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  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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17 août 2020 1 17 /08 /août /2020 22:19

 

 

Il faut au  préalable peser le choix des mots  et ne pas confondre un « régime démocratique » avec un « régime républicain ». Cette confusion est pourtant systématique bien que les deux mots et les deux concepts soient différents (1).

 

 

 

 

 

Nous en avons un exemple significatif dans une conférence tenue à Sydney  en 2004 par un éminent Universitaire américain, le professeur Patrick Jory (2).

 

 

Le titre de son article fort circonstancié « Republicanism in Thai History » est immédiatement suivi du sous-titre  « Démocratie:… un gouvernement dominé par les citoyens; le nom d'un gouvernement dirigé par un président; l'opposé de la monarchie, où le gouvernement est dirigé par un roi ».
 

 

 

 

La confusion entre les deux concepts s’explique fort aisément par le fait qu’en bon américain, il considère que le régime de son pays – une république effectivement et démocratique (plus ou moins)  – est le meilleur au monde, ce qui est depuis toujours l’opinion de ses dirigeants successifs qui s’efforcent de l’exporter sinon de l’imposer au monde entier (3).

 

 

 

 

Il nous dit lui-même que le terme thaï Prachathippatai (ประชาธิปไตย) est souvent traduit en anglais par « republic » alors que les Thaïs ont un mot spécifique pour décrire une république : Satharanarat (สาธารณรัฐ)

 

 

 

 

N’entrons pas dans de longues discussions linguistiques et contentons-nous de considérer la monarchie comme un régime dans lequel le pouvoir appartient à un monarque, du grec monarchos  (μόναρχος) « le pouvoir d’un seul »

 

 

 

 

et la démocratie, du grec dēmokratía   (δημοκρατία) « le pouvoir du peuple ».

 

 

 

Mais n’oublions pas :

 

1) qu’une « république » peut être aux antipodes de la démocratie tel par exemple  le régime qui résulte de la constitution française de l’an XII :

Article premier : Le gouvernement de la République est confié à un empereur, qui prend le titre d'Empereur des Français.

Article second : Napoléon Bonaparte, premier consul actuel de la République, est empereur des Français.

 

 

 

 

2) qu’une « monarchie » peut parfaitement être démocratique comme nous le verrons

 

 

.

Peut-on trouver dans l’histoire de l’Asie du sud-est sinon au Siam une tradition républicaine ? (4) 

 

 

La réponse est positive : I ’Inde aurait eu longtemps une tradition « républicaine » dont elle se flatte, entre 1500 et 500 av. J.-C. Le clan Sakya dont était issu Bouddha aurait été était une communauté politique non monarchique.

 

 

 

 

Il est certain en tous cas qu’à l’époque de Bouddha, existaient dans le  nord de l’Inde un grand nombre d’États qui n’étaient pas gouvernés par des rois. Appelons les « républiques » pour satisfaire les irrédentistes indous ! Leur plus grande expansion se situe entre le quatrième et le sixième siècle avant notre ère. Elles étaient donc contemporaines de Sparte, Athènes, Thèbes et Rome. Et leur extinction ultime intervint par l'établissement de l'Empire Maurya en 323 av. J.-C.

 

 

 

 

... à la même époque que l'anéantissement des cités grecques par Philippe de Macédoine à la bataille de Chéronèse en 338 av. J.-C. 

 

 

 

 

Quant à savoir si ces républiques étaient gouvernées de façon démocratique, il est permis d’en douter, probablement plutôt un régime oligarchique ou aristocratique ou théocratique. La question est largement controversée  bien que le débat ait été relancé par un érudit indien 20 ans après la création de l’Union indienne (4).

