Entre les deux guerres (1918-1940)
« Le Siam et la France intensifient leurs relations : aux liens politiques et diplomatiques classiques, s’ajoutent la coopération militaire (le futur Roi Rama VII fut condisciple du Général de Gaulle à l’Ecole de guerre) et des relations culturelles étroites, dont témoigne le séjour à Paris de nombreux étudiants siamois. Certains d’entre eux, comme Pridi Banomyang, joueront ensuite un rôle très important dans le développement de la Thaïlande moderne.» (site officiel de l’Ambassade de France)
Effectivement, Pridi Banomyang et Phibun Songkhram furent les principaux acteurs du « coup d’état pacifique » qui allaient mettre fin en 1932 à la monarchie absolue. Et Phibun déclarera la guerre à la France en 1940. La « modernité » prend parfois des formes extrêmes. Ils fondent, à Paris, en février 1927, un nouveau Parti « révolutionnaire ».
Il faut se rappeler que les élites colonisées ont suivi avec espoir et ont été déçues par les négociations du Traité de Versailles qui visaient à remodeler le monde sur de nouveaux principes et à revoir « la question coloniale ». La Révolution russe d’octobre 1917, la création du premier pays communiste et le léninisme ont constitué un pouvoir d’attraction parmi les nationalistes asiatiques, donné un cadre de pensée et un projet de modernisation et de libération nationale. Certains (on pense à Ho Chi Minh) rejoignirent des filières « révolutionnaires » soutenues par le Komintern. D’autres, comme les Siamois, vont créer le Ratsadon Khana.
Le Ratsadon Khana
En effet, le 17 février 1927, dans un hôtel parisien, sept étudiants siamois (le Lt Prayoon Pamornmontrise, le Lt Plaek Khittasangkla (alias Phibul), étudiant de l’Ecole de l Artillerie de Paris, le Lt Thatsanai Mitphakdi, étudiant à l’ Académie de Cavalerie française, Tua Lophanukrom, étudie les sciences en Suisse, Luang Siriratchamaitri, diplomate à l’ Ambassade du Siam à Paris, Nauep Phahonyotin , étudie en Angleterre, Pridi Panomyong, étudiant en droit à l’ Institut Politiques de Paris) fondent, en cinq jours, ce qui va devenir le Ratsadon Khana.
Le groupe « révolutionnaire » se donne 6 objectifs (Le pouvoir au Peuple, la sécurité nationale, le bien-être pour tous, l’égalité, des droits de liberté pour le peuple, et l’enseignement public pour tous), et se dit prêt, si nécessaire, à renverser le gouvernement et le système de la Monarchie absolue.
De retour au Siam, une centaine de nouveaux adhérents les rejoignent. Ils viennent de l’Armée, de la Marine, des fonctionnaires, et de la société civile, et s’organisent en quatre branches (civile dirigée par Pridi, Armée dirigée par Luang Phanomyong, Marine dirigée par Luang Sinthisongkhamchai et officiers supérieurs par le colonel Phahonyothin ). Ils réussiront leur coup d’Etat en 1932 et mettront fin à la Monarchie absolue. Le Parti se divisera en de nombreuses factions tant les intérêts, les convictions politiques étaient divergentes. Finalement s’affronteront le chef des « civils » Pridi et le chef des « militaires »le futur Maréchal Phibun. Six premiers ministres sortiront néanmoins de ses rangs et les principaux leaders domineront la vie politique thaïlandaise pendant deux décennies.
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Nous avons vu que le roi Varjiravudh (Rama VI), en déclarant la guerre à l’Allemagne le 22 juillet 1917 avait bénéficié du droit des vainqueurs. Le traité de Versailles du 28 juin 1919 lui avait donné le droit de confisquer tous les avoirs allemands au Siam, de renégocier et d’obtenir l’abrogation du droit d’exterritorialité par les super puissances franco-anglo-américaines. Le Siam devenait membre fondateur de la Société des Nations en 1920.
Rama VI meurt en 1925. Le Prince Prajadhipok Sakdidej (Rama VII) est couronné le 26 novembre 1925 à l’âge de 32 ans. (8 novembre 1893 - 30 mai 1941).
Il est le dernier fils du roi Chulalongkorn (Rama V) et de la Reine Sri Patcharindra. Ce prince timide opta pour une carrière militaire. Il fut instruit à l'Université d'Eton et à l'académie militaire de Woolwich en Angleterre, et plus tard à l’École Supérieure de Guerre en France (condisciple du Général de Gaulle à l’Ecole de guerre). Quand il revient au Siam en 1924, il ne peut se douter qu’il sera le dernier roi absolu et le premier de la monarchie constitutionnelle de Thaïlande.
