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  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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21 décembre 2017 4 21 /12 /décembre /2017 04:54
H15 -  LE 13 JANVIER 1810, L’ÎLE DE PHUKET EST INVESTIE PAR UNE FLOTTE BIRMANE SOUS COMMANDEMENT FRANÇAIS.

Nous avons rapporté dans un précédent article l’édifiante histoire des deux héroïnes de Phuket parfois un peu abusivement comparées à notre Sainte Jeanne d’Arc telles qu’elles résultant de textes siamois traduits par le Colonel Gérini (1).

H15 -  LE 13 JANVIER 1810, L’ÎLE DE PHUKET EST INVESTIE PAR UNE FLOTTE BIRMANE SOUS COMMANDEMENT FRANÇAIS.

Ce n’est qu’un épisode parmi tant d’autres au cours de la longue théorie des guerres entre le Siam à la Birmanie depuis les premières au XVIe siècle jusqu’à ce que l’occupation définitive de la Birmanie par les Britanniques y mette un terme sans probablement que le Siam y ait trouvé son compte cerné désormais par les Anglais à l’ouest (Birmanie) et au sud (Malaisie) et les Français à l’est (Indochine) et bientôt au nord (Laos).

 

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Pourquoi ces guerres ?

 

 

La première guerre de la présente dynastie toujours en place depuis 1782 s’est déroulée sous le règne de Rama Ier et se termina par une déroute des Birmans mis en fuite par une armée conduite par deux femmes, des héroïnes peut-être, des furies certainement.

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Elle présente une caractéristique majeure que n’ont peut-être pas approfondie les historiens que nous avons consultés : alors que les conflits précédents se déroulaient essentiellement par voie terrestre, la première attaque birmane se fait en 1785-86 par voie de mer. Il faut y voir le signe évident que les Birmans ont désormais une marine de guerre.

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Mais que savons-nous de la marine de guerre birmane ? Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle la branche navale des forces armées royales consistait principalement en des bateaux fluviaux à faible tirant d'eau. Ses seules missions consistaient à contrôler la rivière Irrawaddy et accessoirement de protéger les navires transportant l'armée. Il s’agissait essentiellement d’une flotte de 500 galères maniées par deux douzaines de rameurs que l’on voit mal affronter la haute mer sur plus de 500 kilomètres...

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... et armées de ce que l’on appelait des jingals une espèce de mousquet primitif (2).

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Mais les Birmans ignoraient  tout de l’art de la guerre maritime. Aussi, au milieu du XVIIIe siècle, leur marine avait fait l'acquisition de quelques navires européens avec équipage européen qui commencèrent à être utilisés pour transporter les troupes dans le sud de la péninsule. Nous n’en savons malheureusement pas plus (3).

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Y avait-il par ailleurs une raison particulière à ces tentatives d’invasion de la côte occidentale siamoise autrement que d’incontestables visées expansionniste et l’intention de s’assurer de places stratégiquement importantes comme Phuket et la côte jusqu’au nord de l’île de Penang que le sultan de Kedah avait cédé aux Anglais en 1786 d’autant plus volontiers que l’île était alors déserte de tout habitant ?

 

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Il en est une autre qui nous a semblé d’évidence bien que n’ayant pas à notre connaissance fait non plus l’objet d’études approfondies. Ces campagnes furent en réalité la guerre de l’étain. Ce métal était alors plus précieux que l’or puisque, mélangé au cuivre, il entre dans la composition du bronze, une technique connue depuis l’âge du bronze bien avant notre ère. Si les armes blanches furent remplacées (pas toujours avantageusement) par les armes de fer, le bronze continua au moins jusqu’au milieu du XIXe siècle à être utilisé pour fondre les armes à feu et les canons de préférence à la fonte, mélange de fer et de charbon, pour obtenir une véritable force de frappe décisive.