 

 

 

Il ne semble toutefois pas qu’aucun érudit thaï se soit lancé dans des tentatives pour relier une  dilection pour un régime démocratique aux écrits sacrés du bouddhisme en en faisant l‘exégèse. Pourquoi pas ?  Notre tradition française fait référence aux précédents de la Grèce, de la Rome antique, des cités-États italiennes de la fin du Moyen Âge : La tradition historique et la pensée bouddhiste qui ont contribué à façonner la pensée politique thaïlandaise semblent avoir peu à offrir. Pour autant s'il y eut des « républiques bouddhistes », elles n’étaient certainement pas démocratiques, ne serait- ce que par leur indifférence au système des castes.

 

 

 

 

Ce que nous connaissons de l’histoire du Siam est donc celle de l’histoire d’un pays dirigé de façon autocratique par un souverain maître de la vie et des terres, ce qui ne l’empêche pas d’être aussi le père de ses sujets.

 

 

 

La véritable origine de la pensée non pas républicaine mais démocratique remonte à la fin du  XIXe siècle et coïncide avec - ou a été stimulée par - d'une part, la menace imminente posée par les puissances coloniales européennes à l'indépendance du royaume et d'autre part la centralisation du pouvoir par la monarchie siamoise sous le roi Chulalongkorn

 

 

Elle se fera d’ailleurs sur un modèle étranger : La première expression officielle du désir de limiter les pouvoirs de la monarchie thaïlandaise apparaît dans une pétition présentée par un groupe de princes et de fonctionnaires royaux attachés aux ambassades du Siam à Londres et à Paris en 1885 conduite par le prince Prisdang (พระองค์เจ้าปฤษฎางค์)

 

 

 

 

Il règne alors sur le continent une crise aiguë : La Grande-Bretagne était en passe de vaincre les Birmans, dans la troisième guerre anglo-iranienne, qui aboutirait à l'annexion des régions restantes de la Birmanie non encore sous administration britannique et à l'abolition de la monarchie birmane. Dans le même temps, après deux décennies d'expansion de l'influence française, le Vietnam a perdu les derniers vestiges de sa souveraineté après la défaite de son seigneur tributaire, la Chine, dans la guerre sino-française de 1884-5.

 

 

 

 

C’est le roi lui-même qui avait demandé avis et conseils pour faire face à une situation internationale extrêmement difficile. Si le prince alors à Paris avait des opinions bien arrêtées, il fut hésitant avant de les donner et de transmettre directement ses propositions au roi. Il se déroba d’abord avec prudence en arguant du fait que son opinion pourrait lui disconvenir. Celui-ci insista alors pour l’inviter à lui écrire en toute franchise (6).

 

 

Il eut la sagesse de chercher – et de trouver – l’appui de trois princes alors en Angleterre, le  Prince Naresvararit, le Prince Svastisobhon et le prince Sonabandit.

La proposition soumise au roi est datée du 9 Janvier 1885 ce qui signifiait que le roi doit avoir écrit au prince un certain temps avant cette date, et bien avant la capitulation de la haute-Birmanie, qui a eu lieu en novembre 1885.

 

 

 

 

Les signataires notent la situation périlleuse du Siam dans la situation mondiale actuelle et exposent que la seule chance du pays pour sauver son indépendance était de changer son système de gouvernement. Les concessions et les compromis ne satisferaient pas longtemps les grandes puissances, comme le Japon l'avait découvert. Le Siam n'était pas en mesure de rivaliser militairement avec les Européens.

 

 

Accorder aux Européens des avantages commerciaux ne les satisferait pas longtemps. Les traités avec les puissances européennes ne sont pas une garantie de protection, comme l'avait appris la Chine. L'amélioration des moyens de  communications signifiait que l'engagement avec les Européens ne ferait qu'augmenter à l'avenir. Et le Siam ne pouvait pas espérer justice en vertu du droit international, car il n’avait été établi qu’au profit des puissances européennes et refusé aux pays asiatiques, comme le Japon en avait fait l’amère expérience.  En dehors de ces menaces extérieures, la pétition reconnaissait explicitement la faiblesse et le retard d’un système de gouvernement archaïque et le danger de la concentration du pouvoir entre les mains du roi et des membres de la famille royale. Le danger serait présent au cas où un roi médiocre monterait sur le trône (5).

