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  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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Pourquoi ce blog ?

  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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Merci d’être venu consulter ce blog. Si vous avez besoin de renseignements ou des informations à nous communiquer vous pouvez nous joindre sur alainbenardenthailande@gmail.com

10 juillet 2022 7 10 /07 /juillet /2022 05:42

 

 

La plupart des paysans thaïs sont des agriculteurs indépendants vivant en économie de subsistance économique. Si la moyenne pour tout le pays est de 80 % de terres appartenant de petits agriculteurs indépendants, elle est de plus de 86 % dans le nord-est. Le métayage n’est pas une institution locale. Par contre, si la superficie moyenne des exploitations est d’environ 4 hectares dans les riches plaines du centre, elle se situe dans le nord-est à un peu plus ou un peu moins d’un hectare.

 

 

Quand on, parle de droit de propriété, il faut préciser de quoi on parle. La propriété  immobilière est totalement différente de ce qu’elle est en France et comporte une hiérarchie incluse dans l’édit constitutif du statut de la propriété foncière du 17 février 1901 et créant les bureaux fonciers (สำนักงานที่ดิน). Ils sont appelés No.So (abréviation de น. –หนังสือ). On trouve au bas de l’échelle un titre qui permet tout au plus d’exploiter et en haut, le sixième qui confère la pleine propriété. Il est difficile de savoir si ces « propriétaires » avaient seulement pris la peine d’aller se faire enregistrer au Bureau Foncier comme ils en avaient en principe l’obligation.

 

 

LA VIE COMMUNAUTAIRE DANS LE VILLAGE

 

C’est une caractéristique fondamentale qui a pratiquement disparu aujourd’hui. Nous l’avons découvert dans notre article précédent en ce qui concerne la construction des habitations dans le village.

 

Il s’agit de l’échange de main-d'œuvre dans la riziculture. Dans ces villages qui ne comprennent que de 300 à 500 habitants probablement tous liés par des liens du sang plus ou moins étroits, des équipes de travail réciproques s’aident à préparer les semis, à planter et récolter le riz. Ce sont en général les voisins ou les parents proches. Cette forme de travail coopératif est réfractaire au chiffrage puisque l'arrangement est informel.

 

 

Ces obligations réciproques sont systématiquement respectées. Si un agriculteur a nécessité d’une aide supplémentaire au cas où il exploite une grande superficie, il fait appel aux familles pauvres comme journaliers, la rémunération est toujours une part du riz à la récolte.

 

Cette vie communautaire ne porte pas seulement sur la culture du riz en toutes ses étapes.

 

Les chemins carrossables et les rues des villages sont réparés en commun sous la direction du chef de village ; les travaux nécessaires sur les terrains et les bâtiments du temple sont également effectués en commun. Pour ces tâches, chaque ménage fournit autant d'hommes valides qu'il le peut. Dans le nord-est la nécessité d'entretenir les systèmes d'irrigation élaborés s'est traduite par une tâche communale assez formellement organisée : les villages d'une zone donnée se voient affecter la responsabilité des canaux d'alimentation et des petits fossés de leur secteur. De plus, chaque village doit envoyer de temps en temps une main-d'œuvre pour travailler sur l'irrigation principale. C’est tout un travail considérable. Les chefs de village qui inspecte nt régulièrement les systèmes d’irrigation reçoivent des villageois une rémunération en riz.

 

 

 

 

LA VIE DU PAYSAN

 

Le riz

 

 

Elle tourne autour de la culture principale, celle du riz qui produit une récolte par an : il se sème en pépinière début juin, établit les digues de terre, désherbe en août et septembre, récolte fin novembre ou décembre. Le battage a lieu en décembre ou en janvier. Elle est l’essentiel de son travail et toutes les cultures secondaires sont cultivées entre les cycles du riz.

