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  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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11 février 2017 6 11 /02 /février /2017 22:04
INSOLITE 10. LA MYSTÉRIEUSE TRIBU DES MALABRI, LES « HOMMES NUS » DU NORD-OUEST.

Nous vous parlé à diverses reprises des ethnies (1), de leur disparition progressive en Isan (2). Nous nous sommes intéressés à celles du nord-ouest (3) et à celle des Négritos du sud, en voie de totale disparition et vestige de l‘époque préhistorique ; ce  qui leur vaut une surabondante littérature (4). En parlant des ethnies du nord-ouest, nous écrivions « …qui sont ces « Mlabri, Malabori ou Malabri - มลาบรี - prononciation incertaine, même pour les Thaïs dont il subsisterait 200 individus dans la Province de Nan ? Une tribu de la jungle dont l’origine est incertaine et qui se meurt et plus loin « Et les Mlabri ? Les auteurs n’en disent rien ».

 

Voilà qui a suscité notre curiosité.

INSOLITE 10. LA MYSTÉRIEUSE TRIBU DES MALABRI, LES « HOMMES NUS » DU NORD-OUEST.

Ils sont resté cachés – probablement pour vivre heureux - jusqu’à il y a moins de cent ans, inconnus des ethnologues et des missionnaires. Nous avons rencontré cet infatigable gendarme danois, Eric Seidenfaden (5), passionné d’archéologie et observateur attentif des minorités, le premier à avoir signalé leur existence alors à l’ouest de l’Isan.

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Les investigations d’Eric Seidenfaden et la rencontre avec le forestier.


En 1918, à l’occasion d’une tournée professionnelle dans l’amphœ de Phu Khiao (อำเภอภูเขียว) et dans le district de Phakpang (ตบลพักปัง) au nord de la province de Chayaphum (ชัยภูมิ), Eric Seidenfaden rencontra des chasseurs qui lui apprirent l’existence d’une tribu appelée Khatongluang (ข้าตองเหสือง) ou Phitongluang (ผีตองเหสือง), « les hommes aux feuilles jaunes » ou « les fantômes aux  feuilles jaunes », des fantômes car ils ont la capacité de se rendre invisibles des feuilles jaunes ou plutôt flétries qui vivraient dans la jungle montagneuse de phukhiao (ภูเขียว) non loin de la province de Phetchabun (เพชรบูรณ์).

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Ces hommes ont une taille inférieure à la moyenne, sont bien constitués mais très sombres de peau. Leurs cheveux ne sont pas bouclés comme ceux des négroïdes mais droits comme ceux des races mongoloïdes. Hommes et femmes vivent entièrement nus; Ils ne construisent pas de maisons, mais vivent sous des abris de feuilles érigés à la hâte comme les Semang, qu’ils abandonnent au bout de quelques jours lorsqu’elles sont jaunies, d’où leur nom. Leur seule arme est une sorte de javelot de bois dont le point est durci dans le feu. Ce sont des chasseurs courageux capables de tuer les rhinocéros, les bœufs sauvages, les cerfs, les cochons sauvages et le « cerf de Schomburgk » dont les derniers vivaient encore dans cette région.

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Ils ne cultivent rien, se contentant de fruits sauvages, bananes, litchis, ignames et champignons. Ils sont d’une saleté repoussante et leur mode de vie est cause d’une mortalité infantile très élevée. Ils sont farouches et timides, redoutent les contacts extérieurs à leur tribu mais ils sont contraint au troc pour obtenir des denrées comme le tabac, le sel et un morceau de coton uniquement pour envelopper les enfants. Pour éviter les contacts, dans un endroit bien connu des Laos ils placent les différentes denrées recherchées, cornes de rhinocéros, bois, peaux, etc. Les trafiquants laos déposent à leur tour les denrées données en échange. Il est rare qu’ils puissent les voir puisqu’ils surveillent le bon déroulement de l’échange en restant cachés dans la jungle. Notre danois les situe selon les dire de ces chasseurs dans le district de Kut Lo (กุดเลาะ) dans l’amphœ de Kaset Sombun (เกษตรสมบูรณ์) et dans celui de Nong Bua Daeng (หนองบัวแดง) dans l’amphœ du même nom,  toujours dans la province de Chayaphum ce qui lui fut confirmé par le gouverneur  de la province. Notre érudit français Petit-Huguenin lui apprit qu’il avait lui-même eu connaissance de l’existence de ces tribus quelques années auparavant plus au nord à l’est de la province de Phrae (แพร่) limitrophe de celle de Nan (น่าน). Ni lui ni le danois ne les ont toutefois rencontrées autrement que par ouï-dire. Seidenfaden en conclut qu’ils errent dans les jungles montagneuses de l’extrême nord de la province de Phetchabun, qu’ils représentant le stade le plus élémentaire et le moins civilisé de l’humanité tout autant sinon pire que les Sémang-Négritos du sud (4).

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Il rédigera alors immédiatement au vu de ces renseignements indirects une première communication dans le  journal de  la Siam society (6) dans un article relatif à d’autres minorités.

 

En 1924, cinq ans plus tard, un ethnologue irlandais, Arthur Francis George Kerr, nous apprend que personnes n’a jamais rencontré un membre de ces tribus mais, toujours par ouï-dire et de seconde main, nous apprend qu’ils connaissaient la recette pour empoisonner l’extrémité de leurs javelots ce qui leur aurait permis de tuer des éléphants (7).

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En 1926 : Erik Seidenfaden est conscient de l’insuffisance de ces deux premières communications  de seconde main, y compris la sienne, mais il a discuté en 1924 le premier européen à avoir lui-même rencontré longuement ces farouches sauvages. Il  n’est pas un scientifique, et se nomme Mr. T. Wergeni et appartient à la « East  Asiatic Company's forest ».

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C’est un observateur attentif et remarquable dont la description  méticuleuse est longuement rapportée par son interlocuteur (8). Dans un hameau situé sur la route Phrae à Nan, à une cinquantaine de kilomètres au nord-est, M. Wergeni, il aurait réussi à gagner la confiance de ces personnes au milieu desquelles il a vécu. Il les décrit à notre danois, citons le intégralement, c’est en définitive la meilleur description que nous en avons à ce jour : 

 

« Physiquement les Khatongluang comme on les appelle dans la région de Phrae-Nan, se caractérisent par leurs jambes musclées et fortement développées tandis que les parties supérieures de leur corps sont proportionnellement moins bien développées, en raison de leur vie d'escalade. Leur expression faciale rappelle celle des Lapons du nord de la Suède, leurs fronts penchant fortement en arrière et leurs visages longs et ovales.

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Le nez est déprimé à la racine mais a une pointe distincte, avec les narines plutôt larges. La bouche est grande, mais avec des lèvres minces, la lèvre supérieure étant assez courte. Le menton est faible ... ils ne sont pas velus. Les cheveux sont droits, d’un noir profond, mais, en raison de l'exposition à toutes sortes de conditions météorologiques, souvent blancs. Les cheveux gris sont fréquents même chez les plus jeunes. Ils semblent poussiéreux sous  l'influence de la pluie et du soleil. Les hommes les portent jusqu'aux épaules, les femmes à la taille ». (Toutefois Wergeni n'a pu rencontrer que des hommes). « Leurs yeux sont petits et brun, le blanc de teinte jaunâtre. Leur vue est extraordinairement acéré comme celle des races de chasseurs. Mais l'expression de leurs yeux est quelque peu terne et inintelligente comme celle d'un rêveur ou plutôt comme celle d'un fumeur d'opium. Leur peau est d'une belle teinte, plus que celle du lao, plus jaune en raison de leur vie dans l'ombre des profondeurs de la jungle. Ils ne pratiquent aucune déformation artificielle de quelque nature que ce soit sauf le perçage des lobes de l'oreille, dans lesquels ils portent souvent des  morceaux de bois ou de bambou. Cette pratique a tendance à élargir le trou tandis que le lobe de l'oreille, de plus en plus allongé, s'abaisse vers l'épaule. Quelques-uns sont tatoués à l’imitation des Laos, mais ces tatouages sont grossiers, quelques traits horizontaux ou des lignes pointillées. Le percement des oreilles est le tatouage sont uniquement décoratifs et n’ont aucun sans rituel. Leurs dents sont fortes et assez longues et  même les personnes âgées les gardent intactes; Les mâchoires sont lourdes et fortement développées. Leur habitat se situe au nord-est et au nord-ouest de Phrae. Ils préfèrent vivre aux sommets des collines où l'on trouve des sources…

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Mentalement, ils sont faiblement développés et très peu d'entre eux se situent au-dessus d'un niveau d'intelligence généralement faible. Ils sont appelés Phitongluang par les Laos ce qui signifie littéralement « les esprits des feuilles fanées» en allusion à leur manière de vivre et à leurs abris primitifs de feuille. A ce nom ils s'opposent fortement; Celui par lequel ils se nomment eux-mêmes est « Khon Pa » (คนป่า), c'est-à-dire les hommes de la jungle. Ils sont très timides et facilement effrayés, ayant autrefois été maltraités par les Laos qui les chassaient et les tuaient comme des animaux sauvages. Extrêmement crédules mais simples et honnêtes, ce sont de vrais enfants très superstitieux; Pour eux le monde entier est peuplé de mauvais esprits, chaque colline, rocher et ruisseau, même les arbres, sont habités par des esprits dont ils ont une peur panique. La tribu est divisée en plusieurs groupes dont aucun n’a une demeure fixe, ce sont des nomades de la forêt. Ils ne campent dans un endroit que pour une durée aussi longue qu’ils trouvent de la nourriture, leur vie en fait étant une lutte incessante contre la faim. Lorsqu'ils s’arrêtent pour camper, ils ne construisent aucune structure ressemblant à des huttes, mais seulement des abris de feuilles, un pour chaque famille, une sorte d'écran contre le vent  rarement de plus d'un mètre de hauteur; Il est constitué d'un écran tressé de rameaux à larges feuilles reposant un bord sur le sol, l'autre étant soutenu avec un bâton qui le maintien à un angle d'environ 45 degrés. Lorsque leurs abris de feuilles se fanent ils partent à la recherche de ressources nouvelles. Ils ne possèdent ni meubles ni ustensiles pour cuisiner.

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Ils ne possèdent ni meubles ni ustensiles pour cuisiner. Quand ils réussissent, rarement, à se procurer un peu de riz, ils le font cuire dans des tubes de bambou coupés dans la forêt. L'eau et le miel sont pour leurs bébés, ils le gardent aussi dans des tubes de bambou. Les deux sexes vont généralement nus, les femmes toujours. Les hommes, cependant, portent parfois un pagne sommaire quand ils visitent les villages Khamu aux fins de troc (9). Leur nourriture se compose de tout ce qui est comestible, rats, serpents, asticots  et vers; Les pousses de bambous constituent l’essentiel de leur menu. Ils ne mâchent pas le bétel, mais fument parfois du tabac quand ils peuvent s'en procurer et ignorent l'usage de l'opium. Ils mangent d’une façon primitive et répugnante : ni fourchettes, cuillères ou baguettes. Lorsqu'un animal a été tué, ils le mettent sur le feu sans avoir d'abord enlevé la peau ni même l’avoir vidé.  A mesure que la viande est plus ou moins rôtie, ils en arrachent des morceaux avec les doigts et s’en repaissent.

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Leur principal moyen de subsistance est naturellement la chasse et la collecte de racines comestibles et parfois de miel. Lors de la chasse, ils utilisent rarement les chiens; Leur seule arme est une longue lance munie d'une tête de fer à une extrémité, L'acier provient du Laos ou des Khamu, mais il est façonné. Quelques-uns d'entre eux connaissant le fonctionnement d’une forge. Ces lances atteignent souvent une longueur de 11 pieds (3,30 mètres). M. Wergeni m’a présenté une de ces lances dont la longueur était de 9 pieds 7 ½ pouces ou 2,93 m et la tête de la lance est de 11 pouces ou 0,28 m. La tête est fixée solidement avec une bande de fer circulaire et une corde. Les lances sont souvent empoisonnées, le poison végétal est obtenu à partir d'un buisson poussant uniquement sur certains sommets de colline. Ils ignorent l'utilisation des arcs et des flèches et ne possèdent que quelques vieux couteaux obtenus par troc des Khamu. Le poison utilisé est virulent et entraine la mort même sur  une simple égratignure. Il tuera un éléphant ou un rhinocéros en peu de temps. Le poison se propage rapidement dans tous les organes de l'animal blessé qui rarement échappe aux chasseurs. Lorsqu'un animal a été tué, les chasseurs coupent la chair la plus proche de la plaie, dangereuse  cause du poison, si cela n'est pas fait rapidement, le poison se propage et gâche tout l’animal, les chasseurs l’auront alors tué en vain. Le poison n'est donc utilisé que lorsqu'il est absolument nécessaire, c’est-à-dire quand le garde-manger du clan est vide. Ces fils de la jungle sont très courageux et ne craignent de s’attaquer à aucun animal à l'exception du tigre qu'ils craignent. Leur spécialité est la chasse au rhinocéros que l’on trouve encore dans ces régions en nombre raisonnable. 

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Ils ne connaissent pas l'utilisation des pièges et la pêche est également inconnue, car ils descendent rarement dans les vallées. Ils sont, bien sûr nés pisteurs et peuvent suivre à l’odeur un animal sur des miles. Ils ne possèdent pas d'animaux domestiques à l'exception des chiens donnés par les Khamu, et ne connaissent aucun autre moyen de transport que leurs pieds; Canots ou radeaux sont également inconnus. Ils ne cultivent pas le sol ayant renoncé à le faire par crainte des esprits qui autrement seraient offensés. Leur seule forme de commerce est le troc et l’argent est inconnu. Ils chantent une sorte de chanson monotone ressemblant aux chansons Khamu, ignorant les instruments de musique. Ils ignorent toute forme de médecine, pour guérir la maladie, ils ont recours à des offrandes aux esprits et aux exorcismes. On connait peu de choses de leurs idées religieuses : animistes, ils croient en des esprits malins qui peuplent la forêt, la colline et la vallée, les rochers, les ruisseaux et même les arbres. Des sacrifices leurs sont offerts, en général un cochon; Lorsqu'un membre du clan meurt, il est enterré dans un tombe profonde pour éviter qu’il soit déterré et mangé par les tigres. Si cela arrivait, ils croient en un esprit malchanceux, le cadavre, devient un méchant qui va alors hanter les camps et tourmenter les vivants. La magie est inexistante et il n’y a ni prêtres ni sorciers. Nous ignorons s’ils croient en un être suprême mais ils croient en une âme et une existence future.

 

En ce qui concerne la langue, nous en savons peu de choses mais ils utilisent un mélange de Lao et de Khamu pour le troc.

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Le récit de M. Wergeni nous apprend en définitive énormément de choses sur ce peuple étrange, la vision d’un homme de terrain valant celle d’un scientifique, peut-être seul peuple d’Asie dont les membres allaient complètement nus. Notre danois souhaite que celui-ci continue ses observations pour obtenir des informations supplémentaires, situation sociale, organisation et idées religieuses ainsi qu'un vocabulaire qui seraient particulièrement bienvenus à la science. Malheureusement à cette date, nous n’avons pas de photographies. Pendant quelques dizaines d’années nos hommes des bois vont être oubliés des chercheurs et tout ce que nous savons d’eux est la longue description qu’en a fait un forestier à un gendarme.

 

Certes, en 1936/7 un ethnologue autrichien, A. H. Bernatzik, les aurait rencontré et vécu chez eux plus d’un an mais nos visiteurs de la Siam society semblent dubitatifs sur la réalité de ce séjour très controversé. Entre 1954 et 1956, deux anthropologues américains, Weaver et Goodman, se sont également rendus dans la région de Nan et ont rapporté avoir trouvé un petit groupe de Phitongluang. En dehors de cela et de quelques brèves rencontres par M. Garland Bare, un missionnaire travaillant dans la région de Nan à l'heure actuelle, il n'y a pas eu d’autres preuves sérieuses de ces rencontres. En tous cas il apparut de sérieuses divergences entre  leurs  constatations et celles de l’expédition de la Siam society effectuées in situ dont nous  allons maintenant parler.

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Les deux expéditions de la Siam  society.

 

En 1962, le major Seidenfaden est depuis longtemps retourné dans sa Scandinavie natale. La Siam society décide d’une expédition pour enquêter sur les Phitongluang alors repérés dans la province de Nan.

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L'expédition doit être en petit nombre pour pouvoir rencontrer la tribu sans effrayer ses membres, elle se compose de trois membres de la Société sous la direction de M. Kraisri Nirnmanahaeminda, son secrétaire, un photographe et un certain nombre de porteurs. Aucun des membres de l'expédition n'était qualifié comme anthropologue ou d'ethnologue ce qui n’enlèvera rien à la présentation factuelle de ses conclusions qui seront longuement détaillées dans le journal de la revue qui les commandite. C’est uniquement dans le domaine linguistique que seront élaborées quelques définitions, essentiellement dues à la présence de Julian Hartland-Swann linguiste de formation. Ce que savaient les membres  de l’expédition c’est qu’il existait dans le nord du pays une tribu de nomade primitifs et timides, rarement sinon jamais rencontrés, qui ne pratiquaient aucune forme d'agriculture, se promenaient presque nus et vivaient d'un régime de baies, de noix et de petits animaux. Tout ce qu’ils savaient d’eux est ce qu’en avait rapporté la major Seidenfaden et au bénéfice d’un doute pesant l’Autrichien et les deux Américains.

 

Nous savons qu’ils répudient avec force le nom Phitongluang qui serait  incontestablement un qualificatif siamois plus ou moins négatifs Le groupe qu’aurait examiné Bernatzik se nommait yumbri ( ?), ceux qu’ont rencontré nos érudits de la Siam society se nommaient, nous l’avons vu, Khon Pa, les habitants de la jungle ce qui dans leur langue se traduit par malabri (มลาบรี : มลา = habitant et บรี = jungle, traduction confirmée par Condominas). Bernatzik les aurait rencontrés dans une vallée située à environ 20 milles (32 km) à l’est de Nan. Nos hommes les ont rencontrés dans une vallée située à environ 30 miles (48 km) à l‘ouest de Nan après avoir marché dans la jungle en longeant la route de Nan à Phrae. Installés dans un camp ils rencontrèrent un chef de village qui connaissait bien un groupe de Khonpa. Celui-ci, après deux jours de recherches, pu entrer en contact avec ce groupe et avait alors arrangé une rencontre dans un village abandonné. Chacun des  visiteurs avait pris sont de sa vêtir de la blouse bleue et du pantalon porté par les villageois locaux afin que les Khonpa ne soient pas effrayés de cette intrusion de farangs et de citadins. Ils avaient également emmenés avec eux plusieurs des jeunes filles du village comme leurs épouses. Et soudain apparut le groupe de Khonpa. Il était environ 11 heures du matin et presque immédiatement la conversation s’engagea pendant sept heures dans la bonne humeur, la spontanéité et la gaieté ce qui contredit expressément les affirmations de Bernatzik.

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En dépit du fait que cinq des membres de l’expédition portaient des appareils photographiques, deux magnétophones et une caméra, ils n’y firent pas attention et se laissèrent photographier sans jamais poser une seule question pour savoir qui ils  étaient, ce qu’ils faisaient et pourquoi ils étaient venu sans s’étonner de la présence de deux farangs dans l’expédition, Velder and Hartland-Swann. Pour nos observateurs, il est incontestable qu’ils appartenaient au groupe mongoloïde et non négroïde. Ne revenons pas sur la description physique qu’’ils nous en font, elle ne change pas de celle de notre observateur forestier datée de 1926. Notons qu’ils semblaient en bonne santé sans signe de sous-alimentation mais d’une saleté repoussante et répandant une odeur pestilentielle.

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Pudiques, ils arrivèrent au lieu de rendez-vous vêtus de guenilles crasseuses et en lambeau probablement par égard pour leurs visiteurs. Contrairement aux dires de l’autrichien, ils semblent avoir quelques dons pour un artisanat élémentaire, portant tous une sorte de sac fait de fibres nouées pour transporter le tabac et des feuilles de banane séchées pour rouler des cigarettes qu’ils fument en permanence dans des tuyaux de racine, du silex pour le feu et de la cire d'abeilles utilisée pour le commerce. Presque tous portaient au moins un couteau dans leur pagne à la poignée recouverte de rotin tressé. L‘un d’entre eux portait une lance d'environ 2 mètres de long avec une lame forgée qui fut notre cadeau.

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Ils portaient également, roulée dans un tapis, une lance plus courte qui ressemblait plutôt à  une pelle. Plusieurs d'entre eux avaient sur le dos des paniers à couvercle en rotin qu’ils utilisent comme produit commercial de base avec les  populations des vallées thaïes. Ils affirmèrent  qu’ils savaient travailler le fer et obtinrent d’un membre du groupe le cadeau d’une barre de fer. En ce qui concerne leur alimentation, rien que nous ne sachions déjà. Leurs visiteurs leur offrirent du café (probablement soluble ?) qu’ils burent en pensant que c’était un produit aphrodisiaque. A cette époque de l‘année, l‘essentiel de leur alimentation consistait en une espèce de noix, Pittosporopsis Kerrii Craib, abondante dans cette région, amère et désagréable,

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.. mangue sauvage, racines, fruits, miel sauvage et petits animaux comme les porcs épics, les rats de bambou et les serpents. Nous savions  déjà qu'ils chassaient occasionnellement les cerfs, les porcs et les ours sans avoir aucune connaissance sur les pièges. N’essayant pas de conserver la nourriture,  ils vivent simplement de au jour le jour. L’idée de culture agricole leur répugne.

 

Leurs femmes et leurs enfants fuient à l'approche d'un étranger, avertis par les chiens. Aucun étranger n'a jamais été autorisé à les voir ou à les rencontrer. Le groupe rencontré comportait une cinquantaine de personnes vivant dans les  « habitations » que nous avons décrites entourées d’une enceinte végétale, seule défense contre les tigres leur plus grand ennemi et les incursions de villageois thaïs ou laos qui viennent piller leur misérable patrimoine, essentiellement leurs provisions de rotin. Ils déplacent aussi leur village, quand il n’y a plus de nourriture.

 

Il fut impossible à nos  érudits d’obtenir des détails sur leur organisation tribale, leurs coutumes sociales ou leurs tabous. Il n’y aurait toutefois que peu de cohésion à l’intérieur bien qu'ils considèrent l'aîné comme leur chef.

 

Tout ce  que nos  explorateurs purent savoir c’est qu’ils croyaient en des esprits qui régentaient leur vie.

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Ce sont surtout leur langue et leurs chants qui ont passionné nos visiteurs ! Les dialogues se déroulaient sans trop de difficultés en thaï yuan, dialecte local ou dans le dialecte des Khamou que parlait un membre du groupe. Mais il apparut qu'ils avaient une langue propre, si vieille  qu’elle  n’était plus utilisée et que les anciens avaient peine à se souvenir. Nos  explorateurs réussirent ainsi non sans peine à établir une liste sommaire de leur vocabulaire dont  il est impossible de dire s’il est d’origine mon-khmer.

 

Les origines de leurs chants se trouveraient dans les anciens airs de Chiengmai (จ๊อยทำนองเชียงใหม่โบราณ) alors encore chantés dans  les  campagnes autour de cette ville.

 

Il est enfin un aspect singulier que soulignent nos explorateurs : la plupart de ces chansons auraient ont été apprises de populations plus évoluées avec lesquelles ils auraient  été en contact, ou seraient une sorte d'héritage d'une période précédente plus civilisée ? Dans la plupart de ces chants en effet, il y avait beaucoup de paroles totalement étrangères à leur culture de la jungle : l'or, l'argent, les livres, et des mots aussi abstraits que la pauvreté, l'amitié, la reconnaissance et le commerce. Il fut impossible de déterminer s'ils comprenaient le sens de ces mots. Les récits propres à leur passé étaient tout aussi déconcertants qu’incohérents.

 

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En 1963 (21 janvier) la Siam society  organise une seconde expédition plus étoffée. Elle est dirigée par Kraisri Nimanahaeminda et est composée de C. Flatz M.D. un ethnologue de Bonn, un  capitaine de la police des  frontières et ses hommes et trois photographes outre une cinquantaine de membres. Elle se rend dans une montagne de 1260 mètres d’altitude dans la région de Nan. Dans un village elle retrouve les mêmes 9 hommes rencontrés l’année précédente. Ils se retrouvent avec plaisir. La conversation va s’engager en Yuan et en Khamu. Nos Khas sont stupéfaits de se reconnaitre sur les photographies prises l’année précédente. Ils s’étaient vêtu de vieilles guenilles restant des tissus apportés l’année précédente.

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Dans un village elle retrouve les mêmes 9 hommes rencontrés l’année précédente. Ils se retrouvent avec plaisir. La conversation va s’engager en Yuan et en Khamu. Nos Khas sont stupéfaits de se reconnaitre sur les photographies prises l’année précédente. Ils s’étaient vêtu de vieilles guenilles restant des tissus apportés l’année précédente. Il est toujours impossible de rencontrer les femmes et les enfants. De nombreuses photographies sont prises. L’expédition leur distribue du tissu, du tabac, des couteaux, des couvertures de coton  (la température est de 5 °) et « autres choses utiles ». Ils sont remerciés par des danses.

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Ils réussirent toutefois à faire venir une vielle femme malade et son petit-fils.

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Les Khas leur font une démonstration de tissage... 

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... de gravure sur bambous,

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... de leur technique de forge. Nous approchons un peu mieux leur culture ou plutôt leur totale absence de culture : terreur panique du monde extérieur, aucune notion sur les couleurs autres que le noir et le blanc, numérotation limitée à 20… (11).

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La conclusion de l’article de Christian Velder (12), intéressant car il comporte de nombreuses photographies, fut de tenter de déterminer la place de la culture du Mrabri dans l’échelle de l'évolution de l'homme. Il se heurte à une contradiction : il sera difficile de trouver dans ce monde des groupes d'êtres humains qui vivent encore dans des conditions aussi primitives mais à l’inverse, certaines de leurs réalisations sont impressionnantes : habileté extrême dans le tissage, le vannage  et la forge, capacité à manier plusieurs dialectes et enfin, nous l’avons vu, utilisation dans leurs chants de  concepts qui leur sont inconnus.

 

La question de  leurs origines reste un mystère. Sont-ils les derniers survivants de la race paléo mongoloïde qui a parcouru l’Asie du Sud-Est longtemps avant l'arrivée des Thaïlandais. Velder établit un lien avec ce passé par la photographie d’une faïence de l’époque néolithique et un motif hachuré des Khas actuels.

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Il était alors possible et même probable qu'il y ait encore eu à cette date d’autres groupes dans des poches montagneuses éloignées des groupes isolés, probablement  au Laos, dans la région de Sayaburi entre le Mékong et la frontière thaïe. Mais, conclut à juste titre Velder « leur avenir est  sombre ».

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L’expédition donna l’occasion aux linguistes de s’en donner à cœur joie (13) mais ce domaine nous est complétement étranger. Rendons toutefois hommages à ces hommes qui sont restés plusieurs mois dans la jungle pour recueillir les vestiges d’une langue qui n’était probablement pas parlée par plus de 400 personnes dans le monde.

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Anthropologues et ethnologues eurent également la parole ayant eu tout loisir de procéder à de multiples mensurations et de prendre de nombreuses photographies (14).

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Retenons leurs conclusions « La vie paradisiaque du Mrabri, on peut le voir d'abord avec sa liberté, ni réglementation ni fiscalité mais en vérité elle est menacée par de nombreuses forces. Les maladies qui affectent l'homme des plaines sont également présentes chez le Mrabri : paludisme, bactéries et parasites intestinaux. Les maladies héréditaires sont présentes mais pas (encore) les maladies vénériennes. Ils sont menacés par des forces extérieures comme le feu et les bêtes sauvages.  Mais nous ne savons presque rien de l'état de santé des enfants et nourrissons, mais nous pouvons supposer que la sélection par maladie est  rigoureuse, et que seuls les plus aptes survivent. Les Mrabri sont bien adaptés à un environnement rigoureux; Vigueur physique et résistance à la maladie sont essentiels ». Mais leur isolement favorise l’endogamie et un degré nocif de consanguinité. Nous avons constaté un phénomène similaire chez les Négritos.

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La fin.

 

Eugène et Mary Mong sont un couple de missionnaires qui vit, adoptés par eux, vivent chez mes Mlabri depuis 1980. Tony Water est un « volontaire de la paix » qui les a côtoyés dans la région de Phrae.

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Nous leur devons l’histoire d’une bien triste fin (15). Il en aurait subsisté encore 400 l’an 2012. Ils étaient établis de façon semi-permanente dans la région de Phrae et celle de Nan. Il y en aurait eu encore quelques-uns au Laos sur la rive droite du Mékong dans la province de Sayaburi qui est mitoyenne de celle de Nan. Ils restèrent nomades selon la description que nous venons d’en faire jusqu’en 1993, se déplaçant en fonction des disponibilités de la chasse et de la cueillette. C’est à cette date que débute leur semi-sédentarisation sous l’égide du gouvernement qui leur construit des habitations, des  écoles et des dispensaires, plus ou moins chassés de leur habitat traditionnel par l’exploitation déraisonnée de la forêt. Dès le début du siècle, leurs enfants sont scolarisés, connaissent la radio et la télévision.

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Quelques-uns, encore dispersés cherchent toutefois à maintenir leur culture, leurs traditions et leur langue et à sa marier au sein de la tribu.

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C’est alors qu’une sorte de malédiction – c’est du moins l’opinion des missionnaires - généra une dramatique épidémie de suicides. Le couple Long les a tous étudiés, 15 entre 1980 et 2012 dans un groupe de 400 personnes, le plus souvent par poison, rarement par arme à feu. Ces chiffres sont effarants et encore ne s’agit-il que des suicides constatés et le chiffre de 400 est l’évaluation la plus haute : On décompte en général le taux des suicides pour 100.000 personnes par année. Nous atteignons ici en moyenne sur les 32 ans un taux de 117 pour 100.000 alors que celui de la Thaïlande serait de 12 pour 100.000 selon les chiffres de l’OMS.

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Si nous ne savons pas d’où ils viennent, si nous savons ce qu’ils ont été, nous savons en tous cas qu’ils courent inéluctablement à la disparition.

 

Leur conclusion nous semble d’évidence : un changement social fulgurant et la rencontre forcée avec le monde moderne a généré ce que Durkheim, étudiant les causes du suicide, appelle l’ « anomie », concept fondamental en sociologie. Il caractérise l'état d'une société dont les normes réglant la conduite de l'humain et assurant l'ordre social apparaissent inefficientes. Une même vague de suicides a été constatée de même chez les Hmongs réfugiés aux États-Unis.

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Si nous ne savons pas d’où ils viennent, si nous savons ce qu’ils ont été, nous savons en tous cas qu’ils courent inéluctablement à la disparition.