 

 

 

 

 

Les pétitionnaires préconisèrent donc l’adoption d’une constitution de style européen comportant   un ensemble de sept demandes :

 

 

(1) que le système de gouvernement du royaume soit transformé d'une « monarchie absolue » en une « monarchie constitutionnelle », comme en Europe ou au Japon.

(2) qu'un gouvernement ministériel instauré, que l'administration du pays soit entre les mains de hauts fonctionnaires nommés par le roi  et que des règles claires de succession royale devraient être mises en place

(3) que la corruption officielle cesse en accordant aux fonctionnaires un salaire décent.

(4) que la population soit traitée de manière égale devant  la loi;

(5) que les coutumes ou lois critiquées par les Européens qui font obstacle au progrès du pays soient abolies;

(6) que la liberté de pensée et d'expression et celle de la presse soient autorisées; et

(7) qu'un système au mérite de fonctionnaires du gouvernement royal soit établi.

 

 

Il s’agissait d’une attaque frontale contre le système alors en place, mais certainement pas la revendication même déguisée – d’un système républicain.

 

 

Nous connaissons la suite défavorable que devait donner le monarque et la disgrâce du prince son cousin qui mourut dans la pauvreté.

 

 

 

Peut-être le roi mourut-il trop jeune, en 1910 à 57 ans, car il n’était pas par principe hostile à  l’instauration d’un système parlementaire dans son pays mais considérait en 1885 que c’était prématuré  (6) ?

 

 

 

 

Ce que nous avons toutefois de la critique de l'absolutisme ne s’étendait guère  en dehors de l'élite formée pour l’essentiel à l’étranger, mais aussi d‘un nouveau groupe social appelé Phraikraduphue (ไพร่กระฎุมภึ) que l’on ne peut traduire que par « roturiers », tous bouddhistes, tous ayant reçu une solide éducation à l’étranger, le plus souvent en Angleterre.

 

 

 

 

Le plus célèbre d'entre eux fut Thianwan, roturier prétendant être issu d'une famille noble d'Ayutthaya (7). Il était en tous cas apparenté au patriarche suprême, Sa (8). Adolescent, il avait travaillé sur un navire faisant du commerce avec les villes de la côte chinoise. Après avoir été ordonné moine, il étudia au Wat Bowonniwet où les fils de la famille royale étaient  habituellement éduqués. Après avoir quitté le monastère, il retourna au commerce et effectua des séjours à l'étranger. À son retour, il commença à travailler comme avocat. Profondément impressionné de culture occidentale, il en adopta les vêtements et affectait les manières du gentleman occidental.

 

 

C'est à travers sa pratique juridique qu'il a rencontré ses premiers problèmes qui ont finalement conduit à son emprisonnement pour une peine de dix-sept ans pour outrage.

 

 

 

Dans sa prison,  il a commencé à écrire et à proposer des réformes du royaume et c’est de là qu’il aurait proposé la mise en place d'un système constitutionnel au Siam. Libéré en 1898 il commença à publier un journal, Tunlawiphak photchanakit, avec un tirage d'environ 1000 exemplaires (9). Il y critiquait ce qu'il considérait comme les maux de son temps, la corruption, la mauvaise éducation, les jeux de hasard et autres vices, l'esclavage, la polygamie, le manque de liberté d'expression et de la liberté de la presse. Il a régulièrement dénoncé la rapacité des fonctionnaires du gouvernement et la corruption au sein du système judiciaire. Le plus significatif est son plaidoyer en faveur d’un système parlementaire, les États-Unis et le Japon étant selon lui les modèles les plus appropriés. La question de la forme monarchique du gouvernement n’est pas abordée : république ou monarchie ? Les États-Unis sont une république et le Japon une monarchie.

