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  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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Pourquoi ce blog ?

  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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Merci d’être venu consulter ce blog. Si vous avez besoin de renseignements ou des informations à nous communiquer vous pouvez nous joindre sur alainbenardenthailande@gmail.com

18 février 2019 1 18 /02 /février /2019 22:09

 

 

PRÉSENTATION

 

 

Mekong Watch (« regarder le Mékong ») est une organisation non gouvernementale (ONG) japonaise basée à Tokyo  dont les activités se concentrent sur les problèmes environnementaux et sociaux résultant de projets de développement dans la région du Mékong. La plupart de ses travaux portent sur des projets impliquant un financement du gouvernement japonais. En rapport avec les communautés touchées par les projets de développement, elle s’intéresse aux problèmes auxquels elles sont confrontées (1). Elle considère non sans raisons que la préservation des contes et légendes populaires contribue à la sensibilisation à l'environnement le long du fleuve. Depuis 2014, elle a demandé à plusieurs communautés proches du Mékong d’enregistrer leurs histoires et leurs légendes avec l’aide d’un groupe de chercheurs qui explorent la manière dont ces récits peuvent aider à exposer l’impact destructeur de projets de grande envergure dans la région.

 

 

 

Mekong Watch estime que ces histoires ont joué un rôle important dans la protection de la nature en évitant la surexploitation des ressources naturelles. Elle affirme que si une partie du patrimoine commun doit être protégé, ce ne sont pas seulement les ressources naturelles, mais également le « patrimoine immatériel ». Ces histoires – ces légendes ou ces contes - doivent être considérées, reconnues et respectées comme des biens communs des populations riveraines du grand fleuve surtout à une époque où ils perdent leur place dans les communautés locales au profit de médias plus « modernes » sans être transmis aux générations suivantes. Le groupe a pu collecter un total de 102 histoires au Cambodge, au Laos et en Thaïlande. Elles ont été enregistrées, transcrites et traduites dans les langues nationales de la Thaïlande, du Laos et du Cambodge avant la production d’une version anglaise. Elles ont été ensuite publiées par Mekong Watch. Pour notre ONG et les communautés menacées de la région, la préservation de ces histoires fait partie intégrante de la campagne de lutte contre les projets qui déplaceraient des milliers de personnes vivant le long du Mékong qui cherchent à s’adapter et/ou à résister aux changements en cours dans le bassin du Mékong. Notre région, l’Isan, est évidemment partiellement concernée puisque 6 de ses 20 provinces sont riveraines du Mékong et les autres de ses affluents (2). La première de ces légendes que nous avons plaisir à vous faire découvrir concerne le sel.

 

 

 

Historiquement, l’alimentation humaine aurait découvert le sel ajouté il y a seulement quelques milliers d’années au moment du passage d’une civilisation de chasse et de cueillette à celle de l’agriculture et de l’élevage. L’expérience a alors démontré qu’il était indispensable à l’organisme et par ailleurs fondamental pour la conservation des denrées alimentaires avant – ou après – avoir été découvert comme « exhausteur » de goût, permettant de faire ressortir les saveurs d’un plat, même insipide, en dehors de ses autres propriétés notamment comme accessoire pour la cuisine sur feu de bois.

 

 

 

 

LES GISEMENTS DE SEL DE L’ISAN

 

Si la salinité du sol est néfaste aux cultures (3), ces gisements ne comportent qu’une végétation embryonnaire dans un paysage lunaire, la richesse de ces gisements supplée à cette stérilité.

 

 

 

Des gisements de sel gemme gigantesques et de haute qualité se trouvent sous terre et surtout à fleur de terre en Isan. D’une épaisseur qui serait parfois de près de 100 mètres, ils seraient parmi  les plus importants au monde ? Ces gisements viennent-ils d’une mer salée qui aurait disparu il y a quelques millions d’années ? (4). Ne nous attardons pas, nous ne sommes pas géologues. La production de sel à petite échelle selon des procédés traditionnels ne concernant que la croûte de surface est toujours pratiquée et les habitants appréhendent une exploitation industrielle qui plongerait des forages dans les tréfonds du sol. Vous ne verrez probablement pas ces sites à ciel ouvert. Leur présence n’est signalée que par celle, en bord de route, d’échoppes qui vendent des sacs de sel en provenant (5).

