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Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.

A81. A qui profite le riz en Thaïlande ?

titre «  La dette moyenne d’un riziculteur et de son ménage s’élèverait à 100.000 baht », nous apprend en utilisant un prudent conditionnel «  Le petit journal de Bangkok ». (1) Et de poursuivre, avec la précision « chirurgicale » du « Bangkok post », « la loi et les prophètes » pour certains :


« ... selon une étude du « Centre de prévisions économiques et d’affaires de l’Université de la Chambre de commerce thaïlandaise » menée sur 1.211 fermiers du 8 au 12 août. .... la part de dette informelle dans la dette moyenne d’un riziculteur est en augmentation chaque année depuis 2008 signe que les fermiers ont moins recours aux banques mais empruntent de plus en plus à la famille, à des connaissances ou à des usuriers. »


usurier


Comme nous le savions, les banquiers (siamois ou pas) ne prêtent donc plus qu’aux riches et les usuriers aux pauvres.

 

banquier


Nous ne sommes ni l’un ni l’autre des « économistes » et avons parfois tendance à penser que la « science économique » n’en est pas une (au sens que Mallebranche donnait à la « science », « Il y a science dès qu’une proposition est vraie sans aucune doute ». Constatons-donc et gardons-nous de prétendre avoir trouvé LA solution.


Pour ces « Experts » les causes sont limpides : « la hausse des matières premières et de l’engrais, celle du coût de la vie, et l’ échec de la politique rizicole du gouvernement de Yingluck Shinawat. L’Etat a augmenté en octobre à 15.000 bahts son prix d’achat aux fermiers de la tonne de riz paddy alors que son ancien tarif était d’environ 10.000 bahts Selon le Parti Démocrate et l’Institut de Recherche du Développement de la Thaïlande, ce programme bénéficie en grande majorité aux grands propriétaires terriens et non aux petits agriculteurs ». Ils se font un plaisir de faire un parallèle avec les subventions européennes de la « PAC » (Politique agricole commune).


 

pactl


Suites judiciaires  de cette politique d’assistance attaquée par « des universitaires et étudiants » ?  La Cour constitutionnelle s’est déclarée incompétente. (2)


A qui profitent les subventions ?


En Europe, c’est (presque) transparent.Un riziculteur camarguais exploitant 1.733 hectares et un producteur de maïs d’Aquitaine en exploitant 1.500 se sont partagés en 2004, 1,7 millions d’euros. L’un de nous a connu une exploitation agricole exploitant 1.700 hectares sise sur le plateau de Valensole (qui fut un temps le grenier à blé de l’Empire romain mais aujourd’hui le paradis terrestre de l’agriculture assistée) qui recevait annuellement dans le milieu des années 80 un peu moins de 4 millions de francs, (primes diverses, primes pour arracher, primes pour planter, subventions pour les terres laissées en jachère, montants compensatoires, etc... etc...)

.

La transparence n’est complète que depuis 2009. Consultez le site www.telepac.agriculture.gouv.fr pour connaître ce qu’a touché votre voisin. La France publie donc la liste des exploitations agricoles subventionnées, geste à haut risque, car ce système bénéficie aux plus gros.   Dassault, Rothschild, Besnier (Lactalis), Doux, ou Albert de Monaco. Les Allemands s’y opposent toujours (au prétexte de la « protection de la vie privée » mais l’on sait qu’il y avait parmis les bénéficiaires des clubs d'équitation et de ski et le magnat de l'automobile Porsche. L’Angleterre pourfend la politique agricole commune mais la reine d'Angleterre a perçu 769.000 livres pour 2003 et 2004, tandis que son fils Charles, en a reçu 300.000 livres. (3)


 

prince charles caricature 373475

 

Vous saurez au moins où passent une partie de vos impôts. 8,4 milliards d’euros de subventions européennes.


La Thaïlande ouvrira-t-elle sur Internet la liste des bénéficiaires des subventions ?


Il a fallu attendre 2009 pour que la transparence en Europe communautaire soit une obligation (respectée par seulement 7 pays !), elle devrait donc l’être en Thaïlande dans une trentaine d’années ?


La politique d’assistance est-elle irréversible ?


Dans les pays dits « émergents » la Thaïlande se trouve aux côtés du Brésil, de l’Inde et de la Turquie pour le « soutien massif » apporté à ses agriculteurs. D’après des experts américains « l’effet distorsif de ces aides au marché intérieur affecte le commerce mondial en faussant les échanges », qu’en termes élégants ces choses là sont dites. (4) Les USA pourfendent ces politiques d’assistance mais ne se gênent pas pour subventionner leurs producteurs de blé et de maïs à coup de milliards de dollars.


Les réformes agricoles des années 1980 en Nouvelle-Zélande, « la plus grande ferme du monde » ont prouvé le contraire de façon spectaculaire. Face à une crise budgétaire, le gouvernement néo-zélandais décida de supprimer presque toutes les subventions à l’agriculture. Ce fut une révolution, les agriculteurs néo-zélandais étaient habitués aux subventions massives et l’économie du pays dépendait beaucoup plus étroitement de l’agriculture que celle des États-Unis. Malgré les protestations, hurlements et vociférations, les subventions furent abrogées en 1984, subventions à la production et incitations à l’exportation. Les oiseaux de mauvaise augure prédirent alors un abandon massif de l’agriculture et la fin des exploitations familiales ? Que non pas ! Période de transition difficile, mais peu d’entre eux quittèrent leurs terres, seulement 1% ne réussirent pas à s’adapter et durent abandonner.


