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Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.

28. Le Siam et la 1 ère guerre mondiale.

 28. Les relations franco-thaïes : aviateurs 1915La première guerre mondiale

 

« A deux reprises, en 1897 et en 1907, le Roi Rama V effectue une visite d’Etat en France et, pendant la première guerre mondiale, Siamois et Français connaissent la fraternité des armes : le Siam envoie en Europe un corps expéditionnaire, qui vaut aux troupes siamoises de défiler sur les Champs Elysées en 1919 »

 (site officiel de l’ambassade de France).

 

On aurait pu aussi  dire : «  pendant la première guerre mondiale, Siamois et Français connaissent la fraternité des armes : le Siam envoie en Europe un corps expéditionnaire, qui vaut : par le traité de Versailles de saisir les bateaux et toutes les propriétés allemandes au Siam et d’annuler les traités qui accordaient à la France (et à la Grande –Bretagne et aux USA) la Protection consulaire de ses sujets et ressortissants et la franchise douanière pour toutes les marchandises importées et exportées à bord de navires français et d’être membre fondateur de la Société des Nations (SDN) en 1920.

 

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Nous avons vu que que «L’ Entente Cordiale» franco-anglaise de 1904  avec le Traité franco-thaï du 23 mars 1907 assuraient l’indépendance du Siam.

Le roi Chulalongkorn, bien que meurtri par la perte des  suzerainetés « historiques » sur le Laos et le Cambodge et de quatre territoires malais frontaliers, pouvait estimer qu’il avait sauvé son Pays de la mainmise étrangère. Il conserve encore aujourd’hui un grand prestige pour avoir fait entrer son pays dans la modernité et l’ère des réformes (centralisé l’administration, organisé les services postaux, les chemins de fer, la première université, introduit les billets de banque, imposé le système décimal, aboli l’esclavage en 1905…). Il meurt le 23 octobre 1910, après 42 ans de règne. Son second fils, Vajiravudh, Rama VI, lui succède (1910-1925).

-PortraitRama6Il est connu alors pour avoir fait des études en Angleterre à la Sandhurst Military Academy (1891) et à Oxford University (1899). Il revient au Siam en 1902 adaptant des traditions anglaises à la culture thaïe. Son premier acte après son accession au trône  est de construire un Collège royal  dans la même tradition que les écoles publiques anglophones comme Eton et Harrow.  Il devient l’initiateur d’un mouvement nationaliste que certains qualifient de xénophobe  qui prendra pour cible l’immigration chinoise. Les grands travaux (canaux et voies ferrées) avaient, en effet, favorisés l’immigration de coolies chinois, tandis que les besoins de l’Etat et l’ouverture du système d’enseignement avaient permis à des Chinois de rentrer dans l’administration, et surtout la  richesse économique de leurs commerçants leur était  reprochée (le roi écrira qu’ « ils  sont les Juifs de l’Est »).  Il introduit dès 1909 le scoutisme « nationaliste » au cursus scolaire, il crée l’université de Chulalongkorn, impose le calendrier grégorien, adopte deux fêtes nationales, crée l’école obligatoire pour les garçons, interdit la polygamie et impose une  nouvelle tenue pour les femmes (cheveux longs et jupes). Il dicte des lois sur l’état civil qui rendent obligatoires les noms de famille (et un prénom). Elles obligent également les Chinois, à adopter, pour conserver la nationalité thaïe, un nom thaï (choisi sur une liste choisie par le Roi). Il dote ainsi l’  Etat d’un instrument indispensable au recensement et, nécessaire pour une fiscalité plus « rationnelle ». 

Cette modernisation continuait l’œuvre initiée par son père et suivait ainsi le modèle des grandes puissances.

 

Mais Rama VI a un style de vie qui peut choquer. Il se veut amoureux des arts,  compose de nombreuses œuvres de prose, de poésie et de théâtre, ainsi que trois traductions de pièces de Shakespeare en thaï. Les putschistes de 1912  (la 1ère tentative avortée  pour installer une République) reprocheront au Roi de consacrer trop de temps à la littérature avec ses « favoris » et de vivre « luxueusement à « l’occidental » tout en invitant ses sujets à être « austères » et « nationalistes ».