A peine couronné, il peut avoir le sentiment, que le traité d’amitié de commerce et de navigation du 12 janvier 1926 signé avec la France inaugure des relations pacifiques avec les grandes puissances
La crise économique
Le Siam, bien que sorti « vainqueur « de la 1ère guerre mondiale, va rencontrer assez rapidement la récession économique, car dès1920 le revenu national est inférieur aux dépenses. Rama VII va tenter de mener une politique économique courageuse, bien que mal vue parmi la bureaucratie et l’Armée, qui vise à réduire les dépenses publiques. Il exprime lui-même sa compassion pour les victimes tout en déclarant qu’il « n’a pas d’autres alternatives » En 1928 , il promeut les coopératives d’agriculteurs , conscient qu’elles peuvent atténuer le choc économique, une loi sur les terres , continue le programme de routes , de chemins de fer…
Mais la crise de 1929 frappe de plein fouet le royaume, entraînant l'effondrement des prix du riz. Ce contexte favorise l'opposition libérale, menée par des étudiants formés à Paris
Son règne devint impopulaire. De plus, le Siam décide de ne pas abandonner l'étalon-or en 1931, ce qui entraîne la baisse de compétitivité de ses exportations qui se traduisent par des restrictions budgétaires dans la fonction publique et l'armée.
Il pense alors que la modernisation de son pays, poussé par l’aile libérale doit passer par une profonde réforme politique. Il tente de promulguer une nouvelle constitution en avril 1932.
Pridi, avait reçu une bourse du gouvernement pour étudier le droit et l'économie politique à la Sorbonne, et est retourné au Siam en 1927 pour travailler au ministère de la Justice. Il fut ministre de l’ Intérieur (1935), des Affaires étrangères (1935-1937), des Finances (1938), 1er ministre (1946).
Phahonyothin (Phraya Phahon), après avoir étudié à l’Académie militaire royale de Chulachomkla , reçoit une bourse royale et va étudier en 1903 à l’ Académie militaire prussienne de Lichterfelde près de Berlin, où il aurait été condisciple de Hermann Goering. Il part ensuite étudier dans une école d’ingénieur au Danemark. Faute de ressources , il retourne au Siam en 1912. En 1931, il est élevé au rang de Phraya Phahon et devient colonel .En 1932, il devient inspecteur de l’Armée Royale du Siam. Il est le leader du contre-coup d’Etat de 1933 et sera le second 1er ministre de 1933 à 1938.
Le nouveau régime installa une dictature de Parti, estimant que les Thaïs n’avaient pas un niveau suffisant et devaient passer par une période d’essai d’apprentissage de la démocratie.
Le 10 décembre 1932, le roi signa une Constitution de type parlementaire qui promettait le suffrage universel et des élections générales tous les quatre ans. Phraya Manopakorn fut nommé Premier ministre (il était le 1er président du Comité du peuple, émanation du Parti du Peuple .
Le contre-coup d'état du 20 juin 1933
En Mars 1933, une crise constitutionnelle est créée par le projet de Plan d'action économique de Pridi, qui contenait de nombreux éléments « révolutionnaires ». Il organise un Etat providence, nationalise les terres agricoles, distribue les terres aux ruraux pauvres, intervient dans le secteur privé et l’organisation du travail…Le Roi lui- même juge ce plan de « communiste » .
Le 1er ministre Phraya Mano n’approuve pas ce Plan et le 1 avril 1933, ordonne la dissolution de l'Assemblée Nationale et suspend certains articles de la constitution, promeut des décrets d’urgence (tel que la loi « anticommuniste »). Pridi est contraint à l’exil. De nombreux membres du Parti du Peuple se regroupent alors sous la direction du colonel Phraya Pahol.
Le 15 Juin, Phraya Phahol démissionne du Cabinet en invoquant des «raisons de santé». Le 20 juin 1933, il organise et réussit un contre coup d’Etat, rétablit l’Assemblée Nationale, se nomme 1er ministre.
Rébellion royaliste du Prince Boworadet d’octobre 1933
En réaction contre le nouveau coup d’Etat du nouveau Premier ministre, et outré par le droit donné à quiconque de pouvoir poursuivre le Roi, le Général Bovoradej, Ministre de la Défense du précédent gouvernement (et ancien Ambassadeur du Siam en France) soutenu par les Royalistes « constitutionnels » tente de renverser le pouvoir. Des combats eurent lieu de 11 au 17 octobre 1933 pour se terminer par la victoire de l'armée conduite par Phibun.
Le roi Prajadhipok (Rama VII), bien que n'ayant pas de lien avec la rébellion, se trouve politiquement en « porte-à-faux », et ne peut plus accepter une politique qui se fait toujours en son nom. Il se rend alors en Europe sous le prétexte d'y faire soigner sa vue. Durant son séjour européen, de nouvelles querelles éclatent avec le gouvernement, et particulièrement au début de1935. Il décide d’abdiquer le 2 mars 1935 dans une lettre envoyée d’Angleterre. Dans son discours d'adieu à la nation, il déclare qu'il a abandonné son pouvoir absolu au profit du peuple thaï tout entier et non d'un groupe particulier. Il demeura en Angleterre jusqu'à sa mort, en 1941 à l'âge de 48 ans, avec le titre de Prince Sukhothaï.