 

 

 

L'influence réelle de ses écrits est difficile à évaluer mais le prince héritier Vajiravudh dont nous connaissons les goûts pour la littérature en fit une parodie sarcastique illustrant le chaos qui arriverait au Siam si un système parlementaire était adopté.

 

 

 

 

En dehors de cette revue au tirage confidentiel et plus encore, il faut faire référence à la presse de langue thaïe appartenant aux occidentaux.  L'une des premières de ces publications fut le magazine Sayamsamai The Siam Times ») dirigé par un missionnaire américain, le Dr Smith, entre 1881 et 1885 dans le but de diffuser le message chrétien. Dirigée par un Occidental, car en vertu des lois sur l'extraterritorialité, ses rédacteurs ne pouvaient pas faire l’objet de poursuites par les tribunaux thaïlandais. Quel fut son impact ?  Il constituait en tous cas l'un des rares débouchés ouverts à la critique publique du gouvernement royal, les Siamois, élites et roturiers, pouvant y écrire de manière anonyme en profitant du statut juridique spécial de  l'extraterritorialité. Quoique consacré à l'évangélisation chrétienne, le magazine s’élevait contre les nombreux problèmes qui polluaient la société siamoise, notamment l'esclavage, l'exploitation des paysans, la fiscalité excessive et la corruption. Quelle que soit la nature du gouvernement - monarchie ou république – celui-ci avait besoin du consentement du peuple. Le magazine offrait des exemples de systèmes alternatifs, son préféré étant celui de la France qui s'était transformée d'une monarchie absolue en un système parlementaire.

 

 

 

La montée d’un sentiment républicain ?

 

 

Les germes d’une pensée républicaine étaient donc présents au Siam à la fin du XIXe siècle, bien que son étendue se soit limitée à une élite éduquée à l’étranger et principalement basée à Bangkok. Les événements internationaux de la première décennie du XXe siècle devaient fournir un engrais à ces semences. La victoire du Japon sur la Russie en 1905 et la révolution qui a éclata  en Russie cette année-là conduisirent à l’établissement d’une monarchie constitutionnelle.

 

 

 

 

Des révolutions constitutionnelles mirent également  fin aux régimes absolutistes : en Perse en 1906 et  l'Empire ottoman en 1908. Au Portugal, la plus ancienne puissance coloniale d'Asie du Sud-Est, une révolution renversa la monarchie en 1910 et transforma le pays en république.

 

 

 

 

Mais l’événement le plus significatif pour le Siam fut la révolution chinoise de 1911 et la fin de la monarchie impériale chinoise vieille de deux millénaires. La pensée révolutionnaire chinoise était déjà influente au sein de la grande communauté chinoise du Siam, en croissance rapide, qui  avec les Sino-Thaïs et assimilés, représentait peut-être la moitié de la population de Bangkok.

 

 

 

 

En 1907, Sun Yat Sen avait envoyé un ami, Wang Ching-wei, au Siam pour y créer une branche de l'Alliance révolutionnaire chinoise, agissant sous l’égide de l'Association Chung-hua.

 

 

 

 

Sun lui-même s’était rendu à Bangkok en 1908.

 

 

 

 

Des journaux en langue chinoise épousant les idées révolutionnaires furent fondés à cette époque. Une édition en langue thaïe d’un journal chinois, le Jino Sayam Worasap,  fut même publiée pour les Chinois les mieux assimilés qui avaient été éduqués en thaï et ne savaient plus lire le chinois. En 1908, la Chino-Siam Bank fut créée, alimentée par les dépôts des marchands chinois locaux, qui aida à financer les activités révolutionnaires. La doctrine de Sun Yat Sen des « Trois principes du peuple » (nationalisme, démocratie et bien-être du peuple) énoncée pour la première fois en 1905 fut traduite en thaï et circulait au Siam. Les idées y sont ouvertement républicaines.

 

 

 

La tentative de coup d’état républicain de 1912.

