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  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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7 mars 2018 3 07 /03 /mars /2018 22:09

 

Nous vous avons raconté l’histoire – légendaire mais reposant peut-être sur une tradition orale multi séculaire – du célèbre chédi (Phra That) de That Phanom sur les rives du Mékong. Un inestimable trésor y serait enfoui entourant une relique corporelle de Bouddha, un os de sa poitrine (1). Cette vénérable relique est parvenue sur les lieux quelques années seulement après la mort du maître. Les huit Phra That «  fils spirituels » de celui des bords du Mékong, y compris celui de Californie recouvrent également des reliques de Bouddha mais il ne nous a pas été possible d’en déterminer l’origine et la date de leur arrivée au Siam.

 

 

Il est un autre Phra That en Isan qui contient des reliques également contemporaines de quelques années seulement après la mort de Bouddha qui abriterait également des reliques ensevelies peu après celle de That Phanom  : à une trentaine de kilomètres au nord- nord-ouest de Khonkaen, dans le district de Namphong (น้ำพอง) dans l’enceinte du wat chedi phum (วัดเจดีย็ภูมิ) se situe un chedi particulièrement vénéré, le Phra That de Khamken (Phra That Kham Kaen - พระธาตุ ขามแก่น). Son histoire est également légendaire : Le souverain Khmer de Nakhon Phanom y fit étape en compagnie de « neuf moines éclairés » porteurs de reliques de Bouddha (qu’il était probablement allé quérir aux Indes ?) en route vers le Phra That Phanom pour les y ensevelir. Arrivés à destination, la dernière pierre du sanctuaire avait déjà été posée. Sur le chemin du retour, un tamarinier qu’ils avaient vu mort avait miraculeusement repris vie. Ils décidèrent d’y bâtir un stupa pour y enfermer les reliques entourées d’un trésor. Le nom de la ville construite ultérieurement dans les environs au XVIIIe siècle, Kham Kaen devint par la suite Khon Kaen. Telle est la légende dont nous n’avons trouvé trace que sur les panneaux explicatifs à l’intérieur du temple, il en est peut-être des sources écrites ? En tous cas, le lieu reçoit de longues théories de pèlerins des environs pour lesquels il est plus facile d’accès que That Phanom. 

 

 

 

Si ces récits légendaires contiennent une part de vérité, pourquoi pas, cela signifierait qu’un ou des souverains khmers de la région auraient été convertis au bouddhisme quelques années seulement après la mort de Bouddha en 543 avant Jésus-Christ ? Nous sommes en contradiction avec une opinion selon laquelle le bouddhisme aurait été introduit au Cambodge au IIIe siècle avant Jésus-Christ par les pèlerins de l’empereur indien  Ashoka et une autre selon laquelle il n’y aurait été introduit qu’au début de notre ère.

 

 

Quoi qu’il en soit, nous avons cherché à avoir plus de précisions sur ces fameuses reliques de Bouddha. Le corps des fondateurs de religions et des réformateurs religieux firent souvent l'objet d'un culte. Cependant quelques-uns d'entre eux, Numa Pompilius, le Christ ou Mahomet sont partis corps et en âme pour leur séjour céleste en ne laissant rien ou presque de leur personne corporelle à leurs sectateurs. Il n’en fut pas de même de Bouddha dont on trouve même des reliques singulières : Ne put-on pas contempler pendant plusieurs siècles après sa mort l'ombre de Buddha ? Le voyageur chinois Hiouen-Tsang raconte, en effet, qu'il visita deux places où, dit-on, Buddha aurait laissé son ombre lumineuse, mais qu'à cette époque lointaine, elle n'offrait plus qu'une ressemblance faible et même douteuse.

 

 

Sortis de cette amusante anecdote, nous avons puisé l’histoire de ces reliques dans de nombreuses sources, les plus anciennes étant essentiellement la traduction par les érudits de la fin du XIXe et du début du XXe siècle des textes sacrés du bouddhisme en sanscrit ou en pali, en particulier le Lalitavistara Sutra  un texte sur la vie de Bouddha daté du IIIe siècle avant Jésus-Christ qui serait la compilation de textes plus anciens. Nous vous indiquons ces sources en fin de texte.

