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Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.

H 83 – SOUVENIRS INÉDITS DU PRINCE DAMRONG COMME MINISTRE EN CHARGE DE LA SANTÉ

Le Prince Damrong, parmi ses attributions de ministre de l’intérieur avait aussi celles de la santé publique.

 

Le roi lui-même était fort soucieux de ces questions. Nous avons vu que sa « politique de stratégie hygiénique » l’avait conduit à faire construire de nombreux lieux d’aisance à Bangkok pour faire perdre à la population la triste habitude de se soulager n’importe où (1).

 

 

Il engagea également sous la direction d’un ingénieur français le réseau de distribution d’eau potable à Bangkok, dont il ne put malheureusement voir la fin.(2).

 

 

Cette politique était déjà définie dans un décret du 21 novembre 1897 connu sous le nom de « décret 116 ». N’y revenons pas mais – en ce qui concerne l’état de Bangkok à cette époque – nous trouvons quelques précisions complémentaires :

 

- De nombreux tas d'ordures encombrent la ville dans les voies publiques ou les trottoirs, sur les rives de la rivière ou des klongs. C’est le début de l’organisation du système de ramassage et de destructions des ordures.

 

 

- Pour éviter la construction ou la reconstruction de bâtiments insalubres, tout projet doit faire l’objet d’une déclaration écrite préalable contenant en particulier la description du système d’assainissement prévu.

 

 

- Notons au passage qu’il est prévu d’organiser le nettoyage des urinoirs et des latrines publiques quotidiennement.

 

 

Reprenons à cette occasion une étonnante mais évidente constatation, aucun des visiteurs étranger à cette époque n’a souligné l’état de saleté et de puanteur de la ville qui puait la merde voire la charogne et pour décor des tas d’ordures partout et de multiples taudis défiant toutes les règles d’hygiène.

 

 

Mais nous sommes penchés sur les souvenirs du Prince lorsqu’il avait la responsabilité des affaires sanitaires racontés à ses filles puis écrits et publiés au crépuscule de sa vie. Certains ne figurent pas dans les archives et s’il ne les écriait pas, leur connaissance disparaîtrait. Quelques-uns sont singuliers et méritaient d’être rappelés. Ils sont extraits de la page  https://vajirayana.org/นิทานโบราณคดี

 

 

Conflit entre médicaments traditionnel ou médicaments occidentaux et création du premier laboratoire pharmaceutique du pays à Bangkok ?

 

Le Prince ne conteste pas les vertus des médicaments traditionnels mais sa préférence va aux médicaments occidentaux. Les médecins thaïs utilisent des médicaments à base d’un mélange de toutes sortes de plante locales y compris des moisissures. Il faut en consommer beaucoup, ils ne peuvent être introduits que par voie orale et il faut attendre une heure pour que le médicament produise son effet mais l’ingestion par voie orale n’est pas toujours possible. À l’inverse, les médicaments occidentaux ne sont pas à base de plantes mais de « métaux », on n’utilise que la quantité nécessaire en petite quantité, il n’y a pas de déchets et ils peuvent être administrés par voie orale, rectale ou cutanée. Ils peuvent passer par les vaisseaux sanguins et alors agir en quelques minutes. Le conditionnement en petites pilules rend le transport et l’emballage très facile. Comme pour un voyage en train ou en avion, on atteint sa destination plus rapidement. Le Prince donne la priorité  à la médecine occidentale. Il ne prétend pas avoir la science infuse, seul Bouddha est omniscient. Il n’a pas pris sa décision à la légère mais après de nombreuses réunions avec des médecins anglais, français, américains et allemands au pavillon Luk Khun (ศาลาลูกขุน) au ministère de l‘intérieur.

 

 

La complexité de la fabrication des médicaments conduisit à la limiter à une douzaine avec la rédaction de manuels d’utilisation. Cette tâche fut confiée au Docteur Hans Adamson (หมออะดัมสัน), un personnage hors du commun, missionnaire américain  qui disait ne pas être américain mais d’origine mon et qui finit sa carrière comme moine bouddhiste et médecin.

 

 

Il s’engagea à effectuer la fabrication à prix coutant au premier étage de son bureau de Charoen Krung et à former un assistant jusqu’à ce que le gouvernement soit en état d’organiser la fabrication des médicaments. Nous allons retrouver ce pionnier de l’ « industrie » pharmaceutique au Siam :

 

 

La production du vaccin contre la variole.

 

La langue thaïe est imagée, elle l’appelle « le pus de la variole » (หนองปลูกฝีดาษ) tout simplement car, au moins à l’origine, ce vaccin était du pus. La langue thaïe est imagée, elle l’appelle « le pus de la variole » (หนองปลูกฝีดาษ) tout simplement car, au moins à l’origine, ce vaccin était du pus et rien autre. Le fléau ravageait le Siam et le remède était connu. De nombreuses observations – peut-être venues de Chine -  avaient démontré que les personnes atteintes de la « variole de la vache », souvent des valets de ferme, n’étaient frappés que de troubles secondaires qui disparaissaient très vite. De là vint l’idée d’inoculer du pus provenant de la main d’une personne atteinte de la variole de la vache.  L’expérience sur un enfant cobaye probablement pas volontaire, se révéla concluante. Ce premier vaccin historiquement connu se répandit rapidement en Europe. En France, dès avant la révolution, on inoculait les enfants, Louis XVI l’aurait fait faire aux siens et ainsi disparut ce fléau. Nous portions, nous les anciens, longtemps à l’épaule la cicatrice de ce simple coup de griffe.

