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  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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21 octobre 2019 1 21 /10 /octobre /2019 22:21
A 333- LES VIETNAMIENS (« VIÊT  KIÊU »)  DE THAÏLANDE.

Les Vietnamiens appartiennent aux ethnies aujourd’hui officiellement reconnues en Thaïlande depuis 2017 aux côtés de 61 autres (1). Le terme « Viêt kiêu » est utilisé par le gouvernement vietnamien et les Vietnamiens de la métropole, pour désigner cette diaspora dont l'histoire dans notre pays est multiséculaire.

 

 

OÚ SONT-ILS  ÉTABLIS ?

 

Ils sont essentiellement répandus sur la rive droite du Mékong, dans les provinces de Nakonphanom – Sakonnakhon – Mukdahan – Nongkhai – Ubonrachathani – Loei – Uttaradit  - Chantaburi  - Sakaeo  et bien sûr à Bangkok.

 

 

COMBIEN SONT-ILS ?

 

Il est bien évident que, de par leur assimilation progressive pour certains depuis des siècles au sein de la population locale et les mariages mixtes, les chiffres restent aléatoires.  La carte ethnolinguistique du pays nous donne une estimation de 20.000 en 2004 mais il s’agit des locuteurs alors que tous n’ont pas conservé la pratique de la langue de leurs aïeux. Une estimation plus récente (2011) donne le chiffre de 50.000 (3).

UNE QUESTION DE TERMINOLOGIE

 

L’utilisation du terme « Vietnam » est récente, tant chez les Thaïs (Wiatnam – เวียดนาม) que chez les Français. Les Thaïs utilisaient et utilisent encore deux termes : Yuan (ญวน) et Kaeo (แกว) que dans son dictionnaire de 1854, Monseigneur Pallegoix traduit l’un et l’autre par « Annam, Annamite » et lorsqu’il en parle – beaucoup sont catholiques et lui sont chers - c’est toujours sous le terme d’ « Annamites ».

 

 

Ho Chi Minh lui-même, lorsqu’il se lança dans la lutte anti colonialiste écrivit divers articles dans le journal l’Humanité – le 6 juillet 1924 par exemple – et parle des « revendications du Peuple annamite » et de « l’exploitation de l’Indochine par l’impérialisme » signé de son nom de Nguyen Ai Quâc se disant représentant « le groupe des patriotes annamites ».

 

 

C’est en réalité le terme générique qui recouvre les trois parties du Vietnam national, le Tonkin au nord, l’Annam au centre et la Cochinchine au sud.

 

 

Si les deux termes de Tonkin et d’Annam sont issus du langage local, celui de Cochinchine aurait été utilisé par les Portugais pour désigner une région du Vietnam  pour la distinguer de la ville de Cochin en Inde  (4).

 

Carte d'Ortellius de la fin du XVI°

 

 

Dans son « Grand Larousse Universel du XIXe siècle », Pierre Larousse nous apprend que l’Empire d’Annam est appelé dans beaucoup de géographie « Cochinchine » mais que la première désignation prévaut.

 

Plus précisément le nom officiel du pays avait été Viêt Nam  de 1804 à 1838, en remplacement de l'ancien nom  Đại Việt. En 1838, le pays a été rebaptisé  Đại Nam. L'appellation Annam, du nom de l'ancien protectorat chinois, continuait d'être utilisée par la Chine pour désigner le Viêt Nam : l'usage a été repris par les Occidentaux, et notamment par les Français, pour désigner le pays dans son ensemble, puis à partir de 1884 pour désigner le seul  Protectorat d'Annam.

 

C’est qu’à partir des années 1900, que l’on observa une résurgence du mot « Viet Nam » qui devient un cri de ralliement national et l’emblème commun à tous les partis révolutionnaires et nationalistes à travers tout le pays avant 1945. Hô Chi Minh inclut l’appellation « Viet Nam » dans sa déclaration d’indépendance en août 1945, puisque la révolution en proclamant l’indépendance nationale décida de rejeter le nom d’Annam considéré comme péjoratif.

 

Le choix des mots a un sens, celui de Viet Nam au lieu d’Annam est éminemment politique.

