Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
Eric Seidenfaden est né à Copenhague le 28 mars de Frederik Julius Seidenfaden, ingénieur civil dans une sucrerie et d'Emmy Jacobine Philipsen. Obéissant à son père, il quitte l’école après la scolarité obligatoire et travaille comme commis dans un bureau dans un bureau d'assurance maritime à Copenhague. Il poursuit néanmoins en parallèle ses études au niveau supérieur en apprenant en particulier l’allemand, l’anglais et le français, la physique et la chimie. Il réussit des examens et en 1898 devient fonctionnaire de l’état. Tel n’était pas son ambition. Pensant probablement à l’époque où ses ancêtres étaient partis à la conquête du monde connu, la Scandinavie, l’Angleterre, l’Irlande, l’Islande, la Normandie, la Sicile. le Groenland, la côté canadienne, Kiev, Constantinople les steppes de l’Asie centrale…
Au Danemark, l’avenir d’un jeune homme qui rêve d’aventures est étriqué. Le pays compte deux millions et demi d’habitants. Une armée de moins de 3000 hommes ne permet pas d’envisager un rêve colonial. Les comptoirs des Indes ont été vendus aux Anglais depuis longtemps.
Les trois iles des Antilles encore en la possession du pays ont interdit l’esclavage depuis quelques dizaines d’années ce qui interdit de facto de faire fortune dans la culture du café, du coton ou du tabac.
La perspective de pêcher la morue en Islande (encore en possession du Danemark) ou dans les îles Féroé n’a rien d’exaltant pas plus que celle de la chasse au phoque au Groenland.
S’il passa la moitié de sa vie au Siam, de 1906 à 1947, ce ne fut pas son projet d’origine. Au tournant du XXe siècle, un beaucoup de Scandinaves travaillaient dans ce qu’on appelait l’État du libre du Congo libre, colonial du roi belge Léopold en Afrique. On y rencontre médecins, ingénieurs, juges ou missionnaires, ils y étaient des acteurs importants dans le quotidien du projet colonial. Le rêve de Seidenfaden fut de servir comme officier dans l'armée coloniale au Congo. À la mort de son père en 1899, il n’est plus sous sa férule et décide de suivre sa vocation. Il s’enrôle dans l’armée danoise de 1902 à 1906 pour y apprendre les rudiments de l’art militaire. Nous connaissons son projet et ses rêves dans un article publié dans la quotidien danois Nationaltitende en 1904 sous le titre Kongo.
Ses intentions n’étaient pas seulement de maintenir la paix et l’ordre mais de participer à un vaste projet humanitaire et civilisationnel parmi les peuples d'Afrique, un projet philanthropique : libérer la population locale des marchands d'esclaves et apporter le christianisme, la civilisation et le libre-échange. Il percevait alors Léopold comme le « bienfaiteur des nègres » ou « la lumière et le soleil de l'Afrique ». Selon lui, dans une vision aussi chrétienne que colonialiste, toutes les races sur terre issues de la même origine, étaient capables de progresser et d'atteindre un statut « civilisé ». Pour les Africains, cependant, cela impliquait la christianisation et la domination coloniale blanche. Comme il l'a dit, « les noirs ne sont pas paresseux - sous la direction de blancs intelligents, ils peuvent tout accomplir ». Le Congo deviendrait une autre Inde avec ses Rajas. Des routes, des ponts, des maisons de repos, des lignes télégraphiques seraient construits. Le cannibalisme serait éradiqué en donnant aux indigènes du bétail et des petites chèvres. L'œuvre missionnaire devait être soutenue par tous les moyens... afin que le Congo soit évangélisé en l'espace d'une vie humaine. Les indigènes devraient être pourvus d'une tenue nationale adéquate en aucun cas une tenue européenne laide et ridicule.
Le Congo deviendrait le paradis de la race noire !
