A 502 - LA DIVINATION PAR L’OS DE POULET, UN RITUEL ETRANGE DUSUD DE L’ISAN (NORD-EST DE LA THAÏLANDE

Nous avons rencontré à plusieurs reprises ces rites, rituels ou cérémonies (พิธีกรรม) essentiellement animistes. Ils perdurent au XXIe siècle au moins dans la Thaïlande profonde, l’Isan, le nord-est en particulier, où nous vivons.

Leur origine est bien antérieure à l’arrivée du bouddhisme, l’immense majorité de la population devint bouddhiste, est toujours composée de pieux bouddhistes mais le bouddhisme est bon enfant et ne les réprouve ni ne les interdit. Ainsi avons-nous rencontré en particulier un rituel de divination et d’autres ; destinés à appeler la pluie (voir note sur nos articles), certains ont disparu de par leur cruauté, d’autres perdurent.

Il en est un dont nous allons parler, spécifique à la population d’origine Kui (กูย), une minorité ethnique présente dans de nombreux villages du sud de l’Isan, elle-même probablement d’origine khmère (เขมร). Elle est l’ancêtre probable des bâtisseurs d’Angkor. Nous l’avons également rencontrée (voir note sur nos articles).

La cérémonie de divination par l’os de poulet

Les habitants l’appellent-ils « la cérémonie de divination par l’os du mention du poulet » (พิธีเสี่ยงทาย กระดูกคางไก่). Je n’ai pas compris cette référence au menton que les poulets n’ont pas, peut-être est-ce du dialecte kui ? Pour moi, cet os que nous allons voir, je l’ai toujours appelé « la fourchette » mais je ne sais si c’est du français académique ?

Elle est spécifique, avons-nous dit, aux villages Kui. Les Kui sont 400 ou 500.000 dans cette région. Ils y ont leur langue et leurs coutumes qu’ils conservent ou tente de conserver.

Certains villages font débuter la cérémonie le 6ème jour de la lune croissante du 6ème mois lunaire, d'autres le 9ème jour de la lune croissante du même 6ème mois, en avril ou mai donc mais le rituel qui commence le matin est toujours la même. C’est naturellement la saison agricole qui va s’ouvrir qui est concernée. Des offrandes doivent être faites au sanctuaire du village « sanctuaire Pu Ta » (ศาลปู่ตา)

ou à l’arbre sacré qui protège le village (ต้นไม้ใหญ่ประจำหมู่บ้าน)

Le sanctuaire principal du village « sanctuaire du grand père » y est toujours vénéré depuis l’antiquité. Son appellation fait probablement références aux ancêtres fondateurs ? On le trouve encore dans tous nos villages ce qui ne l’empêche pas de cohabiter avec le temple bouddhiste.

La cérémonie ouvre la voie au début du labour et des semailles  la plantation mais doit permettre de savoir à quoi ressemblera la saison des pluies qui va commencer.

Les habitants du village vont faire des offrandes, alcool, noix de bétel, cigarettes, du riz, etc…  et, bien sûr, du poulet bouilli

Lorsque les psalmodies sont terminées, le poulet est dépecé par le chaman du village qui ne fait pas, rappelons-le, mauvais ménage avec les moines. C’est l’os qui va parler ; Si s’il est droit ou courbé vers le hautm c'est signe de sécheresse. S’il est courbé vers le bas, c’est signe de l’arrivée d’une pluie abondante, le poulet pourra se pencher vers le sol pour se désaltérer en picorant sa nourriture habituelle.

En dehors de cette cérémonie, essentielle dans le monde agricole, le même os est encore utilisé pour prédire la date des cérémonies importantes de la vie, construction de la maison,  cérémonies de mariage ou d'ordination. C’est ainsi que le chaman animiste pourra décider de la date à laquelle devra avoir lieu une ordination bouddhiste.

Il n’existe malheureusement pas de statistiques exactes sur la précision et l’exactitude de ces prédictions mais les personnes âgées tout au moins et de nombreux jeunes y croient encore dur comme fer.

NOTES

Sur les Kui, voir notre article

INSOLITE 40 - L’ETHNIE KUY (กุย) A-T- ELLE RENCONTRÉ LES VIKINGS ?

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2023/01/insolite-40-l-ethnie-kuy-a-elle-rencontre-les-vikings.html

Ils s’appellent aussi Kuay (กวย) ou Suai (สวย) ou Koy (โกย) et subsistent également au nord du Cambodge et au sud du Laos.

Ils étaient de talentueux dresseurs d’éléphants.

Ils passent pour avoir inventé la métallurgie depuis des temps immémoriaux ce qui leur permit de forger les outils qui ont tallé les pierres destinés à la construction des temples khmers. Le titre de cet article est volontairement provocateur. Ce sont probablement les Chinois qui ont introduit l’art de la métallurgie dans la péninsule indochinois.

Sur la divination par les entrailles de poulets, voir notre article

A154. La divination dans les entrailles de poulet en Isan. Une vieille tradition perdue ?