 

 

LES DIFFÉRENTES VAGUES D’IMMIGRATION

 

Nous pourrions avec un certain sourire parler de l’arrivée légendaire de populations venues du nord du Tonkin qui seraient alors les premiers représentants d’une immigration vietnamienne à l’époque protohistorique (5).

 

 

Ces vagues d’immigration successives se sont déroulées sur plusieurs siècles en fonction des  situations géopolitiques de leur époque.

 

Époque de Sukhotai

 

Peut-être déjà des Vietnamiens vivaient-ils au Siam depuis la création de l'État de Sukhothai au XIIIe siècle. N’oublions pas que le territoire siamois était vaste et sous-peuplé et qu’il put voir arriver des familles à la recherche de meilleures opportunités économiques transfrontalières ou des déplacements forcés suivant la vieille tradition. Ce n’est qu’une hypothèse abordée par Walsh (3)

 

 

Époque d’Ayutthaya

 

Si les chroniques royales d’Ayutthaya sont muettes à ce sujet, les annales vietnamiennes relatives au royaume Dai Viêt nous apprennent qu’il existait à cette époque entre les deux pays des relations commerciales et diplomatiques. Si nous  n’en avons pas accès, elles ont fait l’étude d’une universitaire de Chulalongkorn, Madame Thanyathip Sripana  (6).

 

 

Il y est fait mention de la présence de Vietnamiens sur la terre de Siam. Le roi Narai  les avait autorisé à s'établir dans un quartier situé hors de la ville. Certains étaient sans doute venus s'installer dans le royaume pour commercer, d'autres pour échapper à la répression des empereurs annamites contre les catholiques. La terre d’Annam a été plus accueillante pour les catholiques que le Siam et les conversions y furent nombreuses. Principalement originaires du Sud du Viêt-Nam, paysans et non commerçants, possédant un savoir-faire dans les domaines de la navigation, que n’avaient pas les Siamois, de la pêche et du travail d'artisanat utiles au développement de ces activités dans le royaume. C'est à ces catholiques chers à Monseigneur Pallegoix que l’on doit la construction de la cathédrale de Chantaburi. Cet apport eut son prix lorsque le Siam se trouva confronté à la guerre contre les Birmans dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Ils furent  à cette époque bien accueillis mais toujours soumis à un statut d'étranger.

 

 

Époque Rattanakosin

 

En 1783, sous le règne de Rama Ier,

 

 

 

Nguyên Ành, fuyant la rébellion Tây Son, se réfugia au Siam avec sa famille.  Le général Châu Vàn Tiê'p, proches de Nguyên Ânh avait de bonnes relations avec Rama Ier, ce qui a permis à l'entourage vietnamien de Nguyên Ành de s'installer dans de bonnes conditions.  Après une deuxième défaite face à la rébellion Tây Son en février 1784,  Nguyên Ành se réfugia à nouveau au Siam, emmenant avec lui un grand nombre de compatriotes.  Rama Ier l’a alors autorisé à s'installer avec ses troupes dans un quartier limitrophe de la capitale appelé « Sam Sen » (สามเสน)  d'où le nom de « Vietnamiens de Sam Sen » (yuan Sam sen - ญวนสามเสน) qui leur fut donné.

 

 

Leur descendance se trouve toujours dans le quartier. Cette deuxième vague de réfugiés fut bien accueillie, car nombre d'entre eux étaient de la famille de Nguyên Ânh ou de son entourage et parce que leur savoir-faire dans tous les domaines pouvait contribuer à la reconstruction du pays.

 

 

Dans les luttes contre les Birmans, un certain nombre d'officiers vietnamiens servirent dans les armées siamoises en gardant leur ancien grade ou furent promus à des postes de commandement dans les forces royales tandis que d'autres furent  nommés chefs de village. Lorsque Nguyën Ânh décida de quitter Bangkok en 1786 pour aller demander secours à la France, certains Vietnamiens obtinrent de Rama Ier l’autorisation de  rester au Siam et s’installèrent à Bangkok.

