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  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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10 janvier 2016 7 10 /01 /janvier /2016 04:30
A 208 - LE  RITUEL DE LA PÊCHE AU PLABUK, « LE GÉANT DU MEKONG » DANS LE NORD – EST DE LA THAÏLANDE.

Nous avons rencontré à diverses reprises sir Francis-Henry Giles alias Phraya Indra Montri, officier de marine britannique contraint de quitter le service, devenu collaborateur actif de la Siam Society à qui nous devons, dans les années 30, d’avoir recueilli des rites et coutumes locales alors déjà en voie de disparition (1). Les cérémonies festives – et plus encore – de la pêche annuelle au plabuk ont été minutieusement décrites dans un article du journal de la Siam society (2).

 

Le poisson-chat géant du Mékong (ปลาบึก – plabuk - pangasianodon gigas) est un poisson d'eau douce de la famille des silures qui vit dans le Mékong, au Cambodge, en Chine, au Laos, au Myanmar et en Thaïlande, dans le fleuve et ses affluents, Nam Ngum (แม่น้ำงึม) et la rivière Moon (แม่น้ำมูล), mais pas dans le lit inférieur  ou l’eau est plus ou moins saumâtre. 

A 208 - LE  RITUEL DE LA PÊCHE AU PLABUK, « LE GÉANT DU MEKONG » DANS LE NORD – EST DE LA THAÏLANDE.

Les spécimens vivant dans le « grand lac » du Cambodge (« Thonlésap ») remontent le fleuve en à la fin de la saison des pluies sur plus de 300 kilomètres, les constatations ayant été effectuées sur des poissons bagués. D’après un ichtyologiste de renom, le Dr Hugh McCormick Smith consulté par Giles, le plabuk est semblable au plathepo (ปลาเทโพ, le « poisson chat aux oreilles noires » ou Pangasius larnaudii) 

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.... avec deux différences,  le plabuk n'a pas la tache noire sur les ouïes et il est dépourvu de dents. Ce poisson est d'une couleur gris clair sur le dos et blanc sur le ventre. Il n'a pas d’écailles, son cœur est très petit, deux pouces (5 cm) et est situé à proximité de la gorge. Il est facile à tuer d’un coup de masse sur la tête. Il peut atteindre 3 mètres avec une circonférence de 2 mètres. Le mâle est plus fin que la femelle qui est plus robuste et plus ventrue. Les œufs apparaissent en janvier et février, mais une femelle capturée à Chiangsen (เชียงแสน) un amphoe de la province de Chiangrai (เชียงราย) à la fin juillet portait encore ses œufs (3).

 

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Les rites décrits par Giles sont selon lui d'une grande antiquité, purement animistes avec une influence brahmaniste et bouddhiste. Une référence dans les incantations à Phraya Thorn (พยาธร) peut signifier tout simplement « les esprits » mais les spécialistes interrogés par Giles y voient une référence à Vishnu. Si le Brahmanisme a étendu son influence dans cette région il y a environ 2000 ans, il ne semble pas qu’il ait eu la moindre incidence sur la vie quotidienne de la population ce qui laisse à penser que ce cérémonial est bien antérieur et remonte à « plusieurs milliers d'années ».

 

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Les esprits favorables sont des Kha (ข่า) révélant des croyances bien antérieures au bouddhisme et Giles trouve des ressemblances troublantes en référence à des rites à la fois brahmanistes et bouddhistes observés par lui lors de chasses à l’éléphant dans l’actuelle province de Chumpon et de chasses au buffle dans notre province de Kalasin (4). Ces chasses et cette pèche ont été observées dans une même région, celle du plateau de Korat (โคราช) délimitée à l’est par le Mékong. Le peuple croit en l’existence de l’« esprit des eaux » qui occupe le corps de ses ancêtres, Ta Seng (ตา แสง) qui serait une réincarnation de l’esprit ancien, le kha.
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Giles a encore constaté la persistance de certains aspects des cérémonies qui auraient une connotation bachique, une grande liberté sexuelle tolérée pendant et après la période de pèche.

 

 

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Les lieux de pêche

 

Ces lieux de pêche sont nombreux sur des centaines de kilomètres depuis les chutes de Kemmarat en aval de Mukdahan jusque dans la province de ChiangraiGiles nous donne le détail des plus connus (5). Ce sont probablement les endroits où des siècles d’observations ont démontré que le fleuve était le plus poissonneux.

 

 

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Le rituel

 

Nous allons voir que, si le Mékong constituait depuis 1893 la frontière politique entre le Laos français et le Siam, il ne constituait alors pas une frontière naturelle puisque les cérémonies se déroulaient indifféremment et sans difficultés sur l’une ou l’autre rive et qu’il n’y avait aucun obstacle – du moins pendant ces dix jours de pêche – à sa traversée.

 

Chaque année, à la saison des basses eaux, les habitants du voisinage du « bassin d'or » se réunissent dans le but de commencer les opérations de pêche.

 

Le premier jour, elles commencent à la 8ème lune décroissante du 3ème mois et se continuent jusqu’à la 12ème. La journée de pêche commence à l’aube et se termine à la mi-journée. Les autorités des villages invoquent l’esprit des eaux et l’esprit de leur village. Sur la rive française, les autorités administratives françaises participaient à ces cérémonies sans probablement y rien comprendre. 

 

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C’est le début d’un cérémonial qui date de la nuit des temps. Pourquoi le choix d’une lune descendante ? Voilà bien un point sur lequel les avis, souvent péremptoires, divergent mais l’influence de la lune sur la pêche est mentionnée dans des écrits anciens, nombre d’habitudes en découlent et chaque pêcheur à ses secrets. Quant à l’influence des cycles de la lune sur le comportement des poissons, elle est certaine mais ne paraît pas avoir fait l’objet d’études sérieuses.

 

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Il y a plusieurs esprits qui veillent sur cette partie du fleuve, dont il faut se concilier les bonnes grâces par des offrandes de nourriture et de boissons. Il existe quatre sanctuaires importants où résident ces esprits, à proximité du « bassin d’or » :

 

Le premier esprit est connu sous le nom de Hongkham (ฮงคำ), en Isan-lao « le cygne d’or » qui réside dans la province de Vientiane, dans le village Kaoliao  Tasaeng, (เก้าเลี้ยว ตาแสง), district de  Sikai (สีไค) situé sur la rive gauche face aux villages siamois de Ban  Mo  (บ้านหม้อ) et  Donchingchu  (ดอนชิงชู้), situés dans le tambon de Si  Chiangmai (ศรีเชียงใหม่), amphoe de Tabo  (ท่าบ่อ), sur la rive droite.

 

 

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Un autre esprit appelé Chao Dan (เจ้า ด่าน) a son sanctuaire dans la province de Vientiane au village de Hinsiu (หินสิ้ว) sur la rive gauche. Ce village se trouve en face du village de Koksok (โคกซอก), également  dans le Tambon  de Si Chiangmai et l’amphoe de Tabo (ท่าบ่อ), sur la rive droite.

 

Le matin, au début de la saison, les villageois qui ont décidé de se rendre au « bassin d’or » avant de partir à la pêche doivent d’abord se rendre au village de Hom (ห้อม), à une quinzaine de kilomètres en amont de Vientiane. Le chef de village, nommé Taseng (ตาแสง) est la réincarnation actuelle de l’esprit des eaux anciennement Kha (ข่า). Il appelle tous les esprits de la rivière et quand ils sont arrivés commencent une fête pour nourrir ces esprits. Après cette fête, les esprits sont invités à accompagner les pêcheurs à la partie de pêche dans le « bassin d'or » pour protéger les pêcheurs de tous les dangers et leur assurer de bonnes prises.

 

Les offrandes se composent d'un pagne pour les esprits masculins et une jupe appelée sin (ซิ่น) pour les esprits féminins, cinq noix de bétel, douze coupes de fleurs, des bijoux et des sucreries.

 

 

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Les villageois se déplacent alors jusqu'à la rivière dans le village de Suanmon (บ้าน สวน มอน) où se trouve le jardin de Ta Seng, à environ cinq kilomètres en amont de Vientiane. Ce village est situé en face Huasai (หัวทราย) dans l’amphoe de Tabo (ท่าบ่อ) sur la rive siamoise. Les bateaux forment un cortège et descendent le fleuve jusqu'à Tana (ทะนา) et Paksai (ปากใส) pour y nourrir les esprits et puis s’en retournent à Ban Suanmon où une autre fête est préparée pour les esprits. On y passe la  nuit.

