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  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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Pourquoi ce blog ?

  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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Merci d’être venu consulter ce blog. Si vous avez besoin de renseignements ou des informations à nous communiquer vous pouvez nous joindre sur alainbenardenthailande@gmail.com

21 novembre 2013 4 21 /11 /novembre /2013 04:01

Sans titre-1Phra Bat Somdet Phra Borommaracha Kasat Bowon Sucharit (พระบาทสมเด็จพระบรมราชากษัตริย์บวรสุจริต), ou encore Somdet Phra Chao YuHua Phra Thi Nang Suriyat Amarin (สมเด็จพระเจ้าอยู่หัวพระที่นั่งสุริยาสน์อมรินทร์) est surtout connue sous le nom de Somdet Phra Chao Ekkathat (สมเด็จพระเจ้าเอกทัศ). Il fut le 33ème et dernier roi de la dynastie d’Ayutthaya. 


Il passe pour avoir été borgne et lépreux (d’où son surnom populaire de Khun Luang Khirüan (ขุนหลวงขี้เรื้อน), tout simplement « le roi lépreux » (1). C’étaient toutefois les moindres de ses défauts. Son père, avons-nous dit, l’avait écarté du trône le considérant comme « stupide et ne méritant pas d'être roi ».  « Sans intelligence et sans caractère, imbécile » continuent les annales, et qui plus est « débauché » tout autant que son grand-père, l’illustre « roi tigre ». Velléitaire et pusillanime, alors que les événements allaient démontrer que le Siam avait besoin d’un « grand roi ».


Il fut incapable de conduire son pays au travers des périls qui allaient l'accabler. Par ailleurs, l'existence simultanée d'un roi oint et sacré et d'un ex-roi, Borommakot, qui avait lui aussi été oint et sacré et qui conservait ses partisans fut un incontestable facteur de désordre au moment même où le devoir d’ « union sacrée » s’imposait.


union

***

Les débuts de son règne furent pourtant dignes d’un roi ; il poursuivit la tradition de bâtisseurs de ses prédécesseurs en construisant ou rénovant de nombreux temples et pagodes, et introduisit diverses mesures administratives pour unifier le cours des monnaies et les poids et mesures.

 

poids et mesures

 

Il rénova encore les ports de Mergui et Tenasserim pour relancer le commerce avec l’étranger.

 

***

Son règne fut malheureusement marqué par trois messages prémonitoires, nous apprennent les annales : les eaux de la Chao Praya devinrent rouges par trois fois entre 1761 et 1764 (3). Il entreprit alors quelques pèlerinages pour conjurer le sort mais en vain.

eauix rouges


***

Malheureusement, son caractère pusillanime prit rapidement le dessus et son incompétence conduisit de nombreux aristocrates à abandonner la fonction publique civile ou militaire pour se réfugier sous la robe des moines (qui leur procuraient au moins la certitude de ne pas être assassinés) à l’exemple du frère du roi. Exemple contagieux. Il réussit toutefois à réprimer quelques révoltes de palais, notamment un complot visant à replacer son frère-moine sur le trône. Le meneur était un demi-frère du roi, le prince Thep Phiphit et c’est l’ex-roi lui-même qui eut la loyauté de le dénoncer à l’expresse condition que la vie des conspirateurs serait épargnée. Les « petits poissons » subirent la peine du rotin et le prince Thep Phiphit, épargné lui, fut exilé à Ceylan.

Entièrement occupé à réprimer ces intrigues internes, le roi Ekkathat ne fut pas conscient des dangers qui allaient venir de sa frontière occidentale et des succès de l’usurpateur birman. Nous l’avons vu, en effet, c’est de l’Est, de la « grande Birmanie » qu’allaient venir les malheurs du royaume d’Ayutthaya (2).

 

***

Parallèlement, Alaungpaya règne sur la Birmanie d’une main conquérante depuis 1752.


alung


Pourquoi Alaungpaya va-t-il se décider à envahir le Siam ?


Nous avons une première explication tirée du livre d’un historien birman, selon lequel les Siamois avaient abrité des chefs rebelles et leurs troupes. Alaungpaya avait alors cherché à obtenir d’Ekkathat, l'assurance qu'il n'interviendrait pas dans les affaires birmanes et qu'il lui remettrait les chefs rebelles. Les Siamois avaient rejeté ces demandes ce qui fut considéré comme un « casus belli ». Casus belli ou pieux prétexte ?


