitaires de l’Université de Khon Kaen

สุทะฃธิพงศ์ ศริชุมพล – ณัฐพงศ์ พุดหล้า – ประสาน กำจรเมกูล

« การส้างฐานข้อมูลจากภาพจิตรกรรมฝาผนังอ๊สานเหื่การออกแบบผลอตภัณฑ์เของเศรษฐกอจสร้างสรรค์ »

Suthathiphong Sichumphon - Natthaphong Phutla et Prasan Kamchonmekun

« Création d'une base de données des peintures murales pour concevoir des produits de l'économie créative ».

Juin 2018, numérisé : 

https://so04.tci-thaijo.org/index.php/jnuks/article/view/97061

ชิงชัย ศิริธร1

« การออกแบบผลิตภัณฑ์กราฟิกจากอัตลักษณ์ตัวละคร และฉากในฮูปแต้มอีสานเพื่อใช้ในผลิตภัณฑ์ และสื่อดิจิทัลเชิงวัฒนธรรม »

Chingchai Sirithorn

« Graphic design from Esan Sim Mural Identity for cultural products and digital media »

In : วารสารศิลปกรรมศาสตร์ มหาวิทยาลัยขอนแก่น (Revue des Beaux-Arts et appliqués - Université de Khon Kaen)

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28 octobre 2023 6 28 /10 /octobre /2023 06:23

 

Le Phra Bang (ou encore transcrit Phabang ou Pabang), en thaï พระบาง, en lao ພະບາງ est le palladium et le plus précieux symbole du Laos. Phra est un préfixe qui indique la sainteté ou la grandeur. Bang est un mot venu de Ceylan d’où serait venue la statuette, qui signifierait un mélange de métaux. Elle mesure 1,14 mètre de haut et pèse 52 kilogrammes et 85 milligrammes. Elle est ou serait composé d’un mélange d’or à 90%, d’argent et de bronze. C’est la position de Bouddha mettant fin à la querelle dans un geste d’apaisement, que l’on retrouve aussi dans la position de calmer l’océan (พระยืนปางห้ามสมุทร).

 

 

La tradition qui prétend que la statue du Phra Bang aurait été remise au IXe siècle par le roi de Ceylan au souverain khmer ne repose sur aucune donnée historique et contredite par ce que l’on sait de l’histoire du Cambodge à cette époque.  Nous en avons diverses versions rapportées par des explorateurs, voyageurs, érudits et amis de notre blog que je détaille dans l’indication de mes sources : Pavie, Raquez, Paul Le Boulanger, Anatole-Roger et François Peltier ainsi que deux amis ; Philippe Drillien, l’infatigable érudit philatéliste et Jean de la Mainate, grand érudit de Chiang Maï, ainsi que de nombreux sites Internet en thaï, je n’en cite qu’un dans mes sources.

 

 

Elle perdure toutefois et vaut d’être sommairement contée :

 

Elle aurait été fondue à Ceylan à des dates qui varient en fonction des versions légendaires, l’année 436 avant notre ère, dans la cité de Langka (กรุงลังกา) pour le compte du souverain de la ville, pieux bouddhiste, par un saint  moine qui y inclut cinq reliques de Bouddha.

 

 

Une autre version date la création de la statue de l’en 874 de notre ère (année bouddhiste 1417) soit 13 siècles plus tard ? Quoiqu’il en soit, le Phra Bang est resté plusieurs siècles à Ceylan jusqu’à ce que l’un des rois légendaire d’Angkor demande au roi de Langka de lui céder le Phra Bang, amitié oblige ! La statue va donc se trouver au Cambodge après des siècles passés à Ceylan. Nous allons ensuite la voir entrer plus ou moins dans l’histoire : Au XIVe siècle, le souverain d’Angkor donna sa fille au Prince Fa Ngum, (ฟ้างุ้ม) le premier monarque du Lan Chang (ล้านช้าง), le « royaume du million d’éléphants », dont l’historicité soit certaine et qui régna de 1353 à 1372. Et ce pour faire de son gendre un bon bouddhiste,

 

 

il lui envoya la statuette qui resta un temps à Vientiane (เวียงจันทน์) avant de rejoindre Luang Prabang (หลวงพระบาง) alors appelé Muang Swa (เมืองซวา). Le trajet fut parsemé de miracles dont je vous épargne le détail. Muang Swa prit plus tard le nom de Luang Phabang lorsque le siège de la capitale fut transféré à Vientiane par le roi Setthathirat (ไชยเชษฐาธิ) en 1563. A deux reprises, les siamois s’emparèrent de la statuette pour la conduire à Thonburi d’abord, à Bangkok ensuite (1684 puis 1732) ? Les souverains de Luang Phrabang en obtinrent la restitution non par amitié des souverains siamois mais – semble-t-il – car la statue leur apparut comme de mauvaise augure. Il est toutefois un élément essentiel, la coexistence du Bouddha d’émeraude et du Phra Bang n’additionnait pas leur caractère bénéfique mais les annulait ce qui explique la facilité avec laquelle les Lao obtinrent la restitution de leur statue. Nous savons combien les Thaïs encore aujourd’hui sont imprégnés de ces notions de surnaturel. Si le Phra Bang était maléfique à Bangkok, il ne l’est pas sur l’autre rive du Mékong comme nous allons le voir. 

 

 

Quoiqu’il en soit, le Phra Bang se trouve aujourd’hui au Musée national de Luang Phra bang, ancien palais royal (พิพิธภัณฑ์แห่งชาติหลวงพระบาง) dans l’enceinte du Wat Ho Phra Bang. (วัดหอพระบาง) après un passage au Wat Vichoun (วัดวิชุน). Encore des péripéties que nous décrit Philippe Drillien en 2007 : « Le Phra Bang, dont l’histoire mouvementée mériterait à elle seule un article, avait besoin d’un abri définitif. C’est pourquoi les travaux de construction du Vat Ho Phra Bang commencèrent en 1963, dans l’enceinte du Palais. Un timbre fut même émis en 1965.  

 

 

Initialement, ce temple devait être payé par une modeste contribution de chaque citoyen Lao. Mais la guerre, puis la révolution communiste et l’abolition de la monarchie arrêtèrent les travaux jusqu’en 1993. A cette date, le projet fut repris et transformé pour construire un édifice remarquable, digne de son hôte prestigieux, tout en conservant l’appellation de Vat Ho Phra Bang (« la pagode qui abrite le Phra Bang »). C’est ce temple qui est représenté sur ce timbre  sur un projet initial

 

 

 

…. qui diffère du projet définitif        

 

 

Il est bâti dans le plus pur style de Luang Prabang et rappelle le vihan (วิหาร) du Vat Xieng Thong (วัดเชียงทอง)

 

 

...toit pointu en tuiles plates descend par pans successifs presque jusqu’au sol. Chaque arête du toit se termine par un naga (animal mythique, parfois confondu avec un dragon, qui est un  des douze animaux du calendrier lunisolaire Lao).Ce génie ophidien est censé protéger la pagode et ses fidèles. On le rencontre dans de nombreuses pagodes dont il constitue souvent les rampes d’escaliers.

 

 

Ironie du « sort » : ce temple, dont la construction aura duré plus de 40 ans (de 1963 à 2005-2006), était destiné à abriter la statue du Phra Bang mais il n’a toujours pas accueilli cette statue légendaire qui aurait tout simplement « disparu ». Heureusement, il en existe plusieurs répliques. J’ai pu en admirer une, il y a quelques années à Orléans ».

Aujourd’hui, la statue est revenue après 40 ans de « disparition », en 2006, alors que Philippe n’était plus au Laos.

 

 

Sans avoir aucune compétence en la matière, j’observe toutefois que le Laos est composé d’une population à 66% bouddhiste fort attachée à sa foi et à ses croyances, fussent-elles légendaires. La position des gouvernants communistes à l’égard du bouddhisme fut sinusoïdale mais dorénavant sans hostilité marquée d’autant qu’une partie du clergé bouddhiste s’est ralliée au mouvement socialiste. Je ne cite que l’un des plus illustres de ses membres, Maha Khamtan Thepbuali (มหาคำตันเทพบัวลี), mort centenaire en 2019 et auteur de nombreux ouvrages de vulgarisation politico-bouddhiste. Doit-on s’étonner que les gouvernements communistes aient réhabilité une statue (ou une copie) représentant auprès d’une partie de la population sa propre légitimité ?

 

 

RÉHABILITÉE, EN EFFET – MAIS EST-CE BIEN ELLE ?     

 

On murmure, ce qui vaut bien les légendes, que l’original qui représente, rappelons-le, un demi-quintal d’or, se trouverait à l’abri dans la cave d’une banque à Vientiane, au Vietnam ou peut-être à Moscou ? La disparition de la statuette pendant des dizaines d’années est à l’origine de cette rumeur  répandue à suffisance sur de nombreux sites Internet en thaï. Que s’est-il passé ? : Le samedi 12 mars 1977, les autorités communistes procédèrent à l’arrestation du Roi, de la Reine, du Prince héritier...Ils furent envoyés dans un « camp de rééducation » à Vieng Xay (เวียงไซ) dans le nord du pays.

 

 

Amphay Doré dans « Le partage du Mékong » écrit Un mois après l'arrestation du roi, le Prabang disparut à son tour. Selon de rares témoins, il avait été emballé pour plus de discrétion, dans une vulgaire boîte en carton. Qu'était-il devenu? Emmené au Vietnam comme l'avait prétendu à tort la presse thaïlandaise? Contribuait-il à garantir, quelque part, le kip-potpoy qui tombait en chute libre? Avait-il été mis en sécurité, lui aussi, pour être soustrait des manigances de la CIA et de ses laquais? »

 

 

Philippe Drillien m’écrit « ces lignes correspondent à ce que j'avais pi lire ou (et) entendre dire à l'époque ».

Le mystère demeure. S’il n’y a plus rien craindre aujourd’hui des manigances de la CIA, la menace étai réelle à l’époque. Le kip, unité de monnaie locale, reste l’archétype de la monnaie de singe. Lors d’un voyage en 2000, je me suis cru, quelques minutes, millionnaire après avoir changé quelques billets de 500 francs mais les désillusions commencèrent dès l’achat d’un paquet de cigarettes. Aujourd’hui encore pour un modeste bath thaï, on obtient près de 600 kips. Il en faut 10 fois plus pour un paquet de mauvaises cigarettes.

