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  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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17 février 2016 3 17 /02 /février /2016 22:02
220. DE « LA LIBÉRALISATION » DU RÉGIME   A LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DU MARÉCHAL PHIBUN (1955 – 16 SEPTEMBRE 1957)

Rappel du contexte.

 

Le 27 juillet 1953, la Corée du Nord et la Chine, alliées dans la guerre de Corée, signent l'armistice de Panmunjeom avec le commandement des Nations unies, allié à la Corée du Sud. L'accord met fin aux combats dans la péninsule coréenne. La Conférence de Genève de juin 1954 doit régler l’état de guerre en Corée et arriver à un traité de paix dans une négociation entre l’Union soviétique, la Chine, les États-Unis et la Grande-Bretagne, mais le débat se porte sur la guerre en Indochine, qui, depuis 1946, opposait principalement la France au Việt Minh dirigé par Ho Chi Minh.

220. DE « LA LIBÉRALISATION » DU RÉGIME   A LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DU MARÉCHAL PHIBUN (1955 – 16 SEPTEMBRE 1957)

Le traité est signé le 20 juillet 1954 à Genève, entre la République française et la République démocratique du Viêt Nam, mais Les États-Unis et l'État du Viêt Nam — créé par les Français en 1949 en remettant au pouvoir l'ancien empereur Bảo Đại — ne signèrent pas la déclaration finale.

220. DE « LA LIBÉRALISATION » DU RÉGIME   A LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DU MARÉCHAL PHIBUN (1955 – 16 SEPTEMBRE 1957)

Parallèlement à la Conférence de Genève, lors de la conférence de Manille, est créée, sous l’impulsion des Etats-Unis, l’Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est (OTASE), le 8 septembre 1954, signé par la Grande-Bretagne, la France, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Pakistan, les Philippines  et la Thaïlande, qui se donne comme objectif de mener une  politique de containment  face au développement du communisme en Asie du Sud et du Sud-Est.

 

 

220. DE « LA LIBÉRALISATION » DU RÉGIME   A LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DU MARÉCHAL PHIBUN (1955 – 16 SEPTEMBRE 1957)

 Le traité fut ratifié par l’Assemblée nationale siamoise le 22 septembre 1954. Et le 23 février 1955, la première conférence des ministres des Affaires étrangères  des pays membres de l’OTASE se tenait à Bangkok, qui était deux jours plus tard, désigné comme le siège des organes permanents de  l’Organisation.

 

Nul doute que ce traité constituait une victoire politique pour Phibun. Il faisait de la Thaïlande, un membre reconnu « du monde libre » et une alliée privilégiée des Etats-Unis dans la lutte anti-communiste. Phibun put d’ailleurs présenter ce nouveau visage « démocratique »  et  « libéral » de la Thaïlande du 14 avril au 22 juin 1955 dans les principales capitales occidentales. Nous avons vu qu’en mai 1955, il fut même reçu par le président Eisenhower qui l’honora de la médaille du mérite pour son opposition résolue au communisme et qu’il eut un grand  succès dans les journaux américains qui saluèrent  « ce remarquable leader  démocratique. (Sic)» (Cf. Par exemple New York Times, 11 mai 1955). De retour au pays, il tentera effectivement une « démocratisation » du régime.

220. DE « LA LIBÉRALISATION » DU RÉGIME   A LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DU MARÉCHAL PHIBUN (1955 – 16 SEPTEMBRE 1957)

Une expérience de démocratisation.

 

En suivant, une fois de plus Pierre Fistié, in « L’évolution de la Thaïlande contemporaine ».

 

A la fin du mois de septembre 1955, « La loi sur les partis politiques » est promulguée, en sachant que des élections doivent avoir lieu au début de 1957, selon la Constitution de 1952.

 

Création ou re-création des partis politiques ?

 

Le 29 septembre, le parti gouvernemental, le Parti Manangkasila (พรรคเสรีมนังคศิลา), est constitué et a comme secrétaire général le général Phao, chef de la police (10 février 1954,  vice-ministre de l’intérieur devient vice-ministre des finances jusqu’au 5 août 1955. Le 2 août 1955, le 1er ministre Phibun a pris soin de se nommer ministre de l’intérieur). Dans la mouvance gouvernementale, on retrouvait le parti  Thammathipat (พรรคธรรมาธิปัตย์) dirigé par le secrétaire de Phibun ...