Sa candidature ne tut pas retenue. Il apprit rapidement les atrocités commises contre les populations locales. Il en donnait une interprétation sui generis : Ce n'est pas le système colonial en tant que tel qui est à l'origine de ces violences. Au contraire, il l'a lié à la déficience morale des individus belges au Congo - officiers et commerçants - qu'il a qualifiés de « racaille ». « Si seulement tous étaient chrétiens », proclame-t-il, le projet colonial adhérerait au cadre philanthropique auquel il croyait. Seidenfaden croyait en la supériorité culturelle et raciale de l'Europe : « Je ne remettais pas en question le droit des Blancs de coloniser et d'assujettir d'autres peuples, tant que les projets coloniaux étaient liés aux valeurs chrétiennes, à l'évangélisation et à la régénération» des peuples primitifs ».
Le Siam lui ouvre ses portes : En 1897, lorsque le ministre de l'Intérieur, le prince Damrong Rachanuphab, prit l'initiative de créer une gendarmerie provinciale, il nomma Gustave Schau, un Danois, inspecteur général, qui employa un total de vingt et un Danois comme officiers jusqu'en 1926.
Erik Seidenfaden en fut et servit dans la gendarmerie de 1906 jusqu’en 1920 avec rang final de major, date à laquelle il devint comptable à la Siam Electricity Company à Bangkok. Il fut manifestement atteint du virus siamois : Il y épouse à Bangkok une siamoise, Malé Maria Praivichitr, le 6 octobre 1908. Son prénom de Maria laisse à penser qu’elle était luthérienne comme lui.
La création de la gendarmerie faisait partie des réformes administratives au tournant du XXe siècle. L'élite royale a travaillé pour créer un État-nation siamois sous la direction de la monarchie absolue. Cette transformation englobe à la fois l'intégration territoriale et la centralisation administrative. La gendarmerie était un corps de police militaire patrouillant dans la campagne à cheval, aidant les autorités civiles locales dans leurs efforts pour faire face à la criminalité et au banditisme.
Au cours des dix premières années d'existence de la gendarmerie, sous l’égide de Schau, le ministère de l'Intérieur établit des postes de gendarmerie dans toutes les provinces du pays au niveau provincial et local - et la gendarmerie passa à environ 10 000 hommes en 1915. Au cours de sa période « gendarmesque » Seidenfaden a servi dans la gendarmerie provinciale, il était basé principalement sur le plateau de Korat : Prachin Buri (1907-1908), Korat (1908-1909, 1917-1920), Udon (1909-1910) et Ubon (1910-1917). Il fut chargé des tâches confiées aux officiers danois qui avaient le statut d'instructeurs (khru- ครุ). Cela couvrait la formation de nouveaux gendarmes dans les gendarmeries provinciales et des tournées d'inspection dans son district, vérifiant les conditions dans les postes locaux. Il fut inscrit au consulat danois à Bangkok le 29 septembre 1906, premier lieutenant dans la gendarmerie provinciale siamoise 1906, capitaine en 1907, major en 1914, directeur de l'école des officiers de gendarmerie en 1914-15, jusqu’à sa démission en 1920. Saluant les réformes lancées par le gouvernement siamois, il pensait que la gendarmerie pouvait jouer un rôle central dans ce projet, non seulement en tant qu'institution de maintien de l'ordre, mais aussi en tant qu'organe disciplinaire. Il percevait la population du Siam dans son ensemble comme « indifférente, apathique et paresseuse » et espérait que la gendarmerie pourrait contribuer à sortir la population de cet état de léthargie en transformant les gendarmes en sujets loyaux et disciplinés, et en nourrissant un sentiment de patriotisme en même temps mais avait aussi de grands doutes sur le succès possible de ce projet. Le rêve congolais, était étroitement lié à la christianisation de la population locale : le christianisme devrait constituer le fondement du progrès moral et matériel. Le développement et la modernisation du Siam seraient selon lui difficiles à réaliser, car il ne croyait pas que le bouddhisme puisse fournir à la population une moralité appropriée pour soutenir une telle transformation.
Après son retour au Danemark, en 1946, il expliqué ainsi le bouddhisme à un journaliste danois : « Le bouddhisme rend les Siamois quelque peu insouciants, mais cette religion n'exige pas exactement de l'énergie et de l'initiative. Je veux dire que son but est essentiellement de lutter contre l'envie d'exister ! Cela ne fonctionne pas tout à fait ainsi dans une société moderne... Peut-être pourrait-on dire que le Siamois moyen manque dans une certaine mesure la détermination qui caractérise les gens du nord de l'Europe. Ce sont les enfants du soleil ». La référence aux Vikings est explicite !
