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  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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Merci d’être venu consulter ce blog. Si vous avez besoin de renseignements ou des informations à nous communiquer vous pouvez nous joindre sur alainbenardenthailande@gmail.com

11 mai 2016 3 11 /05 /mai /2016 22:20
229 – 2. LES ÉVÉNEMENTS POLITIQUES DU 14 OCTOBRE 1973 AU 6 OCTOBRE 1976, TROIS ANS DE CHAOS  (SUITE).

Le second gouvernement Sanya (27 mai 1974 – 14 février 1975)

 

Sanya Dharmasakti qui bénéficie de toute évidence de la confiance royale est à nouveau nommé premier ministre, par décret du  27 mai 1974 et forme son cabinet un peu plus étoffé que le précédent (30 ministres au lieu de 27). Il ne comprend « plus que » 7 militaires dont le pouvoir est moins apparent. Son vice-premier ministre est Prakob Hutashinta, un professeur de sociologie de Thammasat. Le ministère de la défense revient à un militaire, le général Kruan Suddhanin sur lequel nous n’avons pas de renseignements précis. Il s’adjoint deux vice-ministres, le maréchal de l’air Bua Sirisara et l’amiral Thavil Narayanananda. Le ministère de l’intérieur, poste clef, revient encore à un militaire chef de la police, le Major General Atthasit Sithisunthorn. Sa déclaration de politique générale du 7 juin est toutes proportions gardées de la même farine que la précédente… de ces bonnes intentions dont l’enfer est pavé.

229 – 2. LES ÉVÉNEMENTS POLITIQUES DU 14 OCTOBRE 1973 AU 6 OCTOBRE 1976, TROIS ANS DE CHAOS  (SUITE).

Mais les difficultés continuent : en mai 1974, les ouvriers du textile se mettent en grève, or le textile est certainement le secteur le plus important de l’industrie thaï. Ce n’est qu’au bout de plusieurs semaines qu’un accord survient : les salaires sont augmentés, et on remet en chantier la loi sur le travail. Puis ce sont les paysans qui manifestent. Ils sont mécontents des taux de fermage et, surtout, de ce que ce système de fermage fait travailler des ouvriers non propriétaires dans des rizières où les propriétaires ne mettent jamais les pieds, ramassant ainsi de l’argent à bon compte. 

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Au début de juillet, une émeute dans le quartier chinois, peut-être raciale, fait 27 morts. Les organisations d’étudiants accusent la police de violence inutile et demandent une enquête, laquelle lavera la police de toute faute. Les crimes politiques font désormais partie intégrante de l’arrière-fond politique thaïlandais. En mars 1974, un journaliste américain, connu pour sa lutte contre la guerre d’Indochine, avait déjà été assassiné. En juin, c’est au tour d’un député, qui avait écrit un livre sur la C.I.A. En juillet, un leader étudiant est tué à Udon. En juillet également, c’est l’assassinat d’un éditeur de journal provincial, qui avait publié des articles pour dénoncer la corruption. Puis, en août, c’est la grande affaire : le 23, l’étudiant activiste Saeng est tué en plein jour dans la rue. L’assassin parvient pourtant à s’enfuir, et ne sera jamais arrêté.

229 – 2. LES ÉVÉNEMENTS POLITIQUES DU 14 OCTOBRE 1973 AU 6 OCTOBRE 1976, TROIS ANS DE CHAOS  (SUITE).

La constitution fut enfin promulguée le 5 octobre après avoir provoqué la chute du gouvernement au mois de mai. Peu en importe le texte. Mais le « Centre national des Etudiants » y est opposé, alors que le Centre des « Techniques » s’oppose par contre, à l’opposition des « Etudiants ». Intellectuels contre manuels ? Ainsi donc, dès octobre 1974, le vent a tourné : rien ne va plus entre « Etudiants » et « Techniques ». Il y a des raisons probables : les « Techniques » sont mécontents de ne pas avoir été consultés par les « Etudiants », et surtout ils les accusent de ne pas leur avoir donné un centime des 20 millions de bahts que le public avait offerts aux « Etudiants » pendant et après les événements, alors que ce sont justement les « Techniques » qui ont eu le plus de tués. Alors évidemment les officiers de la police vont encourager les « Techniques » contre les autres. 

 

La question de la Constitution n’intéresse personne : c’est la dixième depuis 1932, et il est difficile de prendre celle-ci plus au sérieux que les précédentes. 