 

Les rizières représentent 14,86 % du sol utilisé, autant que dans la plaine centrale mais la production y est en gros la moitié de celle de la plaine centrale. Avec les autres cultures qui couvrent 10,58 % de la surface agricole le total est de, 25,44 %, dans la plaine centrale, il n’est que de 21,51 %, c’est le record du pays ainsi que les forêts à feuillage caduque qui occupent 61,45 % des terres, plus que partout ailleurs. C’est une région de rizières et de forêts.

 

 

 

 

 

 

Un système traditionnel d'irrigation

 

On ne cultivait alors en Isan que le riz gluant : la raison en est double, il constitue encore et toujours l’aliment de base. La raison initiale de son développement exclusif a probablement pour origine sa période de croissance plus courte, de 4 à 41/4 mois. Dans la zone nord-est, où les pluies sont rares un riz à maturation rapide est essentiel. S’il y a du surplus, il est vendu sur les marchés locaux. Il ne s’exporte pas et les citadins le considèrent comme la nourriture des gueux. Sa riche teneur en sucre permet de le distiller pour produire un farouche alcool de riz qui échappe totalement à la législation sur les alcools.

 

 

Les champs sont divisés en plusieurs petites parcelles, chacune entourée d’un petit cordon de digues. L'eau est amenée dans les champs à partir de nombreux petits fossés qui sont connectés avec un plus grand, qui à son tour se dirige vers un canal puis la rizière. Dans tout le nord-est, l'eau se répand dans les rizières par gravité : ni noria ni éoliennes comme dans les plaines centrales et encore moins de pompes électrique puisqu’il n’y a pas d’électricité.

 

En dehors de l’utilisation du buffle d'eau pour le labour, le paysan dépend entièrement de son travail manuel et des outils primitifs. Sauf pour les pièces en acier ou en fer, la plupart des outils agricoles sont fabriqués à la maison par l'agriculteur lui-même ou par un charpentier du village. Les pièces en fer sont achetées dans le bourg ou le plus souvent chez les marchands ambulants qui pullulent.

 

 

Le battage et le vannage à la machine sont inconnus. Dans le nord-est tout le riz est repiqué. Il faut procéder au labourage des champs après le début des pluies. C’est le travail des buffles d’eau, le paysan derrière les pieds dans la boue pour ramollir le sol de tuer les mauvaises herbes. Si la terre n’est pas trop lourde, on utilise un bœuf.

 

 

La charrue est de bois faite à la maison et munie d'un soc d'acier; ordinairement, plusieurs labours sont nécessaires, réservés aux hommes et aux garçons plus âgés. Après les labours ; il faut inonder la parcelle pour ramollir encore le sol ; de pourrir les mauvaises herbes. Le hersage se fait ensuite, lourde planche de bois avec des dents en bois pointues. Plusieurs hersages sont souvent nécessaires. Le repiquage peut avoir lieu. La solidarité commun ale dont nous allons parler entre alors en jeu.

 

 

Une clôture temporaire en bambou est construite autour de la parcelle ensemences pour éloigner les buffles d'eau, et si le champ est près du village, un pour empêcher les canards et les poulets d'entrer. Par ailleurs, souvent un jeune de la famille, reste pour chasser les oiseaux en général au lance- pierres.

 

Toutes ces tâches nécessitent un savoir-faire considérable. Elles sont monotones et pénibles mais se font en chanson jusqu’aux fêtes de la moisson. Celle-ci se fait à la main avec de petites faucilles. C’est le travail des femmes. Vient ensuite le battage avec de lourds maillets de bois. Suit le vannage : Le grain est lancé en l'air avec une bêche en bois ou un pour laisser le vent emporter la paille.

 

Les hommes et les femmes âgés sont restés à la pour s'occuper des petits enfants et préparer les repas des travailleurs.