Sa carrière dans la gendarmerie ne fut pas de tout repos. Le fonctionnement de l’institution était alors constamment entravé par des conflits avec les fonctionnaires locaux - officiers de district ou chefs de village - qui, selon lui, étaient de connivence avec des gangs criminels locaux ou abusaient de leur position à des fins économiques. Il entra aussi souvent en conflits avec l'armée siamoise, qui, selon lui, constituait un État dans l'État. Il fut ainsi blessé en 1910 à Udon en tentant d’intervenir contre des actions illégales menées par l’armée dans la ville. Il dut constater l'opposition généralisée des officiers de gendarmerie siamois à la présence des officiers danois. Ils supportaient mal le fardeau de l’homme blanc le fardeau de l'homme blanc et considéraient que tout comme le travail d'autres Européens au Siam, leur travail était un exercice inutile.
Les sites thaïs qui lui sont consacrés (อีริค ไซเดนฟาเดน) ne citent son rôle comme capitaine de gendarmerie que de façon allusive. Son compatriote Gustave Schau (กุสตาฟ เชา) finit sa carrière avec rang de général de division (Phontri – พลตรี), un titre de haute noblesse de Phrayawasuthep (พระยาวาสุเทพ) et une superbe brochette de décorations, avec en tête l’Ordre de l’éléphant blanc de première classe.
Seidenfaden ne bénéficia d’aucun de ces honneurs mais si son rôle de gendarme ne fut pas éclatant, c’est celui d’érudit. Il écrivit une histoire de la gendarmerie au Siam qui fut publiée au Danemark post mortem en 1999 dans sa langue natale (Det Kongelige Siamesiske Provinsgendarmeri og dets Danske Officer - La gendarmerie provinciale royale siamoise et ses officiers danois)
Schau savait que Seidenfaden s'intéressait à l'ethnographie et à l'archéologie du Siam. Il lui conseilla de poursuivre sérieusement cette voie qui lui ouvrait la possibilité d'une autre carrière au Siam : « Deviens membre de la Siam Society. Écris et fais-toi un nom ».Ainsi fit-il et se transforma en érudit dans le cadre de la Siam Society. La Siam Society a été fondée en 1904 par un groupe d'expatriés vivant à Bangkok : La plupart de ses membres d'origine étaient des conseillers du gouvernement siamois.
Dans le premier numéro du Journal en 1904 , Oskar Frankfurter, futur bibliothécaire de la Wachirayan Library (หอสมุดวชิรญาณ) et futur président de la Société, exposait le projet aux membres de la Société et aux contributeurs: « Je considère que nous sommes les ouvriers pour recueillir les matériaux sur lesquels le maître bâtisseur pourra un jour ériger aux l'édifice, sous la forme d'un ouvrage encyclopédique sur le Siam » Les auteurs ont été invités à s'intéresser à une longue liste de sujets comprenant, entre autres, les races et les tribus aborigènes, les villes et les monuments anciens, l'anthropologie et les mesures anthropométriques, l'ethnographie, les inscriptions épigraphiques… Le journal de la Siam society était publié en anglais, il l’est toujours, pour offrir une fenêtre internationale aux ensembles de connaissances sur le Siam et constitua et constitue toujours la source la plus importante des connaissances faisant autorité sur le pays. Une masse énorme d'informations précieuses fut collectée grâce à la coopération de tous, universitaires ou pas mas peu de Siamois y furent impliqués..
Au cours de son séjour, Seidenfaden s'est profondément impliqué dans la Siam Society. Il publié de nombreux articles sur les deux sujets qui lui sont chers, l’ethnologie et l’archéologie. Il en fut président de 1938 à 1940. Il est enfin l’auteur de plusieurs guides touristiques qui n’ont pas pris une ride. Il envisageait en effet un avenir touristique pour le Siam.