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/article-a154-la-divination-dans-les-entrailles-de-poulet-en-isan-une-vieille-tradition-perdue-123941685.html

Elle consistait à invoquer solennellement l'esprit du gardien de la rizière nommé Phitahaec (ผีตาแหก ou ผีตาแฮก). Cette cérémonie éminemment cruelle, le poulet est vivant,  a probablement disparu mais si elle subsiste encore, ce qui est possible, les chamans qui la pratiquent ne convoqueront pas les chaines de télévision. Cette photographie ne vient pas de Thaïlande

Sur les rituels d’obtention de la pluie

Voir notre article

A 233 - LE FESTIVAL DES FUSÉES EN ISAN, RITUEL MAGIQUE OU TECHNOLOGIE D’AVANT-GARDE POUR PROVOQUER LA PLUIE ?

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2017/07/a-233-le-festival-des-fusees-en-isan-rituel-magique-ou-technologie-d-avant-garde.html

Devenu attraction touristique, c’est une Offrande au Dieu de la pluie, Phraya Thaen (พระยาแถน) maître du ciel, rite propitiatoire en fin de saison sèche,

Voir notre article sur des rituels plus confidentiels

A 299- LES RITES D’OBTENTION DE LA PLUIE EN ISAN (NORD-EST DE LA THAÏLANDE)

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2019/01/a-299-les-rites-d-obtention-de-la-pluie-en-isan-nord-est-de-la-thailande.html

Le Bouddha noir thaumaturge de Kalasin

Une cérémonie traditionnelle vient de la province de Kalasin (ฏาฬสินธุ์) : le « temple du milieu de la ville »  (วัดหลางเมือง – Wat Klangmuang) ainsi nommé parce qu’il se situe au cœur même, abrite une très vénérée statue de Bouddha noir appelée « Luang Pho Ong Dam » (หลวงพ่อองค์ดำ). Il était promené en procession dans la ville et accomplit de nombreux miracles. La cérémonie n’est plus pratiquée depuis le début de ce siècle probablement en raison de la fragilité de la statue

La cérémonie de la procession de la chatte

Géographiquement limitée essentielles  la province de Khorat, les habitants l’appellent la procession de la chatte (แห่นางแมว - hae nangmaeo). Elle consiste à promener dans le village une chatte en cage. Pourquoi une femelle et pas un mâle ? Probablement parce que la femelle est symbole de fertilité. Comme chacun sait, les chats sont, de tous les animaux domestiques, ceux qui détestent le plus l’eau. Quand il pleut, si un chat est mouillé, il miaule à mort. Ces miaulements brisent alors les nuages et tombe la pluie ! Ce n’est pas bien méchant même si l’efficacité n’est pas assurée.

La mort du cobra royal

Ce rituel est probablement le fruit des constatations des paysans de certaines régions depuis des siècles qui attribuent la sécheresse à la faute du cobra royal : Il serait capable de manger ses œufs mais seulement en période de sécheresse ? S’il ne pleut pas c’est que le cobra a fait cesser les pluies pour que ses œufs éclosent. Le serpent doit  donc être pour que les pluies commencent. Ce rituel nécessite une main d’oeuvre abondante et audacieuse : Un homme monte un cheval et traverse les champs à la recherche d’un nid de serpent et des œufs lorsque la mère vient de la quitter avant l’éclosion, repéré par le père qui patrouille. Lorsqu'il a trouvé, il doit prendre un œuf dans le nid, n’oublions pas qu’il est surveillé par le père attentif à sa progéniture. En même temps, d'autres ont fait sur un grand feu bouillir une marmite d’eau. L’homme à cheval se précipite suivi par le serpent qui veut récupérer son œuf, soit pour le manger soit par sollicitude paternelle ? S’il réussit à échapper au cobra, arrivé près du feu, il y jette l’œuf, le serpent saute dans la marmite dans laquelle il finit ainsi tristement ses jours ! Et enfin les pluies vont commencer. Il faut une certaine dose de courage sinon d’inconscience pour provoquer deux animaux (père et mère) susceptibles de se déplacer en tant que de besoin à 35 kilomètres/heure, rendus fous-furieux comme tous les animaux dont on attaque la progéniture. Qui pouvait avoir l’audace de plonger la main dans un nid de cobra pour y voler un œuf ? Ce rituel autrement plus féroce que l’arrosage d’une chatte noire nous laisse perplexe d’autant que le bouddhisme ne considère pas le cobra comme un animal maléfique, bien au contraire puisqu’’il est considéré comme un symbole et un objet de vénération.

Il doit y avoir bien longtemps que le rituel de faire bouillir un cobra dans une marmite ne subsiste plus que dans la mémoire des plis anciens.si ce n’est de leur imagination ? Qu’en penser ? Il fut un temps où l’homme ne craignait pas d’affronter des animaux féroces, ours, tigres, mamouths, avec des armes rudimentaires, massues et lances, sans armes de jet, alors ?