 

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NOTES

 

(1) Il est actuellement plus séant de parle d’ « ethnies » que de « races ». Les Thaïs ne s’astreignent pas à la langue de bois et parlent de « chuachat » (เชื้อชาติ – race) comme par exemple dans le petit ouvrage ความรู้รอตัว ฉบับทันโลก de 2543 (2000) qui en donne une liste non exhaustive.

 

 

(2) Notre article  A.56 « Isan : Le crépuscule des ethnies ? »

http://www.alainbernardenthailande.com/article-a-56-isan-le-crepuscule-des-ethnies-99202030.html

 

(3) Nos articles

A145 « Les " minorités ethniques" du nord-ouest de la Thaïlande » http://www.alainbernardenthailande.com/article-a145-les-minorites-ethniques-du-nord-ouest-de-la-thailande-123213089.html.

et

A147 « Les " minorités ethniques" du nord-ouest de la Thaïlande - 2 » http://www.alainbernardenthailande.com/article-a147-les-minorites-etniques-ou-les-populations-montagnardes-du-nord-ouest-de-la-thailande-2-123281023.html

 

(4) Voir notre article INSOLITE 9  « LES NÉGRITOS DE THAÏLANDE, DERNIERS REPRÉSENTANTS DES HOMMES DU PALÉOLITHIQUE ».

 

(5) Voir notre article « LA « LONGUE MARCHE » D’ERIK SEIDENFADEN, DANOIS GENDARME ET ÉRUDIT AU SERVICE DU SIAM ».

http://www.alainbernardenthailande.com/2016/11/la-longue-marche-d-erik-seidenfaden-danois-gendarme-et-erudit-au-service-du-siam.html

 

(6) « Some Notes about the Chaubun; a Disappearing Tribe in the Korat Province », in journal de la Siam Society, volume 12-III de 1918.

 

(7) « ETHNOLOGIC NOTES » in journal de la Siam society, volume, volume 18-II de 1924.

 

(8) « THE KHA TONG LU'ANG - COMPILED BY MAJOR E. SEIDENFADEN » in journal de la Siam society, volume 20-I de 1926.

 

(9) Les Khamou (ขมุ) venus du Laos se trouvent en particulier dans la région de Nan où une quarantaine de villages spécifiquement Khamou regrouperaient encore environ 12.000 personnes.


 

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(10) « EXPEDITION TO THE KHON PA (OR PHI TONG LUANG) » par Kraisri Nirnmanahaeminda et Julian Hartland-Swann in journal de la Siam society, 1962 Vol. 50 – II.

(11) « Second Expedition to the Mrabri of North Thailand (Khon Pa) » par J.J. Boeles in journal de la Siam society , 1963 Vol. 51 – III.
(12) « Note: A Description of the Mrabri Camp » in journal de la Siam society , 1963 Vol. 51 – III.
(13) « Notes on Kraisri's and Bernatzik's word lists » par  William A Smalley – « The Mrabri Language » par Kraisri Nimmanahaeminda in journal de la Siam society , 1963 Vol. 51 – III.
Sur cette question voir aussi « The enigmatic ethnolects of  the Mlabri  (yellow-leaf) tribe » par Jürgen Rischel sur le site :

http//sealang.net/sala/archives/pdf8/rischel2000enigmatic.pdf

(14) « The Mrabri: Anthropometric Genetic, and Medical Examinations » par Gebhard Flatz in journal de la Siam society , 1963 Vol. 51 – III.
(15) « Suicide among the Mla Bri hunter-gatherers of northern Thailand » in Journal de la Siam society 2013m Vol. 101.

 

 

 

 

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8 février 2017 3 08 /02 /février /2017 22:07
INSOLITE 9 -  LES NÉGRITOS DE THAÏLANDE, DERNIERS REPRÉSENTANTS DES HOMMES DU PALÉOLITHIQUE.

Qui sont-ils - Oú sont-ils ?

 

Pour les Thaïs, ce sont des Sémang (เซมัง) et des Sénoï ou Sakaï (เซนอย - ซาไก) mais familièrement des Ngopa, Ngo de la forêt (เงาะป่า) par analogie avec leur  apparence extérieure et le rambutan (เงาะ) sans que l’on sache si le fruit a donné son nom à l’homme ou vice-versa.

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Eux-mêmes se nomment Mani (มันนิ) ce qui signifierait tout simplement « être humain ». Il n’en subsisterait encore guère plus de 200 en Thaïlande et à peine le double en Malaisie, à cheval sur l’extrême sud du pays et l’extrême nord de la Malaisie dont on peut penser, s’il en subsiste encore, qu’ils se terrent, disséminés en petits clans se fondant peu à peu avec le reste de la population. Ils sont répartis entre le petit district de Thanto dans la province de Yala (อำเภอธารโต – จังหวัดยะลา) à l’extrême sud, aux environs du village de Yahai (ยะฮาย) district de Waeng dans la province frontalière de Narathiwat (อำเภอแว้ง – จังหวัดนราธิวาส), dans les hauteurs de la montagne de Kalakhiri (ภูเขากาลาคีรี) entre la  province de Yala et le district de Rangae (อำเภอระแงะ) dans la province de Narathiwat, le long de la rivière Tong (คลองตง), de la rivière Hindaeng (คลองหินแดง) et une petite centaine dans des villages des provinces de Trang ( จังหวัดตรัง), Phathallung (จังหวัดพัทลุง) et Satun (จังหวัดสตูล). Ils ne sont probablement pas plus nombreux dans le nord de la Malaisie. Il en aurait subsisté en 1992 environ 400 dans quelques-uns des dizaines et des dizaines d’îles et îlots birmans de la mer d’Andaman (204 îles ou ilots sur le seul territoire birman), s’ils n’ont pas été submergés par le tsunami de 2004, ce qui est probable. 

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Mais le gouvernement birman n’a jamais donné la moindre précision à ce sujet, et on peut penser qu’ils étaient en passe de l’être par le tourisme de masse qui n’est qu’une forme plus insidieuse de tsunami.

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Pour nous, ce sont les Négritos, « les petits nègres » du nom que leur ont donné les  Espagnols qui les premiers les ont rencontré lors que la conquête des Philippines « negritos del monte » « les petits nègres de la montagne, qui les identifièrent dès le XVIème siècle avant que l‘on découvrit leur existence dans les iles Andaman et en Malaisie,appellation fort juste qui rappelle les deux caractères frappants de cette race sa petite taille et la couleur de sa peau. appellation fort juste qui rappelle les deux caractères frappants de cette race sa petite taille et la couleur de sa peau.

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La première vision des ethnologues et des anthropologues

 

Ils n’ont pas fait l’objet de descriptions très positives : citons par exemple Jules Verne critiquant les théories de Darwin qui les rapproche du singe, occasion de s'interroger sur le fameux « chaînon manquant » entre le grand singe et l'être humain, débat brûlant à cette époque (1).

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Les pères jésuites dans leur très érudite revue « Les Études » ne les présentèrent pas sous un jour bien flatteur (2).


Nous pouvons citer encore l’opinion de quelques anthropologues ou ethnologues à une époque où ils n’étaient pas bridés par le « politiquement correct » et la langue de bois (3).

 

Une autre opinion singulière a été émise, qui dit qu’ils ne sont pas des singes, car il suffit de regarder leurs pieds,  mais qui ajoute qu’ il est possible qu’ils soient les traces de copulations entre des anthropoïdes et l’ours des cavernes (4).

 

Laissons de côté ces commentaires qui en réalité les assimilent plus ou moins directement au fameux « chainon manquant » et contentons-nous de la définition plus modérée du sociologue  Levy-Bruhl : « Ils sont à juste titre considérés comme étant parmi les populations les plus attardées du globe » (5). 

 

L’imagerie non plus ne nous a pas semblée très positive ainsi qu’il apparaît de ce portrait daté de 1889 – nous sommes assez loin de l’apollon du Belvédère - dans un ouvrage qui ne parle pas d’anthropologie mais de zoologie ! (6)

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Retenons une description plus marquée par la « charité chrétienne » qui explique largement pourquoi ils fuient ce qu’il est convenu d’appeler « la civilisation » et que nous n’aurons, surtout au XXIème siècle pas la moindre chance de les rencontrer (7).  Nous trouvons aussi ce qui rappelle la vision tout autant idyllique que fantaisiste du « bon sauvage » cher à J.J. Rousseau, dont ils seraient les derniers représentants sur terre (8) dans une société idéale (9). C’est bien pourquoi leur disparition et leur extinction étaient inéluctables (10).

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Leur histoire et leur origine

 

Ils furent sans conteste les premiers occupants du sol de la péninsule indochinoise il y a plusieurs dizaines de milliers d’années. Ils  frappèrent les explorateurs et les missionnaires par leur petite taille, leurs membres inférieurs graciles qui faisaient paraître leurs pieds et leur tête gros et larges. Sans industrie, et vivant dans des conditions frustes, fuyant les contacts, ils furent pourchassés comme des animaux sauvages et menèrent et mènent peut être encore une existence de bêtes traquées.

 

D’où venaient-ils ? Furent-ils des lilliputiens ? Cela a été écrit  le plus sérieusement du monde (11) certains pensent toujours que le célèbre roman de Jonathan Swift n’est pas une métaphore ?

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On a pu encore leur donner une origine légendaire : ils seraient les descendants des singes verts, les « hommes singes » de  l’armée d’Hanuman, le dieu des singes et l’ami de Rama (12).

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C’est aussi une version recueillie par l’anthropologue britannique Ivor Hugh Norman Evan qui avait interrogé une femme négrito entre Pattalung et Trang : Selon elle, l’origine de sa race se trouvait à Langkawa (ancien nom de Ceylan) dans l’armée des  singes qui avait permis à Rama  de sauver son épouse Sita (13).

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Ni Lilliputiens ni singes verts, qui sont-ils ou plutôt qui étaient-ils ? La question d’une origine commune avec les pygmées d’Afrique est du domaine de la spéculation.

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Ces Negritos occupaient aux temps préhistoriques un territoire très étendu et sont probablement les plus anciens habitants de l'Asie du Sud-Est (14).

 

Ces petites bandes de nègres pygmoïdes nomades primitifs représentaient sans doute les derniers groupes survivants de la population indigène de cette région. Ils jouissaient autrefois d'une distribution beaucoup plus large et plus étendue comme semble le  consigner les premiers écrits (15).

 

Le pèlerin chinois, I-Tsing, qui vivait à cheval sur le 7ème et le 8ème siècle de retour en Chine après avoir visité la péninsule pensait que les habitants de l’île de Poulo Condore au large des côtes indochinoises étaient des négritos et déclarait qu’il y avait en Chine à cette époque  de nombreux esclaves négritos.

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Dans la grotte néolithique de Ninh-Cam en Annam fut trouvé un crane identifié comme négrito daté de 40 ou 50.000 ans (16). Le géographe Maurice Abadie aurait constaté la présence de Négritos dans le haut Tonkin en 1924. Pour le  Dr. Jean Brengues au début du siècle dernier, la minorité Chong vivant à la frontière cambodgienne (aux environs du temple de Preah Vihar) présentait pour environ 20% des caractères de Négritos. Par la suite, pourchassés par les ancêtres des Thaïs au nord et ceux des Malais au sud, victimes de persécutions et d'assimilation forcée, ils se réfugièrent dans les parties les plus inaccessibles de la jungle dans les montagnes quand on ne les retrouvait pas réduits en esclavages  comme par exemple en 1878 chez le Rajah de Singor (Songkhla) (17).

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Antérieurement ils auraient servi comme mercenaires par les Malais de Pérak au XVIIIème siècle  compte tenu de leur science à utiliser des flèches empoisonnées sur des pointes métalliques que leur fournissait leur employeur (18), mais ceci coïncide  assez mal avec le caractère éminemment pacifique que leur ont reconnu tous les observateurs.

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Ce que nous savons d’eux est à mettre à l’actif des premiers explorateurs des régions où ils étaient réfugiés, deux Autrichiens, le Père Paul Joachim Schebesta, missionnaire et anthropologue qui, dans les années 1924-1925, a arpenté les jungles entre Malaisie et Siam en quête de matériel pour ses nombreuses publications sur les Négritos (19) et l’anthropologue Hugo Bernatzik qui les a visités en 1924 (20).

 

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N’oublions pas le roi Chulalongkorn qui a visité les Négritos de Pattalung-Trang en 1906-1907. Il adopta  un jeune orphelin nommé Khanung, et vit dans cette adoption une expérience personnelle pour civiliser un sauvage. Nous ignorons ce que devint ce  gamin dont il ne reste que des photographies prises par le roi lui-même.

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Il écrivit lui-même un conte illustré (bothlakonruangngopa บท ละครเรื่องเงาะป่า) sur la vie tribale imaginée du garçon, décrivant l'apparence physique des Semang, leur mode de vie, leurs croyances religieuses, leurs habitudes alimentaires (21). 

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Actuellement, les anthropologues et ethnologues qui s’intéressent à eux ont les plus grandes difficultés à les localiser et plus encore à entrer en contact. Timides, les bandes sont composées d'un petit nombre d'individus  vivant dans la crainte de persécution et d’exploitation et souhaitent le moins de contact avec l'extérieur ce qui en réalité les rend inaccessibles. Il semblerait en outre qu’ils n’aient pas eu à se féliciter du contact avec les maquis communistes malais et thaïs.

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Brandt les divise en plusieurs branches d’une façon qu’il indique lui-même arbitraire  puisque leur localisation de par leurs déplacements permanents est difficile sinon impossible ; surtout  si un groupe disparait. (13)  Combien en restait-il alors en 1960 ?

 

Peut-être 300 en Thaïlande et 2.000 en Malaisie vivant de façon semi-sédentaire par petits groupes de 5 couples avec les enfants ; ce qui correspond à des bandes d’une vingtaine d’individus et déplacements plus ou moins continuels contactant de façon occasionnelle les villages thaïs pour y échanger leur miel sauvage, leurs objets en rotin et les peaux d’animaux contre du tabac et des objets métalliques car ils semblent ignorer la métallurgie et souvent hélas pour mendier  de la nourriture ? Ils sont probablement plus ou  moins acculturés nous apprend Brandt qui les a rencontrés baragouinant le thaï ou le malais selon leur emplacement et pratiquant le  « waï » tout comme les Thaïs.

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Les caractèristiques physiques

 

Physiquement, ce sont des négroïdes de petite taille, 1.496 mm pour les  hommes et 1.408 mm pour les femmes. Les femmes ont un poids moyen de 43,4 kg et les hommes de 39,5 kg. Ces précisions restent toutefois très aléatoires faute de trouver ce que Brandt appelle un « stock racial pur ». Certaines femmes mais uniquement dans les groupes des iles de la mer d'Andaman, pas toutes et très rarement les hommes offrent la caractéristique connue sous le nom de stéatopygie ou « gros fondement ».

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Une moderne « Vénus de Willendorf » ? La stéatopygie a été répandue, peut-être même universelle, dans la préhistoire et se retrouve dans les fameuses figurines de Vénus de l'âge glaciaire. Seules deux populations subsistantes présentent encore aujourd'hui cette caractéristique, les Hottentots d’Afrique du Sud et les Négritos de la mer d’Andaman. Elle ne répond probablement pas à des considérations esthétiques mais fournit des réserves de matières grasses et augmente les chances de survie dans des environnements imprévisibles.

 

Une moderne « Vénus de Willendorf » ? La stéatopygie a été répandue, peut-être même universelle, dans la préhistoire et se retrouve dans les fameuses figurines de Vénus de l'âge glaciaire. Seules deux populations subsistantes présentent encore aujourd'hui cette caractéristique, les Hottentots d’Afrique du Sud et les Négritos de la mer d’Andaman. Elle ne répond probablement pas à des considérations esthétiques mais fournit des réserves de matières grasses et augmente les chances de survie dans des environnements imprévisibles.

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Leur chevelure, caractéristique, est laineuse. La couleur de leur peau est chocolat noir chez les adultes, mais jamais brillant, plus clairs pour les enfants. Ils sont brachycéphale et beaucoup ont le front saillant avec parfois un prognathisme. Tous les observateurs sont frappés par la nature de leurs yeux : « un regard d'animal sauvage ». Tous aussi ont noté une grande séparation entre l'hallux (gros orteil) et le deuxième orteil et remarqué qu’ils se déplaçaient avec un mouvement particulier, levant les pieds au-dessus du sol comme s'il franchissait des obstacles invisibles. C’est peut-être caractéristique de la marche de jungle ?

Photographie de John Brandt :

 

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Leurs langages

 

Les Négritos sont évidemment un sujet intéressant pour la linguistique dans la mesure où leur langage d’origine pourrait être celui des hommes de la préhistoire il y a 50 ou 60.000 ans. Les Sénoï utiliseraient un langage proche du mon-khmer dont est issu le thaï, largement utilisé en Asie du Sud-Est par des cultures plus avancées mais qui n’est probablement pas celui utilisé par les groupes tribaux primitifs. Il plane de toute évidence une incertitude sur la langue originale. Ils utilisent des mots à racines monosyllabiques et une méthode de composition de préfixes comme dans le mon-khmer, mais beaucoup de ses mots ne sont pas  d’origine mon-khmer. Mais les contacts avec les « envahisseurs » ont fait qu’ils utilisent beaucoup de mots thaïs, malais ou birmans.

 

Brandt a été frappé du fait qu’ils utilisent des mots pour compter jusqu’à quatre et qu’après, ils utilisent le mot « beaucoup ». Ce ne sont manifestement pas des calculateurs ! Laissons les linguistes à leurs discussions, notamment le Père Paul Joachim Schebesta qui a consacré de très doctes ouvrages à ce sujet. Leur langue est en tous cas assurément l’une des moins bien connue de toutes celles qui sont parlées dans le vaste monde.

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Leur mode de vie

 

Bien que nomade, les Négritos n’errent pas de façon erratique. Ils se déplacent dans une zone définie en fonction de la disponibilité des aliments mais aussi d’autres facteurs, tels que les visiteurs indésirables, un tigre, une mort ou un phénomène naturel interprété de façon magico-mystique. Ils vont par exemple camper aux  environs d'un arbre durian jusqu'à ce que les fruits aient disparu.

 

Ils ne construisent qu’un maigre pare-vent en bambou brut couverte de feuillages, une plateforme en bambou pour le sommeil et un abri adjacent pour le feu qu’ils obtiennent sans difficultés par friction du bois. Le tout est abandonné sans le moindre sentiment d’attachement.

 

Photographie de John Brandt : un abri temporaire et un abri semi-temporaire :

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Ces abris pare-brise peuvent être disposés en cercle ou parfois en rangées parallèles formant une sorte de  tunnel dont les bords se rejoignent comme une longue hutte sans toit. Au sein de cet abri sont suspendues leurs maigres possessions, arc et sarbacanes, carquois, paniers et instruments de cuisine réduits au minimum : coques de noix de coco comme bols, grattoirs en rotin, bâton de bois pour le mortier et couteau toujours utile. Parce qu'ils sont nomades, ils  sont évidemment limités dans la quantité et la nature de leurs biens matériels qui doivent être petits, légers et peu nombreux pour être transportés le long de leurs pérégrinations. Quand ils le peuvent, ils se contentent  d’une grotte ou d’un abri sous roche.

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Des feuilles servent d’assiettes et le riz est cuit dans des bambous : ceux-ci sont bouchés et maintenus au-dessus du feu à mijoter. Les viandes sont broyées et rôties sur une flamme nue. Les feuilles servent aussi à boire dans les points d’eau et l'eau est consommée directement à partir des bambous de stockage. Les petits mammifères sont éviscérés et enterrés dans les cendres pour être cuits dans leur peau. Préparés ainsi, ils retiennent tous les sucs naturels et sont tout à fait agréables au goût mais d’aspect un peu répugnant. Les aliments non consommés sont conservés jusqu'au lendemain et les mères réservent souvent de petites quantités de nourriture dans des bambous pour que les enfants puissent avoir une collation froide le lendemain matin. Il ne semble pas qu’il y  ait de véritables efforts organisés pour conserver la nourriture. Les repas sont pris en groupe.

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Ce sont les femmes qui ramassent les racines comestibles et les fruits et les hommes qui chassent ou pèchent. Dans un passé proche  - écrit Brandt en 1960 - ils utilisaient encore des arcs et des flèches empoisonnées pour chasser le gros gibier aidés par des chiens.

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Ils ne consomment toutefois ni chien, ni chat, ni serpent, ni éléphant, ni ours, ni cochon sauvage, ni cerf, ni rhinocéros, ni tigre, mais par contre toutes les espèces de singes. Précisons pour les éléphants et les ours, ils croient que ce sont des personnes réincarnées.

 

Mais leur nourriture est variée, tortues, grenouilles, mollusques, termites et larves d'insectes en dehors des produits de la chasse, de la pèche – les hameçons sont une esquille de bois ou un éclat d’os - et de la cueillette.

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Ils ont toutefois des tabous en matière de nourriture : ainsi pendant la grossesse les femmes évitent de manger le lézard, le gibbon, le rat de bambou ou le faisan-argus. Certains croient que la viande de poulet est taboue après la naissance d'un enfant.

 

Avec l'introduction des armes à feu lorsqu’ils peuvent s’en procurer, la chasse devient de plus en plus facile. Pour Brandt, des histoires de Négritos tuant des éléphants ou des rhinocéros à l’aide de leurs arcs et de leurs flèches empoisonnées relèvent de la légende.

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Les arts

 

Si les Négritos ne sont plus à l’âge de la pierre, ils sont à celui du bambou ! Leur conception de la décoration se limite à des dessins incisés sur du bambou, une décoration purement linéaire, pour la confection de paniers et de quelques talismans.

 

Photographie de John Brandt : panier et blagues à  tabac :

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Seuls les enfants sont nus, les femmes ont en général la poitrine découverte, les hommes portent un sarong court. Le tissu est fabriqué à partir d'écorce d'Atocarpus pilée, doux et souple. Un tissu d'écorce fin est fabriqué à partir de l’écorce de l'arbre d'ipoh dont le suc violement toxique est utilisé pour empoisonner les flèches.

 

Photographie de John Brandt :

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Certains portent des tatouages sommaires ou ont la cloison nasale perforée pour porter  une plume dans le nez et portent des dispositifs décoratifs comme colliers. Seules les femmes portent des boucles d'oreilles.

 

L’essentiel de leur art est constitué par les peignes des femmes incisées en bambou qui auraient une signification magique....

 

Photographie de John Brandt :

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...ou leurs carquois décorés également en bambou.

 

Dessin de John Brandt :

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Leurs instruments de  musique semblent limités à des tambours de peau et des guitares en bambou à deux cordes.

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Les armes

 

Leur premier armement aurait été un simple casse-tête, un bâton de jet ou une lance en bambou mais ils utilisaient généralement un arc assez long, entre 1,80 et 2 mètres, soit en bambou soit en bois dur. Seuls les carquois étaient décorés. Lorsque Brandt écrit, plus un seul ne savait les confectionner. La pointe de flèche était en général en fer probablement de récupération. Leur poids rendait l’empennage inutile ce qui relève d’une certaine habileté, mais peut-être aussi parce qu’ils attribuaient aux plumes un caractère magique. Les pointes de flèche étaient empoisonnées ce qui permettait avec certitude d’abattre de gros animaux. Mais leur arme originale était la sarbacane dont la longueur variait selon les groupes, jusqu’à plus de deux mètres.

 

Dessin de John Brandt :

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Elles étaient confectionnés de deux sections de bambou alésées collées entre elles, de référence bambou de l'espèce wrayi qui a de  très longues sections dépourvues de nœuds.

 

Dessin de John Brandt : décorations sur sarbacanes :

 

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Une embouchure était fixe à l’extrémité. Elles étaient décorées de motifs linéaires.

 

Dessin de John Brandt :

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Le carquois contenant les flèches également empoisonnées était en bambou toujours décoré de motifs linéaires probablement magiques. Les flèches étaient faites d’une espèce de rotin d’une vingtaine de centimètres de long. La portée aurait été de plus de 50 mètres selon évidemment la capacité pulmonaire de l’utilisateur ?

 

Photographie de John Brandt :

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Mais l’arme aurait été inoffensive sur des animaux importants sans l’empoisonnement des flèches. Brandt nous en donne la « recette » : du venin de scorpion, de serpent ou de scolopendre, la sève de l’ipoh dont nous venons de parler (Antiaris toxicaria), du fruit du vomiquier (Strychnos nux-vomica) dont l’on extrait directement la strychnine ou d’un mélange des deux ou du tout.

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Le poison de l'arbre ipoh est recueilli incisant le tronc et en récupérant attraper les gouttes de sève dans un petit récipient en bambou. La sève fraîche est alors étalée sur une petite spatule en bois et mise à  feu doux pour sécher. Elle change de  couleur sous l’effet de la chaleur passant d’un gris laiteux à un brun chocolat profond. À ce stade,  elle est dure et fragile mais peut être ramollie de nouveau par réchauffement.

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Les pointes de flèche sont alors plongées dans la mixture et ensuite mise à sécher. Le  poison du vomiquier doit être cuit avant utilisation. Habituellement, les poisons ne sont pas mélangés mais certaines tribus le font en les combinant avec d'autres plantes. Le poison est plus efficace quand il est frais mais conserve sa nocivité longtemps. Les Négritos connaissaient les recettes de mélanges à nocivité variable et peignait les flèches de bandes de couleur différentes selon un code leur permettant d’utiliser la fléchette appropriée en fonction de la cible. L’antiarine contenue dans la sève de l’ipoh arrête le cœur des mammifères blessés qui entrent en diastole. Le cœur des vertébrés à sang froid s'arrête en systole. En clair, cela signifie qu’avec du poison frais des animaux de la taille d’un gros singe meurent en quelques minutes mais après avoir perdu tout contrôle et s’être affalé sur terre. Les oiseaux meurent plus lentement et échappent souvent aux chasseurs en s'envolant hors de leur vue. On peut se demander comment les Négritos ont eu connaissance des vertus diaboliques de ces plantes dont le principe nocif n’a été extrait que dans le courant du XIXème siècle ? Pacifiques, ils n’utilisaient leurs armes que pour la chasse et jamais contre leurs semblables. L’affirmation doit toutefois être modulée : lorsque les maquis communistes se sont installés dans leurs aires d’implantation, essentiellement dans les jungles montagneuses entre Phattalung et Trang il n’est pas certain que quelques-uns de ces intrus n’en aient fait les frais.

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L’organisation sociale      

 

Les groupe négritos ignorent le système des castes et fonctionnent selon un système « démocratique » assez lâche. Ils n’ont pas de chef sauf pour faire face à des situations exceptionnelles. Ce sont alors les hommes les plus âgés du groupe qui prennent les décisions, parfois une femme bien qu’elles soient en général exclues des délibérations.

 

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Le Négrito est ordinairement monogame et bien que ni la polyandrie ni la polygamie ne semblent être interdites, elles ne semblent être la règle. Ils pratiquent systématiquement l’endogamie ce qui a probablement favorisé par la multiplication forcée des mariages consanguins à l’intérieur de groupe faiblement peuplés la multiplication des tares congénitales et  une inéluctable dégénérescence.

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Les jeunes hommes choisissent leurs propres mariées et c’est la troupe qui doit payer une dote symbolique sous forme de tissu, de tabac, d'un couteau, etc. Mais les mariages sont le plus souvent affaire d’inclinaison et non de convenances. Il semble n'y avoir aucune cérémonie spécifique de mariage. La fidélité est généralement la règle mais le divorce se déroule simplement, la plupart des couples ont eu plus d'un conjoint avant de s'établir avec un compagnon final.

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Ils connaissent les aspects physiques de la conception ainsi que des procédés contraceptifs et abortifs. Mais cela ne les empêche pas de croire que l'âme ou l'esprit d'un enfant est  apporté par un oiseau. Pour certains, il s’agit du faisan- argus ce qui explique le tabou : il apporte en effet l'âme d'un mâle et un autre oiseau celle des femmes.

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Les pratiques d'inhumation varient considérablement selon les groupes : cadavres jetés dans les rivières, plus rarement laissés sur le sol ou placés dans des arbres mais en général enterrés. Mais le groupe fuit alors immédiatement la région par peur des fantômes et des tigres qui se nourrissaient des corps.

 

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La  religion

 

Ils croient en une vie après la mort mais pas en une réincarnation. Cependant, le roi Chulalongkorn pensait que certains groupes croient en une âme qui attend cette réincarnation. Si elle n'intervient pas dans les six mois, elle devient un fantôme. D’autres croient en une réincarnation dans l'ours et l'éléphant, ce qui explique le tabou. Ils croient tous en un paradis paisible sans tigres ni éléphants, sans tonnerre ni maladie où les enfants seront réunis avec les défunts parents.

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Les Négritos sont ou étaient le dernier vestige d’un type primitif répandu dans toute la péninsule bien avant que la civilisation ne naisse à Ban Chiang. Les travaux de recherche sont difficiles en raison d’une timidité maladive et de leurs habitudes. Ils n’ont de toute évidence aucune vocation à devenir des « singes savants »  spectacles pour touristes comme d’autres minorités tribales telles les « femmes-girafe ». La présence des communistes dans les années 60 les a conduit à se rapprocher des routes et des postes de  police pour se protéger et  se sédentariser partiellement ou à l'inverse à se réfugier au plus profond de jungles impénétrables.

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Le travail de Brandt est l’inestimable fruit de ses observations personnelles – il a vécu chez les Négritos  - et d’une énorme bibliographie. Officier de carrière au Département d'État des États-Unis, pendant huit ans il a poursuivi les observations en Asie du Sud-Est en recueillant des documents ethnologiques avec probablement le but d’avoir des informations sur la possibilité de lutte contre les maquis communistes. Ses immenses collections comprenant de nombreuses photographies qui ne sont malheureusement pas intégralement numérisées à ce jour et des objets de l’artisanat négrito sont dispersées entre le musée de Milwaukee, celui de Kenosha, le musée d'anthropologie du Mexique et le Musée royal de l'Ontario. Nous lui devons d’avoir une vision de la manière dont vivait ces hommes il y a plusieurs dizaines de milliers d’années de la même et exacte façon dont ils le faisaient il y a seulement un demi-siècle et peut-être encore aujourd’hui.

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NOTES

 

(1) « l'orang, type brachycéphale au long pelage brun, serait d'après lui l'ancêtre des négritos; le chimpanzé, type dolichocéphale, aux mâchoires moins massives, serait  l’ancêtre des nègres; enfin, du gorille, spécialisé par le développement du thorax, la forme du pied, la démarche qui lui est propre, le caractère ostéologique du tronc et des extrémités, descendrait l'homme blanc » In « Le voyage aérien, les histoires de Jean-Marie Cabidoulin », 1901.

