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Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.

A80. La corruption made in Thaïlande.

titreComme pour les filles “tarifées”, chaque expatrié  en Thaïlande a son avis sur la corruption et ses anecdotes.

 

Celles-ci ne concernent le plus souvent que le billet glissé à l’agent de l’ immigration, au policier indélicat pour une infraction commise, ou au directeur d’une école privée pour inscrire son bambin … Ils savent que l’ancien premier ministre Thaksin est toujours « en cavale » après avoir été condamné pour corruption,

 

caricature thaksin

 

que le milieu politique est corrompu, que les députés achètent leurs votes et certaines « UNES » des journaux nationaux thaïs sont là pour leur confirmer que « décidemment ce pays est corrompu ».


Certes.


Il ne s’agit pas d’une trouvaille, surtout que désormais existe « Depuis 1995, l' ONG Transparency International  


ONG

 

[qui] publie chaque année un indice de perception de la corruption (CPI) classant les pays selon le degré de corruption perçu dans un pays. L'indice est élaboré à l'aide d'enquêtes réalisées auprès d'hommes d'affaires, d'analystes de risques et d'universitaires résidant dans le pays ou à l'étranger. »(wikipédia).


Selon cette ONG,  la Thaïlande se classerait 78 ème en 2010 sur 178 pays. Autant dire que la Thaïlande n’a pas le monopole de la corruption.


On imagine qu’il ne doit pas être facile d’élaborer des indices objectifs à partir de données bien souvent subjectives élaborées à partir d’enquêtes « réalisées auprès d'hommes d'affaires, d'analystes de risques et d'universitaires résidant dans le pays ou à l'étranger » dans un pays, comme la Thaïlande où,


« Selon une enquête d’opinion de l’institut Abac (lié à l’université économique Assumption de Bangkok), 68 % des Thaïlandais âgés entre 20 et 29 ans disent qu’ils accepteraient volontiers un gouvernement corrompu s’ils en retirent des bénéfices. Cette tendance ne fait que confirmer plusieurs sondages effectués au cours des cinq dernières années. Au sein de la population adulte, la proportion de ceux qui plébiscitent la corruption est légèrement plus faible : 63 %. Les femmes (62,5 %) sont moins enthousiasmées par les pots-de-vin et la prévarication que les hommes (66 %).


Il est vrai qu’il est dit aussi : « Le sondage d’Abac s’est aussi intéressé aux sentiments des Thaïlandais vis-à-vis des militaires. 68 % des personnes interrogées ont dit être satisfaites du rôle des militaires, mais 71 % ont affirmé ne pas vouloir d’un nouveau coup d’Etat » (Cf. Thailander du 12 juin 2012).


Autant dire que « l’indice de perception de la corruption » auprès des « experts » est en net décalage avec les jeunes Thaïlandais, et on peut douter d’un réel changement de la société thaïlandaise sur ce fléau, quand effectivement près de 70 % des jeunes Thaïlandais acceptent la corruption « gouvernementale » si celle-ci leur profite personnellement.

ponction publique


Que penser de ces jeunes et de cette corruption made in Thaïlande ?


Vous pouvez toujours et vous aurez raison, condamner cette « immoralité » des jeunes et moins jeunes Thaïlandais ou  comme Huguette Labelle, la présidente de l’ONG Transparency International déclarer : « Accepter que la corruption perdure est inacceptable : trop de personnes pauvres et vulnérables dans le monde continuent de souffrir de ces conséquences. Nous avons besoin de voir une mise en œuvre plus importante des règles et lois existantes » (Thaïlander du 26 octobre 2010).


Mais le problème est que la corruption en Thaïlande n’est pas due à des indélicatesses de tel ou tel individu, ou de telle ou telle corporation, mais est un système généralisé, à l’œuvre dans les relations sociales, économiques, politiques … et religieuses, bref dans toutes les composantes de la société.


Plus (ou pire ?), nous venons de voir que l’énorme majorité des Thaïlandais acceptent le système, ce système. Mais quel système ?

 Un article sérieux de Max Constant (du 30 septembre et du 7 octobre 2012)   intitulé Chronique de Thaïlande : petit manuel de la corruption in http://asie-info.fr/2012/09/30/chronique-thailande-corruption-i-510935.html  donne quelques éléments d’explication.