 

 

Quelle est l’origine des reliques ?

 

A la mort de Bouddha les populations et les grandes communautés qui l'avaient acclamé et particulièrement vénéré voulurent toutes avoir une part de ses reliques. Lorsque les parties corruptibles du corps furent consumées, les dieux éteignirent les flammes par des torrents d'une pluie parfumée, et les ossements épargnés par le feu furent pieusement recueillis par les Mallas (habitant un royaume de l’Inde ancienne) afin de les conserver comme reliques.

 

 

Mais dès qu'ils furent instruits du grand événement, le roi de Magadha (autre royaume de l’Inde ancienne), les Çâkyas (tribu de l’Inde ancienne), les Lichavis (autre ancien royaume du Népal) et nombres d'autres peuplades envoyèrent à Kouçinagara (ville de l’état des Mallas où mourut Bouddha)  des ambassadeurs pour réclamer une part des reliques et un conflit eut éclaté au sujet de ce partage sans l'intervention d'un sage brahmane nommé Drona qui en fit huit parts égales attribuées aux représentants d'autant de nations.

 

 

Il s'était en effet élevé des contestations acharnées, on échangea des propos chargés de haine, on proféra des menaces de guerre et peu s'en fallut qu'on en vînt aux mains. Mais Drona, prévoyant les conséquences de ce conflit, réussit à obtenir des Mallas de Kouçinagara le partage des reliques, en leur rappelant les vertus et la patience que Bouddha n'avait cessé de leur recommander en leur donnant l'exemple. Il leur dit qu'il n'était pas convenable qu'ils s'égorgeassent entre eux, à cause des reliques de Bouddha, et après les avoir réconciliés, obtint donc que ces reliques soient divisées en huit parts et renfermées dans huit cylindres métalliques; ceux-ci furent à leur tour conservés dans un nombre égal de chédis, réparties comme suit :

1 - Les Mallas de Kouçinagara.

2 - Les Mallas de Digpatchan (ville de l’Inde ancienne).

3 - La tribu royale de Boulouka (tribu de l’Inde ancienne).

4 - La tribu royale de Krodtya (tribu de l’Inde ancienne).

5 - Les brahmanes du pays de Vichnou.

6 - La famille royale de Çakya à Kapila.

7 - La race royale des Litsabyis (tribu de l’Inde ancienne).

8 - Et Oudayana, Brahmane du Magahda (royaume de l’Inde ancienne), l'envoyé d'Adjatasatrou, roi de cette contrée.

 

 

Il construisit en outre un nombre immense de vihan (chapelles), et, faisant ouvrir sept des huit cylindres qui renfermaient les reliques du « meilleur des hommes » il distribua celles-ci entre toutes les villes de son empire pour que la dévotion au Bouddha fut sans cesse entretenue par la vue des stupas.

 

Et tous, dans leur pays, bâtirent des chapelles, rendirent toutes sortes d'hommages à ces reliques et instituèrent une grande fête en leur honneur. L'urne dans laquelle les reliques avaient d'abord été mises et déposées avant le partage fut donnée ensuite au Brahmane Drona qui avait été le médiateur. Il emporta cette urne, et dans sa ville bâtit une pagode et rendit toutes sortes d'hommages aux reliques.

 

 

Mais une fois le partage terminé un jeune brahmane appelé Nyagrôdha demanda aux Mallas de Khouça (non situé ?) de lui céder les cendres ou les charbons qui avaient servi à brûler le corps de Bouddha dont il dut se contenter. Il obtint ce qu'il demandait et bâtit dans le village des Nyagrôdhas (tribu de l’Inde ancienne) une pagode appelée la « pagode des charbons » auxquels il rendit toutes sortes d'hommages.

 

Chaque peuple édifia dans son pays un stupa pour conserver ses reliques.