L’ethnologue : une vision rétrograde et d’avant-garde.
S’il ne fut pas un gendarme exemplaire, il profitait de ses tournées professionnelles pour accumuler les observations. Il projetait d’rn écrire une encyclopédie, À titre posthume, la Siam Society a publié en 1958 son livre, The Thai Peoples, qui en constitue l’embryon. Ses connaissances furent acquises lors de ses déplacements dans les parties « extérieures » du Siam. Il établit une grille de classification assez souple sur divers paramètres tels que la langue, les caractéristiques physiques et les facteurs culturels. Il bénéficie aussi des recensements locaux bien que ceux-ci, conséquence de la politique centralisatrice de Bangkok aient tendance à effacer les différences ethniques, non seulement sur la population lao mais sur d’autres groupes. Il est hostile à ce qu’il appelle un « nationalisme mensonger » orchestré par le prince Damrong, qui menaçait d'abolir toutes ethnies au Siam au profit de la seule ethnie thaïe. Il est souvent critique et plus encore. « Plus longtemps vous êtes avec eux, les Lao, moins vous les aimez ». Il parle encore du « Laos stupide dont l'envie de destruction ne connaît pas de limites. Il trouve lors de ses tournées sur le plateau de Khorat « les Laos misérables et paresseux détruisent qui les pavillons (sala) car ils ne se soucient pas de trouver du bois de chauffage dans la forêt, mais utilisent les murs et même les planchers des pavillons qui sont déjà jonchés de salive de bétel et autres laideurs ». Lorsque certaines de ses affaires ont été volées lors d'une tournée d'inspection, il s'est exclamé « les Laos sont des rats voleurs, léthargiques et très peu fiables ». S'adressant à un groupe de nouveaux gendarmes, il leur déclare « Les nègres sont certainement plus aptes que ces Laos laids et dégénérés ». Il ne fait toutefois pas une fixation sur les Laos. Il consacre un article à l’ethnie Kui dans le Journal of the Siam Society de 1952 (The Kui People of Cambodia and Siam). L’ethnie kui (กูย) aussi appelée Kwai ou Sawei (กวย – สวย) représente actuellement 400.000 habitants dans les provinces de Buriram, Surin, Sisaket, Ubon et Roi-et tout au long de la frontière avec le Cambodge ainsi que de l’autre côté de la frontière.
Sa description est sans pitié : les villages sont « le paradis de la saleté et de la vermine », les gens « des coquins et des voleurs incarnés » et les maisons des « huttes sales et misérables remplies de puces ». Les considérations raciales ne font guère de différence aux les autres populations indigènes du plateau de Khorat. Mais Seidenfaden constate que linguistiquement ils représentent un groupe de population en danger. Les Kui sont en train de perdre leur langue et leurs marqueurs culturels. Les étudier les préserverait non seulement leur langue et leur culture pour la postérité, mais leur fournirait également une connaissance d'eux-mêmes qu'il découvrit qu'ils ne possédaient pas.
On peut penser à sa décharge et dans sa vision très négative de des ethnies que Seidenfaden fait toujours référence à un groupe spécifique de personnes dans un endroit spécifique à un moment précis et en fait une généralisation. Nous trouvons le plus souvent plus de mépris que d’éloges ! Le leitmotiv de son travail ethnographique au sein de la Siam Society était que dans cinquante ans, tout le monde sera Thaï et personne ne connaîtra un mot des ethnies. Le Siam – disait-il - était un « creuset de nombreuses races, peuples et langues qui sont en train de s'unifier – il est donc important de les étudier maintenant avant que les caractéristiques ethnologiques ne disparaissent »
Les ethnies seront officiellement reconnues par la Thaïlande en 2017
L’archéologue
Le plateau de Korat est jonché de ruines datant de l'époque de la domination khmère, temples, villes fortifiées, statues et inscriptions lapidaires. Lors de ses tournées d’inspection, Seidenfaden a visité de nombreux sites qu’il étudia de façon systématique. Les travaux archéologiques au Siam, en sont à leurs balbutiements. C’est une œuvre française. Lors de ses tournées d'inspection, Seidenfaden a rencontré bon nombre de ces sites et artefacts archéologiques et a rapidement entrepris de les étudier de manière plus systématique. A cette époque, les travaux archéologiques au Siam en étaient encore à leurs balbutiements et l'étude des monuments khmers du plateau de Korat fut une entreprise exclusivement française. Étienne Aymonier avait arpenté les ruines khmères au Cambodge et dans les régions sous autorité siamoise (Le Cambodge II: Les provinces Siamoises – 1901).