 

Le matin suivant les bateaux se déplacent jusqu'à Kokkham (โคกคำ) et Hadchaosaimun (หาด เจ้าทรายมูล) sur la rive gauche face à Ban Panprao sur la rive droite (บ้าน พานพร้าว) situé dans l’amphoe de Nongkhai. À chacun de ces endroits, des offrandes apaisent les esprits gardiens du fleuve. La procession se dirige alors vers Vientiane. À l'arrivée, elle se dirige vers le Sanctuaire de Siri Mangala (ศิริมงคล), un esprit favorable, où, après que lui ait été rendu un hommage respectueux, des offrandes lui sont présentées. Siri Mangala est un esprit très puissant qui entre parfois dans une enveloppe charnelle féminine, un medium connu sous le nom de Nang Thiam (นาง เทียม). L’équipe y passe la nuit. Ce sanctuaire est situé à l'embouchure de Huay Champasakdi (ห้วย จำปาศักดิ์). Le medium est vêtue d'une jupe rouge, d’un manteau rouge, et d’un turban rouge. Elle fait des offrandes de bougies, de cierges d'encens, de spiritueux et de sucreries, invitant l'Esprit à entrer en elle. Les musiciens jouent sur des khénes l'air de la chanson Sudsanen (สุดสะแนน)

 

 

... invitant l'esprit à pénétrer le médium. Nang Thiam allume une bougie et se tient assise tenant dans sa main un bol avec des bougies et des cierges d'encens, immobile. Lorsque la bougie faiblit et que sa flamme vacille, c’est la preuve que l'Esprit Siri Mangala est entré dans son enveloppe charnelle. Nang Thiam entre alors en transe, elle pose le bol, se lève et se met à danser. Intervient une deuxième personne, familière de l'Esprit qui veille sur lui et fournit ses besoins, connue sous le nom de Cham (จ้ำ).

 

 

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Cette personne demande à Siri Mangala, lorsqu'il est entré dans l’enveloppe charnelle du médium, d'accorder ses faveurs pour la pêche dans le « bassin d'or » et de lui révéler si la pêche sera bonne. Nang Thiam répond (en général) que la pêche sera bonne et plus abondante que l'année précédente à la condition que soient respectées les anciennes coutumes. Elle lui demande alors quelles sont ces coutumes. Le medium répond que la nourriture préparée ne doit avoir été touchée par aucune personne avant que l'Esprit Hongkham (ฮงคำ) ou « cygne d’or » ait été nourri. Après cela, les participants peuvent manger. Le familier de l'Esprit, Cham (จ้ำ) demande alors à Siri Mangala de quitter le corps du medium et l'invite à accompagner la partie de pêche dans le « bassin d'or ». Nang Thiam, le médium, est payée seize atts (un quart de tical) un pagne fleuri, deux noix de coco vertes, un régime de bananes, neuf couples de bougies et d'encens et des cierges pour ses services.

 

A l’aube du jour suivant, les bateaux quittent Vientiane partent en procession et remontent  le fleuve vers le « bassin d'or ». Sur le chemin en amont, il est nécessaire de faire une halte en faisant des offrandes à l' Esprit Yaya (ยายา), elle-même mère de l'Esprit de Hatmun (หาดมูล), situé dans le tambon de Sikai (สีไค) (à une quinzaine de kilomètres en amont de Nongkhai) et aussi au temple de Huay Vichaya (ห้วยวิไชย).

 

 

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À l'arrivée à Kao Liao (เก้าลี้ยว) les « neuf méandres » on fait de nouvelles offrandes à l'Esprit du Cygne d'or. Elles prennent la forme pendant deux années consécutives d'un cochon, et d’un buffle la troisième année, une rotation inchangée depuis des temps immémoriaux. Ces animaux sont abattus à une heure de l'après-midi. La tête, les pattes avant et la queue avec des fleurs de bois de santal, des bougies, des cierges et d'encens sont placées sur un plateau, et le familier de l’esprit, le Cham les lui offre à l’esprit en psalmodiant :

 

 

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« Nous tes humbles serviteurs, tous gens du pays, nous sommes réunis pour faire des offrandes à toi, Chao Pomhua (เจ้า ป้อมหัว) chef de tous les esprits, et respectueusement, nous t’invitons à participer à notre festin spécialement préparé pour toi. Le moment est venu pour nous de commencer cette activité  importante, la capture du poisson dans le « bassin d'or », et nous te demandons de nous accorder ta protection et ta faveur que nous puissions capturer de nombreux poissons ».

 

Plus tard, de nouvelles offrandes sont offertes à l'Esprit dans ce sanctuaire. Elles se composent de neuf types différents de nourriture, un plat de chacune est placé sur un plateau. Nous y trouvons du lap (ลาบ), de la viande crue mariné dans la sauce de poisson, de la viande grillée (เนื้อปิ้ง), un curry (แกง), des tripes bouillies (ต้ม เครื่อง ใน), des tripes frites, une sorte de bouillon (ต้มซั่ว), du foie grillé (ตับปิ้ง), une sorte de salade de crevettes (ก้อย), des spiritueux, un verre ou une bouteille.

 

 

 

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Ces offrandes sont connues pour être celles que prises le Cham. Elles sont placées sur l’autel du sanctuaire et le Cham psalmodie alors, à peu près dans les mêmes termes :

 

« Nous tes humbles serviteurs, tous gens du pays réunis, nous t’invitons toi à partager les bonnes choses préparées par nous. Le moment est venu pour nous de commencer cette activité  importante, la capture du poisson dans le « bassin d'or », nous te supplions de nous accorder ta protection et ta faveur que nous puissions capturer de nombreux poissons ».

 

Pendant l'acte de présentation des neuf offrandes Nang Thiam le médium, vêtue de sa robe rouge, allume des bougies et des bâtons d’encens et tenant le tous dans ses mains avec des fleurs de bois de santal, elle rend hommage devant le sanctuaire et invite l'esprit du cygne d’or à entrer en elle. Les musiciens jouent alors le même air de Sudsanen, sur leurs khénes.

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Le médium reste immobile avec le bol contenant les bougies et les cierges d'encens dans les mains. Elle commence bientôt à entrer en transe, elle place ensuite le bol sur le sol, se lève et danse. L'Esprit a maintenant pris possession de son corps.

Le Cham demande alors à l’Esprit seigneur de tous les esprits, ce que sera leur capture. L'Esprit répond que si les pêcheurs agissent d'une manière juste et approprié la capture sera abondante mais que si leur comportement est injuste la capture sera minime mais toutefois, vous ne pourrez pas retourner à la maison les mains complétement vides. Le Cham s’enquiert ensuite de ce qui constitue un comportement juste. La réponse est qu’il faut respecter les traditions de la cérémonie. La Cham invite alors l'Esprit à quitter le médium et à rejoindre la partie de pêche. Les mets préparés comme offrande à l'Esprit sont ensuite distribués à la foule qui va passer la nuit sur place.

 

A l'aube du jour suivant, les bateaux quittent les « neuf méandres » et remontent en amont en s’arrêtant à Pakmun (ปากมูล) et à Huayhom (ห้วยห้อม) où l’on fait des offrandes aux esprits locaux.

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Quand le cortège arrive là l’après-midi, le Cham, en prenant des offrandes de viande de porc, de canard et volaille les présente l'Esprit Chao Dan (เจ้า ด่าน), dont le sanctuaire est à Hinsiu (หินสิ้ว). Il n'y a pas là de cérémonie pour inviter l'Esprit à entrer dans le médium. Le Cham lui manifeste seulement son respect et l'informe que la troupe part pour le « Bassin d'or » pour la pêche annuelle. L'Esprit ayant la charge de garder le sanctuaire ne peut pas abandonner son poste. La troupe passe alors la nuit, elle a été rejointe par un grand nombre de personnes des districts environnants avec leurs bateaux qui attendaient la procession cérémoniale pour l’accompagner au « bassin d'or », n’osant pas y entrer avant que le Seigneur des Eaux n’ouvre la voie.

 

A l'aube du jour suivant, un chef Lao de Vientiane qui joue le rôle de maître des cérémonies rejoint la troupe qui s’arrête à Konsahua (ก้อนสระหัว) et à Kutkungli (กุดก้องลี) et fait des offrandes propitiatoires aux esprits des lieux.

 

De là les bateaux sont amarrés à un arbuste sur un banc de sable pour être au vu de tous. La Cham prend un peu de porc, de canard et de chair de volaille, et fait une offre sans aucun cérémonial aux esprits gardiens des lieux. Il lui manifeste simplement son respect et les informe de son intention de rejoindre le bassin d'or pour capturer le Pla Buk. Ces Esprits, également sur leurs gardes, ne peuvent pas accompagner la partie de pêche.

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À deux heures de l'après-midi le Cham prépare de la nourriture, des bougies, des cierges, de l’encens et des fleurs de bois de santal pour les présenter au temple de l'Esprit du « bassin d'or ». Ce sanctuaire, qui est situé dans un bâtiment appelé localement le Pamsai (ผามไซ). C’est une grande cérémonie. Une procession de bateaux se forme. Ils transportent deux épées, deux gourdes d'eau, deux plateaux avec des noix de bétel et des feuilles, neuf pièces d'argent, quatre morceaux de cire d'abeille, deux noix de coco vertes, deux plats de sucreries, neuf paires de bougies, des cierges d'encens et des fleurs de bois de santal ... 