 

 

A ce stade de l’histoire, nous ne voyons pas intervenir de monarque venu du Cambodge pour participer au partage, seuls des royaumes ou des tribus indiennes sont concernés.

 

Plus tard, le roi Açoka qui régna sur l’empire des Indes de 273 jusqu’à 230 avant Jésus-Christ aurait recueilli toutes ces reliques et les répartit dans 84.000 stupas construits par ses soins dans toutes les contrées de l'Inde en organisant un second partage  : Une fois ces chapelles construites, il fit ouvrir sept des huit cylindres qui renfermaient les reliques du « meilleur des hommes, » et les distribua entre toutes les villes de son empire pour que la dévotion au Bouddha fut sans cesse entretenue par la vue des sanctuaires qui les contenaient.

 

On peut penser que les reliques que nous retrouverons alors dans tout le monde bouddhiste, Ceylan, Birmanie, Siam, Cambodge, Indochine, jusqu’en Chine et au Japon, proviennent de ce second partage et que les moines missionnaires envoyés par Açoka vers l’Est pour répandre la doctrine de Bouddha, transportaient avec eux une part de ces reliques

 

 

Ces reliques devinrent innombrables. Il semblerait même qu'elles se soient reproduites à l'infini dans le cours des siècles ?

 

 

Ce récit du Lalita Vistara est confirmé pour l’essentiel par d’autres sources sanscrites ou palies compilées par nos érudits en ce qui concerne le nombre de parts et la nature des reliques. Pour les ossements prétendument sauvés presque intacts du bûcher, deux omoplates et l'os frontal, il y a désaccord. Le charbon reste une relique, la cérémonie du bûcher étant une véritable cérémonie. Les cendres, le charbon et le vase qui avait contenu les cendres sont autant de « sacra » qui prennent le caractère de reliques.

 

Le chiffre de 84.000 pour les reliques n’a d’ailleurs rien d’invraisemblable : lorsqu’on assiste aujourd’hui à une crémation dans les élémentaires fours de nos temples locaux et surtout le lendemain hors public à la récupération des restes dans un inextricable fouillis d’escarbilles et de cendres, on se doute qu’après la combustion de la dépouille sur un bucher de bois de santal, ce sont des dizaines de milliers de cendres ou de débris de vêtements ou d’ossements non complétement incinérées qui subsistaient.

 

 

Un site Internet inventorie en tous cas dans tout le pays en 2018 un peu plus de 600 Phra That (594) contenant ou censés contenir de saintes reliques sans qu’il soit possible de trouver quelques renseignement que ce soit sur leur grande majorité  (voir nos sources).

 

Quelles sont donc ces reliques que nous retrouvons dans tout le monde bouddhiste ?

 

 

Les reliques mobilières

 

Le plat dans lequel mangeait habituellement Bouddha est conservé à Anuradhapura, la ville sacrée de Ceylan dans un très ancien stupa. A Batra, à Ceylan, outre son pot à eau, on peut vénérer son balai. A Konghanapoura, toujours à Ceylan, on gardait précieusement son bonnet qui avait près de deux pieds de haut. Dans le royaume de Nagarahara en Afghanistan, on conservait son vêtement et son bâton. On montre son pot à eau à Kandahar en Afghanistan où les Musulmans prétendent qu'il s'agit du pot à eau d'Ali, ce pot à eau est en pierre et contient vingt gallons (85 litres).  Nous ne savons pas si les forcenés qui ont dirigé ce pays jusqu’à la fin du siècle dernier ne l’ont pas détruit ? Nous n’avons trouvé aucun détail sur ces reliques malgré le vif intérêt qu’elles présentement même si elles nous éloignent quelque peu de la Thaïlande. Il n’en est pas de même de son bol à aumône, symbole de la « bouddhéité », accessoire indispensable pour le moine bouddhiste. Nous bénéficions d’une très belle et monumentale étude sur cette relique de Madame Françoise Wang-Toutain (voir nos sources). Cette relique a la capacité de se déplacer miraculeusement d'un endroit à un autre. Elle a été vue à Peshawar aujourd’hui au Pakistan, en Perse, et Kandahar. D'après Marco Polo, en 1284, l’empereur de Chine envoya une ambassade à Ceylan pour obtenir le bol de Buddha. L'objet aurait été ramené à Khambaliq (Pékin) où il aurait été grandement vénéré par toute la population.  Il est ou serait toutefois aujourd’hui  toujours vénéré à Ceylan…et peut-être ailleurs.