 
A l'heure actuelle, je ne peux être sûr de rien conclut Philippe Drillien: Le Vat Ho Phra Bang abrite bien une statue qui est visible par les visiteurs. Selon les autorités, il s'agit bien du Phra Bang. Cependant, aucune photo n'est autorisée. Pourquoi???

 

 

 

LES REPRODUCTIONS VÉNÉRÉES SUR LA RIVE DROITE DU MÉKONG

 

 

N’ayant pu, comme Philippe, voir l’original, ni l’éventuelle copie qui n’a gagné que depuis peu son Palais-Musée, j’ai pu admirer au moins une représentation du Phra Bang sur la rive droit du Mékong. S’il est maléfique à Bangkok ai-je dit, il ne l’est en effet pas sur  la rive droite du fleuve, dans le Nord-est. On y trouve (au moins) deux reproductions du Phra Bang original, vénérées par les bouddhistes de la région :

 

Le Bouddha du Wat Traiphum (วัดไตรภูมิ) du district de Tha Uthen (อำเภอท่าอุเทน) dans la province de Nakhon Phanom (จังหวัดนครพนม)

 

Ce district se situe sur la rive droite du Mékong. Le temple, lui-même en bordure du fleuve abrite une statue du Bouddha debout semblable et reproduction du Phra Bang sacré du Laos dans un mondop (มณฑป) face au fleuve. Elle est utilisée, sortie de son cadre, en procession pour appeler la pluie.

 

 

La base porte une inscription en anciens caractères Lao (Tai Noi - ไทน้อย) ainsi transcrite en thaï contemporain «  สมเด็จพระเหมะ วันทา กับทั้ง อัง เต วา สิ อุบาสก อุบาสิกา ได้ร่วมแรง ร่วมใจกันสร้างพระนี้ขึ้นมา มีขนาดเท่าตัวคน เพื่อให้ไว้ เป็นที่ สักการะ บูชา เมื่อ ปี พ.ศ. 2008 ตรงกับปีวอก เดือน 3 ขึ้น 9 ค่ำ วันศุกร์ » soit « Somdet Phra Hema Vantha et Ang Te Wa Si, Upasok Upasika, se sont réunis pour construire cette statue qui a la taille d'une personne pour la conserver comme lieu de culte en 2008 correspondant à l'Année du Singe, le 3e mois, le 9e jour de la lune croissante, le vendredi ».

La statue semble avoir à quelque chose près, les mêmes dimensions que, l’original ? Il ne m’a pas été possible d’avoir des précisions sur les deux personnes qui sont à l’origine de sa fonte sur l’évident modèle du Phra Bang lao.L’année 2008 est une année bouddhiste, c’est-à-dire 1465 de nos années. On peut donc penser que la statue est en réalité très ancienne même si la construction du temple est beaucoup plus récente.Ces précisions proviennent d’un prospectus du Tourisme thaï diffusé à l’intérieur du site et qui donnent la même composition (or, argent et bronze). Il me fut impossible de m’en approcher tant la foule y est dense, venue autant du Laos que de Thaïlande.

 

La vente d’amulettes

 

 

 

ou de statuettes représentant le Phra Bang y est florissante.

 

 

 

Le พระบางจำลอง (reproduction du Phra Bang) du Wat Pra Lao Thep Nimit (วัดพระเหลาเทพนิมิต) du district de Phana (อำเภอพนา) dans la province d'Amnat Charoen (จังหวัดอำนาจเจริญ).

 

Je le cite mais n’en parle pas plus longuement car je ne l’ai pas visité. Une précision linguistique toutefois relative au nom du temple, « lao » n’a rien à voir avec le Laos et signifie « l’or » en langage local.

 

 

Si tout ce qui est écrit sur le Phra Bang, guides ou sites touristiques et sites Internet les plus sérieux fait systématiquement  référence à l’origine légendaire, il semble que la réalité soit toute autre.

LES ORIGINES PROBABLE : L’ARCHÉOLOGIE AU SECOURS DE L’HISTOIRE DÉMENT LES LÉGENDES

 

Sur ce sujet, voir mes sources II. Je note sans avoir la moindre compétence en la matière que les spécialistes de l’art khmer considèrent que le style de la statuette correspond au style du Bayon à Angkor alors que d’autres la considèrent comme du style des Bouddhas du Dvaravati, ce qui est peut-être la porte ouverte vers une explication plus scientifique de l’origine du Phra Bang. Qui a fait l’œuf ? Qui a fait la poule ?

 

 

En 1935, le grand érudit que fut Pierre Dupont, dans un article comparant les « Bouddha debout » du Bayon à Angkor et ceux du Dvaravati, écrit : « La statuaire khmère à l’époque du Bàyon semble d'ailleurs, dans son ensemble, avoir subi plus ou moins fortement l'influence de l'art de Dvâravati. Il est vrai que c’est le temps où un vaste répertoire bouddhique devient nécessaire alors que rien, antérieurement, n’avait préparé les Khmèrs à le constituer ». Son article contient de nombreuses photographies, notamment celle de l’un des Bouddha du gopura III de Preah Khan à Angkor daté de la fin du XIIe siècle.

 

 

Ces ressemblances avaient déjà été plus ou moins soulignées en 1931 par Jean-Yves Cleys dans son article sur l’archéologie du Siam dans lequel il nous donne la photographie d’un Bouddha de style Dvaravati provenant de Phetchaburi (เพชรบุรี)  qui a pris le chemin de Bangkok mais dont il n’évalue pas la date.

 

 

 

La découverte archéologique de Ban Thalat au Laos est fondamentale, commentée par Emmanuel Guillon en 1973 et accompagnée de photographies parlantes :

 

Ban Tha Lat est une petite communauté du Laos située à environ 100 km au nord-ouest de la frontière thaïe et à 90 km au nord de Vientiane.

 

 

En octobre 1968, y fut faite la découverte d’une inscription en ancien langage môn

 

 

et une statue de Bouddha debout dans la style du Dvaravati datés d’environ le  VIIe ou le VIIIe siècle de notre ère. On ignorait, jusqu’alors que les royaumes du Dvaravati aient connu une telle extension au nord. Ce Bouddha, de grès rose comme la pierre inscrite, a été découvert en même temps et au même endroit que celle-ci. Il se trouve présentement au Vat Phra Keo de Vientiane (วัดพระแก้ว) devenu Musée de l’art religieux. Haut de 1,57 m sans son socle, l'image est très abîmée mais présente la plupart des caractéristiques de l'image du Bouddha môn notamment les avant-bras projetés en avant dans une position symétrique : ici les mains sont amovibles, comme c'est souvent le cas à Dvaravati : les mortaises  pratiquées à l'intérieur des poignets coupés droits le prouvent.

 

Cette ptogographie a été prise par Philippe Drillien en 1972 Lors de ma visite du temple en 2000, les photographies étaient stricte,ent interdites

 

 

Ces découvertes contredisent l’opinion faisant venir le Bouddhisme au Laos via le Cambodge, le bouddhisme ayant descendu le Mékong et ne l’ayant pas remonté ?

 

 

Les similitudes avec ce Bouddha et le Phra Bang sont à tout le moins troublantes.

Plusieurs articles de Michel Lorrillard confirment – mutatis mutandis – que le bouddhisme et par voie de conséquences sa statuaire – n’ont pas remonté le Mékong jusqu’au Lan Chang mais qu’il a descendu le Laos jusqu’à Angkor.

Si tout ce qui est écrit sur le Phra Bang, guides ou sites touristiques et sites Internet les plus sérieux fait systématiquement  référence à l’origine légendaire, il semble que la réalité soit toute autre. Il y a pourtant de quoi contenter l'orgueil local puisque la statuette ne serait pas née à l'étranger mais à l'intérieur même du pays ?

SOURCES I

 

La photographie du Phra Bang en tête de cet article est extraite d’un article de la Revue indochinoise illustrée de juillet 1928 et publiée sur le page Facebook de la Siam Society

Une carte postale éditée par l'Edition Laotienne, Artistique et Sportive Vientiane en 1927 communiquée par Philippe Drillien est la plus ancienn photographié trouvée.

 

 

Les illustrations philatéliques sont de Philippe Drillien.

 

Sur l’histoire tortueuse du Laos ou plutôt de ses trois royaumes, Vientiane, Luang Phrabang et Champassak,  et sur les rapports pathologiques  avec les pays voisins, Siam, Birmanie, Vietnam et Chine, où la légende se confond avec l’histoire, voir

Auguste Pavie «  Indochine, tome II « Recherches sur ‘histoire »  1898,

 

 

 

Paul Le Boulanger « Histoire du Laos français » 1930,

 

 

et un intéressant commentaire par Georges Coedés. « Paul Le Boulanger : Histoire du Laos français. Essai d'une étude chronologique des principautés laotiennes » In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 30, 1930. pp. 423-430; Il contient un dessin à la plume de la statuette.

 

 

Anatole-Roger et François Peltier « Tiao Khamman  Vongkotrattana : Tamnan vat mươong Luang Prabang » In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 55, 1969. pp. 281-290; section « Genèse de la statue du Phra Bang », traduction d’une petite brochure en lao de 1964.

 

Philippe Drillien d« découverte au pays des pagodes : Timbre de l’UNESCO : Luang Prabang » in  L’ÉCHO DE LA TIMBROLOGIE de février 2007. N°1804

 

 

 

L’étude la plus complète sur l’histoire de la statuette est celle de Jean de la Mainate « Chronique de Chiang Mai et son temps » volume II de 2023, pages 327 à 336 encore malheureusement hors commerce sauf dans une grande librairie de Chiang Maï, la librairie Suriwong, rue  Suriwong - Suriwong Book Center -  54 54/1 ถ นน ศรีดอนไชย 1 Mueang Chiang Mai District, Chiang Mai 50100 - Téléphone : 053-281-052-6

 

 

Un site Internet : https://siamcoin.com/พระบางพุทธลาวัลย์/  en thaï,  mais ils sont nombreux. Il fait état des rumeurs qui courent sur le sort de l’original.

Sur le bouddhisme et le socialisme, voir Patrice Ladwig et Martin Rathie      « Lao Buddhism and Faith in the Revolution - The Life and Career of Maha Khamtan Thepbuali (1919–2019) in the Context of Buddhist Socialist Movements » in Bulletin de l’école francaise d’extrème orient, I de 2020. L’article comporte une énorme bibliographie.

 

SOURCES II

 

Pierre Dupont « Art de Dvaravati et art khmer. Les Bouddha debout à l’époque du Bayon, », in Revue des Arts Asiatiques, Paris 1935, tome IX, n° II, p. 63-75.  

