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  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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19 mars 2023 7 19 /03 /mars /2023 05:12

 

L’événement dans le mode du théâtre parisien survint le 4 juillet 1829 lorsque fut joué fut L’éléphant du roi de Siam, qualifié alors de « mimodrame en trois actes et neuf tableaux » écrit par Léopold Chaudezon et Ferdinand Laloue sur une mise en scène de Adolphe Franconi dans le cirque duquel la pièce fut jouée… Léopold Chaudezon, lui-même auteur dramatique,  45 de ses pièces furent  jouées dans tous les théâtres de Paris entre 1806 et  1845. Il n’eut  probablement que le rôle de collaborateur mais Laloue qui  fut prolifique et plus encore, comme nous allons le voir, ne traitait pas ses collaborateurs comme Alexandre Dumas traitait ses « nègres » (littéraires) comme des esclaves, ainsi la pièce est enregistrée à la Bibliothèque Nationale sous le nom du collaborateur suivi de celui de l’auteur principale. Ce n’est pas exactement un mimodrame car la pièce est bien écrite et non mimée mais son aspect singulier est que rôle principal fut tenu par l’éléphant Miss Djeck (qui s’écrit Jack, mais se prononçait à l’anglaise)  appartenant à Huguet. 

 

Ce Huguet, coureur de jungle et dompteur alors célèbre se donnait volontiers du « Comte de Massilia ».

 

 

À la fin de la représentation, l’éléphant qui était une éléphante offrait avec grâce des bouquets de fleurs aux dames de l’assistance. Le public était conquis. Les représentations de ce spectacle durèrent jusqu’au 11 novembre. Il y en eut des dizaines jusqu’à celle de 1861 dont nous allons parler et qui nous la fit découvrir avec amusement.

Ainsi écrivit un critique hostile dans « Les coulisses » du 28 janvier 1841 : « Le cirque est livré aux Laloue comme jadis les esclaves étaient livrés au cirque ».

 

 

La première éléphante, Mademoiselle Djeck était mondialement célèbre, son dompteur la produisit en Angleterre et aux Etats-Unis, avant sa mort en 1837.  Sa première apparition à Paris  se fit à l’occasion de cette pièce où elle fit sensation. Elle fit une autre sensation en Angleterre à l’occasion d’un spectacle interdit en France en livrant un combat à mort contre un lion.

 

 

Ferdinand Laloue naquit à Neuilly-sur-Seine le 18 juin 1794 et mourut prématurément à Passy  le 27 septembre 1850. Auteur dramatique, librettiste et entrepreneur de spectacle français, le personnage est atypique. Né de parents pauvres et qui n'avaient pu faire de grands sacrifices pour son éducation, il n'avait jamais été qu'à l'école ; très-jeune, il fut placé en apprentissage chez un épicier. Un tel état ne pouvait convenir à un homme qui sentait déjà ce qu'il valait. Le garçon épicier devint bientôt clerc de procureur; mais les rôles à copier ne lui plaisant pas plus, il eut l'idée de s'engager dans les gardes d'honneur de l'Empereur.  Détourné de ce projet, il entra dans les bureaux du dépôt de la guerre où il se fit une réputation de savant !

 

 

 

 

A la déchéance de l'Empereur,  il quitta les bureaux de la guerre et entra chez Alphonse Martainville en qualité de secrétaire. Le Drapeau blanc (sous-titré Journal de la politique, de la littérature et des théâtres) fondé par Martainville était le journal des Ultras.

 

 

Il avait lors vingt-deux ans. C'est là qu’il fit son éducation en prenant le sceptre de la critique théâtrale. Afin d'augmenter son petit pécule, car il faisait vivre sa mère et était déjà père de famille, il sténographiait la chambre pour la Quotidienne,  autre périodique ultra.