« Des éléments d’explication de cette vision bienveillante des pratiques de corruption peuvent être trouvés dans l’histoire. » et de citer :

  • le régime féodal du sakdina. (Cf. notre article 48)

« les officiels étaient nommés par un supérieur dans la stricte hiérarchie sociale du Siam, mais ne recevaient pas de revenu fixe de cette source d’autorité : ils étaient censés “se payer sur la bête”, en prélevant sur les habitants des ponctions en nature ou, si cela était possible, en espèces. »

  • Le système du clientélisme.

« système de clientèles, où les plus faibles se plaçaient sous la protection d’un puissant en manifestant leur respect par l’octroi de cadeaux et où les “patrons” étendaient leur bienveillance sur les petits afin de renforcer leur position de pouvoir et maximiser leurs revenus. […] Les cadeaux pour services rendus, les pratiques de prélèvements à la source et les pots-de-vins sont, à tort ou à raison, considérés par beaucoup comme partie d’une certaine culture traditionnelle.

Avec un changement dans l’histoire récente des années 1980.

  • La diversification des acteurs de la corruption, avec les politiciens.

Face aux bureaucrates et aux militaires qui monopolisaient jusqu’alors l’art de détourner les fonds publics, sont apparus des politiciens-affairistes aptes à utiliser des techniques plus raffinées de subtilisation et à déguiser leur quête intéressée sous le couvert d’un engagement pour la démocratie. Chatichai Choonhavan (Premier ministre de 1988 à 1991) et Thaksin Shinawatra (Premier ministre de 2001 à 2006) en sont de bonnes illustrations. Il est parlant que tous deux ont été renversés par des coups d’Etat après avoir bloqué des achats d’armements qui auraient probablement donné lieu au versement d’importantes commissions.

Pour bâtir leur base de pouvoir dans un système politique où les partis sont faibles et peu réglementés, ces politiciens ont dû recourir à des réseaux de clientèles, parfois même à des parrains mafieux, pour renforcer leur chance d’être élus.

  • La décentralisation à la fin des années 1990

a aussi créé de nouvelles opportunités de corruption au niveau des districts et des sous-districts. C’est le plus souvent en s’enrichissant par la corruption que des petits hommes d’affaires parviennent à conquérir des positions de pouvoir local, ce qui leur permet ensuite d’être dans une meilleure posture pour influencer l’octroi des contrats et imposer l’ampleur  des ristournes.


On pourrait rajouter d’autres explications :

  • Une société esclavagiste qui perdure jusqu’au début du XXème siècle, où on peut se vendre ou vendre sa femme et son enfant pour payer ses dettes de jeu.
  • Une société où le prestige de l’homme qui a du pouvoir et qui a de l’argent est dû au « mérite » acquis dans une vie antérieure.
  • Un système religieux bouddhiste revu et corrigé par la société de l’argent, où le fidèle intercède auprès de bouddha pour obtenir des avantages immédiats.
  • Une société hiérarchisée où « l’inférieur » doit « honorer » son supérieur et où le « supérieur » doit  montrer sa « générosité ». Une société de don et contre-don. (Cf.en note, l’extrait du  livre de Michèle Jullian*)


julian

 

  • La valeur reine de l’argent liée aux nouvelles valeurs de la société de consommation et ses nouveaux objets « magiques » électroniques, que l’on veut se procurer en « vendant son corps, mais pas son âme » (Cf. article de Michèle Jullian du 12 octobre 2012 (http://michjuly.typepad.com/blog/).

 

Mais en fait, nous avons le sentiment que Max Constant ne mesure pas assez ce que peut représenter un système, qui certes s’est forgé il y a fort longtemps, dans des temps « historiques » mais qui , comme tout système évolue, s’adapte, se complexifie.


Une preuve ?  Citons-le :


Dans un contexte d’indifférence d’une partie de la population, les médias jouent un rôle crucial pour fixer les limites de l’acceptable. Un haut-fonctionnaire corrompu qui attire trop de gros titres pourra être muté, voire un ministre perdre son portefeuille. En revanche, dans le système actuel, les institutions de lutte contre la corruption – comme la Commission nationale anti-corruption ou la Commission anti-corruption dans le secteur public – sont trop dépendantes des autorités du moment pour pouvoir véritablement mener à bien leur mission.


Non M. Constant, nous ne sommes pas dans un contexte d’indifférence.


La population est dans le système. Mieux, nous l’avons déjà dit, près de 70 % l’approuvent.