 

Ils résidèrent dans le quartier de Bang Pho (บางโพ) d'où leur nom de « Vietnamiens de Bang Pho » (yuan bang pho - ญวน บางโพ). Il y ont d’ailleurs toujours leur temple appelé Wat Anam Nikayaram (วัดอนัมนิกายาราม)  ce qui signifie « temple annamite du bouddhisme Hinayana » ou plus simplement  Wat Bang Pho (วัดบางโพ).

 

 

De nombreux temples sont disséminés dans tout le pays témoignant de ces afflux incessants (7).

 

Après sa victoire sur la rébellion Tây Son et son couronnement en 1802 à Hué, Nguyên Ânh devint l'empereur Gia Long et régna jusqu’en 1820.

 

 

Il continua d'entretenir de bonnes relations avec Rama Ier et son successeur Rama II qui lui-même régna de 1809 à 1824. 

 

 

Minh Mang succéda à son père Gia Long. Le Siam de Rama III et l’empire annamite entèrent alors en conflit ouvert à propos du Cambodge, l’un et l’autre ayant ou prétendant y avoir des droits de suzeraineté. Les prétentions de Minh Mang se portait également sur le Laos.

 

 

Rama III engagea contre les Vietnamiens les hostilités sur le territoire cambodgien.

 

 

De nombreux Vietnamiens fuirent la guerre via le Laos et s’établirent  sur les rives du Mékong en particulier à Sakon Nakhon ou Nakhon Phanom. La cathédrale catholique du village de Ban Tha Rae (บ้านท่าแร่) ...

 

 

 

... dans la province de Sakon Nakhon – haut lieu du catholicisme thaï -  est le signe tangible de cette migration accélérée du fait de Minh Mang qui avait engagé des persécutions sanglantes contre les catholiques. 

 

 

Par ailleurs, pendant les quinze années que dura cette guerre, un grand nombre des Vietnamiens résidant dans les provinces cambodgiennes de Battambang et Siem Riep, furent faits prisonniers et déportés en terre de Siam essentiellement à Aranyaprathet et Surin et employés à des travaux de construction. Les persécutions contre les catholiques se poursuivirent sous le règne de l'empereur Tu Duc et l'immigration vietnamienne se poursuivit  de façon sporadique sous le règne du Rama IV.

 

Celui-ci avait adopté une politique étrangère ouverte accueillant tous les réfugiés vietnamiens quelle que soit la façon dont ils étaient entrés dans le pays et quelles que soient les raisons pour lesquelles ils venaient s'y établir. C'est ainsi qu'à la suite de ces dernières persécutions, 4000 Vietnamiens arrivèrent au Siam via le Laos et s’installèrent sur les rives du Mékong.

 

La plupart des Vietnamiens de ces premières vagues nous apprend Madame Thanyathip Sripana (6), ont obtenu la nationalité siamoise et ont abandonné leurs prénom et nom de famille vietnamiens au profit d'un patronyme siamois.

Époque coloniale (fin du XIXe et début du XXe siècle).

 

La colonisation française de la péninsule commença en 1858  sous le Second Empire à l’instigation de l’Impératrice, confite en dévotions et indignée contre les persécutions dont les catholiques faisaient l’objet. Elle débuta par l'invasion de la Cochinchine annexée en 1862, suivie de l'instauration d'un protectorat sur le Cambodge en 1863 .

 

 

Elle reprit à partir de 1883 sous la Troisième République avec l'expédition du Tonkin, corollaire de la guerre franco-chinoise, qui conduit la même année à l'instauration de deux protectorats distincts sur le reste du Viêt Nam.

 

 

En 1887, l'administration de ces territoires est centralisée avec la création de l'Union indochinoise. Deux autres entités lui sont rattachées par la suite : en 1899  le protectorat laotien, instauré six ans auparavant, et en 1900 Kouang-Tchéou-Wan, que la France avait commencé d'occuper deux ans plus tôt.

 

 

La colonisation suscita rapidement la naissance de mouvements nationalistes en Indochine, certains fidèles à la monarchie, d’autres ouvertement républicains.

 

La victoire éclatante des Japonais sur les Russes en 1905 leur démontra que les puissances colonisatrices n’étaient pas invincibles.

 


 

La répression de ces mouvements  fut féroce et les désintégra. Nombre de militants cherchèrent refuge au Siam.