 

Jean-Yves Claeys « L’archéologie du Siam » in Bulletin de l’école française d’Extrême-Orient, tome 31 de 1931.

 

Emmanuel Guillon. « Recherches sur quelques inscriptions môn ». In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 61, 1974. pp. 339-348;

 

Michel Lorillard « Quelques données relatives à l'historiographie lao ». In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 86, 1999. pp. 219-232;

 

Michel Lorillard «  D'Angkor au Lan Xang: une révision des jugements ». In: Aséanie 7, 2001. pp. 19-33;

 

Michel Lorrillard « Research on the Inscriptions in Laos: Current Situation and Perspectives ». 2018, publication de l’Ecole française d’extrême orient  numérisée sur academie.edu

 

 

 

 

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17 septembre 2023 7 17 /09 /septembre /2023 06:18

 

L’importance des rites dans le monde agricole est essentielle dans la mesure où,quel que soit le progrès apporté par la culture face à la cueillette, elle reste soumise aux aléas des éléments, pluies, sécheresse, dérèglements du climat, qui
vont conduire les paysans à chercher un remède dans le recours à des puissances surnaturelles. Curieusement, elles sont toutes féminines ainsi par exemple Déméter, fille de Jupiter et déesse de la fertilité devenus Cérès chez les
Romains.

 

 

Nous avons rencontré dans le nord-est de la Thaïlande  la Mère du riz qui préside à la destinée de ces récoltes (1). Elle est y généralement connue  sous le nom de Mae Phosop (แม่โพสพ), la « mère du riz ».

 

 

Une version de son histoire légendaire est née sur l'autre rive du Mékong mais celui-ci n'est une frontière ni linguistique ni ethnique ni culturelle. Nous la devons à la plume la plume de Charles Archaimbault (1921-2001) ethnologue spécialisé dans la culture du Laos : « La Légende de Nang K’osop déesse du riz au Laos » (2). C'est la traduction d'un manuscrit conservé au Vat Sisaket à Vientiane.

 

 

Cet article est extrait de son ouvrage publié en 1973 à Vientiane «  Structures religieuses lao – rites et mystères » (3).

 

 

Cet article est extrait de son ouvrage publié en 1973 à Vientiane « Structures religieuses lao – rites et mystères » (3). J'en dois la découverte à Philippe Drillien et son épouse, les infatigables animateurs de l'Association des collectionneurs de timbres-poste du Laos, qu'ils en soient remerciés d’autant que Philippe a largement contribué à l'illustration de cet article.

 

 

 

Je laisse la parole à la légende ainsi rapportée par Archaimbault :

 

 

 

Salut ô riz originel, riz glorieux dont les mérites sont nombreux !

 

 

Il existait un coq nommé Suriya p’angki qui acquit de nombreux mérites durant 240.408 kalpa et qui vint renaître en ce monde sous les traits de l’éminent Bouddha Kukusanto.

 

 

Note : Un kalpa  est une unité de temps dans la cosmologie de l'hindouisme et du bouddhisme. qui correspondrait à  4,32 milliards d'années ou à un an de vie du Dieu Brahma.

 

 

Il existait aussi un roi nommé Praya Virupaka qui, lors de la naissance de ce Bouddha, avait déjà accompli de nombreux actes méritoires.

 

Le riz céleste naquit dans ce parc royal. Ce riz ne comportait qu’une seule touffe, mais son tronc imposant mesurait pas moins de 7 kam de diamètre.

 

 

Note :  Un kam  = 20 centimètres. Cette mesure éxistait dans le Siam ancien

 

Des branches partaient de nombreux rameaux qui procuraient une ombre fraîche. Certains de ces rameaux portaient d’abondantes grappes de fruits. L’arbre était ainsi couvert de fruits splendides comme des pattes de tortue. Ces fruits larges de 5 kam et longs de 5 k’eub portaient une queue longue et splendide comme un chasse-mouches royal.

 

Note : Un k’eub  = 12 pouces  Ces mesureséxistaitent dans le Siam ancien

 

Ils étaient pourvus de petites ailes semblables à celle de l’oiseau Nok Khien dont le chant est mélodieux.

 

Note : Cet oiseau apparaît dans la légendaire bouddhiste. Il s'agit de la grue antigone. Il est considéré comme le plus grand des oiuseaux volants.

 

 

Leur tête effilée, ronde et annelée, ressemblait à un oignon. Leur corps était d’un blanc aussi pur que l’argent sans alliage. La saveur de ces fruits égalait alors celle du lait de coco ou du lait de bufflesse.

 

Mais les hommes ne savaient point que cet arbre était le riz céleste. Ils pensaient qu’il s’agissait là d’une sorte de haricot ou de sésame.

 

Note : Le sésame aurait été domestiqué dans le sous-continent indien et il est même probable que ce soit la première plante oléagineuse à avoir été cultivée.

 

 

Après de longues discussions, ils allèrent offrir des fruits de cet arbre à un ermite qui demeurait dans la montagne nommée « Pierre de l’Etang de la Tortue ». L’ermite se rendit immédiatement compte que ces fruits n’étaient autres que ceux du riz planté par le roi Virupaka dans l’attente du Bouddha qui descendrait du ciel. « Ce riz est né par suite des mérites du Bouddha Kukusanto ; il est très beau, parfait, splendide comme les yeux », déclara l’ermite. Les hommes retournèrent alors chez eux, balayèrent ce riz qu’ils firent cuire à la vapeur et dont ils se nourrirent. Pour l’engranger ils construisirent des greniers. La tradition s’ensuivit, hommes et femmes se transmirent cet usage. Le riz précieux continua à croître tandis que le Bouddhisme se propageait. Le Bouddha nommé Kukusanto, qui était venu renaître dans le Jambudvipa, aida les hommes, lui, le Clairvoyant.

 

 

Note : Jambudvīpa est  l'un des quatre continents situés dans les quatre directions autour du mont Sumeru, selon l'ancienne vision indienne du monde, il est le continent sud.

 

 

Il se nourrit de ce riz durant toute sa vie, durant 40.000 ans, jusqu’à ce qu’il fût au Nirvâna. Le riz était toujours aussi parfumé, aussi savoureux. Au bout de 8.000 ans, un second Buddha, nommé Konak’om, vint renaître comme être parfait. Les grains de riz diminuèrent de grosseur, ils n’eurent plus que 4 kam de diamètre et 4 k’eub de long. Le tronc de l’arbre portait encore des branches splendides comme des pattes de tortue, les yeux du riz étaient beaux et vifs comme ceux des animaux sauvages. Il était odorant et parfumé. Le Bouddha s’en nourrit toute sa vie jusqu’à ce qu’il obtînt le Nirvâna, à l’âge de 30.000 ans. Puis la religion fut sans Bouddha durant 7.000 ans. Mais le riz demeura savoureux et parfumé. Les hommes, ne connaissant ni famine ni pauvreté, étaient alors à l’abri du malheur et des calamités.

 

En ce temps-là, vivait une vieille veuve fort acariâtre. Ses sept époux étaient décédés et elle n’avait ni enfants ni neveux. Cette veuve alla chercher du bois pour construire son grenier. Mais avant que la construction n’en fût terminée, le riz précieux que la puissance en mérites du Bouddha Kukusanto avait fait surgir, vola à travers les airs et s’entassa, s’accumula sous le grenier. La vieille fort en colère grommela, saisit un gourdin et frappa le riz qu’elle réduisit en miettes, en poudre. Les menus fragments s’envolèrent vers le ciel et tombèrent hors de la frontière, dans la forêt dense. On leur donna le nom de taro. D’autres fragments plus épais tombèrent au sein des forêts, on les appela tubercules. Le riz, c’est-à-dire l’âme du riz, fort irrité, exhorta les fragments à prendre leur essor et s’enfuir vers les forêts et les grottes. Il vint demeurer dans l’étang originel.

 

Il ne revint plus [parmi les hommes] ; le riz prit désormais le nom de Nang  K’o-sop  

 

 

Note : Nous connaissons la version siamoise et la légende de  la déesse du riz, Mae Phosop

 

 

Cette époque, qui vit la disparition du riz, porte le nom de « Temps de la Disparition ». Le riz, fâché, garda rancune aux hommes. Tous les êtres humains moururent de faim. Cette famine sévit durant mille ans.

 

Un jour, le fils d’un richard s’engagea dans une forêt en quête de nourriture. Il s’égara et passa plusieurs nuits en ce lieu. Il parvint enfin au bord d’un ruisseau où vivait une carpe d’or. Touché par le harpon du fils du richard, le poisson s’écria : « Je me meurs ! » L’écho du cri fut entendu du roi des poissons  qui se coiffa d’un chapeau conique en or et vint demander au fils du richard de libérer la carpe d’or.

 

 

En échange, il lui promit de lui donner un trésor : Nang K’o-sop. « Ce bien précieux, dit-il, fait disparaître la fièvre, les furoncles, les maux de ventre et recouvrer la santé. Emportez cette Nang (demoiselle) et plantez-la. Vous pourrez vous en nourrir tant que la religion subsistera ». Touché par ces paroles dignes de foi, le fils du richard retira son harpon de la plaie et demanda

« Demeure-t-elle près d’ici ou là-bas, dans la forêt, dans quelque grotte, dans quelque étang ? » « Elle demeure à côté d’ici, dans une grotte de la forêt »  répartit le roi des poissons.

 

 

Le fils du richard rendit hommage au roi des poissons et lui demanda Nang K’o-sop. Le roi des poissons appela la Nang. Celle-ci s’envola à travers les airs, se posa près du fils du richard et tourna vers lui ses regards. Le fils du richard la serra dans ses bras et l’embrassa :tout son corps en demeura parfumé. Il déclara alors qu’il allait l’emmener, mais elle refusa. Fâchée contre la méchante vieille qui l’avait frappée, elle préférait mourir en ce lieu plutôt que de retourner dans le monde des hommes. Le fils du richard la supplia : « Venez avec moi, je vous en conjure, vous avez conçu du ressentiment, mais faites preuve de patience. Songez à l’avenir plutôt qu’au passé ». Mais il ne parvint point à la convaincre. Deux Devata (créatures célestes)  joignirent alors leurs efforts à ceux du roi des poissons. Ce dernier déclara : « O Nang K’osop, partez ! Ne demeurez point dans l’étang, allez nourrir les hommes de façon que la religion progresse. Vous êtes née avec le Bouddhisme et vous êtes liée à la religion ».