Mais ce système est composé de sous-systèmes.


Vous citez par exemple  à juste titre celui de la police, étudié par les économistes Pasuk Phongpaichit et Sungsidh Piriyarangsan ** constatant que le département gouvernemental perçu comme le plus corrompu par les Thaïlandais est celui de la police :


Force est de reconnaître que là où les politiciens font parfois preuve d’improvisation, les policiers ont progressivement mis en place un système solidement structuré de ponction directe sur les citoyens et de redistribution à l’ensemble des personnels du département. “A beaucoup d’égards, la police opère comme une entreprise de maximisation du profit”. Et de préciser l’achat des grades, « les primes de protection remises aux commissariats locaux par les marchands d’or, les propriétaires de casinos clandestins et les tenanciers de massages sexuels, en passant par les dessous-de-table payés par des suspects arrêtés pour éviter de passer devant le tribunal ».


Il y en d’autres : le système royal, militaire, religieux… politique(Vous citez Chatichai Choonhavan, Premier ministre de Thaïlande de 1988 à 1991. Sous Chatichai,et .Thaksin Shinawatra, Premier ministre entre 2001 et 2006), les ministères, les entreprises publiques … *** (Une étude avait montré en 2011 que 80 % des hommes d’affaires du secteur privé avaient déjà payé des dessous-de-table durant leur carrière).


La liste est longue.


Il faudrait de plus, pouvoir distinguer ce qui est de la « tradition » de la « coutume »,  ce qui est nouveau et qui a son équivalent ailleurs comme en Occident par exemple, ce qui est institutionnel et ce qui relève d’une famille, d’un individu. Et ce qui est vu par un Thaïlandais et par un expatrié occidental.


La définition de la corruption est de spécificité culturelle, ce qui veut dire que si un acte est vu comme corrompu dans un pays, il ne l'est pas nécessaire dans un autre. Aussi, les jugements et préjugés des experts qui préparent les études peuvent falsifier les résultats. Les indicateurs sont très corrélés avec les mesures de l'efficacité bureaucratique donc ; il est très difficile de différencier les deux effets. (Bilel Ben Nahia, Faculté de Sciences Economiques et Gestion de Sfax - Master en sciences économiques 2008).


Un simple exemple que nous avons déjà relaté, dans un petit article évoquant des élections dans notre petit village près de Kalasin.

 

Nous avons  montré que les pauvres (comme dirait madame Huguette Labelle, la présidente de l’ONG Transparency)

 

labelle

 

ne vendaient pas seulement leur vote mais étaient heureux de berner les candidats aux élections et de recevoir leur petit billet. Il y avait là une  « tradition » thaïe ou du moins une façon particulière d’acheter et de vendre  », un jeu où corrupteur et corrompu acceptaient les règles tacites.


Mieux, un excellent article de notre ami blogueur  Jeff de Pangkhan montrait récemment, que les élections étaient aussi un moment festif important dans les villages de l’Isan, que personne ne songerait à changer. (Cf. in

http://www.jeffdepangkhan.com/election-sous-haute-tension-au-tambon-na-ngam-a49845808).)

 

Jeff


Une autre anecdote?


J’étais alors jeune professeur à l’Université de Chulalongkorn. Une collègue thaïe voulut me donner un jour une leçon de la spécificité culturelle de la Thaïlande.


Je venais de lui monter une amende due à une infraction routière. Le lendemain, rendez-vous fut pris. Elle prit alors le papier et me demanda de la suivre.


Nous sommes allés au commissariat. J’avais remarqué un cadeau sur la banquète arrière. Elle me demanda de rester dans la voiture. Elle revint, pris le paquet, et retourna au commissariat.

De retour, elle me demanda ce que j’avais vu. Vous vous doutez de ma réponse.


Elle me répondit alors : « Pas du tout. Elle m’expliqua alors qu’elle était venue demander un service au commissaire au nom de sa famille (une famille connue et riche au demeurant). Le commissaire savait, implicitement, qu’en retour il pourrait lui demander un autre service « équivalent ». Elle rajouta que ce « service » était un acquis, qu’il pourrait même le transmettre à ses enfants, s’il ne l’avait pas utilisé. Le cadeau, contrairement à ce que j’avais cru, n’était pas le prix de la corruption, mais un remerciement du service rendu. Il n’en avait  jamais été question.


