L’ordre (ธรรมยุติกนิกาย) fut fondé en 1833 par le prince Mongkut. Ce dernier, futur Rama IV, fut d'abord Bhikshu (ภิกษุสงฆ์) pendant 27 ans, de 1824 à 1851. Il devint également le premier supérieur du Wat Bowonniwet rachavihara (วัด บวรนิเวศราชวรวิหาร) en 1836.
Le temple est alors devenu le siège de la confrérie. Il eut ultérieurement des pensionnaires distingués, feu le roi Rama IX y passa 15 jours en 1956 après son ordination au temple du Bouddha d’émeraude.
Il en fut de même en 1979 pour son fils, le prince Vajiralongkorn (วชิราลงกรณ) actuellement Rama X.
En octobre 1976, le dictateur exilé et ancien Premier ministre, le maréchal Thanom Kittikachorn, était revenu en Thaïlande et y entrait comme novice ce qui fut diversement apprécié.
Durant ces années, le prince Mongkut avait voulu réformer les règles de discipline monastique et les rendre plus proches de celles des canons Palis enseignés dans les pagodes. L’exemple des missionnaires catholiques qu’il avait longtemps côtoyés et qui faisaient vœu d’obéissance à leurs supérieurs « perinde ac cadaver » ne fut peut-être pas étranger à cette exigence.
Il voulait aussi supprimer les différentes pratiques superstitieuses qui avec le temps étaient devenues parties intégrantes du bouddhisme siamois. Sans entrer dans des discussions théologiques sur la discipline bouddhiste, disons simplement que, plus que le bouddhisme traditionnel Mahanikaya (มหานิกาย), le Thammayut met davantage l’accent sur la discipline et la méditation.
Le conflit éclata au début de mars 1932 au Wat Pathum Wanaram (วัด ปทุมวนาราม) fondé par Rama IV en 1857 à Bangkok : Un groupe de novices et de jeunes moines de la confrérie Thammayut se sont révoltés contre l'autorité de l'abbé. Était-elle trop pesante ? Ils essayèrent de forcer l'abbé à leur remettre le pouvoir.
Le patriarche suprême, alors Chin Wonsiriwat (ชินวรสิริวัฒน์), pour désamorcer la bombe au plus vite convoqua cinq abbés de la confrérie Thammayut :
Somdet Wachirayanwong (วชิรญาณวงศ์) qui avait qualité de « Momratchawong » (หม่อมราชวงศ์ - ม.ร.ว) i.e. arrière-petit-fils de roi ce qui lui confèrait la primauté,
abbé du Wat Bowonniwet (วัดบวรนิเวศวิหาร);
Somdet Phuthakhosajan – Jaroen (พุทธโฆสาจารย์ - เจริญ),
abbé du Wat Thepsirin (วัดเทพศิริน) de Bangkok;
Phra Maha Wirawong - Uan (พระมหาวีรวงศ์ อ้วน)),
abbé du Wat Boromniwat (วัดบรมนิวาส) à Bangkok;
Satsanasophon - Jam (พระศาสนโศภน - แจ่ม),
abbé du Wat Makutkasat (วัดมกุฎกษัตริยาราม) à Bangkok et enfin
Thamwarodom - Seng (ธรรมวโรดม - เซ่ง),
abbé du Wat Rachathiwat (วัดราชาธิวาสวิหาร) à Bangkok.
Les moines dissidents et les novices furent bannis du temple. Uan fut désigné pour l’administrer jusqu'à ce que les choses se soient calmées. L'incident a incité la hiérarchie à adopter un décret durcissant les règles de discipline, interdisant aux moines de contester l'autorité de leurs aînés. Tous les moines qui se révolteraient contre l'autorité d'un abbé seraient punis sévèrement et éventuellement défroqués. Après avoir été expulsés de leur temple les révoltés furent reçus dans un autre temple Thammayut dans le même district, Wat Duangkhae (วัด ดวงแข) toujours à Bangkok.
Le décret ne les empêcha pas d'organiser un autre « coup d'Etat » qui semble avoir tourné court : Uan refusant cette fois de le gérer, la Sangha (สังฆะ) en décida la fermeture. On ne sait ce que devinrent les contestataires ?
Il est significatif que relever que ces « révoltés » tous jeunes moines venus du Nord-est contestaient la pesanteur de la hiérarchie. Trois mois plus tard un pronunciamiento, réussi celui-là, renversait la monarchie absolue. Les deux mouvements relevaient – semble-t-il – de la même philosophie ? Ces incidents indiquent que la jeune génération de moines Thammayut venus d’Isan pour la plupart voulait des changements dans la hiérarchie de la Sangha et en finir avec le pouvoir autoritaire de ses fonctionnaires ; Conflit de générations ? Querelle « des anciens et des modernes » ?
La source essentielle sinon la seule de cette révolte ecclésiastique est un chapitre de l’ouvrage de Kamala Tiyavanich « Forest recollections : wandering monks in twentieth-century Thailand » Honolulu, 1997.
L’auteur y fait référence à d’autres mouvements sporadiques à l’intérieur de Thammayut dans les années d’avant-guerre, à Khorat en particulier en 1934 et à Thonburi en 1938.
L’incident de 1934 est significatif et fut alors considéré comme mouvement de révolte insidieux à l’égard de la Sangha : Un responsable de Thammayut venu de Bangkok se rendit à Nakhon Ratchasima (นครราชสีมา) en « visite pastoirale ». Il arriva dans un village pendant le festival de Bun Phawet (บุญ ผะเหวด) qui se tient en Isan la pleine lune du quatrième mois lunaire vers la mi mars. Il y remarqua alors que presque tous les habitants parlaient lao (en réalité isan). Un après-midi, il entra dans le temple du village
et entendit le moine racontait l'histoire du Vessantara (มหาเวสสันดรา) d’une façon fort appréciée de ses ouailles. Furieux, il n’en comprend qu’une petite partie et décide de retourner à Bangkok.
Mais avant de s’en aller, il ordonne au moine de répéter son sermon en thaï de Bangkok pour déterminer si sa version était bien orthodoxe… Résister au centralisme de la Sangha par l’utilisation de la langue vernaculaire était aussi une forme de résistance.
L’ouvrage de Kamala Tiyavanich est une analyse très complète des rapports particulièrement complexes entre le bouddhisme Thammakut et le bouddhisme Mahanikaya, leurs formes provinciales et les divergences théologiques qui – à tort ou à raison – nous rappellent les discussions des Byzantins sur le sexe des anges.
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