 

 

Le point culminant de cette démarche vers la démocratie fut l'échec du coup d'État antimonarchique de 1912 au cours de laquelle le mot de république fut pour la première fois prononcé. Il est connu sous le nom de kabot ro. so. 130 (กบฏ ร.ศ. 130)  ce qui signifie la rébellion de l’année 130. On compte alors les années non pas suivant le système occidental mais à partir de la fondation de la dynastie en 1782, elle intervint 130 ans après. Ses causes et son déroulement restent encore sujet à débat, et il ne semble pas qu’une étude circonstanciée autre qu’en thaï en ait à ce jour été effectuée (10).

 

 

 

Le mouvement a eu pour origine un incident survenu en 1909 au cours duquel, à la suite d’altercations entre des soldats du 2e régiment d'infanterie et les pages du prince héritier Vajiravudh qui demanda à son père de les faire fouetter, ce à quoi ce dernier acquiesça. Par ailleurs les officiers subalternes, les sous-officiers et les soldats, tous issus de rangs modestes, avaient été malmenés financièrement par la crise budgétaire de 1908, entraînant des coupes sombres dans le recrutement et les promotions ce qui touchait fort peu les officiers supérieurs tous issus de l’aristocratie et proches du trône.

 

 

 

 

Les conspirateurs réunis la première fois le 13 janvier 1912 avaient projeté de déclencher le mouvement le 1er avril, jour de fête royale. Au cours de diverses réunions, un vote a eu lieu parmi les principaux conspirateurs pour déterminer ce qu’ils feraient de la monarchie, une minorité était favorable à une monarchie constitutionnelle sous l’égide d’un prince de sang royal à choisir et la majorité souhaitant l’instauration d’une république. Il aurait été procédé à un tirage au sort pour décider lequel d’entre eux tuerait le roi ! Le vainqueur prit alors peur et dénonça le complot au Prince Chakrabongse.

 

 

 

 

Les comploteurs furent arrêtés au nombre de 300, le 27 février 1912. Il y eut cent six condamnations à mort dont trois seulement furent exécutées (11) et vingt-trois des condamnations à de longues peines d'emprisonnement (20, 15 et 10 ans). Tous bénéficièrent de la grâce royale en 1924 pour l’anniversaire du couronnement. Le monarque, occupé à ses traductions de Shakespeare n’était pas un sanguinaire.  Cette grâce fut confirmée par une amnistie générale les concernant après le coup d’État réussi de 1932.

 

 

 

 

Le complot avorté attira l’attention internationale : Le 6 mars, le New York Herald titrait « Le Siam est touché par la fièvre républicaine » et The Sun «  Want Republic in Siam »

 

 

 

 

Le mouvement aurait en réalité touché tout au plus 3000 personnes et aurait été caractérisé par l’amateurisme de son organisation et une conscience politique limitée de ses membres. Fut-il une simple aventure téméraire de quelques officiers mécontents soucieux de leurs intérêts personnels ou le signe d’une intrigue plus profonde ? Il démontra en tous cas une popularité – au moins relative – des idées républicaines chez des individus issus du peuple, éduqués et entrés dans la bureaucratie royale par la vertu des grandes réformes administratives du Roi Chulalongkorn, et qui trouvaient leur carrière bloquée par des membres de l'aristocratie qui détenaient le monopole des hautes fonctions par droit de naissance.

 

 

La révolte de 1912 entra dans l'histoire comme le premier mouvement ouvertement républicain organisé contre l'absolutisme au Siam. Fut-il le dernier ?

 

 

La déclaration du Parti du Peuple en 1932, rédigée  par Pridi, déclarait brutalement : « Le roi ne gouverne pas le pays pour le peuple, comme dans d'autres pays. Le roi traite le peuple en esclaves ... ». Nous sommes en termes de démocratie.

