Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
La province de Nongkhai est la plus septentrionale de la région du nord-est. De tous les monuments qu’elle abrite, ce Sala n’est peut-être pas le plus beau, il est en tous cas le plus singulier. Situé dans un parc de près de 7 hectares à l’est et proche de la ville, il abrite plus de 200 statues géantes en béton armé brut, dispersées de façon assez éclectique, la plus grande, de 25 mètres de haut,
....des représentations de Bouddha, des divinités hindoues, des personnages du Ramayana. Contrairement à ce qu’on lit parfois, ce n’est pas le sanctuaire du syncrétisme de toutes les religions du monde, je n’y ai vu aucune représentation chrétienne et encore moins mahométane. A la base de chaque statue, il y a des inscriptions expliquant le concept et des rappels de principes moraux,
Mélange étroit d’Hindouisme et de Bouddhisme, c'est ce que nous voyons au quotidien dans tous les temples bouddhistes à l'intérieur desquels on peut voir, par exemple, les représentations du grand Dieu Indra (พระอินทร์) et du Dieu Ganesh (พระพิฆเนศ) cohabiter avec celles de Bouddha.
Rien n’y signifie que « toutes les religions se valent » Les Thaïs l’appellent d’ailleurs « le temple hindou » (วัดแขก) par abus de langage car ce n’est pas un temple. Nous ne trouvons sur les lieux et son créateur que des précisions squelettiques, la mention qu’après avoir construit un parc similaire au Laos en aval de Vientiane, il en avait été chassé par les communistes et avait franchi le Mékong pour édifier un parc similaire sur la rive droite. Qui était-il ? Gourou, Yogi, chaman, prêtre hindouiste ou brahmanique ? Nous avons de lui de rares photographies, celles d’un jeune homme affable ....
....et sa dépouille momifiée ...
... qui repose au dernier étage de l’un des bâtiments du parc depuis 1997. Tout au plus connaissons nous son nom, Pu Bunluea Surirat (ปู่บุญเหลือ สุรีรัตน์)
Nous allons enfin être éclairés sur ce personnage assurément atypique, la lumière venant de la rive gauche du Mékong, depuis Philao, le Bulletin de nos amis collectionneurs de timbres-poste et de cartes postales du Laos, dans la livraison du troisième trimestre de cette année,
... un article sous la signature de Didier Cabiddu « Visite du site touristique de Xieng Khuan, plus connu sous le nom de Parc de Bouddha ». Connu par les Thaïs sous le nom de Wat Chiangkhwon (วัดเซียงควน), ce qui signifierait « le temple de l’esprit de la cité », Il est devenu une attraction touristique majeure, de la région de Vientiane. Il est l’œuvre de Pu Bunluea Surirat.
Cet article est riche en photographies ainsi que d’une intéressante notice bibliographique, que nous reproduisons avec l’autorisation de l’auteur et des responsables du bulletin. Qu’ils en soient remerciés.
Qui est l’architecte de cette construction originale?
Le parc a été rêvé et construit à partir de 1958 par le bonze Luang pu Bunleua Suliltat. Il était un prêtre chaman né en 1932 qui a intégré l'hindouisme et le bouddhisme dans son inspiration pour aménager le site ; il a été influencé par un maître hindou sous la direction duquel il a étudié. Bunleua Sulilat est né le 7 juin 1932, septième de huit enfants, dans une famille de la province de Nongkhaï en Thaïlande. Selon une légende, alors qu'il était jeune homme, il est tombé dans une grotte et a ainsi rencontré l'ermite Keoku, son mentor spirituel.
Après avoir terminé son apprentissage avec Keoku, Sulilat se lança dans la sculpture monumentale et procéda à la construction en 1958 de son premier jardin de sculptures en béton, le parc du Bouddha, près de Vientiane, au Laos.
La personnalité excentrique et captivante de Sulilat et le syncrétisme de bouddhisme et d'hindouisme qu'il professait ont exercé un grand attrait sur certains habitants.
Rahu (พระราหู) n'est pas un dieu mais un démon malfaisant
Le titre de Luang Pu, habituellement réservé aux moines, fut appliqué à Sulilat, qui était laïc.
Le parc a été construit avec du béton donné par des centaines de personnes enthousiastes et travaillant sans rémunération.
Certains habitants de la région considéraient Sulilat comme un illuminé.
Son méfait principal est de tenter d'avaler la lune et le soleil, il est le démon des éclipses.