Deux versions sont véhiculées pour sa succession. L’une précise que dans sa lettre de démission il abdiqua en faveur de son neveu Amanda Mahidol. L autre, prétend que n’ayant pas désigné de successeur, l'Assemblée Nationale proclama Ananda Mahidon roi, sous le nom de Rama VIII. Cet enfant de dix ans, étudiant en Suisse était le fils aîné du Prince Mahidol de Songkla et neveu du roi défunt. Un Conseil de régence de trois membres fut désigné pour agir durant sa minorité.
Le 16 décembre 1938, le Conseil de Régence nommait le colonel Luang Phibul comme Premier Ministre en remplacement du Colonel Phraya Pahol. Il consolida sa position en nommant plusieurs membres de sa faction militaire à des postes gouvernementaux influents.
Pibulsonggram commença par accélérer la modernisation de la Thaïlande et mit sur pied un régime inspiré du fascisme européen, basé sur une propagande ultranationaliste. Avec l'aide de son ministre de la propagande Luang Wichitwathakan, la presse et la radio diffusaient continuellement propos et slogans du premier ministre, instaurant un véritable culte de la personnalité. Ses portraits étaient présents partout, tandis que ceux de l'ancien roi Rama VII étaient interdits.En 1939, il fit arrêter 40 opposants politiques, monarchistes comme démocrates. Après une parodie de procès, 18 d'entre eux furent exécutés.
Le nationalisme thaïlandais
Le gouvernement impose la langue parlée à Bangkok comme langue nationale. La population doit adopter le vêtement occidental. Phibun veut intégrer les populations non-Thaïes du Nord et du Nord-Est du pays afin d’affirmer un peu plus la souveraineté du territoire national aux frontières et rapatrier les tribus Thaïes établies à l’extérieur du pays. Une idéologie de la nation thaïe avec son slogan la "Thaïlande aux Thaïs" se met en place censée rappeler un passé historique commun, une unité de tous les peuples de langue thaï, qui inclue les Lao du Laos et les Shan de Birmanie. Elle sera symbolisée, en 1939, par un nouveau nom donné au Pays : le Prathet Thaï, "pays des Thaïs" (ou Thaïlande). (Le nom de Prathet Thaï ne sera officiel que le 11 mai 1949). Le régime adopta également une politique nationaliste en matière économique, en menant une politique de quotas visant à réduire la place des produits chinois en Thaïlande, et à favoriser les produits locaux ( Dans un discours de 1938, Luang Wichitwathakan compara les Chinois du Siam aux Juifs d'Allemagne).
En politique étrangère, le gouvernement constitutionnel promulgue un ensemble de codes juridiques, ouvrant la voie à de nouveaux traités signés entre 1937 et 1938 qui annulent les droits extraterritoriaux de 12 pays. De même le gouvernement revendique le rattachement à la couronne de tous les territoires habités par des peuples de race ou de langue thaïe, et remet en cause les Traités signés avec la France la Grande-Bretagne en 1904, 1907 et 1909. On évoque le rattachement des anciennes suzerainetés « historiques » exercées sur le royaume Khmer et les principautés ou sultanats du nord de la Malaisie sous contrôle britannique, le Laos rattaché en 1904 à l’Indochine française, les territoires du Cambodge abandonnés durant le règne du roi Chulalongkorn (provinces de Melou Prei et de Tonlé Repou en 1904, et provinces de Battambang, de Sisophon et de Siem Reap en 1907).
Les revendications territoriales avec la France
Juste avant la seconde guerre mondiale, des négociations « cordiales » entre Phibun et la France sont entamées au sujet des frontières séparant l’Indochine et le Siam. Mais le gouvernement Daladier n’est pas disposé à céder sur tous les points revendiqués. Il s’engage tout de même à procéder rapidement à quelques modifications mineures des frontières séparant la Thaïlande et l'Indochine française en échange d’un pacte d’amitié et de non agression qui est signé le 12 juin 1940. Mais, l'armistice signé par la France avec l'Allemagne conduit le gouvernement de Bangkok à n'accepter la ratification du traité que si la France accepte de céder le Cambodge et une partie du Laos.
En septembre 1940, des échanges de notes à ce sujet entre Bangkok et Vichy se terminent par une rupture des discussions et la propagande siamoise se déchaîne contre la France.
En 1940, profitant de l’affaiblissement de la France après la défaite de juin la Thaïlande attaque l’Indochine française.
Principales sources : wikipédia, et article de Fabrice Thery, « La guerre franco-thaïlandaise »
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