 

 

Si l'endroit où il se trouve n'est pas le même selon les récits, c’est qu’il se déplace d'une matière surnaturelle ce qui explique que, comme les reliques corporelles la localisation des reliques et le nombre de ces dernières sont sujets à de grandes variations.

 

 

Les reliques corporelles

 

Nous n’en citerons que deux parmi beaucoup d’autres. En effet, tout comme la statue de la déesse Pallas était le palladium de la ville de Troie, le bouclier de Numa celui de Rome, la Saint ampoule celui des rois de France, le Bouddha d’émeraude celui de la Thaïlande,  elles sont le palladium des deux pays où elles sont vénérées, le Myanmar et le Sri Lanka.

 

 

Avant le partage et de son vivant.

 

Bouddha reçut les hommages des deux marchands Trapoucha et Bhallika qui, arrêtés dans leur marche par une force mystérieuse et émerveillés du rayonnement lumineux émanant de sa personne, le prirent d'abord pour un dieu sylvestre, l'adorèrent en lui faisant une offrande du lait de leurs vaches, puis, après l'avoir entendu exposer la Loi pour eux, devinrent ses deux premiers disciples laïcs. A leur demande, le Bouddha leur donna quelques-uns de ses cheveux pour la conservation desquels ils construisirent un sanctuaire. Huit de ces cheveux se trouvent toujours dans la  très célèbre pagode Shwe Dagon à Rangoon

 

 

insérée dans un très précieux reliquaire qui rend toutefois tout examen impossible. Il en a été fait une très érudite étude par le professeur John Sylvester Strong, spécialiste de l’histoire des religions à Chicago. (Voir nos sources)

 

 

Les reliques post mortem

 

Les plus connues des reliques corporelles de Bouddha sont quatre de ses dents-œillères (canines).  Deux seulement se trouvent dans le monde des vivants.

 

La première est l'objet de la vénération des dieux, les 33 Trâyastrimçats dont le séjour est au sommet du Mont Meru, le toit du monde, probablement l’Himalaya.

 

 

La seconde est vénérée dans la capitale du Gandhara au nord-ouest de l'actuel Pakistan, plus précisément aux environs de Peshawar.

 

 

La troisième se trouve dans le pays des rois de Kalinga, ancien royaume des Indes.

 

 

La quatrième est honorée par un roi de Nagas dont il nous est difficile de situer le royaume puisqu’il se situe sous terre.

 

 

C'est la troisième qui est actuellement vénérée à Ceylan dans le très célèbre « temple de la dent ».

 

 

Son histoire mérite d'être brièvement contée car elle est probablement la seule des reliques qui put faire l’objet d’un examen critique et que son histoire tumultueuse est significative de la passion qu’elle a suscité. La canine supérieure gauche de Bouddha fut recueillie par son disciple Khôma et portée par lui dans la ville de Dantapura (« ville de la dent »), capitale du royaume de Kalinga. Elle y resta huit cents ans, mais au bout de ce temps, excité par les réclamations et les plaintes des brahmanes que le roi de Kalinga avait expulsés, Pandu, le roi de Pâtalaputra (?) envoya une armée pour s'emparer de la précieuse relique.