Au début de 1759 en effet,  des rebelles Peguans, qui avaient fait un raid sur Syriam, s’étaient enfuis sur un navire français. En raison des intempéries, ce navire dut s’abriter dans le port siamois de Tenasserim. Les Birmans exigèrent la reddition du navire ce que refusèrent les Siamois.

Il y en a certainement d’autres. La première pourrait tout simplement être son ambition conquérante. Ses prédécesseurs avaient dominé le Siam et les États laos, et il était probablement irrité aussi de l'existence de royaumes indépendants sur ses frontières. Et de toute évidence, Il cherche naturellement à profiter du désordre intérieur siamois. En 1759, il avait obtenu de Nan, Chiengsen, Payao, et la plupart des autres États Lao une reconnaissance de suzeraineté.


Mais revenons rapidement sur les débuts de cette première campagne siamoise. (4)


Elle avait commencé par le sud, depuis Martaban

 

Martaban

 

en passant par Tenasserim qui était faiblement défendue. Une armée de 40.000 hommes commandée par un fils d’Alaungpaya, et le général, Mingaing Nohrata, avait entamé une longue marche en remontant vers le nord. Ce plan était d’une grande hardiesse puisque les Birmans durent marcher plusieurs jours entre la mer et la montagne, ce que nul au Siam ne croyait possible. Ils atteignirent le golfe du Siam, s’emparèrent de Prachuap Khiri Khan, Pranburi et Phetchaburi, face à une résistance siamoise qui se durcit lorsqu’ils s’approchèrent d’Ayutthaya pour en faire le siège.

La facilité relative avec laquelle cette campagne s’était effectuée jusque-là peut s’attribuer au moins en partie à l’imprévoyance du monarque siamois et peut-être aussi au fait que le pays s’était déshabitué de la guerre, n’ayant connu aucune campagne significative depuis la peu glorieuse  invasion du Cambodge en 1717.

 

La consternation règne alors à Ayutthaya.


 siege

 

Le roi est vivement critiqué pour son impéritie, il est invité à abdiquer, on rappelle le prêtre-roi, Uthumphon depuis son temple pour reprendre les rênes du pouvoir, mais il était trop tard pour faire quoi que ce soit sinon des préparatifs hâtifs pour préparer la ville à un siège.

Un premier assaut est repoussé. Alaungpaya reçoit  des renforts et peut ainsi complètement investir la ville. Il se lance même dans une campagne de « propagande » en se prétendant envoyé par les dieux pour réformer la religion bouddhiste, prétentions dont se moqueront les Siamois.

Au bout d’un mois de siège, les Birmans placent alors un énorme canon sur une butte pour pilonner le palais royal et c’est Alaungpaya lui-même qui surveille le changement et le pointage de l’arme. Mais le canon explose et le Birman « usurpateur » (insistent les annales) est grièvement blessé.


Cannon mouth

 

Pour les chroniques birmanes, il aurait plus prosaïquement été victime d’un furoncle ou d’un anthrax. Mais avant même cet accident, il aurait envisagé d’abandonner le siège n’ayant pas prévu la résistance acharnée des Siamois, celle des chrétiens fut remarquable, et ne s’était pas préparé à une guerre de siège, toujours longue, redoutant l’arrivé de la saison des pluies.

 

De sa civière, il donne l’ordre de retraite, Les armées birmanes prennent le chemin du retour « découragées » et en menant de rudes combats d’arrière-garde. Alaungpaya mourut sur une civière près de Martaban.

 

« Il n'avait que quarante-cinq ans. Il avait débuté sa carrière d’une manière dont tout homme peut être fier, mais il s’est sali en attaquant injustement un pays voisin et en ayant d’absurdes prétentions religieuses ».

Le royaume d’Ayutthaya fut sauvé mais les Birmans annexèrent tout de même le nord de la côte du Tenasserim, déplaçant leur frontière vers le sud, jusqu'à Tavoy et Mergui.  


***

Le roi-moine Uthumphon retourna dans son temple en 1762 après la déroute birmane sans avoir eu le loisir de participer aux combats. Après avoir pensé en effet que sa reprise de la couronne pourrait être permanente, devant les intrigues de son frère, et craignant pour sa vie, il préféra la vie monastique.

