Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
Nous avons parlé des débuts de l'imprimerie au Siam sur la date desquels il est difficile d'avoir des certitudes (1)
.
Il se pose évidemment la question de savoir si l'on parle d'ouvrages dont il subsiste un spécimen, compte tenu de la difficulté de conserver intact les imprimés sous notre climat, et une autre de savoir qu'ils ont été imprimés avec des caractères thaïs ou d'autres.
Dans le domaine des suppositions qui frisent une certitude, il faut retenir l'opinion de P. Petithuguenin : :« La Mission Catholique établie à Ayuthia en 1662 parait avoir imprimé en caractères romains un certain nombre d'ouvrages religieux en langue siamoise, une grammaire et un dictionnaire. Ces œuvres étaient dues à Mgr. Louis Laneau, évêque de Metellopolis. Après la destruction d'Ayuthia Ia Mission se réorganisa à Bangkok et imprima, en 1794, toujours en caractères romains, un catéchisme et d'autres ouvrages actuellement perdus ». Il ne donne malheureusement pas plus de précisions mais il est très vraisemblable que lors de leur installation au Siam, les Missionnaires français se dotèrent d'une imprimerie – fut-elle modeste – et que nous en avons la certitude et des vestiges à partir de 1794 (2)
Il est une autre certitude en ce qui concerne les Chinois, ils sont présents en masse au Siam depuis des siècles, ils sont les inventeurs de l'imprimerie depuis des siècles aussi ; il est impensable que la colonie n'ait pas eu sa ou ses propres imprimeries mais il n'en subsiste rien ? Nous y reviendrons
Le premier ouvrage imprimé au Siam est donc le catéchisme imprimé en caractères romains par les diligences de Monseigneur Monseigneur Arnaud-Antoine Garnault, vicaire apostolique du Siam et Évêque « in partibus » de Métellopolis de 1786 à 1810. C'est en tous cas le seul qui subsiste de ses autres productions.
Ce prélat eut un apostolat difficile en bute aux persécutions siamoises
Né vers 1745 à Toulouse, il part du Séminaire des Missions Étrangères en décembre 1769. D’abord destiné au Sichuan, il est, les circonstances le requérant, envoyé au Siam.
En 1775, il est jeté en prison avec d'autres prêtres pour avoir refusé de boire l'eau lustrale préparée par les bonzes le jour de la prestation du serment de fidélité au roi Taksin et il sera ensuite chassé du Siam en en 1779. Il se retire alors à Penang En 1782, il se rend dans la région de Kedah où il y trouve quelques catholiques. Il est en 1786 élu évêque de Métellopolis et vicaire apostolique du Siam. Il reçoit la consécration épiscopale à Pondichéry le 15 avril 1787. Il revient à Penang, installe une petite imprimerie et élève une église, sous le vocable de l'Assomption, la première construite dans cette île.
Après un périple dans son vaste diocèse, Penang, Kedah, Mergui, Pukhet et, les difficultés avec les autorités siamoises étant apaisées, il retourne à Bangkok, Il est en même temps curé de la paroisse Sainte-Croix,
supérieur du séminaire, tout en continuant de s'occuper de l'administration générale de la Mission. La tache est harassante, jusqu'à sa mort en 1810, les événements qui sévirent en France ayant tari le recrutement des missionnaires. Son souci pour son imprimerie apparaît dans la correspondance qu'il adresse à la maison mère (3) :
Mgr Garnault à M Descourvières, de Pondichery, le 13 mars 1787
« Je vous prie de me procurer des caractères d'imprimerie ce sera pour moi une plus grande avance que vcus ne sauriez croire. J'ai au moins 9 chrétientés où l'on peut lire les caractères européens. Je.ne puis suffire à faire faire des copies et surtout à les corriger. Avec les caractères, voyez, je vous prie, les pièces et qualités d'encre qui me sont nécessaires et que je ne pourrais me procurer ici. »
Mgr Garnault à M. Boiret, de Penang le 7 janvier 1788
« J'ai iait imprimer à Pondichéry un petit catéchisme et un alphabet pour lire aisément les écrits siamois en nos caractères. Je vous en enverrai quelques exemplaires par Macao. Je vous ai demandé, il y a près de trois mois, de faire en sorte de m'envoyer quelques caractères d'imprimerie. J’ai at bien des choses à imprimer et à faire courir en bien des endroits. »
Mgr Garnault à M. Boiret, de Penang 12 mars 1789
« Je vous répète mes prières pour une imprimerie quant aux presses et autres instruments plus aisés, mon prêtre les fera faire. Je lui al fait tout voir à Pondichéry pour cet objet, et il est très entendu dans ce genre-là ».