220. DE « LA LIBÉRALISATION » DU RÉGIME   A LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DU MARÉCHAL PHIBUN (1955 – 16 SEPTEMBRE 1957)

... et le parti « unioniste » ayant l’appui du maréchal Sarit.   

 

Le 30 septembre, Khuang Aphaiwong reconstitue le Parti Démocrate (พรรคประชาธิปัตย์).

 

 

220. DE « LA LIBÉRALISATION » DU RÉGIME   A LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DU MARÉCHAL PHIBUN (1955 – 16 SEPTEMBRE 1957)

Le 1er octobre, création du Parti démocrate libre avec Met Ratanaprasit et Charabut Ruangsunwan, plutôt de gauche, comme le Parti travailliste fondé fin 1955, dont le leader est Prakop Tolakam (Militant du syndicat des travailleurs du rail et en 1952 employé du Thai National Trade Unions Congress (fondé par Phibun)). Un parti opposé aux députés nommés et neutraliste sur le plan extérieur, et donc opposé à l’OTASE.

 

A la fin 1955 également, création du Parti économiste, fondé par Thep Chotinuchit. (Député du Nord-Est en 1937, et  de 1949 à 1951, vice-ministre du commerce du gouvernement Phibun) avec deux autres ex-députés du Nord-Est (Lesquels ?)

220. DE « LA LIBÉRALISATION » DU RÉGIME   A LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DU MARÉCHAL PHIBUN (1955 – 16 SEPTEMBRE 1957)

Il a un programme  en faveur du rôle de l’Etat accru pour l’industrialisation, et préconise une politique plus décentralisée et une instauration d’un vrai régime parlementaire ; avec une position neutraliste à l’extérieur. Thep Chotinuchit se fera remarqué par un voyage en chine en février 1956 où il rencontrera des exilés siamois, membres du Parti communiste thaïlandais. Il fut emprisonné au retour avec ses partisans, mais sera relâché. Le Parti économiste pourra participer aux élections.

 

Plus surprenant, en mars 1956, la fondation d’un autre parti de gauche, le Parti socialiste, dirigé par un travailleur Wasit Siphat (A travaillé dans les ateliers du chemin de fer de 1936 à 1951). Il dit avoir pour but la révolution économique et sociale, mais est surtout en faveur du mouvement coopératif. Il fera campagne pour la libération des « communistes » emprisonnés en septembre 1952. (Ils seront amnistiés lors du 2500ème  année de l’ère bouddhiste). On verra encore un autre parti de gauche, le Parti social-démocrate qui sera créé dans le courant de 1956 par Suthep Sachakhun (Sans expérience politique, employé dans une maison d’import-export, fils d’un planteur de caoutchouc de Pattani). Et enfin le dernier des principaux partis, le  Parti Hyde Park.

 

Le Parti Hyde Park ? Que l’on ne peut comprendre que par la volonté de Phibun de libéraliser le pays à son retour des capitales occidentales (14 avril au 22 juin 1955).

 

Lors de son court séjour à Londres, Phibun avait été étonné par les orateurs qui pouvaient exprimer librement leurs opinions à Hyde Park. Il eut l’idée de créer à son retour cette « institution » à Bangkok. Il donna les autorisations nécessaires et chaque semaine, des orateurs pouvaient exprimer via micro et hauts parleurs, leurs opinions depuis une estrade installée sur la place du Phramène, située près du Palais royal. 

220. DE « LA LIBÉRALISATION » DU RÉGIME   A LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DU MARÉCHAL PHIBUN (1955 – 16 SEPTEMBRE 1957)
L’endroit devint populaire et la foule pouvait entendre des accusations portées contre le gouvernement, contre Phao et les abus commis par la police, contre la politique extérieure, etc. Le succès fut-elle que  d’autres « Hyde Park » se créèrent dans d’autres villes de province ; ce que n’avait pas prévu Phibun. Aussi le 21 février 1956, le général Phao annonça à la radio « qu’il donnait aux autorités provinciales l’ordre d’interdire les réunions et les manifestations publiques. » (Fistié, p.239).

 

Mais le succès se poursuivait à Bangkok et pouvait prendre la forme de manifestations comme en juin 1956, où des meneurs furent arrêtés, puis relâchés sous la pression de la foule. Avec la menace qui pesait, certains orateurs  furent amenés à créer  le  Parti Hyde Park. Leur programme était flou et l’organisation très limitée.