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... un gong et deux flûtes. La Nang Thiam vêtue de rouge bat le gong et joue sur une flûte. Lorsque la procession arrive au sanctuaire, le Cham allume les bougies et cierges et d'encens, rendant hommage révérencieux, les place avec de la nourriture sur l'autel, en disant:

 

« Aujourd'hui, ton humble serviteur implore la permission de te rendre hommage à toi, Seigneur, de ce lieu, chef des Esprits. Je te prie de permettre à ces personnes d’attraper du poisson pour que leurs efforts soient récompensés par une prise abondante. Moi, ton humble serviteur, j’ai apporté des noix de coco, des bananes douces, des noix de bétel, de la viande de porc, de la chair de buffle chair et des spiritueux. Si nous prenons du poisson, je te présenterai de nouvelles offrandes ».

 

Durant la cérémonie, les musiciens jouent du khène et le Cham continue à parler à l'Esprit en disant : « Je viens accompagner le peuple et ses dirigeants dans le « bassin d'or » et maintenant je prie la mère et le père de l’esprit du bassin d’or dans le sanctuaire dans le Pam Sai. Lorsque les poissons auront été capturés, je viendrai te présenter du poisson, préparé pour manger avec des liqueurs spiritueuses pour ton repas du matin ».

 

Cette cérémonie ayant été effectuée, le peuple se met en procession accompagné par la musique. Au sanctuaire, tout a été préparé pour recevoir ces offrandes, des tapis ont été étendus, une estrade a été élevée sur laquelle est placé un oreiller, neuf nattes, couches, neuf pièces de soie, neuf jupes, neuf pièces de tissu blanc et une bouteille de spiritueux. Une lampe est allumée. Un grand concours de personnes s’est réuni pour attendre avec impatience l'arrivée de la procession.

 

L'activité réelle ne commencera que le lendemain (enfin !) avant l’aube. Nul n’ose jamais enfreindre ces règles fixant la période au cours de laquelle les poissons peuvent être capturés sous peine de s’attirer les plus grands malheurs. Il faut probablement voir là le fruit d’un bon sens millénaire, la pêche n’est « ouverte » qu’une semaine par an ce qui va éviter une disparition du gibier par une pêche massive !

 

Chaque pêcheur a un bateau creusé dans un tronc d'un arbre large d’un mètre et long de dix. De nombreuses chansons sont à leur répertoire. Les filets utilisés sont extrêmement solides, en corde d’un pouce avec des mailles de 50 cm de côté.

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Ces filets sont courts, d’une largeur de 6 mètres et d’une longueur de 10. Les cordes pour les manipuler ont 66 mètres de long. Ils sont lestés de pierres pesant environ 6 livres chacune.

 

L’équipage se compose de deux hommes, l'un à l'avant et l'autre à l'arrière. Toutefois, avant de pouvoir être utilisés, les bateaux sont soumis à une cérémonie de purification, qui inclut le nettoyage de la coque par le feu. On doit rendre hommage à la déesse du bateau, maechaonangrua (แม่เจ้านางเรือ) en lui présentant des fleurs fraîches et de l'encens.

 

Ces offres sont fixés à la proue des bateaux marqué du signe symbolique de la Sainte Trinité fait avec de la poudre parfumée. Ce signe de protection, joem (เจิม), consiste en trois points disposés en triangle. C’est toujours celui dont les moines ornent le plafond de nos automobiles !

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Des offrandes de nourriture doivent également être faites à l'Esprit du bateau : poules, œufs, pâte de poisson, grenouilles et douceurs. Certains bateaux sont purifiés par le propriétaire qui saisit une volaille vivante par les pattes et l’utilise pour frapper le bateau de la poupe à la proue jusqu'à ce qu’il  meurt.

 

Les gens croient que les bateaux et les filets sont doués de vie, qu’en en fait, ce sont des esprits, des êtres vivants, raison pour laquelle ils doivent être purifiés ainsi que les filets, les cordes et les pierres de lest, parfumés à l’encens avant de pouvoir être utilisés. Une incantation doit être utilisée : «  Om, que toutes choses de toutes sortes qui nous aiment, soient solidement attachées comme avec du ciment, liées étroitement à nous, attirées par ce pouvoir de provoquer l'amour, qui nous est inhérent et possédé par toutes les jeunes filles ».

 

Bien d’autres incantations peuvent encore utilisées, nous vous en faisons grâce, elles sont difficiles à comprendre pour un esprit occidental et peut-être même pour ceux qui les utilisaient. Nous y trouvons encore l’utilisation de « om » ou « aum », l’ « invocation suprême », la syllabe sacrée du sanscrit dont on ne connait en réalité ni l’origine ni le sens exact, laisse toutefois à penser que ces rituels sont venus de  l’hindouisme depuis la nuit des temps ? Ce son serait une mise en vibration en lien avec l'univers : Ce serait la personne toute entière qui va vibrer au sein de cet immense univers ?

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Lorsque ces incantations ont été prononcées, le maître de cérémonie doit ramasser le filet en tenant les quatre coins dans ses mains, deux coins lestés et deux coins non lestés, en retenant sa respiration avant de le jeter.

 

Comme certains poissons peuvent rompre le filet, les pêcheurs se réunissent à Ban Sampanna (บ้าน สามพันนา) près des rapides de Sinohat (สีโนหัด) sur le territoire de Vientiane où se trouve un banc de sable sur la rive gauche.  D’autres se regroupent à Hatmun (หาด มูล) face Huayhom (ห้วย ห้อม) sur la rive gauche, entre Ban Koksok (บ้าน โคกซอก) et Ban Taphrabat (บ้าน ท่าพระบาท) dans le district de Si Chiangmai (ศรีเชียงใหม่) et l’amphoe de Tabo (ท่าบ่อ).

 

Les pêcheurs utilisent aussi des filets constitués de sept filets ordinaires liés entre eux pour une longueur de  35 mètres mais les incantations utilisées pour les filets sont les mêmes que pour les filets courts.

 

Certains pêcheurs, mais pas tous, prononcent une nouvelle incantation avant de procéder à la capture des poissons.

 

A cinq heures du matin du jour suivant, chaque bateau pagaye vers l’amont dans le « bassin d'or ». Dans chacun d’eux hommes tiennent les coins supérieurs du filet plongé dans l'eau. Les bateaux naviguent aussi vers l’aval. Alors qu’ils sont en mouvement, de nouvelles incantations sont chantées. Nous retrouvons toujours le fameux « om ».

 

Pendant le processus de pêche proprement dit, c’est le tumulte entre les défis que se lancent les pêcheurs et leurs nouvelles incantations pour supplier les poissons de se précipiter dans les filets.

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Les habitants de la rive droite vivent ces quelques jours dans des huttes temporaires construites sur la rive et ceux de la rive gauche font de même. Mais ils ne se mélangent pas. Lorsque l’’un a pris un poisson et le perd en raison de la rupture du filet, il faut à nouveau accomplir toute la cérémonie de propitiation et subir en outre les quolibets des autres pêcheurs.

 

Le matin du jour suivant, une nouvelle cérémonie d’offrandes à l'Esprit propriétaire du Bassin doit être effectuée sur le banc de sable.

 

Lorsque ces offrandes ont été faites, un poisson, le premier à être pris, appelé le poisson Cham (ปลาจ้ำ) est tué, et sa tête et la queue sont présentés à l'Esprit du « bassin d'or ». Le poisson est préparé soit en lap (ลาบ) soit en salade soit grillé ou frit, soit en curry. Le foie est apprécié. Une partie de ces préparations est présentée à l’Esprit du bassin. Lorsqu’un second poisson est capturé, il est procédé de même, au son de la musique

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Le matin du jour suivant à l’aube, le maître de cérémonie demande au Cham de tuer un autre poisson et de faire des offrandes de sa chair à l'Esprit gardien des cavernes situées sur la falaise rocheuse de la rive droite de la rivière, car ces cavernes subaquatiques abritent des poissons. Le cérémonial des offrandes est toujours le même.

 

Dès l'instant où les filets sont abandonnés dans l'eau comme filets dormants ou traînés en chalutage, toutes les personnes, hommes, femmes, enfants et spectateurs se livrent à un « grand tournoi d’abus » sur lesquels Giles, anglais probablement pudibond, se garde de s’étendre et ce « tournois d’abus » se poursuit jusqu’à la fin de la pêche..

 

Depuis en effet les temps les plus anciens, l’esprit qui pénètre le medium a toujours été un Kha (ข่า), esprit connu pour posséder une nature lascive accordant une place de choix aux relations sexuelles. En agissant ainsi, les gens croient que cette forme de plaisirs une musique douce aux oreilles de l'Esprit, lui donne à son tour du plaisir et leur permettront de gagner ses  faveurs pour qu’il fasse se précipiter le poisson dans ses filets.