 

L’un des Devata, qui s’était métamorphosé en un Cerf d’or, ajouta d’une voix harmonieuse : « Nang K’osop retournez parmi les hommes ! Ne demeurez point dans la forêt. Entretenez la vie de façon qu’elle puisse être aimée. Maintenant, par suite de votre faute, le Bouddhisme présente une faille ».

 

 

Le second Devata se métamorphosa en un perroquet à la voix harmonieuse :

 

« O Nang K’osop, dit-il, nous avons tous les deux des ailes et nous volons dans les espaces célestes. Ne demeurez point dans la forêt, dans la grotte. Retournez pour soutenir la religion de l’Omniscient qui va naître. Soyez à l’avenir le soutien de la religion à laquelle vous avez manqué dans le passé ! »

 

.

La Nang, comprenant que le Cerf d’or et le Perroquet n’étaient autres que des Devata, répondit alors qu’elle ne ferait nulle opposition et qu’elle retournerait au pays du fils du richard. Celui-ci put donc ainsi l’emmener. Sans les mérites du fils du richard, plus nombreux que ceux des habitants des milliers de villes, tous les hommes seraient morts de faim.

 

Le riz avait gardé la même saveur. Tous les êtres humains s’en nourrirent et firent progresser le Bouddhisme. Le Bouddha Kassapa renaquit alors. Le riz n’eut plus que 3 kam de diamètre et 3 k’eub de long, mais il conserva la même saveur. Quand Bouddha Kassapa fut âgé de 4000 ans, il obtint le Nirvâna et laissa la religion à elle-même durant 6000 ans. Le riz conserva la même saveur. Enfin Gotama,  l’Omniscient, le Vainqueur du Samsâra naquit. Le riz n’eut plus qu’un; kam ½ de diamètre et 1 k’eub de long. Le Bouddha s’en nourrit. Quand il eut atteint 80 ans, il parvint au Nirvâna et laissa la religion prospérer pendant 5000 ans.

 

 

 

1.012 ans exactement après la mort de Gotama, un Monarque tout puissant vint régner sur un royaume de Jambudvipa. N’établissant aucune distinction entre le bien et le mal, il était coléreux et détestait le peuple. Il n’observait  pas les préceptes et ne commettait que des péchés. Les signes fastes disparurent alors, la pluie ne tomba plus, la sécheresse sévit dans tout le pays. Les hommes, le gosier desséché, souffrirent de la famine. Le monarque fit construire de vastes greniers pour engranger le riz prélevé qu’il échangea contre de l’argent, de l’or,

 

 

... des éléphants,

 

 

.... des chevaux,

 

 

...des esclaves.  Nang K’osop, irritée, décida de regagner son ancienne demeure. Elle s’enfuit sur la montagne de la « Pierre de l’Etang de la Tortue » où résidait un ermite qui se livrait à la méditation.

 

 

Le riz s’étant enfui, tous les hommes moururent de faim. Le monarque périt également. Cette famine sévit pendant 320 ans. Un vieil esclave et son épouse à bout de forces, s’engagèrent dans la forêt, la montagne.

 

 

Les Devata les conduisirent à l’ermite. Quand il les vit dans ce triste état, l’ermite leur adressa la parole. Les deux esclaves levèrent les deux mains en demandant à manger. L’ermite médita alors sur la disparition des hommes et de la religion, puis appela Nang K’osop pour la donner aux deux vieillards :

 

« - O couple ! voici un cadeau précieux, déclara l’ermite ; voici un aliment qui entretient la vie et la religion ! Prenez Nang K’osop et plantez-la pour que la vie continue ! »

 

 

 

Nang K’osop, respectueusement protesta :

 

« Je demande à demeurer avec vous ; je ne veux point retourner là-bas car je suis fâchée. Jadis, en effet, une vieille me roua de coups ; par la suite un monarque pervers me troqua contre des éléphants, des chevaux, des esclaves, de l’or, de l’argent. Je demande à m’attacher à vos pas, à demeurer près de vous jusqu’à la vieillesse »

 

L’ermite, songeant à l’avenir du Bouddhisme et craignant qu’il ne disparût, déchiqueta le corps de Nang K’osop ; les fragments se métamorphosèrent en riz noir, en riz blanc, en riz annamite, en riz gluant. N’opposant plus aucune résistance, Nang K’osop retint sa respiration et mourut. Son corps s’enfla, devint une pierre. Etendue, les pieds en l’air, sur le dos, elle demeura là, au sommet de la falaise. Plus tard, quand Bouddha Maitreya naîtra en ce monde, toutes les variétés de riz se réuniront pour former le riz primitif.

 

 

L’ermite qui prévoyait cet événement enjoignit au couple d’emporter le riz, de le planter et de le surveiller avec grand soin. Or le tronc bientôt jaunit, se dessécha. L’ermite se rendit immédiatement compte qu’il avait commis quelque erreur. Il saisit les ailes et la queue et les teignit. Elles devinrent la Mère du riz.

 

L’ermite jeta ensuite le foie et le cœur de la déesse du riz. Ces organes devinrent le cœur du riz que l’on sème avant toutes les autres sortes de riz. Les deux vieux lui donnèrent le nom de Khao h’êk, c’est-à-dire « riz du début ». Avec les vertèbres, les côtes et les tibias de la déesse du riz l’ermite confectionna un poteau, avec les entrailles et l’estomac, un drapeau.

 

Note : C’est ce qui explique que l’autel du génie gardien de la rivière soit souvent surmonté d’un piquet orné d’anneaux en bambou qui symbolisent les entrailles de la déesse. Ces anneaux sont parfois considérés comme des épis de riz qui doivent assurer l’abondance

 

Les nerfs, le sang, les yeux noirs et splendides de Nang K’osop, sa bouche, ses dents, sa tête furent métamorphosés en deux phi ou génies ne possédant qu’un œil unique noir et rond.

 

 

Ces deux phi, nommés « phi à l’oeil unique » ou Phi Ta H’êk, avaient pour fonction d’accroître les forces du Khao h’êk. Ces deux phi n’eurent point besoin de songer à leur subsistance. De l’alcool de jarre,

 

 

... des plateaux de poulets bouillis, des corbeilles de riz gluant, des chiques, des carafes, des étoffes, des bracelets, des bagues leur  furent offerts. Le riz alors verdit et recouvra sa splendeur. Les deux vieillards récitèrent la gatha que leur avait enseignée l’ermite, puis arrosèrent le riz qui proliféra.

 

Note : Une gatha désigne dans le bouddhisme une poésie en vers, un hymne.

 

 

Les deux phi le surveillèrent. Ce riz donna naissance à une multitude prodigieuse de petits grains. Les jeunes épis se multiplièrent. Les deux vieux en donnèrent une mesure au royaume de Naga k’utanaga où le Bouddha avait instauré la religion. Ils en offrirent une mesure à la cité de Jettavana. 134 épis furent réservés au Jambudvipa. Les deux vieux enjoignirent alors à leurs enfants et à leurs petits-enfants de transporter ce riz dans leurs villages, leurs maisons et d’ériger des greniers pour l’abriter. « Que tous ceux qui sont pauvres, ajoutèrent-ils, viennent en chercher. » Certains emportèrent alors le riz dans leurs bras, d’autres le portèrent en bandoulière, d’autres utilisèrent des bœufs, des buffles ,

 

 

... des chevaux pour le transporter.

 

Des gens parlant des langues  diverses : birman, man, chinois, kha, cham ; t’ai, lao, ho, construisirent des charrettes, des chariots pour le transporter.

 

 

Les populations montagnardes tels que les Kha des hauteurs le mirent dans des hottes ou le portèrent sur l’épaule. Ceux qui habitaient à l’embouchure des rivières construisirent des pirogues et se livrèrent au transport jour et nuit. Ce riz ne diminua jamais. En tas nombreux, il s’étala à perte de vue et tous les hommes vécurent heureux respectant la religion. Les deux vieux enseignèrent aux hommes à cultiver les rizières, à pratiquer l’écobuage et, à l’époque de la moisson, pour accroître la vitalité de l’âme du riz, ils leur apprirent la gatha efficace. Ils ordonnèrent à la déesse du riz et aux Phi Ta h’êk de veiller sur le riz jusqu’à l’extinction du Bouddhisme. Quand ils eurent atteint 964 ans, les deux vieux moururent, laissant leur dépouille à la terre.

 

Tous les hommes leur firent des funérailles, versèrent de l’eau sur le sol pour leur transmettre des mérites et les faire parvenir ainsi jusqu’à la cité céleste des grands Brahmas. Grâce aux deux vieux, les hommes vécurent heureux. Après la mort des Pou Neu Na Neu (probablement le vieil esclave et son épouse?), les hommes continuèrent à puiser et à piler le riz, à cultiver raï et rizières

 

 

Je veux pour en terminer souligner que ces rituels appelant la divinité à protégerles récoltes ont été repris - mutatis mutandis - par l’Église catholique qui pendant deux mille ans et peut-être encore aujourd'hui continue à placer ses paysans (et ses fidèles) sous la protection de la divinité non point directement mais par l'intermédiaire de ses saints – souvent locaux- dont l'existence historique est souvent aléatoire tout autant que les vertus dont les fidèles les parent. Les catholiques du Comtat-Venaissin dont je suis continuent à honorer le 16 mai Saint Gens pour éviter la sécheresse d'un été torride à venir.

 

 

J'ai encore entendu lors d'une messe en pays viticole avant les vendanges les fidèles appeler la protection de Saint Vincent, patron des vignerons.

 

 

Aujourd’hui encore, chaque année, la Saint-Vincent tournante est célébrée en
Bourgogne.

 

 

C'était, il est vrai avant l'Eglise conciliaire.

 

Ce n'est qu'un exemple parmi des milliers et curieusement, ce sont en général des saints et non des saintes qui protègent les agriculteurs. La multiplication de ces intermédiaires avec rites et œuvres méritoires conduisit à des excès dénoncés par Luther au XVIe siècle.