 

Le danger à travers lequel ils étaient passés n'avait toutefois pas appris aux Siamois les vertus de l'union. Peut-être aussi, il est vrai, étaient-ils rassurés par les difficultés dans lesquelles se débattait le successeur d’Alaungpaya.

 

***

Naungdawgyi, fils  d’Alaungpaya, fut le second roi de la nouvelle dynastie birmane.


Il avait participé à la campagne du Siam sous les ordres de son père auquel il succéda jusqu’à sa mort en 1763. S’il avait les mêmes rêves de conquête il dut, surtout faire face (lui aussi), à des révoltes de palais. Nous vous en avons conté la principale qui fut pour lui une sérieuse alerte (4). Il y en eut d’autres dans le détail desquels nous n’entrerons pas. Il mourut à 29 ans en novembre 1763 après avoir difficilement repris le contrôle de son royaume à l’exception de Tavoy resté en dissidence. Son frère cadet Hsinbyushin  lui succéda, son fils et héritier Phaungkasa Maung Maung  n'ayant que deux mois à cette date.


Hsinbyushin va alors reprendre les velléités conquérantes de son père.


roi birman


Il ne respirait que la guerre. En 1764, il lança une première expédition à l'est, au cours de laquelle il pilla Chiengmai et Vientiane. Les Birmans considéraient en effet Chiangmaï comme une simple province rebelle.  Le prince de Chiengmai, qui avait succédé à son frère Chao Ong Kham l'année précédente, avait appelé le roi Ekkathat de l'aide. Une armée fut alors envoyée au nord sous le commandement du Phraya de Phitsanulok, mais Chiangmai était déjà tombé, et un général birman, Aphai Khamini, en avait été nommé gouverneur. La même année, les Birmans s’emparèrent de Luang-Phrabang. L’influence des Birmans s’étendit ainsi  à l'ensemble des États laos.


Plutôt que d’adopter une attitude prudente, Ekkathat joua la provocation : il reçut une ambassade de Huithongcha, chef rebelle de Tavoy, accepta son hommage de vassalité, prenant ainsi officiellement sous sa protection une province birmane révoltée, au motif que « dans les temps anciens Tavoy avait appartenu à Siam ».


Tavoy ne jouit pas longtemps de la « protection » nominale de Siam. La première chose que fit le nouveau souverain de Birmanie dès après la mort de son frère fut de récupérer Tavoy, ce qu’il fit sans difficultés.

 

Le gouverneur rebelle se réfugia alors à Mergui, les Siamois refusèrent de le livrer, et le Siam fut alors une nouvelle fois de plus envahi, Mergui et Tenasserim occupés. Les Birmans ne rencontrèrent pas d’opposition sérieuse jusqu'à ce qu'ils atteignent Phetchaburi. Ils se heurtèrent au Phraya Tak, plus connu sous le nom de Phraya Thaksin, futur roi du Siam.


thajsin

 

Ils durent alors s’en retourner à Tenasserim.

Il faut préciser que Huithongcha, le gouverneur rebelle de Tavoy, après avoir fui son pays, était accompagné par le prince Thep Phiphit, revenu de son exil de Ceylan probablement touché des malheurs de son pays ? Le Roi Ekkathat ne voulut pas accepter le secours d’un banni, le fit arrêter et incarcérer à  Chantabun.

Chiangmai et Luang Phrabang étaient tombés sans combats difficiles, et la possibilité d'une invasion réussie du Siam par le sud ayant déjà démontrée, le roi fit alors converger ses armées du Nord et du Sud vers Ayutthaya en équipant une troisième armée qui devait envahir le Siam par la « voie des Trois Pagodes », depuis toujours, la principale route terrestre entre le sud de la Birmanie et l'ouest de la Thaïlande.

 

trois pagodes

 

Les Siamois bénéficièrent alors d’un répit de près d'un an, en raison d'une rébellion à Chiangmai qui en chassa le gouverneur birman.

 

À la fin de 1764, cependant, la rébellion fut réprimée, et en juin 1765 une armée birmane de 5.000 hommes quitta Chiangmai pour le sud, tandis qu'un autre de même force se dirigeait vers la frontière occidentale.