 

 

Dès qu'il l'eut en sa possession, il essaya de la détruire. II la fit jeter dans une citerne remplie de charbons ardents mais du puits sortit un lotus éblouissant au sein duquel brillait la dent sacrée : « Le joyau était dans le lotus ». Alors Pandu la fit plonger dans un marais putride, mais le marais fut purifié et la dent demeura intacte. Irrité de ces échecs le despote la fit enterrer. Elle reparut au jour sous une fleur de lotus d'or; il la fit battre par un marteau puissant avec une enclume de fer : elle s'y incrusta sans être altérée. Après d'autres tentatives infructueuses, le persécuteur se convertit et renvoya la relique à Dantapura. Mais elle n'y était plus en sûreté ; de nouveaux ennemis vinrent pour s'en emparer et le roi de Kalinga prit parti d'en faire présent au roi de Ceylan, Mahasena, vers l'an 910 de notre ère.

 

 

Il la lui envoya par sa fille Hemamala et son gendre Dantakumara déguisés en brahmanes. Déposée d'abord à Anuradhapura elle fut transportée à Kandy, ancienne capitale du Sri Lanka en 1268.

 

 

Elle y devint l'objet d'un tel culte et d'une telle vénération que lorsqu'en 1560 les Portugais s'en emparèrent, le roi de Pégou fit offrir au vice-roi, Constantin Bragance, trois cent mille cruzados (un million de francs de 1900) pour le rachat de la précieuse relique. Malgré la cupidité légendaire de ce potentat local, l'offre du roi de Pégou fut dédaigneusement refusée à l'instigation de l'archevêque de Goa, Gaspard de Léon Pereira. Le prélat crut devoir opérer lui-même contre cette idole païenne : il la pila de sa propre main et jeta la poudre qu'il obtint dans le feu et les cendres dans la rivière en présence d'une foule considérable. La mesure fut inefficace. Les bouddhistes affirmèrent que la relique détruite par les Européens n'était qu'une copie, un fac-similé de la dent authentique du Buddha.

 

 

Soigneusement sauvegardée, celle-ci avait été transportée au Pégou, d'où elle revint à Ceylan à une époque plus tranquille. En 1815, la relique tomba avec l'île de Ceylan en la possession de l'Angleterre. En 1818 pendant une rébellion contre les Anglais elle fut enlevée par les prêtres chargés d'officier dans le sanctuaire. Enfin elle fut définitivement livrée à l'Angleterre en 1825. Le major Forbes qui la vit le 28 mai 1828 dit que c'est « un morceau d'ivoire décoloré, légèrement courbé d'à peu près deux pouces de longueur et d'un de diamètre à sa base ». En 1858 lors de l'exposition en l'honneur de la délégation birmane qui vint en prendre une copie, un témoin oculaire la décrit ainsi : « Le morceau d'ivoire est à peu près de la dimension du petit doigt ; il est d'une belle couleur jaune fauve, un peu courbé vers le milieu et plus gros d'un bout que de l'autre. Au centre du gros bout, qui est censé la tête de la dent, on remarque un petit trou où l'on pourrait introduire une épingle; à l'extrémité opposée, qui passe pour la racine de la dent, une trace d'érosion semble indiquer qu'on a enlevé un fragment de la relique. « A voir la direction transversale des veines  de l'ivoire on pourrait aisément établir que c'est là un simple morceau de dent, et nullement une dent complète dans toutes ses parties. » Goblet d'Alviella qui la vit plus tard déclare que cette relique lui semble une dent de tigre (Voir nos sources). Nous n’en avons pas d’autre description puisqu’actuellement la précieuse dent actuellement recouverte d’or est enchâssée dans un somptueux reliquaire lui-même enfermé dans un  coffre seul visible dans une salle somptueusement décorée.  L’examen  qui en rendrait l’examen d’une façon plus scientifique est aujourd’hui  impossible. Il n’y eut malheureusement ni dessin ni croquis et évidemment pas de photographie.

 

 

Peut-on raisonnablement croire qu’il s’agit véritablement d'une dent de Bouddha pour autant qu’elle n’ait pas été détruite par les Portugais ?

 

Certains auraient pensé qu’il s’agissait d’une dent de singe ?

 

 

Qu’est-ce qui ressemble plus à une canine humaine que celle d’un singe ?

 

 

Peut-on confondre un morceau d’ivoire, une dent de tigre et une dent de singe ? La question méritait d’être posée.