 

Mais malgré la surveillance policière, les discours des orateurs avaient d’autant plus de succès que certains étaient reproduits dans la presse, qui avait retrouvé sa liberté d’expression. De nombreux abus étaient ainsi dénoncés, « les journalistes les plus audacieux n’hésitaient pas à qualifier les policiers « d’assassins » et de « gangsters. »

 

Phibun, avait aussi retenu l’idée des conférences de presse, lors de son bref passage aux Etats-Unis. Conférences au cours desquelles, les journalistes n’hésitaient pas à se livrer à de violentes critiques, voire à exposer leur point de vue –moyennant finances-  des hommes politiques et des opposants. On trouvait également des nouveaux journalistes issus des nouveaux hebdomadaires fondés par certains orateurs de « Hyde Park ». Bref, on avait là le début d’une libéralisation du régime, qui devait être plus manifeste avec  des élections réellement démocratiques. Le furent-elles ?

220. DE « LA LIBÉRALISATION » DU RÉGIME   A LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DU MARÉCHAL PHIBUN (1955 – 16 SEPTEMBRE 1957)

Les élections générales du 26 février 1957.

 

La loi électorale du 4 février 1956 avait porté le nombre de sièges à 283 (dont 123 nommés), et bien sûr autorisé les partis politiques à présenter leurs candidats. Mais une fois de plus, la fraude fut au rendez-vous.  

 

(Il faut se rappeler que le parti gouvernemental, le Parti Manangkasila avait comme secrétaire général le général Phao, le chef de la police et que  le 1er ministre Phibun était alors ministre de l’intérieur également.)

 

Il y eut en effet une manipulation, car aux 2/3 des résultats connus, le Parti des Démocrates suivait de près le Parti gouvernemental Manangkasila, et puis après une interruption des résultats de quelques heures, il fut annoncé que le parti gouvernemental avait obtenu 86 sièges, et le Parti Démocrate  30 sièges, les petits partis de gauche obtenaient 21 sièges  (9 au Parti économiste, 2 au parti « Hyde Park et 11 au Parti démocrate libre). De plus, la majorité gouvernementale était renforcée par les 9 députés du parti  Thammathipat dirigé par le secrétaire de Phibun et du parti « unioniste » pro-maréchal Sarit. Le total des votants était de 5.568.556, soit 57,50 pour cent (contre 41,50 en 1933) ce qui est significatif d’une fraude massive.

220. DE « LA LIBÉRALISATION » DU RÉGIME   A LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DU MARÉCHAL PHIBUN (1955 – 16 SEPTEMBRE 1957)

Pour Seni Pramot qui lança un vain appel à l’annulation, ce fut « the diertiest election ever  » (« la plus sale élection jamais vue »).

 

220. DE « LA LIBÉRALISATION » DU RÉGIME   A LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DU MARÉCHAL PHIBUN (1955 – 16 SEPTEMBRE 1957)

La fraude était trop  évidente et il y eut des protestations générales dans la presse et chez les étudiants, et même chez certains partisans de Sarit, qui d’ailleurs déclencheront une campagne contre Phao de mars à juillet 1957. De fait, le grand vainqueur était le général Phao, le patron du Parti gouvernemental Manangkasila, qui par cette victoire déséquilibrait le rapport de force entre la police et l’armée et les cliques au pouvoir.

220. DE « LA LIBÉRALISATION » DU RÉGIME   A LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DU MARÉCHAL PHIBUN (1955 – 16 SEPTEMBRE 1957)

Une nouvelle crise commençait.

 

Le 2 mars 1957, Phibun proclamait la loi martiale et chargeait le maréchal Sarit, chef de l’armée de la mettre en œuvre, mettant ainsi la police (Donc Phao) sous sa subordination. On peut imaginer des tractations, car 10 jours plus tard, la loi martiale était levée et le 21 un nouveau gouvernement était approuvé par le roi avec sa signature et annoncé officiellement le 31 mars 1957.

 

Il établissait un savant équilibre entre l’armée, la police, la marine et l’aviation. C’était le 26ème gouvernement de la monarchie constitutionnelle. Il était composé de 22 militaires et de 4 civils (21 mars 1957-16 septembre 1957)La période de « libéralisation » avait été de courte durée.