Lorsque la 1ère guerre mondiale  éclate en 1914, le Roi est apte à comprendre les nouveaux enjeux, même si la Cour est divisée et les élites plutôt favorables à l’Allemagne (et hostiles à la France). On peut penser que la décision du Président des États-Unis Woodrow  Wilson de déclarer la guerre à l'Allemagne en avril 1917, au côté de l’Entente, sera déterminante.

 Le roi Vajiravudh, le 22 juillet 1917, malgré les réticences de certains membres du gouvernement royal, déclare la guerre à l'Allemagne et à l'Autriche-Hongrie. Il est convaincu que la participation du Siam serait “une excellente occasion pour nous d'obtenir l'égalité avec les autres nations” Le roi, en cette décision historique, ne pouvait que se souvenir de la cession de quatre provinces du sud et la perte du Laos et du Cambodge et espérer la révision des traités inégaux qui accordaient des droits d’extraterritorialité pour les citoyens de pays comme la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.

On a reproché à Rama VI son entrée tardive dans le conflit, mais on oublie que chaque Pays a ses propres « intérêts », sa propre histoire.  Les traités « coloniaux »  signés sous la menace  avec la France et la Grande-Bretagne étaient récents et avaient  « blessés » l’amour propre siamois et une grande partie de l’élite était devenue pro-allemande. Une quinzaine de pays ne prendront leur décision qu’en 1917 (et même l’Arménie et la Tchécoslovaquie en 1918).

Le Siam envoya une petite force expéditionnaire de 1284 volontaires, sous le commandement du général Phya Pijaijarnrit. Les Siamois arrivèrent en 1918. Certains furent envoyés à l'École de bombardement du Crotoy, à l'école de reconnaissance de Chapelle-la-Reine, à l'école de tir de Biscarosse, et à l’école de chasse de Poix et le personnel de l’armée  de l’Air commença à se former dans les écoles françaises de pilotage d’Avord et d’Istres. Plus de 95 hommes furent brevetés pilotes. Les sources divergent sur leur participation ou non aux combats. Par contre, une unité médicale d’infirmières siamoises est signalée sur le front occidental.


Firstworldwar

 

Le 11 novembre 1918, l’armistice est signé, déclarant la fin de la première guerre mondiale.

Le contingent siamois participa au défilé de la Victoire à Paris le 14 juillet 1919 et fut de retour au Siam le 21 septembre 1919.

"Qui a vu ce jour a vécu" dit Clémenceau au maréchal Pétain, le soir du 14 juillet 1919.
Ils avaient vu l'armée française défiler, Joffre et Foch, les détachements des armées alliées....

Serrés contre les Italiens, d’un pas rapide et sautillant, voici les Japonais aux figures de lémurs. Ils sont peu nombreux. Leur général, sphinx sans âge au teint grisâtre, monte un cheval de race orientale, superbe dans sa vigueur maîtrisée, d’une finesse de lignes admirable. Les Siamois ont un physique moins ingrat que les Japonais, se rapprochant davantage des Hindous. Mais leur attirail de guerriers occidentaux (casques français, bandes molletières…) est ridicule et risible, disproportionné en tout cas quand on songe que la guerre s’est bornée pour eux à une déclaration ! Il n’empêche, la foule jubile et s’extasie : la terre entière n’est-elle pas convoquée à la gloire de la France après avoir été à son chevet ? L’exotisme est contagieux. Les hurlements n’ont pas cessé. Une clameur enthousiaste continue de couvrir les musiques, mouchoirs et couvre-chefs s’agitent sans interruption tandis que défilent les délégations des petits Etats, anciens ou nouveaux (Blog Michel Bellin)

GUERRE 14

 

Un mémorial fut érigé en l'honneur du corps expéditionnaire siamois (à Bangkok, à Sanam Luang, près du musée national). Les noms des 19 soldats tués sur le front occidental sont ainsi honorés. (La France avait perdu 1 350 000 hommes, la Grande-Bretagne 1 150 000 hommes. )

Le Traité de Versailles du 28 juin 1919 met fin à la Première guerre mondiale, détermine les frontières de plusieurs pays, et crée la Société des Nations.

