Qu’avons-nous appris de l’Isan après ce voyage effectué en une trentaine d’articles ?
Le projet était assez ambitieux puisqu’il exprimait le désir de connaître, enfin d’approcher toutes les principales « réalités » de l’Isan, à savoir ses composantes historiques (et préhistoriques), administratives, économiques, culturelles, sociales, et touristiques…
Il impliquait donc une certaine humilité dans les « résultats » obtenus et une première approche susceptible d’être explorée de façon plus conséquente dans une phase ultérieure.
Il s’est écrit à partir de nos deux formations, nos deux sensibilités, nos deux expériences ... donc dans nos limites ; mais dans une volonté commune de faire « aimer » cette Région dans laquelle nous vivons avec nos deux femmes d’Isan, et que nous cherchons (un peu) à comprendre.
Découvrir l'isan donc : récits de vie, démographie, administration, diversité linguistique
1/ Nos avons commencé en évoquant quelques récits de vie, sachant qu’il y avait une multitude de parcours, de nombreuses histoires susceptibles de raconter les premières relations avec l’Isan, voire l’expatriation dans cette Région pour ceux qui avaient fait ce choix de vie.
Nous avons conseillé des blogs des « amis » installés en Isan,
qui exprimaient les différentes « approches », les différents « rapports » entretenus avec la vie d’Isan.
http://www.alainbernardenthailande.com/article-notre-isan-2-decouvrir-l-isan-via-les-blogs-71317647.html Nous aurions pu aussi aborder les questions pratiques, les pièges à éviter, mettre en garde sur les « arnaques » constatées, mais de nombreux forums abordent ces « difficultés ». La vie, ici comme ailleurs, n’est pas toujours un « fleuve tranquille » !
2/L’importance démographique
http://www.alainbernardenthailande.com/article-notre-isan-3-les-isan-des-vrais-thais-71449425.html
Nous avons voulu savoir ensuite ce que représentaient les Isans en Thaïlande (leur importance démographique, leur origine), pour découvrir qu’ils composaient 31 % des 68 millions de la population thaïlandaise et que les Siamois y étaient minoritaires (40%). Que sous ce terme se regroupaient en fait des groupes ethniques très divers, aux origines, traditions, coutumes, langues différentes, dont les 3 principaux étaient les Thaïs Isan, les Thaïs Kmer, et les Thaïs Kouis. Qu’ils avaient été « colonisés » par les Thaïs siamois qui avaient imposé leur langue, leurs normes et établit une « hiérarchie » avec ces autres peuples, comme avec les Muangs, les Pak Tai, les Kmers, les Chinois, les Khaek, les groupes montagnards (Karens, Hmongs, Akhas …) Ils étaient tous Thaïlandais, mais pas tous des vrais Thaïs . Nous avons longuement décrit ensuite cette thaïfication forcée (ou Thaïness) en étudiant l’importance du nationalisme.
3/ Nous avons appris la place de l’Isan dans l’ organisation administrative de la Thaïlande, qui comprend 4 zones géographiques selon l'Institut Royal Thaïlandais (le Nord, le Nord Est, le Centre et le Sud), divisées en 77 Provinces - qui correspondent en gros à nos départements. http://www.alainbernardenthailande.com/article-notre-isan-4-organisation-administrative-de-la-thailande-71449804.html
S’il y a env. 80.000 villages en Thaïlande, notre seule région Isan, (environ 22 millions d’habitants) comporte 20 provinces, 327 amphoe, 2.602 tambon et 27.440 villages.
Ainsi le Nord Est comporte 20 régions : 1. Amnat Charoen (อำนาจเจริญ) 2. Bung Kan 3. Buri Ram (บุรีรัมย์) 4. Chaiyaphum (ชัยภูมิ) 5. Kalasin (กาฬสินธุ์) 6. Khon Kaen (ขอนแก่น) 7. Loei (เลย) 8. Maha Sarakham (มหาสารคาม) 9. Mukdahan (มุกดาหาร) 10. Nakhon Phanom (นครพนม) 11. Nakhon Ratchasima (นครราชสีมา) 12. Nong Bua Lamphu (หนองบัวลำภู) 13. Nong Khai (หนองคาย) 14. Roi Et (ร้อยเอ็ด) 15. Sakon Nakhon (สกลนคร) 16. Si Sa Ket (ศรีสะเกษ) 17. Surin (สุรินทร์) 18. Ubon Ratchathani (อุบลราชธานี) 19. Udon Thani (อุดรธานี) 20. Yasothon (ยโสธร)
Chacune de ces Régions est divisée en districts en thaï อำเภ Amphoe ou Amphurcorrespondant à nos Arrondissements. Les districts sont dirigés par un Chef de district นายอำเภอ nommé par le Ministre de l'Intérieur et adjoint du Gouverneur. Ces Chefs de district correspondent à nos Sous Préfets. Ainsi par exemple, la Province d'Udon Thani est divisée en 18 districts Amphoe et 2 districts mineurs King Amphoe. Ces districts sont subdivisés en 155 communes tambon et 1682 villages.