 

 

NOTES

 

(1) Voir notre article« A 402- MAE PHOSOP, แม่โพสพ, LA DÉESSE DU RIZ» https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2020/11/a-402-mae-posop-la-deesse-du-riz.html

 

(2) Sur la vie et l’œuvre exceptionnelles de ce grand savant, voir l'article de Yves Goudineau « Charles Archaimbault (1921-2001) » dans le Bulletin de l'école française d’Extrême-Orient, tome 88 de 2001  et celui de Jacques Lemoine « L’œuvre de Charles Archaimbault (1921-2001) » dans Aséanie, numéro  7 de  2001. Ces deux articles sont numérisés sur le site https://www.persee.fr

 

(3) L'ouvrage est disponible pour quelques euros sur plusieurs sites de vente en ligne : AbeBooks,fr – Amazon et Rakuten

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23 juillet 2023 7 23 /07 /juillet /2023 04:01

 

Nous avons rencontré à plusieurs reprises les Jataka, récits canoniques des 547 existences de Bouddha avant sa venue sur terre. Ils sont construits le plus souvent sur le même schéma : à l’occasion d’un prêche, Bouddha est interrogé par un fidèle qui lui soumet une situation ou une difficulté particulière Le maître y réponds en racontant l’une de ses existences antérieure qui donne une réponde à la question. C’est évidemment une magnifique source d’inspiration pour les orateurs à la recherche d’un sujet d’homélie.

 

 

Ils datent des immédiate années ayant suivi la mort du maître, transmis verbalement d’abord puis mis tardivement sur écrit en pâli. Traduits à diverses reprises par plusieurs érudits à la fin du XIXe siècle, ils font l’objet d’une classification traditionnelle de 1 à 547. Les rares ouvrages de traduction, en allemand ou en anglais, ne sont pas inaccessibles, tous numérisés notamment ceux du professeur Cowell, une œuvre collective en six épais volumes en anglais qui a été mise en ligne sur un site animé par de pieux bouddhistes. Elle facilite grandement la tâche.

 

Je  ne connais pas de traduction globale française mais des traductions ponctuelles notamment du Vessantara, le plus connu car le dernier, il fait l’objet d’exégèse théologique sur le sujet de son dernier repas.

 

 

Les contacts entre le monde gréco-romain et le monde bouddhistes ont vu passer certains d’entre eux en occident chez les chrétiens en particulier, ce qui n’a rien que de plausible puisqu’il s’agit toujours de principes incompressibles de la morale universelle. Plus singulièrement, il y a sur l’ensemble 104 jataka animalier, les vie de Bouddha lorsqu’il était animal : Le singe,  cerf, lion, cygne, bécasse,  éléphant, oiseau de basse-cour, aigle doré, cheval, taureau, paon, serpent, iguane, et une seule  poisson,  rat, chacal, corbeau, pic, pourceau, chien, oiseau d'eau, grenouille, lièvre, coq, milan, oiseau des jungles. Cette ménagerie laisse à penser au vu de sérieux indices, que certains Jataka se retrouvent dans les fables d’Ésope et de là dans celles de La Fontaine

 

.

Le  Matcha  Jataka (มัจฉชาดก) porte le numéro 216 dans la nomenclature classique. A l’inverse de la plupart, longs sinon interminables, il est très bref, quelques dizaines de ligne. C’est le Jataka du poisson puisque มัจฉะ signifie « poisson » selon le Dictionnaire de l’Académie royale.

 

 

L’histoire se passe à Jetavana dans les Indes anciennes.

 

 

L’un des disciples du maître, ayant revêtu la robe safran, n’avait pas perdu l’amour qu’il éprouvait pour son épouse. Le maître lui demanda « Est-il vrai, ce que l’on me dit, que tu conserves une passion dans ton cœur ? » - « Oui, Seigneur » - « Qui est-ce ? » - «  Mon épouse, je me souviens comme elle était douce dans son cœur et au toucher » - « Ces pensées te sont néfastes, je ne voudrais pas qu’elles causent ta fin ».

 

 

Le maître raconta alors une histoire du passé.

 

 

Alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisattva était le chapelain du palais. Rappelons, si besoin était que le Bodhisattva (พระโพธิสัตว์) est l’un des états de Bouddha avant qu’il n’ait atteint l’éveil).

 

 

À cette époque, un pêcheur avaient jeté son filet dans la rivière. Un jeune et grand poisson batifolait dans les eaux avec son épouse. Elle évita adroitement les mailles du filet, mais lui, aveuglé par sa passion, se précipita dans les mailles. Le pécheur retira son filet et rejeta ses prises sur la rive. Pendant qu’il préparait le feu sur le sable, savourant à l’avance son repas, le gros poisson se lamentait «  Ce ne sont pas les flammes, ni la torture des braises et de la broche qui me font peur mais la pensée que mon épouse va s’imaginer  que je suis parti avec une autre ». Et il répétait inlassablement « Ni le feu ni la douleur mais la tristesse de penser que mon épouse va croire que je suis parti avec une autre. Le Bodhisattva vint alors sur les rives du fleuve pour prendre un bain accompagné des esclaves du palais. Lorsqu’il entendit les lamentations du poisson dont il comprenait le langage, ainsi d’ailleurs que celui de tous les animaux, il se dit « Ce poisson déplore les conséquences malheureuses de sa passion. S’il meurt dans ce triste  état d’esprit, il ne pourra renaître qu’en enfer, je veux le sauver ». Il aborda alors le pécheur « Peux-tu me fournir un poisson pour mon repas du jour ? » - « Choisissez, Seigneur » - « Celui-ci me suffira » - « Il est à vous, Seigneur, je vous le donne ». Prenant alors le poisson entre ses mains, il lui  dit « Poisson, si je ne t’avais pas rencontré aujourd’hui, tu serais mort. Cesse à l’avenir d’être l’esclave de ta passion ». Et après cette exhortation, il le remit à l’eau et rentra au palais.

 

 

La très parlante bande dessinée est l’œuvre de Phra Phawana Wiyanakhun (พระภาวนาวิริยคุณ) auteur d’un petit livre intitulé Nangsue nithan jataka (หนังสือนิทานชาดก) livre des Jataka. Né le 4 mars 1972, il appartient au Wat Mahathat Yuwaratrangsarit (วัดมหาธาตุยุวราชรังสฤษฎิ์ ราชวรมหาวิหาร) de Bangkok.

 

 

Sources

 

Le texte des Jataka

Les six volumes de Calwell sont numérisés sur le site archives.org

L’accès le plus facile :

http://www.sacred-texts.com/bud/j1/index.htm

http://www.sacred-texts.com/bud/j2/index.htm

http://www.sacred-texts.com/bud/j3/index.htm

http://www.sacred-texts.com/bud/j4/index.htm

http://www.sacred-texts.com/bud/j5/index.htm

http://www.sacred-texts.com/bud/j6/index.htm

Sur les Jatakas

Nos deux articles :

A 276 – « LES JATAKA BOUDDHISTES (ชาดก) ONT-ILS MIGRÉ VERS LE CHRISTIANISME? »

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2018/10/a-276-les-jataka-bouddhistes-ont-ils-migre-vers-le-catholicisme.html

A 287- LES JATAKAS BOUDDHISTES ONT-ILS MIGRÉ VERS LES FABLES D’ÉSOPE ET CELLES DE LA FONTAINE ?

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2018/11/a-287-les-jatakas-bouddhistes-ont-ils-migre-dans-les-fables-d-esope-et-celles-de-la-fontaine.html

Sur les Jatakas animaliers

Nos trois articles

A 439 - LES VIES DE BOUDDHA LORSQU’IL ÉTAIT ANIMAL : SES DIX VIES COMME SINGE.

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/-3

A 440 - LES VIES DE BOUDDHA LORSQU’IL ÉTAIT ANIMAL : SES SEPT VIES COMME LION.

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2021/08/a-440-les-vies-de-bouddha-lorsqu-il-etait-animal-ses-sept-vies-comme-lion.html

A 441 - LES VIES DE BOUDDHA LORSQU’IL ÉTAIT ANIMAL : SES VIES COMME ÉLÉPHANT

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2021/08/a-441-les-vies-de-bouddha-lorsqu-il-etait-animal-ses-vies-comme-elephant.html

Sur Phra Phawana Wiyanakhun

https://sangkhatikan.com/monk_view.php?ID=531

Sur le Jataka du poisson

http://www.kalyanamitra.org/th/chadok_detail.php?page=2

Il est l’auteur d’une cinquantaine de Jataka mis en bande dessiné :

http://www.kalyanamitra.org/th/chadok_list.php

 

 

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25 juin 2023 7 25 /06 /juin /2023 06:11

 

Chalermkiat Mina, professeur de français à la faculté des sciences humaines de Khonkaen et passionné des légendes et histoires locales de son pays, nous livre l’une d’entre elle relative à l’une des représentations de Bouddha parmi les plus vénérées dans le pays. Nous l’extrayons de son petit ouvrage « Mina Raconte ».

 

Nakhon Pathom est une ville du centre de la Thaïlande, chef-lieu de la province de Nakhon Pathom. à environ 60 kilomètres à l'ouest de Bangkok.

Le Wat Phra Pathom Chedi est le plus beau et le plus important temple de la province. Son nom complet est Wat Phra Pathom Chedi Ratchaworamahawihan (วัดพระปฐมเจดีย์ราชวรมหาวิหาร). Au centre de la ville moderne il est remarquable par son Chedi, l’un des plus grands du du haut de ses 120 mètres.  Il abrite trois bouddhas exceptionnels, le premier est le bouddha debout qui fait face à l’entrée nord du monastère, celui qui nous intéresse. Coordonnées GPS: N 13°49’14 E100°3’36

 

 

Laissons la parole à Mina

 

J’ai eu la chance de côtoyer Phra Phatom Chedi (นครปฐมเจดีย์) lorsque j’ai étudié à Silpakorn (มหาวิทลัยศิลปากร). Pqr lq suite je suis retourné visiter ce site plusieurs fois et j’ai vénéré Phra Ruang Rotchanarit, la statue principale située dans le sanctuaire (Viharn – วิหาร) nord du Chedi. Phra Ruang Rotchanarit est une statue en bronze de style sukothai (สุโขทัย), en position d’empêcher le conflit familial. Cette statue est en bronze. Elle mesure 6,10 mètres de haut et pèse 6000 kilogrammes. Voici l’histoire de la statue.

Sous le règne du roi Rama V, le prince héritier Vajiravudh (มหาวชิราวุธราชปูมียบพิคน), en visite officielle au nord, a trouvé la statue dans la ville de SIsatchanalai (เมืองศรีสัชนาลัย). La statue était endommagée. Seuls les mains, la tête et les pieds étaient encore en parfait état.