 

On pouvait remarquer que le général Phao était promu à l’intérieur, que son beau-père, le maréchal Phin recevait le ministère de l’agriculture (Vous vous souvenez, responsable avec le colonel Luang Kat Songkram du coup d’Etat du 8 novembre 1947) ; que le maréchal Sarit devenait ministre de la Défense, que ses « amis »  le général Thanom était son adjoint (On le retrouvera accomplissant un coup d’Etat et devenir 1er ministre le 1/01//1958), et le général Phaphat le vice-ministre de l’Intérieur (Bien placé pour « surveiller Phao). Les chefs d’état-major de la marine et de l’aviation, l’amiral Luang Yudhasastr Kosol (Prayoon Sastraruchi)  et le général Fuen Ronapakas Riddhagni étaient nommés pour le prestige, vice-premiers ministres.

220. DE « LA LIBÉRALISATION » DU RÉGIME   A LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DU MARÉCHAL PHIBUN (1955 – 16 SEPTEMBRE 1957)

On pouvait croire alors que la crise était passée, surtout que le 1er avril 1957, l’Assemblée à une large majorité de 144 voix contre 6 votait la confiance au gouvernement.

 

Mais les hostilités entre les différentes factions vont vite se manifester, avec le duel au sommet entre le maréchal Sarit et le général Phao, entre l’armée et la police.

 

Le 21 août, le maréchal Sarit donnait sa démission, ainsi que ses deux fidèles lieutenants, le général Thanom et le général Phaphat, suivis le 22 du « colonel » Worakan Charusathien et des deux représentants de l’aviation qui ne voulaient pas  se désolidariser de l’armée de terre.

 

Le 11 septembre, les 62 députés non élues et contrôlés par l’armée, donnaient leur démission du parti gouvernemental. Le Parti unioniste faisait cause commune avec le camp Sarit.

 

Le 12 septembre, le général Phao renonçait et donnait sa démission du gouvernement, ainsi que le maréchal Phin et le ministre de l’Industrie, le major-général Phraman Adireksan.

 

Le 13 septembre, les 62 députés lançaient un ultimatum et réclamaient la démission de Phibun et de Phao de son poste de directeur de la police.

 

Dans la nuit du 16 au 17 septembre, Phibun apprenait par la radio de sa voiture (Il se rendait pour le week-end à Bangsaen) que le maréchal Sarit s’était emparé du gouvernement. Le décret royal proclamait : « Le maréchal Sarit Thanarat est nommé commandant suprême de toutes les forces armées parce que le maréchal Phibun Songkhran est hors d’état de diriger le peuple et de gouverner le pays. » (Fistié, p.244)

 

La position royale, signée « Phumiphon Adunyadet, Rex » est sans équivoque : « Compte tenu du fait que le gouvernement du maréchal P. Phibunsongkhram a été incapable de gouverner avec la confiance du peuple et  qu'il a été incapable de maintenir la paix et l'ordre, le Groupe militaire dirigé par le maréchal Sarit Thanarat a pris le pouvoir. Celui-ci a assumé les fonctions d’administrateur militaire spécial pour Bangkok. Nous demandons à la population de rester pacifiques et à tous les fonctionnaires du gouvernement de suivre désormais les instructions du maréchal Sarit Thanarat ».

220. DE « LA LIBÉRALISATION » DU RÉGIME   A LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DU MARÉCHAL PHIBUN (1955 – 16 SEPTEMBRE 1957)

Un nouveau coup d ‘Etat venait d’avoir lieu. Phibun préféra fuir  au Cambodge et rejoindre le Japon. Le général Phao partit en Suisse où il avait investi une partie de sa fortune et où il mourut quelques années plus tard.

220. DE « LA LIBÉRALISATION » DU RÉGIME   A LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DU MARÉCHAL PHIBUN (1955 – 16 SEPTEMBRE 1957)

C’était la fin du régime du maréchal Phibun qui avait régné 9 ans et 5 mois du 08/04/1948 au 16/09/1957.

 

Un commentaire.

 

Chris Baker et Pasuk Phongpaichit, in « A history of Thailand” (Ed. Cambridge), pp.145-147, permet de faire un commentaire intéressant  sur la lutte militaro-politico--financière entre les trois acteurs majeurs de cette période, à savoir Phibun, Phao et Sarit.

 

Dès le début de 1951, l’aide américaine (militaire et économique) apportée à la Thaïlande,  devenue son alliée dans  sa politique anticommuniste, va de fait créer une sérieuse rivalité entre l’armée et la police, et donc entre le général Phao, le chef de la police et le futur maréchal Sarit, chef de l’armée en 1954.