 

D’ailleurs, au moment même de la signer, le Roi prend une initiative inhabituelle : il annonce publiquement ses propres réserves à l’égard de ce document. Et, au même moment aussi, un activiste visionnaire fait remarquer « qu’avec ou sans Constitution, et qu’il y ait ou non des élections, il ne fait aucun doute que de toute façon les militaires referont un jour un autre coup d’état ». Cependant, on joue le jeu. L’autre paramètre important d’un régime démocratique singé sur les modèles occidentaux, c’est l’appareil politique avec ses partis. Ceux-ci sont officiellement autorisés le 15 octobre 1974, suite logique de la promulgation de la Constitution. Il en résulte la naissance de 43 partis,  que l’on peut répartir en deux grandes catégories, les civils et les militaires, mais ces deux grands groupes politiques sont eux-mêmes divisés.

 

Le 14 octobre 1974, c’est le premier anniversaire du « Jour de Grande Tristesse ». Une grande cérémonie de crémation eut lieu en présence du Roi pour ceux qui étaient morts en réclamant une Constitution. Ils sont encore des héros.

 

Les premières élections (26 janvier 1975)

 

Les premières élections de ce régime civil eurent lieu le 26 janvier 1975. 2.199 candidats de 42 des 43 partis (l’un d’entre eux ne put présenter de candidat) pour 269 sièges. La participation reste faible : 53 % d’abstentions (66 % d’abstentions à Bangkok), bien que le nombre des abstentionnistes diminue d’une élection à l’autre : pour les années 1957, 1969, 1975, on passe de 80 % à 75 % et 53 %. En 1975, quatre grandes raisons de l’abstention sont données d’après des sondages qui valent ce qu’ils valent mais qui se passent de commentaires :

 

1. Le sentiment que les candidats veulent être députés pour leur intérêt personnel (84 pour cent).

 

Cette opinion nécessiterait que nous puissions savoir quelles étaient alors la rémunération des députés et des ministres. Nous n’avons malheureusement rien pu trouver à ce sujet. Le nombre des candidats laisse toutefois à penser que la soupe était bonne !

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2. Manque de confiance dans les candidats : la plupart des candidats aux élections précédentes avaient manqué à leurs promesses une fois élu (78 pour cent).  

 

3. Trop de partis politiques (69 pour cent).

 

4. On ne voit pas l’utilité des députés.

 

Les résultats.

 

(Nous retenons pour ces partis les noms tels qu’ils ont été reproduits dans la presse anglophone (Bangkok Post) étant précisé qu’une traduction en français n’aurait aucun sens. Nous n’allons évidemment pas vous traduire « Social Nationalist Party » par « parti national-socialiste thaï » !

Parti

Voix

%

Sièges

+/-(gains)

Democrat Party (พรรคประชาธิปัตย์)

3.176.398

17.2

72

+ 15

Social Justice Party

2.669.736

14.5

45

nouveau

Thai Nation Party (พรรคชาติไทย) (Chat thai)

2.220.897

12.1

28

nouveau

Social Action Party (พรรคกิจสังคม)

1.982.168

10.8

18

nouveau

Social Agrarian Party

1.387.451

7.5

19

nouveau

Social Nationalist Party

1.299.613

7.0

16

nouveau

New Force

1.113.653

6.0

12

nouveau

Socialist Party of Thailand

819.489

4.4

15

nouveau

Socialist Front

672.313

3.7

10

nouveau

Peaceful People's Party

509.718

2.8

8

nouveau

National Reconstruction

369.244

2.0

3

nouveau

Thai Party

313.904

1.7

4

nouveau

People's Justice Party

297.102

1.6

6

nouveau

Democracy

283.990

1.5

2

nouveau

Sovereign Party

141.607

0.8

2

nouveau

Labour Party

136.783

0.7

1

nouveau

Golden Cape Party

123.948

0.7

0

nouveau

People Party

122.033

0.7

0

nouveau

Agriculturalist Party

116.062

0.6

1

nouveau

Thai Earth Party

92.957

0.5

2

nouveau

Free People's Party

84.599

0.5

1

nouveau

People's Force

67.127

0.4

2

nouveau

Economist Party

60.962

0.3

1

nouveau

Provincial Development Party

30.103

0.2

1

nouveau

21 autres partis

343.164

1.9

0

-

Blancs ou nuls

1.137.291

-

-

-

Total

9.549.924

100

269

+ 50

Un récapitulatif donné par la presse occidentale donne une majorité écrasante à la droite (en pourcentage des voix) : droite militaire (4 partis) 40,3 % et droite civile (4 partis) 35,0 %. Face à eux, le centre (2 partis) 6,0 %, la Gauche (2 partis) 9,3 % et les Indépendants (10 partis) 9,4 %. En ce qui concerne les votes « conservateurs » tous partis confondus, leur score global en nombre d’élus est le suivant : pour le Nord-Est  55, pour le Nord, Nord  77 %, pour le sud, 90 %, pour la plaine centrale, 82 % et pour Bangkok, 100 %.

