Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
Le village des éléphants - หมู่บ้านช้าง
Il est situé à Ban Ta Klang (บ้านตากลาง), sous district (tambon) de Krapho (ตำบลกระโพ), district (amphoe) de Tha Tum (อำเภอท่าตูม), province de Surin ( จังหวัดสุรินทร์).à 58 kilomètres de la ville de Surin. C'est un village de l'ethnie kui (กุย ou กวย) qui s'était spécialisée au fil des siècles à capturer les éléphants et les dresser pour les utilisations qui étaient alors triple ; la guerre en priorité,
le transport des grands de ce monde en particulier en temps de guerre
et les travaux publics.
Les meilleurs entretenaient des liens forts avec les animaux et recevaient le titre de phraya (พระยา) à l'époque d'Ayutthaya (กรุงศรีอยุธยา). C'était une spécialité de l'ethnie kui qui entretenait plusieurs rituels et traditions qui sont actuellement conservés par le Centre d'études sur les éléphants (ศูนย์คชศึกษา).
Nous avons déjà rencontré cette ethnie qui vit au sud de l'Isan à la frontière du Cambodge et au nord du Cambodge : (1)
Dans ces villages, chaque foyer se devait d'avoir un éléphant considéré comme un membre de la famille à part entière.
C'est la région des éléphants. Ils sont 300 dans le sous-district sur les 3800 éléphants domestiqués recensés dans tout le pays. L'animal est honnête, patient, courageux, intelligent et se prête sans difficultés à la domestication. Leur utilité à la guerre est obsolètes et l'utilisation dans les travaux publics ou les travaux de force est présentement interdite. Il est officiellement depuis 2001 le symbole de la Thaïlande et le 13 mars est la journée nationale de l'éléphant thaï (วันช้างไทย). Nous avons parlé de son statut (2).
La province de Surin est généralement connue des touristes thaïlandais.en particulier comme la province des éléphants et la province organise chaque année le spectacle annuel des éléphants qui est devenu un événement national.
Cette région est composée de broussailles et de forêts ouvertes adaptés à l'élevage des éléphants pratiqué depuis l'antiquité.
La zone autour du village est principalement constituée de rizières et de forêts de broussailles alternant avec des zones marécageuses de tourbe. À l'est du village se trouve une forêt et à l'ouest la forêt tropicale de Phu Din (ป่าดงดิบภูดิน).
Au nord du village, deux rivières se rencontrent. Cette zone est donc bien adaptée à l’élevage des éléphants.Jusque vers la fin du XXe siècle, les Kuy avaient pour activité essentielle la capture des éléphants sauvages et ne pratiquaient la riziculture que comme activité secondaire. Ils partaient à la chasse aux éléphants pendant deux ou trois mois en général dans la nord du Cambodge dont la province est limitrophe.et parfois au Laos mais les deux pays fermèrent drastiquement leurs frontières.
L'occupation principale des Kui devint impossible et ils durent se tourner vers l'agriculture, et s'ils ne continuèrent pas à chasser l'éléphant, ils continuèrent l'élevage d'éléphants avec bonheur car ils vivaient en bon entente depuis des siècles, ce qui n'est pas toujours le cas dans certaines élevages à des fins commerciales et touristiques. Si les villageois de Taklang ne sortent plus pour attraper des éléphants, il existe quelques personnes qu'ils appelent le médecin des éléphants (หมอช้าง), probablement les héritiers de traditions séculaires ou multi séculaires en matière d'élevages des éléphants et de leur sagesse mais ils ne sont pas bavards lorsqu'ils sont interwievés. Il est à peu près certain que s’ils ne parlent éléphant, ils savent s'en faire comprendre
Le village est le terrain d’entraînement pour le spectacle annuel des éléphants et abrite le Centre d'études sur les éléphants (ศูนย์คชศึกษา) dont nous venons de parler, en réalité un musée concernant l'histoire du village, les équipements utilisés pour la chasse. Le meilleur moment pour le visiter est en novembre jusqu'en décembre, les dresseurs reviennent pour récolter le riz et amener des éléphants qui participaient à des spectacles provinciaux ce qui entraîne le retour des éléphants au village.
Histoire du festival des éléphants de Surin (งานช้างสุรินทร์)
Le départ se situerait en 1955. Une information courut dans le village de Ban Ta Klang qu'un hélicoptère allait y atterrir. C'était à cette époque un événement. Les habitants décidèrent d'aller le voir sur les lieux de l’atterrage présumé tous utilisant pour se déplacer leur éléphant bien dressé. À cette époque, le véhicule le plus couramment utilisé par le peuple Kui était l'éléphant. Arrivés à l'endroit où l'hélicoptère était stationné, il s'est avéré que le nombre total d’éléphants rassemblés était supérieur à 300 ce qui a surpris tout autant les passagers de l'hélicoptère que les habitants eux-mêmes qui n'en avaient jamais vu, mais que venait-til faire ?.
L'événement attira l'attention de nombreuses personnes qui en avaient entendu parler. appris la nouvelle. En 1960, Winai Suwannaprakarn (วินัย สุวรรณประกาศ ) chef du district de Tha Tum, où se trouve le village des éléphants, invita tous les Kui à élever des éléphants pour que le public puisse les voir et en profiter puisqu'il n'était plus possible de capturer des éléphants le long de la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge comme autrefois en raison des problèmes politiques internationaux. Notons que le sous-district comprend actuellement 22 villages et le district 165. aujourd'hui environ 100.000 habitants mais combien à l'époque ?