La structure actuelle date de la réforme administrative de 1892, essentiellement sur la base des anciennes เมือง (transcription officielle mueang, prononciationmüang), petites chefferies locales datant du royaume d’Ayutthaya et alors dirigées par des roitelets plus ou moins soumis à la juridiction de Bangkok.
Nous pensons que les villages siamois ne se sont pas créés autour de leurs temples, mais que ce sont plutôt les temples qui se sont installés dans les villages au fur et à mesure de l’implantation plus ou moins tardive du bouddhisme. (Les statistiques sur le nombre de « wats » en Thaïlande varient selon les sources de 30 à 45.000). C’est manifestement autour des points d’eau que se sont édifiés nos villages, l’onomastique est là pour nous le montrer. Si le nom de nos villages français tourne souvent autour de leur clocher, celui de leur saint patron, celui des villages thaïs tourne autour de l’eau ! Combien de หนอง nong – étang, de บึง bung – marais, น้ำ nam – eau, แม่น้ำ mènam – fleuve, บ่อ bo – puits, สินธ์ sin – rivière, หวั้ย ouaï – ruisseau ? Combien de sources miraculeuses ? L’humanité les vénère depuis toujours, des sources de la Seine à celle de la Mecque, de Lourdes à la Grèce et à l’ancienne Egypte, elles donnent la vie et elles guérissent.
Une diversité linguistique
4/ Mais que cette division « administrative » en 20 provinces recoupait en réalité trois entités plus ou moins distinctes caractérisées surtout par la langue, et beaucoup moins par l’ethnologie, les coutumes et les traditions.
Les 7 provinces de l’Isan nord, ce sont spécifiquement les nôtres, celle de l’ « Isan lao ». On y parle couramment Isan dans les chaumières.
Les 8 provinces de l’ « Isan centre » (6 millions d’habitants environ) ont leurs propres spécificités linguistiques, on y parle le ภาษาผู้ไท, le phouthaï (qui ressemble à du thaï standard). Ethnologiquement, on trouve une très forte minorité vietnamienne, réfugiés catholiques d’Indochine dans les trois provinces riveraines du Mékong où fleurissent autant de clochers d’églises catholiques que de djedis bouddhistes.
Les 5 provinces du sud, environ 8.000.000 millions d’habitants, ce sont celles de la « route des temples khmers » conduisant à Angkor.
A l’ouest, dans la province de Nakhonratchasima, autrefois et toujours appelée Korat, on parle le ภาษาโกราช, le thaï de Korat, il y aurait 2 000 000 de locuteurs, au milieu encore des dialectes tribaux (le ภาษากุย le koui qui ressemble à du thaï, 300.000 locuteurs), à l’est, n’essayez pas de comprendre, c’est du khmer, la population d’origine khmer y est nombreuse. Il y aurait encore 2 000 000 de locuteurs.
Ces distinctions linguistiques sont bien évidemment fragiles, on peut parler koui à Udonthani, phouthaï à Kalasin et cambodgien à Khonkaen.
Mieux, dans un autre article, nous avons indiqué une réalité linguistique encore plus complexe,
avec le Mon, (la langue des premiers habitants du pays aurait encore plus de 100.000 locuteurs dont une grande partie sur Khorat), le Phouan (parlé par environ 100.000 personnes en Thaïlande, dont une partie à Loeï), le Lô (connu de 60.000 personnes environ à Nakhonphanom, Sakhonnakhon, Nongkhai et Kalasin), le Brou du couchant à Mukdahan (20 000 personnes), le Brou du levant, (5.000 fidèles à Sakhonnakhon). le Yoï, (5000), le Sèk (à Nakhonphanom, 11.000 locuteurs, proche du lao),le Yokoun a encore 10.000 fidèles en partie à Khorat.
Il resterait même 700 habitants d’un amphoe de Loeï qui connaissent le Thaïdam, quelques 300 initiés de la province de Loeï connaissent le Malabri,,et encore 200 de Sisakét, le Yeu. Et une dernière curiosité, quelques dizaines de musulmans d’un amphoe de la province de Khorat parlent encore un langage spécifique, lle Malais de Khorat, qui n’a paraît-il rien à voir avec le malais de Malaisie ?
Une « tour de Babel » ? Nous ne le pensons pas et signalions que chacun de ces dialectes- miracle de la technologie moderne- avait son site Internet (en thaï évidemment !).
commenter cet article …