Ce traité est entré en vigueur le 10 janvier 1920. Le traité de Versailles comporte quatre-cent-quarante articles, certains accompagnés d'annexes et est accompagné d'un protocole, et d'un arrangement concernant l'occupation militaire des territoires rhénans, auxquels adhèrent certains signataires. Les signataires du Traité de Versailles sont : pour le traité de paix, le protocole et l'arrangement : l’Allemagne, les Etats-Unis d’Amérique, la France, l’Empire britannique, la Belgique. Pour le traité de paix et le protocole : la Bolivie, le Brésil, le Guatémala, l’Italie, le Japon, le Pérou, la Pologne, le Siam , la Tchécoslovaquie, l’Uruguay.  

La Section III, consacré au Siam comporte trois articles :

Article 135

L'Allemagne reconnaît comme caducs, depuis le 22 juillet 1917, tous traités, conventions ou accords passés par elle avec le Siam, ensemble les droits, titres ou privilèges pouvant en résulter, ainsi que tout droit de juridiction consulaire au Siam.

Article 136.

Tous biens et propriétés de l'Empire ou des États allemands au Siam, à l'exception des bâtiments employés comme résidences ou bureaux diplomatiques ou consulaires, seront acquis de plein droit au Gouvernement siamois, sans indemnité.

Les biens, propriétés et droits privés des ressortissants allemands au Siam seront traités conformément aux stipulations de la partie X (Clauses économiques) du présent traité.

 

 

Article 137.

L'Allemagne renonce à toute réclamation, pour elle ou ses nationaux, contre le Gouvernement siamois relativement à la saisie des navires allemands, à la liquidation des biens allemands ou à l'internement des ressortissants allemands au Siam. Cette disposition ne doit pas affecter les droits des parties intéressées dans le produit d'aucune de ces liquidations, ces droits étant réglés par les dispositions de la partie X (Clauses économiques) du présent traité.

Il permettait ainsi au Siam de conserver à titre de dommages de guerre pas moins de 11 navires appartenant à la compagnie “North German Lloyd” (LGN). (Bangkapong, construit en 1903, saisi par le Siam en 1917 rebaptisé Han Thale (455 tonneaux) — Chantaboon, construit en 1908,saisi par le Siam en 1917 (421 tonneaux) — Chiengmai, construit en 1907,saisi par le Siam en 1917 rebaptisé Doen Samudi (1815 tonneaux) — Deli, construit en 1900,saisi par le Siam en 1917 rebaptisé Den Samud (1394 tonneaux) — Kohsichang, construit en 1894,saisi par le Siam en 1917 rebaptisé Sri Samud (2043 tonneaux) — Menam, construit en 1906,saisi par le Siam en 1917 rebaptisé Thon Thale (464 tonneaux) —Patani, construit en 1907,saisi par le Siam en 1917 rebaptisé Thong Samudi (1819 tonneaux) — Patriu, construit en 1903,saisi par le Siam en 1917 rebaptisé Leu Thale (445 tonneaux) — Petchaburi, construit en 1906,saisi par le Siam en 1917 rebaptisé Kaeo Samud (2191 tonneaux) — Samsen, construit en 1902,saisi par le Siam en 1917 rebaptisé Pin Samud(1632 tonneaux) — Pitsanulok, construit en 1901,saisi par le Siam en 1917 rebaptisé Phan Samudh (2019 tonneaux).

 

En janvier 1920, le Siam devenait un des membres fondateurs de la Société des Nations.