L’arrêt des subventions à l’agriculture a donné naissance à une économie rurale dynamique et diversifiée et a discrédité le mythe selon lequel l’agriculture ne peut vivre sans subvention. Auparavant, beaucoup d’agriculteurs exerçaient leur profession simplement pour recevoir des subventions. 40% des revenus bruts des éleveurs de bœufs et de moutons provenaient des aides publiques. (5)


stat


 

Et en Thaïlande ?


Le prix d’achat du riz assuré aux paysans par le gouvernement  de Mme Shinawat, au-dessus des prix mondiaux est-il un mauvais choix économique ? un soutien aux paysans ? une décision politique ?

 

Olivier Durand, souligne le poids électoral de l’agriculture (plus de 65 % de la population en Isan, 40 % dans tout le pays), ceci expliquant évidemment cela. Même aux Etats-unis (moins de 2 % de la population active) ou en France (1 million d’actifs), on doit caresser les agriculteurs dans le sens du poil... (6) Politique « populiste » peut-être mais Madame Shinawat a été élue et bien élue.

 

Notre propos n’est évidemment pas de donner de doctes solutions (« Faut qu’on... Y a qu’à ... ) mais de nous borner à de simples constatations, ce qui ne veut nullement dire (évidemment) que nous insinuons que les aides thaïes ne profiteraient qu’aux riches et que l’exemple néo-zélandais soit exportable.

 

***

Au moment de clôre cet article, nous lisons avec intérêt l’article du blog de notre ami Titi « Thaïlande, quand les Bangkokois retournent à la terre » (7). Ces citadins qui retournent à la terre sont-ils pénétrés des vers du vieux Virgile « O fortunatos agricolas nimium sua si bon norint ! » (8) ou ont-ils eux-aussi l’arrière pensée de devenir chasseurs de primes ?


 

chasseur

 

__________________________________________________________________

 

(1) «  Le petit journal de Bangkok » numéro du 22 août.


(2) «  Le petit journal de Bangkok » numéro du 11 octobre.


(3) article du « Nouvel observateur » du 30 avril 2006  et « Groupe d’économie mondiale », Sciences-po, « la réalité de la distribution des subventions en France » par Pierre Boulanger).


(4) Centre d’études et de prospectives,  numéro 51 de janvier 2012 pointant une étude américaine.


(5) « La réforme de la politique agricole en Nouvelle Zélande, un modèle ou un cas spécifique ? » par John H. Fairweather, Noelle Jean et Daniel Gouin in « économie rurale, 1998, volume 277.


(6) « Lorsque la terre ne peut plus nourrir ses paysans : Cultiver ou migrer, le défi des paysans du Nord-Est de la Thaïlande » Département d'anthropologie, Faculté des arts et sciences, Université de Montréal, Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures en vue de l'obtention du grade de Maître en anthropologie, août, 2008. »


(7) http://www.titiudon.com/article-thailande-quand-les-bangkokois-retournent-a-la-terre-111455087.html


(8) « Heureux les agriculteurs s’ils connaissaient leur bonheur » (Virgile, « les bucoliques »).

 

piratas bretaña

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V
<br /> Le gouvernement thai crée une bulle spéculative et endette les paysans, attentions aux lendemains qui déchantent! voir aussi:<br /> <br /> <br /> http://www.rfi.fr/emission/20121116-etats-unis-reprochent-thailande-subventions-le-riz<br /> <br /> <br />  <br />
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G
<br /> <br /> Merci de nous avoir signalé ce lien avec RFI que nous lisons ou écoutons avec beaucoup d’intérêt, plus en tous cas que la<br /> triste TV 5. Il nous avait échappé. C’est « le monde à l’envers », nous dit l’article, « l’hopital qui se fout de la charité » !<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> Bonsoir les amis !<br /> <br /> <br /> Peut-être le titre de l'article aurait pu être "À qui profite l'exploitation des rizières!", parce que le riz profite définitivement à celui qui le mange et il ne faut pas oublier que les<br /> cultures vivrières sont là pour rendre un service à ceux qui ne sont plus paysans, n'ont plus de jardins, n'ont plus l'autosuffisance pour se nourrir et le monde va comme tel ! Subventioner le<br /> prix du riz en Thaïlande est nécessaire car nous sommes dans une période charnière entre mécanisation et exode rurale ! le paysan lambda en Thaïlande n'a pas les moyens d'investir mais il n'a pas<br /> le choix, la main d'oeuvre se fait rare et s'il veut continuer "à faire du riz", il doit emprunter pour s'équiper, les banques oui, elles prêtent, la banque d'état du riz, les fournisseurs de<br /> matos, Kubota entre autre, prêtent, mais vu les investissements, les usuriers ne font plus le poids...la transition vers une agriculture moderne doit être subventionnée sinon les petits<br /> exploitants disparaitront trop vite pour une éxode inexorable vers les villes et la désorganisation des campagnes sera implacable, alors le gouvernement n'a trouvé que cette solution, les<br /> subventions, pour retarder, freiner l'évolution d'un système de petites exploitations vers une agriculture totalement mondialisée où rendement n'est que le maître mot...le scandale, les<br /> subventions américaines ou européennes à leurs agriculteurs est le vrai problème ;  en Thaïlande, empruntons mais soyons sûr que le gouvenement s'inquiète, s'ils peuvent rembourser et<br /> continuer à rester et faire vivre les campagnes d'ISAN et du la plaine et du nord !<br /> Jeff des rizières...<br />
Répondre
G
<br /> <br /> Jeff "des rizières" ne pouvait que faire un commentaire avisé sur ce sujet. Merci.<br /> <br /> <br /> <br />