 

Les sièges de gauche (y compris le « centre » qui est considéré « à gauche ») ne se trouvent qu’en province. Bangkok est presque entièrement démocrate (le parti des « businessmen »). Est-ce la protestation du monde rural contre la domination économique et politique de Bangkok ? Ce tableau le suggère. Bangkok est exclusivement à droite mais rejette les partis militaires. En analysant un tableau qui donne les résultats par partis et par régions, on s’aperçoit de plus qu’il y a une relation entre le pourcentage des votes conservateurs et le niveau du revenu moyen selon les régions. Il y a correspondance entre la richesse de la région et le pourcentage des votes conservateurs :


Tout ceci démontre que, s’il y a eu un mouvement populaire « de gauche », c’est en province qu’on doit le trouver. Les événements de 1975 et 1976, vont être marqués par deux paramètres : la peur communiste en province et l’action étudiante à Bangkok.

 
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Le gouvernement Seni Pramot (15 février - 6 mars 1975)

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Seni Pramot (เสนีย์ ปราโมช) est nommé premier ministre par décret du  15 février 1975 et forme son cabinet le 21 février 1975. Il avait été en 1945 le plus jeune et sémillant premier ministre de l’histoire de la Thaïlande à 40 ans. Il est le chef du parti majoritaire dit « démocrate », en réalité parti réactionnaire et conservateur dont le financement aurait été assuré par la CIA ? Il forme un gouvernement de coalition, 30 membres, avec le parti « Social Agrarian » des militaires. Ce gouvernement ne dura que trois semaines et huit jours, ayant perdu, le 6 mars, la confiance à la Chambre sur sa déclaration de politique générale qui était pourtant de la même farine que celles de son prédécesseur. Il n’a pas encore battu le record de Tawee Bunyaket (ทวี บุณยเกตุ) dont le cabinet en 1945 avait tenu 18 jours mais il n’en est pas loin, lequel record sera bientôt battu par … Seni.

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Mais devant cet échiquier politique, on voit mal comment les gouvernements successifs pouvaient être autre chose que des gouvernements de coalition entre partis civils et partis militaires, gouvernements hybrides qui iront tous à l’échec toujours par manque d’unité des civils face aux militaires qui conservent une influence que nul ne peut négliger.

 

Le gouvernement Kukrit Pramot (14 mars 1975 - 7 janvier 1976)

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Cette fois, le leadership de la coalition passe au parti « Social Action » de Kukrit Pramot (คึกฤทธิ์ ปราโมช), jeune frère de Seni. On peut penser que comme son frère, il jouissait de la confiance du roi dont ils sont cousins éloignés ? Le noyau de son gouvernement est formé de 26 ministres, du « Social Action », de deux partis militaires (10 ministres) et d’une douzaine de petits partis qui permettront à Kukrit de constituer une majorité qui durera plus que les roses, 299 jours, au terme desquels il recommandera au Roi de dissoudre la Chambre, en expliquant qu’elle comprenait une multiplicité de partis, quelques-uns n’ayant qu’un ou deux sièges rendant impossible la formation d’une majorité absolue indispensable pour constituer un gouvernement stable.

 

Pendant ce gouvernement, la physionomie politique du pays va prendre un aspect particulier et nouveau, de lutte entre extrémistes de droite et de gauche. Trois éléments entrent en compte : les communistes et leur action rurale ; les mouvements nationalistes de droite ; et les étudiants.

 

Le parti communiste et son action rurale

 

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Le communisme thaï a deux sources : vietnamienne et chinoise. La source vietnamienne débute avec les visites de Ho-Chi-Minh en Thaïlande, en 1928-29, pour organiser parmi les Vietnamiens du Nord-Est les mouvements de soutien à la révolution du Vietnam. Ces visites conduisent à la formation du Parti Communiste Indochinois, qui établit ailleurs son quartier général dans le Nord-Est de 1933 à 1935, durant la répression française. Plus tard, une seconde période commence, quand le Viet-Minh utilise le Siam comme sanctuaire dans sa lutte contre les Français après la guerre. Le gouvernement thaï (au moins celui de Pridi), favorable à l’indépendance du Vietnam, ne fait pas obstacle à l’immigration de 70.000 réfugiés, parmi lesquels la propagande reste très active. La source chinoise remonte aux années 1920. Le Parti Communiste Chinois forme, à cette époque, une branche spéciale pour les membres de la colonie chinoise de Bangkok. La collaboration entre ce Parti Communiste Chinois local et le mouvement « Free Thai » dans leur lutte antijaponaise, durant la IIème guerre mondiale, donne au parti une quasi-légitimité en 1946, avec plusieurs milliers de membres.