 

En 1953 par exemple, il faut savoir que l’aide militaire américaine était équivalente à deux fois et demie du budget accordé aux militaires thaïs, et alimentait donc la rivalité entre l’armée et la police.

 

Sarit en profita pour augmenter son pouvoir au sein de l’armée, en rassemblant toute l’armée à Bangkok, sous le contrôle de son ancienne unité, la 1ère division de la 1ère armée, avec ses anciens « subordonnés ». Simultanément, la CIA commença à armer la police pour soutenir la contre-insurrection communiste au Nord de la Thaïlande et au Sud de la Chine, en lui fournissant tanks, camions blindés, avions, hélicoptères, hors-bords, et entrainement des troupes réalisé par 200 conseillers de la CIA, qui eut pour résultat  d’en faire une force égale à l’armée. La police avait alors 48 000 hommes tandis que l’armée en avait 45 000 (date ?). On put voir en 1954, Phao et Sarit  aller aux Etats-Unis pour revenir avec 37 millions de $ (Phao) et 25 millions de $ (Sarit), une belle somme pour alimenter leur rivalité qui était aussi économique. Il s’agissait de prendre la place des monopoles et business lucratifs mis en place par le groupe de Pridi et de ne pas laisser à l’adversaire le contrôle du commerce de l’opium. Phibun  arrivait à se maintenir au pouvoir dans un rôle de médiateur  avec le soutien des Etats-Unis qui avait d’ailleurs refusé à Phao en 1955, de le soutenir dans son projet de coup d’Etat.

 

Il faut voir aussi son projet de libéralisation du régime comme un moyen de contenir leurs appétits financiers et militaires. (« Dès la fin de la guerre, les élites militaires ont été amenés à participer aux conseils d’administration des grands groupes chinois lorsqu’elles n’en ont pas assumé une partie de la direction exécutive. Entre 1948 et 1957, les officiers d’état-major ont contribué à la « bonne marche »  d’au moins quarante et un firmes majeures et ont bénéficié de participations dans plus de cent entreprises. Grâce à leur parrainage quatre consortiums ont notamment pu émerger en centrant leur activité sur le secteur de la banque et des assurances : Asia Trust (Bangkok Bank), Thai Hua ( (Keng Hua), Ayuttaya et Mahaguna. » Dovert, p. 246 in Thaïlande contemporaine)

 

 Certes. Mais il permit aussi la création des partis, abolit la censure, certaines restrictions envers la communauté chinoise, promit de relâcher les prisonniers politiques, et de réaliser des élections pour 1957. Il lança également une campagne pour supprimer l’opium et demanda à ses ministres de se retirer des affaires. Mais on peut penser que son désir de retrouver plus d’indépendance envers les Etats-Unis en tâchant de se rapprocher de la Chine sera l’une des causes de sa chute. (Il envoya une mission secrète rencontrer Mao et laissa plusieurs leaders de gauche chinois aller à Pékin.) En effet, si initialement les USA  encouragèrent la démocratisation du régime, il n’est pas sûr qu’ils virent d’un bon œil la presse dénoncer le rôle trop important des USA en Thaïlande et le désir de se rapprocher de la Chine, et  la création de partis de gauche en 1956. Phibun  se retrouvait, peut-être malgré lui, dans une position que Phao et Sarit n’hésitèrent pas à exploiter  dans la période électorale pour dénoncer les prises de position antiaméricaines et pro-chinoises.

 

Après les élections du 26 février 1957, Sarit prit l’initiative et sut provoquer une crise politique profonde et une crise ministérielle, en démissionnant le 21 août, avec le général Thanom et le général Phaphat, et puis ensuite le« colonel » Worakan Charusathien et les deux représentants de l’aviation, et puis le 11 septembre, encouragea les 62 députés non élus à donner leur démission du parti gouvernemental, avec ceux du Parti unioniste pro-Sarit. Le 12 septembre, le général Phao reconnaissait sa défaite et donnait sa démission du gouvernement, ainsi que le maréchal Phin et le ministre de l’Industrie, le major-général Phraman Adireksan. Le 13 septembre, les 62 députés poursuivaient leur campagne et réclamaient la démission de Phibun et de Phao de son poste de directeur de la police. Le 16 septembre 1957, Sarit organisait un coup d’Etat. Cela en était fini de Phibun et de Phao qui durent s’enfuir. Une nouvelle période de l’histoire de la Thaïlande commençait.