 

 

Les empreintes sacrées du pied de Bouddha

 

Il faut bien évidemment les considérer comme des « reliques ». Nous en avons longuement parlé (3). N’y revenons que brièvement.

 

Les Singhalais, les Khmers, les Birmans, les Siamois se vantent les uns et les autres de posséder une ou plusieurs empreintes du pied du Buddha. Crédulité des fidèles ou charlatanisme des religieux ? Elles sont censées marquer dans une foule de lieux les traces du passage de Bouddha. La plus célèbre reste celle du Pic d'Adam dans l'île de Ceylan où Bouddha certainement n'est jamais allé. On l'appelle « le pied bienheureux.  

 

 

Ce serait encore au roi Açoka que nous devons d’avoir fait élever des quatre-vingt-quatre mille stupas autour des lieux où Bouddha avait laissé la trace de ses pas.

 

Si le chiffre de quatre-vingt-quatre mille est de toute évidence symbolique, à la fois une multitude et un double symbole, le nombre 7 multiplié par 12(000), il nous éloigne toutefois des reliques de Ceylan ou de Rangoon pour nous rapprocher de la Thaïlande en général et de l’Isan en particulier où fleurissent des empreintes et l’une de ces quatre-vingt-quatre mille traces du passage de Bouddha que nous trouvons dans pratiquement tous les temples de notre région. Il y a plus de trente mille temples en Thaïlande, la plupart ayant sa propre empreinte de Bouddha.

 

 

La persistance du culte et la découverte de nouvelles reliques.

 

Il s’en découvre au hasard des recherches archéologiques, non pas souvent mais régulièrement. Nous ne citerons que quelques exemples significatifs :

 

Ainsi aux Indes en 1909 :

 

« Signalons une découverte récente du plus haut intérêt pour l'archéologie de l'Inde. Il s'agit d'une boite contenant divers os du Gautama Bouddha. Ce précieux reliquaire a été trouvé à l'endroit où, suivant des traditions habilement interprétées par le savant orientaliste français Foucher, il avait été déposé il y a une vingtaine de siècles » cité dans « L'Homme préhistorique. Revue mensuelle illustrée d'archéologie et d'anthropologie préhistoriques ».

 

Au Myanmar en 1991 :

 

En juillet 1991, arrivait opportunément de Myingyan, au centre du Myanmar, un ensemble de reliques trouvées, pendant la seconde guerre mondiale, par le Supérieur d'un monastère de cette ville de Birmanie centrale, dans les restes des stoupas détruits par bombardement. La collection fut conservée par le Supérieur qui se livra à tout un travail d'identification à l'aide de ce que l'on savait des monuments d'où ces pièces venaient et qui les transmit à son successeur. Quelques-unes de ces reliques auraient été utilisées avant 1988 pour la Maha Wizeya, la récente pagode de Rangoon construite en 1980 par le premier ministre Ne Win. Mais, ce n'est qu'après 1988, lorsque le Supérieur décida d'en mettre un grand nombre à la disposition des nouveaux bâtisseurs de pagodes « pour faire de Rangoun une ville à l'égale de Pagan » que leur existence fut connue des masses (Voir dans nos sources : Bénédicte Brac de la Perrière, Urbanisation et légendes d'introduction du bouddhisme au Myanmar (Birmanie In: Journal des anthropologues, n°61-62, Automne 1995).

 

 

En Chine en 2008.