En 1948, le gouvernement thaï s’inquiète du rôle de ce communisme étranger et procède à une série d’arrestations. En 1952, le Parlement vote l’ « Anti Communist Act ». Nouvelles arrestations massives de communistes, chinois et thaïs, qui aboutissent à la destruction des structures du Parti Communiste Chinois local. Mais le Parti Communiste Thaï, autonome, était déjà fondé depuis 1946. En 1948, il est interdit et reste donc clandestin. Il a peu de succès de 1949 à 1960, ce qui relève d’une erreur fondamentale, les dirigeants du moment insistent toujours sur la doctrine classique (à laquelle Mao s’est opposé avec succès) : l’agitation révolutionnaire doit être celle des ouvriers des villes. Que fait-on dans alors dans un pays où il n’y a que des paysans ? En 1961, le IIIème Congrès du P.C.T. dénonce cette politique et s’engage dans le plan « maoïste »de la révolution rurale. Suivent plusieurs années d’organisation, puis, le 7 août 1965, c’est la proclamation de l’insurrection armée. Dès lors, le mouvement croît régulièrement. D’une centaine de cadres en 1960, il passe à 3.500 hommes armés en 1972 à 5.000 en 1973 et à près de 10.000 au début de 1975. A ce moment, les communistes contrôlent ou contrôlaient 412 villages, dont 226 dans le Nord-Est, villages dans lesquels les officiels du gouvernement ne peuvent entrer sans escorte militaire. Dans le Nord, l’insurrection des tribus, reprise en main par les communistes, empêche pratiquement la construction de trois routes importantes.

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Depuis 1965, le gouvernement a adopté quatre plans successifs de répression, mais à chaque fois les communistes ont changé immédiatement leurs propres plans, obligeant le gouvernement à en changer à son tour. De plus, des erreurs sérieuses, ainsi que des abus graves, ont été commis, comme par exemple l’incident de Ban Na Sai, déjà cité plus haut. Dans le Nord, des bombardements classiques ou au napalm ont frappé indistinctement des villages hors de cause. 

 

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Si bien que des rapports gouvernementaux reconnaissent que les activités des forces gouvernementales sont elles-mêmes responsables d’un certain accroissement de l’insurrection. Parallèlement aux méthodes de répression, le gouvernement a cherché à mettre en place des programmes de développement et d’information, avec des budgets importants. L’échec des deux méthodes a forcé le gouvernement à repenser une fois de plus sa stratégie. Cette fois, c’est le plan « Volunteer Self Development and Protection » : expansion massive des milices de village, fourniture de matériel de développement, adjonction de trois assistants élus pour aider le chef de village traditionnel, et une large possibilité offerte aux villageois de participer au développement communautaire. La question se pose de savoir pourquoi des gens, qui ont paisiblement cultivé leurs champs pendant des siècles, se mettent à créer des ennuis au gouvernement central ?

 

En fait, la révolte rurale est essentiellement la demande des paysans d’obtenir leur part du développement du royaume, et d’avoir part aussi à la marche des affaires. Ce que ne leur donne pas Bangkok, les communistes le leur « promettent ». Une constatation avait déjà été faite, concernant les élections de 1975. Une autre a pu être faite, concernant les précédentes de 1957 et 1969 : il y a corrélation, dans une région donnée, entre l’accroissement de participation aux votes et l’existence d’un mouvement insurrectionnel dans cette zone. Les trois provinces qui ont le taux d’accroissement le plus élevé, et de loin, de tout le pays (jusqu’à 20 et 30 %), sont justement trois provinces qui étaient touchées par l’insurrection à cette époque : Loei, UdonSakonnakhon. En bref, les paysans en ont assez d’être des citoyens de seconde zone dans leur propre pays. Et les communistes se chargent de les en faire prendre conscience. Il suffit pour cela de consulter quelques chiffres :

 

En 1972, le revenu moyen annuel par région est de 3.986 baths mais par région, les écarts sont significatifs et plus encore : Bangkok : 12.750 - Plaine centrale 5.453 – Sud 3.681 - Nord 2.704 - Nord-Est 1.927. Tout ceci explique et justifie les manifestations des paysans durant les gouvernements SanyaSeni et Kukrit.  6 % de la population se partagent près de 50 % du revenu global du pays. « Socio-économie structure and the action of the Church for Development in Thailand » (1973) divise la société thaïe en quatre catégories d’après le revenu :  Le sommet de l’échelle, soit 1 % de la population, après impôts, dispose d’un revenu annuel de plus de 100.000 baths, soit 12 % du revenu total. Au moment de la révolution d’octobre 1973, on dénombrait 683 personnes avec un revenu annuel de 500.000 à 1 million de baths ; 226 personnes avec un revenu annuel de plus de 1 million et 35 personnes avec un revenu annuel de + de 2 millions. 2. 5 % de la population, après impôts, disposent d’un revenu annuel de plus de 40.000 baths, soit 30 % du revenu total. 3. 34 % de la population, après impôts, disposent d’un revenu annuel de plus de 5.000 baths, soit 28 % du revenu total. 4. 60 % de la population, après impôts, disposent d’un revenu annuel de moins de 5.000 baths, soit 30 % du revenu total.