L’endroit devint populaire et la foule pouvait entendre des accusations portées contre le gouvernement, contre Phao et les abus commis par la police, contre la politique extérieure, etc. Le succès fut-elle que  d’autres « Hyde Park » se créèrent dans d’autres villes de province ; ce que n’avait pas prévu Phibun. Aussi le 21 février 1956, le général Phao annonça à la radio « qu’il donnait aux autorités provinciales l’ordre d’interdire les réunions et les manifestations publiques. » (Fistié, p.239).

 

Mais le succès se poursuivait à Bangkok et pouvait prendre la forme de manifestations comme en juin 1956, où des meneurs furent arrêtés, puis relâchés sous la pression de la foule. Avec la menace qui pesait, certains orateurs  furent amenés à créer  le  Parti Hyde Park. Leur programme était flou et l’organisation très limitée.

 

Mais malgré la surveillance policière, les discours des orateurs avaient d’autant plus de succès que certains étaient reproduits dans la presse, qui avait retrouvé sa liberté d’expression. De nombreux abus étaient ainsi dénoncés, « les journalistes les plus audacieux n’hésitaient pas à qualifier les policiers « d’assassins » et de « gangsters. »

 

Phibun, avait aussi retenu l’idée des conférences de presse, lors de son bref passage aux Etats-Unis. Conférences au cours desquelles, les journalistes n’hésitaient pas à se livrer à de violentes critiques, voire à exposer leur point de vue –moyennant finances-  des hommes politiques et des opposants. On trouvait également des nouveaux journalistes issus des nouveaux hebdomadaires fondés par certains orateurs de « Hyde Park ». Bref, on avait là le début d’une libéralisation du régime, qui devait être plus manifeste avec  des élections réellement démocratiques. Le furent-elles ?

 

Les élections générales du 26 février 1957.

 

La loi électorale du 4 février 1956 avait porté le nombre de sièges à 283 (dont 123 nommés), et bien sûr autorisé les partis politiques à présenter leurs candidats. Mais une fois de plus, la fraude fut au rendez-vous.  

 

(Il faut se rappeler que le parti gouvernemental, le Parti Manangkasila avait comme secrétaire général le général Phao, le chef de la police et que  le 1er ministre Phibun était alors ministre de l’intérieur également.)

 

Il y eut en effet une manipulation, car aux 2/3 des résultats connus, le Parti des Démocrates suivait de près le Parti gouvernemental Manangkasila, et puis après une interruption des résultats de quelques heures, il fut annoncé que le parti gouvernemental avait obtenu 86 sièges, et le Parti Démocrate  30 sièges, les petits partis de gauche obtenaient 21 sièges  (9 au Parti économiste, 2 au parti « Hyde Park et 11 au Parti démocrate libre). De plus, la majorité gouvernementale était renforcée par les 9 députés du parti  Thammathipat dirigé par le secrétaire de Phibun et du parti « unioniste » pro-maréchal Sarit. Le total des votants était de 5.568.556, soit 57,50 pour cent (contre 41,50 en 1933) ce qui est significatif d’une fraude massive. Pour Seni Pramot qui lança un vain appel à l’annulation, ce fut « the diertiest election ever  » (« la plus sale élection jamais vue »).

 

La fraude était trop  évidente et il y eut des protestations générales dans la presse et chez les étudiants, et même chez certains partisans de Sarit, qui d’ailleurs déclencheront une campagne contre Phao de mars à juillet 1957. De fait, le grand vainqueur était le général Phao, le patron du Parti gouvernemental Manangkasila, qui par cette victoire déséquilibrait le rapport de force entre la police et l’armée et les cliques au pouvoir.

 

Une nouvelle crise commençait.

 

Le 2 mars 1957, Phibun proclamait la loi martiale et chargeait le maréchal Sarit, chef de l’armée de la mettre en œuvre, mettant ainsi la police (Donc Phao) sous sa subordination. On peut imaginer des tractations, car 10 jours plus tard, la loi martiale était levée et le 21 un nouveau gouvernement était approuvé par le roi avec sa signature et annoncé officiellement le 31 mars 1957.