 

Cette nouvelle vague s’installa dans le Nord-Est, toujours dans les provinces riveraines du Laos où elle reçut bon accueil des familles vietnamiennes déjà installées dans la région et de la population siamoise qui leur apportèrent aide et soutien, sans hostilités des autorités qui n’avaient pas oublié l’humiliation du traité de 1893 avec la France.  C’est dans cette région que naquit le noyau du mouvement nationaliste révolutionnaire vietnamien. Le traité de 1893 fut confirmé en 1925 par un accord franco-siamois confirmant que tout au long de la rive droite du Mékong et à l’intérieur de la zone démilitarisée de 25 kilomètres, les populations des deux rives pouvaient se déplacer et commercer librement moyennant une taxe d'immigration de 4 bahts. Beaucoup de réfugiés vietnamiens sont encore venus s'installer dans cette région en passant par le Laos et y vécurent en bonne entente avec la population locale.

 

 

La création de la République démocratique du Viêt-nam en août 1945.

 

 

 

Le gouvernement Pridi Banomyong après la deuxième guerre mondiale soutint ouvertement les mouvements de libération nationale en Asie du Sud-Est, y compris le mouvement vietnamien et établit des liens avec le gouvernement dès la déclaration d'indépendance. Après la défaite japonaise, la France entreprit la reconquête du Laos.  L’offensive culmina le 21 mars à la bataille de Tha Khaek (ท่าแขก - face à Nakhon Phanom contre les forces laotiennes et vietnamiennes du prince « rouge » Souphanuvong.

 

 

Après leur victoire, les Français, furent accusés à tort ou à raison d’avoir à titre de représailles rasé le quartier vietnamien de Tha Khaek. Dans les mois qui suivirent, 60 ou 70.000 Vietnamiens installés parfois de longue date sur la rive gauche du Mékong, franchirent le fleuve pour chercher refuge dans les provinces thaïlandaises du Nord-Est, Nongkhai, Nakhon Phanom, Loei ou Mukdahan. Le gouvernement de Pridi et  les autorités provinciales leur prodiguèrent une aide active, soins médicaux, logement, emploi, voire même des terres cultivables. Mais, venus chercher seulement un refuge temporaire, ils n’eurent droit qu’au statut d’immigrants, phu opphayop (ผู้อพยพ). Eux et leurs descendants devaient le conserver jusqu'à la fin des années 80. Beaucoup retournèrent dans leur pays natal bien avant

 

 

Une politique siamoise sinusoïdale à l’égard des Viêt kiêu.

 

En dehors de l’intermède guerrier sous Rama III, ces premières vagues de migration n’avaient pas été mal accueillies. Pridi, farouche anticolonialiste, soutenait la subversion indochinoise installée au Siam. 

 

 

Lorsque la résistance dans les trois pays indochinois éclata au milieu des années 40, des milliers de jeunes Vietnamiens  rejoignirent l'armée au Laos et au Cambodge. Le territoire thaïlandais constitua alors une véritable base arrière du mouvement de libération nationale vietnamien. Les provinces thaïes frontalières avec le Laos et le Cambodge devinrent pour l'armée de libération un lieu d'entraînement, de réparation du matériel, voire de refuge et de repos après les opérations militaires. La République démocratique du Viêt-Nam créa un bureau de représentation à Bangkok en 1946. Le Viêt-Nam marqua par la suite sa reconnaissance en donnant à l’une de ses divisions le nom de « Division Siam » et par la suite en remettant une décoration à la famille de Pridi.

 

Ainsi, dans un premier temps, avec Pridi au pouvoir, les Viêt kiêu - qu'ils aient ou non appartenu au mouvement de résistance  - jouirent d’une grande liberté.

 

Mais cette situation devait radicalement changer avec le coup d'État de 1947 qui allait réinstaller le maréchal Phibunsongkram à la tête du pays.