 

Les Birmans adoptèrent alors envers la population du Siam une politique de férocité, toute ville, tout village qui offrait la moindre résistance était impitoyablement détruit et les habitants tués ou pris comme esclaves, sans distinction d'âge ou de sexe. À l'approche de l'armée birmane, les Siamois se réfugiaient dans la jungle.

 

L’armée du Sud qui a quitté Tenasserim en octobre 1765 et occupé Phetchaburi en novembre, adopte les mêmes méthodes.


De tous côtés, les populations s’enfuient à l’approche des armées birmanes. Toutefois, en décembre 1765, les Birmans attaquent Bangkok mais un capitaine de vaisseau anglais, Pauni (ainsi le nomme Turpin) qui s’était lié d’amitié avec Ekkathat les met en échec. L’anglais, dépourvu de munition, doit toutefois battre en retraite. Le roi est jaloux de son succès ; on voit en lui un « second Phaulkon potentiel ». Alors ce brave anglais s’enfuit au loin sur son vaisseau « en abandonnant à son sort le monarque ingrat pour la défense duquel il avait risqué sa vie ».

 

Nonthaburi est tombé, et en février 1766, les Birmans sont une fois encore sous les murs d’Ayutthaya. 

 

Le pays est dévasté du nord et au sud,  ses sujets sont réduits en esclavage, le roi Ekkathat, plus que jamais incompétent et débauché, a-t-il seulement conscience du danger dans lequel se trouvait son pays ? Seule la vue des Birmans assiégeant sa ville réveilla en lui à un certain sens de ses devoirs et l’alerta sur les risques et périls que courrait le royaume, et il fit alors des efforts fébriles pour défendre la capitale. Mais à ce moment critique, « il était plus enclin à s'appuyer sur toutes sortes de charmes et d’amulettes, de superstition et de magie, et son peuple, encouragé par son exemple, gaspillait son temps à chercher des talismans pour se rendre invisibles ou invulnérables ».


 siege 2


Les armées birmanes du Nord et du Sud n'ont probablement jamais dépassé le nombre de 40.000 hommes, et le Siam aurait dû être en mesure d'y faire face.

 

Pourquoi alors cet échec final ?

 

Lâcheté, prétend Turpin. Et pourtant en ce qui concerne le courage, les Siamois ne pouvaient-ils souffrir la comparaison avec n'importe quelle autre race voisine ?  C'était la mauvaise gestion, la désunion et la léthargie en haut lieu qui ont rendu Siam une proie si facile pour les Birmans. Avec un monarque comme le roi Naresuan assis sur le trône, jamais probablement les Birmans n'auraient vu les murailles d’Ayutthaya.

 

Les Birmans eurent pourtant fort à faire, une armée de guérilla d'environ 5.000 hommes, sous la direction de paysans et d'hommes du peuple, résistèrent de longs mois dans le village appelé Bangrachan. Les Birmans ne purent les soumettre qu’au prix de très lourdes pertes (5).


 Bangrajan

 

En outre, tout au long du siège d’Ayutthaya, les assiégés effectuèrent de nombreuses sorties, notamment les chrétiens et les Chinois,  avec des succès qui ne furent que partiels mais causèrent de grandes pertes à l’ennemi.

 

Enfin, alors que les Siamois espéraient que la saison des pluies chasserait l’envahisseur, les Birmans construisirent des bastions sur des hauteurs, réquisitionnèrent un grand nombre de bateaux, et se préparèrent à continuer le siège, malgré d’éventuelles inondations.

 

En septembre 1766, les Birmans ont saisi des positions à moins d’un kilomètre de la ville, ils menacent le quartier chrétien et celui des Hollandais. Une tentative désespérée est faite par les chrétiens « animés d’une audace héroïque » nous dit Turpin et quelques troupes chinoises mais en décembre, leurs quartiers tombent aux mains de l'ennemi.


 chretiens

 

Une autre défaite est subie par le Phraya de Phetchaburi, tué dans une escarmouche avec un grand nombre de ses hommes.

 

Le Phraya Taksin, qui jusqu’à présent n’avait pris aucune part active dans cette bataille, fut alors accusé de ne pas prêter aide suffisante à ses compatriotes et fut disgracié. Il dut fuir la ville avec 500 de ses compagnons. Les Birmans ne se doutèrent pas que cette « petite armée méprisable » était destinée à devenir la force qui libérerait le Siam de de leur domination.