A 208 - LE  RITUEL DE LA PÊCHE AU PLABUK, « LE GÉANT DU MEKONG » DANS LE NORD – EST DE LA THAÏLANDE.

Lorsque la rive gauche était territoire siamois, il n’était perçu ni taxes ni redevances en espèces sur les prises, ce que l’on appelle « le prix de la queue du poisson » (kha hangpla ค่า หางปลา), mais un paiement en nature selon le tarif suivant : Si le pêcheur n’avait pris que un ou deux poissons, il était exonéré. Mais à partir de trois prises, il fallait en donner une et deux au cas de six prises. Un poisson était réservé à la nourriture de l’Esprit, le premier poisson péché. Lorsque la rive gauche est devenue territoire français, une redevant de dix piastres (probablement des atts ?) était prélevée, dix piastres par poisson (« le prix de la queue du poisson »).  Lorsque les siamois de la rive droite attrapaient un poisson et le conservaient sur la rive siamoise, il devait néanmoins s’acquitter de la taxe de 10 piastres au profit du chef laotien pour couvrir les dépenses engagées dans le cadre des cérémonies de pêche qui se déroulent essentiellement sur la rive gauche.

 

Le nombre maximum de prises dans le « bassin d'or » dans une saison ne dépasse pas une centaine de poissons, et le minimum est d'environ trente. Le poids d'un poisson de taille moyenne est d'environ 125 kilos et les œufs environ 3 kilos. Les poissons entiers sont vendus à des prix variant entre 40 et 80 piastres. Lorsque la redevance sur un poisson a été payée, le propriétaire est libre de le mener à son domicile ou il le tue et vend en général sa chair au détail, 1 tical la livre de chair et 1 tical les 150 grammes d’œufs qui sont considérés comme succulents.

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Il y a environ tous les ans un millier de pêcheurs sur 200 bateaux mais au moins 7.000 spectateurs. Les autorités françaises autorisent les jeux de hasard et la consommation d’opium. Des baraques de vente de nourriture et de boissons sont installées tout au long des rives du fleuve.

 

Il est probable que ce festival va complétement disparaitre dans quelques années, aussi ajoute-t-il – il écrit en 1935 - « ai-je cru bon d’enregistrer les détails de la cérémonie et le texte des incantations avant qu’ils n’aient complétement disparu ».

 

Notre « géant du Mékong » ne se trouve que dans le Mékong et quelques affluents. Avant qu’il ne soit identifié comme une espèce spécifique par d’éminents ichtyologues, on a effectivement pu le confondre avec des espèces plus ou moins similaires d’autres siluridés géants que l’on trouve dans d’autres eaux douces d’Asie du sud-est, également en voie de disparition. C’est le cas du plaloem (ปลาเลิม - pangasius sanitwongsei), carnivore lui, dont l’habitat est beaucoup plus vaste puisqu’aussi bien on le trouve dans la Chaopraya, dans les eaux douces du Laos et dans le Mékong aussi. C'est le poisson royal du Cambodge, le« trey  réach».

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Le rituel de sa pêche au Laos a fait l’objet d’une très érudite étude de l’ethnologue Charles Archaimbault, il ne ressemble que de loin à celui de la pêche au Plabuk mais il est tout aussi complexe. Relevons simplement que nous y retrouvons « om », l’ « invocation suprême ». Il écrivait en 1958, il est permis de penser que ce rituel n’était pas encore devenu obsolète. Le changement de régime de 1975 y a probablement mis fin.

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NOTES

 

(1) Voir nos articles A 93 – «  Une chasse au buffle dans la région de Kalasin ») et A 207 -  « La recette du philtre d’amour révélée par le roi Rama VI ».

 

(2) « An account of the ceremonies and rites performed when catching the pla buk, a species of catfish inhabiting the waters of the river Mekhong on the Northern and Eastern frontier of Siam » in Journal de la Siam society , volume 28-II, 1935. p.91-113.

 

(3) La tradition locale, parmi d’autres légendes, voulait que les femelles allaitent les petits ! Des études sérieuses sur cet animal qui prospérait dans les eaux du Cambodge ont été menées au début du siècle dernier seulement par le professeur Vaillant, du Muséum de Paris.  Il a eu la surprise de constater que cet animal  en réalité appartenait non seulement à une espèce, mais à un genre nouveau pour la science :

Voir « RAPPORTS AU GRAND CONSEIL DES INTÉRÊTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS ET AU CONSEIL DE GOUVERNEMENT SESSION ORDINAIRE DE 1931 - Fonctionnement des divers Services Indochinois », Imprimerie d’Extrême-Orient, Hanoï – 1931)

Voir « Sur un nouveau Silure géant du bassin du Mékong, Pangasianodon gigas » par Chevey in Bulletin de la société de zoologie française – 1931. p 536)

Voir enfin une très belle étude datée d’août 2005 « Mekong Wetlands Biodiversity - Conservation and Sustainable Use Programme Mekong Giant Catfish (Pangasianodon gigas) - Observation and Comments about Handling and Suggestions for Improvement » numérisée sur le site :

http://www.mekongwetlands.org/assets/BIODIVERSITY/Regional/Giant%20Catfish/R.B.2-9.%20GiantCatfishseries_HoganZ.pdf.

 

Dépourvu de dents, c’est un poisson herbivore. L’espèce est en danger d'extinction en raison d’une pêche excessive. Tout prise est interdite en Thaïlande depuis 1992 Un individu a été capturé dans le nord le 1er mai 2005 bien après l’interdiction ! Près de 2 mois après la prise, une fois qu’il avait été pesé, photographié et débité en darnes, les pêcheurs ont rapporté à la presse qu'il pesait 293 kg pour 2 m 75 de long (très exactement 9 pieds et 646 livres). C'est le plus grand poisson capturé depuis la tenue de registres, commencée en 1981, mais aussi le plus grand poisson-chat jamais pêché en eau douce.

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Espèce encore mal étudiée, il est donc probable, pensent les spécialistes, qu'il puisse atteindre des proportions supérieures. Compte tenu de la profondeur du fleuve dans les lieux de pêche (60 mètres selon Giles) et de l’existence de cavernes subaquatiques, il est probable que des géants s’y terrent ou se terrent dans les profondeurs. Nul plongeur expérimenté n’est à notre connaissance à ce jour allé effectuer des plongées dans le fleuve et ses cavernes. Tous les pêcheurs d’eau douce savent bien que le plus gros spécimen d’une espèce n’est pas celui qu’ils ont attrapé mais celui qui leur a échappé.

 

Un énorme mensonge : « Le plus gros silure du monde et de tous les temps, il mesure 112 kilos pour 2,58 mètres !!! Record homologué »… et il se trouve toujours un huissier pour en faire le constat : 

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(4) « An Account of the Rites and Ceremonies observed at Elephant Driving Operations in the seaboard province of Lang Suan, Southern Siam » in journal de la Siam society, volume 25-II de 1932  et « An Account of the Hunting of the Wild Ox on Horse Back in the Provinces of Ubol Rajadhani and Kalasindhu, and the Rites and Ceremonies which have to be observed » in journal de la Siam society, volume 27-I de 1935 et notre article A 93 – «  Une chasse au buffle dans la région de Kalasin ».

 

(5) Ses observations ont été effectuées entre Vientiane (เวียงจันทร์) sur la rive gauche et l’amphoe de Thabo (ท่าบ่อ) dans la province de Nongkhaï (หนองคาย)  sur la rive droite, plus précisément aux environs du village siamois de Sæmpa (แซมผา) et de celui de Angtaseng (อ่างตาแสง) sur la rive alors française dans des méandres du Mékong réputés pour ses rassemblements de poissons-chats. Cet endroit est honoré du nom de Nong Angtongchao (หนอง อ่างทองเจ้า) que l’on peut traduire par « le bassin d'or, le lac du Seigneur ». Il est entouré de collines rocheuses, Phan sur la rive siamoise, (พาน) et sur la rive gauche Panang (พนัง). Pendant les mois de juillet à Septembre, la navigation est impossible en raison de dangereux tourbillons Pendant les mois de février et mars, le fleuve est calme et atteint en cet endroit une profondeur de soixante mètres. La tradition veut que les poissons vivent en permanence dans le « bassin d'or » mais que leur nombre augmente par une migration venue de l'aval aux mois de mai-juin, en provenance du grand lac du Cambodge. Giles a constaté la présence de ce géant partout dans le Mékong, à l’embouchure de la rivière Moon près de Suwanwari (สุวรรณวารี)  dans la province d’Ubon (อุบล), mais aussi beaucoup plus en amont à Chiangsen (dans la province de Chiangrai) dans la rivière Maenamkok (แม่น้ำก๊ก). Ils sont également abondants dans les rapides de Kemarat (แขมราฐ) situés en aval de Mukdahan (มุกดาหาร) mais difficiles à prendre en raison des tourbillons permanents. En remontant le fleuve, ils passent pour abonder à partir du mois de mai à Dontamngoen (ดอนถ้ำเงิน) dans l’amphoe de Mukdahan qui n’était alors qu’un amphoe de la province de Nakonpanom (นครพนม); Lieu de pèche réputé aussi, le village de Nongkung (หนองกุ้ง) situé en face de l'embouchure de la rivière Namngum (แม่น้ำ งืม) dans l’amphoe de Phonphisai (โพนพิไศย) province de Nakonpanom où il est péché au mois de mars. On le pèche encore dans les rapides de Kaeng  Ahong  (แก่ง อาฮง) dans l’amphoe de Chaiburi (ไชย บุรี) dans la province de Nongkhai  et près du village de Ban Tatsem (บ้าน ตาดเสริม) dans l’amphoe de Tabo (ท่าบ่อ), toujours dans la province de Nongkhai, à environ 20 kilomètres en amont du célèbre « bassin d'or ».  Lieu de pèche encore, le village de Ban  Nong  (บ้านหนอง) où se trouve un lac appelé Nongchiangsan (หนองเชียงสัน) dans un bras secondaire du Mékong. Nous ne citons pas les lieux de pêche réputés situés actuellement au Laos, dans les environs de Vientiane ou de Luangprabang.