 

 

Sur la question du chef de l’État « le Parti populaire ne souhaite pas s'emparer du trône. Il invitera ce roi à continuer ses fonctions de roi, mais il doit être placé sous la loi de la constitution régissant le pays. Il ne pourra pas agir de son propre gré sans avoir reçu l'approbation de la Chambre des représentants ». Nous ne sommes pas là en république mais en monarchie constitutionnelle.

 

 

Au sein du Parti populaire lui-même, il y eut des dissensions sur la question de savoir ce qui se passerait si le roi refusait de se soumettre au projet de  constitution. La question fut vite réglée sans républicanisme, un nouveau roi serait choisi parmi les autres princes. Finalement, le roi accepta leurs demandes et sa signature de la constitution provisoire du 27 juin transforma formellement le Siam en monarchie constitutionnelle.

 

 

 

 

Il faut toutefois reconnaître qu’à la suite de l’abdication du Roi en 1935 et la désignation d’un enfant physiquement absent comme roi, la Thaïlande fut proche d'une véritable république. Il est probable que certains des membres du Parti du Peuple avaient envisagé de sauter le pas.

 

 

 

Vers un nouveau sentiment républicain chez les communistes     

 

 

À la fin des années 40, le seul groupe politique important portant la bannière du républicanisme était le parti communiste dont les origines remontaient à la fin des années 1920 parmi les ethnies chinoises et vietnamiennes jusu'à sa  fondation officielle en 1942. Le marxisme émergeait comme la critique dominante de la société thaïe. La courte période d'ouverture politique entre 1973 et 1976 vit l'influence croissante du marxisme parmi les étudiants, les travailleurs et la population rurale : Les idées républicaines devinrent de plus en plus associées à une opposition à la sakdina, ou « féodalisme »,

 

 

 

 

Notre propos n’est pas d’écrire l’histoire du parti communiste en Thaïlande mais de rappeler que le véritable coup porté au républicanisme thaï généralement communiste est venu avec l'effondrement du parti au début des années 1980 et la fin de l'insurrection basée dans la jungle à laquelle nous avons consacré deux articles (12).  Cette défaite d’une part et l’application de la législation sur le crime de lèse-majesté rend au demeurant la revendication d’un régime républicain. 

Par ailleurs, le système éducatif et les médias donnent à la monarchie une position d'hégémonie idéologique auquel contribua incontestablement le charisme du roi Rama IX et de son épouse au cours de ses 70 ans de règne. 

 

 

Somsak Chiamthirasakul, professeur d’Histoire à Thammasat a parlé de «monarchie institutionnelle de masse » (สถาบันกษัตริย์แบบมวลชน) (13).

 

 

 

 

Qu’il y ait incontestablement, après le mouvement des chemises rouges, des manifestations en faveur d’une véritable démocratie et la disparition des féodalités ne signifie pas qu’il y ait incompatibilité entre un régime monarchique et une société démocratique. L'indice de démocratie du groupe de presse britannique The Economist Group démontre que sur les 20 pays les mieux notés dans la hiérarchie, 10 sont des monarchies et les bons derniers des républiques même si cette classification et les critères retenus peuvent être sujette à critiques (14).

 

 

NOTES

 

 

 

(1) Voir les deux articles d’Hélène Desbrousses-Peloille «  Représentations de « république » et « démocratie » (première partie) ». In: Revue française de science politique, 34ᵉ année, n°3, 1984. pp. 467-490; 34ᵉ année, n°6, 1984. pp. 1211-1235; L’auteure est une spécialiste reconnue de la « Science-politique ».

 

(2) « Republicanism in Thai History », conférence du Dr Patrick Jory, de l’Université du Queensland tenue à la 12e conférence sur les études conférence Internationale sur les études thai tenue à Sydney du 22 au  24 avril 2004. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur la géopolitique de la région.

 

(3) Celle qui s’autoproclame « la plus belle démocratie au monde » est née de la déclaration d’indépendance de 1776 mais le pays resta esclavagiste jusqu’en 1865.

