Le Traité de 1867
Nous avons vu que la prise de Saïgon le 9 juillet 1859 par les Français allait bouleverser l’histoire de l’Asie du sud-est.
En outre le Siam ne pouvait ignorer les « guerres coloniales » qui se livraient dans cette Région. Il ne pouvait ignorer la seconde guerre de l’opium que livraient les Français et les Britanniques contre la Chine depuis 1851, et qui allait aboutir à la chute de Pékin le 13 octobre 1860 ainsi qu’à la signature d’un nouveau traité le 24 octobre, qui signifiait la fin de la puissance de l’Empire chinois (la Chine était le seul pays dont le Siam reconnaissait la suzeraineté).
Après le traité du 15 août 1856, et les affronts subis par la Cour du Siam, (pas de réponse de Napoléon III à la demande d’envoi d’ambassade, non remerciements pour les présents envoyés), les relations vont tenter de s’apaiser quelque peu au niveau « symbolique », avec l’arrivée à Bangkok du nouveau consul français, l’envoi de l’ambassade thaïe le 23 novembre 1860 et sa réception par Napoléon III le 27 juin 1861.
Le Siam tente de maintenir sa suzeraineté sur le Cambodge et le Laos.
Après la mort du roi de Cambodge en 1860 et la « guerre » de succession entre les trois fils, l’armée royale siamoise rétablit l’ordre et installe le roi désigné Narodom, signifiant bien sa volonté de maintenir sa suzeraineté sur ce pays . Le Contre Amiral Bonard, après avoir conclu un traité avec le gouverneur de Hué, reconnaissait d’ailleurs dans une lettre à son ministre « l’occupation de fait du Royaume de Siam (sur) presque tout le Cambodge et le Laos » (cité par Duke).
Mais le ministre français des affaires étrangères Waleski verrait bien la France former au Cambodge « une colonie dans cette magnifique région » (lettre citée par Duke). La France empêtrée dans son expédition mexicaine, envoie des directives contradictoires au Contre-Amiral de la Grandière. Celui-ci avec la prudence et l’attentisme requis réussit néanmoins à conclure un traité commercial le 11 août 1863, qu’on pouvait lire comme un acte de protectorat accordé par la France, et surtout le refus d’« admettre les prétendus droits de la Cour de Siam à une immixtion quelconque dans les affaires de ce royaume » (lettre citée par Duke).
On peut imaginer les réactions des uns et des autres : l’action des Anglais, le jeu de duplicité ou de subtilité nécessaire du roi du Cambodge qui connait la volonté thaïe de maintenir sa suzeraineté. La Cour siamoise lui fera même signer un traité secret le 1er décembre 1863 qui infirmait le traité franco-cambodgien.
La France maintient sa pression sur le Cambodge et le Laos
Le traité secret une fois connu devait une fois de plus amorcer une nouvelle étape dans les « négociations » franco-thaïes au sujet du Cambodge. La France bien sûr le déclare nul et non avenu. Rama IV invite le roi Narodom à se faire couronner à Bangkok le 3 mars 1864. Les Français occupent alors le palais royal d’ Udong et font hisser le drapeau français. Le roi du Cambodge craignant une occupation de son pays revient alors dans sa capitale le 17 mars 1864 et s’y fait couronner le 3 juin 1864.
Le 14 avril 1865, Aubaret, Consul de France à Bangkok, alors qu’une canonnière française est dans les eaux du Ménam, arrive à conclure un «arrangement» avec le Kalahom (1er ministre thaï) qui est censé réglé la « question » du Cambodge. Mais le ministre français de la marine et des colonies conteste l’article 4 qui reconnait une suzeraineté thaïe sur le Laos.
Des négociations difficiles autour de l’article 4.
Les négociations devaient une fois de plus reprendre, surtout que Rama IV revendiquait toujours Battambong et Angkor comme provinces siamoises. Dans ce jeu diplomatique complexe, il était difficile aux uns et aux autres de se positionner. Ainsi Rama IV, fort de l’appui anglais, pouvait se croire autorisé à résister aux revendications françaises, mais l’annexion proche de la Birmanie par les Anglais, l’obligeait à reprendre les pourparlers avec Paris. Mais les négociations n’évoluent pas et le 1er ministre siamois refuse même officiellement, le 13 décembre 1866, la modification de l’article 4, concernant le Laos et la délimitation de ses frontières par rapport au Mékong.
Dès lors « la brouille » diplomatique reprenait.
Les procédés utilisés par le consul français Aubaret amenèrent même Rama IV à envoyer une ambassade à Paris, qui arrive en avril 1867. Elle fut reçue par Napoléon III. Le premier ambassadeur thaï pu remettre directement à l’Empereur la supplique de Rama IV. Les pourparlers pouvaient recommencer. Ils durèrent 4 mois.
Mais une révolte éclata au Cambodge, et l'Amiral de Genouilly fit savoir à ses autorités de tutelle, qu’il n’avait pas les moyens d’intervenir, ni de s’emparer de Battambong et d’Angkor.
Dès lors, le traité du 15 juillet 1867 pouvait être signé dans un compromis acceptable.
La France conservait le Protectorat sur le Cambodge et la Thaïlande obtenait la propriété des deux provinces cambodgiennes de Battambong et de Siem Reap/ Angkor. Le traité comprenait aussi un accord commercial et prévoyait les modalités de libre circulation.
Cette période de 1856 à 1867 avait montré le roi Rama IV conscient des forces en présence et essayant d’agir dans un difficile équilibre entre l’Angleterre et la France, mais malheureusement sans l’atout nécessaire d'une armée puissante. Il réussit quand même à sauver sa suzeraineté sur le Laos et gagna deux provinces du Cambodge. Il avait démontré des qualités exceptionnelles.
Malheureusement, il mourut l’année suivante, le 1er octobre 1868, d’une fièvre contractée lors d’un voyage « scientifique » d’observation d’une éclipse du soleil qu’il avait prévue. Ce roi était aussi astronome. Le Siam perdait un grand roi.
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