 

 

Il entre en scène le 26 novembre 1821 avec La bataille de Bouvines ou le rocher des tombeaux, mimodrame en trois actes à grand spectacle. Ill y faisait manœuvrer sur la scène des régiments entiers

 

La Bibliothèque nationale le crédite de 136 titres de pièces de théâtre, il y a quelques doublons mais il en reste plus de 100 sur une carrière qui va de 1821 jusqu’à sa mort en 1850, 29 ans, plus de trois pièces écrites en mises en scène par année ! Il entra dans le monde du cirque avec Adolphe Franconi.

 

 

Il connut de lourds déboires financiers, ses mises en scène avec des animaux sauvages dressés et souvent plus de 500 figurants, coutaient des fortunes. Le passage au cirque était une nécessité juridique puisque l’ouverture d’un théâtre était soumise à de strictes contraintes ce qui suscitait de permanentes protestations de Victor Hugo. Laloue a été clerc chez un procureur comme on appelait alors les avoués. Il en a retenu quelques notions juridiques !

 

 

Sa dernière représentation fut Rome, drame à grand spectacle en 5 actes et 12 tableaux, le 29 septembre 1849 qui fut défendu par ordre de l’autorité. C’est un vaste rétrospectif sur l’affaire de la république romaine, sujet brulant à l’époque. Laloue n’a rien perdu de son sentiment ultra royaliste puisqu’il s’agit d’un hommage appuyé au Trône et à l’autel, ce qui explique cette interdiction républicaine.

 

 

Il y a dans ses écrits, trop nombreux pour être parfaits, du meilleur et du pire, il le dit lui-même « Je voudrais être l'auteur de toutes les mauvaises pièces de théâtres jouées à Paris, je serais l'homme de lettres gagnant le plus d'argent ». Il mourut d’ailleurs pauvre et la reprise de 1861 alors qu’il  était mort depuis 11 ans, fut organisée par ses amis au bénéfice de ses héritiers avec probablement une sous-jacence politique comme nous le verrons.

 

 

La pièce qui nous intéresse est bien construite et respecte à la perfection la règle des trois unités du théâtre classique que brisa Victor Hugo Elle se déroule à Ayuthaya. Elle est écrite en bon français. Des critiques lui ont reproché l’utilisation de calembours plus ou moins faciles du genre « Mais l'homme l'est aussi. … L'omelette aussi... ». Victor Hugo, son contemporain, pratiquait volontiers le calembour un peu gras quoi qu’il ait écrit « Le calembour est la fiente de l’esprit qui vole ». Un peu de sourire ne messied pas dans cette pièce tragique entre deux situations pathétiques. Il n’empêche que Laloue respecte scrupuleusement la grammaire :

 

 

Du Journal amusant du 21 décembre 1861 cette anecdote : Rien ne choquait plus qu'un barbarisme ou une faute de français son oreille exercée. Un jour, alors qu'il était directeur de l'Hippodrome, un garçon de théâtre vint le trouver au lit, l'éveilla et lui annonça la destruction de l'Hippodrome par le feu, en ces termes : Monsieur, votre théâtre vient d'être victime d'une incendie effrayante. Et indigné, il répondit : Effrayante,  animal, effrayant au masculin, entends-tu ?  Et il s'habilla stoïquement pour aller sauver le plus de braise possible du foyer de l'incendie.

 

 

LA REPRISE DU 4 MAI 1861

 

Elle est alors non plus présentée comme mimodrame mais comme drame à grand spectacle….

La couverture du livret contenant le texte est significatif. L’éléphante Betzy vient en tête des acteurs avec la mention de Huguet, fille du dresser précédemment cité, qui la fit passer à cette occasion pour la fille de Miss Djeck, celle exhibée en 1829. C’est douteux car la possibilité de la reproduction des éléphants en captivité est aléatoire.

 

 

Et les autres ? Ils ne semblent pas avoir passé la barre de l’immortalité, pas mieux que Laloue qui portant triompha pendant près de trente ans sur les scènes des théâtre-cirque de Paris. Nous n’avons trouvé qu’une photographie de Gouget, le prince birman

 

.....et une autre de  Marie Desclauzas qui jouait la belle Fatma. Nous n’en connaissons d’elle que ce que dit le dramaturge Paul Mahalin alors qu’elle était devenue rondelette.