 

 

Le pays se fit donc envoyer initialement du vaccin (en bon français du pus » une fois par an, mais au bout d’un certain temps, le pus devenait inactif. Le pays se le fit alors envoyer d’Europe tous les deux mois mais les souches devenaient souvent inefficaces au moins une fois sur deux. Les Français installèrent alors à Saigon une succursale de l’Institut Pasteur qui fabriquait le « pus de variole » à Saigon. Le Gouvernement considéra que ce qui se faisait à Saigon pouvait se faire à Bangkok car il fallait plus de 15 jours pour attendre l’arrivée du vaccin. C’est le même Adamson qui en fut chargé. Il confectionna le pus, je préfère ne pas savoir comment, et installa dans ses bureaux de Charoen Krung un laboratoire de confection et un local de vaccination en 1901. Le local se trouva rapidement être exigu.

 

 

Le Gouvernement engagea alors un Français, le docteur Mano (หมอมาโนส์)  qui créa un laboratoire de fabrication du pus à Nakhon Pathom (เมืองนครปฐม) en 1903. En 1912, la variole fut considérée comme totalement éradiquée du pays après d’intenses campagnes de vaccination dans tout le pays

 

 

La réticence de la population : nécessité de « contrefaire» le médicament occidental en médicament traditionnel

 

Même dans les villes, elle était hostile à la médecine occidentale.  Nous savons que la quinine est à la base du traitement de la malaria et du paludisme. C’est un alcaloïde extrait originairement de l’écorce du quinquina. Elle était connue au Siam dès le règne de Rama III (1824 – 1851) par l’intermédiaire du Prince Krom Luang Wongsathirat Sanit (กรมหลวงวงศาธิราชสนิท) qui connaissait à la perfection la médecine locale mais privilégiait la médecine occidentale.

 

 

Devant l’appréhension de la population, il ne pouvait pas utiliser ouvertement ce médicament qui s’était avéré beaucoup plus efficaces que les médications traditionnelles. La population refusant la médecine occidentale, il fallut en quelque sorte une contrefaçon prétendument d’origine locale que l’on baptisa « médicament Osotsala » (ยาโอสถศาลา) ce qui signifie à peu près « médecine du dispensaire » ce qui dispensait d’en indiquer l’origine.

Ainsi fut-il diffusé chez les médecins de sous-district (tambon) accompagné d’un manuel d’utilisation. L’organisation voulue par le roi était que dix maisons constituaient un village et que dix villages constituaient un sous-district qui devait avoir son médecin et son dispensaire. La présentation sous forme de poudre blanche ne signale pas une confection occidentale. Toutefois les compétences de ce médecin local ne sont pas universelle comme le démontre l’anecdote suivante ;

 

 

Médecin traditionnel mais pas chirurgien

 

Le Prince se rendait dans la province de Phayap  (มณฑลพายัพ) qui regroupait les mueangs aux alentours de Chiangmai. 

 

 

Il y rencontre quatre jeunes gens qui s’initiaient aux fonctions administratives.  Le chemin de fer n’existait pas, ils prennent un bateau à vapeur en direction d’Utaradit (เมืองอุตรดิตถ์). Arrivés à Phitsanulok (เมืองพิษณุโลก). Il fallut pendre une voie terrestre avant de rejoindre un autre bateau. En cours de route, les jeunes qui avaient des armes à feu se distraient en tirant sur les oiseaux. Arrivés sur le bateau, ils nettoient leurs armes et les déchargent.  L’une d’entre elle ne l’était pas. Elle explose et blesse très sérieusement l’un des jeunes à la jambe.

 

 

Retour à Utaradit ou le Prince cherche un médecin susceptible de soigner cette jeune victime. Il n’y a dans toute la ville aucun praticien susceptible de la soigner. Il fallut alors revenir en urgence à Phitsanulok où il y a une équipe de missionnaires et médecins américains qui soignèrent le blessé dans qu’il y ait eu de séquelles.

 

 

Le Prince en tira une conséquence d’évidence, il ne suffit pas aux étudiants d’apprendre la médecine proprement dite, il faut aussi leur apprendre la chirurgie. Cette carence est singulière, dans un pays ou les guerres furent nombreuses, on ignorait totalement en médecine traditionnelle comment soigner ces blessures. Que devenaient les blessés sur les champs de bataille ?  Les laissait-on mourir de la gangrène ? Ce sont pourtant les guerres, hélas, qui ont fait faire à la chirurgie des progrès spectaculaires, d’autant plus fulgurants qu’elles étaient meurtrières, guerres napoléoniennes pour le France, guerre de sécession pour les Américains, pour ne pas parler des suivantes.

 

 

ll faut signaler le rôle particulier des missions protestantes américaines. Certes, ces missionnaires sont là pour prêcher la bonne parole mais ils ne le font pas comme les missionnaires catholiques. Pas de soutane et de barbe blanche pour évangéliser.

 

 

La plupart sont en couple, ils ont en général des compétences affirmées en médecine, ils les mettent à profit, le catéchisme viendra. Mais les conversions au christianisme réformé n’eurent pas plus de succès que le catholicisme orthodoxe romain.

 

 

 

 

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