LE PREMIER OUVRAGE IMPRIMÉ AU SIAM : 1796
L’imprimerie de Monseigneur Garnault fut installée dès qu’il revint au Siam (1795 ou 96) dans l'église de Sainte-Croix (« nai wat sancta Cruz, Bangkok »), la paroisse portugaise de la ville ainsi qu’il apparait de la reproduction de la page de garde de l'ouvrage religieux daté de 1796 « ère de la rédemption du monde », intitulé « Khâm són Christiang », transcription de คำสอน คริสเตียน (Khamson Khritsian) ce qui signifie « enseignement chrétien ». Première impression de Bangkok … sinon la première en tous cas la première retrouvée et connue en tous cas.
Il est imprimé en caractères romains. La vignette de la page de garde porte le portrait du jésuite italien saint Louis de Gonzague, ce qui semble montrer que les fontes proviennent d’une imprimerie de jésuites, probablement de Goa, Macao ou Manille, où les jésuites étaient fortement installés.
Le choix de ce saint n'est probablement pas innocent : même s'il n'a rien à voir avec le Siam, il y avait en lui un zeste de tempérament siamois : à la question piège de Saint Ignace : « Que ferais-tu si tu apprenais que tu allais mourir dans l’heure pendant que tu joue ? », la réponse n'était pas « J'irai à la chapelle m’agenouiller devant le Saint Sacrement » Les hagiographes ont mis une tout autre réponse dans la bouche du jeune Louis : « Je continuerais à jouer, comme je le fais maintenant ».
C’est tout simplement un catéchisme dont Monseigneur Garnault est le rédacteur (au moins partiel selon le site des Missions étrangères). La piètre qualité de l’impression nous laisse à penser à l'utilisation d' un matériel rudimentaire.
Un exemplaire qui porte le filigrane de l'archidiocèse de Bangkok est consultable en ligne
https://issuu.com/pazayupa/docs/kham_son_christang/1
L'imprimerie de l'Assomption employa donc des caractères romanisés pour l'annamite et pour le siamois et aussi pour l'annamite (les chrétiens vietnamiens étaient nombreux), au lieu de caractères chinois et siamois. Le succès du quoc ngu inventé par le Père Alexandre de Rhodes pouvait légitimement laisser espérer qu'un système de transcription semblable réussirait à s'imposer pour le siamois. Le fait qu'un catholique siamois puisse sans difficulté lire ou transcrire un texte romanisé en caractères siamois ne pouvait que renforcer cette conviction. Néanmoins, après avoir commencé à imprimer en caractères romains, l'imprimerie de l'Assomption imprima ensuite en caractères siamois. Le changement sera fait en 1850. Elle disposera alors de fontes thaïes mais la publication de la Grammaire thaïe de Monseigneur Pellegoix en 1850, qui fit longtemps autorité et peut être encore chez les Thaïs, bénéficia probablement de l'aide financière du roi Rama IV, ami du prélat.
En 1854, son Dictionnaire quadrilingue (thaï – thaï phonétique – latin – français – anglais. bénéficia du soutien du Gouvernement avec le soutien duauel il fut imprimé en France après que sur ordre de l'Empereur un corps complet de fontes siamoises aient été gravées par un artiste typographe de l'époque
La communication de Chitkla Kantaphong en 2017 semble bien faire un point défibnitif. (4) S'il y a eu – et il y a peut-être eu – des impressions de textes catholiques à Ayutthaya, il n'en reste aucune trace après le passage des hordes birmanes qui incendièret tout ce qui pouvait l'être et éventuellement les années suivantes les méfaits de la nature.
Le catéchisme de Monseigneur Garnault reste donc le plus ancien ouvrage imprimé au Siam.
UNE IMPRIMERIE CHINOISE ?