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 Or, s’il n’y a pas de fer en Birmanie, il y a du cuivre et quelques gisements d’étain aux environs de Mergui mais l’essentiel de la production d’étain se trouve alors au Siam, aux environs de Ranong, à la hauteur de l’isthme de Kra et surtout à Phuket. La Thaïlande fut longtemps l’un des principaux producteurs mondiaux d’étain, après la Malaisie certes, mais la Malaisie n’est pas accessible aux Birmans de par la présence anglaise. Ces campagnes birmanes vers le sud étaient donc incontestablement et au moins pour partie la recherche de ce métal, la route de l’étain (4).

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La campagne birmane de juin-juillet 1809.

 

Nous en devons le récit au Colonel Gerini qui l’a puisé dans les Annales du second règne.

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En juin-juillet 1809, le roi de Birmanie n’avait certainement pas oublié la défaite humiliante subie par ses troupes face à une armée de femmes. Ayant appris la maladie du souverain siamois qui mourut le 7 septembre 1809, il ordonna au gouverneur birman de Tavoy d'équiper une flottille et de partir en exploration sur la côte ouest de la péninsule malaise pour y recueillir des nouvelles fiables sur les affaires siamoises. Celui-ci pris la mer avec 60 bateaux de guerre et 3.000 hommes. Il poussa jusqu'à Junkceylon, y jeta l’ancre et débarqua ses troupes pour s’emparer des principaux villages de la côte. Elles installèrent leur camp à environ 50 milles de la ville de Thalang. Les habitants furent pris par surprise mais le gouverneur put rassembler des hommes pour protéger les remparts. Les Birmans investirent la ville de trois côtés en se préparant à l'attaque. Les approches de la mer étaient surveillées pour interdire l’arrivée de tout secours extérieur.

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Le 7 août, l'ennemi ouvrit le feu. Le combat dura huit jours, les Siamois se trouvèrent rapidement démunis de munitions. Les Birmans prirent la ville d'assaut le mardi 15 août, massacrèrent les habitants et pillèrent tout ce qui pouvait l’être. Ils mirent ensuite le feu aux habitations et emmenèrent avec eux tous les survivants avant de faire route pour Tavoy. Le commandant en second de l’expédition resta toutefois en mer en arrière garde. L’anarchie la plus totale régnait dans le district. Le gouverneur de Thalang, dès avant la chute de la ville, avait réussi à fuir avec de nombreux habitants et s'était réfugié dans la jungle. Croyant l'ennemi parti il retourna avec les survivants dans la ville mais craignant de nouvelles attaques il rassembla des hommes, tenta de réparer les dégâts et renforça les palissades.

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Pendant ce temps, la flotte birmane subit une violente tempête venue de l’est qui précipita ses navires sur la côte où les forces siamoises, apprenant ce coup de chance, s'étaient rassemblées. Ils purent s’emparer de tous les navires et du commandant birman après avoir (probablement) massacré la plupart des ennemis survivants. Le Birman fut envoyé enchainé sous escorte à Bangkok. Le roi estima alors que le gouverneur de Thalang avait fait preuve de négligence devant l’ennemi, infraction grave punie de la peine de morte selon les lois siamoises. Mais il lui donna acte qu’il avait par ailleurs partiellement réparé sa faute en réorganisant la défense et réussissant à capturer de nombreux ennemis, y compris l'un de leurs chefs, ce qui  devrait lui éviter la peine capitale. Il le fit donc conduire à Bangkok avant de prendre une décision définitive à son égard. Il fut condamné à recevoir soixante coups de rotin et à être emprisonné en compagnie du chef birman. Ce dernier fut décapité au cimetière de Vat Saket, une mort ignominieuse puisqu’il s’agit du champ où l’on donnait les cadavres à manger aux vautours mais ainsi étaient les lois de la guerre à cette époque.

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Ses quelques compagnons d’armes par contre furent épargnés et simplement envoyés en prison. Par ailleurs, le roi siamois constatant que la défense de Thalang était difficile, considéra que son gouverneur avait subi une punition suffisante en restant trois mois en prison après les coups de rotin et considéra que par sa connaissance de l’île, il était le mieux à même de se charger de sa défense.