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Il est ailleurs guère plus élogieux « … race intermédiaire entre les Malais et les nègres… ni agriculteurs ni pasteurs.. : ils n’habitent que es huttes misérables. Ils sont à peine vêtus de peaux de bêtes ou de pagnes en écorce… »In « Les frères Kip » de 1902.

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(2) «Primitifs parmi les primitifs »  in « Les études » du 5 juillet 1909, p. 724). Mais évidemment tout est relatif, comme chacun sait, au pays des aveugles… : « Pour certains, ce sont à peine des hommes, intermédiaires entre l'homme et le singe, tout au plus des dégénérés. Or il se trouve que, étudiés de près dans leurs croyances religieuses, ces pauvres pygmées sont très supérieurs aux peuples  bantous… » (Idem 1946).

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(3) « Chez certains négritos, la stupidité est telle que, s'ils doivent faire quelque effort pour comprendre, ils tombent de sommeil ; insiste-t-on par trop, ils sont malades », Clodius Piat « Destinée de l'homme » 1898.

 « Chez les sauvages les plus  inférieurs, l'inertie intellectuelle entraîne le manque de curiosité rien ne les étonne, ou, s'ils s'étonnent, ce n'est que pour quelques instants », Alfred Fouillée « Tempérament et caractère selon les individus, les sexes et les races » 1902.

«… les négritos et les nègres et, d'une façon générale, il y a lieu de n'admettre qu'une seule race nègre, ayant possédé autrefois un habitat continu de l'Afrique à l'Océanie; les négritos restent les témoins d’une dégénérescence physiologique » in « Larousse mensuel illustré » de 1923.

« Aux côtés des Malais plus ou moins évolués socialement et intellectuellement, les Negritos, au type négroïde très accusé, représentent un stade de civilisation extrêmement arriéré », « La  revue du Pacifique » du 15  janvier 1933.

« Races très différentes de types et de mœurs. La gradation va du négrito aborigène dont l'air de famille avec la race simiesque est plutôt prononcé, dont les enfants jusqu'à douze ans ne connaissent d'autres costumes que ceux des chérubins et des séraphins, jusqu'au Guianga de formes admirables, sveltes, et fines, aux traits ariens rappelant les plus pures races de l'Inde » in « Le Petit Français illustré. Journal des écoliers et des écolières » du 29  septembre 1900.
 

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(4)… « Les Negritos n'étant pas des spécimens descendant des singes actuellement vivants, puisqu'ils en sont toujours séparés par la forme si caractéristique du pied … « C'est ainsi que la dernière étape de l'animalité de l'Homme a pu être franchie, à l'époque des grands cataclysmes du Quaternaire, quand les bêtes affolées, blotties dans les cavernes, exacerbées par de longues et dures privations, s'uniront au hasard des gîtes, comme les Anthropoïdes et l'Ours des cavernes furent si souvent exposés à le faire durant celte longue période de fièvre géologique. De ces unions hasardées est sorti le Primate, souche de l'espèce humaine » L. Baudrit in « L'évolution des forces psychiques » 1914.

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(5) Lévy-Bruhl « L'expérience mystique et les symboles chez les primitifs » In Revue des Sciences Religieuses, tome 19, fascicule 4, 1939. pp. 527-530.

 

(6) Auguste Daguillon « Notions de zoologie, à l'usage de l'enseignement secondaire classique (classe de sixième) et de l'enseignement secondaire spécial (première année) », p. 100, 1887.

 

(7) « …c'est toujours et partout la chasse, la cueillette du miel, la récolte des fruits sauvages, la vie nomade, la hutte provisoire, la caverne de rencontre, les ustensiles rudimentaires, la même absence d'animaux domestiques, la même conception de la vie, la même organisation de la famille et du campement, la même idée enfin d'être voués par la Divinité à cette existence errante. Leur théologie est bien simple, mais elle est en même temps plus dégagée de superstitions bizarres, immorales ou cruelles que celles des peuples plus avancés en civilisation matérielle. Un autre  caractère commun les signale à notre attention : On dirait qu'ils se sentent toujours poursuivis et recherchés, et c'est pourquoi aucun privilège ne leur est plus précieux que celui de se rendre invisibles. Quand on les regarde, ils disparaissent, et eux-mêmes ne vous regardent jamais en face. Pour peu qu'ils aient des soupçons contre une tribu voisine, un village, une famille, ils s'en vont. Une branche verte qui se  retourne sur le feu suffit à les faire changer de campement comme une brindille étrangère tombée dans le nid d'un oiseau le lui fait « enhaïr». Quand la mort s'abat parmi eux, ils n'ont rien  de plus pressé que d'aller chercher un gîte ailleurs. Pourquoi? « Parce que Dieu les a vus! » Jamais, ils n'oseraient tuer un étranger, encore moins un frère. Tracassés, provoqués, volés, ils s'échappent. Et cette crainte de verser le sang humain, cette honte d'eux-mêmes, cet instinct de se toujours cacher aux yeux des hommes et aux yeux de Dieu rappellent involontairement la parole de la Bible qui poursuit le premier assassin et le premier maudit »… In « Les Missions catholiques -Échos d'Orient » tome 1, n°1, 1897. p. 31;

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(8) « 0 indépendance ! Il faut que tu offres bien des charmes à tes enfants, pour que, sans abri et à demi morts de faim, les Négritos te préfèrent à l'édénisme dont jouissent d’autres  peuples sous la domination des blancs ! 0 indépendance ! Dans la forêt, leur lit est le pied d'un arbre ; leur nourriture,  le produit incertain de la chasse. Cette vie toute d'éventualités doit rendre l'homme le jouet des caprices du sort : aussi les Négritos sont-ils les êtres les plus superstitieux du monde ; ils craignent les mauvais sorts, l'esprit de la plaine, et que sais-je encore? » Jules Itier « Journal d'un voyage en Chine en 1843, 1844, 1845, 1846 » 1848)

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(9) « les Négritos, pauvres petits nègres de la Malaisie, qui, traqués et persécutés, donnent l'exemple des plus rares vertus, les Andamans et mille autres races dont un voyageur, après les avoir vus de près si longtemps, nous vante la mansuétude, la bienveillance réciproque, l'esprit d'égalité et d'équité ». Gabriel Tarde in « La   philosophie pénale »1900.

 

(10) « Les sociétés les plus civilisées elles-mêmes ne peuvent soustraire à cette dure loi des populations trop arriérées qui n'ont pu s'adapter aux milieux nouveaux créés par l'expansion active. Les Peaux-Rouges, les Australiens, les Canaques, les Négritos, les Boshimans, les Weddahs, toutes les tribus barbares de l'Inde, de l'Indochine ou de la Chine sont de par cette loi condamnées à l'extinction directement ou par  métissage progressif. Enserrées de tous côtés par leurs voisins, pour n'avoir pu s'accommoder ni au sol qui leur avait été laissé ni à des circonstances qui dépassent leurs moyens, devenues inutilisables ou dangereuses par suite pour la race supérieure, ces malheureuses populations sont fatalement vouées à l'anéantissement, dans un avenir plus ou moins lointain », Jules Harmand in  « Domination et colonisation ».

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(11) « L'Empire de Lilliput a-t-il existé ? » par Boris Adé In : « Le Globe - Revue genevoise de géographie », tome 91, 1952. pp. 23-29 : « Aurait-il existé au temps jadis une nation d'homoncules dont les survivants essaimés auraient nom Negritos aux îles Andaman, Semang en Malaisie…? Les Lilliputiens de Gulliver auraient-ils vécu ? Faute de matériel, de points de comparaison solides, le problème est resté irrésolu ».

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(12) « …Il y a en Afrique, en Asie et en Océanie des races d'hommes, de stature inférieure à la noire, c'est-à-dire des Pygmées, et il croit (après M. de Quatrefages) reconnaître dans les singes d'Hanuman (dans le Ramayana) » in  Mélusine - Revue de mythologie, littérature populaire, traditions et usages. Tome VII - 1894-1895. L’ouvrage monumental d’Armand de Quatrefages « Histoire générale des races humaines. Introduction à l'étude des races humaines », daté de 1887 fait effectivement descendre les négritos des « quadrumanes » d’Hanuman. Considéré comme politiquement incorrecte il est malséant de citer son œuvre immense en zoologie et ethonologie

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(13) Voir les articles de John Brandt « THE NEGRITO OF PENINSULAR THAILAND » dans le journal  de la Siam society, volume 49 de 1961, p.123-160 et « The Southeast Asian Negrito » dans la même revue, volume 53-1 de 1965 p. 38-43.

 

(14) « La préhistoire du Siam est encore peu connue, mais l'existence de négritos (Semangs) sur les collines de la presqu'île laisse supposer qu'ils étaient les aborigènes de ces pays » in « LE STATUT INTERNATIONAL DU SIAM » par  le Prince VARANAIDYA, Ministre Plénipotentiaire du Siam, Membre de l'Académie, Académie diplomatique internationale in «  Séances et travaux de l’académie diplomatique internationale ». 1933/01-1933/03. Et « Revue critique d'histoire et de littérature », avril 1933.

 

(15) Sur tout ce qui suit, voir les articles de Brandt note 13.

 

(16) Etienne Patte « La Grotte sépulcrale néolithique de Ninh-Cam (Annam) » In : « Bulletin de la Société préhistorique de France », tome 19, n°11, 1922. pp. 240-243;

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(17) Rapporté par le « Straits Branch Journal » du 1er juillet 1878 : « The Semang and Sakei Tribes of the Districts of Kedah and Perak bordering on Province Wellesle » (pp. 111-113).

 

(18) « THE ADVENTURES OF JOHN SMITH IN MALAYA, 1600 -1605 », récit d’une historicité douteuse d’un aventurier anglais au service de la reine de Pattani, publié  à Leyden en 1909.

 

(19) Toutes en allemand et citées d’abondance dans la bibliographie de Brandt, note 13.

 

(20) Même observation que dessus.

 

(21) Cette œuvre fait l’objet de multiples rééditions à l’usage des enfants.

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1 février 2017 3 01 /02 /février /2017 22:05
INSOLITE 8 - KHAÏ PHAEN : SPÉCIALITÉ GASTRONOMIQUE DE LUANG-PRABANG ET DÉLICE SUR LES DEUX RIVES DU MÉKONG.

Nous avons déjà eu le plaisir de rencontrer Jean-Michel Strobino, un érudit niçois passionné du Laos, dont nous avons publié quatre articles consacrés à la « sépulture de Henri Mouhot », aux « chemins de fer des canonnières du Mékong »,  un « hommage rendu au commandant Diacre, un héros oublié du Mékong » et de « Nouvelles trouvailles au fil du Mékong » (1). Nous le découvrons sous un jour nouveau tout autant que sympathique, celui du gastronome. Nous avons déjà, il y a plus de 5 ans, dit quelques mots de la « gastronomie » en Isan en assortissant le titre de notre article d’un point d’interrogation prudent et délibéré rappelant que nous sommes en Asie où tout reste et restera à jamais une cruelle énigme, gastronomie comprise mais aussi – vieux proverbe arabe qu’« il vaut mieux manger des puces que de faire bouillir la lune quand son image se réfléchit dans la marmite » (2).

 

Mais les années ont passé, nous avons pu peaufiner nos rencontres et nos découvertes, sinon gastronomiques du moins culinaires et rejoindre l’opinion de ce beau mangeur autant que beau conteur, Alexandre Dumas..

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...dans la réponse du Comte de Montecristo au Vicomte Franz d’Epinay : « Diable ! Dit-il  (le Vicomte) après avoir avalé ces confitures divines, je ne sais pas encore si le résultat sera aussi agréable que vous le dites, mais la chose ne me parait pas aussi succulente  que vous l’affirmez. » « Parce que (répond le Comte) les houppes de votre palais ne sont pas encore faites à la sublimité de la substance qu'elles dégustent. Dites-moi, est-ce que dès la première fois vous avez aimé les huîtres, le thé, le porter, les truffes, toutes choses que vous avez adorées par la suite ? Est-ce que vous comprenez les Romains qui assaisonnaient les faisans avec de l'assa foetida, et les Chinois qui mangent des nids d'hirondelles ? Eh! Mon Dieu, non... » (3).

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Cette curiosité culinaire que nous fait découvrir Jean-Michel est une algue d’eau douce. Nous ne sommes guères habitués à cette nourriture mais nous connaissons bien toutefois la « passe-pierre », cette « asperge de mer » qui est un délice de la cuisine de Camargue et peut-être d’autres régions de France.

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C’est une algue de mer et non une algue d’eau douce. Nous connaissons aussi de réputation les algues de mer qui font le délice des Japonais et des Coréens et que l’on trouve d’abondance  ensachées dans les rayons de nos grandes surfaces.

 

Les habitants de Koh Samui et probablement du pourtour du golfe de Thaïlande consomment une algue de mer appelée saraï-kho (สาหร่ายข้อ) qu’ils cueillent près du rivage, là du moins où il n’est pas devenu un collecteur d’égouts.

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C’est une salicorne (gracilaria salicornia), de l’espèce de nos passe-pierres qui sont également des salicornes (Salicornia europaea). Elle est consommée en salade (yam – ยำ) agrémentée (si l’on peut dire) de piment séché, de tamarin, de citron, de bilimbi, le fruit de l’ « arbre à cornichons » (averrhoa bilimbi pour les savants, talingping pour les Thaïs – ตะลิงปิง - et kalingping pour les habitants de Samui- กะลิงปิง)...

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de pulpe de noix de coco, de  cacahuètes, de sucre, de crevettes et de fruits de mer (4).

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L’algue siamoise est chez nous, dans l’Isan profond, une espèce en voie de disparition ce qui explique notre ignorance à ce jour. Nos épouses n’en ont que des souvenirs datant de quelques dizaines d’années. Toutefois elle n’a pas disparu des marchés, comme les chauves-souris, spécialité de la province de Kalasin pour cause de surconsommation effrénée ou le chien de Sakon Nakhon (encore que…)

 

Cette photograpie n'a évidemment pas été prise en Thaïlande  :

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...pour cause d’interdiction mais tout simplement parce qu’elle ne prospère que dans des eaux claires et aérées et que tel n’est – hélas ! – plus le cas des rivières de l’Isan intérieur. Nous en avons toutefois trouvé avec plus ou moins de difficultés, nous en reparlerons après avoir laissé  la parole à notre ami Niçois, son article a été publié dans la revue « Philao » de novembre-décembre 2016,

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... le bulletin de liaison, de l’Association Internationale des Collectionneurs de Timbres-Poste du Laos, nous lui laissons la plume avec son aimable autorisation et celle de son rédacteur en chef, Philippe  Drillien :

 

***

 

Tout voyageur qui a séjourné dans l’ancienne capitale royale du Laos a certainement eu l’occasion de goûter ces délicieux snacks à base d’algues appelés Kai Phen. Quelle meilleure expérience de la vie luang-prabanaise que de se retrouver à l’heure de l’apéritif à la terrasse d’une des gargotes au bord du Mékong pour déguster au coucher du soleil ces croustillantes feuilles d’algues frites accompagnées d’une bonne Beer Lao bien fraîche !

 

INSOLITE 8 - KHAÏ PHAEN : SPÉCIALITÉ GASTRONOMIQUE DE LUANG-PRABANG ET DÉLICE SUR LES DEUX RIVES DU MÉKONG.

Cette tradition culinaire est très répandue dans le nord du Laos, surtout à Luang Prabang dont la province est la principale zone de production des algues. S’il est facile de se procurer le produit de base dans les échoppes des marchés locaux, il est beaucoup plus difficile d’en trouver dans le reste du pays. Aussi, c’est une excellente idée de cadeau que tout Laotien a plaisir à offrir à ses amis au retour d’un voyage à Luang Prabang.

 

La matière première à la base de ce plat est une algue verte filamenteuse appelée Kai (ໄຄ), terme générique qui désigne en lao plusieurs types d’algues. Elle appartient à la famille des Cladophoraceae et au genre Cladophora, présent partout dans le monde où elle  occupe des territoires étendus et variés. Il existe sur notre planète des centaines d’espèces de cladophores qui se différencient principalement par le type d’habitat : eau de mer, eau douce ou eau saumâtre, eau agitée ou calme, sur substrat rocheux, sablonneux ou argileux. L’espèce la plus couramment consommée au Laos se rencontre surtout dans le nord du pays. D’un beau vert tendre, elle abonde dans les eaux claires des principaux affluents du Mékong (Nam Khan, Nam Ou, Nam Tha…) où elle se fixe à des blocs calcaires. Pour cette raison, on l’appelle aussi parfois Kai Hin (algue de rocher). On la repère facilement dans les rivières, formant de longs chapelets verdâtres qui ondulent au fil du courant.

 

Mais avant d’être servis à la table des restaurants de Luang Prabang, ces savoureux rectangles d’algues ont fait l’objet d’un long et laborieux processus de fabrication dont les différentes étapes sont détaillées ci-dessous :

 

1/ Récolte :

 

elle a lieu durant la saison sèche, de décembre à mars, lorsque le niveau des cours d’eau est au plus bas. A cette période, les villageois de tous âges le corps immergé jusqu’à la taille, arpentent le lit des rivières, à la recherche des algues. Ils en remontent des poignées entières qu’ils arrachent des rochers. Les algues récoltées sont empilées à bord de pirogues pour être transportées plus facilement.

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2/ Rinçage :

 

ces amas chevelus verdâtres sont ensuite soigneusement lavés puis rincés à grande eau, plusieurs fois de suite, afin d’en extraire toutes les impuretés. Si nécessaire, on frappe les algues avec des battoirs pour en chasser les résidus les plus tenaces, jusqu’à ce qu’elles soient totalement propres.

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3/ Egouttage :

 

une fois rincées, les algues sont suspendues en longs écheveaux à des cannes de bambou pour qu’elles évacuent toute l’eau résiduelle. Cette opération doit être réalisée à l’abri de la lumière, dans un endroit bien ombragé.

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4/ Pressage et mise en forme des feuilles :

 

les algues fraîches sont ensuite soigneusement disposées et étalées dans un cadre (en bois ou plastique) qui va servir de moule. Après l’avoir plongé au-dessus d’une cuvette remplie d’eau claire, on presse doucement les algues sur le fond du cadre dont le maillage sert de tamis. Cette opération est la plus délicate et nécessite une grande habileté ; elle a un double but : supprimer les derniers résidus encore présents dans les algues (vase, sable) et obtenir des feuilles pressées d’égales dimensions.

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5/ Séchage à l’air libre :

 

Une fois égouttées et calibrées, les feuilles sont aussitôt débarrassées de leur cadre et placées sur des portants en herbes tressées (une espèce de chiendent appelé Phai Nya). On les laisse s’égoutter et sécher ainsi une nuit entière. A ce stade, après un ultime séchage d’une demi-journée au soleil, les feuilles peuvent déjà être consommées natures (Kai Heng)

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Pour les feuilles d’algues qui sont enrichies d’une garniture (Kai Phen), le processus de fabrication n’est pas encore terminé.

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6/ Préparation de l’assaisonnement à base de plantes :

 

on mélange différents ingrédients (tamarin, galangal, olives sauvages Mak Kok, feuilles d’hibiscus Sompodi) dans une bonne quantité d’eau salée. On fait bouillir le mélange pendant une heure. Après l’avoir filtré, on le laisse refroidir une nuit entière.

 

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7/ Application de l’assaisonnement :

 

le lendemain, on verse le liquide sur toute la surface des feuilles en l’étalant de manière homogène à l’aide d’une baguette en feuille de cocotier. Une fois le liquide répandu, on se sert du même ustensile pour tapoter légèrement les feuilles, ce qui permet à ces dernières de bien absorber l’assaisonnement.

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8/ Garniture :

 

dès que l’assaisonnement a été appliqué, on recouvre les feuilles de fines tranches de tomates, d’ail et d’oignons et on saupoudre de grains de sésame. On essaye de disposer cette garniture sur l’ensemble de la feuille de façon la plus régulière et artistique possible, en s’aidant de la baguette utilisée lors de l’étape précédente.

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9/ Séchage au soleil :

 

finalement, les feuilles sont placées sur des nattes de bambou tressé pour sécher au soleil. Le temps d’exposition ne doit pas dépasser 4 à 6 heures, au risque de perdre leur parfum et leur couleur ou de développer de la moisissure en surface.

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10/ Conditionnement et commercialisation :

 

Une fois séchées et détachées des nattes, les feuilles de Kai Phen sont enfin prêtes à l’emploi. Elles sont pliées avec soin et conditionnées en sachets transparents d’une dizaine de feuilles, côté garniture apparent afin de montrer la qualité du produit. Elles sont vendues dans les échoppes de tous les marchés de Luang Prabang et des environs.

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Généralement, on sert ces délicieux snacks à l’heure de l’apéritif, trempés dans diverses sauces au choix (soja, piquante, Jeow Bong) et accompagnés d’une Beer Lao bien fraîche ou d’un verre d’alcool Lao khao.

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Recette des Khai Phaen :

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découper de petits carrés d’algue à partir des feuilles entières

verser dans un wok une fine couche d’huile (2 à 3 cm d’épaisseur) et la faire chauffer

lorsque l’huile est bien chaude, y plonger les morceaux à l’aide d’une paire de baguettes

les saisir quelques secondes de chaque côté, juste le temps qu’ils prennent une consistance croquante (trop cuite, l’algue grille et devient amère)

égoutter dans une passoire ou sur un papier absorbant et déguster comme des chips

 

Kai Phen est un aliment végétarien naturel, riche en vitamines et minéraux, excellent pour la santé.

 

Texte et photos de J. M. Strobino

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Un peu de philatélie…

 

A ce jour, ni les postes lao ni les postes thaïes n’ont jamais émis de timbres-poste consacrés aux algues. Les vignettes présentées ci-dessous sont des créations que nous vous proposons  afin de pallier ce manque, en attendant qu’il soit officiellement comblé un jour, qui sait ?  

                                               

  Frédéric Poirel (Laos) – B.G.(Thaïlande)

 

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***

Qu’en est-il « chez nous » ? Jules Vidal, chercheur au CNRS a publié dans le « Journal d'agriculture traditionnelle et de botanique appliquée » (5) entre 1958 et 1964 plusieurs articles fort érudits, en réalité une véritable encyclopédie pratique, sur « Les plantes utiles du Laos » tant sur le plan alimentaire que sur le plan thérapeutique d’ailleurs. Il n’y a que le Mékong à traverser. Que nous dit-il ? : « Sous le nom de khai on vend sur les marchés du Nord-Laos des amas chevelus d'un beau vert clair constitués en majeure partie d'une espèce de Cladophora...

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...et de quelques filaments de Spirogyra. Ce mélange d'algues fréquente les blocs calcaires des eaux claires et courantes. On les récolte en saison sèche en janvier; à cette époque dans tous les villages riverains on voit sécher sur les haies des écheveaux verdâtres qui servent à confectionner des galettes nutritives dénommées pèm khai où, aux algues, s'ajoutent du sésame et de la poudre de tige de sakham, grande liane du genre Piper remplaçant couramment le poivre dans le Nord-Laos ».

 

Il y a deux sortes d’algues comestibles (saraï – สาหร่าย) sur notre rive du Mékong, la khaï qui fait les délices de Jean-Michel (ไค parfois orthographié ไก – kaï) et la thao (เทา) parfois orthographié เตา (tao). Les deux mots, pour le Dictionnaire de l’académie royale sont synonymes et celui de la Spirogyra, mais le dictionnaire n’est pas une encyclopédie botanique. La khaï nous confirme Jean-Michel est la Cladophora et la thao est la Spirogyra.

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Le mot phaen (แผ่น) signifie tout simplement « tige » ou « feuille », grammaticalement c’est un classificateur. On trouve l’une (khaï) plus facilement dans le nord (région de Chiangmaï, Chiangraï, Nan) beaucoup plus riche en eaux claires que l’Isan intérieur et l’autre (thao) plus volontiers en descendant le cours du Mékong car elle semble moins difficile sur la qualité des  eaux toujours si l’on en croit Jules Vidal : « On la récolte dans les mares et eaux stagnantes. Hachée crue elle entre dans la composition d'un mets appelé lap où, à du poisson cuit, se mêlent divers condiments, piment, citronnelle, menthe, oignon, coriandre, etc ». Nous en avons trouvé difficilement sur le grand marché du soir de Mukdahan, très peu car très vite enlevées. Une recette toute simple, après un sérieux lavage, une salade non pas un yam pimenté (ยำ) à la thaïe mais toute classique, ail, vinaigre, moutarde et huile d’olive. Feuilles frites au nord, salade au sud, mais un négociant de Chiangmaï commercialise des thaos sous forme de « spirogyra chips » !

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Notez – à toutes fins – une utilisation thérapeutique de la cladophora signalée par Jules Vidal : « Chez les Thaïs noirs de l'Ouest du Laos cette algue verte séchée est appliquée sur les brûlures ».

 

Aux États-Unis, une crème à la spirogye pour masque facial est commercialisée.

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A en croire la  publicité, le résultat est impressionnant.

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L’assa faetida...  

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... est une herbe « aromatique » qui pue beaucoup plus encore que le durian.

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(4)  « สมุยที่รัก » ouvrage collectif, à Suratthani, 2003 (ISBN 974-91127-1-7).

(5) Tous ces articles sont disponibles sur le site « Persée »  et ont été repris dans le « Bulletin de l’école française d’extrême orient »

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25 janvier 2017 3 25 /01 /janvier /2017 22:06
INSOLITE 7 - LA CÉRÉMONIE DU LABOUR ROYAL  EN THAÏLANDE, HIER ET AUJOURD’HUI ?

Dans notre publication consacrée à Erik Seidenfaden, ce gendarme danois atypique au service du Siam (1), nous avons cité l’un de ses articles de 1942 relatif à une très ancienne coutume, à cette date sinon oubliée du moins devenue obsolète : le rituel du « labour royal » (2).

 

Il y est conduit à faire un rapprochement singulier entre cette coutume et une autre de son pays qui nous rappelle curieusement ce que nous avons écrit sur une hypothétique venue des Vikings au Siam (3).

INSOLITE 7 - LA CÉRÉMONIE DU LABOUR ROYAL  EN THAÏLANDE, HIER ET AUJOURD’HUI ?

Ce rituel était encore perdu en 1960, date à laquelle il fut rétabli par feu le roi Rama IX, ignorée d’Anuman Rajathon, infatigable collecteur des vieilles coutumes de son pays (4). Ce rapprochement a suscité notre curiosité : quelle était et qu’est devenue cette cérémonie qui conduisait le roi à pousser la charrue et que l’on retrouverait imitée par – ou imitant – une antique cérémonie scandinave incontestablement païenne ?

 

Le premier à notre connaissance à en avoir pris connaissance est une fois de plus l’incontournable La Loubère qui nous apprend qu’à la date à laquelle il écrit, la cérémonie avait perdu depuis un siècle son caractère originaire, il en parle avec quelque ironie (5).

INSOLITE 7 - LA CÉRÉMONIE DU LABOUR ROYAL  EN THAÏLANDE, HIER ET AUJOURD’HUI ?

Un peu moins d’un siècle plus tard, la version du R.P. Delaporte ne diffère guère (6).

 

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Passons encore quelques dizaines d’années, en 1830, John Crawfurd, le diplomate anglais, est à peine plus précis (7).

INSOLITE 7 - LA CÉRÉMONIE DU LABOUR ROYAL  EN THAÏLANDE, HIER ET AUJOURD’HUI ?

Mais c’est à Quaritch Wales que nous devons une description précise de ce qu’était cette cérémonie qu’il appelle « The first ploughing » « Le premier labourage » (9).

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Son témoignage est précieux. Formé dans deux des plus prestigieuses écoles anglaises (10),  il fut entre 1924 et 1928 professeur à l'Ecole des pages et appartint  au corps des Chambellans dont il portait l'habit bleu et la culotte blanche. Il fut le conseiller de Rama VI et Rama VII. Il lui a été donné d'assister, à l'intérieur du Palais Royal, à maintes cérémonies que les Européens n'ont pas eu  l'occasion de pouvoir observer. Sa connaissance de la langue siamoise lui a permis d'autre part d'exploiter cette mine de renseignements qu'est le livre jamais traduit du roi Chulalongkorn sur les « Fêtes des douze mois » (11).

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Son ouvrage contient des renseignements qu'on chercherait vainement ailleurs et fixe pour la postérité le souvenir de rites séculaires dont beaucoup sont tombés en désuétude.

 

Le nom commun de la cérémonie est Raeknakhwan (แรกนาขวัญ) « Cérémonie du premier labour » et plus formellement Phraratcha phithi Charotphranangkhan Raeknakhwan (พระราชพิธีจรดพระนังคัลแรกนาขวัญ) « cérémonie du premier labour royal ». C’est évidemment le premier labour de printemps. Elle se déroule le « Jour du labour » (วันพืชมงคล -Wan Phutcha Mongkhon) qui est actuellement férié.

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Elle n’est pas à jour fixe et pas forcément le 27 avril comme l’indique Crawfurd (7). Elle doit se dérouler un jour faste du sixième mois lunaire. Les jours fastes sont le 1er, le 5ème, le 7ème, le 8ème, le 9ème, le 10ème, le 11ème et le 15ème de la lune montante et les 1er, 5ème, 6ème, 7ème, 8ème, 10ème, 13ème et 14ème de la lune descendante et un lundi, un mercredi, un jeudi ou un vendredi.

 

Les jours néfastes sont les 2ème, 4ème, 5ème, 6ème, 8ème, 11ème, 17ème, 22ème, 24ème et 27ème jours du mois (12).

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L'après-midi veille du jour ainsi déterminé par les astrologues royaux, la cérémonie religieuse regroupant brahmanes et moines bouddhistes a lieu au sein du grand palais Chitralada (จิตรลดา). Pour la cérémonie du labourage, c’est un « roi temporaire » (Phraya raekna พระยา แรกนา) qui est désigné, en général le ministre de l’agriculture, autrefois le « chef du département des terres ».

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Le matin suivant, celui de la journée fixée pour la cérémonie de labour, le « roi temporaire » est transporté sur un palanquin en procession jusqu'au « champ de paddy de la Couronne », actuellement à Sanam Luang (สนามหลวง). Le champ est protégé de l'intrusion des mauvais esprits par des statues de divinités. Le roi temporaire descend de son palanquin et se rend au pavillon des brahmanes y allumer des bâtons d'encens devant les images des divinités. Il choisit alors l'un des trois sarongs (Pha sun ผ้าซิ่น) offerts par les brahmanes, de longueurs différentes, une grande importance s’attache à son choix. S'il choisit le plus long, le pronostic est que les pluies seront abondantes; S'il choisit le plus court,  il y aura peu de pluies, la longueur moyenne indique que la pluie sera moyenne. C’est la courte paille, lors du choix ils sont bien sûr tous identiques.