Si l’imprimerie est apparue tardivement au Siam, XVIIe ou XVIIIe siècle, l'absence des Chinois en ce domaine est singulière : Ils sont présents dans le pays depuis des centaines d’années, à Ayutthaya dès le XIIIe siècle, ils sont maîtres de son économie et connaissaient depuis le début de notre ère la xylographie. La xylographie est un procédé de reproduction multiple d'une image sur un support plan, papier ou tissu, en utilisant la technique de la gravure sur bois, ou xylogravure, comme empreinte pouvant être reproduite par impression, l'image reproduite pouvant être celle d'un texte. La plupart des affiches qui ont inondé la France en mai 1968 étaient de la xylographie quand elles n’étaient pas faites au pochoir (sérigraphie). Gutenberg se contentera d’améliorer le procédé en utilisant la presse, ce que ne faisaient pas les Chinois, et en fondant les caractères en plomb.
Au XIe siècle environ ils auraient inventé la véritable imprimerie en pratiquant la typographie avec des caractères mobiles en bois, en terre cuite ou en porcelaine, beaucoup plus tard en métal. On peut se demander, mais la question restera sans réponse, s’il n’existait pas au sein de la communauté chinoise du Siam des documents imprimés qui n’ont pas débordé en dehors de leur cercle ? Étonnons-nous toutefois que la question n’ait pas – sauf erreur – été étudiée à ce jour. Si l’on en croit Monseigneur Pallegoix, il y avait au Siam à son époque 1.500.000 Chinois sur une population de 6, le quart et à Bangkok 200.000 sur une population de 400.000, la moitié. Tous ne sont pas des coolies illettrés.
S’il y eut des imprimés chinois, peut-on expliquer qu’il n’en reste trace ? Il est tout d'abord, tout simplement un phénomène naturel qui explique la possible disparition d’imprimés datant de plus d’un siècle, ce sont tout simplement les effets du climat tropical, son soleil et son humidité, des termites, des fourmis, des souris et des insectes. Les manuscrits étaient, dans l'enceinte des temples conservés, dans la Ho Trai (หอไตร), littéralement « la tour triple », c’est la bibliothèque des saintes écritures (phratraipitaka พระไตรปิฏก) qui sont triples (mais en quelques centaines de volumes) d’où le nom (ไตร, c’est trois en sanscrit-pali d’où vient notre chiffre trois). Les plus anciennes sont des constructions en bois sur pilotis sur une pièce d’eau pour éviter les attaques des insectes aux attaques desquels les manuscrits traditionnellement sur feuilles de latanier sont sensibles tout comme les ouvrages imprimés sur papier.
Si l’imprimerie est apparue tardivement au Siam, XVIIe ou XVIIIe siècle, l'absence des Chinois en ce domaine est singulière : Ils sont présents dans le pays depuis des centaines d’années, à Ayutthaya dès le XIIIe siècle, ils sont maîtres de son économie et connaissaient depuis le début de notre ère la xylographie. La xylographie est un procédé de reproduction multiple d'une image sur un support plan, papier ou tissu, en utilisant la technique de la gravure sur bois, ou xylogravure, comme empreinte pouvant être reproduite par impression, l'image reproduite pouvant être celle d'un texte. La plupart des affiches qui ont inondé la France en mai 1968 étaient de la xylographie quand elles n’étaient pas faites au pochoir (sérigraphie). Gutenberg se contentera d’améliorer le procédé en utilisant la presse, ce que ne faisaient pas les Chinois, et en fondant les caractères en plomb.
Au XIe siècle environ ils auraient inventé la véritable imprimerie en pratiquant la typographie avec des caractères mobiles en bois, en terre cuite ou en porcelaine, beaucoup plus tard en métal. On peut se demander, mais la question restera sans réponse, s’il n’existait pas au sein de la communauté chinoise du Siam des documents imprimés qui n’ont pas débordé en dehors de leur cercle ? Étonnons-nous toutefois que la question n’ait pas – sauf erreur – été étudiée à ce jour. Si l’on en croit Monseigneur Pallegoix, il y avait au Siam à son époque 1.500.000 Chinois sur une population de 6, le quart et à Bangkok 200.000 sur une population de 400.000, la moitié. Tous ne sont pas des coolies illettrés.