 

Nous ne cherchons plus comme nous l’avons fait dans notre précédent article (1) à situer géographiquement la capitale, tout ce que nous savons est qu’elle se situe sur la côte Est puisque les navires birmans y furent envoyés par une tempère venue de l’est.

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La campagne birmane de novembre 1809 à janvier 1810


Cette campagne est intéressante à plus d’un titre, tout d’abord parce que nous en avons une vision française de première main sous la plume du missionnaire, Jean-Baptiste Rabeau qui avait en charge la petite communauté chrétienne de l’île. Nous lui devons de savoir que la flottille birmane était cette fois conduite par un amiral français ce qui explique de toute évidence que nous allons voir apparaître un début de stratégie dans cette nouvelle attaque, ce dont jusqu’alors les Birmans étaient dépourvus (3). Il n’est pas inutile de souligner que dans aucune de ces guerres birmanes depuis trois siècles n’apparaissent la moindre notion de stratégie ou de tactiques. Ce ne sont que des chocs frontaux, la force physique et le courage affrontent la force physique et le courage, c’est le combat d’ Achille et d’Hector,

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celui des guerriers grecs qui commence par un échange d’injures dont Homère ne nous a pas fait grâce. C’est celui du roi Naresuan qui tue aux environs de 1591 ou 92 le vice-roi birman au cours d’un combat singulier.

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Mais nous allons ici assister à un début de stratégie probablement dû à la présence à la tête de l’armada d’un amiral français, Jean Barthel dont nous ne connaissons l’existence que par une lettre de J.B. Rabeau et probablement de nombreux marins français dans la flottille. Que venaient-ils faire en cette galère ? Ils étaient de toute évidence tous issus de l’émigration qui jeta entre 150.000 et 500.000 français – le chiffre reste discuté - dans tous les pays du monde pour échapper au massacre, à la noyade, à la pendaison ou à la guillotine … tout comme le père Rabeau (5). 

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La version siamoise.

 

Elle est celle des Annales du second règne que nous a traduit le Colonel Gerini. Le roi Birman avait envoyé le général Atong-wun (dont nous ignorons tout) à Tavoy dans le but de faire des raids sur Chumphon, Takuapa, Takuathung et Thalang. Vers la fin d'octobre 1809, cet officier ayant fait tous les préparatifs nécessaires par terre et par mer, dépêcha Ye-khong (dont nous ignorons également tout ? S’agissait-il du nom birman de Barthel comme c’est probable ?) à la tête d'un corps de quelque 4.000 hommes dans des bateaux de guerre pour attaquer Thalang et une force similaire de 3.000 hommes pour attaquer par voie de terre Ranong, Krabi, et Chumphon. Ye-khong s’empara de Takuapa le 17 octobre puis fondit sur Takuathung qui n'offrit aucune résistance, la population s’étant enfuie dans la jungle. Il se prépara donc à attaquer Thalang et, à cette fin, établit son quartier général à Pak-Phra. Le gouverneur de Thalang envoya aussi en toute hâte un message à Bangkok pour informer le roi du péril grave qui menaçait l'île et fit ensuite de son mieux pour assurer sa défense et fit entrer les habitants à l'intérieur des palissades. Les Birmans ayant débarqué et pris position, s'avancèrent pour attaquer la palissade à l'extérieur de la ville. Ils investirent la ville de Thalang en la cernant par des glacis reliés entre eux par des retranchements et des palissades construits avec beaucoup de soins... 

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et protégés par des chausse-trapes.

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Nous avons l’impression de relire la description de l’investissement d’Alésia par Jules César mais il est difficile de penser qu’un général birman ait pu lire la Guerre des Gaules.

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Cependant, rencontrant une résistance opiniâtre de la part des assiégés, l’amiral Birman décida de recourir à un stratagème et de feindre la retraite. Ainsi, après avoir mis le feu à ses palissades, il se retira avec les assiégeants et ils montèrent dans leurs bateaux faignant de s’enfuir vers la fin de novembre. Ce n’est plus Jules César que nous relisons mais Homère nous contant comment, après dix ans de siège et de vains combats devant la ville de Troie, l’ingénieux Ulysse, seul stratège de l’armée grecque, imagina le stratagème du cheval qui permit la chute de la ville.