A 208 - LE  RITUEL DE LA PÊCHE AU PLABUK, « LE GÉANT DU MEKONG » DANS LE NORD – EST DE LA THAÏLANDE.
(6) « Les techniques rituelles de la pêche du palŏ'm au Laos » par Charles Archaimbault InBulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 49 N°1, 1958. pp. 297-335. Cet ethnologue, mort en 2001, est le premier à avoir étudié dès le début des années 50 les traditions rituelles surtout orales et encore vivantes du Laos.
 
 
A 208 - LE  RITUEL DE LA PÊCHE AU PLABUK, « LE GÉANT DU MEKONG » DANS LE NORD – EST DE LA THAÏLANDE.

Les esprits favorables sont des Kha (ข่า) révélant des croyances bien antérieures au bouddhisme et Giles trouve des ressemblances troublantes en référence à des rites à la fois brahmanistes et bouddhistes observés par lui lors de chasses à l’éléphant dans l’actuelle province de Chumpon et de chasses au buffle dans notre province de Kalasin (4). Ces chasses et cette pèche ont été observées dans une même région, celle du plateau de Korat (โคราช) délimitée à l’est par le Mékong. Le peuple croit en l’existence de l’« esprit des eaux » qui occupe le corps de ses ancêtres, Ta Seng (ตา แสง) qui serait une réincarnation de l’esprit ancien, le kha.

 

Giles a encore constaté la persistance de certains aspects des cérémonies qui auraient une connotation bachique, une grande liberté sexuelle tolérée pendant et après la période de pèche.

 

Les lieux de pêche

Ces lieux de pêche sont nombreux sur des centaines de kilomètres depuis les chutes de Kemmarat en aval de Mukdahan jusque dans la province de ChiangraiGiles nous donne le détail des plus connus (5). Ce sont probablement les endroits où des siècles d’observations ont démontré que le fleuve était le plus poissonneux.

 

Le rituel

 

Nous allons voir sur, si le Mékong constituait depuis 1893 la frontière politique entre le Laos français et le Siam, il ne constituait alors pas une frontière naturelle puisque les cérémonies se déroulaient indifféremment et sans difficultés sur l’une ou l’autre rive et qu’il n’y avait aucun obstacle – du moins pendant ces dix jours de pêche – à sa traversée.

 

Chaque année, à la saison des basses eaux, les habitants du voisinage du « bassin d'or » se réunissent dans le but de commencer les opérations de pêche.

 

Le premier jour, elles commencent à la 8ème lune décroissante du 3ème mois et se continuent jusqu’à la 12ème. La journée de pêche commence à l’aube et se termine à la mi-journée. Les autorités des villages invoquent l’esprit des eaux et l’esprit de leur village. Sur la rive française, les autorités administratives françaises participaient à ces cérémonies sans probablement y rien comprendre. C’est le début d’un cérémonial qui date de la nuit des temps. Pourquoi le choix d’une lune descendante ? Voilà bien un point sur lequel les avis, souvent péremptoires, divergent mais l’influence de la lune sur la pêche est mentionnée dans des écrits anciens, nombre d’habitudes en découlent et chaque pêcheur à ses secrets. Quant à l’influence des cycles de la lune sur le comportement des poissons, elle est certaine mais ne paraît pas avoir fait l’objet d’études sérieuses.

 

Il y a plusieurs esprits qui veillent sur cette partie du fleuve, dont il faut se concilier les bonnes grâces par des offrandes de nourriture et de boissons. Il existe quatre sanctuaires importants où résident ces esprits, à proximité du « bassin d’or » :

 

Le premier esprit est connu sous le nom de Hongkham (ฮงคำ), en Isan-lao « le cygne d’or » qui réside dans la province de Vientiane, dans le village Kaoliao  Tasaeng, (เก้าเลี้ยว ตาแสง), district de  Sikai (สีไค) situé sur la rive gauche face aux villages siamois de Ban  Mo  (บ้านหม้อ) et  Donchingchu  (ดอนชิงชู้), situés dans le tambon de Si  Chiangmai (ศรีเชียงใหม่), amphoe de Tabo  (ท่าบ่อ), sur la rive droite.

 

Un autre esprit appelé Chao Dan (เจ้า ด่าน) a son sanctuaire dans la province de Vientiane au village de Hinsiu (หินสิ้ว) sur la rive gauche. Ce village se trouve en face du village de Koksok (โคกซอก), également  dans le Tambon  de Si Chiangmai et l’amphoe de Tabo (ท่าบ่อ), sur la rive droite.

 

Le matin, au début de la saison, les villageois qui ont décidé de se rendre au « bassin d’or » avant de partir à la pêche doivent d’abord se rendre au village de Hom (ห้อม), à une quinzaine de kilomètres en amont de Vientiane. Le chef de village, nommé Taseng (ตาแสง) est la réincarnation actuelle de l’esprit des eaux anciennement Kha (ข่า). Il appelle tous les esprits de la rivière et quand ils sont arrivés commencent une fête pour nourrir ces esprits. Après cette fête, les esprits sont invités à accompagner les pêcheurs à la partie de pêche dans le « bassin d'or » pour protéger les pêcheurs de tous les dangers et leur assurer de bonnes prises.

 

Les offrandes se composent d'un pagne pour les esprits masculins et une jupe appelée sin (ซิ่น) pour les esprits féminins, cinq noix de bétel, douze coupes de fleurs, des bijoux et des sucreries.

 

Les villageois se déplacent alors jusqu'à la rivière dans le village de Suanmon (บ้าน สวน มอน) où se trouve le jardin de Ta Seng, à environ cinq kilomètres en amont de Vientiane. Ce village est situé en face Huasai (หัวทราย) dans l’amphoe de Tabo (ท่าบ่อ) sur la rive siamoise. Les bateaux forment un cortège et descendent le fleuve jusqu'à Tana (ทะนา) et Paksai (ปากใส) pour y nourrir les esprits et puis s’en retournent à Ban Suanmon où une autre fête est préparée pour les esprits. On y passe la  nuit.

 

Le matin suivant les bateaux se déplacent jusqu'à Kokkham (โคกคำ) et Hadchaosaimun (หาด เจ้าทรายมูล) sur la rive gauche face à Ban Panprao sur la rive droite (บ้าน พานพร้าว) situé dans l’amphoe de Nongkhai. À chacun de ces endroits, des offrandes apaisent les esprits gardiens du fleuve. La procession se dirige alors vers Vientiane. À l'arrivée, elle se dirige vers le Sanctuaire de Siri Mangala (ศิริมงคล), un esprit favorable, où, après que lui ait été rendu un hommage respectueux, des offrandes lui sont présentées. Siri Mangala est un esprit très puissant qui entre parfois dans une enveloppe charnelle féminine, un medium connu sous le nom de Nang Thiam (นาง เทียม). L’équipe y passe la nuit. Ce sanctuaire est situé à l'embouchure de Huay Champasakdi (ห้วย จำปาศักดิ์). Le medium est vêtue d'une jupe rouge, d’un manteau rouge, et d’un turban rouge. Elle fait des offrandes de bougies, de cierges d'encens, de spiritueux et de sucreries, invitant l'Esprit à entrer en elle. Les musiciens jouent sur des khénes l'air de la chanson Sudsanen (สุดสะแนน) (https://www.youtube.com/watch?v=kT4jIlcOtcE) invitant l'esprit à pénétrer le médium. Nang Thiam allume une bougie et se tient assise tenant dans sa main un bol avec des bougies et des cierges d'encens, immobile. Lorsque la bougie faiblit et que sa flamme vacille, c’est la preuve que l'Esprit Siri Mangala est entré dans son enveloppe charnelle. Nang Thiam entre alors en transe, elle pose le bol, se lève et se met à danser. Intervient une deuxième personne, familière de l'Esprit qui veille sur lui et fournit ses besoins, connue sous le nom de Cham (จ้ำ). Cette personne demande à Siri Mangala, lorsqu'il est entré dans l’enveloppe charnelle du médium, d'accorder ses faveurs pour la pêche dans le « bassin d'or » et de lui révéler si la pêche sera bonne. Nang Thiam répond (en général) que la pêche sera bonne et plus abondante que l'année précédente à la condition que soient respectées les anciennes coutumes. Elle lui demande alors quelles sont ces coutumes. Le medium répond que la nourriture préparée ne doit avoir été touchée par aucune personne avant que l'Esprit Hongkham (ฮงคำ) ou « cygne d’or » ait été nourri. Après cela, les participants peuvent manger. Le familier de l'Esprit, Cham (จ้ำ) demande alors à Siri Mangala de quitter le corps du medium et l'invite à accompagner la partie de pêche dans le « bassin d'or ». Nang Thiam, le médium, est payée seize atts (un quart de tical) un pagne fleuri, deux noix de coco vertes, un régime de bananes, neuf couples de bougies et d'encens et des cierges pour ses services.