La cérémonie d' « ordination des éléphants » (ประเพณีบวชนาคช้าง)
Aussi singulier que cela soit, le nom que les Thaïs donnent à cette cérémonie (บวชนาคช้าง) ne peut être traduit autrement. Ce ne sont toutefois pas les éléphants que l'on ordonne moines ! Les éléphants sont utilisés comme véhicule pour transporter les jeunes hommes qui souhaitent devenir moines bouddhisme au temple lors d'une procession. L'éléphant est inséparable du bouddhisme théravada, Bouddha dans ses existences terrestres connut plusieurs vies comme éléphant (2). La cérémonie est indépendante du spectacle désormais mondialement connu. Elle n'est d'ailleurs pas spécifique à la province de Surin.
La tradition de la procession des éléphants pour l'ordination des moines se retrouve chez l'ethnie Thai Phuan (ไทยพวน) de Ban Hat Siao (บ้านหาดเสี้ยว) dans la province de Sukhothai (จังหวัด: สุโขทัย). Elle ne fait pas l'objet d'une couverture médiatique, la région n'ayant plus la possibilité d'aligner des centaines d'éléphants comme à Ban Ta Klang Elle est nommée de façon plus précise «Procession traditionnelle des éléphants pour l'ordination des moines » (งานประเพณีแห่ช้างบวชนาค ไทยพวนบ้านหาดเสี้ยว)
Au cours de la 13e à la 15e lune croissante du 6e mois lunaire de chaque année, les villageois de Taklang et des villages voisins qui ont un fils en âge d’être ordonné, organisenet cérémonie d'ordination et de « bai sri » (บายศรี) une cérémonie brahmanique, pour bénir le moine novice. Le baï sri est un objet de culte spécifique, toujours fabriqué par paires.
Dans chaque maison, les moines novices monteront sur un éléphant et défileront ensemble jusqu'au au temple de Ban Ta Klang (วัดบ้านตากลาง). Le cortège se dirige ensuite vers la rivière Mun (ลําน้ํามูล). La zone est appelée « sanctuaire Wang Thalu » (ศาลเจ้าพ่อวังทะลุ) ou en langue Kui « Ya Chu » (หญ่าจู๊) pour effectuer un rituel spécifique au peuple Kui En plus du sanctuaire de Wang Thalu, il y en a deux autres : un à l'extrémité du village et un à l'extrémité du temple.
Lorsque le cortège arrive dans la région de Wang Thalu, il y a encore une cérémonie spécifique, celle de la divination par l'os de poulet qui aurait été initialement diligentér avant chaque départ pour une campagne de chasse à l'éléphant. Mais elle est aussi utilisée aujourd'hui pour savoir s'il n'y pas d'obstacle à l'ordination et si le climat sera favorables à la récolte Nous avons fait connaissance avec cette étrange procédure de divination propre aux Kui (3)
La tradition de la procession des éléphants pour l'ordination des moines se retrouve chez l'ethnie Thai Phuan (ไทยพวน) de Ban Hat Siao (บ้านหาดเสี้ยว) dans la province de Sukhothai (จังหวัด: สุโขทัย). Elle ne fait pas l'objet d'une couverture médiatique, la région n'ayant plus la possibilité d'aligner des centaines d'éléphants comme à Ban Ta Klang
En définitive, c'est l’atterrissage intempestif d'un hélicoptère en 1955, il y a 70 ans, qui est à l'origine de ce festival qui met a l'honneur des éléphants qui vivent en parfaire symbiose avec la population locale alors que dans d'autres régions, la coexistence entre les hommes et les éléphants sauvage est loin d'être pacifique, ce dont nous avons parlé (4).
La création de ce festival a remis en activité un aspect purement religieux qui est totalement occulté par tout ce que nous pouvons lire sur les activités spectaculaires qui sont des spectacles de cirque à grande échelle, une immense parade.
Il faut noter que la question se pose de l'avenir de ces pachydermes. L’environnement a changé, les forêts disparaissent, les plantations de culture vivrières se rétrécissent. Et un éléphant de 3 tonnes en moyenne, consomme au minimum 150 kilos de végétaux par jour. Les habitants les emmènent faire le spectacle dans des provinces lointaines où sévit le tourisme de masse. Des exemples de maltraitance parfois trop larmoyants ont été signalés ?
Le gouvernement et les autorités locales ont en cours un projet de plan directeur visant à développer le plus grand village d'éléphants au monde et permettre aux animaux et à leurs cornacs de retourner au village « pleins d'usage et raison... »
NOTES
Note 1
INSOLITE 40 - L’ETHNIE KUY (กุย) A ELLE RENCONTRÉ LES VIKINGS ?
Note 2
A 362 - L'ÉLÉPHANT DE THAÏLANDE, DU STATUT DE DIVIN À UNE MONTURE POUR TOURISTES.
A 441 - LES VIES DE BOUDDHA LORSQU’IL ÉTAIT ANIMAL : SES VIES COMME ÉLÉPHANT
Note 3
Note 4