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Il saisit ensuite la poignée dorée de la charrue enveloppée dans un tissu rouge et fouette les deux magnifiques bœufs caparaçonnés en harnais de velours rouge et de  fils d'or tandis que les brahmanes soufflent dans les conques.

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Il trace alors trois sillons concentriques, les Brahmanes soufflant les conques à la fin de chaque tour.

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Quatre dames de haute noblesse à l’extérieur du champ répandent la semence de riz transportée dans des paniers d’or,  sanctifiée par  les prières des  brahmanes et des moines bouddhistes, qu'il disperse en traçant trois autres sillons concentriques tandis qu'un fonctionnaire disperse l'eau bénite, offrande à la déesse de la Terre.

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Puis les bœufs sont détachés et sept vases sont placés devant eux contenant du riz, de l’herbe, du maïs, des haricots, des graines de sésame, de l’eau et de l’alcool de riz.

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Les animaux choisissent :

 

Si c’est le riz ou le maïs, les récoltes et les produits alimentaires seront abondants.

S'ils choisissent les haricots ou le sésame, la nourriture sera abondante partout et pour tous.

S’ils elles boivent de l'eau ou mangent de l'herbe, l'eau sera abondante et l'approvisionnement alimentaire sera riche

S’ils boivent l'alcool, les  communications seront faciles et le commerce avec des pays étrangers sera prospère.

S’ils ne mangent pas ou ne boivent pas, l’année sera  désastreuse.

 

Cela met fin à la cérémonie, et le « roi temporaire » retourne à son état. Il y a foule pour assister à la cérémonie, venue de tout le pays. Une fois celle-ci terminée, des centaines de personnes se précipitent dans l'espoir de rassembler les grains de riz précieux pour assurer une bonne récolte dans la prochaine année à venir. Les grains de riz sanctifiés seront mélangés à leur propre semence et constituront un engrais très efficace.

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La cérémonie peut être  effectuée sur autorisation royale dans deux ou trois centres provinciaux par un fonctionnaire local délégué par le roi.

 

Le dernier roi à avoir participé à la cérémonie fut le 21 avril 1912 le roi Rama VI, qui ensuite  l’abolit en 1920.

 

Le roi Rama IX l’a restaurée en 1960 dans le cadre de la réimplantation des traditions nationales pouvant favoriser l’unité du pays.

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Son déroulement est similaire à celui que nous a décrit Wales :

 

La veille du jour J, des rituels sont préparés au Temple du Bouddha d’Emeraude dans le Palais Royal, en présence des moines bouddhistes et des prêtres brahmanes. Le roi désigne alors le maître de la cérémonie et les moines bénissent l’eau et le riz. La cérémonie suit toujours le même déroulement : Deux bœufs royaux tracent trois sillons dans lesquels sont déposés des semences de riz. Ces semences sont ensuite arrosées d'eau sacrée.

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On offre alors aux bœufs les sept écuelles contenant de l'herbe, du riz, du maïs, des haricots, du sésame, de l'alcool et de l'eau. Le choix des bœufs va prédire la qualité et la nature de la prochaine récolte. Le riz ou le maïs annoncent l'abondance de céréales et de poisson, les haricots et le sésame pour la viande et le poisson, l'eau et l'herbe pour la pluie, la nourriture, la viande et les récoltes en général mais aussi les inondations... L’alcool est plutôt favorable au commerce, aux transports et à l'économie en général.

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Une fois la cérémonie terminée, les spectateurs se précipitent pour récupérer des grains de riz dans les sillons qui sont considérés comme porte bonheur. Ils mélangeront ceux-ci à leurs propres semences de riz pour être certains d’avoir une bonne récolte.

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En 2015 par exemple, les bœufs sacrés ont mangé de l'herbe, ce qui annonçait une année riche en pluies et des récoltes abondantes.


La Journée de la Cérémonie du labour, Wan Phutcha Mongkhon, est depuis 1966 journée annuelle des agriculteurs.
 

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Il s'agit de les sensibiliser à l'importance de l'agriculture et de leur rappeler de prendre part à la cérémonie pour apporter la chance et la richesse pour eux-mêmes et pour le pays dans son ensemble. Elle a été ces dernières années conduites par le prince héritier et futur roi.

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L’origine de la cérémonie est incertaine. Est-elle brahmanique ou  bouddhiste; vient-elle des Indes, de Chine ou d’ailleurs ? Voilà bien qui est fort mal poser une question, n’en déplaise à Wales qui l’affirme brahmanique alors que notre gendarme l‘affirme païenne ! L’origine  se perd de toute évidence de la nuit des temps, quel que soit la forme qu’elle prend. Depuis que l’homme a maitrisé l’agriculture au détriment d’une économie de cueillette à une époque qu’en réalité l’on ignore, en un lieu qu’en réalité l’on ignore, et dès qu’il a acquis le sens du spirituel, il s’est adressé aux puissances célestes, aux divinités, quel que soit le nom qu’on leur donne pour placer ses semailles, les semailles de printemps, les premières de l’année, sous leur protection contre les puissances du mal.

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L’agriculture est-elle née dans « le croissant fertile » ? Elle est née peut-être ici, à Ban Chiang dans la vallée du Mékong, bien avant celles du Proche-Orient, une civilisation que Seidenfaden ne pouvait connaître puisqu’elle n’a été découverte que dans les années 60 au siècle dernier (13). Les cérémonies rituelles du  « premier labour » étaient connues des Grecs (14). Les Romains célébraient le 29 mai les « ambarvalia » (15) en l’honneur de la déesse Cérès, déesse de l‘agriculture, des moissons et de la fécondité pour favoriser les semailles, la récolte et détourner les fureurs du dieu Mars (16). Trois animaux étaient sacrifiés, un taureau, une truie et une brebis qui, avant le sacrifice, étaient menées en procession trois fois autour des champs. Cette cérémonie a été immortalisée par Virgile, contemporain d’Auguste (17).

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L’église catholique  s’en est emparée au VIème siècle pour en faire « les jour des Rogations » (18) (19). Lors de la réforme liturgique de Vatican II en 1969 les prières des Rogations ont été maintenues mais du bout de la plume. Les prières qui sont alors prononcées par les fidèles ne sont peut-être pas éloignées des oraisons bouddhistes ou brahmanistes prononcées le jour du royal labour (20) ?

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La cérémonie n’a donc rien en soi d’original. Elle se déroule également, nous apprend Wales, aux Indes, en Birmanie, au Cambodge, en Indochine, au Japon et en Chine. Nous n’avons ni l’intention ni les capacités pour discuter du site probable où a pris naissance cette très ancienne coutume agricole. Mais Erik Seidenfaden a attiré notre attention sur une spécificité du rituel siamois que l’on ne trouve peut-être nulle part ailleurs… sauf au Danemark (et au Cambodge mais le Cambodge était siamois) : l’offrande aux bœufs des cinq sortes de nourriture et des deux espèces de boissons qui permet selon les préférences des animaux d’effectuer les prévisions sur la saison à venir.

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Lisons-le :

 

« … Or, au Danemark il exista jadis (et peut-être existe-t-il encore) parmi les paysans une curieuse coutume de Noël dont on tirait augure pour la récolte des graines de l’année qui allait commencer. (Pour les paysans danois, Noël signifie à vrai dire le nouvel an. La veille de Noël est aussi la veille du jour de l'an ; comme le jour de Noël, le jour de la naissance du Christ est le jour de l'an actuel. C'est ce qui se passe avant ou après la Noël qui est la chose la plus importante. Le jour de l'an officiel est moins important dans les conceptions paysannes). La veille de Noël, le paysan ou le petit fermier prenait quatre morceaux de pain et les plaçait en ligne de gauche à droite sur un tranchoir. Les quatre morceaux de pain étaient appelés respectivement seigle, froment, orge et avoine et  représentaient ainsi les quatre sortes de céréales les plus importantes cultivées au Danemark. Puis le paysan appelait son chien et selon l’ordre dans lequel le chien mangeait les morceaux de pain, le paysan en concluait et calculait le rendement des différentes sortes de céréales pour Tannée suivante. Ainsi par exemple dans le cas où le chien mangeait d'abord le morceau représentant le seigle, cette sorte de céréale était censée donner le plus grand rendement parmi les quatre sortes de céréales représentées, et ainsi des autres.

 

La ressemblance entre cette coutume danoise, qui sans doute est extrêmement ancienne, et remonte à l’époque païenne – soit donc de plus de 1.000 ans – et la dernière partie de la cérémonie de Rek Nà est plus que remarquable et suggère évidemment une origine commune. Or, la coutume danoise n'a sûrement pas été importée de Chine ou de l’Inde, mais elle vient plus probablement d'un pays ou d'une région où l’agriculture fut introduite pour la première fois ».

INSOLITE 7 - LA CÉRÉMONIE DU LABOUR ROYAL  EN THAÏLANDE, HIER ET AUJOURD’HUI ?

Qu’en conclut notre gendarme ?

 

« Situons donc cette localité dans un des pays du proche Orient, tel celui que les anthropologues modernes appellent « le croissant fertile », c'est-à-dire les contrées environnant la partie orientale de la Méditerranée : Egypte, Palestine, Syrie, Asie Mineure et Mésopotamie. C'est d'ailleurs là le berceau de la civilisation humaine et, peut-être aussi, le centre originel de la race humaine ».

 

Nous sommes dans le domaine des hypothèses. Il n’est pas certain que le Proche-Orient soit le berceau de la civilisation. Il  n’y a en tous cas pas la moindre trace d’une cérémonie similaire dans la Bible. Les Egyptiens pratiquaient au retour du solstice d’hiver (après Noël) une « fête du labourage » (21) mais nous en ignorons le cérémonial.

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Ce rituel a-t-il été amené par les Vikings dans leur pays comme ils y ont peut-être ramené les motifs décoratifs des toitures de leurs églises ?

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NOTES

 

(1) Notre article  « LA LONGUE MARCHE » D’ERIK SEIDENFADEN, DANOIS GENDARME ET ÉRUDIT AU SERVICE DU SIAM ».

http://www.alainbernardenthailande.com/2016/11/la-longue-marche-d-erik-seidenfaden-danois-gendarme-et-erudit-au-service-du-siam.html

 

(2)  « La cérémonie du rek nà et une ancienne coutume agricole danoise » publiée dans le Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient, Tome 42,  1942. pp. 133-134.

 

(3) Notre article A.53 « Histoire mystérieuse de la Thaïlande : Les Vikings au Siam ? » : 

http://www.alainbernardenthailande.com/article-a-53-histoire-mysterieuse-de-la-thaialnde-les-vikings-au-siam-97571778.html)

 

(4) Phraya Anuman Rajathon « Fertility rites in Thailand », journal de la Siam Society, 1960, pp. 37-42.

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(5) La Loubère : « Du royaume de Siam », volume I, 1691 p.70 et 161 :

 

« Le roi de Siam mettait aussi autrefois la main à la charrue, un certain jour de l’année : depuis près d’un siècle et pour quelque observation superstitieuse d’un mauvais augure, il ne laboure plus mais il laisse cette cérémonie à un roi imaginaire qu’on crée exprès toutes les années… Il est monté sur un bœuf et il va ou il doit labourer suivi d’un grand cortège d’officiers qui lui obéissent. Cette mascarade d’un jour lui vaut de vivre toute l’année… ».

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(6) « Le voyageur français ou la connaissance de l’ancien et du nouveau monde » par l’abbé Delaporte, tome IV, 1774. p 408. Joseph Delaporte, jésuite mort en 1779 est coauteur de ce monumental ouvrage de 42 volumes dont il a rédigé lui-même 26 tomes :

 

« … L'ouverture du labourage est une autre cérémonie qui nous retient quelques jours dans la capitale. C’était autrefois le roi lui-même qui y présidait, et formait avec la charrue quelques sillons. Cette noble fonction est aujourd’hui abandonnée à un substitut qu’on crée tous les ans, et qui a le titre de prince ou de surintendant du riz. Il est monté sur un bœuf, et accompagné de plusieurs officiers, qui le servent avec de très grandes marques de respect. Cette royauté ne dure que 24 heures et rapporte quelque argent. Les jours suivants se passent en divertissements… »

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(7) John Crawfurd « Journal of an ambassy », à Londres 1830, volume I, page 207 :

 

« Le 27 avril : C'était un jour important dans le calendrier siamois : celui où autrefois au cours d’une cérémonie religieuse les rois du Siam avaient coutume de pousser la charrue. Ce rite est depuis longtemps tombé en désuétude et remplacé par un autre de moindre dignité .... Un Siamois ... qui l'avait souvent vu, me donna la description suivante : Une personne est choisie pour cette occasion pour représenter le Roi. Ce monarque d'un jour se tient au milieu d'une rizière sur un pied seulement, il doit y rester le temps qu'un paysan ordinaire laboure en cercle autour de lui. S’il abaisse le pied avant que le cercle soit terminé, ce sera  considéré comme un présage malheureux; Et la peine infligée au roi temporaire n'est pas seulement la perte de sa dignité éphémère, ce qui est plus grave: la confiscation de ses biens. L'autorité nominale de cette personne dure du matin au soir. Pendant la journée les boutiques sont fermées; Toute contravention entraîne la confiscation et devint propriété du roi après le labour. Des spécimens de tous les fruits de la terre sont rassemblés dans un champ et un bœuf est lâché entre eux, le produit qu’il choisit pour se nourrir sera considéré comme le fruit le plus précieux de la saison à venir, qui aura donc droit aux soins attentifs des paysans ».

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(8) Colonel Diguet «  Les Annamites, société, coutumes, religion », Paris, 1906.

 

(9) Horace Geoffrey Quaritch Wals « The siamese state ceremonies – their history and function », Londres, 1931, chapitre XXI « The first ploughing » pp. 256-265.

 

(10) Charterhouse School à Londres et Queens' College à Cambridge.

 

(11) พระราชพิธิ ๑๒ เดือน ou « les cérémonies royales au cours des douze mois de l'année », 1888.

 

(12) Sur les dix ans passés et à venir, les dates ont été les suivantes : lundi 11 mai 2009, jeudi 13 mai 2010, vendredi 13 mai 2011, mercredi 9 mai 2012,  lundi, 13 mai 2013, vendredi 9 mai 2014,  mercredi 13 mai 2015,  lundi 9 mai 2016, vendredi 12 mai 2017 et jeudi 10 mai 2018.

 

(13) Voir notre article http://www.alainbernardenthailande.com/article-la-civilisation-est-elle-née-en-isan-71522720.html

 

(14) « Revue Historique », janvier-avril 1931, article de Charles Picard : « LES LUTTES PRIMITIVES D'ATHÈNES ET D'ÉLEUSIS ».

 

(15) « ambio arvum » i.e. « je tourne autour du champs ».

 

(16) Alfred Loisy « Essai historique sur les sacrifices », Paris, 1929, pp. 248 s.

 

(17) Virgile « Georgiques » Livre I, « Le Labourage » : « Invocation aux dieux tutélaires de l'agriculture »

 

« …vous tous, dieux et déesses, qui veillez avec soin sur nos semailles, qui nourrissez les plantes nouvelles nées sans aucune semence, du haut du ciel faites tomber sur les semailles une pluie abondante… »

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(18) Le mot « rogation » vient du latin « rogare » qui signifie « demander ».

 

(19) Ce sont, dans le calendrier liturgique tridentin, les trois jours précédant immédiatement le jeudi de l'Ascension, c'est-à-dire les 37ème, 38ème et 39ème jours après Pâques. L'Évangile du dimanche précédent comprend le passage de l’évangile de Saint Jean  « demandez ce que voudrez et cela vous sera accordé » (XV 7). Ce rituel fait probablement écho à des pratiques païennes antérieures, survivance druidique ou emprunt aux cérémonies païennes romaines, répondant aux besoins anciens des communautés rurales de régler le cours de la nature par des processions rituelles. Ces rites visent à immuniser les cultures contre les puissances infernales, souvent ridiculisées par des représentations de dragons empaillées telles la fameuse Tarasque de Tarascon.

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Trois jours durant, le clergé et les fidèles faisaient en procession le tour des champs dont les limites étaient signalées par des croix. Prières, formules de bénédiction et gestes de purification permettaient de garantir les trois récoltes majeures, le premier jour étant réservé aux prés, le deuxième aux champs et le troisième à la vigne ou aux cultures secondaires. Des haltes étaient prévues aux chapelles et aux croix de carrefour. Jusqu'au début du XXIème siècle, des processions étaient organisées dans les chemins parcourant les champs dans tous les pays catholiques et  les prêtres bénissaient les cultures. Les croix de station au bord des chemins des campagnes le rappellent aujourd'hui.

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(20) Prières des Rogations (Extrait du rituel de la messe - Liturgie catholique traditionnelle) :

 

« Notre secours est dans le nom du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre. Couronne, ô Seigneur, l'année de tes bénédictions et de tes bienfaits, Et que tes champs ruissellent de fécondité, les regards de tous les êtres se tournent vers Toi, Seigneur, et Tu leur donnes leur nourriture au temps indiqué. Seigneur exauce notre prière, et que notre cri parvienne jusqu'à Toi. Ô Dieu, notre refuge et notre force, écoute l'ardente prière de Ton Eglise: Toi qui suscites notre ferveur, donne-nous d'efficacement obtenir ce que notre Foi nous fait te demander. Ô Dieu clément et bon, fais que ces terres soient bénies et que tous leurs habitants puissent recevoir tes dons et tes bénédictions. Ô Dieu Tout-Puissant, nous implorons de Ta bonté que les fruits de la terre, que Tu daignes nourrir en leur ménageant la chaleur et la pluie soient pénétrés de la rosée de tes bénédictions, et que Ton peuple puisse toujours Te remercier de tes dons, de sorte que grâce à la fertilité de la terre les affamés soient comblés de biens et que le pauvre et l'indigent célèbrent la gloire de Ton nom. Par le Christ-Jésus Ton Fils Notre Seigneur.  Que la bénédiction du Dieu Tout-Puissant, Père, Fils et Saint-Esprit, descende avec abondance sur les champs et les terres de ces environs et qu'elle y demeure à jamais. Amen. »

 

(21) V. Ermoni « La  religion de l’Egypte ancienne », 1909.

 

***

Cette série de billets représentant la cérémonie a été émise par la Banque de Thaïlande en 1925 et utilisée jusqu’en 1935 :

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3 janvier 2017 2 03 /01 /janvier /2017 22:04
INSOLITE 6 - AU CŒUR DE LA PROVINCE DE KALASIN, LA CITÉ MYSTÉRIEUSE DE KANOK NAKHON (กนกนคร) « LA VILLE D’OR », CITÉ MAJEURE DU DVARAVATI.

Nous n’avons pas la prétention de réécrire ou de réinventer l’histoire de l’empire Dvaravati. C’est un simple survol au sens propre par le canal de « Google earth » de ce que les érudits considèrent comme « les sites majeurs » du Dvaravati qui nous a conduit à cette modeste étude. Elle se termine sur la « visite » du site de Muang Fa Daet situé au cœur de notre province de  Kalasin, sur laquelle bien des découvertes sont certainement encore à faire.

 

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Nakhon Pathom (นครปฐม)

 

Nakhon Pathom fut le premier site Dvaravati à avoir suscité l’intérêt du monde érudit et passe pour en être le site majeur. Lieu saint visité par le roi Mongkut, il suscita très vite son intérêt bien avant sa montée sur le trône. En 1831, sept années après son entrée en religion, il se  rendit en pèlerinage au Pra Pathom Chedi (พระปฐมเจดีย์) dans la ville de Nakhon Pathom (นครปฐม) à quelques dizaines de kilomètres seulement du centre de Bangkok mais au milieu d’une jungle inaccessible.

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Il attribua immédiatement au stupa une importance exceptionnelle et forma le vœu de tout faire pour que soient honorées les reliques de Buddha qu'il pensait y être enfermé. II faut y voir, en dehors de ce vœu, le plus ancien témoignage de préoccupations archéologiques jamais manifestée en Thaïlande : Le prince en effet, après avoir souligné que le Pra Pathom Chedi était, sans doute, le monument le plus vénérable et le plus imposant de tout le pays, ajoutait que ce devait être aussi, le plus ancien tant « les lignes de sa modénature et ses sculptures sont étranges et diffèrent de tout ce qui existe dans les temps modernes ». Des lors, par l'importance des reliques qu'il devait enfermer, par son antiquité, par ses dimensions, le Pra Pathom Chedi fut regardé comme le premier de tous les chédis du royaume. Mais l’emprise de la végétation compliquait les pèlerinages populaires. Le Roi donna l'ordre que soit entreprise la restauration. Et, finalement, c'est bien grâce au roi Mongkut que Nakhon Pathom est devenu, pour toute Ia Thaïlande, le centre religieux le plus important et c’est grâce à son initiative que l’on put isoler dans le voisinage une culture bouddhique originale bien avant qu'il ne soit question d'un royaume de Dvaravati. Dès 1903, le Prince Damrong, fils du roi Mongkut promoteur des études historiques et archéologiques de la Thaïlande, put définir la culture d'U-Thong (อู่ทอง)  par rapport à celle de Nakhon Pathom. Depuis lors bien des révélations ont surgi d’autres sites et des travaux conjoints du Prince Damrong et de M. George Coedès sortira, de 1925 à 1930, une première définition de l'art « de Dvaravati », royaume encore hypothétique dont le nom et la localisation avaient été proposés à partir de rares indications figurant dans des textes chinois du VIlème siècle. Une dizaine d'années plus tard, la publication par M. Boeles (1) suivie de leur déchiffrement par M. George Coedès, de deux médailles inscrites trouvées sur le site établit la réalité du royaume de Dvaravati en célébrant toutes deux en sanskrit une « œuvre méritoire du Seigneur de Dvaravati ».

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Au cours des années 1965-66 intervint la reconnaissance du tracé de l'ancienne ville, longtemps cherchée en vain dans le voisinage du Pra Pathom Chedi, alors qu'elle est plus à l'est et qu'on hésitait à distinguer ses fossés dans le dédale des canaux et les dégâts résultant de l’urbanisation (2).

Le plan ainsi dessiné par Jean Boisselier …

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… donne pour dimensions : 3100 mètres d'est en ouest sur 2000 mètres du nord au sud ce qui coïncide peu ou prou avec la photo aérienne  …

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..qui nous donne des dimensions légèrement supérieures (AB = 3600 mètres - CD = 2000 mètres), la superficie de la cité est donc approximativement d’au moins 600 ou 700 hectares. Elle est en tous cas largement supérieure à celles d’autres cités cataloguées dorénavant comme appartement incontestablement  à la civilisation Dvaravati. Nous en allons en examiner quelques-unes.

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Sri Thep (ศรีเทพ)

 

Située dans la province de Phetchabun (เพชรบูรณ์) à environ 240 kilomètres au nord de Bangkok, la cité a été visitée et étudiée par le prince Damrong dès 1905. La partie intérieure (muang naï เมืองใน), nous ne parlons pas des faubourgs, protégée par ses douves toujours intactes…

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… est beaucoup plus modeste (AB = 1500 mètres CD = 1500 mètres), la superficie est d’environ 175 hectares.

 

La cité est placée sous la protection d'un "Phi" dont un photographe a pu appréhender une apparition fugace.

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U-Thong (อู่ทอง)

 

Elle est le berceau du royaume d'Ayutthaya dont le premier roi, Ramathibodi était prince d'U Thong. Elle est située dans un district (amphoe) de la province de Suphanburi (สุพรรณบุรี) à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Bangkok. La vue aérienne…

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…nous en donne une vue très claire (AB = 1800 mètres - CD = 750 mètres) soit une grosse centaine d’hectares. La cité est encore considérée comme un site majeur du Dvaravati.

 

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Khu-Bua (คูบัว)

 

Toujours « cité majeure » du Dvaravati est située à 12 km au sud-est de Ratchaburi

(ราชบุรี. La photographie aérienne…

 

 

 

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… est moins claire mais les dimensions (AB = 1000 mètres – CD = 500 mètres) montrent une superficie d’environ 50 hectares et nous retrouvons sur le site les vestiges de la même architecture, une enceinte de terre protégée par des douves.

 

Non Muang - Muang boran (นอนเมือง เมือง โบราณ)

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Ce n’est certes pas un « site majeur » mais il nous rapproche de « chez nous » et mérite d’être signalé car sa découverte est récente. Cette petite cité est située à quelques kilomètres au sud de Chumphae (ชุมแพ), un district de la province de Khonkaen, à 80 kilomètres de son chef-lieu plein est. Elle a été découverte dans les années 1980.

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Elle n’a fait l’objet à ce jour que de fouilles sommaires qui ont fait apparaître des vestiges de l’art du Dvaravati (Bai séma) ...

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mais seules actuellement sont apparentes des tombes préhistoriques.

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Ses dimensions sont modestes (AB  = 370 mètres CD = 420 mètres) soit environ 30 hectares – un village ! - délimités par les douves encore partiellement en place sur une grande partie de son pourtour.

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Muang Fa  Daet Song Yang (เมืองฟ้าแดดสงยาง) ou Kanok Nakhon (กนกนคร).

 

Nous vous avons longuement conté l’histoire de la découverte de cette cité (3), de tous temps lieu de pèlerinage pour les Thaïs qui vont s’incliner devant le saint chédi (phra that yaku – พระธาตุยาคู) dont le soubassement octogonal est de style  Dvaravati.

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Situé au cœur de l’Isan dans la province de Kalasin, amphoe de Kamalasaï (กมลาไสย) qui serait le centre de  la « civilisation de la stèle » dont on ne sait trop si elle était indépendante de la civilisation Dvaravati ?  Si cette cité fut l’un des centres de l’empire Dvaravati, nous n’osons dire LE centre, elle fut une capitale importante en tous cas mais le site à l’inverse d’autres fouillés par Coedès, ne l’a jamais été sérieusement. Le premier à en avoir signalé l’existence sans la visiter est Erik Seidenfaden en 1922, responsable de la réorganisation de la gendarmerie siamoise et érudit de haut niveau (4).

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Nous savons simplement qu’un très grand nombre de pierres étaient alignées en rangées dans un champ adjacent à l'ancien site et que les habitants des villages les avaient utilisés en nombre pour les placer autour de leurs temples modernes. Il est aussi permis de supposer que nombre des 2000 monolithes qui étaient encore en place en 1938, pour ceux tout au moins qui ne comportaient pas de motifs religieux, donc sacrés, ont été utilisés par les habitants à des fins profanes, bornes de délimitation de territoires ou de propriétés, soubassements de constructions voire même piège à tigres ? Pour Seidenfaden comme pour Georges Coedès, la cité ancienne ne s’appelait pas alors Muang Fa Daet Song Yang mais Kanok Nakhon « la Ville d’or » (กนกนคร), la légendaire cité sur laquelle nous ne savons pas plus que sur la mystérieuse Suwannaphum (สุวรรณภูมิ).

 

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La vue aérienne …

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… ainsi que des visites sur place ont été fort instructive. Les  dimensions (AB = 1750 mètres - CB = 1000 mètres - DE = 1900 mètres - AE =  750 mètres) donnent une superficie approximative de 200 hectares. Les douves d’origine sont toujours en place sur 5 kilomètres. Si la profondeur de l’eau est (parait-il ?) de deux mètres, la profondeur de l’excavation est d’au moins 6 mètres.

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La largeur moyenne est de 17 mètres ce qui représente plus de 510.000 m3. Si l’on considère en moyenne qu’un m3 de terre pèse 2 tonnes, c’est donc une masse de plus d’un million de tonnes qui a été excavée. Elle a évidemment été utilisée pour construire les fortifications de la cité, un mur de terre épais de 9 mètres et haut de 5 selon les études visées dans notre article (3). Tout comme les douves toujours en place, ces fortifications subsistent quoiqu’ayant depuis longtemps subi les effets de l’érosion. Si l’on s’en tient à ces érudites constatations, 225.000 m3 furent donc nécessaires ce à quoi la terre des douves a largement suffi. Cette muraille de terre, à une époque où les populations ignoraient les puissantes armes de jet qu’utilisèrent les Grecs et les romains, susceptibles d’envoyer sur les murailles ennemies des blocs de pierre de plusieurs dizaines de kilos, suffisaient largement à une position défensive alors que les combats devaient se dérouler au corps à corps, d’autant que les « baï séma » (n’oublions pas qu’il en subsistait environ 2000 plusieurs siècles après la chute de la cité au XIIème siècle), celles qui n’étaient pas figuratives étaient probablement utilisées comme pierres d'embrasures, c’est-à-dire de merlons destinés à créneler les murailles.

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Sur la photo ci-dessus, nous avons marqué 1 le Saint-Djedi, en 2 le village actuel baptisé évidemment « Ban Séma » (บ้านเสมา) et son temple wat phochaisemaram (วัดโพธิ์ชัยเสมาราม) qui abrite une exceptionnelle collection de baï séma,

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...et en 3 une pièce d’eau de 15 hectares en haute saison, hors enceinte, baptisée « nong sanghin » (หนองสสร้างหิน) « l’étang de la pierre de construction » dont le nom laisse à penser qu’il s’agissait d’une carrière d’extraction de pierres ou d‘argile, ultérieurement utilisée comme réservoir d’eau pour la ville ?

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En dehors du Djedi principal, il ne subsiste plus de vestiges apparents mais on peut voir des tumulus en brique vestiges probables de monuments abritant les cendres de personnages de haut rang :

 

chédi phahafadaet – chédi du prince de Fadaet – เจดีย์พญาฟ้าแด 

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- chédi fayat – เจดีย์ฟ้าหยาด  - chédi de la goutte de rosée ​​​​​​​

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chédi  nangkhiaokhom - เจดีย์นางเขียวค่อม  celui d’une princesse

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Muang Fa Daet est à ce jour le plus vaste site archéologique du Dvaravati sur le plateau de Khorat.

 

Nous ignorons tout de l’organisation de ces cités Dvaravati, étaient-elles gouvernées par un souverain indépendant ou celui-ci dépendait-il avec des liens plus ou moins fort d’un « grand roi du Dvaravati » régnant dans la région de Nakhon Pathom aux alentours du 7ème siècle après J.C ? Nous savons qu’il existait (voir l’article de Boeles, note 1) mais quelle était son emprise sur des cités de la même civilisation séparées de cette capitale par de grandes distances. Il y a  plus de 500 kilomètres à vol d’oiseau entre Khu-Bua et Muang Fa Daet, un peu moins entre Muang Fa Daet et Nakhon Pathom, 275 entre Muang Fa Daet et Sri Thep et plus de 150 entre Muang Fa Daet et Non Muang - Muang boran. Comment ces cités correspondaient-elles entre elles – ou recevaient-elles les ordres du « grand roi » - à une époque où les moyens de communication étaient sinon inexistants, du moins extrêmement difficiles ?