 

 

Il serait dommage de ne pas le citer : A la voir remplir si gaillardement ses rôles et son maillot, qui se douterait que Madame Desclauzas  a été timide et maigre ? Cette maigreur, était telle, - autrefois, - qu'un mien ami me disait : — Je ne me permettrais sans scrupule cette femme-là que le vendredi saint. Aujourd'hui, on en ferait ses jours gras !  (Jolies Actrices, 2e série, 1878, pp. 135-136). Mieux vaut en rester là.

 

 

La pièce débute dans les faubourgs d’Ayuthaya dont on voit les remparts au loin, Nous sommes dans une grotte abritant des fakirs-talapoins. Apparaissent les malfaisants, Abdulkaïm un prince birman fourbe et cruel accompagné de Saeb, son bras droit. Ils sont à la tête d’une petite équipe de soldats birmans. Abdulkaïm nous apprend alors le nœud de l’intrigue : Il veut d’emparer du trône de Siam. Son père avait vaincu par les armes le vieux roi et lui avait laissé la vie à la condition qu’il épouse sa fille et que t’enfant mâle qui naitrait de cette union devait ceindre la couronne siamoise. C’est lui détient ce droit par le sang de sa mère. Il veut s’emparer de la ville, de ses richesses et surtout de l’éléphant royal, symbole de la légitimité, auquel le peuple crédule attache la possession aux destins de la couronne. Il avoue avoir acheté le soutien de Taherbad, chef des talapoins par de l’or et des promesses. Il est par ailleurs amoureux de la belle Fatma, la fille du roi de Pegu déjà promise à Nadir, le fils et seul héritier du roi siamois défunt. Les cérémonies du couronnement de Nadir et ses noces avec Fatma doivent être célébrées le lendemain mais il investira la ville avec son commando de Birmans qui seront revêtu de la robe des talapoins sous laquelle seront dissimulées leurs armes. Le traitre Taherbad est dans la ville et harangue le bon peuple sous les acclamations et le son des gongs. C’est lui qui est allé chercher Fatma dans son pays natal pour la conduire à Ayuthaya. Abdulkaïm pourra donc avec le concours de ses séides déguisés en moines  ceindre la couronne et épouser Fatma, celle qu’il aime. Fatma, dans son boudoir avoue à Ziloé la maitresses de ses suivantes, que Nadir est le choix de son cœur mais qu’elle a un mauvais pressentiment. Apparaîtront alors deux autres personnages qui appartiennent à l’équipe des « bons », Badour Bibi Kan Kan, intendant de la maison de l’éléphant royal et Tsi Tchi qui remplit les importantes fonctions de blanchisseur de la trompe de l’éléphant, éléphant qui est, de tous, le personnage le plus important du royaume. Badour nous apprend, un peu de raillerie ne messied pas, que sa nomination a été publiée à son des trompes. Quant à Tsi Tchi, il a été choisi par l’éléphant lui-même compte tenu de son appendice nasal tel qu’on les baptisait « les jumeaux siamois » mais si l’éléphant lui est attaché par le nez, il est attaché à Nadir par le cœur. Passons rapidement sur divers épisodes plus ou moins dramatiques ou burlesques pour en arriver à une fin que l’on devine évidemment heureuse : Ce sera l’éléphant qui départagera les deux prétendants au trône en déposant la couronne sur la tête de Nadir. Le dernier tableau se situe dans le palais de l’éléphant. Sur son dos est un trône sur lequel sont assis Nadir et Fatma.

 

L’éléphant porte à sa trompe le sceptre royal et l’offre à Nadir avant de punir Taherbad à la façon siamoise.

 

 

Comment expliquer  le succès permanent de Laloue, tout autant que celui de Victor Hugo qui, lui, n’a pas été oublié. L’éléphant du Siam a connu 300 représentations entre 1829  et 1861

Plusieurs raisons se conjuguent :

Tout d’abord un spectacle de cirque permanent. La famille Huguet a manifestement le génie du dressage et entretien une Galerie Zoologique sur les Champs Elysées qui connut un phénoménal succès sous la monarchie de juillet et le second empire.