Sous son règne, le roi Vajiravudh, Rama VI, a fait restaurer la statue par des artistes. La cérémonie de moulage de la statue a eu lieu le 30 décembre 1913. En janvier 1914, le roi Vajiravudh, a fait installer la statue dans le vihan nord de Phra Phatom Chedi et il a donné un nom officiel à la statue :  « Phra Ruang Rotchanarit Siinthrathit Thammophat MahaWachirawut Rapuchaniyabophit » (พระร่วงโรจน์ฤทธิ์ ศรีอินทราทิตย์ธรรโมภาส มหาวชิราวุธราชบูชนิยบพิตร์)

Phraruang Rochanarit  est le symbole  de l’amour et de la préoccupation du roi Vajiravudh. Le roi a mentionné dans son testament que certaines de ses cendres devraient être conservées sous la base de la statue.*Les habitants de Nakhon Patom, et même de tout le royaume, ont l’habitude de se rendre à Phra Pathom Chedi pour y forme des vœux afin que leurs désirs se réalisent. Une fois leurs souhaits réalisés, ils tirent des balles pour le signaler à la statue. Les gens croient que la statue apprécie cela. Mais comme le tir est illégal, ils allument des pétards à la place. Des œufs à la coque de couleur rouge sont une autre offrande classique en ce lieu.

 

 

 

 

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16 octobre 2022 7 16 /10 /octobre /2022 03:31

 

Il y a environ 540 temples bouddhistes homologués pas la hiérarchie dans la province de Yasothon  550.000 habitants. 

Parmi ceux-ci, le guide vert Michelin qui est – culturellement le plus sérieux en signale 4

Notre chedi est signalé comme « monument ancien mêlant le style laotien et du Lan   Na. Il se dresse au milieu des rivières ». Le Guide fait une très rapide légende qui entoure sa construction, nous y reviendrons.

Le Lonely Planet est moins loquace puisqu’il ne signale que deux temples auquel il attribue « un style fort inhabituel datant de la fin de la période d’Ayutthaya ».

Le site de Loris Curtenaz qui s’attache à donner la liste des 1300 plus beaux temples de Thaïlande en a inventorié 12 dans la province dont ce chedi (https://temple-thai.com/yasothon/phrathat-kong-khao-noi/)

 

 

Nous n’avons pas vocation de guide touristique et si nous parlons d’un bâtiment religieux, c’est parce qu’il s’y rattache une légende qui est peut être un événement historique. Tel est le cas de ce saint chedi (reliquaire).

Il n’est pas dans l’enceinte d’un temple mais à environ 2 kilomètres du temple Thungsadao (วัดทุ่งสะเดา) dont il dépend.

 

 

Il est aujourd’hui entouré par une enceinte et diverses constructions religieuses.

 

 

On le trouve dans le village de Ban Thathong (บ้านตาดทอง) dans le sous district de Thatthong (ตำบลตาดทอง), district de Mueang (อําเภอเมือง) dans la province de Yasothon (จังหวัดยโสธร) à environ  9 kilomètres de la ville, au milieu des rizières.

 

 

Il s’agit de l’un des lieux de culte les plus sacrés de la province et les pèlerins y affluent les dimanches et les jours de fête bouddhiste

Naturellement, les abords abritent des échoppes de produits locaux, notamment des objets en osier et évidemment des paniers pour le riz !

 

 

Il ne fait pas partie des attractions touristiques signalées par les panneaux bleus « Tourist attraction » apposés par la TAT (Tourism autority of Thailand). La province elle-même est d’ailleurs  hors tout  circuit touristique

Je n’étais pas à la recherche de ce temple mais de celle de vestiges khmers, ceux du Ku Ban Ngiu (กู่บ้านงิ้ว) dont il ne reste que peu de choses.

 

 

C’est en musardant que mon attentions a été attirée par les panneaux indiquant (en thaï) That kongkhaonoi (ธาตุก่องข้าวน้อย), ce qui signifie le chedi du petit panier de riz  ou  phrathat lukkhamae (พระธาตุธาตุลูกฆ่าแม่) ce qui signifie le saint chedi du fils qui a tué sa mère.

 

 

Ce nom singulier m’a évidemment interpelé. Un monument religieux portant le nom d’un panier de riz et accessoirement de la mort d’une mère, voilà qui est singulier. Voilà qui méritait un détour. Le monument n’a rien de singulier. Il aurait selon les panneaux explicatifs environ 200 ans. D’autres sites thaïs le font remonter à la période Dvaravati ce qui lui donnerait quelques siècles de plus ?

C’est la légende (ตำนาน) qui s’y attache qui explique son caractère sacré et sa situation au milieu des rizières. Elle est sommairement rappelée sur un panneau à l’entrée de l’enceinte.

 

 

Je l’ai trouvée plus détaillées sur de nombreux sites thaïs

À cette époque au village de Ban Thathong, tous les habitants étaient des riziculteurs et cultivaient. Tous les matins, les hommes partaient aux champs pour labourer, planter, cultiver et cueillir. Cela pouvait prendre des heures. D’autres, femmes et vieillards, restaient à la mais, surveiller les enfants et préparer à manger pour ceux qui étaient dans les champs. Dans une famille, il ne restait que la mère, veuve, et son fils qui avait dix-sept ans et se rendait tous les jours aux champs laissant sa mère lui préparer sa nourriture. Un matin, il partit très tôt avec son buffle d'eau pour labourer.

Après avoir travaillé de longues heures sous un soleil de plomb, il alla se reposer à  l‘ombre d’un arbre. Il attendait que sa mère lui apporte son repas mais elle tardait. Il se remit donc au travail fort en colère contre sa mère. Lorsqu’elle arriva avec le panier de riz, il pensa qu’il était trop petit. Furieux, il prit le joug du buffle et courut vers sa mère et la frappa sur la tête.

 

Puis il prit le panier de riz gluant qu'elle avait apporté et alla le manger à l’ombre de l’arbre. Pendant ce temps, sa mère était mourante. Elle lui dit : « Pardonne-moi, fils pour mon retard. Je suis désolé d'être en retard. Je pensais que ce panier te suffirait ». Le fils se mit à manger et s’aperçut après s’être rassasié qu’il encore beaucoup de riz dans le panier. Il chercha sa mère et la vit allongée sur le sol. Elle était morte ! Il réalisa ce qu'il avait fait, s'assit et pleura. Ne sachant que faire, il alla voir l’abbé du temple. Celui-ci lui dit « tu t’es mal conduit et tu dois construire un chedi à l’endroit ou u as tué ta mère. Tuer son père ou sa propre mère est un péché grave qui vaut l’enfer. Il n'y a qu'une seule façon d'alléger ton péché,  c’est de construire un chedi pour y enterre les cendres de ta mère. Ainsi fit-il.

 

 

Cette légende est-elle la trace d’une vieille histoire ? Pourquoi pas ?

Le département des beaux-arts a enregistré le site du chedi comme important monument national en 1936. Les brochures illustrées rapportant cette triste histoire sont multiples et d’ailleurs vendues sur place.

 

 

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9 octobre 2022 7 09 /10 /octobre /2022 03:02

 

 

Le gong (ฆ้อง) a une longue histoire dans tous les pays d'Asie : Ils permettaient aux humains de mettre en liaison avec  les dieux qui peuplaient les trois mondes (สวรรค์-มนุษย์-บาดาล) pour rappeler à tous de venir écouter l’enseignement de Dharma.

 

 

Il est le langage sacré qui permet aux humains de communiquer avec les mondes des dieux. Cette fonction d’instrument de dialogue entre l’homme et les dieux bien antérieur au bouddhisme apparaît nettement dans des zones tribales, par exemple de nombreux articles dans la renue Excursions et reconnaissance (1880-1881-1883-1884-1885-1886-1887-1890)  ou les jungles moïs  et  les régions du sud-indochinois  de Henri Maître en 1909 dans le cadre de la mission Pavie.

 

 

Ils existent dans toute l’Asie depuis des temps immémoriaux, bien avant le début de notre ère

Le Dictionnaire de l’Académie royale en distingue plusieurs sortes, chacun ayant une utilisation spécifique, le gongkratae (ฆ้องกระแต), le gongkhu (ฆ้องคู่), petit gong double,

 

 

 

le gongmong (ฆ้องโหม่ง),

 

 

le gongmeng (ฆ้องเหม่ง),

 

 

le gongchaï (ฆ้องชัย) ou le gongwong (ฆ้องวง)  ces deux derniers à usage musical. Ils sont en effet inséparable des orchestres de musique traditionnelle.

 

 

Les gongs de guerre étaient utilisés par le roi Naresuan le grand (พระนเรศวรมหาราช) à la fois pour transmettre les consignes dans le fracas de la bataille selon un code précis (assaut…retraite). Il le considérait comme gong de bon augure (ฆ้องมงคล)

 

Différentes notes des tambours de guerre de Cochinchine relevée par E. Navelle, adinsirtateur des affaires indigènes in Excursions de reconnaissance de janvier 1887.

 

Objet de décoration il décore la cellule des moines et l’intérieur des habitations des plus aisés sans utilisation particulière.

 

 

Ils deviennent alors l’un de ces signes extérieurs de richesse dont les Thaïs sont friands. Les gongs traditionnels sont coûteux, nous verrons que leur fabrication est longue et difficile.

En temps normal, le gong rythme la vie villageoise et nous le trouvons encore présent lors des cérémonies ou des événements de la vie des habitants. Le son de celui qu’on entend encore lors des cérémonies funéraires rappelle étrangement le glas.

 

Il n’a échappé à aucun des visiteurs ou explorateurs. Je ne cite que « Description du royaume thaï ou Siam » de Monseigneur Pallegoix, de 1854  - ou encore  « Voyage dans le Laos » d’Etienne Aymonier en 1897  et du même « Voyages au Laos et chez les sauvages du sud-est de l’indochine » en 1900 et « Le Cambodge – les provinces siamoises » en 1901.

Plus récent « Village life in modern Thailand » de John De Young  publié en 1963.

Nous le retrouvons dans les cérémonies officielles par exemple « Siamese state ceremonies » de H.G. Quaritch  Wals publié à Londres en 1931.  C'est un gong qui donne la cadence aux rameurs des barges royales.