 

Les archéologues ont découvert ce qu'ils pensaient être un os de Bouddha à l'intérieur d'un sanctuaire bouddhiste de 1000 ans, situé dans une crypte souterraine à Nanjing, en Chine. À l'intérieur de la crypte, qui se trouve sous les ruines d'un ancien temple bouddhiste, les chercheurs ont découvert le sanctuaire ornemental de 1,2 mètre de haut  (4 pieds) en bois de santal, argent et or, et décoré de cristal, verre, agate, et perles de lapis-lazuli. À l'intérieur se trouvait un minuscule cercueil en or contenant un fragment d'os de crâne. Il est orné d'images de motifs de lotus, d'oiseaux phénix et de dieux brandissant l'épée. Le cercueil en or se trouvait à l'intérieur d'un cercueil en argent plus grand, décoré avec des apsaras - des nuages ​​féminins et des esprits de l'eau - jouant des instruments de musique. Les deux cercueils ont été placés à l'intérieur du stupa. La découverte a été effectuée en 2008 par une équipe d'archéologues de l'Institut Municipal d'Archéologie de Nanjing et a été exposée à Hong Kong en 2012 avant d'être logée en permanence au Temple Qixia, un temple bouddhiste sur la colline Qixia à Nanjing. Il n’attira que tardivement l'attention des médias occidentaux avec la publication d'un rapport anglais de la découverte dans le journal Chinese Cultural Relics en juillet 2016 (4).

 

 

Nous devons pour conclure partager la conclusion de l’universitaire et historienne Françoise Biotti-Mache dans un article de 2007 toujours d’actualité :

 

La vénération des reliques n’est pas l’apanage de la seule religion chrétienne loin s’en faut. Il semble que bien peu de croyances ou de religions aient ignoré le phénomène des reliques ou du culte de saints personnages, et ce depuis le début de l’humanité. Si la Chrétienté a connu, sans doute le plus important développement de ce culte dans le temps, par la quantité et la diversité des reliques connues, les reliques non chrétiennes, voire laïques, existent, elles aussi en grand nombre, dans de nombreux lieux de culte disséminés à travers le monde. Les reliques sont les  véhicules de la Foi.  Les reliques, qu’on les vénère ou qu’on en condamne le culte, témoignent à la fois du besoin de mémoire de l’humanité, et de l’attachement indispensable et rassurant à des objets sacralisés, la forme la plus sainte du fétichisme, voire de la magie. L’homme perdu dans l’univers, incertain de son devenir, a besoin de se rassurer, de croire que quelques morts d’exception, meilleurs que lui, peuvent le protéger, l’aider face aux inconnues de son destin et intercéder auprès de Dieu pour son salut. Il lui faut conjurer ses peurs et quoi de plus réconfortant que la matérialité d’un objet, que l’on peut contempler et toucher. « Celui qui touche les os des martyrs participe à la sainteté et à la grâce qui y réside  », disait saint Basile de Césarée (au quatrième siècle de notre ère).

 

 

Doit-on regarder avec condescendance, nous issus d’un pays qui se dit « cartésien », les foules qui viennent se prosterner devant ces « saintes empreintes » ou ces stupas censés contenir ou contenant des reliques du maître ? Lors du décès en décembre 2017 d’un histrion qui fut « idole des jeunes » s’est immédiatement instauré un gigantesque et morbide marché dans lequel nous avions pu trouver pour 90 euros un vieux mégot supposé avoir été fumé par le défunt ou pour 10.000 euros les empreintes de ses oreilles censées avoir été prises par son audioprothésiste. On peut penser que les acheteurs de ces « reliques » vont probablement ricaner en voyant des Chrétiens s’incliner devant le Saint-Suaire de Turin, des Mahométans prier devant le bol du prophète à Topkapi ou des Bouddhistes se presser pour s’agenouiller devant le Phra That Phanom. Nous ne sommes plus dans le domaine de la superstition religieuse mais dans celui de la nécrophilie !

 

 

SOURCES (classées par ordre chronologique)

 

Majour FORBES, Eleven  Years in Ceylon, 1840.

F.T. B. Clavel Histoire pittoresque des religions, doctrines, cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde anciens et modernes, 1844.

Charles Schoebel  Le Bouddha et le bouddhisme, 1857.

William C. Milne, La Vie réelle en Chine, 1860.

Barthélémy  SAINT-HILAIRE, le Bouddha el sa religion, 1866.

SirAlabaster, The Phrabat or siamese foot prinl of Buddha, dans The Wheel of the Law, 1871.