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Et pourtant, nous retirons de ce bref examen la quasi-certitude que toutes ces cités avaient une architecture militaire remarquablement similaire qui ne relevait peut-être pas d’un génie stratégique digne de Vauban mais reposait essentiellement sur une  stratégie défensive de cités ceinturées par des douves profondes entourées de murailles massives en terre édifiées de toute évidence avec les matériaux extraits des douves. Ce n’est certainement pas une coïncidence.

 

L’intérêt majeur du site de Muang Fa daet est que ses fortifications, même si les murailles de terres ont été érodées, seule de toutes ces cités, sont toujours en place, on peut en faire le tour sans difficultés même si le chemin de terre est parfois plus ou moins facile pour les automobiles.

 

Quels étaient les liens entre ces cités ? S’agissait-il – comme il est probable – de cités indépendantes mais liées entre elles comme les cités grecques par des liens ethniques, religieux et culturels renforcés lors d’événements majeurs comme le firent les Grecs pour aller détruire Troie, Agamemnon, « roi des rois », n’ayant guère plus que la « primauté d’honneur » ? Savaient-elles lors d’une agression commune des envahisseurs venus du sud s’unir ou tenter de s’unir comme le fit Vercingétorix avec les tribus gauloises ?

 

Mais dans cette hypothèse, leur stratégie purement défensive courrait à l’échec. Il est une certitude dans l’art militaire, c’est que toute cité assiégée finit un jour ou l’autre par succomber si elle ne bénéficie pas à terme d’un secours extérieur.

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Peut-on avoir une idée de l’importance des populations qui y vivaient ?

 

Procédons par analogie pour autant que ces comparaisons aient quelque valeur.

 

Nous connaissons le plan de la ville de Louvo (en réalité Lavo ละโว้ devenue aujourd’hui Lopburi ลพบุรี) l’ancienne capitale du Siam dont il ne reste plus que de modestes vestiges et les singes :

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Si la toise utilisée est la toise de Paris, environ 1,80 m, ses dimensions (AB = 600 toises soit 1080 mètres – CD = 400 toises soit 720 mètres) nous donnent une superficie d’environ 77 hectares, beaucoup moins que celle de l’antique cité de Nakhon Pathom et le tiers de la surface de Muang Fa Daet ! Mais nous ne savons rien sur la population.

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En ce qui concerne Ayuthya, ses dimensions  (AB = 2000 toises  soit 3600  mètres – CD = 1000 toises soit 1800 mètres), ses 650 hectares correspondent peu ou prou à la superficie de Nakhon Pathom.

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Il semble qu’il y ait, de toute évidence, un lien entre la taille de la ville de sa population. Connait-on celle d’Ayuthaya à l’époque glorieuse du roi Naraï ? Elle aurait pu fournir selon Gervaise fournir 60.000 hommes en armes et le double avec les faubourgs. Si nous prenons ces chiffres avec précaution et plus encore et considérons en première approximation que les hommes en âge de prendre les armes représentent le quart de la population, Ayuthaya aurait été peuplée de 250.000 habitants ? Ces calculs sont aléatoires, gardons-nous donc d’appliquer une règle de 3 pour savoir combien de combattants pouvait aligner Muang Fa Daet dont la superficie était du tiers de celle de la capitale.

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Nous avons, simple curiosité mais dont les résultats ne sont pas sans intérêt, effectué quelques recherches comparatives dans des cités « significatives » du monde occidental.

Avignon,

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La « cité des Papes » fut la capitale de la chrétienté, donc  la capitale spirituelle du monde et cité pontificale jusqu’au rattachement de 1792. Elle a conservé intacte son enceinte fortifiée du XIVème siècle. Seules les douves qui subsistaient en petite partie (appelées des « sorgues ») ont été depuis quelques dizaines d’années comblées ou recouvertes pour d’évidentes raisons d’hygiène. Son périmètre est de 4300 mètres. Ses dimensions (AB = 1900 mètres – CD = 1200 mètres) conduisent sauf erreur à une superficie de 150 hectares environ.

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La capitale de la chrétienté, « la plus infecte des villes » selon Pétrarque, de taille un peu plus modeste que « notre » cité, abritait alors selon les registres paroissiaux (qui ne mentionnent pas les juifs qui étaient nombreux dans le ghetto) 15.340 habitants en 1539 et 26.500 en 1616 (5).

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Tolède

 

Elle fut la capitale de l’Espagne jusqu’au XVIème siècle donc d’un état qui s’étendait bien au-delà des mers sur une partie de l’Amérique et des « Indes orientales ». La vieille citée abritée derrières de puissantes murailles et dans une boucle du Tage de par ses dimensions (AB = 2000 mètres - CD = 1800 mètres) a une superficie d’environ 280 hectares, un peu plus que « notre » cité.

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Sa population aurait été en 1600 (après qu’en aient été expulsés les juifs et les musulmans en foule) de 50.000 habitants selon certaines sources, de 80.000  selon d‘autres (6).

 

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Carcassonne

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Effectuons un dernier petit voyage dans le sud de la France : La cité médiévale magnifiquement restaurée par Viollet-Le-Duc aurait abrité au moyen-âge 5 ou 6.000 habitants. Ses dimensions sont réduites (AB = 450 mètres - CD = 180 mètres), environ 8 hectares.

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Ces chiffres comparatifs, à défaut de nous donner des précisons sur les habitants de la cité, nous conduisent à penser que sa population devait être de plusieurs dizaines de milliers d’habitants ce qui, pour l’époque est énorme. La cité était-elle de l’importance de Nakhon Pathom, la cité chérie des rois depuis Rama IV à laquelle les archéologues – essentiellement français - consacrent l’essentiel de leur énergie  (7) au détriment peut-être des autres ? Les rizières qui entourent la ville recèlent probablement des trésors du Dvaravati ; ils restent à découvrir.

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Notre infatigable Gendarme Danois écrivait en 1951 : « Il est à désirer que le Service archéologique du Département des Beaux-Arts de Bangkok prenne les mesures nécessaires pour que cet ancien site soit correctement et soigneusement exploré le plus tôt possible. Un plan exact de la vieille ville devrait être établi et de bonnes et claires photographies prises de toutes les pierres sculptées. Dans le cas où les photographier ne soit pas possible, un artiste familier avec l'iconographie bouddhique (ce qui ne doit pas être difficile à trouver parmi les artistes siamois) pourrait les copier à l'encre et au crayon. Espérons que cela sera réalisé dans un avenir proche ! » (8).

 

Bouddha ne l’a pas entendu et il est mort en 1958 sans avoir vu son souhait se réaliser.

 

NOTES

 

(1) « THE KING OF SRI DVARAVATI AND HIS REGALIA » J.J Boeles in journal de la Siam society, 1964-1.

 

(2) Jean Boisselier « Recherches archéologiques en Thaïlande. Rapport sommaire de la Mission 1965 (26 juillet-28 novembre) » in Arts asiatiques, tome 20, 1969. pp. 47-98 – « La reconstruction de Phra Pathom Chedi. Quelques précisions sur le site de Nakhon Pathom » In : Aséanie 6, 2000. pp. 159-189. – « RECENTES RECHERCHES A NAKHON PATHOM » in : Journal de la Siam society, 1970 II.

 

(3) Notre article A 213 « LES ORIGINES MYSTÉRIEUSES DES BORNES SACRÉES (BAÏ SÉMA) DES TEMPLES DE L’ISAN EN THAILANDE ». http://www.alainbernardenthailande.com/2016/05/a-213-les-origines-mysterieuses-des-bornes-sacrees-bai-sema-des-temples-de-l-isan-en-thailande.html

 

(4) « Complément à l'Inventaire descriptif des monuments du Cambodge pour les quatre provinces du Siam Oriental ». In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 22, 1922. pp. 55-99. Cet infatigable et très érudit gendarme danois au service du Siam a effectué d’innombrables recherches sur le Siam ancien et a visité un nombre incalculable de sites anciens, plus de 200, tant ceux décrits par Lunet de Lajonquière que ceux qu’il avait découvert ou fait découvrir par ses troupes.

 

(5) Louis Chevalier et Ferdinand  Lot « Recherches sur la population et la superficie des cités remontant à la période gallo-romaine » In: Population, 1 année, n°3, 1946. pp. 556-559;

 

(6) La source vaut ce que vaut Wikipédia mais donne des références : https://fr.wikipedia.org/wiki/Population_des_villes_europ%C3%A9ennes_vers_1600#cite_note-autogenerated1-2.

Une étude plus « serrée » ne contredit pas ces chiffres mais est précise sur les difficultés d’effectuer un calcul précis : José Camacho-Cabello : « La poblacion des arzobisado de Toledo en los tiempos modiernos », Madrid, décembre 1996, Universidad complutense – Faculltad de geografia y de historia – départamento de  historia moderna.

 

(7) Laurent Hennequin « The French Contribution to the Rediscovery of Dvaravati Archaeology » in journal de la Siam society, volume 98 de 2010.

Saritpong Khunsong, Phasook Indrawooth et Surapol Natapintu « Excavation of a Pre-Dvaravati Site at Hor-Ek in Ancient Nakhon Pathom »

Pierre Dupont « Recherches sur l'archéologie indo-mône de Nakhon Pathom (Siam) conduites en 1939 et en 1940 ». In : Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 92 année, N. 2, 1948. pp. 237-242;

 

(8) Erik Seidenfaden « Kanôk Nakhon, an ancient Mon Settlement in Northeast Siam (Thailand) and its treasures of art ». In : Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 44 N°2, 1951. pp. 643-648.

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14 décembre 2016 3 14 /12 /décembre /2016 02:50
INSOLITE 5. L’ABBÉ DU CHEYLA, MISSIONNAIRE ET MARTYR AU SIAM, BOURREAU ET MARTYR DANS LE GÉVAUDAN.

La lecture d’un article de Michael Smithies dans le Journal de la Siam Society nous a rappelé l‘existence de ce personnage controversé et plus encore : « L'abbé de Chaila 1648-1702 : touriste au Siam et persécuteur dans les Cévennes ».

 

Nous nous sommes intéressés à l’épisode siamois de l’abbé au vu de quelques souvenirs littéraires : L’immortel Alexandre Dumas bien sûr, mais aussi le très subversif Eugène Sue qui en fait le tortionnaire sadique des protestants cévenols dans « Les mystères du peuple », et qui en rajoute dans « Jean Cavalier ou le fanatique des Cévennes »,

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Robert-Louis Stevenson qui a traversé les Cévennes et notamment le Gévaudan, aujourd’hui la Lozère, à dos d’âne en 1878, qui en fit un martyr de la foi chrétienne « en Chine » devenu persécuteur dans  son pays...

INSOLITE 5. L’ABBÉ DU CHEYLA, MISSIONNAIRE ET MARTYR AU SIAM, BOURREAU ET MARTYR DANS LE GÉVAUDAN.

puis le duc de Saint-Simon pour qui il fut simplement « un ancien missionnaire au Siam » dont l’assassinat en 1702 fut à l’origine de la campagne féroce contre les camisards. 1929.

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 », son imagination féconde faisait un roman en dehors le plus souvent de toute vérité historique :nègres. Laissons-nous aller à la lecture de la version de Dumas dont nous savons qu’au vu d’une anecdote récoltée par l’un de ses multiples « nos romanciers en font d’abord un martyr au Siam », simplement parce qu’il fut bourreau et mort martyr mais martyr puis bourreau puis martyr, historien reconnu des Cévennes, dépouillée de toute passion à laquelle nous empruntons, en l’inversant, notre titre. Pourquoi « Robert PoujoulIl fait enfin l’objet d’une étude de

 

 

 

»L’abbé Duchayla était un fils puiné de la noble maison de Langlade, et, par le malheur de sa naissance, malgré l’instinct courageux qui veillait en lui, il avait été contraint de laisser à son aîné l’épaulette et l’épée et de prendre le petit collet et la soutane ; aussi, en sortant du séminaire, il s’était jeté avec toute l’ardeur de son tempérament dans l’église militante ; car à ce caractère de feu, il fallait des périls à courir, des ennemis à  combattre, une religion à imposer ; or comme à cette époque tout était tranquille en France, il avait tourné les yeux vers l’Inde, et s’était embarqué avec la fervente résolution d’un martyr. Le jeune missionnaire était arrivé aux Indes orientales dans des circonstances merveilleusement en harmonie avec les espérances célestes qu’il avait conçues : quelques-uns de ses prédécesseurs  ayant porté trop loin leur zèle religieux, le roi de Siam après en avoir fait périr plusieurs au milieu des tortures avait défendu aux missionnaires l’entrée dans ses états : cette défense, comme on le pense bien, ne fit qu'exciter le désir convertisseur de  l'abbé ; il trompa la surveillance des soldats, et, malgré les défenses terribles du roi, commença de prêcher la religion catholique parmi les idolâtres, dont il convertit un grand nombre. Un jour, il fut surpris par des soldats dans un petit village qu'il habitait depuis trois mois, et dont presque tous les habitants avaient abjuré leur fausse croyance ; conduit devant le gouverneur de Bankan ( ??), le noble défenseur du Christ, au lieu de renier sa foi, avait glorifié le saint nom de Dieu, et avait été livré aux bourreaux pour être torturé; là, tout ce que le corps de l'homme peut supporter sans mourir, l'abbé l'avait souffert avec résignation ; si bien que la colère s'était lassée avant la patience, et que les mains mutilées, la poitrine sillonnée de blessures, les jambes presque brisées par les entraves, il s'était évanoui ; alors on l'avait cru mort , et on l'avait suspendu par les poignets à un arbre; là, il avait été recueilli par un paria, et comme le bruit de son martyre s'était répandu, l'ambassadeur de Louis XIV avait hautement demandé justice; de sorte que le roi de Siam,  trop heureux que les bourreaux se fussent lassés si vite, avait renvoyé un homme mutilé, mais vivant, à M. de Chaumont, qui ne réclamait qu'un cadavre. Au moment où Louis XIV songeait à révoquer l'édit de Nantes, l'abbé Duchayla était un homme précieux pour lui ; aussi, vers 1682, fut-il rappelé de l'Inde, et un an après, envoyé à Mende, avec le titre d'archiprêtre et d'inspecteur des missions dans les Cévennes. Là, de persécuté qu'il avait été, l'abbé devint à son tour persécuteur.« 

 

 

 

 

 

 

 

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Voilà un tableau qui fut repris par ses panégyristes les plus fervents qui oublient ses « talents » ultérieurs de persécuteur. Toujours selon Dumas,  les supplices qu’il avait subi au Siam consistaient en roseaux taillés en sifflets, que l'on faisait  glisser sous les ongles, de pinces de fer avec lesquelles on arrachait les poils de la barbe, des paupières et des sourcils, de mèches graissées qui enveloppaient les doigts des patients, et qui, allumées, faisaient de chaque main un candélabre à cinq flambeaux, d'un étui tournant sur pivot, où l'on enfermait le malheureux et dans lequel on le faisait  tourner si rapidement qu'il finissait par perdre connaissance; enfin, d'entraves perfectionnées dans lesquelles les prisonniers qu'on transportait d'une ville à l'autre ne pouvaient rester assis ni debout. Ayant bravé les plus atroces supplices, il en portait la trace indélébile sur sa face mutilée et sinistre nous disent ses détracteurs, bien que le seul portrait que nous connaissions de lui, d’un anonyme au Musée départemental de Mende, n’en laisse rien paraître ?

 

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Où se situe la vérité ?

 

 

Nous savons que l'abbé de Choisy était ambassadeur coadjuteur du chevalier de Chaumont dans l'ambassade envoyée en 1685 par Louis XIV au Siam. En plus de Choisy, il y avait trois missionnaires français des Missions Etrangères de Paris, les RR.PP. Vachet, Basset, et Manuel, aumônier personnelle de Chaumont, l’abbé de Jully, et l’aumônier du navire le RP. Le Dot avec outre six jésuites mathématiciens en route vers la Chine, leur supérieur le RP. de Fontaney et les RR.PP, Bouvet, Gerbillon, Le Comte, Tachard et de Visdelou. Parmi les ecclésiastiques à bord se trouvait aussi l'abbé François de Langlade du Chayla (ou du Chaila), qui apparemment voyageait sans but particulier sinon la curiosité ou le désir de devenir missionnaire. Contrairement à ce qu’a écrit Forbin qui ne fait que citer sa présence, il n’appartenait pas aux missionnaires et contrairement à ce qu’écrivent la quasi-totalité de ses biographes, il n’appartenait pas non plus aux Missions étrangères de Paris. Smithies cite une lettre adressée à Monseigneur Pallu, évêque d'Héliopolis, par l’Intendant de la société des Missions étrangères à Paris le 16 février 1685 lui conseillant d’être prudent à l’égard de l’abbé du Chayla. Dans son « histoire de la mission de Siam », Adrien Launay, archiviste de l‘ordre, cite un courrier du père Vachet faisant état de la présence de l‘abbé à bord mais ajoute en note « François de Langlade du Chayla, d’une famille noble du Gévaudan né en 1645 (à Saint-Chely d’Apcher ?) partit avec l’ambassade de Chaumont et revint avec elle. Quoiqu’en disent plusieurs dictionnaires, il ne fit jamais partie de la société des Missions  étrangères et il ne travailla point à la conversion  des infidèles dans le royaume de Siam où il ne resta que quelques mois. Il retourna dans son diocèse en 1686, fut curé de Saint-Germain de Calberte (Lozère)…. »

 

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François de Langlade du Chayla naquit au château du Chayla-d'Ance, paroisse de Saint-Paul-le-Froid, un village de Lozère au nom évocateur en 1647 (ou 48 ?). Pour Smithies, sa famille était de la petite noblesse appauvrie de cette région sauvage et inhospitalière. Il semble pourtant que du côté paternel et du côté maternel, il ait appartenu à l’ancienne noblesse (1). La famille était-elle désargentée ? Rien n’est moins sûr. Ce mariage enrichit considérablement sa branche ce qui aurait suscité l’inimitié de la branche ainée (2).

 

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Son père était un homme « de cape et d’épée » querelleur, en difficultés perpétuelles avec ses voisins et perpétuellement endetté. Il mourut dans son lit en 1682 bien qu’ayant été condamné à la fois aux galères en 1660 puis à la décapitation pour une série de forfaits dont nous ignorons tout, condamnation qui auraient dû faire déroger sa famille (perdre la noblesse) et entraîner la « mort civile » (confiscation de tous ses biens) ce qui ne fut pas le cas. Sa mère mourut lorsqu’il avait 12 ans après avoir testé le 2 octobre 1659. Il est à l’âge de 12 ans probablement livré à lui-même si l’on admet que son père soit allé « faucher le grand pré » (ramer sur les galères du roi).

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On ignore tout de ses jeunes années. Il aurait été tonsuré en 1660 et aurait obtenu un doctorat en droit à Avignon en 1673 bien que nous ne le trouvions ni cette année-là ni une autre dans la Chronologie officielle. Il aurait reçu d’un parent le prieuré de Notre-Dame de Molezon (en Lozère) en bénéfice. I

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Il se serait ensuite trouvé en 1679 ou 1681 à Toulouse où il aurait obtenu un diplôme de docteur en théologie. Ce fut en tous cas une vocation tardive.

 

Avant son départ pour le Siam en 1685, son parcours est atypique.


En 1672, il s’attaque manu militari à un huissier venu procéder à des saisies de bétail de son père (aux galères ?). Il enferme l’huissier et ses deux clercs dans les caves du château pendant deux jours.

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Sept ans plus tard, il s’attaque physiquement à un agent de la gabelle ce qui lui vaut une amende de 300 livres réduite ultérieurement à 100 par des interventions familiales.

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Par son tempérament batailleur, il est proche de son frère ainé, Joseph, propriétaire d’un régiment d’infanterie et d’un plus jeune frère, Nicolas, mousquetaire de la garde du roi. En 1683 enfin, alors qu’il joue paisiblement aux cartes avec son frère aîné, le château a été attaqué et incendié par des membres de la famille d'Apchier, celle de sa mère, il y eut mort d’homme mais aucune suites criminelles. Il fait probablement y voir la main du beau-père de son frère aîné.

 

Chicanier aussi, nous le trouvons souvent à Paris pour s’occuper de procédures intéressant sa famille et utilisant probablement l’influence du beau-père de son frère aîné, Nicolas de Bauquemare, président l’une des chambres du Parlement.

 

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C’est probablement l’épouse de ce parlementaire, Catherine Voisin de Saint-Paul qui fréquente les salons littéraires de la capitale qui le fait venir à Paris en octobre 1684 et qui l’aurait présenté à l’abbé de Choisy. La noblesse de notre abbé est assurée mais point assez pour lui permettre d’accéder « aux honneurs de la Cour » alors que Choisy est dans l’intimité du frère du roi. Renonçant à son passé frivole de travesti et après une grave maladie, Choisy décida de renoncer à ses turpitudes et passa quelque temps en convalescence aux Missions étrangères de la rue du Bac sans toutefois se joindre officiellement aux missionnaires. Il a alors 41 ans, et n'a toujours pas été  ordonné prêtre. Chayla en a 37 et avait probablement été ordonné quatre ans auparavant. Il n’avait pas – comme Choisy - de connexions avec la Cour et c’est sans aucun doute grâce à l'influence dudit Choisy qu’il a obtenu une place bord de l' « Oiseau » pour aller à Siam. Mais comme Choisy, il a dû emprunter à Paris le 30 janvier 1685, d’un prêteur d'argent, le sieur Braque, la somme de 1.150 livres, énorme pour l’époque, pour prendre part  à la mission de Siam (3).

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Choisy, dans son « Journal d'un voyage à Siam » (1687) nous en parle de façon purement anecdotique à diverses reprises :

 

Le 4 mars 1685 : « …Nous avons eu toute la journée vent arrière. La frégate a peine à nous suivre : il faut qu'elle n'ait pas encore trouvé son assiette. Le père Tachard, jésuite, a dit la messe : il a été aux îles de l'Amérique et a le pied marin. Monsieur l'ambassadeur, qui donne l'exemple à tout le monde, a fait ses dévotions. M. Vachet se moque de la mer : mais l'abbé du Chayla, les missionnaires et la plupart des jésuites rendent la moitié de leur âme …».

 

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Le 26 février 1686 sur le chemin du retour « M. l’Abbé du Chayla vient de faire une conférence sur la restitution. La matière est importante, et M. l’abbé de Lionne ne laisse rien passer : il ne faut pas broncher devant lui » (4).

 

Le 25 mars 1686 : « M. l'abbé de Chayla a fait l'exhortation : elle était de fort bon sens, familière, propre à des matelots à qui il faut se faire entendre. C'est un homme jusqu'ici admirable, qui se donne à tout, toujours après les autres. Nous ne savons point encore le parti qu'il prendra dans les Indes : mais s'il se consacre aux missions, ce sera un bon ouvrier ; il a le zèle et la capacité » (5).

 

Le 12 avril 1686 « M. l’abbé du Chayla vient de faire une fort belle Passion. Je dis qu’il aurait pu la prêcher à Saint-Paul » (6).

 

La teneur de ses homélies nous laisse à penser que ses connaissances en théologie étaient solides. 

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Nous ne savons donc rien des activités de l'abbé du Chayla au Siam. Il a vraisemblablement été inclus dans tous les festivités organisées par  Phaulkon pour les Français.

 

Tout ce que nous apprenons est qu’il a rempli à bord ses devoirs avec compétence.

 

 

». quatre missionnaires, parmi lesquels étaient MM. Le Vacher et du Chayla, et une suite nombre de jeunes gentilshommes qui firent volontiers le voyage, ou par curiosité, ou comme nous avons dit, dans la vue de faire plaisir à M. l'ambassadeur » se contente de citer ses prêches et le père Tachard n’en dit pas un mot le considérant probablement comme insignifiant. Forbin, avons-nous dit, lorsqu’il nous parle de la préparation de l’expédition signale la présence de « Chailar Le chevalier de Chaumont qui l’appelle « 

Chayla à son retour ne reviendra pas évangéliser le Siam comme il l‘avait peut-être envisagé, il n’en supportait pas le climat nous disent ses biographes, ce que l’on peut comprendre quand l’on connaît celui de son Gévaudan natal.

 

INSOLITE 5. L’ABBÉ DU CHEYLA, MISSIONNAIRE ET MARTYR AU SIAM, BOURREAU ET MARTYR DANS LE GÉVAUDAN.

Il n’aura plus aucun rapport avec les Missions étrangères mais il partira à la recherche d’une position, ce en quoi sa naissance et les relations de son frère aîné vont probablement l’aider. Il sollicita un emploi, dans son diocèse d'origine, de Monseigneur  Placide de Baudry de Piencourt, évêque de Mende. Nous sommes à la fin de l'année 1686. La situation religieuse résulte de la révocation de l'édit de Nantes du 13 Avril 1598 par lequel Henri IV avait donné  aux protestants le droit de pratiquer leur  culte. La révocation est signée à Fontainebleau le jour même où le chevalier de Chaumont présentait au Roi Narai la lettre de Louis XIV, très probablement en présence de l'abbé du Chayla.

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Nous n'avons pas à apprécier ici cette révocation. Mais la répression est à l‘ordre du jour en particulier dans les zones à haute densité protestantes comme le Languedoc où l’agressivité et les exactions des «  religionnaires » à l’égard des catholiques mets incontestablement en cause l’intégrité du royaume. Le bras séculier du roi sera l’intendant Nicholas de Lamoignon de Basville.

 

Quelle meilleure occupation pour notre abbé que de faire partie de son administration sur le plan religieux. Il fut donc nommé Archiprêtre des Cévennes et Inspecteur des Missions du diocèse avec la bénédiction de l’évêque de Mende. D’après Smithies, celui-ci, traditionnellement hostile à la famille de Langlade, fut convaincu par l’intervention du beau-père de son frère aîné ; le parlementaire, et le règlement d’une vieille dette de la famille de 34.000 livres. On considéra que l'expérience de Chayla au Siam pouvait avoir son utilité. Les Cévennes étaient incontestablement le cœur de l'hérésie en France. La situation était difficile; les protestants dans certaines localités constituaient 95 % de la population, énergiques et souvent soutenus par quelques-unes des grandes familles de la région.

 

 

 

 

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L’abbé prit des fonctions en novembre 1686 et se fixa à Saint-Germain-de-Calberte au cœur du Gévaudan. Il y établit un séminaire. En 1689 son frère aîné devint commandant du régiment d'infanterie provinciale en Gévaudan. Ne nous attardons pas sur les suites qui ne concernant pas directement « notre » histoire. Pour les historiens catholiques, Basville et du Chayla appliquèrent strictement les consignes royales aussi dures fussent-elles. L’époque n’était pas au développement de la théorie des « baïonnettes intelligentes ». Pour les historiens protestants, ce ne fut qu’une longue suite d’exactions ignobles, du Chayla outrepassant allégrement ses ordres. Il aurait été de l'espèce des sous-Torquemada, pourvoyeur d'échafauds, questionneur insidieux et féroce, posant des questions perfides et suscitant les réponses par des tortures, dont quelques-uns étaient de son invention.

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Nous avons parlé de celles qui venaient du Siam. Il y aurait appris l'art de varier les tortures et de faire souffrir s’ingéniant à appliquer aux protestants les tortures auxquelles les barbares d'Orient l’avaient  soumis, ne dédaignant pas de faire lui-même office de bourreau. Le centre de ses activités se situait dans la maison forte qu'il occupait au bourg du Pont-de-Montvert toujours au cœur du Gévaudan.

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Le 24 juillet 1702, alors qu’il détenait des prisonniers dans les caves, la maison fut attaquée par une soixantaine de protestants menés par un « prophète » venu  les libérer. Sommé d’abjurer,  il refusa, fut percé de nombreux coups de poignard et la maison incendiée avec tout ce qu’elle contenait, une boucherie selon Dumas.

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Ce fut l’incident qui déclencha la guerre des Camisards. ».que l’on nous croira quand nous dirons que c’est la mort de l’abbé du Chaila qui nous l’a rendu intelligible et pitoyable. Il a vu venir le martyr et il est courageusement resté à son poste, Robert Poujoulécrit Nous espérons, De faux martyr chrétien au Siam il était devenu tortionnaire dans les Cévennes et y finit ses jours en vrai martyr. Il aspirait probablement à finir ses jours ainsi. «

 

 

 Fut-il vraiment ce « tigre à face d’agneau » ? Les historiens catholiques le contestent avec véhémence, légende dorée. Sa politique rigoureuse à  l’égard des protestants était, pour eux, celle voulue par le roi et il est difficile de s’indigner vertueusement des coups de bâtons qu’il faisait distribuer aux petits protestants n’apprenant pas leur catéchisme alors que la férule était dans tous les établissements d’enseignement d’alors et jusqu’à l’école de Jules Ferry pratique courante.

 

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L’abbé du Chayla,  c’est certain, n’avait passé que quelques mois au Siaml'élaboration romantique de faits.  ensuite ont-ils puisé l’origine de cette histoire ? La licence littéraire a ses limites qu’ils ont tous deux largement outrepassé dans une Stevenson d’abord et Dumas n’auraient pas manqué de nous le narrer. Où donc Chaumontet Forbin ,Choisy, il ne l’avait jamais évangélisé, il n’avait jamais été torturé, si cela était, nous pouvons penser que les mémorialistes,

 

 

C’est bien ainsi que nous ne voulons pas, historiens de hasard, écrire l’histoire !

 

 

Pour Robert Poujol, saluons cette  conclusion car il ne cache pas sa foi huguenote,  l’abbé du Chayla reste un personnage mythique pour  les uns et pour les autres, il serait salutaire que la simple dalle sous laquelle repose sa dépouille dans l'église de Saint-Germain-de-Calberte soit remise à jour par une inscription qui serait à la fois un geste de souvenir et un signe de réconciliation : « Ici repose François de Langlade du Chayla, dont la mort déclencha la Guerre des Camisards. Cette plaque a été érigée  par  les Cévenols réconciliés, en souvenir de toutes les victimes, en expiation de toutes les haines ». Il est sage en effet de laisser l'abbé du Chayla et les camisards aux historiens et à leur travail que doivent caractériser la patience, la rigueur et l'honnêteté.

 

 

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 » a été introduite par des évêques de combat dans le premier quart du siècle dernier mais sa cause n’est pas allée plus avant. Elle n’irait pas dans le sens d’une Eglise post conciliaire !martyr de la foiLe tricentenaire de son martyr n’a fait l’objet que de cérémonies religieuses catholiques confidentielles et discrètes dans certaines chapelles traditionalistes au cours desquelles il fut rappelé avec complaisance qu’il avait subi le port de la cangue au Siam, la légende perdure ! La cause de sa béatification comme « 

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Notes

 

 

(1) Selon les nobiliaires consultés (voir nos sources), la famille paternelle est une ancienne maison du Gévaudan de noblesse d’extraction connue dès l’an 1400 qui, l’argument était aussi souvent invoqué que commode, comme beaucoup d’autres maisons du Languedoc avait perdu la plupart de ses titres par le fait des guerres de religions. Et ceux qui avaient échappé au désastre par ces temps troubles furent égarés ou brûlés pendant la peste qui en 1720 désola le Gévaudan. Sa mère, épousée le 9 avril 1643, était Françoise d'Apchier, encore une très ancienne famille, veuve de Charles de Louet de Calvisson (d’une famille qui descendait ou prétendait descendre de Guillaume de Nogaret), dame du Chayla, et fille de François, baron de Montauroux, et de Louise de Motier de la Fayette dont la  famille, celle du général, était de respectable  noblesse.

