Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
Vous la verrez souvent, le plus souvent à l'entrée d'un commerce, sous des formes qui ne donnent pas lieu à des variations fantaisistes., toujours accompagnée des bols ou assiettes d’offrandes Elle s’appelle Nang Kwak (นางกวัก),, « la déesse qui fait signe ». Divinité animiste dont se sont emparé les bouddhistes, elle invite les clients de son signe de la main à entrer dans la boutique. La légende veut qu'elle ait été la première femme ayant appris à tisser. Elle est pour les commerçants souvent citadins, l'équivalent de Me Phosop (แม่โพสพ), la déesse du riz qui dispense ses bienfaits aux paysans.
Ses origine sont incertaines mais elle apparaît à l'époque d’Ayutthaya.
Selon les rituels animistes dont nous allons parler, elle est fille de Pu Chao Khao Khieo (ปู่เจ้าเขาเขียว) qui fait l'objet de nombreuses légendes, divergentes mais toutes faisant état d'une généalogie céleste. Connue et honorée de très longue date, il semble toutefois que son culte et les rituels animistes correspondants lorsque le Siam s'est ouvert au commerce, à l'époque Rattanakosin. L'économie est florissante et les commerçants qui se multiplient à Bangkok et dans les villes ont-ils senti la nécessité de bénéficier d'une solide protections céleste tout comme les paysans bénéficient de celle de Mae Phosop, à l'aide de formules magiques complexes qui datent probablement de cette époque, bien postérieure à la présence de la divinité au Siam ?
Sa confection obéit à des règles précises.
La statuette peut être confectionnée de préférence à partir de la racine tubéreuse de la plante qui porte son nom, Wannangkwak (ว่านนางกวัก),
plante qui possède les mêmes vertus magiques comme nous allons le voir sans que l'on puisse déterminer avec certitude si la divinité a donné son nom à la plante ou la plante à la divinité. Elle peut aussi être sculptée dans le bois du ficus religiosa (อมะเดื่อศักดิ์สิทธิ์), arbre sacré du bouddhisme à l'ombre duquel Bouddha a trouvé l'illumination ou bois de santal.
Elle peut aussi être moulée en métaux précieux, or ...
...ou argent ou sculptée en ivoire. C'est la figurine d'une jeune femme avec une coiffure et une tenue traditionnelles, assis de côté sur le sol. La main gauche est soit placée sur la cuisse, soit appuyée sur le sol tandis que la main droite est levée et tendue un peu en avant dans une attitude d'appel.
C'est la rituel ultérieur qui va lui conférer ses pouvoirs magiques. Le chaman doit inscrire les lettres mystiques sur son sein gauche, sur son sein droit, sur son front, sur son dos, sur sa main gauche et sur sa main droite, seulement, ils étaient traditionnellement, la main gauche vient avant la droite. L'esprit concenté, il doit prononcer prononcer 108 fois un premier mantra (มนต์) suivi d'autres, interminables, en pâli. en Thaïlande. Ces incantations entrevoie être suivies d'autres, interminables et en pâli également prononcées 108 fois, 108 est un sacré dans le bouddhisme. La déesse devra ensuite être saluée quotidiennement et recevoir les offrandes habituelles, riz, fleurs, bougies et bâtonnets d'encens accompagnées d'autres matras en pâli. C'est à ces conditions que la déesse accordera sa protection magique.
Il se pose évidemment une question fondamentale : ces rituels complexes ont- ils existé de tous temps ? Ils sont probablement au fil des années ou des siècles devenus de par leur complexité devenus au moins en partie obsolètes. Mais il y a quelques dizaines d'années, ils étaient toujours bien présents présents dans la mémoire collective. Nous sommes redevables au grand érudit que fut Phraya Anuman Rachadon (พระยาอนุมานราชธน) disparu en 1969 d'avoir recueilli pendant des dizaines d'années tous les éléments du folklore thaï plus ou moins en voie de perdition et d'oubli. Les éléments relatifs à la statuette et à sa sœur la plante se trouvent dans un bel article publié en 1964 dans le Journal de le Siam society sous le titre « THAI CHARMS AND AMULETS ». Nous n'en donnons que des extraits comme pour la plante qui porte le nom de la statuette.
LA « PLANTE DE LA DÉESSE »
Nang Kwak est devenu synonyme d'un type de plante appelée « Wan Nang Kwak » (ว่านนางกวัก). Planté devant la maison ou devant un commerce, elle a les mêmes vertus magiques de la statuette : apporter la chance au propriétaire qui l'a planté. Ce doublon est singulier mais nul ne peut dire si la plante a donné son nom au talisman ?