 

A la fin de la saison des pluies, les Birmans reçurent des renforts, et à partir de ce moment, les Siamois ne purent plus résister sérieusement. Les bastions tombèrent les uns après les autres dans les mains de l'ennemi, et l'intérieur de la ville devint alors une cible facile pour les canons Birmans. Les malheureux habitants mourraient de faim, et une épidémie éclata. Les rues étaient jonchées de cadavres, dévorés par les « chiens parias ». Pour comble de misère, le 7 janvier 1767, un incendie éclata, qui détruisit 10.000 habitations.


 incendies


Le général birman, Maha Nohrata, meurt en 1767, mais tous les espoirs que les Siamois fondaient sur cet événement furent vains. Les Birmans pressèrent le siège. Ekkathat, voyant que tout était perdu, offrit d’abandonner sa capitale et de devenir vassal du roi de Birmanie. Il lui fut répondu que l’on attendait une capitulation sans conditions. Sous le coup du désespoir, les Siamois résistèrent encore trois mois. 

 

Le mardi 7 avril 1767, l’assaut final fut lancé par les assaillants, allumant des incendies au pied des murailles et faisant donner les canons de toutes parts. Une brèche fut ouverte et la ville tomba après un siège de quatorze mois.

 

assaut final

 

Les vainqueurs se comportèrent comme des Huns.

 

Attila-lunno

 

Le palais, les bâtiments principaux, des milliers de maisons privées furent bientôt la proie des flammes. « Ils n’épargnèrent pas les temples dédiés au culte de leur propre foi ». Toutes les statues, les plus grandes et les plus belles de Bouddha furent détruites, brûlées après avoir été dépouillées de la feuille d'or dont elles étaient recouvertes. Pillage et plus encore pillage, c’était le mot d'ordre. Hommes, femmes et enfants ont été fouettés et torturés pour leur faire révéler les cachettes où leurs quelques trésors ou économies ont été dissimulés. Les Birmans s’emparèrent ainsi d’une grande quantité de trésors, l'or et les bijoux trouvés dans le palais, également des quantités d'armes et de munitions dont les plus précieuses furent emmenées en Birmanie et les autres jetées à la rivière. 

 

D’autres irremplaçables trésors furent purement et simplement brûlés, presque tous les documents écrits du royaume et pendant de nombreuses années il sembla que toute trace certaine de l'histoire du Siam avait disparu. « Mais plus tard nos rois purent recueillir et rassembler des fragments épars, jusqu'à ce que, peu à peu, quelques détails de l'histoire de notre vieille capitale aient pu être écrits, avec des lacunes et d'erreurs, mais en conservant un semblant de vérité ».

 

Le roi réussit à s’échapper sur un petit bateau, mais, nous apprennent les annales, mourut de faim quelques jours plus tard, caché dans la forêt de Ban Chik (ป่าบ้านจิก), à côté du temple de Sangkhawat (วัด สังฆาวาส). Son cadavre y fut alors découvert par un moine et aurait été incinéré au sommet d’une colline appelée « Khok Phramen » (โคก พระเมรุ), face à un temple vénéré appelé «Phra Wihan Phra Mongkhonlabophit » (พระวิหาร พระมงคลบพิตร) dans les environs d’Ayutthaya.

 

temple enterre

 

Une fin misérable pour le successeur même indigne de tant de grands rois.

 

De rage de n’avoir pu le capturer, le roi birman se vengea indignement : L'ex-roi Uthumphon fut arraché du refuge de l'abri de son temple et déporté en Birmanie, comme nous le savons, où il finit ses jours en captivité en 1796. Le Birman s’empara de tous les membres de la famille royale, de centaines de militaires, de fonctionnaires et de 20 ou 30.000 « gens du commun ».


En avril 1767, le roi birman avait ainsi réalisé l'objectif de son père 7 ans plus tôt.


Les destructions opérées par l'armée birmane suscitèrent le commentaire suivant de nos annales « le roi de Hanthawadddy (Bayinnaung)  menait la guerre comme un monarque, mais le roi d'Ava (Hsinbyushin) la conduisit comme un voleur » (6). Les Birmans étaient animés par l’amour du pillage plus que par un souci de gloire (7).


Ainsi tomba le royaume d’Ayutthaya, quatre cent six ans après sa fondation par Ramathibodi. La ville ne fut jamais reconstruite.