Étienne Lunet de Lajonquière suivit ses traces (Inventaire Descriptif des Monuments du Cambodge, Tome I. et II, 1907).
Au bénéfice des découvertes lors de ses tournées, nous lui devons un « Complément à l'Inventaire descriptif des monuments du Cambodge pour les quatre provinces du Siam Oriental » (In : Bulletin de l’École française d'Extrême-Orient, tome 22, 1922. pp. 55-99). Cet article fut publié avec le soutien de Georges Coédès. La prestigieuse revue n’ouvre pas ses colonnes à n’importe qui et toutes ses publications y sont par ailleurs sOuvent commentées de façon élogieuse :
Il bénéficia des conseils de Lunet de Lajonquière et de Sanphasit Prasong (สรรพสิทธิ์ ประสงค์), haut-commissaire du gouvernement central dans le cercle de l’Isan. Ce dernier redécouvrit en 1899 le fameux temple de Phra Viharn (พระวิหาร) qui fit tant couler d’encre à la Cour Internationale de justice. Il y grava son nom sur une stèle pour marquer l’appartenance de ce temple à son pays.
Ainsi Seidenfaden visita-t-il les sites de Phimai (พิมาย), Ban Prasat (บ้านปราสาท), Mueang Tam (เมืองทาม), Phra Viharn susnommé et Phanom Rung (พนมรุ้ง). Sa visite à Phimai, une excursion difficile à l’époque a fait l’objet d’un très bel article dans le journal de la Siam Society en 1923 (An Excursion to Phimai). Ayant visité des dizaines de vestiges khmers, il envisageait d’un faire un livre. Ce rêve ne s’est jamais concrétisé en raison de plusieurs obstacles. Il fallait tout d’abord localier, arpenter, mesurer, dessiner ou photographier. Il fallait ensuite interpréter alors qu’il n’y avait aucune aide à attendre de la population locale qui avait tout oublié de son passé. Il est d’ailleurs stupéfait entre l’abime qu’il constate entre les anciens bâtisseurs khmers et la population actuelle. Visitant Phra Vihan , il écrivit : « Hélas ! Où est votre splendeur, où est votre civilisation et votre pouvoir maintenant ? Quels tristes restes dégénérés, ces habitants à la peau foncée et aux cheveux noirs ! Sont-ils des descendants khmers ? C'est difficile à croire ». Visitant Ban Prasat, il écrit « Ces pitoyables Khmers ignorants aux traits de visage brutaux et grossiers, ces esclaves vivant dans des huttes basses miteuses, sont-ils des descendants de bâtisseurs de temples ? Presque incroyable ». Nous allons retrouver le rêve congolais, une régénération des Khmers sous l'influence du christianisme. « La luxure, l'extravagance et la barbarie thaïlandaise conduisirent à la chute de l'âge d'or khmer. Après des siècles de stérilité, les Khmers renaîtront par l'Evangile ». Seul le colonialisme français représente la force nécessaire pour y parvenir. Son article sur la visite de Phimai préfigure un vaste projet de transformation des plus spectaculaires ruines khmères en attractions touristiques. C’est un véritable guide comme sera celui qu’il fit de Bangkok en 1927.
Il fut un modèle d’érudit amateur dont les publications s'étendent sur près d'un demi-siècle (1918-1958). Ses considérations raciales, coloniales et religieuses ne sont peut-être plus de notre temps mais elles sont de son époque. Il aurait pu écrire « On ne peut se mettre dans l'idée que Dieu, qui est un être sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir » mais Montesquieu ironisait ce qui n’était pas le genre de notre gendarme danois !