 

 

, quelques souvenirs se trouvent encore dans l’église du village et les pierres ont servi à la construction de bâtiments voisins.èmepuisqu’il n’en reste rien, rasé et pillé au début du XIX   » et aurait comporté 365 fenêtres. Il est difficile d’en jugerle petit Versailles du Gévaudan(2) Le château que fit construire son père passait pour être « 

 

(3) A cette époque, un journalier à Paris gagne environ 20 livres par mois.

 

 », s’opposera violemment à la doctrine laxiste des jésuites. Provincialesdans les « Pascal (4) Il s’agit du problème théologique soulevé par la restitution des biens indûment acquis dans lequel

 

qu’il fallait effectivement beaucoup de talent pour rendre accessible aux marins du roi.Saint Thomas d’Aquin» relève de la casuistique de exhortation apostolique (5) L’ « 

 

(6) Choisy, nous aurions pu nous en douter.Smithies lui-même comme le dit assez naïvement Saint Paul parle probablement ici de l’église Saint Paul- Saint-Louis dans le quartier du Marais à Paris, et non devant

 

 

Sources

 

 

Michael Smithies « The Abbé de Chaila 1648–1702 : from tourist in Siam to persecutor in the Cévennes » « L'abbé de Chaila 1648-1702 : touriste au Siam et persécuteur dans les Cévennes » in Journal of the Siam Society - 2006 Vol. 94.

Alexandre Dumas : « Les crimes célèbres » au chapitre « Les massacres du midi » publié en livraisons à partir de 1839.

Eugène Sue « Les mystères du peuple », tome second, au chapitre « Le marteau de forgeron ou le code paysan », publié en 1849 et « Jean Cavalier ou le fanatique des Cévennes » publié en 1869.

Robert-Louis Stevenson « TRAVELS WITH A DONKEY IN THE CEVENNES » - « Voyage avec un âne dans les Cévennes » publié en 1879.

Duc de Saint-Simon  « Mémoires de Saint-Simon » tome XI, édition de 1924, p. 83, écrites de son vivant, elles ne furent publiées en 1829 que bien après sa mort en 1755.

Robert Poujoul « Bourreau ou Martyr ? L’Abbé du Chaila (1648–1702), Du Siam aux Cévennes, 1986. Mort en 2003, ce haut fonctionnaire est l’auteur d’une trilogie sur le thème du protestantisme cévenol : en 1981, C’est tout d’abord « Vébron, histoire d’un village cévenol », en 1986, « Bourreau ou martyr ? L’abbé du Chaila, 1648-1702. Du Siam aux Cévennes, » et en 1992 Basville, roi solitaire en Languedoc, intendant à Montpellier de 1685 à 1718 ».

 Adrien Launay « histoire de la mission de Siam », volume « documents historiques », publié en 1929.

E. de Teule « Chronologie des docteurs en droit civil de l’université d’Avignon », Paris  1887.

Abbé de Choisy « Journal d'un voyage à Siam »,1687.

Chevalier de Forbin « Mémoires du Comte de Forbin », 1730.

Alexandre de Chaumont  « Relation de l'ambassade de Mr. le Chevalier de Chaumont à la Cour du Roy de Siam, avec ce qui s'est passé de plus remarquable durant son voyage », 1733.

 RP. Guy Tachard « Voyage de Siam des pères jésuites », 1686.

 

Ouvrages hagiographiques


François- Placide de Baudry de Piencourt « Histoire du fanatisme renouvelé, où l'on raconte fidèlement les sacrilèges, les incendies & les meurtres commis dans les Cévennes & les châtiments qui en ont été faits » 1703. 

Rescossier «  Relation de la mort de l'abbé Langlade du Chayla », Toulouse, 1853.

De L'Ouvreleul  «  le Fanatisme renouvelé » Avignon, 1868.

Abbé Jean-Baptiste Couderc  « Victimes des Camisards », 1907.

Abbé Rouquette  « L'Abbé du Chayla et le clergé des Cévennes », 1907.

 

Ouvrages hostiles

 

Ph. Corbières «  La guerre des Camisards et ses historiens » in « Bulletin historique et littéraire de la Société de l'histoire du protestantisme français », tome XXV de 1876.

Dans la même revue, en 1924, E. Hugues reproduit l’acte de décès  de l’abbé :

« Le 24 juillet, Messire François De Langlade Duchaila, cy devant curé de Saint-Germain, inspecteur des missions, la faisant au Pont-de-Montvert  fut attaqué par les fanatiques qui le martyrisèrent de plusieurs coups de baïonnette, de sabre et de fusil. Le 25 on fut prendre son corps et le 26 juillet 1702 on l'enterra dans l'Eglise de Saint-Germain, à l’entrée du chœur vis-à-vis des chapelles de Notre-Dame et Saint-Joseph.  Le RP Louvreleul a prononcé son éloge funèbre. Signé Vernet, curé ».

Ferdinand Rossignol « Les protestants illustres, portraits-biographies », 1863.

Léon Cladel « N'a-qu'un-œil » 1882.

Henriette de Witt  « Scènes historiques du protestantisme français », 1879.

 

Nobiliaires

 

Louis de La Roque  « Armorial de la noblesse de Languedoc », deux volumes, 1860.

 « Dictionnaire universel de la noblesse de France » par J. Bapt. de Courcelles, tome III  et Tome IV de 1821

« Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables » de Chaix d’Este-Ange, tome IV, 1905.

« Nobiliaire du Velay » par le vicomte Jourda de Vaux, tomes  III - V et VIII, 1933.

«  Nobiliaire universel de France » de Saint-Allais, tome VIII et XI.

« Armorial du Gévaudan » par le vicomte de Lescure,

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30 novembre 2016 3 30 /11 /novembre /2016 22:26
INSOLITE 4. THAÏLANDE : BOUDDHISME, HINDOUISME ET … ANIMISME AVEC LE CULTE DES ESPRITS ET AUTRES CROYANCES MYTHIQUES ET LÉGENDAIRES …

Nous avions montré dans l’article précédent comment pouvaient s’expliquer dans l’histoire de la Thaïlande, le culte officiel du bouddhisme Theravada avec la présence de l’hindouisme, ainsi que celui du culte brahmanique pratiqué à la Cour des rois. Rois  qui étaient intronisés comme l’incarnation de nombreux dieux ou divinités, de Bouddha – bien sûr - mais aussi de Brahma, Shiva, Vichnou, Rama, etc … Mais nous avions vu aussi – sommairement - le rôle joué par certaines divinités de l’hindouisme comme l’éléphant blanc (Monture du dieu Indra)

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... ou Garuda (Homme-oiseau, monture du dieu Vishnou) dans l’histoire du royaume, au point d’en devenir des symboles, des emblèmes.

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Ainsi l’éléphant blanc était devenu le drapeau, le symbole de la dynastie Chakri jusqu’en 1916 et était encore présent sur le drapeau de la marine de guerre, 

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... et l’homme-oiseau Garuda, l'emblème de la monarchie et l’emblème national, qui orne les bâtiments officiels, le passeport et les billets de banque.

 

Feu le roi Bhumibol Adulyadej (Rama IX) lors de son couronnement le 4 mai 1950 était encore intronisé  par le chef des prêtres brahmanes suivi par des chants bouddhistes. (Les cérémonies durèrent trois jours, du 3 au 5 mai 1950)

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Nous avions aussi indiqué que « le pays qui se veut bouddhiste avait  intégré (« thaïsé » ?)  la mythologie hindouiste, comme le montre le « Ramakien », la version thaïe du Ramayana, qui raconte l’épopée de Rama, un roi de l’inde antique ayant vécu 20 siècles avant notre ère, considéré comme le 7ème avatar (incarnation d’une divinité sur terre) de Vishnou. Vishnou étant lui-même l’une des trois divinités suprêmes, avec Brahma et Shiva. 

 

Le  Ramakien (ou Ramakian), la version thaïe du Ramayana hindou a traversé les siècles et est toujours populaire.

 

Quand les Birmans rasent la capitale et mettent fin au royaume d’Ayutthaya en  1767, ils brûlent toutes les archives du royaume. Quand Taksin, après avoir battu les Birmans, et s’être fait couronner roi, à Thonburi, sa nouvelle capitale, le 28 décembre 1768, il reproduit la cour d’antan, avec son protocole, sa hiérarchie, son étiquette, son administration, et recrée la Sangha, en rénovant la religion bouddhiste, sans oublier les traditions ancestrales et les « histoires » anciennes, dont le Ramakien était la manifestation la plus populaire.

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On dit que par exemple, qu’après avoir battu les troupes de Si Thammarat, contestant son pouvoir, il eut soin de rassurer la Sangha, le clergé de la Province réunie, en leur donnant sa protection et offrant à chacun, un boisseau de riz et un bath d’argent. Il leur prit l’exemplaire des Tipitaka, le livre sacré afin, leur dit-il, de le faire copier, pour que chacun puisse connaître l’enseignement de Bouddha, mais il emmena à Thonburi, la troupe de théâtre de femmes, pour qu’elles puissent y fonder une école et remettre à l’honneur la tradition ancestrale du spectacle du Ramakien.

 

De même, nous vous avons raconté comment son successeur Buddha Yodfa Chulalok (Rama 1er) (1782-1809) fonda la dynastie des Chakri, et comment après avoir  renforcé son pouvoir sur les champs de bataille, il eut soin six ans après son accession au pouvoir, de réunir un concile comportant 250 moines ou hommes de loi pour reconstituer les textes sacrés des canons bouddhistes du TRIPITAKA (Un ensemble de 45 volumes in octavo de chacun 500 pages publié en 1788)

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Il prit soin ensuite de procéder en 1805 à la révision du corpus législatif (41 volumes rassemblent les textes ayant été en vigueur à Ayutthaya jusqu’à sa chute), mais  il fit aussi « effectuer par ses lettrés un immense travail de recension de la littérature de l’époque d’Ayutthaya fondée soit sur la tradition orale soit sur les manuscrits qui pouvaient subsister, dormant dans les bibliothèques des temples. » Certaines oeuvres alors orales furent écrites. Le roi lui-même, comme de nombreux rois après lui, en écrit plusieurs, mais « L’essentiel de son œuvre écrite est une version du « Ramakien » (รามเกียรติ์) publiée en 1798. «  Gloire de Rama ».

 

Rama 1er a aussi entrepris la construction du Grand Palais à Bangkok et celle du Wat Phra Kaew, le temple du Bouddha d'émeraude dont les murs sont décorés de peintures représentant les épisodes du Ramakien. (Cf.  Notre article 116. Rama 1er. (1782-1809) *)

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Cette oeuvre a encore une influence importante sur la littérature thaïe actuelle et dans l’éducation reçue par les élèves. Tous les petits thaïs connaissent en effet le Ramakien dont il existe une foule d’éditions à l’usage des enfants, souvent sous forme de bandes dessinées.

 

De même, on pourrait citer une autre légende brahmanique, « La légende de sept déesses de songkran », qui donne sens  lors des fêtes du nouvel an thaï (songkran) dans certaines villes ou villages, à une élection de Miss Songkran (Nangsongkran « นางสงกรานต์ »).  (** Cf. l’article A215. intitulé « La légende de sept déesses de songkran », pour le résumé de cette légende)

 

Comme chaque année, le jour de Songkran est l’un des sept jours de la semaine. Chacune des sept déesses est à son tour celle de l’année. Selon la tradition des anciens brahmanes, le soleil entre dans le signe du bélier le 13 avril, le début du printemps, lorsque les arbres commencent à bourgeonner et fleurir, et les animaux sortent de l’hivernage pour trouver de la nourriture. Avril était signe de vie nouvelle et marque donc  le début d'une nouvelle année.

 

Chaque jour a ainsi sa déesse : celle du dimanche est Thungsathévi (ทุงษเทวิ), celle du lundi Khorakhathévi (โคราคเทวิ), celle du mardi Rakhasotthévi  (รากษสเทวิ), celle du mercredi Monthathévi (มนฑาเทวิ), celle du jeudi Kirineethévi (กิรินีเทวิ), celle du vendredi Kamithathévi (กิมีทาเทวิ) et celle du samedi Maothonthévi (มโหธรเทวิ). Thévi (เทวิ) d’origine pali est une créature céleste de sexe féminin, très exactement ce que sont nos légendaires fées. Les créatures célestes (théva เทวา) de la mythologie hindouiste sont effet sexuées ce qui évite aux théologiens de oiseuses et byzantines discussions sur le sexe des anges. Si le premier jour du cycle de 365 jours est un mardi, déesse de l’année sera Rakasotthévi

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On pourrait également trouver dans les fêtes traditionnelles, bien des rites pré-bouddhistes ou/et hindouistes, comme par exemple en Isan « le Bun Bungfai (fête des fusées). Ce rite de fertilité, remontant à la période pré-bouddhiste, est célébré dans beaucoup de lieux en Isan et au Laos, mais plus fortement et avec plus d'impact touristique dans la province de Yasothonou bien d’autres cultes émanant de légendes ancestrales bouddhistes ou d’autres religions. Dans leur « Dictionnaire insolite de la Thaïlande », Jean Baffie et Thanida Boowanno évoquent par exemple  le culte de Kuan Im ( Guan Yin) surtout populaire chez les Thaïlandais d’origine chinoise, le Phaya Nak (naja ou nâga), divinité des eaux, le plus souvent sous la forme de serpents géants ayant parfois 5 ou 7 têtes. « Dans la légende, il est l’adversaire de l’oiseau Garuda, et peut prendre forme humaine. Les najas sont des habitants du monde souterrain. Les Thaïlandais du Nord-Est croient qu’ils habitent le Mékong ». Que de légendes, de divinités, et de rites « hindou-bouddhistes » nous pourrions citer qui sont partie-prenantes de la vie et de la culture des Thaïlandais.

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Nous avions compris pour le moins  que le bouddhisme thaïlandais était illisible sans la pensée d’un syncrétisme religieux qui a intégré les traditions « religieuses » animistes, les croyances ancestrales,  les esprits, les forces magiques  …

 

Nous avions vu, par exemple, comment la majorité des Thaïlandais croient à la théorie du karma, aux « mérites » qu’il faut accumuler pour avoir une bonne réincarnation et/ou améliorer leur sort.  Ils nourriront pour ce faire  les moines, apporteront des offrandes aux temples lors des cérémonies bouddhiques qui jalonnent l’année et lors des grands moments de leur existence (naissance, mariage, décès), mais elle honore aussi avec la même ferveur les esprits, qu’il faut appréhender par des rituels, des pratiques dans  tous les aspects de la vie, en discernant les « Phis » bénéfiques et maléfiques, dont il faut demander l’aide ou se protéger, tout un monde « invisible » qui influe sur leur destinée, leur espace et leur temps.

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L’animisme et les esprits.

 

Nous ne pouvions que constater avec Pornpimol Senawong, dans son livre « Les liens qui unissent les Thaïs, Coutumes et culture », que l’animisme avec sa croyance aux esprits constitue le socle culturel fondamental commun à tous les Thaïs, et a une grande influence sur leur vie. Nous avions alors consacré dans un article intitulé « Notre Isan, bouddhiste ou animiste ? » (***) l’idée que pour beaucoup les deux « religions » coexistaient et que Bouddha prenait place parmi les autres esprits même s’il était au sommet du panthéon, le plus grand, le plus efficace pour parvenir à une vie meilleure.

 

En effet, la majorité des Thaïlandais « croit aux esprits, aux divinités résidant dans certains objets ou éléments de la nature, à de nombreux êtres spirituels qui contrôlent et agissent dans  différents aspects de l'environnement naturel et social. Ils savent ce qu’il faut faire pour vivre ce sacré et qu’ils ne peuvent accomplir aucun acte important de leur vie sans demander au préalable à un moine, ce qu’ils doivent faire ou/et quand ils doivent le faire (se marier, construire une maison, faire un voyage, etc …). Ils connaissent le rituel à suivre dans le calendrier, les cérémonies qui marquent  les étapes de leur vie et de leurs activités. Ils connaissent les endroits sacrés, qu’il faut honorer. Chaque village et/ou chaque province a d’ailleurs son arbre sacré, séjour d’un esprit, auquel on offre des sacrifices lorsque les pluies tardent par exemple.

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Le Culte des esprits ; les « Phi ».

 

Le culte des esprits est une croyance animiste très ancienne, on parle de "chai thé" génie, gardiens du sol, des champs, des arbres, des maisons ... Ils sont chargés de tenir éloignés les « Phi », les esprits malveillants.

 

Ainsi par exemple, chacun peut voir, en circulant, devant presque toutes les maisons, les maisons des esprits (san phra phum), ces maisons thaïes traditionnelles miniatures, destinées à abriter les Seigneurs des lieux, les pra phum (langue formelle) ou chao thi (langue populaire) chargés d’éloigner les mauvais esprits. On a soin (presque) tous les jours d’y offrir nourritures, boissons, encens et fleurs.

 

Certains n’hésitent pas à se protéger aussi en demandant aux moines de dessiner des symboles protecteurs  sur les murs de leur maison (ou le plafond de leur voiture). 

 

Il existe aussi des esprits diaboliques (phi) qui entrent en possession de personnes, surtout les fantômes issus d’une mort violente (phi thai hong) ou inexpliquée. On redoute surtout les femmes enceintes (phi tai hong tong klom) mortes  avec leurs foetus. » (Cf. Par exemple ****)  Mais les « Phi » sont nombreux.

 

Notre article « Nous vivons au milieu des « Phi » en Thaïlande. » en donne la définition et présente plusieurs types de ces êtres surnaturels. (Cf. Lien ***** )

 

Aujourd’hui le « phi », (un ou une puisqu’ils sont sexués) ;  เทพ thép ou เทวดา théwada (le mot vient du sanscrit) « celui qui brille », traduisons-le faute de mieux par « créature céleste ». Dans notre quotidien, un « phi » sera plutôt mauvais, tantôt fantôme, tantôt démon, tantôt mauvais esprit, mais pas toujours « pur esprit » puisqu’il leur arrive de se matérialiser, et un bon « phi » sera plutôt qualifié de théwada. L’article vous présentera : เจ้าผี chao phi  ( « le seigneur phi », tout autant phi que théwada

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 Dans l’imagination populaire, il vit dans des lieux isolés, forêt ou zone désertique, tous lieux peuplés d’autres phis le plus souvent néfastes.) ;  Les phi malfaisants, les plus connus : Phi Krasu ( ผีกระสือ) (C’est la pire, un véritable démon femelle, une vieille femme affreuse, équivalente de nos sorcières) ;

 

  

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Phi krahang ผีกระหัง (C’est le mâle de la phi krasu. On sait malheureusement peu de choses sur lui.) ;

 
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Phi phong ผีโพง (Ils sont de la même espèce que les précédents mais plus spécialement implantés dans le nord-ouest et dans le nord-est.) ;  

 
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les phi chamop (ผีชมบ) et les phi chakla (ผีจะกลา) ; 

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Certains phi régionaux comme le  Phi ka ผีกะ, phi de Chiang-maï et  le  Phipop ผีปอบ, phi du nord-est.  Les phi – fantômes : Ce sont les phi tai hong (ผีตายโหง), les phi tai thang klom (ผีตายทั้งกลม) et les phi dip ผีดิบ (Une personne qui meurt d'une mort violente deviendra phi tai hong et une femme qui meurt avec son enfant pendant l'accouchement va devenir phi tai thang klom. Habituellement le cadavre d'une personne décédée de mort violente n'était pas incinéré comme un cadavre ordinaire mais seulement enterrée et devenait alors phi dip.) 

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Le phi phrai ผีผราย, un fantôme maléfique (L'esprit d'une femme qui meurt pendant l'accouchement est appelée phi phraï et si l’enfant est mort, il devient également phiphraï.) ; 

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Le phi phret  ผีเปรต,  un phi vampire (Il en existe douze espèces) ; 

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Les phi  inclassables : le  ผีห่า phiha,  ผีป่า phipa, ผีกองกอย phi kong koi, le phi unijambiste ; ผีโป่งค่าง phi poang khang, le phi amateur de sel, ผีเรือน phi ruan, l’esprit de la maison (C’est le génie tutélaire de nos demeures, l’esprit de la maison.), etc.

 
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Ils sont donc nombreux et vivent parmi les hommes, invisibles ou matérialisés de façon différente, dans des lieux et des temps différents. Ils ont des agissements malfaisants, multiples et particuliers, qui nécessitent des pratiques et des rites différents pour s’en protéger ou s’en délivrer, dont une très populaire :

 

 

 

Le culte des amulettes.

 

 

 

Nous avions dans un article (In Isan 22*)  évoqué le fait que la grande majorité des Thaïs portent des amulettes ou se font tatouer des symboles protecteurs pour se protéger des mauvais esprits et/ou  pour avoir de la chance. Nous avions cité un extrait d’un  article intéressant de Loris-Alexandre Oviatto (Lien ******)  qui indiquait leurs multiples usages, non sans ironie :

« Une belle-mère récalcitrante, des examens à passer, une petite amie qui vous a quitté, des problèmes d’argent ou encore une récolte de riz qui s’annonce incertaine: il y a surement une amulette qui convient à votre situation.
La Thaïlande est le pays des amulettes. Accrochées au rétroviseur dans les taxis, dans les maisons ou portées en bracelet ou collier par les habitants du Royaume, on en trouve partout. Chaque Thaï en posséderait, d’une seule à plusieurs dizaines. Tradition séculaire, une amulette peut servir à se protéger des mauvaises choses de la vie, provoquer la chance, être invulnérable aux coups, augmenter sa force physique, ou bien encore attirer les personnes du sexe opposé… Si la croyance est là, on comprend pourquoi tant de personnes cherchent à en posséder.
 » Même s’il faut distinguer « les vulgaires "gris-gris" ou porte bonheur industriel que l'on peut trouver sur les marchés ou sur internet ou ailleurs, des amulettes authentiques, consacrées et chargées parfois pendant des mois par un maître initié à la puissante magie « Visha », en suivant 5 étapes : 1) Le chant de mantras puissants. 2) La danse traditionnelle d'adoration des Devas. 3) La supplication à Brahma et aux Devas. 4) Allumage de la bougie sainte. 5) Charge des amulettes avec le pouvoir de l'Esprit. (Cf. http://magie-thai.com/ )

 

 

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Mais authentiques ou non, dévoyées ou non,  croyance véritable ou superstition, les  Thaïlandais croient aux esprits, aux Phi et on les retrouve dans de nombreuses formes culturelles, comme par exemple :

 

Les contes et légendes, le cinéma, les médias, à l’école … 

 

Les exemples sont multiples, ainsi que leurs supports et nous n’en donnerons que quelques-uns.

 

Ainsi au tout début de notre blog (Art. 5), nous avions été étonnés qu’au moment  où la Thaïlande s’entredéchirait dans les rues de Bangkok en  mai 2010, on voyait le triomphe au festival de Cannes  du cinéaste thaïlandais  Apichatpong Veerasethakul, pour son film « Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures ». Un film certes peu vu en Thaïlande, mais qui indiquait l’intérêt porté par l’un de ses meilleurs réalisateurs pour les vies antérieures avec  l’apparition de l’épouse défunte devenue fantôme à la table de la famille ou le retour du fils disparu, évanoui dans la nature, et devenu singe aux yeux rouges brillants dans la nuit. Ce qui pouvait apparaître comme du cinéma fantastique, était –  notions-nous - l’expression « naturelle » d’une vérité vécue par les Thaïlandais avec le souvenir des vies antérieures, la réincarnation, le  voyage spirituel d’une âme en transit.

 

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De fait, les films et les séries de télévision de fantômes, de revenants,  sont très nombreux et très populaires en Thaïlande, même si un site comme  «  FuckGhost » suivi par plus de 200 000 internautes recense avec ironie les histoires de fantômes relayées dans les quotidiens nationaux,

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... ou si certains films « comme « Peek Mak », record au box-office revisite avec humour une « histoire vraie » qui a bercé tous les Thaïlandais dès l’enfance : Mak de retour de guerre reprend la vie conjugale avec le fantôme de sa femme Nak, morte en couches en son absence. Mais cette histoire dont l’origine remonte au roi Mongkut (Rama IV) reste très populaire ; rien que depuis 1959, on ne compte pas moins de 23 films, cinq feuilletons télé, 4 pièces de théâtre, un opéra et un album de musique. Un autel lui est même dédié dans un important temple de Bangkok.

 

Outre les films, les médias popularisent aussi les histoires de fantômes.(In article de l’Obs *******) Kapol Thongplab par exemple, un des présentateurs "Expert en fantômes", anime une émission de radio populaire, "The Shock", qui ouvre son antenne toutes les nuits aux auditeurs confrontés à des fantômes, chaque semaine de nombreuses émissions et/ou séries de télévisions mettent en scène des fantômes.

Il est d’ailleurs aisé d’un simple clic sur internet pour trouver des multiples légendes liées parfois à une région, un village, comme le mariage maudit (Rachaburi) , la jarre remplie d’or, Les mystères de la femme (Phetchaburi) le vacher et la princesse, la belle-fille volage (Lopburi), ( Cf.*******)  etc.

 

 

 

« vérité » de leurs croyances.  traditions ancestrales, leur culture, leur éducation, leurs médias, sont là pour légitimer la  leurs  monarchique,  et qu’il vaut mieux solliciter leur aide et leur protection, et se protéger des esprits malfaisants, pour avoir une vie meilleure. En tous cas, leur religion bouddhiste/animiste avec leurs lieux de cultes multiples, leur culte  Même si les Thaïlandais ont trouvé avec leur téléphone portable un autre outil magique, ou un moyen pour certains de contester l’ordre ancien et l’existence des esprits, ils sont encore majoritaires ceux qui savent que les esprits vivent parmi eux, agissent sur leur vie,

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Notes et références.

*Notre article. (1782-1809) )er116. Rama 1

http://www.alainbernardenthailande.com/article-116-rama-1er-1782-1809-122265066.html

 Nous pouvons aussi rappeler par exemple que Rama II (1809-1824) était un  poète raffiné protecteur des poètes, , destiné à récompenser ceux qui s’étaient illustrés au service du roi et du royaume ; que « Rama VI, écrivain, traducteur, journaliste, promoteur de la littérature au Siam.(Article 173) était « un roi par hasard, un écrivain par vocation ». Mais nous avons évoqué cela dans de nombreux articles. Dutsadïmâlâ fit graver sur des tablettes scellées aux murs du Wat Pho les principales œuvres de la littérature. » (Larousse) ; Que le roi Mongkut. (Rama IV). (1851-1868) était un roi très érudit ; Que Rama V (le roi Chulalongkorn)  avait « institutionnalisé »  la création artistique, notamment en créant un ordre honorifique, le de préserver les connaissances traditionnelles,avec une œuvre poétique importante, qu’il il continua entre autre l’adaptation pour le théâtre et pour la danse du Ramakian commencée par son père ; que Rama III « était soucieux

Cf. Aussi http://bangkokboogie.com/ramakien-mythologie-thaie/

**A215. LA LÉGENDE DES « SEPT DÉESSES DE SONGKRAN » (เจ็ดนางสงกรานต์) http://www.alainbernardenthailande.com/2016/05/a-215-la-legende-des-sept-deesses-de-songkran.html

20. Notre Isan : le bouddhisme thaïlandais et d’Isan ? ***

http://www.alainbernardenthailande.com/article-20-le-bouddhisme-thailandais-et-d-isan-78694128.html

21. Notre Isan : le bouddhisme thaïlandais et d’Isan ? http://www.alainbernardenthailande.com/article-20-le-bouddhisme-thailandais-et-d-isan-78694128.html

22 Notre Isan,  bouddhiste ou animiste ?

http://www.alainbernardenthailande.com/article-22-notre-isan-bouddhiste-ou-animiste-78694708.html

Article 35 Le bouddhisme est-il athée ?

http://www.alainbernardenthailande.com/article-a-35-le-bouddhisme-est-il-athee-79098567.html

**** Il  n’est pas de journaux, de magazines thaïlandais, de guides  qui ne signaleront ces « croyances », ces « superstitions » : « La Thaïlande, ses esprits et ses fantômesPatrick Aventurier (Gavroche, juin 2011). « Croyances : À la chasse aux fantômes ! »16 juin 2008), ou  (Thailander,

Patrick Aventurier dans le Gavroche de juin 2011, « Croyances : À la chasse aux fantômes ! » relate que :

« A Takhianran, au coeur de la province de Sisaket, le chagrin et le deuil ont laissé place à l’incompréhension et à la peur. Le décès d’une jeune femme de 25 ans, morte dans des circonstances inexpliquées, a plongé la communauté dans la psychose.

Convaincus qu’un fantôme est responsable de cette tragédie, les villageois vivent dans la crainte d’un nouveau drame. On redoute de marcher seul dans la rue à la nuit tombée, on jure l’avoir aperçu au détour d’une ruelle ou près de chez soi, on sent sa présence à chaque instant.
. ». Il nous décrit la cérémonie spectaculaire des femmes en transe, qui avec leur chamane, vont combattre le démon invisible, parfois pendant des jours …»Pour parer à la menace et chasser leur fantôme, les habitants de Takhianran ont commencé à confectionner des épouvantails avec les moyens du bord et à les installer devant leurs maisons » [ …] « 

*****A151. Nous vivons au milieu des « Phi » en Thaïlande.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-a150-nous-vivons-au-milieu-des-phi-en-thailande-123529919.html

****** In le site « Thaïlander » http://thailande-fr.com/author/bangkoknews du 16 mai 2011.

Loris-Alexandre Oviatto « Loin de l’aspect spirituel, les plus pragmatiques trouvent un autre type de protection dans l’achat d’une amulette : la sécurité de l’investissement. En effet, l’amulette est une valeur refuge typiquement locale, plus rentable et sécurisé qu’un placement bancaire, qui ne subit pas le cours de l’inflation et des troubles politiques, tout en étant soumise à aucune taxe, autant dire que le marché aux amulettes thaïlandais a de l’avenir. » », pour conclure :.« Une étude du Kasikorn Research Center en 2008 estime que le marché des amulettes représente 40 milliards de bahts par anrappelait :

******* Article de l’Obs, mais ils sont nombreux  à traiter des fantômes au cœur de la vie moderne en Thaïlande.

http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20150202.AFP7395/les-fantomes-au-c-ur-de-la-vie-moderne-en-thailande.html

Cf. Un exemple : Le village de Takhianran, situé dans l’est du pays, vit dans la crainte d’un esprit malin depuis le décès inexpliqué d’une jeune femme. En Thaïlande, la chasse aux fantômes est un sujet avec lequel on ne plaisante pas. http://www.gavroche-thailande.com/actualites/reportages/1630-croyances-la-chasse-aux-fantomes

Contes et légendes, histoires de fantôme thaïlandais : Mae Nak, le fantôme amoureux http://theo-courant.com/contes-et-legendes-histoires-de-fantome-thailandais/

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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16 novembre 2016 3 16 /11 /novembre /2016 22:05
INSOLITE 3. BRAHMANISME ET BRAHMANES EN THAÏLANDE ?