 

 

Résolument anticommuniste, ce gouvernement adopta dès la fin de 1947 une politique très restrictive vis-à-vis des Viêt kiêu : droit de résidence et de déplacement limité à un nombre restreint de provinces du Nord-Est, surveillance stricte de la part des autorités, interdiction de toute activité culturelle, interdiction de l'enseignement du vietnamien et fermeture des écoles vietnamiennes, incarcération sans procès et rapatriement forcé. Il fut interdit aux femmes de s'habiller à la vietnamienne avec le pantalon aux jambes larges et de porter le chignon. La fermeture des écoles et l'interdiction de l'enseignement du vietnamien - mesure similaire aux mesures qui touchaient la communauté chinoise - obligèrent les familles à enseigner leur langue en secret à leurs enfants. La photo de Hô Chi Minh, symbole du communisme, était interdite même à l’intérieur des maisons.

 

 

 

Toute famille en possession de cette photo s'exposait à être interrogée voire mise en prison car soupçonnée d'appartenir aux services secrets du Viêt-nam du Nord ou de coopérer avec eux dans leur entreprise de diffusion de l'idéologie communiste et de nuire ainsi à la sécurité nationale. Originellement fixé à 12, le nombre de provinces dans lesquelles les réfugiés étaient autorisés à résider et à se déplacer fut réduit à 8 dès 1950, à savoir les provinces de Nongkhai, Udonthani, Sakonnakhon, Nakhonphanom, Khonkaen, Ubonrachathani, Sisakhet et Prachinburi. De même une procédure d'immatriculation obligatoire des Viêt kiêu fut instaurée dans le but de surveiller de près leurs activités. Certains d'entre eux, soupçonnés de complicité avec le Viêt-Nam du Nord furent arrêtés et incarcérés sans procès. En juin 1951, le gouvernement de Phibunsongkram, ayant reconnu la légitimité du gouvernement de Bào Dai, ordonna au représentant spécial de la République démocratique du Viêt-Nam de quitter le territoire thaïlandais et le bureau de représentation fut fermé.

 

 

Cette politique fut poursuivie par les gouvernements militaires suivants.  Il pesa sur les Viêt kiéu une suspicion de subversion mettant en danger le régime thaï. Après la chute de Saigon et la réunification du Viet Nam cette politique s’accrut sous le gouvernement Thanin Kraivichien qui visait à éradiquer l'influence communiste.

 

 

La situation des Viêt kiêu en devint d'autant plus précaire et la propagande à leur encontre virulente jusqu’à l’arrivée de la normalisation.

 

La Thaïlande opéra une révolution en matière de politique étrangère en prenant ses distances vis à vis des Etats-Unis. En prenant le pouvoir en avril 1975, Kukrit Pramoj avait reconnu la légitimité du gouvernement de la République populaire de Chine et enclenché le processus de retrait des forces militaires américaines du territoire thaï.

 

 

Cette politique étrangère indépendante devait aboutir à la normalisation des relations diplomatiques avec le Viêt-Nam en août 1976 sous le gouvernement de Seni Pramoj, ...

 

 

...dans lequel Bhichai Rattakul, partisan de la politique du rapprochement avec les pays communistes indochinois, était ministre des Affaires étrangères.

 

Cette politique de rapprochement fut toutefois brutalement interrompue par le gouvernement militaire de Thanin Kraivichien.

 

 

Mais la faction militaire qui l’avait mis en place choisit de le déposer  en novembre 1977, et le général Kriangsak Chomanand devint Premier ministre.

 

 

Or celui-ci appartenait à la faction de l'armée qui avait soutenu le gouvernement Kukrit et était favorable au rapprochement avec les pays de l'ex-Indochine française. Les relations prirent alors un tour presque chaleureux concrétisé par la signature d'un accord de coopération technique et économique entre les deux pays le 1er janvier 1978.

 

L’invasion du Cambodge par l'armée vietnamienne fin 1978 changea une fois de plus la donne.

 

 

De 1980 à 1988, sous les trois gouvernements du général Prem Tinnasulanonda, les militaires maitres de la politique arguaient d’accrochages les opposant aux forces militaires vietnamiennes le long de la frontière cambodgienne et considéraient l'occupation vietnamienne du Cambodge comme une menace pour la sécurité nationale. Il fut fait état à tort ou à raison de possibles opérations de sabotage avec la complicité des Viêt kiêu du Nord-Est du pays.