 

 

Dans les temples, ils avaient autrefois une utilité devenus sans objet : Dans le passé, quand le pays était pauvre et qu’il n’existait d’horloges qu’à l’intérieur des temples, le son du gong ou parfois de la cloche marquait la journée pour les habitants du village, leur rappelant notamment d’avoir à préparer le repas des moines que ceux-ci allaient  bientôt mendier. On trouve pratiquement dans tous les temples, une Ho Rakang  (หอระฆัง « la tour de la cloche ») qui abrite sur deux étages à la fois la cloche et un gong ou un tambour. Ils sont destinés à rappeler aux fidèles les heures de la prière. Le tambour ou le gong donnent le son grave thoum (ทุ่ม) et les cloches le son aigu ti. (ตี). « Ti » sonne les heures de la prière du matin et « Thoum » celle de la soirée. 

 

 

Nos villages du nord-est n’abritent en général quelques centaines d’habitants seulement, le son de la cloche ou du gong peut être entendu de tous. Le martèlement des gongs ou le son des cloches s'est progressivement estompé, mais ils peuvent encore être entendus dans de nombreux temples. De même les horloges des clochers de nos églises avaient une utilité similaire et les cloches sonnaient l'angelus à 7 heures, midi et 19 heures.

 

 

LA FABRICATION

 

Ils sont traditionnellement en bronze, avec parfois des additions d’or ou d’argent qui rendraient un son plus pur et plus clair. Ils sont suspendus verticalement ou placés à l’horizontale pour les gongs musicaux. La taille des gongs est très variable, depuis ceux qui font moins de 15 cm de diamètre et sont tenus à la main, jusqu’à ceux qui font plusieurs mètres sans parler des géants tel celui du sous district de Khongchai (ฆ้องชัยมหามงคล) dans le district de Kamalasai et la province de Kalasin (ตำบลฆ้องชัย – อำเภอกมลาไสย – จังหวัดกาฬสินธุ์) qui fait près de 20 mètres de diamètre.

 

 

On frappe le gong avec une mailloche.(ค้อนตีฆ้อง)

 

 

L’art de faire des gongs était entouré d’un grand secret. Faire des gongs exigeait une grande habileté et seules certaines familles se spécialisaient dans leur fabrication. Souvent, les premiers fabricants de gongs jeûnaient et priaient avant de se mettre au travail.

Le procédé traditionnel de fabrication qui n’a guère changé consiste à chauffer au rouge, couler, marteler, aplanir, accorder et polir. On commence par fondre le cuivre, métal de base, puis on lui ajoute les autres métaux et on les mélange. Le métal en fusion est alors versé dans des moules de cire ou d’argile, et on lui donne forme par un martelage constant à mesure qu’il se refroidit. Pour un grand gong, le processus de chauffage et le martelage peut être répété une bonne centaine de fois.

 

 

Quand il a sa forme définitive, le gong est plongé dans l’eau froide pour garder au métal sa plasticité tandis qu’on l’accorde. C’est quand il est complètement refroidi que le forgeron commence un travail d’accordeur de précision en martelant les points de percussion à l’intérieur et à l’extérieur. Le son est testé avant re-martelage final. Pour les gongs de qualité supérieure, trois séries distinctes d’accordage peuvent être nécessaires pour obtenir le son voulu. L’instrument est en effet accordé sur une note définie et stable. Souvent la sonorité s’améliore en en vieillissant sur 20 ou 30 années. Pour finir, on procède au polissage et à la décoration du gong. Chaque gong devient une œuvre de création individuelle.

 

 

La fabrication de la mailloche pour frapper le gong est également délicate, choix du bois pour le manche, caoutchouc pour l’extrémité qui doit frapper et entourage d’un tissus finement tricoté au moins pour ceux qui se trouvent en intérieur.

 

 

Les prix varient en fonction du métal utilisé (bronze ou acier) et la finesse de la décoration, de quelques milliers de bahts à quelques dizaines de milliers, par exemple pour un diamètre de 3,50 mètres, le prix est de 70.000 à 80.000 bahts et, pour un gong, de 80 centimètres de diamètre, s'il est en acier, le prix est de 5.000 bahts, mais s'il est en  bronze, le prix est de 9.000 bahts. Tous ne sont pas décorés ce qui en diminue évidemment le prix.  Ceux qui sont en acier sont élaborés à partir de plaques d'accird qui sont cisaillées avant mise en forme et non fondues

 

Actuellement les beaux grands gongs se font de plus en plus rares; par   le fait que les forgerons qui connaissent le secret de leur fabrication tendent à disparaître. Quelques villages conservent les traditions

 

 

...essentiellement dans la  province  d'Ubon Ratchathani (จังหวัดอุบลราชธานี) en particulier Ban Sai Mun, sous-district de Sai Mun, district de Phibun Mangsahan (บ้านทรายมูล-  ตำบลทรายมูล – อำเภอพิบูลมังสาหาร).

 

 

L’UTILISATION RELIGIEUSE

 

Offrir un gong au temple

 

Un bon bouddhiste doit s’efforcer d’acquérir des mérites non pas pour gagner son paradis mais pour renaître dans une vie meilleure après sa mort. Pour acquérir des mérites, il faut accomplir de bonnes actions, il y a de multiples façons pour cela, par exemple donner de la nourriture aux moines lorsqu’ils viennent la chercher dans le village au petit jour

 

 

...ou encore apposer une mince feuille sur une statue de Bouddha.

 

 

Offrir un gong au temple de son village génère un large profit de mérites. Ainsi par exemple le temple du  village de Kutdon (กุดโดน) voisin du mien, le temple Uthai  (วัดอุทัยกุดโดน),

 

 

lieu de pèlerinage très fréquenté en raison de son Chedi (พระมหาเขดีย์ศรีรัชมงคลธรรม) abritant de précieuses reliques de Bouddha,

 

...a inauguré le 3 novembre 2018 le don de trois gongs.

 

 

Le plus grand qui mesure 5 mètres de diamètre et plus d’un demi-centimètre d’épaisseur doit peser approximativement selon qu’il est en acier ou en bronze plus d’une tonne. Sa photographie est en tête de cet article. Un bouddhiste n’a pas à cacher les bonnes actions qu’il accomplit, bien au contraire. Les deux plus petits qui sont jumeaux mentionnent le nom des 5 donateurs.

 

 

Le plus grand porte au verso celui de 18 donateurs, probablement les principaux et ensuite « tous les membres des familles du  district ». Le district compte 13 petits villages et abrite aux environs de 3000 habitants.

 

 

Frapper le gong

 

Lorsqu’il y a un ou plusieurs gongs dans l’enceinte du temple, il y a toujours la mailloche pour frapper. Ce n’est pas un  jeu,  c’est un moyen de prier en faisant un vœu et en l’envoyant vers les cieux.

 

 

C’est l’expression  de la foi du charbonnier qui n’est pas moins robuste que celle du théologien. C’est une forme bouddhiste de l’oraison jaculatoire qui se suffit de la pensée et de l’élan du cœur. Elle vaut de gagner des mérites.

 

 

 

Les gongs des zones tribales du Vietnam ont été inscrits par l’UNESCO au patrimoine mondial immatériel de l’humanité en 2008 pour des motifs que nous retrouvons en Thailande tout comme en Birmanie, au Laos et au Cambodge.

Étroitement liés à la vie quotidienne et au cycle des saisons, leurs systèmes de croyances composent un monde mystique où le jeu du gong constitue un langage privilégié entre les hommes, les divinités et le monde surnaturel. Derrière chaque gong se cache un dieu ou une déesse d’autant plus puissant que le gong est ancien. Toute famille possède au moins un gong qui témoigne de sa fortune, de son autorité et de son prestige, tout en lui assurant protection. Si différents cuivres sont utilisés lors de certaines cérémonies, seul le gong est présent dans tous les rituels de la vie de la communauté et constitue le principal instrument cérémoniel.

Les mutations économiques et sociales ont bouleversé le mode de vie traditionnel de ces communautés et ne fournissent plus le contexte originel de la culture des gongs. La transmission de ce mode de vie, des connaissances et savoir-faire a été particulièrement perturbée pendant les décennies de guerre du siècle dernier. Aujourd’hui, le phénomène est aggravé par la disparition des vieux artisans et l’intérêt croissant des jeunes pour la culture occidentale. Privés de leur signification sacrée, les gongs sont parfois vendus comme matériau recyclable ou échangés contre d’autres produits.

 

 

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11 septembre 2022 7 11 /09 /septembre /2022 03:13

 

La chapelle du lotus au milieu de l’eau (อุโบสถดอกบัวกลางน้ำ) est située dans l’enceinte du temple Wat Santi Wanaram (วัดสันติวนาราม) dans le district de Nong Han (อำเภอหนองหาน) dans la province d’Udonthani (จังหวัดอุดรธานี) non loin du site de Ban Chiang (บ้านเชียง) inscrit au patrimoine mondial de l’humanité.

 

 

Elle présente la caractéristique étonnante d’être la seule chapelle en forme de lotus blanc de tout le pays. Elle se situe au milieu d’un lac que les riverains appellent le lac vert de l’Isan (หนองน้ำอีสานเขียว). Située sur un ilot relié par un pont à la terre ferme, elle mesure 19 mètres de diamètre et 19 de hauteur. Elle se compose de 24 pétales de lotus et de deux Nagas à l’entrée du pont. Les proportions sont d’une harmonie merveilleuse. Elle est en marbre  blanc  en position de méditation.

 

 

L’intérieur comporte des fresques narrant la vie de Bouddha.

 

 

Le lac est peuplé de poissons sacrés que l’on peut nourrir pour gagner des mérites. Les alentours sont un nid de verdure. Le lotus et sa fleur sont est inséparables du bouddhisme.

 

 

Dans tous les temples nous voyons ses fleurs blanches ou colorées faisant partie des offrandes avec les bougies et les bâtonnets d’encens.

 

 

Ce qui est remarquable est que – architectes, entrepreneurs et décorateurs – restent anonymes tout comme les constructeurs de nos cathédrales dont on connait parfois mais rarement le nom du maître d’œuvre mais jamais ceux des artisans qui ont contribué à sa construction.

 

 

 

Son histoire vaut d’être contée. Il y a beaucoup plus de dix ans, vénérable Phrakhru Phisanthamphani (พระครูพิศาลธรรมภาณี) alors abbé du temple et le vénérable Phraachan Mahabang khamaonantho (พระอาจารย์มหาบางเขมานันโท) conduisirent un groupe de pèlerins aux Indes, à Dehli la capitale et y visitèrent le temple du lotus (วัดดอกบัว) de la religion Bahaï (ศาสนาบาร์ไฮ).

