Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
Les cultes phallique ont existé dans pratiquement toutes les civilisations et toutes les cultures aussi loin que nous puissions remonter dans le temps. Ne citons que le Dieu Priape de la mythologie grecque, Dieu de la fertilité toujours représenté en érection permanente.
En effet, le culte phallique était lié au caractère vital de la fertilité chez les anciens pour lesquels la vie dépendait de la production alimentaire (cultures, élevage et cueillette), et, bien sûr, de la naissance d'enfants en nombre suffisant alors que la mortalité infantile était effroyable pour subvenir aux besoins de la famille et enfin faire face à la maladie, à la famine et aux menaces impondérables de la nature. Quel est en Thaïlande l'utilisation d'objets phalliques comme amulettes protectrices ? Philippe Rawson, a écrit plusieurs ouvrages sur l’art érotique en Asie (voir nos sources).
Historiquement, selon lui, les esprits maléfiques pouvaient être repoussés par les hommes et les femmes qui leur exposaient leurs parties génitales. Nous rejoignons la croyance thaïe selon laquelle les esprits maléfiques sont repoussés par la vue d'objets sexuels ou immoraux. Rawson confirme que la coutume de porter des amulettes sexuelles, mais surtout phalliques est extrêmement répandue. Ces amulettes peuvent être de formes et de tailles diverses, et ont été conçues pour porter un grand pouvoir pour procurer le bien, éviter les maladies, le mauvais œil et toutes les autres catastrophes surnaturelles. Cette la coutume thaïe de porter des amulettes phalliques autour de la taille ne se trouve nulle part ailleurs en Asie ou les symboles phalliques sont omni présents, notamment aux Indes, sauf peut-être au Laos. Il est un plausible récit de leur introduction au Siam. Lorsque les prêtres brahmanes voulurent y introduire le linga de Siva, ils le miniaturisèrent pour le rendre facilement transportable et les bouddhistes s’emparèrent de ce symbole brahmanique. Certains ne mesurent que quelques millimètres.
Le Palat Khik (ปลัดขิก), bien que son origine ne soit pas bouddhiste, est devenu une amulette bouddhiste : représentation phallique du Dieu Siva. Il est le linga du Dieu Siva (ศิวะ ลิงกา), le plus grand de tous les dieux
L’origine de cette coutume n’est pas clairement définie mais probablement venu du culte de Siva, répandu dans toute l’Asie depuis les Indes.
L’origine et l’étymologie du mot donne lieu à de nombreuses discussions. J'en donne une version en fin d'article.
Selon Phya Anuman, qui est orfèvre en la matière, le mot est négatif et se contenterait de désigner un homme ?
La forme originale de l’amulette est simple : Un pénis en érection avec le gland bien défini, avec une fente indiquant le méat, sans testicules Il peut être fait de pratiquement n'importe quelle matière : pierre, bois, plâtre, os d'éléphant, ivoire, bronze, etc. Les Thaï ont parfois de petits exemplaires en or, et les enfilent autour de la taille sur des chaînes en or.
Le but originel du port du palatkhik est à la fois simple et universel, se protéger contre les objets qui pourraient pénétrer le corps et blesser ou tuer. Ce pour a également un autre but tout aussi importante, une fonction protectrice, à savoir détourner l'attaque de tout esprit vicieux désireux de frapper les organes génitaux d'un garçon et d'endommager sa virilité ou sa puissance. Cela explique également pourquoi le palatkhik est porté sous les vêtements sur une ficelle d'un côté du corps, donc à une certaine distance des organes de génération.
En principe, il est retiré par le garçon lorsqu'il atteint la puberté. On l’appelle plus volontiers « aïkhik » (อ้ายขิก) ou Khun Pet (ขุนเพ็ด)
.
Dans la pratique, cependant, il continue souvent à être porté par les jeunes hommes et même par les hommes âgés. La croyance actuelle, partagée par de nombreux Thaïs instruits et urbanisés et par Phya Anuman lui-même, selon laquelle le port du palatkhik est une pratique rurale qui disparaît rapidement et qui ne se retrouve certainement pas dans les villes, est totalement fausse. Non seulement cette pratique persiste, mais elle prospère, la magie d’Internet y est pour beaucoup : Ne nombreux palatkhik apparaissent sur des portes clefs, peut-être bientôt, si ce n’est fait, sur des clefs USB.
Pour Friedman, Il existe quatre types principaux de palatkhik, auxquels s'ajoutent quelques variantes inhabituelles dans lesquelles l'artisan a fait appel à sa propre imagination ou s'est conformé à la forme ou à d'autres particularités du matériau avec lequel il travaillait. Friedman cite des palatkhik en corail noir aux formes et aux contours inhabituels, par exemple, un petit palatkhik en corail noir à deux têtes semblable à deux serpents entrelacés, comme un caducée.
La forme simple est basique ce qui se passe de commentaire.
