Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
L’histoire est réelle. Certes, à cette date le roi est en Angleterre où il digère mal les conséquentes du coup d’état de 1932 qui lui ont supprimé la quasi-totalité de ses pouvoirs régaliens mais il est toujours le roi du Siam et d’Angleterre. Le pays est gouverné sur place par le premier ministre, Phot Phahonyothin.
Si le roi n'est pas à Berlin, il y est en tous cas représenté virtuellement et moralement par l'ambassadeur du Siam, titulaire à la fois du poste de Londres et de celui de Berlin, Phraya Suphan Sombat qui appartient à la puissante famille des Bunnag.
L'anecdote que nous allons relatée provient des souvenirs et notes de William E. Dodd, désigné comme ambassadeur par Roosevelt comme ambassadeur à Berlin en 1933 par défaut car il s'agissait d'un poste dont nul ne voulait. Il n’y fit pas d'étincelles mais nous lui sommes redevables d'une foule de notes et d'observations sur la situation dans le Reich à cette époque dont beaucoup furent reproduites dans la presse américaine de l'époque suscitant souvent la fureur justifiée du régime de Berlin (voir nos sources).
La date de cette historiette n'est pas innocente, elle est celle que l'histoire appela « la nuit des longs couteaux ». Elle marque l’épilogue de la lutte qui opposait deux factions du régime : Celle d’Ernst Röhm,
l’ami d’Hitler des premiers jours et qui lui reprochait d’avoir trahi l’idéal de l’idéal de leur révolution en éradiquant tout ce qui était « socialiste ». Il est fort de ses troupes, un million de S.A à la chemise brune. Hitler de son côté a le soutien sans faille de l’armée traditionnelle et reproche – non sans raisons – à Röhm de préparer un coup d’état avec le soutien d’un « pays étranger » qui serait la France mais il faut le dire tout bas. En tous cas l’ambassadeur de France, François-Poncet voue à Hitler – qui le lui rend au centuple – une haine farouche.
Mais venons-en à l’histoire de notre SA anonyme auquel le nom du roi a permis au moins indirectement à l’ « action de nettoyage ».
Dans le centre de la ville, il travaillait au noir comme chauffeur de la camionnette de livraison du département « traiteur » de l’hôtel Adlon. Cet établissement ancien était l’un des hôtels les plus luxueux de la ville et bénéficiait d’un service de cuisine du plus haut niveau de qualité.
Il l’est d’ailleurs – soit dit en passant – redevenu, construit à l’identique après avoir été incendié lors du siège de la ville de 1945.
Il fut arrêté par des SS participant à l’ « action de nettoyage » près de la porte de Brandebourg, non loin de l’hôtel. Il n’avait pas été bien inspiré de conserver sa chemise brune mais probablement aux antipodes de se soucier de la géopolitique de la ville.
L’officier SS lui demande alors où il allait. Il répondit naïvement « chez le roi de Siam ». Le SS s’imagine qu’il faisait le malin. Furieux, le SS et ses acolytes l’extraient de la camionnette et lui enjoignirent d’ouvrir la porte arrière du véhicule. L’espace était rempli de plateaux de nourriture. Le SS reste méfiant et le soupçonne de transporter cette victuaille pour des agapes organisés par Röhm.
Point du tout confirme le chauffeur, c’est pour le roi du Siam. Le SS reste persuadé que l’on se payait sa tête. Deux hommes grimpent dans la camionnette avec ordre de poursuivre le trajet jusqu’au palais ou avait lieu le banquet. Arrivés à l’ambassade, ils apprirent à leur grande fureur que le banquet était organisé en l’honneur du Roi de Siam et que l’on attendait incessamment la venue du Maréchal Goering, président d’honneur de la cérémonie !
Je n’ai pu savoir en quel honneur était organisé cette cérémonie, la date n’est pas une date marquante de l’histoire du Siam, ce n’est ni l’anniversaire du roi ni de celui de son premier ministre. Je n’ai pas pu avoir quel était l’anniversaire de l’ambassadeur ! En tous cas, ces fêtes à Berlin dans le beau monde, concerts, bals, banquets, ambassadeurs et consuls, militaires de haut grade, magnats de l’industrie, journaliste, dignitaires politiques, étaient permanentes, Dodd se plaint des conséquences pour son foie mais comme son avarice est légendaire, plus encore pour son portefeuille, les invitations doivent se rendre !
L'incident fut relaté dans divers organes de presse américains,et fit l'objet de notes diplomatiques.
C'est dire l'importance que lui accorda Dodd, mais le méritait-il ?
à chacun d'en tirer ses conclusions
SOURCES
L'ouvrage du journaliste Erik Larson « dans le ,jardin de la bète » (2011) pourrait appaâitre sous ce titre volontairement provocateur comme un simple roman. Il est en réalité une thèse assortie d'une énorme bibliographie sur la carrière de Dodd, historien devenu ambassadeur par hasard