 

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Par ailleurs, des études gouvernementales montrent que les communistes ont remarquablement réussi la modernisation de leurs propres zones. Ils ont atteint, avec très peu de moyens, des objectifs que le gouvernement n’arrive pas à atteindre, même avec l’aide étrangère. D’une façon significative, le gouvernement donne comme signes indicatifs de « zone d’insurrection » les éléments suivants : dans une zone donnée : la disparition rapide des bandits, la disparition du jeu, l’amélioration de habillement et même du langage, la disparition rapide de la drogue, une inexplicable augmentation de la demande en livres, papier et crayons, l’amélioration de hygiène publique, avec accroissement soudain de l’usage du savon et du dentifrice, la grande amélioration, spontanée, de la propreté et de l’ordre dans le village. En janvier 1975, le gouvernement donne les renseignements suivants : villages entièrement sous contrôle ou fortement sous contrôle communiste : 412. Villages sous influence sérieuse : 6.000, avec 3,9 millions de personnes (10 % de la population totale), dont 1,9 million dans le Nord-est et 1,3 million dans le sud.

 

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Les mouvements nationalistes de droite

 

Leur émergence est antérieure mais on peut la dater de mai-juin 1975. Kukrit s’apprête à aller à Pékin renouer les liens avec la Chine, rompus depuis 26 ans suite à un vote de la Chambre le 23 juillet 1974. Phnom Penh et Saigon « tombent » en avril 1975 ce qui entraine évidemment une perte de foi dans les bienfaits de l’alliance US et en conséquence des coupes substantielles de l’aide US et de sérieuses anxiétés sur les effets possibles de la débâcle américaine. Le gouvernement engage par ailleurs des conversations avec les délégations sud-est nord-vietnamiennes du 22 au 29 mai 1975 et noue des liens avec le Kampuchéa démocratique le 31 octobre 1975. Il subit des pressions politiques internes de droite et de gauche et fait l’objet de menace de défections des membres de 7 partis de la majorité gouvernementale. Il se heure donc à la fois à un problème extérieur de relations nouvelles avec le Vietnam, les Etats-Unis et la Chine et à un problème intérieur de stabilité gouvernementale.

 

229 – 2. LES ÉVÉNEMENTS POLITIQUES DU 14 OCTOBRE 1973 AU 6 OCTOBRE 1976, TROIS ANS DE CHAOS  (SUITE).

L’ « extrême droite » ne voit pas sans crainte s’effectuer la révision de la politique générale du pays. Si les élections de janvier 1975 avaient été, en effet, une victoire des conservateurs, l’esprit du 14 octobre n’était pas éteint. Les groupes de gauche restaient actifs : étudiants et syndicats éduquent paysans et ouvriers. L’extrême droite voit d’un mauvais œil l’activité de ces groupes et cherche l’occasion de les détruire, pour rétablir la sorte de calme qui existait du temps des dictateurs. C’est pourquoi ils organisent leurs propres groupes de pression qui essaient de neutraliser et de contre-attaquer les mouvements de gauche dans leurs meetings, manifestations et grèves, tout en exerçant aussi une pression sur le gouvernement. Le résultat, c’est que aussi bien la droite que la gauche arment les villageois et les endoctrinent dans leur idéologie respective. D’ailleurs, ceci n’échappe pas au gouvernement. Le 13 juin 1975, le ministre de l’intérieur manifeste son inquiétude à la radio en disant  « Certains groupes menacent la paix et l’ordre en donnant un enseignement de l’usage des armes aux gens des villages, et les incitant à se grouper pour accomplir des actes illégaux ». Mais les inquiétudes du gouvernement viennent trop tard. L’époque des lettres anonymes de menaces contre les gauches est ouverte. Parmi ses militants, beaucoup doivent se cacher. En juillet 1975, la gauche a conscience qu’une vague de répression est imminente, tandis que dans l’opinion se répand l’idée de la possibilité d’un puissant mouvement de droite de caractère idéologique aigu, faisant appel aux masses.

 

Plusieurs mouvements se sont déjà formés : « Nawaphon », « Protection de la Nation », « Protection de la Justice », « l’éléphant Blanc », les « Red Gaurs ». Mais tous se réclament de la défense de la nation, de la religion et de la royauté, et dénoncent les activités de la gauche comme étant un danger pour ces « trois Institutions sacrées du Peuple thaï ».  Sept généraux connus sont les instigateurs de ces divers mouvements.

 

Nous ne retenons ici que trois de ces groupes :

 

Les « Red Gaurs » (กระทิงแดง les « taureaux rouges ») est  le mouvement le plus connu du public (1).