 

 

Les arbres dans les rizières

 

La région du nord-est est bien connue pour son agrosystème unique « d'arbres dans les rizières ». Il s'agit d'un système élaboré localement dans lequel les agriculteurs conservent délibérément de nombreux grands arbres dans leurs rizières. L'ombrage réduit les rendements de riz à certaines étendues sous les cimes des arbres, mais l'amélioration de la fertilité des sols résultant du recyclage de la litière de feuilles d'arbres augmente le rendement global du champ. De plus, les arbres fournissent de nombreux avantages précieux aux agriculteurs, bois pour la cuisine, fruits, ombre pour les personnes et bétail. Cette croyance populaire a toutefois une validité scientifique confirmée par des spécialistes de l'agriculture qui souligne que les racines des arbres descendant dans la zone des roches altérées ou elles obtiennent des nutriments qui sont éventuellement ajoutés à la couche arable sous forme d'abats simples... Une expérience probablement millénaire singulièrement confirmée par la science moderne

 

 

Les cultures « itinérantes »

 

Ce procédé a totalement disparu mais se pratiquait volontiers dans les nord-est : Il consiste à défricher par le feu une parcelle de la forêt un l’utiliser pour pan ter du riz, du maïs ou des légumes. Elle complète la riziculture irriguée et l'élevage, mais est totalement réfractaires à toutes statistiques. Une seule récolte épuise le sol, il faut donc aller plus loin. Mais là aussi la solidarité villageoise joue à plein. Cette forme de culture primitive a actuellement totalement disparu mais a longtemps perduré dans les zones tribales des collines.

 

 

LE RÔLE DES ANIMAUX

 

Chaque paysan thaïlandais a besoin d'au moins un buffle d'eau pour travailler sa terre. S'il n'en possède pas, il doit en louer un. Le buffle est essentiel pour le labour et le hersage.

 

Bien que les bœufs soient utilisés presque exclusivement pour le transport, en quelques endroits du nord-est, ils peuvent être utilisés occasionnellement pour labourer un sol léger et sablonneux. Ils ne peuvent pas travaillent dans la boue profonde de la rizière ordinaire.

 

 

Les bœufs et les bovins dans le nord-est fournissent la quasi-totalité de la viande bovine locale du pays, mais dans aucune zone villageoise, même dans le nord-est, il n'y a de bovins ou de buffles d'eau abattus. Le villageois mange du porc, acheté dans un marché. Et bien que le lait de la bufflonne soit riche il ne fait pas partie du régime alimentaire du paysan thaï.

 

Le soin du buffle d'eau est la tâche des hommes et des garçons; les femmes ne s'occupent généralement des animaux de trait qu'en cas d'urgence.

 

Lorsque l'animal est en pâture dans les champs, un petit garçon de la famille accompagne toujours la bête, assis ou même endormi sur son dos quand ce n’est pas le fermer lui-même.

 

Les buffles d'eau sont souvent hébergés sous les piliers la maison toujours construite sur pilotis.

 

Ils sont un capital précieux et ils se volent plus facilement que les maisons. Au moins une fois par jour pendant la saison sèche, le buffle d'eau est autorisé à se vautrer dans un point d'eau ou un canal, le larmier le frottant souvent d’une brosse en paille pour l’épouiller.

 

Lorsque le riz est planté, le buffle d'eau ne peut plus paître dans les champs. Il faut le nourrir, en général de l’herbe qui pousse au bord des rizières. Au besoin, on l’attache à un pieu sur un morceau de terre élevé ou il y a même un abri sommaire pour lui épargner la grosse chaleur mais il y aura toujours un surveillant jour et nuit.

 

Des estimations que valent ce qu’elles valent évaluent à cinq millions le nombre des buffles dans le nord-est en 1939.

 

 

LES FERTILISANTS

 

 

Les cultures ont besoin d’azote pour prospérer mais on ne le cherche pas dans les engrais chimiques.

 

Dans la région les paysans utilisent le fumier du buffle comme fertilisant. Il permet dans les enclos entourant les maisons de cultiver les légumes, le coton et le tabac, les mûriers pour l’élevage des vers à soie, les bananiers les papayers et l’arbuste qui produit le volcanique piment rouge.