Après la révolution de 1975, il a quitté le Laos pour se rendre en Thaïlande, à Nongkhaï de l'autre côté du Mékong où il a construit un autre parc de sculptures bouddhiques nommé le Sala Kaeo Kou avec la même inspiration qui l’avait guidée pour ériger le site de Xieng Khuan.
Sulilat a été victime d'une chute de l'une de ses sculptures géantes. Par la suite, sa santé s'est détériorée, et il est mort le 10 août 1996. Son corps momifié a été enterré au 3e étage du pavillon Sala Keo Ku à Nongkhaï.
Les jardins de sculptures de Sulilat s'appuient sur la riche tradition d'art religieux de la région. Ce qui les distingue, ce sont leur nombre (plus de 200 pour le parc du Bouddha et leurs dimensions physiques inhabituellement grandes, jusqu'à une vingtaine de mètres de haut,
...rendues, possibles par l'utilisation de matériaux de construction modernes, leur fantaisie artistique hautement individualisée (et même excentrique) et leurs références contemporaines sporadiques (véhicules motorisés, armes à feu, vêtements occidentaux).
Ayant été érigés par une main-d’œuvre non qualifiée, les jardins présentent de beaux spécimens d'art naïf et d'art brut, et ils possèdent certainement la spontanéité et le sens de l'émerveillement enfantin caractéristiques. (Sulilat a affirmé ne pas avoir eu d'expérience artistique avant la construction du parc du Bouddha). Pourtant, une fois encore, l'échelle monumentale des projets et la nature organisée, communautaire et à long terme de la construction sont tout à fait remarquables dans le domaine de l'art brut.
Le béton aurait été choisi par Sulilat comme le matériau le moins cher et le plus accessible pour ses œuvres d'art. Il existe un grand nombre d'usines de ciment sur la rive laotienne du Mékong. Les statues ont été conçues par Sulilat lui-même, puis construites en utilisant du béton non peint (pour la plupart) renforcé par du métal. Les plus grandes installations reposent sur des structures de soutien en briques à l'intérieur.
La nature didactique de la vision de Sulilat trouve son expression la plus détaillée dans les représentations de la roue de l'existence karmique...
Nous reconnqissons le Dieu-éléphant Ganesh (พระพิฆเนศ)
J'ai visité une première fois le Sala au début de l'année 2000 avec plus de curiosité que d'admiration. L'accès en était alors libre et c'était un lieu de promenade agréable quelle que soit l'opinion que l'on puisse avoir sur l'art « brut ». Aujourd'hui des processions d'autobus déversent des hordes de visiteurs qui payent un droit d'entrée de 20 bahts, moins de la moitié d'un euro, modeste certes mais ils affluent quotidiennement probablement par milliers. De mes visites beaucoup plus récentes, je tire la même conclusion que Didier Cabiddu au sujet du parc de Vientiane.
Les petites cabanes traditionnelles qui servaient de boutiques de vente de cartes postales et de souvenirs ont été remplacées par des boutiques uniformes qui proposent toutes le café des Bolovens et autre mets servis dans des assiettes ou tasses en plastique. Terminé le café « chaussette » accompagné de son thé vert et les beignets traditionnels lao…
La mondialisation est même parvenue à contaminer ce superbe petit site où il faisait bon venir passer quelques heures d'évasion hors du temps. Pour autant, il serait dommage de ne pas effectuer une petite visite si vous avez l’occasion de vous rendre à Vientiane
Tous les temples ont leurs marchands même chez les communistes ;
A Vientiane, le droit d'entrée est de 40000 kips pour les étrangers, soit un peu plus d'un euro et demi.Il est de la moitié pour les autochtones.
Il est une question que je me pose, elle est fondamentale mais je ne l'ai vue abordée nulle part :
Les statues ont été édifiées en béton armé mais dans quelles conditions a été mélangé ce béton ? Mélange de ciment, de sable, d’agrégats, d'eau et d'une très faible quantité d'adjuvants, sa fabrication est réglementée par un certain nombre de normes draconiennes. Qualité du ciment, qualité du sable, qualité des agrégats, qualités des adjuvants, qualité de l'eau même.... Lorsque le béton armé fut utilisé au début du siècle dernier, on lui prêta alors une durée de vie de plusieurs centaines d'années ? L'apparition de ce que les entrepreneurs appellent « le cancer du béton » laisserait à penser que certains bétons armés ne dureraient guère plus d'un siècle ? Le fait que le constructeur ait été victime de la chute de l'une de ces statues géantes, fait tout de même réfléchir.