 

229 – 2. LES ÉVÉNEMENTS POLITIQUES DU 14 OCTOBRE 1973 AU 6 OCTOBRE 1976, TROIS ANS DE CHAOS  (SUITE).

« Le Nawaphon » (ขบวนการนวพล « force nouvelle » ou « neuvième force », deux traductions possibles) se prétend totalement indépendant des Red Gaurs, mais les idées et les buts sont identiques (2).

 

229 – 2. LES ÉVÉNEMENTS POLITIQUES DU 14 OCTOBRE 1973 AU 6 OCTOBRE 1976, TROIS ANS DE CHAOS  (SUITE).

Il semble bien que le Nawaphon a eu une influence sur le mouvement des « Scouts Villageois » (ลูกเสือชาวบ้าน) et qu’il s’en sert comme le véhicule efficace de son idéologie. Il est, en effet, remarquable que le nombre de membres revendiqué par ces deux mouvements différents coïncide : entre 1 et 2 millions chacun. Ces deux nombres doivent-ils être additionnés ou recouvrent-ils les mêmes personnes (3) ?

 

229 – 2. LES ÉVÉNEMENTS POLITIQUES DU 14 OCTOBRE 1973 AU 6 OCTOBRE 1976, TROIS ANS DE CHAOS  (SUITE).

Les étudiants

 

Ils sont devenus depuis quelques années le centre d’intérêt de l’essentiel de la politique intérieure thaï. Une partie de la population les tient pour des héros ; la partie adverse les accuse d’être la honte du pays, « les poids morts, ou la lie de la terre ». Et, à intervalles rapprochés, ils sont régulièrement les victimes sanglantes d’un jeu politique impitoyable. Il semble impossible de nier l’existence d’un noyau communiste actif au sein des étudiants universitaires. Certains documents, brochures, tracts, affiches, indiquent une nette orientation de gauche. Parmi les journaux vendus au public dans les kiosques, figure celui que publient les étudiants : Athipat (la Grande Cause), qui est d’inspiration de gauche. Les trois étoiles rouges à gauche de son titre rouge le suggèrent à l’acheteur. Un encadré en haut de la première page signale qu’à Thammasat, on peut venir acheter photos et livres de (ou sur) Che GuevaraMarxMaoEngels et Chitr (un Thaï). Mais quelle est l’influence réelle de cette propagande sur l’ensemble des étudiants ?? Aucune réponse sûre ne peut être donnée. Les manifestations organisées par le Centre National, à chaque grande occasion, sont suivies massivement. Mais est-ce suffisant pour déclarer : les étudiants sont communistes ? Thammasat étant l’Université des Sciences sociales, économiques et juridiques, il semble normal que ses étudiants soient, plus que le reste de la population, conscients des problèmes de la société thaï. La remarque vaut tout aussi bien pour leurs professeurs. Le recteur de Thammasat, le docteur Puei, est lui aussi suspecté par la droite d’être gauchisant, sinon accusé directement par certains d’être communiste. Les étudiants des Ecoles Normales et les instituteurs en poste n’échappent pas non plus à la suspicion.

 

 

 

229 – 2. LES ÉVÉNEMENTS POLITIQUES DU 14 OCTOBRE 1973 AU 6 OCTOBRE 1976, TROIS ANS DE CHAOS  (SUITE).

Quelques événements significatifs

 

L’affaire des paysans :

 

Après octobre 1973, plusieurs délégations de paysans sont venues à Bangkok, avec l’appui et l’encouragement des étudiants, pour présenter leurs revendications au gouvernement. Dans le courant de septembre 1974, huit leaders paysans du Nord sont assassinés. Aucune arrestation n’est faite. Le 4 août 1975, huit paysans et un étudiant de la région de Chiang Mai sont arrêtés pour une affaire de forêt domaniale brûlée. Les étudiants et normaliens de Chiang Mai et de Bangkok manifestent dans ces deux affaires, soutenus par les syndicats. Le 8 août, un autre leader paysan est grièvement blessé. En fait, à cette époque, on signale plusieurs cas de disparition de leaders paysans. 

 

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Le 19 août 1975, mille policiers, an vêtements civils, escortés de voiture de la police, clignotants allumés, pénètrent dans la résidence privée du Premier Ministre Kukrit, alors absent, et détruisent tout à l’intérieur, ceci parce que le gouvernement a finalement fait relâcher les huit paysans arrêtés onze jours plus tôt à Chiang Mai. Les étudiants revendiquent cette libération comme étant leur victoire, tandis que les droitistes considèrent le cas comme un outrage.


Des grèves de protestation ont lieu des deux côtés, et les manifestations de droite et de gauche surchauffent l’atmosphère. Quant aux policiers, ils se sont fait justice sur la maison du Premier Ministre, jugé responsable.

 

L’affaire Thammasat.