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La pauvreté du sol dans le nord-est a conduit le paysan à utiliser un autre engrais naturel, les termitières, qui atteignent souvent 2 à 3 mètres de hauteur et peuvent atteindre 5 à 7 mètres de diamètre.

 

 

Il ne s'agit pas des infernales fourmis rouges qui nichent dans les arbres et dont les œufs tout autant que les insectes grillés constituent un incontestable apport en protéines même si leur valeur gastronomique laisse à désirer.

 

 

Ces termitières sont faites d'une argile sableuse apportée par les termites d'une profondeur d'un mètre ou plus sous la terre arable sablonneuse, assez riches en éléments nutritifs pour les plantes et en outre enrichis par l'activité des termites. Les termitières fournissent souvent la seule terre disponible pour les cultures secondaires : Les agriculteurs aplatissent les monticules et les étalent sur le sol pour former un lit dans lequel ils vont faire pousser les cultures secondaires.

 

La fin de la saison du riz ne rend toutefois pas les paysans oisifs. Il doit réparer les bâtiments, les clôtures, entretenir ses outils, s’occuper du potager. Les cultures secondaires constituent un ajout appréciable. Si la culture du tabac est sous monopole, celui que le paysan cultive pour son usage personnel y échappe et peut-être plus encore : je me souviens avoir vu dans de petits marchés locaux du tabac vendu en vrac et au kilo et ne portant pas l‘estampille de la régie mais plus depuis quelques années probablement en raison de la lutte anti-tabagique ? Les cigarettes étaient alors roulées non pas dans du papier mais en général dans des feuilles de bananier séchées.

 

 

Le soja est une autre culture importante dans la région. Il pousse bien dans les rizières et ne nécessite pas de labour. Les graines sont plantées en décembre à l'air libre dans les espaces entre les tiges de riz sèches et la récolte s’effectue en mai. Les fèves sont vendues au poids à des marchands dans les villages et les tiges et les coques de gousse sont entassées dans un coin du potager.

 

 

Après le début des pluies, les champignons poussent du tas moisi et approvisionnent la cuisine. Les oignons, l'ail, le chou et les arachides sont cultivé après la récolte du riz, en partie pour un usage domestique, en partie pour la vente sur le marché. Les légumes destinés à la consommation familiale sont cultivés dans l'enceinte de la maison toute l'année.

 

Les paysans achètent des porcelets environ un mois et demi ou deux mois à vendeurs ambulants dont la plupart sont encore chinois, Ils les engraissent pendant huit ou douze mois et les revende souvent au même chinois.

 

Ce sont les femmes qui s’occupent des cochons. Elles les nourrissent de légumes grossiers, de mauvaises herbes, de tiges de bananier et de paille de riz cuites sur un feu extérieur.

 

 

Leur abatage est strictement réglementé par le chef de village après que l’état sanitaire de la bête ait été vérifié par le « médecin du village ». On est conscient des maladies qui transmet le porc notamment la peste porcine. Nous parlerons plus bas de ce personnage singulier qu'est le médecin du village.

 

Presque tous les ménages élèvent de la volaille. La poule est un animal rustique. Les poulets sont élevés partie pour être vendus au marché et partie pour la consommation familiale ainsi que les œufs.

 

Les agriculteurs élèvent également des canards, car les œufs de cane sont plus prisés que ceux de poule.

 

 

Le canard est un moyen utile de lutte contre les ravageurs dans les rizières : ils se nourrissent de crabes de rizière, d'escargots et d'insectes qui infectent les champs.

 

Les poulets et les canards doivent chercher une grande partie de leur nourriture, bien que les poulets soient nourris avec des restes de paddy.

 

 

 

LA PÊCHE

 

La richesse de la Thaïlande est proverbialement le couple riz et poisson.

 

Chaque famille agricole consacre une partie de son temps à la pêche, le poisson est la source de protéines la plus importante de la vie paysanne.