 

 

 

 

Mais notre propos n’est pas de faire de l’histoire ni de la géologie. L’apparition du sel en Isan a sa légende, c’est celle que nous allons vous conter telle que nous l’avons recueillie sur le site de Mekong Watch (6).

 

 

 

 

Elle a été recueillie par Thongsin Thonkannya en 2014. Âgé de 57 ans, il vivait dans un petit village du sous-district de Wang Luang (วังหลวง), district de Selaphum (เสลภูมิ), dans la province de Roiet (ร้อยเอ็ด). Elle lui avait été contée par un moine qui l’avait lue sur un très ancien manuscrit sur des feuilles de latanier.

 

 

 

 

Le titre de l'histoire, « Le sentier des éléphants blancs » (Thangchangphueak  -  ทางช้างเผือก), fait référence à la région qui comporte d’immenses réserves de sel de terre encore et toujours exploitées de façon traditionnelle. Elle ferait également l’objet de l’un des 547 jatakas narrant l’une des 500 vies antérieures de Bouddha. La voici :

 

 

 

 

LE SENTIER DES ÉLÉPHANTS BLANCS.

 

 

C’est l’histoire du premier couple humain. Phraya Thaen (พระยาแถน), maître du ciel,  qui avait créé la Terre. Il voulut aussi créer des êtres humains. Il créa donc un homme et une femme et les envoya sur terre (7).

 

 

 

 

Alors qu’ils descendaient du ciel, une tornade s’abattit et les sépara. Ils se retrouvèrent chacun sur la rive d’une grande rivière. L'homme s'appelait Grand-père Sang Ka Sa et la femme Grand-mère Sang Ka Si. Quand ils atteignirent le sol, ils s’interrogèrent sur la façon de se retrouver. Ils plantèrent des piquets et utilisèrent des ceps de vigne pour construire un pont. Ils parvinrent à se rencontrer et s’entraidèrent pour survivre sur terre. Vint un jour où Sang Ka Sa voulut que Sang Ka Si devienne son épouse. Il lui dit  « Nous vivons ensemble depuis longtemps. Tu es une femme. Je suis un homme. Nous devrions avoir des enfants car nous sommes déjà vieux ». Elle lui répondit « Nous pouvons certes nous marier mais un homme est aussi un chef de famille et doit être un sage, travailler ne suffit pas. Si tu réponds à mon énigme, cela montrera que tu es ce sage et je serai ta femme. Elle n'est pas difficile à résoudre, si tu possèdes la sagesse, tu peux y répondre ».

 

 

 

L'énigme était la suivante « Dans ce monde, qu'est-ce que l'obscurité et qu’est-ce qu’est la lumière ? » Il lui dit alors « Je peux répondre, ta question est facile : L’obscurité est une nuit sans lune. Le soleil se couche et ensuite c’est l’obscurité. C'est la nature, nous le voyons tous les jours. Cependant, par une nuit de pleine lune, le soleil se couche et il fait jour. N'est-ce pas ? ». Sang Ka Si fut déçue et lui dit : « Non, ta réponse est fausse. Je ne peux pas être ta femme. Tu es doué pour beaucoup de choses mais tu n’as pas pu répondre à mon énigme. Je te donne une autre chance. Vas chercher la réponse. Je t'attends ».

 

 

Sang Ka Sa voyagea pour trouver la réponse. Il voyagea dix mille ans mais ne la trouva pas. Il fut déçu et décida de retourner voir Sang Ka Si.

 

 

Ayant appris qu’il revenait, Phya Thaen se transforma en saint ermite et l’attendit sur son chemin. Sang Ka Sa  vit l'ermite et lui posa la question : « Aidez-moi à résoudre cette énigme, dans ce monde, qu'est-ce que l'obscurité et qu’est-ce que la lumière ? J’ai voyagé pendant dix mille ans mais je n'ai pas encore trouvé la bonne réponse ». L'ermite lui répondit : « C'est une question de Dharma.. Le monde existe à cause du Dharma, c’est-à-dire la loi de l'ordre cosmique. Les ténèbres et la lumière, c'est l'esprit humain. S'il fait noir, le monde ne prospérera pas. S'il fait jour, le monde prospérera. Les ténèbres sont l'esprit humain qui n'accepte pas le Dharma. Apparaissent alors la morosité et la cupidité. La lumière, c’est l'esprit humain qui accepte le Dharma ».