Avec un petit sourire, elle conclut alors avec « C’est votre 1ère leçon. Ne jugez pas avec vos yeux d’Occidental. En Thaïlande, tout est différent. Les choses ne seront jamais comme vous l’entendez chez vous. »


J’ai pu constater depuis, combien elle avait raison.


Il est effectivement difficile de distinguer ici ce qui relève de la corruption au sens occidental et au sens thaï. Là comme ailleurs, il faut du  discernement, connaître l’Histoire, la culture de ce pays.


Alors on ne peut pas lutter contre la corruption en Thaïlande ?

 

Posé ainsi, cela est possible, même si cela comporte des risques (Cf. le journaliste Wissut Tangwittayaporn assassiné en janvier 2012 à Phuket, alors qu’il enquêtait sur l’usage privé d’une plage publique de Phuket).

 

Effectivement, ils sont peu à vouloir changer le système.


 pot-de-vin

« En juin 2011, nous dit Maw Constant,  le président de la Chambre thaïlandaise de commerce, Dusit Nontanakorn, avait formé une «coalition anti-corruption» afin de mobiliser les entrepreneurs du secteur privé contre ce cancer qui ronge le pays de l’intérieur. M. Dusit était décédé quelque mois après le lancement de la campagne, et personne n’avait repris le flambeau ».

Vous voulez le reprendre ?

  

Et puis il y a bien le gouvernement, les députés, une commission nationale anti-corruption, la police, la justice qui sont là pour vous aider !!! Et l’Armée qui vient rétablit l’Ordre de temps en temps …

 

Tout le monde sait qu’ils sont capables de réprimer et de diminuer « l’incidence de la corruption en Thaïlande », comme disent les experts !

 

Mais si on veut l’envisager dans son aspect systémique en pensant aux intérêts royaux, militaires, religieux, politiques, sociaux et traditionnels, nous vous souhaitons un bon courage.


 

___________________________________________________________

 

 

*Extrait de Là où s’arrêtent les frontières de Michèle Jullian, aux Editions de La Fremillerie.

 

   - Enfin, je pensais au problème de la corruption dans ce pays. A cette façon sournoise qui vous amène – nous amène  corrigea-t-elle tout de suite – qui nous amène presque tous à y avoir recours, à entrer dans son cercle vicieux.

 - Tu penses encore aux faux papiers pour Xavério ?

 - Entre autre

 - La corruption, c’est un mot à vous ça, les farangs. Vous n’en n’avez qu’un seul d’ailleurs, parce que c’est une pratique condamnable, quel que soit son degré de gravité. Ici, c’est plus complexe, la corruption a un nom différent selon son degré de gravité ou d’acceptation.

 

Marie ouvrit grands les yeux, ça encouragea Excalibur à continuer :

 - « Sin nam jaï » : un « cadeau de bonne volonté », une bouteille de whisky par exemple ou de l’argent pour remercier un membre du gouvernement pour son aide. Et puis juste au-dessus c’est « kha nam ron nam cha », « de l’eau chaude pour le thé, »  « tea money » si tu préfères, c’est nettement plus sérieux.

- « Tea money », comme vos « tea house », vos « maisons de thé »… pour ne pas dire bordels ?

 - Tu sais ça toi » ? Il rit. « Je ne vais pas te faire une liste mais sache qu’au top des mots thaïs traduisant corruption, il y a enfin le vôtre, mais que nous avons thaïsé bien sûr : « kan karreupchian ». L’emploi d’un mot étranger pour décrire ce fléau montre combien il est considéré comme inacceptable, « alien », extra-terrestre…

 

La cuisinière, assise derrière le comptoir de la réception, les observait amusée. Si elle les imaginait plongés tous les deux – la farang et le musicien – dans un dialogue amoureux, elle se trompait.

 - La complexité de la corruption ne s’arrête pas là poursuivit Excalibur

 

Marie approcha sa chaise de celle du garçon, pour plus d’intimité et sans doute pour parler plus bas.

 - OK » dit-elle, « affranchis-moi »…

 - Pour la police, la corruption est montante. Elle part des petits « collecteurs », les policiers de la rue, ceux que tu croises aux carrefours et sur les autoroutes. L’argent remonte jusqu’au chef. En retour, il le partage avec ses supérieurs.