 

A l’aube du jour suivant, les bateaux quittent Vientiane partent en procession et remontent  le fleuve vers le « bassin d'or ». Sur le chemin en amont, il est nécessaire de faire une halte en faisant des offrandes à l' Esprit Yaya (ยายา), elle-même mère de l'Esprit de Hatmun (หาดมูล), situé dans le tambon de Sikai (สีไค) (à une quinzaine de kilomètres en amont de Nongkhai) et aussi au temple de Huay Vichaya (ห้วยวิไชย). À l'arrivée à Kao Liao (เก้าลี้ยว) les « neuf méandres » on fait de nouvelles offrandes à l'Esprit du Cygne d'or. Elles prennent la forme pendant deux années consécutives d'un cochon, et d’un buffle la troisième année, une rotation inchangée depuis des temps immémoriaux. Ces animaux sont abattus à une heure de l'après-midi. La tête, les pattes avant et la queue avec des fleurs de bois de santal, des bougies, des cierges et d'encens sont placées sur un plateau, et le familier de l’esprit, le Cham les lui offre à l’esprit en psalmodiant :

 

« Nous tes humbles serviteurs, tous gens du pays, nous sommes réunis pour faire des offrandes à toi, Chao Pomhua (เจ้า ป้อมหัว) chef de tous les esprits, et respectueusement, nous t’invitons à participer à notre festin spécialement préparé pour toi. Le moment est venu pour nous de commencer cette activité  importante, la capture du poisson dans le « bassin d'or », et nous te demandons de nous accorder ta protection et ta faveur que nous puissions capturer de nombreux poissons ».

 

Plus tard, de nouvelles offrandes sont offertes à l'Esprit dans ce sanctuaire. Elles se composent de neuf types différents de nourriture, un plat de chacune est placé sur un plateau. Nous y trouvons du lap (ลาบ), de la viande crue mariné dans la sauce de poisson, de la viande grillée (เนื้อปิ้ง), un curry (แกง), des tripes bouillies (ต้ม เครื่อง ใน), des tripes frites, une sorte de bouillon (ต้มซั่ว), du foie grillé (ตับปิ้ง), une sorte de salade de crevettes (ก้อย), des spiritueux, un verre ou une bouteille. Ces offrandes sont connues pour être celles que prises le Cham. Elles sont placées sur l’autel du sanctuaire et le Cham psalmodie alors, à peu près dans les mêmes termes :

 

« Nous tes humbles serviteurs, tous gens du pays réunis, nous t’invitons toi à partager les bonnes choses préparées par nous. Le moment est venu pour nous de commencer cette activité  importante, la capture du poisson dans le « bassin d'or », nous te supplions de nous accorder ta protection et ta faveur que nous puissions capturer de nombreux poissons ».

 

Pendant l'acte de présentation des neuf offrandes Nang Thiam le médium, vêtue de sa robe rouge, allume des bougies et des bâtons d’encens et tenant le tous dans ses mains avec des fleurs de bois de santal, elle rend hommage devant le sanctuaire et invite l'esprit du cygne d’or à entrer en elle. Les musiciens jouent alors le même air de Sudsanen, sur leurs khénes. Le médium reste immobile avec le bol contenant les bougies et les cierges d'encens dans les mains. Elle commence bientôt à entrer en transe, elle place ensuite le bol sur le sol, se lève et danse. L'Esprit a maintenant pris possession de son corps.

 

Le Cham demande alors à l’Esprit seigneur de tous les esprits, ce que sera leur capture. L'Esprit répond que si les pêcheurs agissent d'une manière juste et approprié la capture sera abondante mais que si leur comportement est injuste la capture sera minime mais toutefois, vous ne pourrez pas retourner à la maison les mains complétement vides. Le Cham s’enquiert ensuite de ce qui constitue un comportement juste. La réponse est qu’il faut respecter les traditions de la cérémonie. La Cham invite alors l'Esprit à quitter le médium et à rejoindre la partie de pêche. Les mets préparés comme offrande à l'Esprit sont ensuite distribués à la foule qui va passer la nuit sur place.

 

A l'aube du jour suivant, les bateaux quittent les « neuf méandres » et remontent en amont en s’arrêtant à Pakmun (ปากมูล) et à Huayhom (ห้วยห้อม) où l’on fait des offrandes aux esprits locaux.

 

Quand le cortège arrive là l’après-midi, le Cham, en prenant des offrandes de viande de porc, de canard et volaille les présente l'Esprit Chao Dan (เจ้า ด่าน), dont le sanctuaire est à Hinsiu (หินสิ้ว). Il n'y a pas là de cérémonie pour inviter l'Esprit à entrer dans le médium. Le Cham lui manifeste seulement son respect et l'informe que la troupe part pour le « Bassin d'or » pour la pêche annuelle. L'Esprit ayant la charge de garder le sanctuaire ne peut pas abandonner son poste. La troupe passe alors la nuit, elle a été rejointe par un grand nombre de personnes des districts environnants avec leurs bateaux qui attendaient la procession cérémoniale pour l’accompagner au « bassin d'or », n’osant pas y entrer avant que le Seigneur des Eaux n’ouvre la voie.

 

A l'aube du jour suivant, un chef Lao de Vientiane qui joue le rôle de maître des cérémonies rejoint la troupe qui s’arrête à Konsahua (ก้อนสระหัว) et à Kutkungli (กุดก้องลี) et fait des offrandes propitiatoires aux esprits des lieux.

 

De là les bateaux sont amarrés à un arbuste sur un banc de sable pour être au vu de tous. La Cham prend un peu de porc, de canard et de chair de volaille, et fait une offre sans aucun cérémonial aux esprits gardiens des lieux. Il lui manifeste simplement son respect et les informe de son intention de rejoindre le bassin d'or pour capturer le Pla Buk. Ces Esprits, également sur leurs gardes, ne peuvent pas accompagner la partie de pêche.

 

À deux heures de l'après-midi le Cham prépare de la nourriture, des bougies, des cierges, de l’encens et des fleurs de bois de santal pour les présenter au temple de l'Esprit du « bassin d'or ». Ce sanctuaire, qui est situé dans un bâtiment appelé localement le Pamsai (ผามไซ). C’est une grande cérémonie. Une procession de bateaux se forme. Ils transportent deux épées, deux gourdes d'eau, deux plateaux avec des noix de bétel et des feuilles, neuf pièces d'argent, quatre morceaux de cire d'abeille, deux noix de coco vertes, deux plats de sucreries, neuf paires de bougies, des cierges d'encens et des fleurs de bois de santal, un gong et deux flûtes. La Nang Thiam vêtue de rouge bat le gong et joue sur une flûte. Lorsque la procession arrive au sanctuaire, le Cham allume les bougies et cierges et d'encens, rendant hommage révérencieux, les place avec de la nourriture sur l'autel, en disant:

 

« Aujourd'hui, ton humble serviteur implore la permission de te rendre hommage à toi, Seigneur, de ce lieu, chef des Esprits. Je te prie de permettre à ces personnes d’attraper du poisson pour que leurs efforts soient récompensés par une prise abondante. Moi, ton humble serviteur, j’ai apporté des noix de coco, des bananes douces, des noix de bétel, de la viande de porc, de la chair de buffle chair et des spiritueux. Si nous prenons du poisson, je te présenterai de nouvelles offrandes ».

 

Durant la cérémonie, les musiciens jouent du khène et le Cham continue à parler à l'Esprit en disant : « Je viens accompagner le peuple et ses dirigeants dans le « bassin d'or » et maintenant je prie la mère et le père de l’esprit du bassin d’or dans le sanctuaire dans le Pam Sai. Lorsque les poissons auront été capturés, je viendrai te présenter du poisson, préparé pour manger avec des liqueurs spiritueuses pour ton repas du matin ».