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Le gouverneur siamois qui n’avait pas non plus lu Homère envoya des observateurs pour vérifier si les Birmans étaient bien hors de vue de l’île. Il laissa alors sottement les habitants quitter la ville pour vaquer à leurs occupations.

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L’amiral après avoir musardé sur la mer pendant quelques jours, s'imaginant bien que le peuple de Thalang avait dû abandonner ses fortifications, fit alors un retour précipité et débarqua en force dans le district de Phuket à la pointe de Yamu au nord de l’île. Il investit la ville de Thalang le dimanche 17 décembre 1809. Le gouverneur mobilisa alors ses troupes pour défendre ses palissades mais le temps lui manqua pour organiser une force suffisante pour assurer une défense efficace. Après diverses péripéties, les Birmans apprirent que des troupes siamoises étaient en route depuis Bangkok pour assister Junkceylon. Ils hâtèrent leurs opérations et prirent d'assaut Phuket qui tomba en un seul jour et envoyèrent les troupes disponibles assister celles qui étaient engagées devant Thalang. Le siège dura 27 jours et la ville tomba entre les mains des Birmans le samedi 13 janvier 1810. Ils la mirent au pillage et emmenèrent la population captive à Tavoy.

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La version française.

 

Le colonel Gerini a puisé – nous dit-il – dans les Annales du deuxième règne. Mais, continue-t-il, nous avons plus de détails sur ce siège fournis par Monseigneur Pallegoix (6). Celui-ci écrit en 1854. Il a eu accès aux archives des Missions étrangères de Paris où il a puisé le détail de sa narration, archives compilées par la suite dans des publications dont Gerini n’a pas eu connaissance et qui ne contredisent en rien la narration du prélat pas plus que celle-ci ne contredit celle des Annales siamoises (7).

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Ce récit provient essentiellement des correspondances du missionnaire Jean-Baptiste-René Rabeau (8). Nous n’en dirons que quelques mots : Devenu prêtre en 1789, il refusa de prêter serment à la constitution civile du clergé en 1792.

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Il fut emprisonné et déporté à Jersey puis réussit à rejoindre l’Angleterre en 1796. Il y prit en charge la paroisse des Toulonnais ayant rejoint l’Angleterre après la chute de Toulon en 1793, paroisse qui devait comporter de nombreux marins entrés au service de la marine anglaise et restés fidèles au drapeau blanc avec lesquels il s’est très certainement liés d’amitié. Il sollicite très vite son admission au sein des Missions étrangères. Il est Immédiatement agréé en 1800. Nous le trouvons à Saigon, Calcutta, Malacca, Bangkok puis en 1809 à Phuket où il a charge des âmes des chrétiens de l’île. Il s’y trouve lors des quatre semaines du siège. Avant que les Birmans n’entrent dans l’île, beaucoup de ses ouailles avaient réussi à prendre la fuite et se réfugier dans la forêt. Il y resta tout le temps du siège s’occupant à soigner les blessés, à baptiser et à évangéliser les païens. Lors de l’assaut final, les chrétiens restés voulurent alors sortir de la citadelle avec leur pasteur à leur tête. Ils rencontrèrent les Birmans, lance ou épée à la main. Rabeau s’avança vers eux, tenant de la main droite le crucifix, et de la gauche une image de la Sainte-Vierge, et leur dit « Je suis un prêtre du Dieu vivant, je n'ai fait de mal à personne ». Dieu toucha-t-il le cœur des Birmans ou se trouvait-il parmi eux des marins émigrés chrétiens ce qui est plus probable ? Laissons aux écrits des Missions Etrangères l’hypothèse du miracle, renouvellement de celui du Pape Saint Léon chassant Attila aux portes de Rome en brandissant la croix.