 

 

Sa fille donne l’ut-dièse de tous les exercices imaginés pour un trompipède : le repas de Betzy est servi par un singe qui vole dans les plats les morceaux les meilleurs.

 

 

Betzy agile sa sonnette pour se faire servir, débouche les bouteilles. vide les plats, s'essuie avec sa serviette, s’évente, joue de l'orgue et de la trompette. Elle danse et valse avec les danseuses, enlève la couronne de la tête de l'usurpateur pour l'offrir au roi légitime, délivre son prince enfermé dans un coffre, sert d'escalier vivant pour faire évader des prisonniers, tue des serpents, et prouve autant d'intelligence qu'un acteur qui n'aurait pas quatre pattes. Les malheureux machinistes font d’ailleurs les frais de sa voracité Il lui faut cent litres d’eau par jour. Lorsqu'elle en boit plus, elle s'oublie fréquemment dans les coulisses, et les machinistes qui sont-dans les dessous peuvent se croire sous les chutes du Niagara.

 

 

L’exotisme romantique est alors à la mode et trois autres au moins des pièces de Laloue se jouent dans un monde exotique au milieu des lions dont le dressage fut un triomphe de Huguet (L'Arabe hospitalier,

 

 

Les Lions de Mysore, Le Lion du désert).

 

 

L’t’intrigue de notre pièce mélange habilement  en sus du spectaculaire l’action et l’amour assorti d’une incontestable mais discrète sous-jacence politique

La Bataille de Bouvines, la première des pièces de Laloue fut le symbole de l’unité de la nation, le roi, les chevaliers et les milices populaires Elle fut publiée dans Le Drapeau blanc. N’oublions pas que Laloue fut un Ultra,

 

 

Rome fustige la politique anticléricale de la seconde république.

En 1829, on voit poindre les manouvres souterraines de Louis-Philippe d’Orléans pour s’emparer du trône au détriment de son détenteur légitime. L’éléphant du Siam est bel et bien un hymne à la légitimité.

 

 

Les amis de Laloue avaient le choix entre une centaine de pièces pour soutenir financièrement ses héritiers, celui de reprendre, 10 après le coup d’état de Napoléon III, ce fut un choix très symbolique. Nous n’avons consulté que quelques-unes des rares pièces de Laloue qui sont numérisées, qu’en est-il des autres ?

 

 

Une dernière question se pose : comment dans ces cirques, les spectateurs pouvaient-ils autres que ceux des premiers rangs entendre et apprécier les dialogues quel que soit le talent oratoire des acteurs. Jugez :

En 1829 la pièce fut jouée au Théâtre olympique du cirque comme Bouvines en 1821 et la version 1861 au Théâtre du cirque impérial, tous deux des cirques de la dynastie Fratoni. Tous deux pouvaient accueillir plusieurs milliers de spectateurs. Rome fut joué au théâtre de la porte Saint-Martin, l’un des plus grands du boulevard qui pouvait accueillir près de 2000 spectateurs.

 

 

Paul Mahalin nous donne une malveillante appréciation sur celui de Madame Desclauzas  en sus de la largeur de ses hanches :

Avec son nez qui bat des ailes sous le chatouillement d'un coryza imaginaire, la copieuse Madame Desclauzas  a toujours l'air d'être sur le point d'éternuer... Cela est si vrai, qu'à peine est-elle entrée en scène, les spectateurs tirent leur mouchoir... Et, tenez, rien que d'y penser, il me semble que je m'enrhume... Atch !... Atch !... Atchi !.. Dieu me bénisse ! !

 

Toutefois, soit à l’entrée soit distribué, un livret était vend en général 50 centimes et permettait de suivre les dialogues.

 

SOURCES

 

Elles proviennent pour l’essentiel de textes et photographies numérisés sur Gallica, le site de la BNF. Nous y avons consulté de nombreux articles de Presse, Le Voleur,  Le journal amusant, Le nouvelliste

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