 

Cette cérémonie ayant été effectuée, le peuple se met en procession accompagné par la musique. Au sanctuaire, tout a été préparé pour recevoir ces offrandes, des tapis ont été étendus, une estrade a été élevée sur laquelle est placé un oreiller, neuf nattes, couches, neuf pièces de soie, neuf jupes, neuf pièces de tissu blanc et une bouteille de spiritueux. Une lampe est allumée. Un grand concours de personnes s’est réuni pour attendre avec impatience l'arrivée de la procession.

 

L'activité réelle ne commencera que le lendemain (enfin !) avant l’aube. Nul n’ose jamais enfreindre ces règles fixant la période au cours de laquelle les poissons peuvent être capturés sous peine de s’attirer les plus grands malheurs. Il faut probablement voir là le fruit d’un bon sens millénaire, la pêche n’est « ouverte » qu’une semaine par an ce qui va éviter une disparition du gibier par une pêche massive !

 

Chaque pêcheur a un bateau creusé dans un tronc d'un arbre large d’un mètre et long de dix. De nombreuses chansons sont à leur répertoire. Les filets utilisés sont extrêmement solides, en corde d’un pouce avec des mailles de 50 cm de côté.

 

Ces filets sont courts, d’une largeur de 6 mètres et d’une longueur de 10. Les cordes pour les manipuler ont 66 mètres de long. Ils sont lestés de pierres pesant environ 6 livres chacune.

 

L’équipage se compose de deux hommes, l'un à l'avant et l'autre à l'arrière. Toutefois, avant de pouvoir être utilisés, les bateaux sont soumis à une cérémonie de purification, qui inclut le nettoyage de la coque par le feu. On doit rendre hommage à la déesse du bateau, maechaonangrua (แม่เจ้านางเรือ) en lui présentant des fleurs fraîches et de l'encens.

 

Ces offres sont fixés à la proue des bateaux marqué du signe symbolique de la Sainte Trinité fait avec de la poudre parfumée. Ce signe de protection, joem (เจิม), consiste en trois points disposés en triangle. C’est toujours celui dont les moines ornent le plafond de nos automobiles ! Des offrandes de nourriture doivent également être faites à l'Esprit du bateau : poules, œufs, pâte de poisson, grenouilles et douceurs. Certains bateaux sont purifiés par le propriétaire qui saisit une volaille vivante par les pattes et l’utilise pour frapper le bateau de la poupe à la proue jusqu'à ce qu’il  meurt.

 

Les gens croient que les bateaux et les filets sont doués de vie, qu’en en fait, ce sont des esprits, des êtres vivants, raison pour laquelle ils doivent être purifiés ainsi que les filets, les cordes et les pierres de lest, parfumés à l’encens avant de pouvoir être utilisés. Une incantation doit être utilisée : «  Om, que toutes choses de toutes sortes qui nous aiment, soient solidement attachées comme avec du ciment, liées étroitement à nous, attirées par ce pouvoir de provoquer l'amour, qui nous est inhérent et possédé par toutes les jeunes filles ».

 

Bien d’autres incantations peuvent encore utilisées, nous vous en faisons grâce, elles sont difficiles à comprendre pour un esprit occidental et peut-être même pour ceux qui les utilisaient. Nous y trouvons encore l’utilisation de « om » ou « aum », l’ « invocation suprême », la syllabe sacrée du sanscrit dont on ne connait en réalité ni l’origine ni le sens exact, laisse toutefois à penser que ces rituels sont venus de  l’hindouisme depuis la nuit des temps ? Ce son serait une mise en vibration en lien avec l'univers : Ce serait la personne toute entière qui va vibrer au sein de cet immense univers ?

 

Lorsque ces incantations ont été prononcées, le maître de cérémonie doit ramasser le filet en tenant les quatre coins dans ses mains, deux coins lestés et deux coins non lestés, en retenant sa respiration avant de le jeter.

 

Comme certains poissons peuvent rompre le filet, les pêcheurs se réunissent à Ban Sampanna (บ้าน สามพันนา) près des rapides de Sinohat (สีโนหัด) sur le territoire de Vientiane où se trouve un banc de sable sur la rive gauche.  D’autres se regroupent à Hatmun (หาด มูล) face Huayhom (ห้วย ห้อม) sur la rive gauche, entre Ban Koksok (บ้าน โคกซอก) et Ban Taphrabat (บ้าน ท่าพระบาท) dans le district de Si Chiangmai (ศรีเชียงใหม่) et l’amphoe de Tabo (ท่าบ่อ).

 

Les pêcheurs utilisent aussi des filets constitués de sept filets ordinaires liés entre eux pour une longueur de  35 mètres mais les incantations utilisées pour les filets sont les mêmes que pour les filets courts.

 

Certains pêcheurs, mais pas tous, prononcent une nouvelle incantation avant de procéder à la capture des poissons.

 

A cinq heures du matin du jour suivant, chaque bateau pagaye vers l’amont dans le « bassin d'or ». Dans chacun d’eux hommes tiennent les coins supérieurs du filet plongé dans l'eau. Les bateaux naviguent aussi vers l’aval. Alors qu’ils sont en mouvement, de nouvelles incantations sont chantées. Nous retrouvons toujours le fameux « om ».

 

Pendant le processus de pêche proprement dit, c’est le tumulte entre les défis que se lancent les pêcheurs et leurs nouvelles incantations pour supplier les poissons de se précipiter dans les filets.

 

Les habitants de la rive droite vivent ces quelques jours dans des huttes temporaires construites sur la rive et ceux de la rive gauche font de même. Mais ils ne se mélangent pas. Lorsque l’’un a pris un poisson et le perd en raison de la rupture du filet, il faut à nouveau accomplir toute la cérémonie de propitiation et subir en outre les quolibets des autres pêcheurs.

 

Le matin du jour suivant, une nouvelle cérémonie d’offrandes à l'Esprit propriétaire du Bassin doit être effectuée sur le banc de sable.

 

Lorsque ces offrandes ont été faites, un poisson, le premier à être pris, appelé le poisson Cham (ปลาจ้ำ) est tué, et sa tête et la queue sont présentés à l'Esprit du « bassin d'or ». Le poisson est préparé soit en lap (ลาบ) soit en salade soit grillé ou frit, soit en curry. Le foie est apprécié. Une partie de ces préparations est présentée à l’Esprit du bassin. Lorsqu’un second poisson est capturé, il est procédé de même, au son de la musique

 

Le matin du jour suivant à l’aube, le maître de cérémonie demande au Cham de tuer un autre poisson et de faire des offrandes de sa chair à l'Esprit gardien des cavernes situées sur la falaise rocheuse de la rive droite de la rivière, car ces cavernes subaquatiques abritent des poissons. Le cérémonial des offrandes est toujours le même.

 

Dès l'instant où les filets sont abandonnés dans l'eau comme filets dormants ou traînés en chalutage, toutes les personnes, hommes, femmes, enfants et spectateurs se livrent à un « grand tournoi d’abus » sur lesquels Giles, anglais probablement pudibond, se garde de s’étendre et ce « tournois d’abus » se poursuit jusqu’à la fin de la pêche..

 

Depuis en effet les temps les plus anciens, l’esprit qui pénètre le medium a toujours été un Kha (ข่า), esprit connu pour posséder une nature lascive accordant une place de choix aux relations sexuelles. En agissant ainsi, les gens croient que cette forme de plaisirs une musique douce aux oreilles de l'Esprit, lui donne à son tour du plaisir et leur permettront de gagner ses  faveurs pour qu’il fasse se précipiter le poisson dans ses filets.

 

Lorsque la rive gauche était territoire siamois, il n’était perçu ni taxes ni redevances en espèces sur les prises, ce que l’on appelle « le prix de la queue du poisson » (kha hangpla ค่า หางปลา), mais un paiement en nature selon le tarif suivant : Si le pêcheur n’avait pris que un ou deux poissons, il était exonéré. Mais à partir de trois prises, il fallait en donner une et deux au cas de six prises. Un poisson était réservé à la nourriture de l’Esprit, le premier poisson péché. Lorsque la rive gauche est devenue territoire français, une redevant de dix piastres (probablement des atts ?) était prélevée, dix piastres par poisson (« le prix de la queue du poisson »).  Lorsque les siamois de la rive droite attrapaient un poisson et le conservaient sur la rive siamoise, il devait néanmoins s’acquitter de la taxe de 10 piastres au profit du chef laotien pour couvrir les dépenses engagées dans le cadre des cérémonies de pêche qui se déroulent essentiellement sur la rive gauche.