 

 

 

 

Ayant la réponse, Sang Ka Sa fut heureux, quitta l'ermite et se précipita pour revenir voir Sang Ka Si. Cela lui prit encore dix mille ans. Le pont en ceps de vigne était toujours là et il traversa la rivière. Il retrouva Sang Ka Si et lui donna la réponse.

 

 

Celle-ci lui dit alors: « La réponse est bonne mais il t’a fallu vingt mille ans. Cela fait trop longtemps, j’ai changé et je ne veux plus t'épouser ». Sang Ka Sa déçu retourna de l'autre côté de la rivière tout à sa tristesse. Il demanda alors l’aide de Phya Thaen, en disant: « J’ai essayé en vain. Je veux épouser cette femme mais ça ne marche pas. Elle est trop intelligente ». Phya Thaen voulut trouver un moyen de les réunir tous deux. Il apparut alors en rêve à Sang Ka Sa et lui dit : « Tu vas modeler deux statuettes de buffles d’eau en argile, un mâle et une femelle ». Ainsi fit Sang Ka Sa à son réveil. Il traversa précipitamment la rivière et alla voir Sang Ka Si.

 

 

 

 

 

Phya Thaen le vit et ordonna à des thewas (เทวา - créature célestes) de naître en tant que buffles d'eau. Ainsi, les deux buffles d’eau prirent-ils vie. Quand Sang Ka Si le vit elle comprit que Sang Ka Sa était un sage et lui dit « Tu es venu ici pour me guider. Tu vas m’aider à construire une communauté. Nous devons avoir des enfants et des petits-enfants. Les deux buffles d’eau que tu viens de créer peuvent nous y aider ».

 

 

Sang Ka Sa fut heureux. Peu de temps après, la femelle buffle donna naissance à des bébés buffles. Sang Ka Si accepta enfin d'épouser Sang Ka Sa. Ils vécurent alors ensemble et eurent de nombreux enfants et petits-enfants.

 

 

 

Il survient toutefois un problème : Ils avaient du riz, du poisson et des fruits à manger, mais ils n'étaient ni savoureux ni nourrissants. Leurs enfants et leurs petits-enfants étaient malingres, faibles et sans intelligence. Phya Thaen l’apprit et s’en inquiéta. Il se transforma en éléphant blanc (chang phueak - ช้างเผือก).

 

 

 

 

L’éléphant traversa alors les terres de Sang Ka Sa et de Sang Ka Si et urina partout. L'urine se  cristallisa en une croûte blanche et sèche à la surface du sol. Sang Ka Sa et Sang Ka Si y goûtèrent et connurent le goût du sel. Ils suivirent les traces de l’éléphant, mais celui-ci avait disparu.

 

 

 

 

Sang Ka Sa et Sang Ka Si conseillèrent alors à leurs enfants et petits-enfants d'utiliser cette croûte pour en tirer du sel, l’utiliser pour la cuisson ou la confection du poisson fermenté et la conservation des aliments. Il fut ajouté à la nourriture pour la rendre savoureuse, ce qui aida les enfants et les petits-enfants à devenir plus forts et en meilleure santé.

 

 

Les descendants de Sang Ka Sa et de Sang Ka Si augmentèrent. Leur village se développa. Cependant, la quantité de sel était limitée et les villageois commencèrent à se disputer. Alors Phya Thaen se transforma à nouveau en éléphant blanc. Il marcha dans la région en urinant, du fleuve à la montagne en passant par la forêt de Himmaphan  (Pa Himaphanป่าหิมพานต์) qui, selon les croyances des bouddhistes, est une forêt du paradis (8). Cela fit de la région une région riche. Les descendants de Sang Ka Sa et de Sang Ka Si restèrent forts et en bonne santé. Une fois la saison de la récolte du sel terminée, ils pouvaient le vendre et cela continue jusqu'à ce jour (9).