 

 

 

 

 

(4) Les études sont anciennes, un ouvrage relativement récent les a relancées « REPUBLICS IN ANCIENT INDIA C. 1500 B.C-500 B.C. » par  J. P. SHARMA.

 

 

(5) Le danger est réel. Les princes faisaient-il allusion au successeur potentiel de Rama V qui avait des qualités mais certainement pas les qualités exceptionnelles de son père. Ne murmure-t-on pas à Londres que si, en cette année 2020 la Reine s’accroche à son trône c’est qu’elle a des sérieuses craintes sur les qualités de son successeur ?

 

(6) Voir notre article A - 194 : LE PREMIER PROJET DE CONSTITUTION DE 1885

http://www.alainbernardenthailande.com/2015/09/le-premier-projet-de-constitution-de-1885.html

 

(7) Nous retrouvons cette affirmation amusante de nombreux siamois issus de classes modeste tels Pridi, l’ « homme qui a ouvert le Siam à la démocratie » qui se donnait des ascendances aussi prestigieuses que fantaisistes :

Voir notre article 211 - LA VIE « CACHEÉ » DE PRIDI … VUE PAR PRIDI  

http://www.alainbernardenthailande.com/2015/11/211-la-vie-cachee-de-pridi-vue-par-pridi.html

 

 

 

 

(8) Il fut patriarche suprême en 1893–1899.

 

(9) Voir l’article de Prirasri Povatong dans Manusya – Journal of humanities – 6-1  de 2003 « Transformation of Bangkok in the press during the reign of Rama V (1968-1910) »

 

 

 

(10) Notons la publication en 2012 pour son centième anniversaire de la très longue etude de Bannathikan Doisuthachaiyimpraso et Thipphaphon  Tantisunthon (บรรณาธิการโดย สุธาชัย ยิ้มประเสริฐ et ทิพย์พาพร ตันติสุนทร): จาก 100 ปี ร.ศ.130 -  ถึง 80 ปี ประชาธิปไตย  :100 ans depuis la rébellion de 1930 – 80 ans depuis la démocratie.

ร.ศ. est l’abréviation de Rattanakosin thornsok  (รัตนโกสินุ-ทรศก) année Rattanakosin.

 

(11) Le Capitaine Leng Sichan (ร.อ.เหล็ง ศรีจันทร์) le lieutenant Charun  Nabangchang  (ร.ท.จรูญ ณ บางช้าง)  et le sous-lieutenant Chuea  Sila-At (ร.ต.เจือ ศิลาอาสน์).

 

(12) Voir : 

H 28- LA GUÉRILLA COMMUNISTE DANS LE NORD-EST DE LA THAÏLANDE (ISAN) DU 7 AOÛT 1965 AU 23 AVRIL 1980 - PREMIÈRE PARTIE.

http://www.alainbernardenthailande.com/2018/12/h-28-la-guerilla-communiste-dans-le-nord-est-de-la-thailande-isan-du-7-aout-1965-au-23-avril-1980-premiere-partie-4.html

 

H 29 - LA GUÉRILLA COMMUNISTE DANS LE NORD-EST DE LA THAÏLANDE (ISAN) DU 7 AOÛT 1965 AU 23 AVRIL 1980. LA FIN.

http://www.alainbernardenthailande.com/2019/01/h-29-la-guerilla-communiste-dans-le-nord-est-de-la-thailande-isan-du-7-aout-1965-au-23-avril-1980.la-fin.html

 

(13)  สมศักดิ์ เจียมธีรสกุล : « เมื่อในหลวงประชวร ปี 2525 และข้อเสนอว่าด้วย สถาบันกษัตริย์แบบมวลชน » :

http://somsakwork.blogspot.com.