A. de Gubernatis, Mythologie zoologique, II, 1874.

J. Gerson da Cunha,  Mémoire sur la dent relique de Ceylan,  in Annales du Musée Guimet,  VII, p. 434. et Bombay 1875.

Comte Goblet d’Alviella, Inde et Himalaya, 1877.

Anonyme Jésus-Bouddha 1881.

A. de Gubernatis, la Mythologie des Plantes, 1882,

Lalita Vistara, Traduction de  Ph.-Ed. Foucaux, 1884.

Eugène Virieux  Le Bouddha et sa doctrine  1884.

James Legge Fa-Hiens Record of Buddhistics Kingdom, 1886

Pierre-Eugène Lamairesse L'Inde après le Bouddha, 1892.

Comte Goblet d’Alviella, la Migration des Symboles, 1892.

Ivan Pavlovi Minaev Recherches sur le bouddhisme; traduit du russe par R.-H. Assier de Pompignan, 1894.

Lucien Fournereau, le Siam ancien, 1895.

Christian  Kofoed. L'île de Ceylan et la doctrine de Bouddha In : Le Globe. Revue genevoise de géographie, tome 40, 1901.

Léon-Joseph de Milloué Bouddhisme 1907.

L'Homme préhistorique. Revue mensuelle illustrée d'archéologie et d'anthropologie préhistoriques, 1909

Pierre SAINTYVES Les reliques et les images légendaires, 1912.

Ch. Ferrière Á Ceylan. Une visite aux ruines d'Anuradhapura  In: Le Globe. Revue genevoise de géographie, tome 55, 1916.

Hermann Oldenberg, Le Bouddha. Sa vie, sa doctrine, sa communauté, 1934.

François Deshoulières Culte des reliques  In: Bulletin Monumental, tome 96, n°3, année 1937.

Françoise Wang-Toutain Le bol du Buddha. Propagation du bouddhisme et légitimité politique. In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 81, 1994.

Bénédicte Brac de la Perrière, Urbanisation et légendes d'introduction du bouddhisme au Myanmar (Birmanie). In: Journal des anthropologues, n°61-62, Automne 1995.

John S. Strong  Les reliques des cheveux du Bouddha au Shwe Dagon de Rangoon

In: Aséanie 2, 1996.

Oskar von Hinüber  Enquête dans les monastères bouddhiques de Thaïlande. Le moine et le livre. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 146 année, N. 1, 2002.

Françoise Biotti-Mache  APERÇU SUR LES RELIQUES CHRÉTIENNES  in L’Esprit du temps, 2007/1 n° 131.

Gilles Banderier, Philippe Borgeaud  et Youri  Volokhine  Les Objets de la mémoire. Pour une approche comparatiste des reliques et de leur culte.  In : Revue belge de philologie et d'histoire, tome 85, fasc. 3-4, 2007.

Site Internet : 

https://th.wikipedia.org/wiki/รายชื่อพระธาตุเจดีย์

 

NOTES

 

(1) Voir notre article A 251 « LA LÉGENDE DU TRÉSOR ENFOUI  DU PHRA THATPHANOM SUR LES RIVES DU MÉKONG, LE LIEU LE PLUS SACRÉ DU BOUDDHISME DANS LE NORD-EST ».

(2) … mais le lieu ne nous semble pas spécifiquement se situer sur la route entre That Phanom et Nakhon Phanom, allait-il au Cambodge ? Ce n’était pas la route non plus. 

(3) Voir notre article A 228 « QU’EN EST-IL DES 108 SIGNES PROPITIATOIRES ET DE BONNE AUGURE GRAVÉS SUR LES EMPREINTES SACRÉS DU PIED DE BOUDDHA »

http://www.alainbernardenthailande.com/2017/06/a-228-qu-en-est-il-des-108-signes-propitiatoires-et-de-bonne-augure-graves-sur-les-empreintes-sacres-du-pied-de-bouddha.html

(4) https://www.sciencealert.com/an-ancient-shrine-that-could-contain-buddha-s-skull-has-been-found-in-chinese-crypt

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