 

Le nombre maximum de prises dans le « bassin d'or » dans une saison ne dépasse pas une centaine de poissons, et le minimum est d'environ trente. Le poids d'un poisson de taille moyenne est d'environ 125 kilos et les œufs environ 3 kilos. Les poissons entiers sont vendus à des prix variant entre 40 et 80 piastres. Lorsque la redevance sur un poisson a été payée, le propriétaire est libre de le mener à son domicile ou il le tue et vend en général sa chair au détail, 1 tical la livre de chair et 1 tical les 150 grammes d’œufs qui sont considérés comme succulents. Il y a environ tous les ans un millier de pêcheurs sur 200 bateaux mais au moins 7.000 spectateurs. Les autorités françaises autorisent les jeux de hasard et la consommation d’opium. Des baraques de vente de nourriture et de boissons sont installées tout au long des rives du fleuve.

 

Il est probable que ce festival va complétement disparaitre dans quelques années, aussi ajoute-t-il – il écrit en 1935 - « ai-je cru bon d’enregistrer les détails de la cérémonie et le texte des incantations avant qu’ils n’aient complétement disparu ».

 

Notre « géant du Mékong » ne se trouve que dans le Mékong et quelques affluents. Avant qu’il ne soit identifié comme une espèce spécifique par d’éminents ichtyologues, on a effectivement pu le confondre avec des espèces plus ou moins similaires d’autres siluridés géants que l’on trouve dans d’autres eaux douces d’Asie du sud-est, également en voie de disparition. C’est le cas du plaloem (ปลาเลิม - pangasius sanitwongsei), carnivore lui, dont l’habitat est beaucoup plus vaste puisqu’aussi bien on le trouve dans la Chaopraya, dans les eaux douces du Laos et dans le Mékong aussi. Le rituel de sa pêche au Laos a fait l’objet d’une très érudite étude de l’ethnologue Charles Archaimbault, il ne ressemble que de loin à celui de la pêche au Plabuk mais il est tout aussi complexe. Relevons simplement que nous y retrouvons « om », l’ « invocation suprême ». Il écrivait en 1958, il est permis de penser que ce rituel n’était pas encore devenu obsolète. Le changement de régime de 1975 y a probablement mis fin.

 

NOTES

 

(1) Voir nos articles A 93 – «  Une chasse au buffle dans la région de Kalasin ») et A 207 -  « La recette du philtre d’amour révélée par le roi Rama VI ».

 

(2) « An account of the ceremonies and rites performed when catching the pla buk, a species of catfish inhabiting the waters of the river Mekhong on the Northern and Eastern frontier of Siam » in Journal de la Siam society , volume 28-II, 1935. p.91-113.

 

(3) La tradition locale, parmi d’autres légendes, voulait que les femelles allaitent les petits ! Des études sérieuses sur cet animal qui prospérait dans les eaux du Cambodge ont été menées au début du siècle dernier seulement par le professeur Vaillant, du Muséum de Paris.  Il a eu la surprise de constater que cet animal  en réalité appartenait non seulement à une espèce, mais à un genre nouveau pour la science :

Voir « RAPPORTS AU GRAND CONSEIL DES INTÉRÊTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS ET AU CONSEIL DE GOUVERNEMENT SESSION ORDINAIRE DE 1931 - Fonctionnement des divers Services Indochinois », Imprimerie d’Extrême-Orient, Hanoï – 1931)

Voir « Sur un nouveau Silure géant du bassin du Mékong, Pangasianodon gigas » par Chevey in Bulletin de la société de zoologie française – 1931. p 536)

Voir enfin une très belle étude datée d’août 2005 « Mekong Wetlands Biodiversity - Conservation and Sustainable Use Programme Mekong Giant Catfish (Pangasianodon gigas) - Observation and Comments about Handling and Suggestions for Improvement » numérisée sur le site :

http://www.mekongwetlands.org/assets/BIODIVERSITY/Regional/Giant%20Catfish/R.B.2-9.%20GiantCatfishseries_HoganZ.pdf.

 

Dépourvu de dents, c’est un poisson herbivore. L’espèce est en danger d'extinction en raison d’une pêche excessive. Tout prise est interdite en Thaïlande depuis 1992 Un individu a été capturé dans le nord le 1er mai 2005 bien après l’interdiction ! Près de 2 mois après la prise, une fois qu’il avait été pesé, photographié et débité en darnes, les pêcheurs ont rapporté à la presse qu'il pesait 293 kg pour 3 m de long. C'est le plus grand poisson capturé depuis la tenue de registres, commencée en 1981, mais aussi le plus grand poisson-chat jamais pêché en eau douce. Espèce encore mal étudiée, il est donc probable, pensent les spécialistes, qu'il puisse atteindre des proportions supérieures. Compte tenu de la profondeur du fleuve dans les lieux de pêche (60 mètres selon Giles) et de l’existence de cavernes subaquatiques, il est probable que des géants s’y terrent ou se terrent dans les profondeurs. Nul plongeur expérimenté n’est à notre connaissance à ce jour allé effectuer des plongées dans le fleuve et ses cavernes. Tous les pêcheurs d’eau douce savent bien que le plus gros spécimen d’une espèce n’est pas celui qu’ils ont attrapé mais celui qui leur a échappé.

 

(4) « An Account of the Rites and Ceremonies observed at Elephant Driving Operations in the seaboard province of Lang Suan, Southern Siam » in journal de la Siam society, volume 25-II de 1932  et « An Account of the Hunting of the Wild Ox on Horse Back in the Provinces of Ubol Rajadhani and Kalasindhu, and the Rites and Ceremonies which have to be observed » in journal de la Siam society, volume 27-I de 1935 et notre article A 93 – «  Une chasse au buffle dans la région de Kalasin ».

 

(5) Ses observations ont été effectuées entre Vientiane (เวียงจันทร์) sur la rive gauche et l’amphoe de Thabo (ท่าบ่อ) dans la province de Nongkhaï (หนองคาย)  sur la rive droite, plus précisément aux environs du village siamois de Sæmpa (แซมผา) et de celui de Angtaseng (อ่างตาแสง) sur la rive alors française dans des méandres du Mékong réputés pour ses rassemblements de poissons-chats. Cet endroit est honoré du nom de Nong Angtongchao (หนอง อ่างทองเจ้า) que l’on peut traduire par « le bassin d'or, le lac du Seigneur ». Il est entouré de collines rocheuses, Phan sur la rive siamoise, (พาน) et sur la rive gauche Panang (พนัง). Pendant les mois de juillet à Septembre, la navigation est impossible en raison de dangereux tourbillons Pendant les mois de février et mars, le fleuve est calme et atteint en cet endroit une profondeur de soixante mètres. La tradition veut que les poissons vivent en permanence dans le « bassin d'or » mais que leur nombre augmente par une migration venue de l'aval aux mois de mai-juin, en provenance du grand lac du Cambodge. Giles a constaté la présence de ce géant partout dans le Mékong, à l’embouchure de la rivière Moon près de Suwanwari (สุวรรณวารี)  dans la province d’Ubon (อุบล), mais aussi beaucoup plus en amont à Chiangsen (dans la province de Chiangrai) dans la rivière Maenamkok (แม่น้ำก๊ก). Ils sont également abondants dans les rapides de Kemarat (แขมราฐ) situés en aval de Mukdahan (มุกดาหาร) mais difficiles à prendre en raison des tourbillons permanents. En remontant le fleuve, ils passent pour abonder à partir du mois de mai à Dontamngoen (ดอนถ้ำเงิน) dans l’amphoe de Mukdahan qui n’était alors qu’un amphoe de la province de Nakonpanom (นครพนม); Lieu de pèche réputé aussi, le village de Nongkung (หนองกุ้ง) situé en face de l'embouchure de la rivière Namngum (แม่น้ำ งืม) dans l’amphoe de Phonphisai (โพนพิไศย) province de Nakonpanom où il est péché au mois de mars. On le pèche encore dans les rapides de Kaeng  Ahong  (แก่ง อาฮง) dans l’amphoe de Chaiburi (ไชย บุรี) dans la province de Nongkhai  et près du village de Ban Tatsem (บ้าน ตาดเสริม) dans l’amphoe de Tabo (ท่าบ่อ), toujours dans la province de Nongkhai, à environ 20 kilomètres en amont du célèbre « bassin d'or ».  Lieu de pèche encore, le village de Ban  Nong  (บ้านหนอง) où se trouve un lac appelé Nongchiangsan (หนองเชียงสัน) dans un bras secondaire du Mékong. Nous ne citons pas les lieux de pêche réputés situés actuellement au Laos, dans les environs de Vientiane ou de Luangprabang.

 

(6) « Les techniques rituelles de la pêche du palŏ'm au Laos » par Charles Archaimbault InBulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 49 N°1, 1958. pp. 297-335. Cet ethnologue, mort en 2001, est le premier à avoir étudié dès le début des années 50 les traditions rituelles surtout orales et encore vivantes du Laos.

 
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commentaires

D
Incompatible avec le syndrome de vitesse de nos contemporains oublieux des dieux protecteurs...<br /> cécile
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G
....Rituel "païen" venu de la nuit des temps mais respectant l'équilibre de la nature. L'exploration des profondeurs du Mékong et de ses cavernes subaquatiques reste à faire par un courageux successeur de Cousteau