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Ils mirent leurs mains sur la tête du missionnaire et sur celle des chrétiens qui le suivaient et ils les firent asseoir. Ils les lièrent ensuite, et prirent à M. Rabeau sa soutane et son bréviaire. Peu après ils les délièrent, et par la protection d'un des chefs, ils les conduisirent dans le camp, leur mirent des liens aux pieds et fermèrent l'enceinte. Ce chef était probablement Jean Barthel, l’amiral Birman français dont parle Rabeau dans une correspondance du 22 janvier 1810 (8). Plus tard, un officier probablement chrétien les envoya chercher tous et les fit passer dans un autre camp où il demeurait avec le général (Barthel ?). Il leur procura toutes sortes de soulagements et de consolations. Les Birmans, après avoir tout saccagé dans l’île, s'embarquèrent pour aller dans un lieu voisin. M. Rabeau monta sur un des meilleurs vaisseaux. Le capitaine du vaisseau était chrétien et son ami. Peu de temps après qu'il fut en mer, les matelots, qui étaient originaires du Bengale ou des Maures, saisirent le capitaine et le lièrent pour le jeter à la mer. M. Rabeau leur parla avec force pour les détourner de cet homicide, mais ils le lièrent aussi et les jetèrent tous les deux à la mer; ainsi ce saint missionnaire mourut victime de sa charité. Ces scélérats massacrèrent: encore quelques autres personnes. Une tempête violente les empêcha d'aborder à l'endroit où ils voulaient aller. Ils furent jetés du côté de Madras où on les mit en prison et on instruisit leur procès. On peut se douter du sort qui leur fut réservé par la Justice anglaise ! Jean-Baptiste Rabeau et ses ouailles ne furent pas victimes des Birmans mais des mahométans.

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Nous pouvons, sans nous livrer à des extrapolations fuligineuses, raisonnablement penser que si l’île de Phuket est tombée aux mains des Birmans au début de l’année 1810 c’est avec l’aide stratégique d’un officier de marine français issu de l’émigration et probablement avec l’aide d’une armée comportant nombre de marins français également issus aussi de l’émigration. N’oublions pas que si de nombreux émigrés répugnèrent à s’engager dans des armées étrangères européennes qui combattaient leur pays d’origine même porteur du drapeau tricolore (5), il ne pouvait plus y avoir aucune angoisse métaphysique ni aucun scrupule à s’enrôler sous une bannière exotique à 3.000 lieux de leur patrie pour combattre des Siamois.

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Par ailleurs, l’épisode du sauvetage temporaire du père Rabeau et de ses chrétiens en brandissant la croix du Christ et une image de la Vierge-Marie, ce qui leur a évité le massacre, n’est pas innocent. Présent depuis près de 10 ans dans la région, le missionnaire ne pouvait ignorer qu’il y avait des chrétiens dans la marine birmane et que ce n’étaient pas des Birmans, les missionnaires catholiques n’ayant pas eu plus de succès en Birmanie qu’au Siam. Beaucoup étaient probablement de ces marins de Toulon qu’il avait connu à Londres et pour partie retrouvé aux Indes. Si nous ignorons à peu près tout de ces émigrés dans la lointaine Asie-du-Sud-Est, nous pouvons par analogie comparer avec ce qui s’est passé lors de la retraite de Russie en 1812 : De nombreux soldats de l’armée napoléonienne fait prisonniers par les régiments russes ne durent leur salut qu’à la présence d’officiers français issus de l’émigration qui réussirent à leur épargner le triste sort que réservaient les cosaques à leurs prisonniers qui finissaient en général brulés vifs, empalés ou enterrés tout vivants, des procédés dignes des Birmans de l’époque (9). 

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Des centaines de milliers d’émigrés, combien rejoignirent-ils l’Asie ? Probablement pas plus de quelques centaines qui ne nous ont laissé aucun souvenir, aucun mémoire, aucune correspondance à moins qu’il n’en dorme dans des archives privées. La moitié des émigrés ne revint jamais en France ayant trouvé une nouvelle vie et un nouveau pays. Combien reste-t-il de descendants de ces marins français en Birmanie, s’il en reste ? Combien sont morts sur le terrain dans la violence des combats ?