 

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(1) On peut être grand chef de guerre et borgne comme Hannibal ou bon roi et lépreux comme Baudoin de Jérusalem.

 

roi lepreux note

(2) Voir notre article 103 « Les rois Borommakot (1733 – 1758) et Uthumphon. (13 avril 1758 – mai 1758) » et surtout 104 « Les Birmans avant la chute d’Ayutthaya en 1767. »

(3) Un phénomène naturel qui n’est pas unique dans l’histoire (Moïse et les eaux du Nil), auquel les scientifiques trouvent toujours de doctes explications (ici probablement dû à la latérite ?) mais qui prend évidemment un sens apocalyptique.

(4) Voir notre article 104 « Les Birmans avant la chute d’Ayutthaya en 1767 ».

(5) Le village de Bang Rachan (บางระจัน) est situé au nord d'Ayutthaya, dans l’actuelle province de Singburi. Il est entré dans l’histoire siamoise lors de cette guerre comme symbole du nationalisme thaï. Selon la tradition, d’une historicité plus ou moins chancelante, l'armée d’invasion y fut retenue pendant cinq mois par un groupe de simples villageois. Une des figures emblématiques de ces résistants est celle de Nai Men Thong qui monte un buffle d'eau gigantesque dans une bataille désespérée contre les Birmans.

 

Bangrajan buffle

 

La résistance de ce village est à l’histoire siamoise ce qu’est celle de Fort Alamo à l’histoire des Etats-Unis ou celle de Cameron à la notre : un symbole de détermination et d’héroïsme dans une situation sans espoir.

Deux films thaïs sur Bang Rachan ont été réalisés. Le premier en 1966 est l’œuvre de  Sombat Metanee (qui fut félicité par le roi en personne). Plus connu est le film de l’an 2000 réalisé par Thanit Jitnukul avec pour vedette Winai Kraibutr, film fleuve à grand spectacle et à gros budget. Oliver Stone qui a quelques compétences en matière de guerres asiatiques (il est revenu du Vietnam avec de prestigieux états de service) en a adapté une version américaine qu’il a présentée aux Etats-Unis en 2004.


 

 

(6) Sunait Chutintaranond « The Image of the Burmese Enemy in Thai Perceptions and Historical Writings » in  « Journal of the Siam Society » (1992 – I p.89.s) citant le Prince Damrong (« Our Wars with the Burmese states ») confirme que le sac birman d’Ayutthaya fut radicalement différent de l'attaque de 1569 : l'expédition dirigée par le roi Bayinnaung et celle menée par le roi Hsinbyushin sont qualitativement fondamentalement différentes. Le but du premier était de réduire le Siam et d'étendre son royaume à la manière d'un « roi des rois », l’objectif du second était de piller la ville et de s’emparer de prisonniers de guerre. Hsinbyushin  n’avait pas l’intention de conserver Ayutthaya puisqu’il y a tout brûlé et en a tout emporté « jusqu’aux cendres ». Alexandre d’un côté, Attila de l’autre …

(7) La description que fait Turpin de ces campagnes rejoint – mutatis mutandis – celle des annales dont il n’a probablement pas eu connaissance. Il écrit en 1771, quelques années seulement après ces tristes événements. Il a recueilli le témoignage direct de Monseigneur Pierre BRIGOT, membre des Missions étrangères, évêque de Tabraca et coadjuteur au Siam (voir sa biographie sur le site des Missions Etrangères de Paris,

  http://archives.mepasie.org/notices/notices-biographiques/brigot. Ce prélat fut témoin de l'invasion birmane de 1758, et, grâce à ses exhortations, les chrétiens défendirent Ayutthaya avec le plus grand courage. Lors de la seconde invasion, en 1767, les Birmans l’emmenèrent captifs avec un certain nombre de catholiques. Pendant le voyage, voyant ses chrétiens dans la misère, Brigot leur donna tout ce qu'il possédait, et, pour leur procurer quelques soulagements, il vendit même son anneau pastoral. Il était alors à Tavoy. Il fut conduit au mois de novembre à Rangoon. Il put rejoindre la France en 1769 ou 1770 porteur d’un manuscrit écrit « à chaud » qui fut publié par Turpin (Turpin « Histoire du royaume de Siam », 1771, volume 2).

 

Turpin 2-10

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