Elle est considérée comme wanya (ว่านยา)
« Wan » est le nom thaï de certaines plantes, principalement à racines tubéreuses, et « ya » signifie médicament, soit comme agent de guérison, soit comme poison.
Le « wan ya », comme son nom l'indique, est principalement utilisé en médecine populaire, indissociable de la magie : La médecine et la magie chez les personnes non instruites sont indissociables dans la pratique de la plupart des remèdes.
Certains mantras (มนต์), formules magiques, prières ou incantations, constituent le préliminaire essentiel dans l'étude et la pratique de l'art traditionnel de guérir et de la médecine populaire.
Certaines maladies, en effet, ont une cause inconnue et sont considérées comme le fruit des esprits maléfiques, des « phis » (ผี) en particulier que nous connaissons, fantômes ou démons que npus connaissons. Ils rodent, invisibles, à proximité du malade et sans l'aide de la magie, il n'est pas possible de savoir l'efficacité d'un remède. C'est la foi qui sauve !
Comme la plupart des plantes dites « wan ya » poussent à l'état sauvage dans la jungle, il n'est pas étonnant que la tradition de leur utilisation comme remède et poison soit venue de l'expérience des habitants de la jungle qui les utilisent comme seul remède médicinal depuis probablement des millénaires.
Le « Dictionnaire de l'Académie royale » donne sous le mot « wan » une dizaine de noms bien connus des plantes wan avec leur noms latins permettant de les identifier, mais ne donne aucune définition de la signification du mot « wan » lui-même. Il existe plus d'une centaine de noms de wan avec des descriptions des plantes et de leur utilisation transmises oralement qui attendent une étude systématique avant qu'il ne soit trop tard. Nous appelons les produits médicinaux dérivés des plantes sous leur forme courante samun phrai (สมุนไพร). Le mot samun est d'origine inconnue (probablement mon-khmer) mais le mot phrai signifie une la ou la jungle d'un mot également mon-khmer. Ces matières médicinales étaient à l'origine des produits forestiers.
Le wan ya étant une partie importante de l'étude de la médecine traditionnelle dont l'étude me dépasse aussi ne m'attacherai-je qu'à cet exemple concernant les rapports étroits avec la magie.
Wannangkwak ne guérit pas les corps, bien au contraire puisqu’elle est toxique. Elle contient en effet dans la tige, les feuilles, les fleurs, les fruits et les racines des cristaux d'oxalate de calcium, particulièrement toxiques. Les observations millénaires des habitants de la forêt leur ont appris tout d'abord que cette plante favorisait ceux qui le cultivent, on ne sait comment La médecine magique guérit non seulement les corps mais aussi les cœurs et les esprits. Sa toxicité enfin que les habitants de la jungle ont appris au fil des siècles a un autre avantage, elle protège la plante des prédateurs, hommes ou animaux.
Wannangkwak (ว่านนางกวัก) alias Alocasia cucullata est donc une plante bénéfique et ses vertus sont les mêmes que celles de la statuette placée quelque part à proximité de l'entrée de la boutique. Mais elle n'acquérera ses pouvoirs magiques que si le strict rituel est respecté. On la cueille à l'état sauvage dans la forêt et, extraite du sol, on doit la transporter dans plusieurs feuilles de bananiers. On doit mettre dans chacune une certaine quantité de liqueur spiritueuse, une poignée de riz bouilli, un morceau de poisson et trois bouchées de bétel à mâcher, une feuille de bétel enduite de chaux vive mélangée à et du khamin (curcuma domestica-Zingiberacena).
C'est – nous le savons - une obligation traditionnelle de faire des offrandes aux esprits avant de pouvoir traiter avec succès pour obtenir leur aide. La plante ne sera toutefois pas devenue opérationnelle pour autant. doivent être prononcés à Bouddha et à ses trois pierres précieuses et un mantra à nouveau psalmodié 108 fois. Naturellement, les fleurs doivent recevoir leurs offrandes quotidiennes.
Le nang kwak ne semble pas aujourd'hui en déclin, ce sont ces rituels compliqués qui ont probablement au moins partiellement disparu, ils ne survivaient plus que comme souvenirs il y a 60 ans,
Les pépiniéristes vendent la plante en vantant ses qualités magiques et le marché est plein de vente de statuettes, médailles ou amulettes.
Elle a même en 2017 servi de mascotte à la, Siam Commercial Bank dans une campagne publicitaire pour solution de paiement par code QR au lieu d'espèces.