 

Devons-nous oublier ces quelques dizaines ou peut-être quelques centaines d’émigrés français venus se perdre dans la marine birmane ? Si l’on doit rendre hommage aux militaires français ou aux auxiliaires tonkinois morts de la vérole entre 1893 et 1895  et glorifier nos trois compatriotes tués par des projectiles siamois, doit-on pour autant oublier un missionnaire incontestablement martyr de la foi mort assassiné par des marins mahométans peut-être siamois et une poignée de ces Français, fussent-ils émigrés à la cocarde noire, (10) mais la portaient-ils ? probablement marins venus de Toulon qui contribuèrent à la chute de Phuket ?

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NOTES

 

(1) Voir notre article H14 – « LA VÉRITABLE HISTOIRE DES « DEUX HÉROÏNES DE PHUKET ».

 

(2) Voir « The story of Burma » par Ernest Georges Harmer, Londres, 1901.

 

(3)  Voir « Europe and Burma » par D.G.E. Hall, Londres, 1945).

 

(4) Voir L.-V.  Vasseur « L'étain dans le monde » In: Cahiers d'outre-mer. N° 54 - 14e année, avril-juin 1961. pp. 121-156.

 

(5) On considère trop souvent que les émigrés rejoignirent tous l’armée des princes à Coblence. Nous allons en retrouver dans tous les pays du monde, Europe bien sûr et États-Unis mais également en Asie. Nous avons trace d’un régiment de hussards qui s’est embarqué en 1795 pour les « Indes-orientales » comme on appelle alors la partie des Indes déjà occupée par les Anglais et au Bengale. En ce qui concerne la marine, rappelons que Toulon avait arboré le drapeau blanc et ouvert son port aux Anglais. Lors de la chute de la ville sous les canons de Bonaparte en 1793, la flotte anglaise réussi à évacuer 14.000 habitants dont probablement tout ce que le port comportait de marins expérimentés qui se retrouvèrent volontaires dans la marine anglaise où leur expérience fut appréciée. Beaucoup se trouvèrent probablement dispersés dans les possessions anglaises dont nul n’a conservé le souvenir. Sur ce sujet, voir « Histoire des émigrés français » par Antoine de Saint-Gervais, trois volumes, Paris, 1828 et  « Histoire de l’émigration, 1789 - 1825 » par F. de Monstrol, Paris, 1877.

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(6) « Description du royaume thaï ou Siam » volume II, pages 284-285.

 

(7) Adrien Launay «  Nos missionnaires, précédés d'une étude historique sur la Société des missions étrangères » 1886 et du même « Histoire générale de la société des missions étrangères » volume II de 1894.

 

(8) La vie du R.P. Rabeau a fait l’objet d’une importante étude « Un prêtre déporté en 1892 » par l’abbé Meignan, Paris, 1862 avec de multiples références aux archives des Missions étrangères.

 

(9) Le bicentenaire de cette désastreuse campagne en 1812 au cours de laquelle Napoléon lâcha 4 ou 500.000 hommes en Russie dont moins d’un quart revint a suscité une surabondante littérature, par exemple de Marie-Pierre Rey « l’effroyable tragédie », 2012. Les exemples de souvenirs de rescapés relatant leur sauvetage par des officiers français y sont nombreux.

 

(10) Beaucoup d’émigrés qui participèrent effectivement à la lutte contre les armées de la république puis de celles de Bonaparte sous un uniforme étranger auraient eu la coquetterie de porter sur leur bicorne une cocarde noire au lieu de la fameuse cocarde blanche qui n’était – selon eux- portée que par des bavards dans les salons de Londres et de Saint-Pétersbourg. Cette mode serait née à Toulon lorsque la ville était encore sous contrôle royaliste ? L’ouvrage de René Bittard des Portes « Les émigrés à cocarde noire » (1908) est un  classique de l’histoire de ces combattants perdus. Il est malheureusement muet sur ceux qui se seraient perdus en Asie.

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