 

(14) L'indice de démocratie est un indice créé en 2006 par le groupe de presse britannique The Economist Group qui permet selon ses critères d'évaluer le niveau de démocratie dans 167 pays dont 166 sont des États souverains et 165 sont membres de l'O.N.U. Cette étude fut publiée pour la première fois en 2006 puis actualisée annuellement jusqu’en 2019, dernier état connu. Le calcul est fondé sur 60 critères regroupés en cinq catégories : le processus électoral et le pluralisme, les libertés civiles, le fonctionnement du gouvernement, la participation politique et la culture politique. La notation se fait selon une échelle allant de 0 à 10 et à partir de cette note les pays sont classifiés selon quatre régimes : démocratie, démocratie imparfaite, hybride et  autoritaire. Il faut évidemment le consulter avec un certain recul car il n’est pas certain que vivre dans la plus parfaite des démocraties soit le paradis terrestres et vivre dans la pire des dictatures y donne une vision de l’enfer.  Il y a ainsi 22 démocraties parfaites, incluant au demeurant la France au vingtième rang (de 1 à 22), 53 démocraties imparfaites (de 23 à 76) incluant au 25e rang les États-Unis et au 28e Israël, deux pays qui prétendant donner des leçons de démocratie au monde entier, 36 régimes hybrides (de 77 à 113) et (de 114 à 167) 53 régimes autoritaires. La Thaïlande est au 68e rang dans les démocraties imparfaites.

 


Que dire de nos voisins ? La Malaisie qui est régie par un système monarchique complexe est meilleure que la Thaïlande quoique également démocratie imparfaite, elle est au 43e rang. Le royaume du Cambodge est au 124e rang dans les régimes autoritaires. Il est à peine meilleur que les deux républiques communistes : le Vietnam (136e rang) et le Laos (155e rang). La Birmanie dont la dirigeante est chère au cœur de la bonne conscience démocratique universelle est au 122e rang battant tout de même le Cambodge de deux rangs ! Les deux derniers sont la république dite démocratique du Congo (ex Congo belge et ex Zaïre)

 

 

 

....et la Corée du nord.

 

 

 

 

Quant à Singapour, cette « Suisse de l’Asie », au 75e rang dans les démocraties imparfaites, elle est loin de notre voisine européenne qui est au 10e rang ! Le chef d’état de la Nouvelle Zélande (4e rang) est la Reine Elizabeth. Elle l’est également du Canada (7e rang), de l’Australie (9e rang). L’Angleterre est elle-même au 14e rang. Pourquoi ces détails ? Tout simplement pour souligner que sur les 20 régimes considérés comme les plus démocratiques au monde, Norvège (1ère), Suède (3e), Nouvelle Zélande, Danemark (7e), Canada, Australie, Pays-Bas (11e rang), Luxembourg (12e rang), Royaume-Uni, Espagne (16e rang), 10 sont des monarchies constitutionnelles quel que soit le rôle qu’y joue le monarque, aussi mince soit-il, notamment celui de la Reine Elizabeth dans les anciennes colonies  

 

 

Parmi les pires, en dehors des potentats mahométans du Maroc, du golfe ou du Proche-Orient qui ne sont que des gérants de SARL, on ne trouve que des républiques dont la plupart se disent « démocratiques » et ne sont que bananières. Cette classification vaut  ce qu’elle vaut mais elle a le mérite d’exister, critiquable et critiquée car elle l’est. Ne citons - sans parti pris - qu’un exemple : Cuba au 143e rang y est fort malmené. Or, le gouvernement de Fidel Castro en place depuis 1959 a eu une double priorité, le système de santé et le système éducatif. Le système de santé est unique, gratuit et accessible à l’ensemble de la population.

 

 

 

On vient en 2020 des États-Unis se faire soigner à Cuba. Le second souci de Fidel était l’éradication de l’analphabétisme. La campagne engagée en 1961 a pratiquement éradiqué l’analphabétisme 

 

 

 

 .. . mais tout cela eut un prix, l’éradication complète des libertés publiques.

 

 

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