L’ « aphrodisiaque pour femmes » de Renunakhon en Isan.
Nous connaissons le สาโท (Satô), qualifié abusivement de « vin de riz », c’est un distillat de ข้าวเหนียว (khaônïaô), ce riz gluant cher aux populations industrieuses de chez nous. Ça ressemble à du « vin » comme la production du Bittérois des années 60 ressemblait à du Romanée Conti.
Vous pouvez essayer, ça ne coûte rien ou presque, une expérience comme une autre.
Nous connaissons aussi le เห้ลาข้าว (laôkhaô) que l’on trouve partout. Il y a celui du commerce officiel, aux alentours de 30° et le « vrai », de la distillation plus ou moins clandestine, de l’alcool « pour homme » dont une seule rasade suffit à envoyer dans les vignes dionysiaques les plus intrépides buveurs.
Nous avons découvert une production spécifique traditionnelle de l’amphoe de Renunakhon (เรณุนคน), dans la province de Nakhonphanom. Il se situe sur les rives du Mékong à une quarantaine de kilomètres au sud de Nakhonphanom et une soixantaine à l’est de Sakhonnakhon. C’est le lao-ou (เหล้าอุ) ou lao-haï (เหล้าไห) ce qui signifie tout simplement « alcool en pot »
Il vaut d’être connu.
La présentation d’abord est agréable, dans des vases en terre de taille plus ou moins grande, placées dans un panier en paille, un bouchon de plâtre et à l’intérieur une macération dont nous allons vous donner la composition. Il faut, une fois sauté le bouchon, rajouter de l’eau jusqu’à raz bord, laisser macérer une dizaine de minutes et ensuite le déguster avec une paille en roseau biseautée pour pouvoir percer sans difficultés le magma que contient le pot. On peut recommencer l’opération cinq fois. On doit le déguster en couple, nous allons voir pourquoi.
C’est le résultat de la macération de riz blanc dans du laokhao à 40°, avec un peu de bétel, un peu de sucre de palme, un peu de sucre de canne, un peu d’ail, un peu de tabac, un peu de piment, un peu de noix de coco, de la levure et surtout du กราชายดำ krachaïdam ou plus simplement ข่า kha, des rizhomes de galanga,
scientifiquement de l’ « alpinia galanga », une épice qui est connue depuis la nuit des temps, il partait de Chine jusqu’à Rome et des « indes orientales » jusque chez nous.
Il pousse ici comme du chiendent.
Il passe en médecine traditionnelle pour avoir des vertus souveraines, guérissant des coliques et du mal de mer mais aussi et surtout des vertus aphrodisiaques comme « excitant les humeurs des femmes ».
Il est connu comme tel dans la médecine traditionnelle indienne, dans celle de la Chine et dans celle des arabes. Vous connaissez la pudeur des thaïs, les sites Internet consacrés à cette boisson sont discrets sur ces effets et parlent de « reconstituant ». Les arabes le sont beaucoup moins et une mixture à base de galanga est connue au Maroc sous le nom de « viagra du pauvre ».
Ces effets aphrodisiaques sont-ils réels ou supposés ? Il n’y a probablement pas de fumée sans feu.
Le Docteur Rauland, cite Théophraste, fondateur de la botanique (- 373 - 288) et le décrit comme l’ « herbe de Théophraste », cette plante a « une grandissime vertu d’échauffer à paillardise » et donne la recette d’une mixture à base de galanda pour guérir les « paralysies de la matrice ». (« Le livre des époux- Guide pour la guérison de l’impuissance, de la stérilité et de toutes les maladies des organes génitaux » à Paris, 1859 )
En tous cas des pillules de galanga sont vendues fort cher en europe (9 euros ce flacon) comme « aphrodisiaque pour femme ».
Détroné en occident par le gingembre, il subsiste ici et ce produit pittoresque a connu une belle promotion au travers du programme OTOP (« one tambon, one product ») qui est à mettre à l’actif de Thaksin ! Vous le trouverez partout dans toutes les boutiques de bord de route autour de Sakonnakhon et de Nakhonphanom, et bien sûr dans tous les marchés et les magasins « OTOP ».
Un goût à la fois doux et amer et un taux d’alcool qui doit se situer aux environs de 15°. Pour moi, c’est un apéritif agréable à consommer frais. Il n'a pourtant pas enthousiasmé le Capitaine Baudesson (voir notre article sur la "gastronomie en Isan") ?
Pour quelques dizaines de baths, vous aurez goutté une boisson estimable et si vous n’avez pas aimé ou si les effets ne sont pas ceux que vous attendiez, vous aurez au moins gagné un joli vase.
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Vous trouverez tous les renseignements relatifs à la confection de cette boisson sur le site de l’amphoe de Renunakhon.
http://renunakhon.nakhonphanom.police.go.th/moa.HTM