 

Il établissait un savant équilibre entre l’armée, la police, la marine et l’aviation. C’était le 26ème gouvernement de la monarchie constitutionnelle. Il était composé de 22 militaires et de 4 civils (21 mars 1957-16 septembre 1957)La période de « libéralisation » avait été de courte durée.

 

On pouvait remarquer que le général Phao était promu à l’intérieur, que son beau-père, le maréchal Phin recevait le ministère de l’agriculture (Vous vous souvenez, responsable avec le colonel Luang Kat Songkram du coup d’Etat du 8 novembre 1947) ; que le maréchal Sarit devenait ministre de la Défense, que ses « amis »  le général Thanom était son adjoint (On le retrouvera accomplissant un coup d’Etat et devenir 1er ministre le 1/01//1958), et le général Phaphat le vice-ministre de l’Intérieur (Bien placé pour « surveiller Phao). Les chefs d’état-major de la marine et de l’aviation, l’amiral Luang Yudhasastr Kosol (Prayoon Sastraruchi)  et le général Fuen Ronapakas Riddhagni étaient nommés pour le prestige, vice-premiers ministres. On pouvait croire alors que la crise était passée, surtout que le 1er avril 1957, l’Assemblée à une large majorité de 144 voix contre 6 votait la confiance au gouvernement.

 

Mais les hostilités entre les différentes factions vont vite se manifester, avec le duel au sommet entre le maréchal Sarit et le général Phao, entre l’armée et la police.

 

Le 21 août, le maréchal Sarit donnait sa démission, ainsi que ses deux fidèles lieutenants, le général Thanom et le général Phaphat, suivis le 22 du « colonel » Worakan Charusathien et des deux représentants de l’aviation qui ne voulaient pas  se désolidariser de l’armée de terre.

 

Le 11 septembre, les 62 députés non élues et contrôlés par l’armée, donnaient leur démission du parti gouvernemental. Le Parti unioniste faisait cause commune avec le camp Sarit.

 

Le 12 septembre, le général Phao renonçait et donnait sa démission du gouvernement, ainsi que le maréchal Phin et le ministre de l’Industrie, le major-général Phraman Adireksan.

 

Le 13 septembre, les 62 députés lançaient un ultimatum et réclamaient la démission de Phibun et de Phao de son poste de directeur de la police.

 

Dans la nuit du 16 au 17 septembre, Phibun apprenait par la radio de sa voiture (Il se rendait pour le week-end à Bangsaen) que le maréchal Sarit s’était emparé du gouvernement. Le décret royal proclamait : « Le maréchal Sarit Thanarat est nommé commandant suprême de toutes les forces armées parce que le maréchal Phibun Songkhran est hors d’état de diriger le peuple et de gouverner le pays. » (Fistié, p.244)

 

La position royale, signée « Phumiphon Adunyadet, Rex » est sans équivoque : « Compte tenu du fait que le gouvernement du maréchal P. Phibunsongkhram a été incapable de gouverner avec la confiance du peuple et  qu'il a été incapable de maintenir la paix et l'ordre, le Groupe militaire dirigé par le maréchal Sarit Thanarat a pris le pouvoir. Celui-ci a assumé les fonctions d’administrateur militaire spécial pour Bangkok. Nous demandons à la population de rester pacifiques et à tous les fonctionnaires du gouvernement de suivre désormais les instructions du maréchal Sarit Thanarat ».

 

Un nouveau coup d ‘Etat venait d’avoir lieu. Phibun préféra fuir  au Cambodge et rejoindre le Japon. Le général Phao partit en Suisse où il avait investi une partie de sa fortune et où il mourut quelques années plus tard.

 

C’était la fin du régime du maréchal Phibun qui avait régné 9 ans et 5 mois du 08/04/1948 au 16/09/1957.

 

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Un commentaire.

 

Chris Baker et Pasuk Phongpaichit, in « A history of Thailand” (Ed. Cambridge), pp.145-147, permet de faire un commentaire intéressant  sur la lutte militaro-politico--financière entre les trois acteurs majeurs de cette période, à savoir Phibun, Phao et Sarit.

 

Dès le début de 1951, l’aide américaine (militaire et économique) apportée à la Thaïlande,  devenue son alliée dans  sa politique anticommuniste, va de fait créer une sérieuse rivalité entre l’armée et la police, et donc entre le général Phao, le chef de la police et le futur maréchal Sarit, chef de l’armée en 1954.