On peut la trouver avec des jambes ajoutées, parfois deux, parfois quatre.On trouve encore la femme aux jambes écartées, allongée sur le dos au sommet du palatkhik avec les jambes écartées. Le palat khik se trouve encore monté sur un singe sous diverses formes.
il existe un certain nombre de publications hebdomadaires ou mensuelles thaïes consacrées aux amulettes et charmes de toutes sortes, tels que phraphim (พระพิมพ์) ou phrakruang (พระเครือง).
Elles sont apparemment à gros tirage car on les trouve partout. Elles sont essentiellement bouddhistes mais sans discrimination à l'égard des charmes de nature animiste ou brahmanique, qui sont eux-mêmes souvent bénis par des moines bouddhistes. Dans ces publications, le lecteur qui s’intéresse au palatkhik, trouve un article sur un moine particulier considéré comme particulièrement saint ou qui a acquis une réputation pour l'efficacité des charmes ou des amulettes qu'il bénit.
C’est le cas d’un maître, Luang Po i (หลวงพ่ออี) qui vécut de 1885 à1946.
Il fut le premier abbé du temple de Sattahip (วัดสัตหีบ). Il acquit dans tout le pays une immense réputation comme expert en méditation Vipassana (ผู้เชี่ยวชาญการวิปัสสนากรรมฐาน)
et en amulettes sacrées. Son immense réputation ne s’est pas perdue. Nous sommes en 2024 et l’un de ses palatkhik en corail noir d’origine garantie est en vente sur un site d’amateurs pour 29.999 bahts soit environ 1000 euros, 100 fois le prix d’un palatkhik d’origine ordinaire. Sa sainteté était telle que ses pouvoirs étaient illimités !
Capable de voler, doué d’ubiquité, de l’huile de coco bénie par lui et appliquée sur une blessure entraînait la guérison immédiate. Certains possesseurs de patatkhik affirment que, placés dans une rivière, ils se propulseraient vers l'amont comme s'ils étaient propulsés par un moteur. Il ne fabriquait pas lui-même les palatkhik, mais les faisait fabriquer par des garçons du temple voir un artisan laïc. Sa contribution – essentielle- consistait à une incantation en pâli prononcée dessus, et éventuellement en une inscription en pali gravée sur l’objet
Bruno Friedman cite un autre de ces maîtres dont les pouvoirs étaient similaires, notamment de bénir des palatkhik qui avaient le pouvoir de remonter le courant des rivières
Les revues spécialisées dont nous avons parlé engagent des discussions sur le point de savoir quelle est la meilleure origine pour un palatkhik.
En tous cas, tous différents qu’ils soient, ils portent en général en inscription deux mots sacrés, gunha (กันหะ) et neha (เนหะ)
Actuellement, quelques moines ont pris la suite du maître et ont des pouvoirs magiques. En fonction du matériau dans lequel le palatkhik est édifié, plus ou moins noble, bois corne, corail blanc ou noir, ivoire ; le prix peut atteindre plusieurs milliers de bahts, des centaines d’euros. Il est évidemment fonction du matériau utilisé, de la difficulté du travail et aussi de la qualité des incantations qui peuvent durer quelques heures mais parfois plusieurs jours.
Les Palad Khiks sont généralement portés par les hommes sur un cordon autour de la taille, sous les vêtements et décentrés par rapport au vrai pénis. Il n'est pas rare qu'un homme porte plusieurs palatkhiks en même temps, dans l'espoir d'attirer les femmes, d'augmenter la chance au jeu et de se protéger des objets dangereux tels que les balles et les couteaux. Parfois, les femmes le portent également dans leur sac à main pour se protéger du viol et des agressions. Ce sont toutefois les prostituées qui les portent sur elles après l’avoir, paraît- il, introduit dans leur vagin.
Les propriétaires de commerce les affichent dans leurs magasins ou dans la zone des caisses pour protéger leur entreprise et également apporter chance et ventes. Une caractéristique notable de ce type d'amulette est qu'elle peut être portée dans des endroits considérés comme bas ou impurs tels que les bars, les casinos et les lupanars alors que l’on ne peut pas porter ostensiblement une amulette bouddhiste bordels. Normalement, vous ne pouvez pas apporter une amulette bouddhiste dans de tels établissements.
Les origines du mot ?
En termes plus choisis, on l'appelle dokmai chao (ดอกไม้เจ้า).
En langage royal, qui ne l'ignore pas, il est thong phra khun (ทองพระขุน)
SOURCES
« Notes sur des amulettes siamoises », Pierre Lefèvre-Pontalis, 1926
« Thai charms and amulets », Anuman Rachathon, Journal de la Siam Society, 1964
Philip Rawson, « Primitive Erotic Art », Philip Rawson, Londres, 1973.
« NOTES - THAI PHALLIC AMULETS », Bruno Friedman. Journal de la Sia m society, 1977
« Le mystère des amulettes phalliques », de feu Raymond Vergé de 2005 republié dans Gavroche de septembre 2024.
Louis Gabaude, quelques lignes récentes sur sa page Internet
https://mail.google.com/mail/u/1/#inbox/FMfcgzQXJQSTQdwTBfcpKhNXWkSLmVSK