Nous pouvons citer le cas du « Bangkok Calendar » Comme beaucoup de ces premières impressions, les exemplaires ont disparu des bibliothèques siamoises : Le British Museum détient les seules années 1859, 1860, 1861, 1863, 1864, 1866 et 1869 alors que l’ouvrage fut imprimé à partir de 1839. Deux exemplaires seulement (1862 et 1865) sont numérisés sur un site californien.
Il ne semblait pas qu’il y ait existé jusqu’en 1985 dans les bibliothèques siamoises privées ou publiques une collections complète du Bangkok recorder si ce n’est les seize numéros publiés entre juillet 1844 et octobre 1845 à la bibliothèque nationale de Bangkok : effets du climat tropical, des termites, des souris et des insectes. Quant à la nouvelle édition du Bangkok Recorder à partir de janvier 1865, elle était absente de la bibliothèque nationale pour l’édition en anglais et deux volumes seulement pour l’édition en thaï. Cette année-là pourtant les descendants de M. Hamilton King, ancien ambassadeur des États-Unis de 1898 à 1912 ont transmis à la Bibliothèque nationale un ensemble relié de 14 volumes du Bangkok recorder, un ensemble presque complet de 160 numéros puisqu’il n’en manque que deux, dont la plupart seraient comme neuf et contenant les années disparues. Pendant 140 ans ce trésor historique, la collection complète du premier journal imprimé au Siam était considéré comme au moins partiellement perdu. Sera-t-elle-numérisé un jour ?
S’il y eut des impressions chinoises antérieures à cette époque à l’intention de la seule colonie chinoise, elles ne devaient guère sortir de la colonie chinoise et ont parfaitement pu disparaître du circuit pour des raisons identiques comme vraisemblablement de nombreux ouvrages imprimés depuis les débuts de l’imprimerie et plus encore les anciens manuscrits sur feuilles de latanier qui dorment dans les secrétaires des temple
LA PREMIÈRE TENTATIVE DE ROMANISATION ?
Il est permis de se poser la question de savoir si Monseigneur Garnault, lorsqu'il mit au point son système de transcription en caractères romains, suppléait simplement à l'impossibilité immédiate d’utiliser des fontes thaïes qui n'existaient pas encore. La question de la romanisation a agité le monde érudit dès le début du siècle dernier, nous lui avons consacré deux articles (5)
Elle est partiellement résolue puisqu'il existe un système de transcription dite officielle mais dont l'utilité est réelle mais strictement limitée à la transcription des noms de lieux, elle a reçu à cette fin la bénédiction des Nations Unies et à celle des noms propres, elle n'a aucune autre prétention. Le système épiscopal a par contre de grandes qualités. Il marque deux des tonalités alors que le système officiel n'en marque aucune, Ton descendant et ton montant. Les consonnes sont transcrites comme dans le système officiel mais pour une raison mystérieuses, la consonne ค devient KH ce aui est normal mais parfois Qh pourquoi ? Ne nous attardons pas sur ce qui n'est pas notre sujet du jour. Dans sa communication (4) Chitkla Kantaphong tient des propos fort pertinentes à ce sujet.
Il faut rappeler que le Vietnamien a été romanisé car il n'avait pas d’Aure écriture dédiée que les idéogrammes chinois et qu'à l'inverse, le meilleur moyen d'écrire le thaï, c'est d'utiliser l'alphabet thaï
NOTES
NOTE 1
A 270- LES DÉBUTS DE L’IMPRIMERIE AU SIAM
NOTE 2
P. Petithuguenin : « L'Imprimerie au Siam » In The Journal of the Siam society, vol. 8, 1911, pp. I-IV.
NOTE 3
« Histoire de la mission de Siam – Documents historiques - II » par Adrien Launay – 1920
NOTE 4
lors de la 13TH INTERNATIONAL CONFERENCE ON THAI STUDIES GLOBALIZED THAILAND? CONNECTIVITY, CONFLICT AND CONUNDRUMS OF THAI STUDIES 15-18 JULY 2017, CHIANG MAI, page 184 s. sous le titre « Khâm Són Christang: A Witness of the French Missionnaries’Knowledge of Thai Language During the Ayutthaya Era of Siam (Thailand) »
NOTE 5
A91. La romanisation du thaï ?