 

En 1953 par exemple, il faut savoir que l’aide militaire américaine était équivalente à deux fois et demie du budget accordé aux militaires thaïs, et alimentait donc la rivalité entre l’armée et la police.

 

Sarit en profita pour augmenter son pouvoir au sein de l’armée, en rassemblant toute l’armée à Bangkok, sous le contrôle de son ancienne unité, la 1ère division de la 1ère armée, avec ses anciens « subordonnés ». Simultanément, la CIA commença à armer la police pour soutenir la contre-insurrection communiste au Nord de la Thaïlande et au Sud de la Chine, en lui fournissant tanks, camions blindés, avions, hélicoptères, hors-bords, et entrainement des troupes réalisé par 200 conseillers de la CIA, qui eut pour résultat  d’en faire une force égale à l’armée. La police avait alors 48 000 hommes tandis que l’armée en avait 45 000 (date ?). On put voir en 1954, Phao et Sarit  aller aux Etats-Unis pour revenir avec 37 millions de $ (Phao) et 25 millions de $ (Sarit), une belle somme pour alimenter leur rivalité qui était aussi économique. Il s’agissait de prendre la place des monopoles et business lucratifs mis en place par le groupe de Pridi et de ne pas laisser à l’adversaire le contrôle du commerce de l’opium. Phibun  arrivait à se maintenir au pouvoir dans un rôle de médiateur  avec le soutien des Etats-Unis qui avait d’ailleurs refusé à Phao en 1955, de le soutenir dans son projet de coup d’Etat.

 

Il faut voir aussi son projet de libéralisation du régime comme un moyen de contenir leurs appétits financiers et militaires. (« Dès la fin de la guerre, les élites militaires ont été amenés à participer aux conseils d’administration des grands groupes chinois lorsqu’elles n’en ont pas assumé une partie de la direction exécutive. Entre 1948 et 1957, les officiers d’état-major ont contribué à la « bonne marche »  d’au moins quarante et un firmes majeures et ont bénéficié de participations dans plus de cent entreprises. Grâce à leur parrainage quatre consortiums ont notamment pu émerger en centrant leur activité sur le secteur de la banque et des assurances : Asia Trust (Bangkok Bank), Thai Hua ( (Keng Hua), Ayuttaya et Mahaguna. » Dovert, p. 246 in Thaïlande contemporaine)

 

 Certes. Mais il permit aussi la création des partis, abolit la censure, certaines restrictions envers la communauté chinoise, promit de relâcher les prisonniers politiques, et de réaliser des élections pour 1957. Il lança également une campagne pour supprimer l’opium et demanda à ses ministres de se retirer des affaires. Mais on peut penser que son désir de retrouver plus d’indépendance envers les Etats-Unis en tâchant de se rapprocher de la Chine sera l’une des causes de sa chute. (Il envoya une mission secrète rencontrer Mao et laissa plusieurs leaders de gauche chinois aller à Pékin.) En effet, si initialement les USA  encouragèrent la démocratisation du régime, il n’est pas sûr qu’ils virent d’un bon œil la presse dénoncer le rôle trop important des USA en Thaïlande et le désir de se rapprocher de la Chine, et  la création de partis de gauche en 1956. Phibun  se retrouvait, peut-être malgré lui, dans une position que Phao et Sarit n’hésitèrent pas à exploiter  dans la période électorale pour dénoncer les prises de position antiaméricaines et pro-chinoises.

 

Après les élections du 26 février 1957, Sarit prit l’initiative et sut provoquer une crise politique profonde et une crise ministérielle, en démissionnant le 21 août, avec le général Thanom et le général Phaphat, et puis ensuite le« colonel » Worakan Charusathien et les deux représentants de l’aviation, et puis le 11 septembre, encouragea les 62 députés non élus à donner leur démission du parti gouvernemental, avec ceux du Parti unioniste pro-Sarit. Le 12 septembre, le général Phao reconnaissait sa défaite et donnait sa démission du gouvernement, ainsi que le maréchal Phin et le ministre de l’Industrie, le major-général Phraman Adireksan. Le 13 septembre, les 62 députés poursuivaient leur campagne et réclamaient la démission de Phibun et de Phao de son poste de directeur de la police. Le 16 septembre 1957, Sarit organisait un coup d’Etat. Cela en était fini de Phibun et de Phao qui durent s’enfuir. Une nouvelle période de l’histoire de la Thaïlande commençait.

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