 

La plupart des paysans pêchent dans les eaux intérieures - lacs, rivières, canaux,

 

Le poisson peut être conservé par fermentation ou par séchage au sel, les salines de sel gemme sont surabondantes dans le nord-est.

 

 

Les paysans thaïlandais pêchent avec des filets,

 

 

.....des épuisettes, des nasses des harpons de bambou et de petites arbalètes. La pêche à est le travail des femmes Les hommes pêchent au harpon ou à la canne. Tous les instruments de pèche sont fabriqués en famille. Pour la pèche à la ligne, le fil est fourni par les cocons de vers à soie, on n’achète que les hameçons au marché.

 

 

Les crabes de rizière agrémentent (si l'on peut dire) la cuisine locale.

 

 

 

 

LES ARTISANS

 

Chaque village quelques personnes ont d’autres moyens de subsistance autres qu’agricoles, même si la quasi-totalité de ces spécialistes deviennent paysans à temps partiel. Maîtres d'école, médecins de village et commerçants sont à peu près les seuls qui s'adonnent rarement ou jamais à l'agriculture. Les autres sont régulièrement agriculteurs à temps partiel et poursuivent leurs spécialisations pendant la saison sèche quand d'autres cultivent des cultures secondaires.

 

Parmi eux aux le menuisier est le plus important. Presque chaque abrite quelques hommes qui, pendant la saison sèche, se louent pour construire ou réparer et qui forment des hommes plus jeunes (souvent leurs fils ou gendres) comme charpentiers dans une sorte d'apprentissage informel. Mais on trouve aussi la fabrication de tuiles en argile, de balais de paille, de tissage de chapeaux.

 

 

Pendant la Seconde Guerre mondiale, une pénurie de produits importés a fait ressortir un temps quelques-uns des vieux rouets et métiers à tisser, et du fil de coton était filé à la maison par des vieilles femmes (peu de jeunes d'aujourd'hui savent pas tisser), mais à la fin de la guerre le retour des textiles bon marché a rapidement banni le métier à tisser.

 

Quelques vieilles femmes de la région tissaient encore de minuscules mèches de coton pour les lampes à huile en étain faites maison, avant l’introduction systématique de l’électricité. Quelques jeunes filles apprirent à tisser les filets de pêche de leurs mères ou grands-mères. De nombreux petits objets ménagers étaient encore fabriqués à la maison en bois, cuillères, balais, éventails, louches de noix de coco. Ce sont les hommes, surtout les vieillards, qui tissaient les paniers en vannerie, les nattes et tapis de sol, les pièges en bambou.. Cet artisanat est loin d'avoir disparu aujourd’hui même si ces objets purement utilitaires deviennent des objets de décoration pour les touristes qui se hasardent dans l'Isan profond. J'ai constaté avec horreur que l'on en trouve présentement en plastique, notamment les paniers ou l'on sert traditionnellement le riz gluant !

 

 

LES MARCHÉS DES VILLAGES

 

Dans tout le pays, des marchés ont toujours lieu tous les matins dans la plupart des villages. Les femmes apportent des œufs, des légumes, des fruits, du poisson et de nombreux autres articles à vendre ou à échanger car l’essentiel est fait par et les transactions en espèces ne produisent que les sommes dérisoires.

 

 

Les marchands ambulants circulent en permanence troquant pousses de bambou, champignons, poivrons, ail et sel, contre du riz, du tabac, du bétel et des légumes.

 

D’autres toujours dans le nord-est s'engagent dans une activité saisonnière de colportage ambulant. Ils traversent les villages pour vendre des socs de charrue, des houes, des couteaux et d'autres outils agricoles forgés avec de la ferraille de récupération. Ils voyagent souvent en groupes pour se protéger et dorment généralement dans des maisons de repos des temples et y exposent leurs marchandises dans les enceintes. D'autres colportent du tabac séché à la maison, des chapeaux de pluie et des parasols ou d’autres produits de l'industrie domestique. Tout cela est marginal et ne concurrence pas le fournisseur chinois tout aussi ambulant.