 

Le lendemain, 20 août, 200 « Techniques » envahissent l’Université, jettent des bombes, tirent au revolver et mettent le feu à des bâtiments : 10 millions de dégâts. Aucune arrestation n’est faite.

 

L’affaire de l’hôtel Dusit :

 

Une grève très dure, menée par les employés de hôtel, avec occupation des bâtiments, débute le 1er mai et dure jusqu’au 27 mai, jour où 200 « Red Gaurs » envahissent hôtel et chassent les grévistes par la force, tandis qu’un cordon de police cerne le secteur. L’hôtel ne rouvrira que le 31 juillet. Au même moment, une autre grève, à l’usine textile Standard Garment, commencée le 2 mai, se termine par une action de la police qui malmène les ouvrières en grève : 15 blessés.

 

L’affaire TEMCO et les exploitations minières :

 

Cette affaire, très difficile à analyser, et mettant en jeu des intérêts énormes, a des ramifications économiques et politiques (intérieures et extérieures). En mars 1975, le gouvernement avorté de Seni, sous la pression de la gauche, a révoqué le contrat de concession d’exploitation d’étain en mer, accordé auparavant à la Compagnie TEMCO, 100 % étrangère. Cette « cause célèbre » a causé la méfiance des sociétés étrangères à venir investir en Thaïlande. Entre août et novembre 1975, des campagnes d’agitation, menées par les étudiants, forcent le gouvernement Kukrit à interdire deux concessions d’exploitation minière dans le Nord, à Mae Wa (antimoine) et à Mae Lieng (étain, wolfram). L’argumentation des étudiants est la suivante : ces mines sont la propriété des deux villages, puisque les villageois les exploitent pour leur propre compte depuis longtemps. Les capitalistes veulent les en déposséder à leur profit. Ces révocations de concessions font dire au colonel Saman Soyai, membre du Nawaphon, que « l’action des étudiants activistes fait partie d’un plan établi par le Parti Communiste de Thaïlande, visant à ruiner toutes les mines du royaume ».

 

229 – 2. LES ÉVÉNEMENTS POLITIQUES DU 14 OCTOBRE 1973 AU 6 OCTOBRE 1976, TROIS ANS DE CHAOS  (SUITE).

Au début de janvier 1976, deux autres difficultés viennent confirmer la faiblesse du gouvernement Kukrit : des troubles très graves dans les trois provinces séparatistes du Sud, et surtout la question du riz. D’après le plan du gouvernement, les paysans vont pouvoir vendre leur riz au-dessus d’un prix garanti. Mais ceci ne fait pas l’affaire des Chinois des rizeries qui l’achètent, ni celle des citadins qui voient le riz quotidien en passe d’augmenter. Les députés sont divisés sur cette question, et les ministres aussi C’est trop pour le gouvernement. Kukrit essaie bien, le 7 janvier 1976, de remanier de fonds en comble son cabinet (remplacement de 22 ministres), mais finalement, le 9, il décide de dissoudre la Chambre, pour procéder à de nouvelles élections qui, espère-t-il, donneront une majorité capable de former un gouvernement stable et fort.

 

C’est cette ambiance délétère que va se dérouler une nouvelle campagne électorale qui sera l’objet de notre prochain article.

 

229 – 2. LES ÉVÉNEMENTS POLITIQUES DU 14 OCTOBRE 1973 AU 6 OCTOBRE 1976, TROIS ANS DE CHAOS  (SUITE).

SOURCES

 

Voir notre article précédent

 

NOTES

 

(1) Mouvement de jeunes, il est formé principalement d’élèves du Technique, et a l’appui de la police et de l’armée. L’officier qui le patronne est le colonel Sayud Koetphon (chef des services de répression anticommuniste). Ce colonel s’est lui-même expliqué: « Les Red Gaurs furent formés parce que les étudiants de l’Université ont changé leur attitude après octobre 1973, et veulent contrôler le pouvoir parce que les communistes les ont infiltrés ». Il ajoute : « Les étudiants sont la tête, les Techniques sont les bras. Nous avons réalisé que, si nous voulons détruire le pouvoir étudiant, nous devons séparer la tête des bras ». Les Red Gaurs  servent à cela. Ils apparaissent dans les meetings, manifestations et grèves soutenues par les étudiants, pour harceler les orateurs et, parfois, jeter des bombes : ils ont à leur actif plusieurs attentats et auraient compté 35.000 membres en juillet 1975

 