Cet article reprend quelques idées d’articles antérieurs pour se recentrer sur le sujet traité.

 

Nous avions été surpris en découvrant dans notre première lecture des « Royales chroniques d’Ayutthaya » traduites par Cushman*, que la cérémonie d’intronisation des nouveaux rois, comportait des rites brahmaniques, la présence de brahmanes à la Cour dont certains avaient une grande influence dans les décisions prises par le roi, et que les titres attribués au nouveau roi intronisé le considéraient non seulement comme le Maître des Dieux,  le seigneur des dieux sur terre ,  le seigneur de la création , le Dirigeant des Rois, l’incarnation de  L'Omniscient et Originel Bouddha, de Asoka « le Maître des Trois Mondes »,  mais aussi de Rama, de Suprême Shiva, du «  Génial et Brillant Agni », et de Brahma « Conquérant du Monde », etc.

 

INSOLITE 3. BRAHMANISME ET BRAHMANES EN THAÏLANDE ?

De fait, la lecture de l’article  de Alain Forest in Le processus traditionnel de légitimation du pouvoir royal dans les pays de bouddhisme theravâda, confirmait que si l’accession au trône ne pouvait se comprendre  que dans le cadre mythico-religieux du bouddhisme theravada, des hommages étaient rendus à Brahma, Shiva, Vishnou, et que la cérémonie d’intronisation suivait un rituel brahmanique dirigé par des brahmanes. ** 

 

Cérémonies de couronnement du roi Vajiravudh en 1926 :

INSOLITE 3. BRAHMANISME ET BRAHMANES EN THAÏLANDE ?

Bref, nous avions été surpris par ce pouvoir accordé aux brahmanes dans un royaume que l’on présente comme un royaume bouddhiste. Nous avons alors cherché les raisons de ce pouvoir et de cette présence auprès des rois du Siam, sachant que l’Histoire devait nous en donner la clé.

 

Nous savions déjà que bien avant l’arrivée des Thaïs dans ce qui deviendra le Siam, la culture indienne s'était répandue en Asie du Sud-Est, d’autant  plus facilement, comme le dit Paul Mus  que l'Inde partageait avec ces peuples un fond commun pré-aryen, qui avait bien des analogies avec  cette culture, et que les moines « indiens » intégraient les divinités locales à leur panthéon.

INSOLITE 3. BRAHMANISME ET BRAHMANES EN THAÏLANDE ?

Et beaucoup de ports, de villages et groupes de villages, profitant de la  « nouvelle » richesse provenant de l’Inde ou de Chine, vont être sensibles avec ce qui pouvait apparaître comme une « modernité », une nouvelle source de prestige : une religion, une langue, une « science », un modèle « politique » et culturel …

 

En Inde, comme dans les nouvelles cités qui vont s’indianiser, les chefs comme les élites vont se rendre compte du profit qu’ils peuvent retirer du prestige des brahmanes. Il s’agit toujours de justifier son pouvoir et ses privilèges, de légitimer son nouveau rang. Et quoi de plus grand pour un Roi (ou un Chef) de devenir une incarnation d’une divinité hindou ou de Bouddha, avec le respect « sacré »  qu’il impose.

 

S’il est difficile de retracer l'histoire et les mécanismes de l'indianisation de la péninsule indochinoise selon les spécialistes, on sait que l’indianisation de cette Région (qui correspond au Viêt Nam,  au Cambodge, à la Birmanie et au centre de la Thaïlande actuels) s’est confirmée, après la formation de cités/Etats de type indien, comme le Champa, le Fou-nan, le Sri Ksetra, et le Dvaravati, du IIème au VIIème siècle.

 

Territoire du Dvaravati :

 

INSOLITE 3. BRAHMANISME ET BRAHMANES EN THAÏLANDE ?

(Cf. *** Notre article 6 intitulé «Les États indianisés avant l’arrivée des Thaïs » présente quelques données sur la formation de cités/Etats de type indien, (le Champa, le Fou-nan, le Sri Ksetra, et le Dvaravati) et leur évolution.)

 

Au milieu du VIème siècle,  le Tchen-la absorbait le Fou-nan. De nombreux Môns du Fou-nan émigrent alors et viennent renforcer des villages et établir un certain nombre de cités-états môns  au sein de la culture dite de Dvaravati, qui s'étendaient dans la baie de Bangkok et la plaine centrale.

 

Après la réunification des deux  royaumes khmers de Tchen-la  au début du IXème siècle par Jayavarman II (802-850), l’empire khmer va s’étendre, avec évidemment bien des conflits et des guerres (Cf. On pense par exemple aux Chams qui avaient mis à sac Angkor en 1177, et l’avaient occupé jusqu'en 1181),  pour devenir le royaume dominant de cette Région du IXème au XIIIème siècle, pour décliner ensuite.

INSOLITE 3. BRAHMANISME ET BRAHMANES EN THAÏLANDE ?

Il va à l’ouest intégrer l’état Môn de Hariphunchai (aujourd’hui au centre de la Thaïlande) et certaines zones frontalières du royaume de Pagan, en vassalisant certaines « tribus » thaïes au Nord, en annexant à l’est plusieurs provinces du Champa, au sud jusqu’au royaume malais de Grahi (correspondant à peu près à l’actuelle province thaïlandaise de Nakhon Si Thammarat) et enfin au nord en poussant jusqu’au sud du Laos.  

 

Mais nous étions dans les généralités et ne savions rien des conquêtes khmères au Siam, ni comment s’exerçaient leur pouvoir, leurs relations avec les pouvoirs locaux en place ; Aucune date, aucun nom de batailles, de généraux, de gouverneurs khmers ; Aucun vestiges de garnisons découverts. Et pourtant ils devaient être bien nombreux si l’on en juge  par les nombreux temples khmers bâtis dans  de nombreuses provinces thaïlandaises et principalement au nord-est, la vallée de la Mun et les provinces de Nakhon Ratchasima, Buri Ram, Surin et Ubon Ratchathani. Dans cette seule vallée, on estime que les Khmers ont construit plus de 300 temples, dont Phimai, qui était relié à Angkor, au sud, par une « voie royale » longue de 225 kilomètres.

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On ne va pas ici retracer l’histoire de l’Empire khmer, mais on sait que la civilisation khmère fut fortement influencée par la culture indienne, et que les religions officielles furent successivement l'hindouisme, le bouddhisme mahayana et enfin le bouddhisme theravada qui s’est  progressivement imposé à côté de l’adoration de Shiva et d’autres divinités hindouistes tout en cohabitant avec le culte du Dieu roi, introduit  par Jayavarman II au IXème siècle. Le roi représentait alors Shiva, un des dieux de la trinité brahmaniste (Brahma, Vishnu, Shiva).

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L’histoire de l’empire indique des allées et retours pour la prédominance de la religion officielle entre l’hindouisme et le bouddhisme ; avec  la présence de nombreux Indiens, lettrés, artistes et brahmanes à la cour d’Angkor.  Mais on peut se souvenir par exemple que la perle d’Angkor, Banteay Srei, sera fondé en 967 par le brahmane Yajnavaraha, guru du futur Jayavarman V et que le temple d’Angkor Vat édifié après 37 années de construction vers 1130 est dédié au dieu Vishnou ; que le dernier grand roi d’Angkor Jayavarman VII, adepte du bouddhisme mahayana, construisit le Bayon, avec ses tours de pierre symbolisant des visages monumentaux du Bodhisattva Avalokitesvara ; que Jayavarman VIII successeur en 1243 à Indravarman  fut adepte de Shiva et imposa un retour à l’ancienne religion de l’empire. Il convertit de nombreux temples bouddhistes en sanctuaires hindouistes, mais son gendre Indravarman III qui le dépose, sera lui un fidèle du bouddhisme theravada, qui s’imposera rapidement dans toute la région.  (Cf. ****)

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On peut donc facilement comprendre que les muang thaïs installés dans la région de Sukhotaï et vassaux de l’Empire khmer subirent ces différentes influences et que les deux princes thaïs, Pha Muang et Bang Klang Hao, qui se révoltèrent en 1238, pour  chasser le gouverneur khmer et fonder le premier royaume thaï héritaient du modèle de la société khmère avec ses bonzes et ses brahmanes et d’une langue, le sanscrit, (langue sacrée de l’hindouisme et du bouddhisme). Bang Klang Hao devenait d’ailleurs le roi de Sukhotai sous le titre brahmanique de Sri Indraditya.

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Au Nord, le roi Mangrai en 1262, fondait Chiang Rai, la première capitale du royaume thaï du Lan Na, et en 1287 les rois thaïs  de Sukkhotai, de Lan Na et de Phayao formaient la première grande alliance contre les menaces des Birmans et des Mongols …

 

Mais nous n’apprendrons rien sur la présence des brahmanes à la Cour des rois de Sukhotai (1238-1438), tant  les sources sur ce royaume sont minimes, parcellaires, incertaines. Même le grand historien thaï, le Prince Diskul (1923-2003), 

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... dans sa présentation de ce royaume sera dans les  « sans doute », « on pense que », « environ », « Probablement »  « semble-t-il » : « Selon les recherches les plus récentes, « on pense que » neuf rois régnèrent successivement à Sukhothai, de 1240 à 1438 « environ ». Le plus célèbre est « probablement » Ram Khamhaeng le Grand, troisième souverain de la dynastie. » 

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Le Prince, comme d’autres, était  réduit à la fameuse stèle de Ramkhamhaeng de 1292, « trouvée » par le roi Mongkut en 1833, pour donner des informations  sur son règne, ses qualités, ses faits d’armes,  son administration, ses valeurs, sa puissance, la liste des vassaux,  etc. Et qu’on observe dans son royaume les préceptes  de Bouddha, qu’on suit le calendrier, le cérémoniel et les rites  bouddhistes. Mais rien sur les brahmanes.

 

(Cf. ***** Liens de nos articles sur « La stèle de Ramakhamhèng) »

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Il faudra donc attendre la lecture des « Royales chroniques d’Ayutthaya » traduites par Cushman, pour apprendre la place et les rôles joués par les Brahmanes auprès du roi et à la Cour, en sachant que cette histoire laisse dans l’ombre de nombreux rois et de nombreuses périodes. (Le 1er chapitre, avec 23 pages couvre  15 rois sur une période de 197 ans de 1351 à 1548 ; et que seulement 8 rois sur 33, ont droit à un chapitre avec leur nom, dont 66 pages au héros national, le roi Naresuan (1590-1605), qui redonnera son indépendance au royaume d’Ayutthaya en 1584, et 86 pages pour le roi Naraï (1657-1688) ) ; et qu’elles n’offrent le plus souvent qu’une chronologie incertaine ... 

 

 

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... passant d’un événement à l’autre sans transition, sans préciser les causes, les enjeux, le contexte géopolitique, noyant la relation au milieu des rêves, prophéties, interprétations des auspices et augures, rites parfois,  ou de nombreuses pages consacrées à la description des processions de départ à la guerre (ordonnancement, rangs et couleurs, et  musique, le nom des généraux avec le nom de leurs éléphants), les longues descriptions de cérémonies religieuses, de festivités (couronnement ou hommages rendus par les vassaux), de constructions ou inaugurations de temples ou statues du Seigneur Bouddha, sans oublier le rappel incessant des noms et titres des protagonistes.

 

De fait, nous pouvons dire que les Chroniques sont essentiellement là pour démontrer la légitimité du roi en place, religieuse et politique, sa gloire, sa puissance, sa magnificence, sa générosité … » où  la divination, le symbolique, le rituel, le cérémonial tiennent une place essentielle.

 

Nous avons consacrés trois articles sur ces processus de légitimations, aidés par les articles de Louis Gabaude (Cf. ** Articles 92, 93, 94), pour découvrir que la date de couronnement est donnée par les brahmanes attachés à la Cour et que la cérémonie est conduite par le rituel brahmanique.  

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Elle exprime la volonté du nouveau pouvoir d’être intronisé le jour et à l’heure précis, voulus par les dieux et les astres, ainsi par exemple pour la « naissance » sacrée de la ville d’Ayutthaya, le « On friday, the 6th day of the waxing moon, 5th month, at 3 O’ clock and 50 minutes », ou la cérémonie d’intronisation du 1er roi : « En l’an 712 (une année du Tigre), au sixième jour du premier croissant du cinquième mois, un vendredi, à trois nalika et neuf bat après le lever du soleil - soit le vendredi 4 mars 1351, peu avant dix heures du matin - » ou encore pour la cérémonie d’intronisation du roi Naraï « 1018 of the Era, a year of the monkey, eight of the decade, Thursday, the second day of the warning moon, at two nalika in the afternoon ». Le titre du roi est attribué lors de cette cérémonie, montrant la lignée religieuse et prestigieuse, un dhammaraja, un roi selon la Loi bouddhique, mais aussi nous l’avons dit, représentant les dieux indiens, comme  Rama, le Suprême Shiva, le «  Génial et Brillant Agni », et Brahma le « Conquérant du Monde.  

INSOLITE 3. BRAHMANISME ET BRAHMANES EN THAÏLANDE ?

D’autres formes de légitimation viendront renforcer la fonction royale, avec certes les multiples hommages rendus à  Bouddha, la construction de temples, le pèlerinage annuel à  « L’Empreinte du pied de Bouddha », mais aussi avec les commandes royales de statues de Shiva et de  Brahma, ou encore le rôle  symbolique et politique attribués à la capture d’un éléphant blanc accordant mérites au roi et pouvoir sur ses vassaux. (L’éléphant est la monture d’Indra, qui au sein du védisme ancien, est le dieu guerrier invaincu, et seigneur des .hommes. Il représente un symbole du pouvoir royal. La découverte d’un éléphant blanc est toujours interprétée par les devins de la Cour comme un avènement heureux qui assure prestige, puissance, prospérité au roi et au royaume. Cf. in art. 95, comment le roi Chakkraphat (1549-1568) reçut  le titre de « seigneur des éléphants » par les prêtres du culte brahmanique et les chefs des religieux bouddhistes, unis aux grands mandarins du royaume, et pourquoi il dût faire la guerre au roi birman  Hongsawadi pour lui avoir refusé  deux éléphants blancs ». Depuis, « l’éléphant blanc « a toujours été présent dans l’histoire du pays ; Il fut le drapeau, symbole de la dynastie Chakri jusqu’en 1916 et est encore présent sur le drapeau de la marine de guerre.

INSOLITE 3. BRAHMANISME ET BRAHMANES EN THAÏLANDE ?

Les prêtres brahmanes et la divination.

 

Dans notre article 95, nous avions aussi mentionné que rien ne peut se faire d’important dans le royaume et dans la vie de chacun, sans avoir consulté les auspices, sans avoir recours à un prêtre-devin. Nous sommes dans un monde  sacré, où des forces du mal et du bien s’affrontent, où les planètes agissent, où des dieux interviennent dans le destin des humains et  dans les phénomènes naturels. Il faut savoir interpréter.

 

Les prêtres brahmanes ont cette fonction à la cour des rois du Siam. Ainsi - nous l’avons vu - ils décident du jour et de l’heure de l’intronisation du nouveau roi et de la cérémonie des funérailles du précédent roi décédé, mais aussi pour tous les actes royaux importants : l’installation d’une statue (Shiva, Brahma, Bouddha) que le roi a commandée, un pèlerinage à l’empreinte du pied de Bouddha à Saraburi, une visite royale dans une cité, la réception d’un éléphant blanc, une guerre, etc … Les Chroniques royales, si imprécises de par ailleurs, donneront la date et l’heure à la minute près, choisis par les brahmanes, de « l’événement » royal à venir.

INSOLITE 3. BRAHMANISME ET BRAHMANES EN THAÏLANDE ?

Mais les Chroniques montreront aussi que ce pouvoir n’est pas réservé aux seuls brahmanes. Ainsi le roi Naraï, lors de la guerre contre les Birmans de 1662 (?), fait appel à Phra Phimon Tham, le royal abbé du monastère de la Cloche, pour connaître le sort de son phraya Siha Ratcha Decho qui a été capturé par les Birmans, pour savoir s’il est mort ou vivant. On apprendra aussi que ce même phraya Siha Ratcha Decho, enchainé, avait examiné le jeu des nuages et des ombres, pour y lire un bon présage. Il lut alors un mantra bouddhiste qui lui permit de se libérer de ses chaines, de s’évader, et de vaincre. Le roi reçut cette bonne nouvelle pendant qu’il discutait avec le royal abbé, Phra Phimon Tham. Il en fut heureux et fit alors l’éloge de l’abbé, en déclarant que celui-ci avait prédit ce qui était impossible à trouver.

 

Mais M. l’Abbé de Choisy  dans son « Journal de voyage au Siam » indiquait que le roi Naraï savait aussi « composer » avec leur pouvoir et leur influence :

 

« Le jour est pris à jeudi 18 de ce mois (octobre). Les astrologues assurent qu’il fera beau ; on dit qu’ils ne se trompent presque jamais. Il y a pourtant douze ans que le roi ayant marqué un jour pour couper les eaux, il plut, et tous les beaux ballons furent gâtés. Les astrologues en furent chassés, et depuis on n’a pas fait la cérémonie. Les missionnaires sont venus là-dessus et ont prouvé que c’était une superstition. Le roi allait commander aux eaux de se retirer de dessus ses terres et les talapoins ne l’y faisaient aller que quand ils voyaient que les eaux s’allaient retirer, ce qu’ils connaissaient à une certaine marque. »

INSOLITE 3. BRAHMANISME ET BRAHMANES EN THAÏLANDE ?

Il n’empêche que « L’ambassade siamoise de Kosapan à la cour de Louis XIV en 1686, vue par les « Chroniques royales d’Ayutthaya », raconte « sérieusement » un récit fabuleux, fantastique, magique, surnaturel, mais bien « réel » pour l’ambassadeur Kosapan ; où un habile astrologue avec force bâtonnets, cierges, offrandes et méditations, les sauve de la mort éminente lors d’un cyclone. Où les ambassadeurs siamois déclarent à Louis XIV, lors d’une  démonstration militaire, que  leurs soldats ont des qualités oh combien, supérieures, puisque certains sont invincibles, avec la faculté de se rendre invisibles, d’autres invulnérables, car les coups qu’ils reçoivent demeurent inoffensifs. « Le lendemain, en présence du roi Louis XIV, 16 soldats siamois furent munis de talismans gravés de sentences magiques par l’astrologue et s’assirent devant les 500 soldats français à qui on ordonna de tirer, mais aucune balle ne sortit des mousquets. Après avoir festoyés, l’astrologue proposa alors une autre démonstration, où les balles pourraient partir. Mais si les balles partirent, certaines tombèrent au pied des tireurs, ou pas très loin, et d’autres devant les Siamois assis, et aucun soldat siamois ne fût touché. » (Cf.****** lien de notre article 97)

INSOLITE 3. BRAHMANISME ET BRAHMANES EN THAÏLANDE ?
Etions-nous encore dans l’hindouisme, le brahmanisme ou le bouddhisme ?

 

Nul doute que ces religions ou « visions du monde » s’imbriquaient et que le pays qui se veut bouddhiste avait  intégré (« thaïsé » ?)  la mythologie hindouiste, comme le montre le « Ramakien », la version thaïe du Ramayana, qui raconte l’épopée de Rama, un roi de l’inde antique ayant vécu 20 siècles avant notre ère, considéré comme le 7ème avatar (incarnation d’une divinité sur terre) de VishnouVishnou étant lui-même l’une des trois divinités suprêmes, avec Brahma et Shiva.

INSOLITE 3. BRAHMANISME ET BRAHMANES EN THAÏLANDE ?

Ou bien encore Garuda « homme-oiseau fabuleux de la mythologie hindouiste et bouddhiste. Il est l'emblème de la monarchie en Thaïlande ; un drapeau jaune frappé d'un Garuda rouge (appelé en thaï Khruth ครุฑ) flotte sur le palais quand le roi est présent. Il est aussi considéré comme un emblème national, puisqu'il orne les bâtiments officiels, le passeport et les billets de banque. »

INSOLITE 3. BRAHMANISME ET BRAHMANES EN THAÏLANDE ?

Bref, si le bouddhisme est bien la religion de la nation, l’hindouisme est toujours présent et joue encore un rôle important dans de multiples manifestations de la vie du royaume et des Thaïlandais.

 

De la question « Brahmanisme et brahmanes en Thaïlande ? », surgissait une évidence : l’hindouisme (et ses avatars) est partie intégrante de la culture et de l’esprit thaïlandais, avec ses croyances, sa littérature, son quotidien … Ce sera notre prochain article.

INSOLITE 3. BRAHMANISME ET BRAHMANES EN THAÏLANDE ?

Liens.

 

*The Royal Chronicles of Ayutthaya: A Synoptic Translation Cushman, Richard D. & Wyatt, David K., 8.2 x 11.4", 556 pp., paper, Bangkok, 2000

 

**92. Le processus de légitimation du pouvoir du roi Naraï, in « Les Chroniques royales d’Ayutthaya ».

L. Gabaude « 1.3. Les légitimations secondaires : stupa, images et ordination royale », in  « Revue d’études comparatives Est-Ouest », Vol. 32, n°1 (mars 2001), pp.141-173

http://www.alainbernardenthailande.com/article-92-le-processus-de-legitimation-du-pouvoir-du-roi-narai-in-les-chroniques-royales-d-ayutthaya-119264251.html 

Alain Forest, « Le processus traditionnel de légitimation du pouvoir royal dans les pays de bouddhisme theravada », Journal des anthropologues [En ligne], 104-105 | 2006. URL : http://jda.revues.org/496

 

5. « Notre » Histoire de la Thaïlande : l’ indianisation de la Thaïlande avant les Thais.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-5-l-indianisation-de-la-thailande-avant-les-thais-91724671.html

***6. Les États indianisés avant l’arrivée des Thaïs.

http://www.alainbernardenthailande.com/article-6-les-etats-indianises-avant-l-arrivee-des-thais-91725700.html

Paul Mus, « Les cultes indigènes et indiennes au Champa », Bulletin de l’École Française d'Extrême-Orient [BEFEO], no 33/1, 1933, p. 367-410 (lire en ligne [archive])

INSOLITE 3. BRAHMANISME ET BRAHMANES EN THAÏLANDE ?
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27 octobre 2016 4 27 /10 /octobre /2016 05:46
INSOLITE 2 - LE DOCTEUR CHIRAC A-T-IL GUÉRI LE « MAL DE SIAM »  (MAL NOMMÉ) ?

Des « sueurs de sang dans la fièvre jaune » ont été observées dans les premiers temps de l’établissement des Français aux Antilles, en 1627 dans l'île appelée, Saint-Christophe ...

INSOLITE 2 - LE DOCTEUR CHIRAC A-T-IL GUÉRI LE « MAL DE SIAM »  (MAL NOMMÉ) ?

(aujourd’hui État de Saint-Christophe-et-Niévès), huit ans après à la Martinique et à la Guadeloupe et plus tard à Saint Domingue, la perle de nos « iles à sucre ». L'un de nos premiers voyageurs aux Antilles, le R.P Labat, débarqué à la Martinique le 29 janvier 1694, parlant du « mal de Siam », dit «  souvent, il survenait un débordement de sang par tous les conduits du corps, et même par les pores ». Plus loin, racontant l'histoire d'un jeune homme atteint du « mal de Siam » en avril 1695, et qu'il venait d'administrer, il continu ainsi :« Ce qu'il y eut de particulier chez ce malade, c'est qu'environ deux heures avant de rendre l'esprit, et lorsqu'il semblait que son corps devait être épuisé de sang, il lui en vint une sueur si forte, si abondante, qu'on eût pu croire qu'on lui piquait tout le corps avec des aiguilles; car, non-seulement le sang sortait comme l'eau sort des pores dans les sueurs extraordinaires, mais il jaillissait comme il jaillit de la veine quand elle vient d'être piquée par la lancette » (1).

 

Louis XIV signa à Fontainebleau le 25 juillet 1708 l’« Ordonnance concernant les précautions à prendre pour éviter la communication des maladies contagieuses, et notamment de celle de Siam » : « S. M. étant informée des désordres que la maladie de Siam a causés jusques à présent dans les îles de l’Amérique qui sont sous son obéissance, et qu’on peut espérer d’éviter ses fréquents renouvellements, en apportant les précautions nécessaires pour empêcher qu’elle se forme et communique des bâtiments dont les équipages en sont attaqués à d’autres, et en donnant les soins qui conviennent pour en arrêter les suites; et voulant y pourvoir,  elle a ordonné et ordonne ce qui suit… ». Ce règlement prescrivait des mesures sanitaires détaillées pour contrôler les navires et tout particulièrement « Les bâtiments faisant la traite des nègres, étant les plus sujets à la maladie… » (2).

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Quelques dizaines d’années plus tard, « L’encyclopédie » de Diderot et d’Alembert parle encore de « mal de Siam » : « …Au Cap et à la Martinique, on y donne le nom de maladie de Siam à certaines espèces de fièvres continues, ardentes, qui attaquent les nouveaux débarqués dans ces pays et qui, outre les symptômes ordinaires, sont accompagnés d’hémorragies plus ou moins abondants par différentes parties du corps. Ces symptômes sont plus fréquents pendant les chaleurs brulantes de l’été que les autres saisons… Du reste, il ne paraît pas que ces fièvres soient plus dangereuses que les autres…  (3)

 

Dès le début de l’arrivé des européens aux Amériques diverses fièvres « putrides et pestilentielles » exercèrent sur eux de terribles ravages, plus d’ailleurs sur les Européens que sur les nègres comme on disait alors. Initialement, la maladie n'est pas bien délimitée, souvent confondue avec la peste depuis l’arrivée de Colomb en 1493 jusqu’à l’occupation des Antilles dans le premier tiers du XVIIème siècle.

 

Par la suite et jusqu’à l’ordonnance de 1708, la maladie est mieux connue, on l‘appelle « mal de Siam », parce que l'on crut, alors, qu'elle avait été transportée à la Martinique par la frégate « l’Oriflamme » venant du Siam. A ce moment cependant elle faisait des ravages dans toute la mer des Antilles. On reconnaissait nettement son caractère contagieux et on savait la distinguer clairement d’autres fièvres « putrides et pestilentielles » (4). La maladie sera ensuite bien distinguée avec précisions de toutes les autres putrides fièvres tropicales, et de « mal de Siam », « Vomito negro » (l’un des symptômes) 

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... ou parfois « maladie des nègres de Guinée », deviendra la fièvre jaune (5).

 

Nous voilà replongés dans notre épopée siamoise à la fin du XVIIème siècle et sa désastreuse liquidation. En janvier 1688, « l’Oriflamme » quittait Brest avec des lettres de Louis XIV pour Desfarges et Du Bruant, qui pourraient compter désormais sur l'arrivée annuelle des vaisseaux du roi. Deux cents soldats étaient à bord pour la relève de nos garnisons. II arriva au Siam en septembre, à temps pour coopérer non pas à la relève, mais à l'évacuation de notre petit corps expéditionnaire. Notre influence au Siam était ruinée. 

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De retour en France après avoir laissé les rescapés de l’expédition dans un port, probablement Rochefort, la frégate repart pour les Antilles (6). Elle effectue une escale à Pernambouc au Brésil ou la maladie sévissait depuis 1686 ou 1687, bien reconnue comme la véritable fièvre jaune (« vomito negro ») telle qu'elle est de nos jours (7). 

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Elle atteint la Martinique en 1694 avec le mal dans ses flancs. Du reste, qu'à la Martinique on l'ait appelée « mal de Siam », puisqu'elle était apportée par des gens venant de Siam, fort bien; mais au Brésil avait-elle le même nom ? Était-elle réellement venue de Siam au Brésil ? Le père Tachard, l'abbé de Choisy, M. de Chaumont, Laloubère, Desfarges, d'Orléans, Dechalles, Kaempfer lui-même, ne l'ont point observée dans son pays natal. Ils n'en parlent pas; et leur silence sur un fléau si meurtrier prouve assez qu’il n'y existait pas de leur temps… celui où le mal prétendu de Siam se montra pour la première fois aux Antilles.

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Nous avons donc une certitude, c’est que le mal de Siam n’est pas venu du Siam.

 

Notre propos n’est évidemment pas de disserter sur une maladie tropicale, nous n’avons aucun compétence pour cela, mais une fois éliminée l’hypothèse d’un qualificatif négatif sinon injurieux, de rappeler en quelques lignes quelques détails insolites.

 

D’où vient le « mal de Siam » ?

 

Il est acquis par les recherches modernes ayant conduit à la découverte du vaccin dans les années 30 que le mal provient d’un moustique africain infecté qui vit dans les forêts tropicales, 

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.... transmets le mal aux singes, les singes à l’homme puis l’homme à l’homme. Ni cette espèce de singes, 

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.... ni cette espèce de moustique ne sont connus des forêts tropicales d’Asie. Le passage d’Afrique en Amérique s’est très certainement effectué par les navires négriers comme le sous-entend l’ordonnance de 1708 ou le qualificatif alors utilisé dans d’autres ouvrages de l’époque de « mal des nègres de Guinée ». On sait dans quelles conditions ces malheureux effectuaient le passage : « … il suffit de rappeler que, dans plusieurs occasions, on a saisi des négriers dans lesquels les esclaves se roulaient au milieu de leurs ordures. De là, pourriture du bois, du goudron, et de tout ce qui est de l'intérieur du navire, et production d'un foyer d'infection qui ne s'éteint qu'après avoir parcouru tous les degrés de la décomposition putride… Les armateurs voulant gagner beaucoup d'argent encombrèrent l'entrepont et la cale d'esclaves, ne leur permettant pas même de monter sur le pont pour satisfaire leurs nécessités, et les enchaînèrent par groupes dans lesquels, si un homme venait à mourir, les survivants avaient souvent à rester un jour ou plus, près du cadavre (8).

INSOLITE 2 - LE DOCTEUR CHIRAC A-T-IL GUÉRI LE « MAL DE SIAM »  (MAL NOMMÉ) ?

Pouvait-on en réchapper ?