 

 

Sans entrer dans le détail, ce mouvement (secte ou religion ?) est venu de la Perse mahométane est l’un de ces multiples mouvements syncrétistes pour lesquels Bouddha, le Christ, Mahomet ne furent que les prophètes d’une religion universelle. Phraachan Mahabang expliqua que les sectateurs avaient utilisé un symbole essentiellement bouddhiste pour attirer les bouddhistes à eux et qu’il fallait rendre aux bouddhistes ce qui appartient aux bouddhistes.

 

 

Ce temple consacré au Dieu Un, à l’Unité de la Religion et de l’Humanité un galimatias propre au syncrétisme. Ils constatèrent que si l’architecture extérieure présentait une certaine beauté, il n’en était pas de même de l’intérieur, structure de béton brut ne comportant aucune décoration.

 

 

Ils décidèrent alors de construire une chapelle de même inspiration mais dont l’intérieur serait décoré de scène représentant la vie de bouddha et ayant des ouvertures aux huit points cardinaux.

Le Temple du Lotus de Delhi, ouvert en 1986 reçoit en moyenne quatre millions de visiteurs par an. Ce n’est nullement un lieu de prière mais un monument partiellement au moins à la gloire de l’architecte iranien Fariborz Sahba. C’est aussi un haut lieu du commerce touristique.

 

 

A l’inverse, la chapelle de Nong Han doit rester un lieu sacré pour la pratique du Dharma pour les laïcs, les novices et les moines au milieu de la forêt, des animaux et des plantes. Il s’y organise des séances d’initiation à la méditation mais limitées en fréquence et en nombre. Si les visiteurs non bouddhistes ne sont pas mal accueillis, rien n’est fait pour les y attirer.

 

 

Précisions que cette construction de par son originalité dut nécessiter les démarches obligatoires qui sont lourdes en la matière : Les autorisations de la hiérarchie bouddhiste provinciale, celle du gouverneur de la province, du directeur de l'Office national du bouddhisme qui doit rendre compte au premier ministre et la Sangha. Ces contraintes évitent aux lieux de culte le spectacle affligeant de certaines églises chrétiennes qui ruinent un paysage.

 

 

Il en est d’ailleurs de même avec la normalisation des 66 représentations rituelles de Bouddha. On frémit en pensant ce que ça aurait pu donner si Picasso s’était attaqué à lui.

 

 

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28 août 2022 7 28 /08 /août /2022 06:17

 

J’ai la semaine dernière parlé de la présence des eunuques dans le Siam ancien. Ils furent peut-être présents avant le règne du roi Naraï, sous l’influence probable des Perses et des Chinois, omni présents à Ayutthaya sous le règne de Naraï et à la cour de sa fille Yothathep et disparurent par la suite. Il ne fallait pas les confondre – disais-je – avec les travestis qui, eux, ne manquaient pas. Il faut encore savoir ce que parler veut dire, le terme « travesti » n’a aucune connotation sexuelle, c’est tout simplement l’acte d’une personne qui se déguise pour quelque raison que ce soit. Le terme de kathoei (กะเทย) qui leur est consacré est traduit par Monseigneur Pallegoix dans son premier dictionnaire thaï-français-latin-anglais de 1854 par le terme hermaphrodite qui me paraît parfaitement adapté à ce que sont ces « garçons-filles ». Le vocabulaire a d’autres mots pour ces déviances sexuelles. Le terme de bando (ou บันเฑาะก์) est plus parlant puisqu’il s’agit du tambour des brahmanes sur lequel on tambourine des deux côtés.

 

Constatons que les déviances masculines portent le nom de « lensawat » (เล่นสวาท) pour les hommes, « jouer à se faire plaisir » et « lenphuean » (เล่นเพื่อน) pour les femmes « jouer entre amies ». La seule utilisation du préfixe « len » (jouer) démontre que tous les termes n’ont aucun caractère négatif, un jeu n’est pas une déviance !

 

 

Mais nous sommes en pays bouddhiste theravada. Le bouddhisme ne s’intéresse pas à la sexualité en tant que telle mais bien seulement comme à un aspect du désir, il n'y a donc pas de discours bouddhiste particulier sur la sexualité : seul importerait le fait de ne faire souffrir ni soi-même ni autrui.

La réalité est beaucoup plus nuancée en ce qui concerne par contre le clergé. La casuistique des bouddhistes vaut bien celle des jésuites. Je ne vais pas vous faire un cours de droit canonique bouddhiste, je n’en ai ni l’envie ni les compétences mais j’ai découverte avec amusement une distinction entre ces diverses déviances et leur incidence sur la possibilité de porter la robe safran :

 

Asittabando (อาสิตตบัณเฑาะก์ข) est un homme qui lèche les organes génitaux d’un autre homme. Il n’a pas accès à la prêtrise à moins de renoncer à ses goûts.

 

Usuiyabando (อุสุยยบัณเฑาะก์) est un homme qui aime regarder les activités sexuelles entre hommes et hommes. Il n’a pas non plus accès à la prêtrise à moins de renoncer à ses goûts.

 

Opakkamiyabando (โอปักกมิยบัณเฑาะก์) est un eunuque 1ui ne peut pas recevoir la robe. Restons-en là même s’il y a d’autres distinctions subtiles.

 

De nombreuses décorations dans les temples illustrent ces comportements depuis les époques les plus anciennes mais il n’est pas facile de deviner s’il s’agit d’eunuques, d’homosexuels ou d’hermaphrodites, avouons-le. Les hommes et les femmes ne sont vétus qu'à parrtir de la ceinture d'habillements similaires et les siamoises n'ont pas la réputation n'ont pas des mamelles de vaches à lait

 

 

Nous avons trace de quelques événements historiques significatifs.

 

En l'an 1634, un ancien directeur du comptoir hollandais à Ayutthaya Joosts Schouten fut condamné à mort par le gouvernement néerlandais de Batavia. Il plaida coupable et affirma avoir été initié à ces comportement par des habitants d'Ayutthaya. Dénoncé par un hallebardier français qu’il poursuivit de ses assiduités, il avoua son crime, bien qu’il ait toujours eu, dit-il, « le rôle passif », adepte de la sodomie passive » comme aurait dit le Marquis de Sade ce qui laisse à penser qu’il avait volontiers à faire avec des hermaphrodites. Condamné à être brûlé vif, ses juges, compte tenu des grands services rendus à la Compagnie lui accordèrent la grâce insigne d’être étranglé avant d’être grillé. Trois de  ses complices furent condamnés à être enfermé dans des sacs et jetés dans les flots. La société calviniste néerlandaise n’était pas réputée pour son goût de la gaudriole et l’intolérance y était totale. La république de Calvin à Genève fut éclairée par des dizaines de bûchers (1).


 

 

Sous le premier règne de la dynastie présente, l’histoire a retenu le nom du prince Krom Luang Raksanaresorn (กรมหลวงรักษรณเรศร) qui eut des liens avec des acteurs du théâtre royal, probablement comme Joost Schouten, adepte de la sodomie passive ? Il fut déchu de son titre de Krom Luang, rebaptisé du titre inférieur de « mom kraison » (หม่อม ไกรสร), un titre réservé aux femmes de sang royal ce qui indique ses préférences. Il fut condamné à mouroir sous les coups du bâton de santal au Wat Pathumkhongkha (วัดปทุมคงคา) mercredi, le troisième mois lunaire, l'année du singe, le 13 décembre 1848 à 56 ans. Il fut le dernier membre de la dernière famille royale à avoir été exécuté de cette manière. Ce ne sont pas ses déviances sexuelles qui furent à l’origine de sa mort et il est loin de mériter le titre de martyr de la cause pédérastique ! Il semble qu’ait pesé sur lui une double accusation de corruption et de complot concocté avec l’aide de ses gitons pour conquérir le trône ?

 

 

Dans la Chronique de Rattanakosin, deuxième règne (พระราชพงศาวดารกรุงรัตนโกสินทร์ ร.2- référence est faite à un moine du Wat Mahathat qui eut un comportement déplacé avec un jeune novice dont il caressait les organes génitaux. Il fut défroqué et chassé du temple.
 

 

 

Passèrent les années. Faut-il voir dans le code pénal de l’année Rathanakosin 127 (1908) une répression pénale de l’homosexualité ? C’est aller un peu vite en besogne et plus encore. N’oublions pas que ce code fut l’œuvre de juristes français. Ce sont les articles 240 et suivants qui sont les bons essentiellement le 242. 

 

Je donne la version française de Georges Padoux qui en fut le rédacteur principal :

 

 

Encore faudrait-il savoir si ce texte effectivement répressif a entraîné des condamnations sur le terrain ? Ce me semble peu probable compte tenu de la montée sur le trône de son fils Rama VI en 1910. Aucun exemple n'en est jamais cité en tous cas.

 

Ce texte suscite deux réflexions :

 

Il réprime la bestialité ce qui est singulier même à cette époque.

 

Les peines sont en définitive légères, nous sommes loin de la peine de mort ! On peut penser sans trop de risque d’erreurs qu’avant la promulgation de ce code, et pour autant que les sodomites, les tribades et les travestis aient été sanctionnés, les tribunaux infligeaient la bastonnade sur le dos avec un rotin. Il en est d’ailleurs toujours ainsi en Malaisie voisine.

 

Voilà bien un domaine où les occidentaux n’ont pas de leçons à donner puisque par exemple l’homosexualité est restée jusqu’en 1967 un délit en Grande Bretagne.

 

Rama VI a été élevé en Angleterre, pays où, derrière l’hypocrisie victorienne, l’homosexualité semble avoir été élevée au rang d’une institution dans la haute société. Il a en la matière les idées plus larges que son père. Dans son journal « Dusit samit » (หนังสือพิมพ์ ดุสิตสมิต) on lui prête la paternité d’un article intitulé « Kathoei » (กะเทย) ou il écrit « Pourquoi les bisexuels en savent-ils autant sur les maris et les femmes ? » (หนังสือพิมพ์ ดุสิตสมิต), tout un programme ! Ceci dit, même s’il est indulgent à leur égard, il ne semble pas que le monarque n’ait jamais appartenu à la « confrérie » même si elle le revendique.

 

 

Quoiqu’il en soit, le code de 1908 est resté en application jusqu'au 13 novembre 1956 même s'il ne fut probablement jamais appliqué, devenu obsolète tout autant que les dispositions celles qui interdisent la prostitution.

 

En définitive, la morale bouddhiste n'a rien à voir avec la notre, imprégnée de judéo-chistianisme et, en dehors du clergé, l'existence des travestis n'a guère posé de difficultés dans la société.

 

 


 

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