« La Société des Nations (S.D.N.) est la première tentative pour faire fonctionner une organisation universelle des États, principalement créée pour régler les problèmes de sécurité collective. Il s'agissait en quelque sorte de prolonger le gouvernement de fait des Alliés durant la Première guerre mondiale dans une organisation permanente. À l'origine de la S.D.N., il y a les conditions de la paix telles qu'exposées par le président Wilson en janvier 1918 à travers les 14 points. Le quatorzième point précisait qu'une « association générale des nations devra être formée sur la base de pactes spécifiques afin d'assurer les garanties mutuelles d'indépendance politique et d'intégrité territoriale, aussi bien aux petits États qu'aux grands […] Ce pacte est inclus dans le texte du traité de Versailles, le 28 juin 1919, ainsi que dans ceux de Saint-Germain, de Trianon et de Neuilly ; il en forme en fait les 26 premiers articles. La S.D.N. entre en application le 10 janvier 1920 après la ratification du traité de Versailles par l'Allemagne et trois des principaux associés. C'est à Paris qu'a lieu, le 16 janvier 1920, sur convocation du président Wilson, la première réunion du Conseil de la Société des Nations » (Encyclopédie Larousse).

Le 1er septembre 1920, les États-Unis abandonnèrent leurs droits d’extraterritorialité. Après cinq années de négociation , la France  (février1925) et la Grande-Bretagne (juillet 1925) renonçaient aussi à leurs droits d’extraterritorialité, aux traités inégaux  leur accordant le « Droit de Protection consulaire » qui donnaient (par exemple l’article 7 du traité de 1893) aux Français mais aussi  à ceux qui dépendaient du « Protectorat français »comme les Annamites, les Laotiens, les  Cambodgiens (Cf.. les Chinois et Japonais inscrits), la liberté de circuler et de commercer librement sans payer de droits de douanes. Le 12 janvier 1926, la France et le Siam signaient un traité d’amitié, de commerce et de navigation.

 

Le Siam obtenait satisfaction et retrouvait sa souveraineté pleine et entière.

Le roi Varjiravudh (Rama VI) avait été bien « inspiré » le 22 juillet 1917 en déclarant la guerre à l’Allemagne. Le traité de Versailles lui avait donné le droit de confisquer tous les avoirs allemands au Siam, de renégocier et d’obtenir l’abrogation du droit d’exterritorialité « extorqué » par les super puissances franco-anglo-américaines et de retrouver la mainmise sur ses douanes, dénonçant ainsi (indirectement) les traités inégaux qui avaient été arrachées à son père sous la menace coloniale. De plus, en devenant membre fondateur de la Société des Nations en 1920, Rama VI assurait à son pays une garantie internationale pour l’indépendance et  l’intégrité du Siam.

 

On était loin du laconique : « le Siam envoie en Europe un corps expéditionnaire, qui vaut aux troupes siamoises de défiler sur les Champs Elysées en 1918 (sic). » (site officiel de l’ambassade de France). »

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A
Très intéressant, juste je trouve dommage de l'apprendre que maintenant et suis déçus que l'ont ne me l'ai jamais appris a l'école...
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G
Nous essayons d'être plus complets dans notre écriture de l'histoire que celle apprise à l'école
G
Il serait bon de signaler à l'Ambassade de France à Bangkok que le voyage du roi Rama V en Europe en 1907 n'était pas une visite d'Etat mais bien un voyage privé, contrairement à celui de 1897. Bravo pour votre blog. Cordialement.
Répondre
G
Merci pour votre encouragement, surtout si vous êtes le fameux "Gilles Delouche, spécialiste de la littérature siamoise".<br /> <br /> Mais vous savez, il n'est pas sûr que l'Ambassade lise ses propres productions.<br /> <br /> En tout cas dans notre article 151 de "Notre" histoire de la Thaïlande , il est bien dit : "La maîtrise de Vasina Anchalisangkas rappellera que le roi présente ce voyage comme un voyage privé effectué pour des raisons de santé et pour voir ses fils étudiants.".