 

 

 

Cette légende est de toute évidence une réponse anticipée à des projets d’exploitation forcenée des sites salins du nord-est par des organismes dépendant de la « finance anonyme et vagabonde » par forages et injection d’eau sous pression dans les nappes souterraines à grande profondeur. Ces projets semblent ne pas avoir eu de suite et nos sauniers de l’Isan peuvent continuer allégrement à extraire le sel de surface en utilisant des procédés manifestement venus de la préhistoire : La terre salée est déposée sur un filtre sur lequel on verse de l’eau qui, en traversant le contenu, dissout le sel récupéré dans un récipient déposé sous le filtre. L’opération se répète jusqu’à ce que tout le sel ait été dissous. L’eau salée est ainsi récupérée et chauffée dans un récipient jusqu’à ce qu’il ne reste que le sel après évaporation.

 

 

 

 

Il est une autre légende locale toute aussi singulière pour expliquer l'origine différente des lacs d'eau salée, nombreux en Isan et faisant l'objet d'une exploitation similaire à celle des marais-salants, Nous lui consacrerons un prochain article.

 

 

 

 

 

NOTES

 

 

(1) Le site http://www.mekongwatch.org/english/ est bilingue japonais-anglais.

 

 

(2) D’amont en aval : Loei, Nongkhai, Bungkan, Nakonphanom, Mukdahan et Ubon. La rivière Mun (แม่น้ำมูล)

 

 

 

 

 

et son affluent principal la rivière Chi (แม่น้ำชี) traversent l’Isan.

 

 

 

 

 

(3) Le seul arbre fruitier tropical, à notre connaissance du moins, qui pousse sans difficultés dans des terres gorgées de sel est le grenadier (thap thimทับทิม).

 

 

 

 

(4) Notons qu’il existe dans la région de Selaphum (เสลภูมิ), dans la province de Roiet (ร้อยเอ็ด) un grand lac salé appelé bungklua (บึงเกลือ le lac salé). Les habitants des environs l’appellent « la mer de l’Isan » (thalé isanทะเลอีสาน).

 

 

 

 

(5) Ce sel est de grande qualité, il a le mérite… de saler ! Son prix est dérisoire comparé à celui de la poussière blanche d’origine probablement chimique que l’on trouve dans les boutiques plus ou moins occidentalisées. La fabrication de sel de synthèse est une réaction chimique élémentaire à partir de sels de sodium (Na) et d’acide chlorhydrique (Hcl).

 

 

 

 

Il existe dans la province de Nan (mais nous ne sommes plus en Isan) un village appelé Bogklua (บ่อเกลือ - le puits du sel) qui offre une visite peut-être trop « touristiquement » organisée ? Il ne s’agit d’ailleurs pas de gisement à fleur de sol mais de puits alimentés par une nappe souterraine d’eau saturée en sel.

 

 

 

 

 

(6) La halite (du grec hals, « sel », et lithos, « pierre ») désigne le sel gemme. Les gisements d’halite proviennent de l'évaporation de mers ou de lacs salés. Ils sont composés de couches qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de mètres d'épaisseur. Les gisements de l’Isan seraient parmi les plus riches et les plus épais au monde.

 

 

 

 

(7) Phraya Thaen (également appelé Phaya Thaen,  Phifa ou  Phi Thaenพญาแถนผีฟ้า, ผีแถน) est, dans les croyances des habitants de l’Isan, la plus élevée des créatures célestes.

 

 

 

 

(8) Pa Himaphan (ป่าหิมพานต์) dans la mythologie hindoue est une forêt légendaire entourant le mont Meru. Elle abrite de nombreuses créatures célestes.

 

 

 

 

(9) Si l’on en croit Internet, dans un litre d’urine humaine, il y aurait 10 grammes de sel ? Si l’on en croit certains scientifiques (?) qui n’ont rien de plus sérieux à faire, un éléphant pisserait 160 litres par jour ? Si la proportion de chlorure de sodium (NA Cl) dans l’urine et la même chez l’éléphant que chez nous, et il n’y a pas de raison qu’elle ne le soit pas (?), un éléphant pourrait donc lâcher dans la nature 1,6 kilo de sel de cuisine ?

 

 

 

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commentaires

S
Très jolie légende, espérons que la récolte de sel à l'ancienne durera encore longtemps, à l'abri de l'appétit des financiers.<br /> J'ai bien aimé la chute de votre article ;-)
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G
S'il y a dans toute légende une part de vérité, je crois que le sel de mer reste préférable ! Je m'alimente en fleur de sel des salines du sud de Bangkok, j'espère qu'il ne vient pas de la pisse de baleines ?