(2) Le général qui le patronne est Wallop Rochanawisut. Lui aussi a donné des explications sur son mouvement : il fut fondé pour instituer une sorte d’idéologie nationale (la trinité Nation - Religion –Roi) mais son expansion date de février 1975. Le général pense qu’il faudra « encore deux ans pour construire le mur thaï contre le communisme ». Une figure importante de ce groupe, c’est Wattana Keowimon (ดร. วัฒนา เขียววิมล) le théoricien et l’organisateur du mouvement. Mais il faut signaler aussi le moine bouddhiste Kittiwutho (กิตติวุฑโฒภิกขุ) qui agit parmi les jeunes bonzes et a, à son actif (ou passif), cette parole qui provoqua un scandale dans la presse : « Tuer un communiste n’est pas un péché ; tuer un chien, oui » mais la phrase a été largement schématisée : dans une interview du magazine Jaturat répondant à la question de savoir si le meurtre des gauchistes ou des communistes entraînait des « mérites », Kittivuddho a répondu que les bouddhistes doivent le faire car ces tueries ne tuent pas des personnes qui détruisent la nation, la religion, ou la monarchie. « Ce ne sont pas des personnes mais des démons (Mara มาร) ». Kittiwutho Bhikkhu (กิตติวุฑโฒ ภิกขุ) est un exemple frappant de l'engagement politique par un moine bouddhiste. 

 

229 – 2. LES ÉVÉNEMENTS POLITIQUES DU 14 OCTOBRE 1973 AU 6 OCTOBRE 1976, TROIS ANS DE CHAOS  (SUITE).

Ordonné en 1957 à l'occasion du 2500ème anniversaire de l'ère bouddhiste, il a atteint une notoriété nationale quand il a fondé le Cittaphawane College (จิตตภาวันวิทยาลัย) une décennie plus tard. Cette institution religieuse, située dans la province de Chonburi (ชลบุรี) est devenue unique en mettant l'accent sur l'activisme social et la propagation de la foi bouddhiste. La renommée de son chef a augmenté et des dons substantiels ont été reçus par le collège. L'institution est devenue « un centre où des milliers de garçons ont été ordonnés comme novices, et au cours de laquelle des centaines de moines chaque année ont reçu l'ordre dans sa propre version particulière de Kittivuddho de l'action sociale bouddhiste ». Des centaines de chefs de village ont également assisté à des sessions de formation au collège, leur transport et d'hébergement payés par les dons. Au départ, l'activisme bouddhiste promu par Kittivuddho ne semblait pas avoir une connotation explicitement anti-communiste. Cependant, les événements de la période entre octobre 1973 et le milieu de 1975 l'ont amené à devenir anti-communiste avec virulence et tenter de créer un mouvement qui cherchait à détruire, par la force si nécessaire, les « ennemis de la religion, la nation et la monarchie ».  Le général Wallop a déclaré qu’il avait le soutien des leaders musulmans et catholiques : ainsi donc il a le soutien de toutes les religions pour la défense de la Religion. Le but du mouvement Nawaphon est d’éduquer le peuple à la démocratie, en partant de ses racines, depuis le début. Les auteurs du coup d’état d’octobre 1976 ont précisément repris ce programme d’éducation progressive à la démocratie, par le moyen d’un plan de 3 fois 4 ans. La base de tout le système Nawaphon est le postulat que « la société thaï reste posée sur deux fondements : le Temple et le Palais ». De 50.000 membres au milieu de 1975, il atteint le million (peut-être même beaucoup plus) au milieu de 1976. Ses activités : distribution de tracts ; lettres anonymes dont le contenu peut être résumé comme suit : Le pays est en danger les étudiants sont communistes il faut s’unir pour protéger les institutions sacrées de la Nation, de la Religion et de la Royauté ; lettres de menace aux sociétés commerciales qui accordent leur publicité aux journaux de gauche.

 

3) Le mouvement des Scouts Villageois n’est pas en soi politique comme le Nawaphon. Institué par le Roi en 1969, il a pour but le développement individuel et communautaire dans le cadre de la vie quotidienne locale sans que l’on sache trop s’il a été récupéré par la Nawaphon ou vice-versa. Directement patronné par le roi, il se veut au-dessus des partis politiques et se propose de mobiliser toutes les énergies au service des trois idées forces : la Patrie, la Religion et le Roi. Les sessions d’éducation populaire et les nombreux chants de ce mouvement développent les thèmes suivants : la Patrie terre des ancêtres, la Patrie terre des morts, la Patrie terre de la liberté, la Patrie éternelle grâce aux ancêtres qui se sont sacrifiés pour la Religion et le Roi : « Ils sont morts pour que nous puissions vivre ». Cette conception assez barrésienne de la patrie déclenche l’enthousiasme populaire, d’autant plus que le roi lui-même, accompagné de la famille royale, se déplace à travers le pays pour distribuer fanions et foulards aux différentes sections. Ils ont probablement alors atteint le million de membres. 

229 – 2. LES ÉVÉNEMENTS POLITIQUES DU 14 OCTOBRE 1973 AU 6 OCTOBRE 1976, TROIS ANS DE CHAOS  (SUITE).
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commentaires

E
merci pour ce rappel historique
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G
Ce n'est pas la dernière valse !