 - Il y a toujours des supérieurs aux supérieurs dans ton pays…

 - C’est différent pour l’armée. La pyramide est inversée. De grosses commissions sont versées aux généraux de haut rang par les marchands d’armes par exemple, cet argent est ensuite reversé aux inférieurs.

 

Elle l’interrompit, d’abord amusée :

- Il y a toujours des inférieurs aux inférieurs en Thaïlande...

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**Corruption and Democracy in Thailand, Pasuk Phonpaichit et Sungsidh Piriyarangsan, The Political Economy Centre, Université de Chulalongkorn, 1994


Dans leur étude sur la corruption, les économistes Pasuk Phongpaichit et Sungsidh Piriyarangsan (1) constatent que le département gouvernemental perçu comme le plus corrompu par les Thaïlandais est celui de la police. Force est de reconnaître que là où les politiciens font parfois preuve d’improvisation, les policiers ont progressivement mis en place un système solidement structuré de ponction directe sur les citoyens et de redistribution à l’ensemble des personnels du département. “A beaucoup d’égards, la police opère comme une entreprise de maximisation du profit”, notent les deux économistes.


Les officiers de police doivent acheter leur position au sein de la hiérarchie selon une grille précise de tarifs (un million de bahts pour un général, dix millions de bahts pour un poste de directeur-adjoint de la police…). Ces positions permettent, de fait, de pouvoir contrôler les flux de l’argent perçus directement – et illégalement – par les policiers de base sur les citoyens : des quelques billets glissés par un automobiliste dans la main d’un agent pour éviter une amende en bonne et due forme aux substantielles primes de protection remises aux commissariats locaux par les marchands d’or, les propriétaires de casinos clandestins et les tenanciers de massages sexuels, en passant par les dessous-de-table payés par des suspects arrêtés pour éviter de passer devant le tribunal. Des centaines de millions de bahts transitent ainsi tous les mois par le département de la police et remontent au sommet de la hiérarchie. Une fois qu’une partie des officiers supérieurs se sont servis, l’argent est redistribué à travers le département chacun recevant une portion proportionnée à son rang. Une partie de l’argent sert aussi à l’organisation de cérémonies dans les commissariats, à la réparation des locaux, à l’équipement des unités, voire à des oeuvres de charité – car le budget de la police est totalement inadéquat et les salaires très bas.

Certains observateurs tendent à adopter une vision bénigne de cette corruption : elle renforcerait la cohésion du corps policier et ne ferait que compenser l’insuffisance de leur budget.

C’est là fermer les yeux devant l’impact désastreux de ces conduites sur la société : la corruption légitimise le crime, favorise l’inégalité et, tout simplement, freine le développement politique, économique et social du pays.


*** Vous citez Chatichai Choonhavan, Premier ministre de Thaïlande de 1988 à 1991. Sous Chatichai, la possibilité pour le Premier ministre et les ministres de décider de l’octroi d’importants projets d’infrastructures (voies express, télécommunications) sans demander l’avis du Parlement a multiplié les opportunités et fortement augmenté l’étendue de la corruption.

Thaksin Shinawatra, Premier ministre entre 2001 et 2006, pour arriver à des techniques plus sophistiquées. Déjà richissime lors de son accession au pouvoir, Thaksin a négligé les “pourcentages” et les dessous de table. C’est en profitant de sa position à la tête du pays pour influencer la politique économique du gouvernement qu’il parvint à favoriser son conglomérat de télécommunications Shin Corp. Aux petites combines, il a préféré la corruption stratégique.

*** *Selon les confidences d’un vice-président d’une grande entreprise publique à Asie-Info, les décisions du conseil d’administration des sociétés publiques ne sont pas prises en fonction d’une «logique stratégique», mais de la répartition des prébendes. Une étude avait montré en 2011 que 80 % des hommes d’affaires du secteur privé avaient déjà payé des dessous-de-table durant leur carrière. En juin 2011, le président de la Chambre thaïlandaise de commerce, Dusit Nontanakorn, avait formé une «coalition anti-corruption» afin de mobiliser les entrepreneurs du secteur privé contre ce cancer qui ronge le pays de l’intérieur. M. Dusit était décédé quelque mois après le lancement de la campagne, et personne n’avait repris le flambeau. (Cité par Max Constant)

 

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L
<br /> Bon papier !<br /> <br /> <br /> Il paraitrait que les policiers de Marseille viennent régulièrement suivre des stages de formation à Bangkok ?<br />
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