 

 

Nouveau tournant, le processus de normalisation reprend à la suite des élections de 1988  et l'arrivée au pouvoir du général Chatchai Choonhawanque. La politique de « transformation du champ de bataille en zone de commerce » fut alors adoptée conduisant à la résolution du problème des Viêt kiêu.

 

 

Les efforts pour améliorer les relations entre la Thaïlande et Viêt-Nam commencèrent par des envois de délégations. Ce changement d'attitude fut  consécutif à l’annonce par le Viêt-Nam du retrait de ses troupes du Cambodge au plus tard en septembre 1989. Cette politique d’entente cordiale persista sous le gouvernement d'Anand Panyarachun.

 

 

Celui-ci prit la décision d'accorder la nationalité thaïe aux Viêt kiêu de troisième et deuxième générations, à savoir les petits-enfants et enfants des Vietnamiens arrivés sur le territoire thaïlandais au milieu des années 40.  La situation de ceux de la première génération devait être régularisée le 26 août 1997.

 

Ces (probablement) 50000 Vietnamiens implantés en Isan et environ 2.000 à Bangkok sont pour l’essentiel plus ou moins intégrés à la communauté thaïe bien qu’il existe des groupes qui maintiennent leur identité et l’usage de leur langue,  tendant à rester fermés sur eux-mêmes probablement beaucoup plus que dans les autres ethnies dont nous avons parlé par ailleurs. Ceci s'explique facilement par l'ostracisme dont ils firent l'objet pendant un demi siècle.

Nous trouvons un rappel de ce souci à ne pas oublier leurs racines dans un discours prononcé le 20 juillet 2019 par le président de l’Association générale des Vietnamiens en Thaïlande, lors du congrès tenu (comme il se devait) à Nakhon Phanom où vivent un grand nombre de Viêt kiêu (8).

 

 

Il est permis de penser que ce congrès s’est terminé par un pèlerinage à la maison toute proche de Ho-Chi-Min , le site lui consacre un culte le rapprochant de la déification, ce qui peut prêter à sourire(9).

 

 

NOTES

 

(1) Voir notre article INSOLITE 25 «  LES ETHNIES OFFICIELLEMENT RECONNUES EN THAÏLANDE POUR LA PREMIÈRE FOIS EN 2017 ».

http://www.alainbernardenthailande.com/2018/04/insolite-25-les-ethnies-officiellement-reconnues-en-thailande-pour-la-premiere-fois-en-2017.html

(2) « Ethnolinguistic Maps of Thailand » 2004 – ISBN 974-710365863

 

(3) « The Vietnamese in Thailand: a History of Work, Struggle and Acceptance » par

John Christopher Walsh de luniversité Shinawatra.

(4) Voir  « Sur le nom de Cochinchine » par Léonard Aurousseau in : Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient,  tome 24, 1924, pp. 563s.

 

(5) Voir notre article 11 « Origines des Thaïs ? Une courge de Dien-Bien-Phu ? » : http://www.alainbernardenthailande.com/article-11-origines-des-thais-une-courge-de-dien-bien-phu-97767868.html

 

(6) « Les « Việt kiểu » du Nord-Est de la Thaïlande dans le contexte des relations entre la Thaïlande et le Viêt-nam au cours de la seconde moitié du XXe siècle » in Aséanie 9, 2002. pp. 61-73)

 

(7) Le site  https://th.wikipedia.org/wiki/คณะสงฆ์อนัมนิกายแห่งประเทศไทย

Inventorie 22 temples annamites dont 7 à Bangkok, un seul en Isan (Udonthani), les autres éparpillés dans tout le pays ce qui laisse à penser que les Viets, implantés essentiellement en Isan, fréquentent plus assidûment les églises catholiques que les temples bouddhistes.

 

(8)  « Le  courrier du Viet Nam » du 5 octobre 2019.

 

(9) Voir notre article H 10 « LA « MAISON D’HO-CHI-MINH » PRÈS DE NAKHON PHANOM, MYTHE OU RÉALITÉ ? DU CULTE DE LA PERSONNALITE À LA DÉIFICATION ».

http://www.alainbernardenthailande.com/2017/06/h-10-la-maison-d-ho-chi-minh-pres-de-nakhon-phanom-mythe-ou-realite-du-culte-de-la-personnalite-a-la-deification.html

 

 

 

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