Il reste un pionnier :
Dans la mesure où il voulut ouvrir le pays à un tourisme intelligent, son guide de Bangkok est un modèle souvent réédité.
Je n’ai pas pu dénicher ceux qu’il consacra à Nakon Phatom en 1929 et à Petchaburi en 1931 sinon sa couverture
Dans la mesure où il pressentit la nécessité de retrouver et conserver l’histoire des minorités ethnique, leurs coutumes et leur langue rappelant qu’elles avaient une histoire.
Il quitta le Siam devenu la Thaïlande en 1946 à la suite de probables difficultés, n’ayant pu obtenir du Prince Damrong le poste de directeur de la Bibliothèque Vajirañana de Bangkok qui fut attribué à Georges Coédès.
Il mourut dans la petite ville danoise de Gentofte, le 22 septembre 1958.
Son épouse, née à Bangkok le 15 septembre 1892, mourut le 15mai 1973 au Danemark où elle l’avait suivi avec leurs six enfants.
SOURCES
Le Journal de la Siam Society dans son numéro 110 de 2022 a publié un très bel article de deux universitaires de l’Université de Chaintmaï, le danois Søren Ivarsson et Sing Suwannakij : Erik Seidenfaden and his Quest for Knowledge: Gendarmerie Officer, Amateur Scholar and the Siam Society. Ils ont eu le privilège de bénéficier de documents non publiés, le Journal de route de Seidenfaden de 1900 à 1958 et le récit de sa vie écrit en 1932
Tous les articles du Journal de la Siam society sont numérisés et accessible sur le site de la société :
https://thesiamsociety.org/publications/journal-of-the-siam-society/
Tous les articles du Bulletin de l’Ecole française d’extrême Orient sont également numérisés sur le site
https://www.persee.fr/collection/befeo
Quelques précisions sur le site des généalogistes danois (Danske Slægtsforskere) :
https://slaegtsbibliotek.dk
Le guide de Bangkok de 1927 avec notes sur le Siam (Guide to Bangkok with Notes on Siam. Bangkok) est numérisé sur le site :
https://archive.org/details/in.ernet.dli.2015.13539/mode/2up?q=Guide+to+Bangkok+with+Notes+on+Siam.
Nous avons par ailleurs consacré de nombreux articles concernant en tout ou en partie, directement ou indirectement, Erik Seidenfaden
LA « LONGUE MARCHE » D’ERIK SEIDENFADEN, DANOIS GENDARME ET ÉRUDIT AU SERVICE DU SIAM
https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2016/11/insolite-6-au-coeur-de-la-province-de-kalasin-la-cite-mysterieuse-de-kanok-nakhon-la-ville-d-or-cite-majeure-du-dvaravati.html
INSOLITE 7 - LA CÉRÉMONIE DU LABOUR ROYAL EN THAÏLANDE, HIER ET AUJOURD’HUI ?
INSOLITE 10. LA MYSTÉRIEUSE TRIBU DES MALABRI, LES « HOMMES NUS » DU NORD-OUEST.
INSOLITE 12- LA LANGUE DES SAEK DE NAKHON PHANOM, UN VESTIGE DE LA PROTOHISTOIRE ?
INSOLITE 13 - L’ETHNIE SO DE L’ISAN (NORD-EST DE LA THAÏLANDE)
INSOLITE 15 - UNE EXCURSION A PHIMAI … IL Y A UN SIÈCLE.
INSOLITE 22- LES KALŒNG, UNE TRIBU MÉCONNUE DU NORD-EST DE LA THAÏLANDE.
https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2018/03/insolite-22-les-kaloeng-une-tribu-meconnue-du-nord-est-de-la-thailande.html
INSOLITE 25 - LES ETHNIES OFFICIELLEMENT RECONNUES EN THAÏLANDE POUR LA PREMIÈRE FOIS EN 2017.
https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/2018/04/insolite-25-les-ethnies-officiellement-reconnues-en-thailande-pour-la-premiere-fois-en-2017.html
A 213- LES ORIGINES MYSTÉRIEUSES DES BORNES SACRÉES (BAÏ SÉMA) DES TEMPLES DE L’ISAN EN THAILANDE