 

Il pouvait selon la plus ou moins grande virulence des épidémies y avoir entre 20 et 50% de rescapés. Les premiers frappés, ce sont évidemment les européens « nouveaux débarqués », les plus faibles, vieillards ou enfants, non habitués aux rudesses du climat tropical. Le mal frappe plus volontiers les européens que leurs esclaves : lors de la désastreuse expédition du général Leclerc à Saint-Domingue en 1802, beaucoup plus de la moitié du corps expéditionnaire fut anéantie par la maladie (208 officiers sur 300, même proportion dans la troupe) alors que celle-ci ne touchait pas les esclaves révoltée de Toussaint Louverture (9). 

INSOLITE 2 - LE DOCTEUR CHIRAC A-T-IL GUÉRI LE « MAL DE SIAM »  (MAL NOMMÉ) ?

Il y a des raisons d’évidence : tout d’abord la population d’origine africaine ou fraichement débarquée porte en elle les gènes multimillénaires de la vie sous les tropiques. On peut ensuite supposer que, compte tenu des conditions du transport ou de leur vie sur place, il ne subsistait que les plus robustes. Il en est un autre qui ne semble pas à ce jour avoir fait l’objet d’une étude scientifique : Depuis que Bertrand d'Ogeron avait fait au milieu du XVIIème siècle d’un repère de flibustiers – Saint Domingue -  

 

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... la plus prospère de nos colonies jusqu’à l’indépendance d’Haïti en 1803, 800.000 esclaves y furent débarqués (10). Sur cette population combien de « quimboiseurs » avaient conservé de générations en générations la science occulte de leurs grands-parents, que les marchands de bois d’ébène raflaient sur les côtes de Guinée ? S'ils guérissaient avec des plantes de la fièvre jaune ou en atténuaient au moins les effets, ils n’avaient aucune raison d’en transmettre le secret à leurs maîtres, 

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... ils savaient également aussi supprimer savamment leur ennemis ce qui envahit tellement les esprits qu'une ordonnance royale de Louis XV du 30 avril 1764 portant règlement pour l'exercice de la chirurgie, dans les différentes colonies françaises refusait même aux mulâtres affranchis d'exercer la profession de médecin ou d'apothicaire (11). La sanction de ce que l’on appelle le « code noir » de 1685 (12) avait de quoi décourager nos magiciens-sorciers-guérisseurs puisqu’on les brûlait tout vifs afin de leur donner sur terre un avant-goût du purgatoire. Ne nous attardons pas sur cette « médecine » traditionnelle qui aurait pu venir d’Afrique et épargner au moins partiellement les esclaves, relevant d’une connaissance approfondie des substances que l’on trouve dans les plantes et de leurs divers pouvoirs curatifs, feuilles, graines, tiges, d’écorces, racines ou des substances animales ou des minéraux sont également employés. Si l’on en croit l’OMS, 85 % des Africains lui feraient confiance, à tort ou à raison, nous ne pouvons en juger. La question que nous allons nous poser est maintenant de savoir si les médications utilisées chez nous proviennent d’une étude approfondie de Galien, de Celse ou d’Hippocrate ou si nos « guérisseurs » ont eu directement ou pas accès à cette médecine traditionnelle assurément millénaire ?

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Les remèdes

 

Nous trouvons une première recette, un lavement d’une décoction de jus de citron et d’ « eau de casse ». La casse, c’est le séné qui a ou aurait des vertus purgatives mais le « mal de Siam » n’est pas la constipation. 

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Lavements et saignées étaient les deux remèdes miracle des Diafoirus de l’époque de Molière. On connait leurs exploits. 

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« L’Encyclopédie » (3) conseille les saignées, les antiphlogistiques (Anti-inflammatoire, probablement à base d’opium ?), les tisanes nitreuses émulsionnées (acides ?) les boissons acides (nous retrouvons le jus de citron), en un mot sur tous les rafraîchissants. Là encore nous ignorons le résultat de cette médication sur le terrain.

 

La première recette expérimentée sur le terrain est celle du docteur Pierre Chirac qui a eu le courage de l’expérimenter sur lui-même.

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Qui est-il ? Personnage controversé s’il en fut, plus connu pour ses ambitions personnelles que pour ses apports à la science médicale disaient ses détracteurs, mais les avis sont partagés, il est la gloire de la médecine française de la seconde moitié du XVIIème et des premières années du XVIIIème (13). « Ses ouvrages ne justifient pas l’immense réputation qu’il eut de son vivant » dit Larousse qui a parfois la dent trop dure. Originaire de Conques dans l’Aveyron, né en 1650, il enseigne la médecine et l’anatomie à la faculté de Montpellier, il est nommé médecin des armées de Catalogne en 1692 où il guérit une épidémie de dysenterie. En 1694, il est appelé à Rochefort-sur-mer où sévit une épidémie de « fièvre pestilentielle » que l’on reconnait comme avoir été le « mal de Siam » venue de tout évidence ou d’un navire négrier ou d’un navire venu des Antilles (14) ? Il déploie incontestablement un dévouement et un courage au-dessus de tout éloge. Persuadé que l'autopsie pouvait seule lui révéler les causes et la nature d'une maladie jusque alors peu étudiée, il ouvrit ou fit ouvrir sous ses yeux quatre à cinq cents cadavres. 

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A l’ouverture des cadavres « on trouva toujours le cerveau engorgé de sang d’un rouge foncé, ou livide dans toute sa substance ; le foie pareillement enflammé et engorgé de sang ; l’estomac et les intestins rouges, enflammés et parsemés de taches livides. Les ventricules du cœur et la veine cave contenaient du sang plus ou moins caillé ; toutes les ramifications de la veine porte étaient très-apparentes et remplies de grumeaux de sang. Dans plusieurs cadavres, une sérosité sanieuse était répandue entre les membranes du cerveau et dans l’abdomen ». Toujours sur la brèche, notre Esculape ne pouvait échapper au fléau qui faisait tant de victimes autour de lui dont on savait au moins, et lui le premier, qu’il était redoutablement contagieux : il fut frappé; mais d'avance il avait tracé le traitement auquel il voulait être soumis, dont l'exécution devait être confiée à un simple chirurgien auquel il faisait totalement confiance, qui le conduisit à la guérison après une très pénible convalescence. Il connut alors une carrière fulgurante qui lui valut évidemment de mortelles jalousies et rédigea son « traité des fièvres malignes et pestilentielles qui ont régné à Rochefort en 1694 » publié en 1742 dix ans après sa mort. De son vivant, il souhaitait de toute évidence garder son secret. Mais quelle est donc cette recette qui nous semble pouvoir présenter de curieuses analogies avec celles que pouvaient connaître les sorciers de Saint-Domingue ? Elle est en tous cas complexe : 4 onces d’eau de bourrache (15), un gros de confection d’hyacinthe (16), un gros de lilium (Lys), un demi gros de safran, grains de laudanum (opiacé à 10 % !), esprit de sel ammoniaque ou corne de cerf (17), sel volatile de vipère (18), chanvre écrasé (hallucinogène ?) et lessive de sarments. D’où tenait-il cette recette qui – selon lui – lui a sauvé la vie ? Tous les produits qu’elle contient, végétaux, animaux ou minéraux, peuvent avoir des vertus thérapeutiques. Elle mériterait en tous cas une analyse scientifique d’un spécialiste de la chimie organique et médicale ce qui ne semble jamais avoir été fait ? Elle ne lui est pas tombée du ciel : La tenait-il d’un « quimboiseurs » reconnaissant ? Ce sont probablement les recettes de son traité de 1742 qui ne concernent pas seulement le « mal de Siam » grâce auxquelles Bougainville a pu écrire « J’entrais dans le port de Saint-Malo le 16 mars 1769 n’ayant perdu que sept hommes pendant deux ans et quatre mois écoulés depuis notre sortie de Nantes » (19) et, citant Virgile « Puppibus et laeti nautae imposuere coronas » (20).

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Nous nous sommes peut-être éloignés de notre sujet, l’histoire du Siam, mais la vision (prémonitoire ?) de Chirac va irrémédiablement nous y ramener. Peut-être en effet est-il l’initiateur lointain de ce que nous appelons aujourd’hui le massage thaïlandais ? Alors devenu premier médecin de Louis XV, il recommande déjà, comme « remède très efficace contre beaucoup de maladies, le voyage en chaise de poste roulant rapidement sur le pavé ». L'abbé de Saint-Pierre, inspiré par Chirac, invente un fauteuil trépidant auquel il donne le nom de « trémoussoir » ou « tremousseur » qui est, au fond, l'ancêtre direct du « fauteuil trépidant » de Charcot. Ce fut le mécanicien Duguet qui, en 1734, d'après les indications de l'abbé Saint-Pierre, construisit le premier trémoussoir; il eut un succès retentissant. L'achat de cette machine fut surtout recommandé par de grandes réclames, aux gens riches et sédentaires; les moins fortunés pouvaient aussi se la procurer en location chez les chirurgiens. En 1744, Voltaire en fit usage pour le traitement de l'hypocondrie et de la constipation et il loua fort ses effets bienfaisants. Le nom de l'appareil fut adopté et introduit dans l'Encyclopédie de Diderot, où nous trouvons à l'article « Trémoussoir » la description suivante : « Dans une foule de circonstances, où le mouvement paraît être le moyen le plus propre à guérir certaines affections, on a imaginé d'imiter, à l'aide d'une machine, celui que peut faire éprouver une voiture mue avec plus ou moins de rapidité. Cet appareil, nommé trémoussoir ou fauteuil de poste, peut être construit de diverses manières… » (21).

 

 

INSOLITE 2 - LE DOCTEUR CHIRAC A-T-IL GUÉRI LE « MAL DE SIAM »  (MAL NOMMÉ) ?

Disons pour conclure que la maladie dite aujourd'hui fièvre jaune fut nommée d'abord « mal de Siam »  parce que son apparition à la Martinique, en 1694 coïncida avec la présence dans les ports de cette île de quelques bâtiments venus du golfe Siam, dénomination qui était l'effet d'une erreur que la suite des temps a rendue manifeste, erreur peut-être pas totalement innocente compte tenu de l’opinion négative et néfaste laissée dans l’opinion éclairée de l’époque par la malheureuse expédition de Siam. Il devint intellectuellement confortable d’associer le nom du Siam à cette fièvre putride. La démarche n’est pas nouvelle. Les Français ramenèrent de Naples la syphilis à la fin du XVème et s’empressèrent de la qualifier de « mal de Naples » dont l’origine n’avait pourtant rien de napolitain.

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NOTES

 

(1) R.P. Labat « Nouveau voyage aux îles françaises l’Amérique », Paris, 1722.

(2) Isambert, Decrusy et Taillandier  « Recueil des anciennes lois françaises depuis l’an 420 jusqu’à la révolution de 1789 » tome XX, 1830.

(3) Volume XXXI V° SI-SUBU édition de 1781.

(4) « Etudes sur la fièvre jaune » in Annales de l’Institut Pasteur 1903-1906.

(5) En particulier Allbutt « A system of medicine » Londres 1901 qui l’appelle encore« mal de Siam » ou Juan Guitéras y Gener « Recent Discoveries on Malaria and the Mosquito » La Havane 1900, qui tous deux cherchent l'origine de la maladie dans la transmission aérienne de miasmes provenant d'eaux sales et usées, ou de matières organiques en décomposition, sans faire alors de liens direct avec les moustiques comme il est aujourd’hui établi.

(6) Charles de la Roncière « Histoire de la marine française » tome VI « le crépuscule du grand règne, l’apogée de la guerre de course » 1899.

(7) Nous n’avons pas retrouvé le trajet de retour précis de la frégate. Elle périt corps et bien à la bataille naval de Vigo en 1702 et le journal de bord probablement avec (voir  O. Troude  « Batailles navales de la France », tome I, 1867).

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(8) Audouard « La traite des nègres considérée comme la cause de la fièvre jaune » in Bulletin de l'Académie nationale de médecine 1849 et bulletin de Institut de médecine tropicale du Service de santé des armées - Médecine tropicale, Marseille, 1998.

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(9) Voir Jacques Salés « Haïti, naissance tragique : 1779 – 1803 », 2012.

(10) Voir Jacques Ducoin « Bertrand d’Ogeron, fondateur de la colonie de Saint-Domingue et gouverneur des flibustiers », 2013 et (9).

(11) Isambert, Decrusy et Taillandier  « Recueil des anciennes lois françaises depuis l’an 420 jusqu’à la révolution de 1789 » tome XXIV, 1830.

(12) « Edit du roi touchant la police des îles de l’Amérique Françoise ».

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I(13) Il n’existe apparemment aucun lien de famille avec un ancien président de la république.

(14) Henri Bourru « Épidémie de Rochefort en 1693-1694 » : lecture faite en séance publique de l'Académie de La Rochelle, le samedi 5 février 1881. Du même « Des épidémies qui régnèrent à Rochefort en 1694 » : discours prononcé à la rentrée des cours de l'École de médecine navale de Rochefort, le 3 novembre 1881.

(15) Borrago officinalis, la plante passe pour avoir des vertus médicinales.

(16) La confection d'hyacinthe (confectio de hyacintho) était une « confection », c'est-à-dire un remède, de la famille des électuaires (à base de miel), dont le premier ingrédient était le minéral hyacinthe. Elle appartenait à la pharmacopée maritime occidentale au xviiième siècle et sa composition était complexe : hyacinthe préparée, yeux d'écrevisse, feuilles de dictame de Crète (Origanum dictamnus), feuilles de santal citrin (santalum citrinum)safran pulvérisé, miel de Narbonneterre sigilléecannellemyrrhe choisie, sirop de limon.

(17) La corne de cerf (fortement ammoniaquée) fait partie des ingrédients fondamentaux de la médecine traditionnelle chinoise.

(18) La composition, à base de vipère vivante est extrêmement complexe et pouvait inclure plusieurs dizaines de plantes aromatiques.

(19) Voir Adrien Carr « L'Expédition de Bougainville et l'hygiène navale de son temps »  In: Journal de la Société des océanistes, tome 24, 1968. pp. 63-75 et Etienne Taillemite « Bougainville », 2012.

(20) « Les marins posaient joyeusement des couronnes de fleurs sur la poupe » Les nautoniers avaient coutume d’orner de fleurs la poupe des vaisseaux lorsqu’ils rentraient au port.

 
INSOLITE 2 - LE DOCTEUR CHIRAC A-T-IL GUÉRI LE « MAL DE SIAM »  (MAL NOMMÉ) ?

(21) J.-E Marfort « Manuel pratique de massage et de gymnastique médicale suédoise », 1907.

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19 octobre 2016 3 19 /10 /octobre /2016 22:02
INSOLITE 1 – UN JEU OUBLIÉ, LE « JEU DE SIAM »

Voici le premier article consacré à notre nouvelle catégorie « Notre Thaïlande insolite ». Il s’agira d’entendre par insolite, ce qui est étonnant, étrange, bizarre, curieux, inaccoutumé, incroyable, inusité, singulier, inhabituel, « Divers » comme dirait Victor Segalen ; enfin propre à la culture de l’Autre. Autant dire que le champ est large et va nous permettre de revenir même sur certaines « réalités » que nous avons déjà abordées, mais sous un angle nouveau.  Mais ici nous sommes dans l’inédit – enfin pour nous - en présentant ce que fut  « Le jeu de Siam ».

 

Nous avons parfois des surprises en relisant les auteurs de notre enfance ou de notre adolescence. Nous avons ainsi redécouvert un Robinson Crusoé qui n’est pas celui des versions édulcorées les plus courantes, trafiquant d’abord d’esclaves entre l’Afrique et le Brésil puis trafiquant d’opium au Siam, sans états d’âme (1).

INSOLITE 1 – UN JEU OUBLIÉ, LE « JEU DE SIAM »

La littérature

 

Mais aujourd’hui, c’est Victor Hugo qui nous fait faire une découverte : « Vers l'heure où les ouvriers se reposent, deux hommes étaient vus se rencontrant entre la barrière Picpus et la barrière Charenton dans un petit chemin de ronde entre deux murs près d’un cabaretier qui a un jeu de Siam devant sa porte » écrit-il en 1862 (2).

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Ce « jeu de Siam », nous l’avons retrouvé en feuilletant la littérature de cette époque, chez Paul de Koch en 1839 (« Moustache »), chez Balzac en 1840 (« Les français peints par eux même » tome II), chez Paul Féval en 1846 (« Le fils du diable »), chez Théophile Gauthier en 1851 (« Paquerette »), chez Ponson du Terrail en 1875 (« Le roi s’ennuie ») ou encore chez François Coppée en 1890 (« Toute une jeunesse »).

 

L’expression « Comme un chien dans un jeu de Siam » est alors couramment utilisé avec le sens de « comme un chien dans un jeu de quille ».

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Nous ne trouvons-là que le rappel de l’existence d’un jeu alors aussi populaire que celui de la « pétanque » aujourd’hui (3). Voilà qui a suscité notre curiosité. Quel est-il, tout ce que nous savons est qu’il s’agit d’un jeu de plein air et pourquoi ce nom ?

 

Les origines

 

Nous fîmes appel aux dictionnaires de l’époque. Pour Larousse d’abord, c’est « une sorte de jeu de quilles importé sous Louis XIV » (4). Bescherelle (5), Littré (6),  A. Chéruel (7), le « Dictionnaire des jeux familiers » (8) ne sont pas plus précis, jusqu’à une notice du très austère journal officiel (9) qui nous confirme que cette « sorte de jeu de quilles » a été amené en France par les ambassadeurs du roi Naraï. Malheureusement, nos deux observateurs privilégiés, le Chevalier de La Loubère et Monseigneur Pallegoix n’en touchent mot. Le premier ne s’intéresse qu’aux jeux de l’esprit – au demeurant fort complexes – qui occupent les loisirs des Siamois, un jeu d’échec qu’il qualifie de « chinois » dont les règles différent quelque peu du notre tout en étant aussi sinon plus complexes ...

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... ou l’élaboration de « carrés magiques » qui nécessite de solides connaissances en calcul. 

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Monseigneur Pallegoix fait allusion à un « jeu de palet » qui pourrait bien être le nôtre mais sans donner de détails. Tenons donc pour acquit que ce jeu vint du Siam même si nous n’en trouvons aucune trace dans notre littérature avant le début du XIXème, plus d’un siècle après l’arrivée des ambassadeurs siamois.

 

Oú le trouvait-on ?

 

Nous le trouvons alors partout à Paris souvent en des lieux « canailles » que la morale réprouve, on y joue de farouches parties d’intérêt  mais aussi sur les Champs Elysées. Un certain nombre d’ouvrages tiennent lieu de guide, ne citons que le dernier de notre liste de références (10) : « Les jeux en plein air qui fourmillent à la barrière du Mont-Parnasse sont beaucoup plus variés et plus divertissants que les jeux scéniques. D'abord le vénérable jeu de Siam n'y a rien perdu de sa vieille gloire; partout devant les cabarets ou dans l'intérieur des cours vous trouvez une esplanade unie, où les amateurs se livrent à cet exercice qui, pour l'innocence, tient le milieu entre les quilles et la boule…».

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S’est-il répandu en Province, on peut le supposer puisque nous le trouvons bien loin de la capitale, dans le Limousin en 1821 (11).

 

Les joueurs

 

Est-il réservé à « la canaille » ? Que non pas ! Celle-ci joue dans ces estaminets parisiens ou provinciaux. Damien, un canaille certes, qui voulut assassiner Louis XV en était un fervent adepte (12) … mais tout comme sa victime : Nous savons que pour tromper l’éternel ennui de son royal amant, Madame du Barry (dont la carrière avait commencé dans ces estaminets) l’avait installé dans le parc de Versailles, nous apprend Paul de Koch que nous venons de citer. Louis XVI y jouait avec son fils, le petit Dauphin, dans la Cour de sa prison du temple (13).

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Louis XVIII offrit à sa nièce Madame Elizabeth un jeu de siam en ivoire (14) ce qui semble montrer que l’on pouvait aussi y jouer en intérieur ?

 

Il s’agit en effet aussi d’un « jeu de société » prisé dans le « beau monde » à une époque sans télévision ni tablettes où ces jeux, qu’il s’agisse de jeux de plein air ou de jeux de l’intérieur, jeux d’esprit, destinés à occuper les loisirs des adolescents pendant les « grandes vacances » dans le parc du château ou dans le salon les journées pluvieuses faisaient l’objet d’un littérature surabondante, n’en citons que quelques exemples (15). C’est en feuilletant ces ouvrages souvent délicieusement illustrés... 

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... que nous y avons déniché les règles du jeu de Siam et de ses variantes. Et nous y trouverons la raison majeure de la disparition de ce jeu d’extrême adresse dès la fin du XIXème ou les débuts du XXème siècle, une extrême complexité et une extrême difficulté (16) ! Il a probablement totalement disparu et il est oublié de tous.

 

Les règles

  

Les règles les plus précises que nous ayons trouvées se trouvent dans la « Grande encyclopédie méthodique, universelle, illustrée, des jeux et des divertissements de l'esprit et du corps » (17). Jugez donc :

 

C’est donc un jeu de quilles, avec des quilles, mais sans boule. La difficulté est bien là puisqu’une boule parfaitement cylindrique doit mathématiquement une fois lancée suivre la trajectoire d’une ligne droite. La boule est remplacée par un palet, un disque lourd en bois dur de 30 à 40 cm de diamètre dont les bords sont légèrement taillés en biseau. Le palet va donc décrire une spirale lorsqu’on le fait rouler sur le côté et non sur la tranche. On peut placer 9 boules comme aux quilles mais le plus souvent 13,  non en lignes ou en rangés comme aux quilles, 9 sont disposés en cercle, une 10ème au centre (appelé « Siam ») et trois autres en ligne droit face au joueur du côté opposé :

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La difficulté consiste donc à donner au disque l’inclinaison convenable et un force suffisante en lui imprimant un mouvement de rotation pour qu’il fasse d’abord un premier tour sans renverser une quille (sinon la partie est perdue), avant qu’il ne pénètre dans le jeu et abatte les quilles sur son passage impérativement dans l’ordre de la figure.

 

On ne jette donc point directement le palet contre les quilles, mais de côté et hors des quilles, parmi lesquelles, dans un mouvement oblique, il entre et fait des abattis en décrivant sa spirale. Une fois donc le premier tour effectué à vide, chaque quille abattue dans le cercle est comptée pour 1 point après la première de la ligne droite, la plus éloignée du joueur, qui vaut 3 points, la seconde qui en vaut 4 et la troisième qui en vaut 5. Celle du milieu en vaut 9. Selon certaines règles, le joueur assez habile pour abattre le « Siam » sans avoir touché aux autres boules gagne la partie. Le simple hasard (encore que…), la plus légère irrégularité du terrain, un grain de sable sous le disque suffisent à déranger toutes les combinaisons. Les quilles sont beaucoup plus légères que celles du jeu ordinaire pour pouvoir tomber sur un simple effleurement du palet sans en dévier la course. Selon certaines règles, il ne s’agit pas de faire tomber les quilles jusqu’au « Siam » mais de réaliser un certain nombre de points jusqu’à l’arrêt du palet. Selon la règle adoptée par Louis XVI, il fallait réaliser 16 pour gagner. Le jeune Dauphin n’y parvenant jamais dit un jour à son père  « Voilà un nombre bien malheureux ! » « Qui le sait mieux que moi ? » répondit le roi.

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« La métaphysique du mouvement »

 

Comment les Siamois ont-ils découvert ce mouvement en spirale ? Nous n’avons pas la réponse. Il n’était pas inconnu des érudits occidentaux, découvert (sinon calculé) par Nicolas de Cues, un savant allemand de la fin du moyen-âge, il y a plus de 500 ans et qui donne à un jeu étrangement similaire un portée métaphysique : il choisit une boule de bois et demanda à un tourneur de la creuser d'un côté. Sur un sol lisse et uni, il traça dix cercles concentriques et lança la boule. Ainsi déséquilibrée, elle ne suivit plus sa trajectoire en ligne droite mais décrivit en roulant un mouvement en spirale, le long des cercles, et s'immobilisa au milieu :

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« J'avais l'intention d'inventer un jeu de sagesse », aurait-il dit à son partenaire, le duc Jean de Bavière.  Au centre du cercle, se trouve le trône du roi dont le royaume est celui de la vie ; celle-ci est enfermée au-dedans du cercle et, à l'intérieur de cette circonférence, se trouvent encore neuf autres cercles. La règle du jeu veut que la boule s'immobilise quelque part à l'intérieur du cercle. Plus la boule s'approche du centre, plus elle gagne de points suivant le nombre de cercles qu'elle franchit avant de s'arrêter. Le vainqueur est celui qui a, le premier, atteint 34 points, c'est-à-dire le nombre d'années que vécut le Christ.  Fatigués de jouer, ils s'assirent et se mirent à discuter du nouveau jeu. Le duc de Bavière admirait le jeu parce qu'il conduisait à des réflexions plus profondes. Il demanda : « S'il vous plaît, parlez-nous de ce jeu ».

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Le cardinal qui était d'avis qu'aucun jeu honnête n'est exempt d'enseignement, répondit en développant ses pensées, car, pour lui, cet agréable jeu était philosophie. Il souhaitait ainsi semer des grains de science ; il espérait qu'il en jaillirait des fruits de lumière : une profonde compréhension de la connaissance de soi. Comme il venait presque à redouter de l'ampleur de sa tâche, il déclara qu'au préalable, des considérations détaillées sur le jeu étaient indispensables. C'est pourquoi il émit d'abord des réflexions sur la boule et sur son mouvement qui, comme œuvre humaine, peut être soumis à l'analyse. Et il présenta le mouvement en spirale de la boule recourbant vers l'intérieur : « La partie extérieure de la boule, qui est un cercle parfait, se déplacerait en ligne droite si la partie la plus lourde et la plus épaisse ne retardait son mouvement et ne l'attirait comme une sorte d'aimant central. A cause de cette différence, la sphère est capable d'un mouvement qui n'est ni complètement rectiligne, ni complètement recourbé exactement comme la circonférence du cercle se trouve partout à égale distance du centre ». Le mouvement en spirale de la boule dépend de la force de l'impulsion. Cependant, la boule reçoit uniquement l'impulsion produisant le mouvement rectiligne et grâce à cette puissante impulsion, elle est forcée de s'arracher à sa trajectoire naturelle et de garder, aussi loin que possible, une trajectoire rectiligne qui est contre sa nature. Une faible impulsion favorise le mouvement naturellement incliné de la boule.

 

« Lorsque, depuis l'endroit où je me trouve, je lance la boule en direction du centre du cercle dessiné, elle ne peut se mouvoir en ligne droite. Quelle que soit la taille de la boule, elle doit effectuer une trajectoire qui n'est pas rectiligne. »

 

Après s'être entretenus des différentes forces d'impulsion et de la qualité du terrain qui peut être plus ou moins uni, les joueurs furent amenés aux réflexions philosophiques qu'ils s'étaient proposées. Nicolas de Cues évoqua la forme du monde, sphérique comme une boule ; ce qui l'entraîna à des pensées sur le temps et l'éternité. Parce que la boule a un corps lourd et que sa trajectoire est due à l'impulsion de l'homme, il la compara aux êtres humains dont les mouvements ne peuvent se maintenir en ligne droite. Ils sont instables, fragiles et s'écartent facilement du droit chemin à cause de l'attraction terrestre.  Alors il en vint à dévoiler le plus profond des secrets de son jeu de la boule.

 

«Nous devons apprendre à contrôler nos penchants et nos déviations naturelles par des exercices perpétuels afin qu'après de nombreux détours et pérégrinations, nous puissions enfin nous reposer au royaume de la vie » (18).

 

La spirale de Bernouilli

INSOLITE 1 – UN JEU OUBLIÉ, LE « JEU DE SIAM »

Mais la mise en équation de cette spirale est postérieure : il s’agit d’une spirale logarithmique définie par Bernouilli et Descartes dans le courant du XVIIème. Ce dernier lui a donné une formule sous forme d’équation en coordonnés polaires ainsi : ρ = abθ.

 

C’est par ailleurs Newton qui a fait intervenir cette spirale en dynamique peu après. Notre propos n’est pas de disserter sur la géométrie cartésienne mais de préciser un élément dont Descartes a apporté la preuve, essentielle pour le déroulement de notre jeu : La spirale logarithmique coupe tous les rayons (où sont posées les quilles) suivant le même angle qui n’est pas un angle droit :

INSOLITE 1 – UN JEU OUBLIÉ, LE « JEU DE SIAM »

Voilà qui est précieux pour le joueur calculateur. Ces notions mathématiques étaient évidemment inconnues des apaches qui pratiquaient le jeu dans les bouges de la rive gauche, elles ne l’étaient pas de Louis XVI qui possédait, à défaut de sens politique, de fort solides connaissances de mathématiques.

 

 

 

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NOTES

 

 (1) Voir notre article A 210 « ROBINSON CRUSOË, TRAFIQUANT D’OPIUM AU SIAM ».

(2) « Les Misérables », 4ème partie.

(3) Les Provençaux s’en attribuent à tort la paternité, les Gaulois y jouaient déjà, à cette époque on parle de « jeu de cochonnet » alors joué non pas avec des boules métalliques mais des boules cloutés en buis.

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(4) « Dictionnaire du XIXème siècle »,  1875 tome XIVème.

 

(5) « Dictionnaire » 1880.

 

(6) « Dictionnaire » 1886.

 

(7) « Dictionnaire historique des institutions, mœurs et coutumes de la France » 1899.

 

(8) Anonyme, an V.

 

(9) Juin 1878 p.4266.

 

(10) « Mémoires pour servir à l'histoire des mœurs et usages des Français, depuis les plus hautes conditions jusqu'aux classes inférieures de la société, pendant le règne de Louis XVI, sous le Directoire exécutif, sous Napoléon Bonaparte » par Antoine Caillot, Tome 1 (1830) - « Promenade à tous les bals publics de Paris, barrières et guinguettes de cette capitale » par R... (1830) - « Paris, ou Le livre des cent et un », anonyme (1834) -  « Les enfants de Paris, mœurs parisiennes » par Émile Vander-Burch (1841) - « Histoire de Paris depuis son origine jusqu'à nos jours, offrant la description de ses accroissements successifs, de ses curiosités, de ses monuments... complétée par une revue pittoresque et détaillée des palais, châteaux et maisons de plaisance dans un rayon de 60 kilomètres », par B. R… (1853) - « Le Paris de ma jeunesse » par Victorien Sardou dans le Figaro du 14 novembre 1908 - « Histoire des communes annexées à Paris en 1859 » par Lucien Lambeau (1910).

 

(11) « Histoire de Limoges et du haut et bas Limousin : mise en harmonie avec les points les plus curieux de l'histoire de France sous le rapport des mœurs et des coutumes » par Barny de Romanet (1821).

 

(12) « Les frères Chantemesse » par Charles Monselet, 1873.

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