 

 

LES CHINOIS

 

Dans le nord-est, ils sont d’abord détaillants et courtiers en riz - deux activités sur lesquels ils ont acquis un contrôle étendu. Ils circulent en vélo, à pieds ou en bateau en saison des pluies.

 

L’archétype est le vendeur transportant deux plateaux faits de boîtes à savon suspendues à des cordes sur une perche de transport ; ceux-ci sont remplis d'aiguilles, de fil, de boutons, de savon, d’allumettes, de ceintures, et bien d'autres petites marchandises. Ses plus grosses ventes interviennent pendant les saisons de plantation et de récolte, lorsque les villageois sont occupés et ne peuvent se rendre sur les marchés. Ce colportage itinérant est resté longtemps toujours rentable puisqu’il pouvait desservir les villages les plus reculés. Ils se mirent même à la vente de produits pharmaceutiques.

 

 

Pour le paysan, le Chinois, qu'il soit colporteur, meunier, boutiquier, ou courtier en riz, était un lien essentiel avec l'économie du pays et un moyen de fournir les services et l’accès à des prestations bénéfiques. Il est en général bien accueilli car apporte non seulement des denrées nécessaires, mais des nouvelles et des ragots des bourgs et des autres villages. La figure du Chinois usurier déraisonnable facturant des intérêts exorbitants, et saignant le paysan sans pitié n’apparaît pas dans le nord-est. Bien au contraire les unions avec eux étaient recherchées.

 

Combien étaient-ils ? Le recensement de 1947 ne ventile pas selon les ethnies mais par profession. Nous savons que les paysans représentaient 84,10 % de la population. Les exploitations forestières 0,09 %, les activités de pêche 0,59 %, les activités des mines et des carrières 0,05 %, les usines de produits alimentaires, 0 ,36 %, les usines de boisson et de tabac, 0,12 %, les manufactures de produits du bois, 0,27 %, les manufactures de textiles, 0,58 %, les autres manufactures 0,85 %, activités de constructions, 0,11 %, commerce de gros et de détail, 7,86 %, transports et communications, 0,73 %, services du gouvernement 2,27 %, personnel de service 0,48 %, autres services 0,29 %, activités non décrites , 1,24 %.

 

Cette ventilation, est bien évidement insuffisantes. Que recouvre exactement l’appellation « manufacture » ? Il y a des milliers de temples dans le nord-est, nous y reviendrons, les moines sont-ils recensés comme je le pense dans les « services du gouvernement », le poste le plus important après celui des activités agricoles, celui du « commerce de gros et de détail », représente-t-il celui de la communauté chinoise ?

 

 

LA STRUCTURE AMINISTRATIVE : LA DÉMOCRATIE AU VILLAGE

 

Disons en quelques mots car au niveau de la structure de base, nous allons retrouver la force de cette structure communautaire. Jusqu'en 1932, la Thaïlande était divisée à des fins administratives en dix grandes zones régionales appelées monthons (มณฑล - cercles), avec un haut-commissaire (เทศาภิบาล - thetsaphiban) nommé par la couronne responsable de l'administration générale du cercle ensuite de la réforme du Prince Damrong de 1896.

 

 

Ils sont eux-mêmes divisés en mueang (เมือง - structure actuellement inexistante que l'on peut traduire par cité). Ces cercles sont quatre dans le nord-est : Nakhon Rachasima qui inclut les mueang de Buriram et Chayaptum, celui d'Ubonrachathani incluant les mueangde Kukan et Surin, celui d'Udonthani comprenant les mueang de Sakonnakhon, Loei, Khonkaen et Nahonphanom  et celui de Roiet à l'intérieur duquel nous trouvons les mueang de Kalasin et Mahasarakham. Nous trouvons ensuite comme aujourd'hui les districts (amphoe), les sous-districts (tambon) et les villages . Comment le passage à une monarchie constitutionnelle a été ressenti ? Il n'y a pas d'électricité donc pas de radio et les informations ne peuvent transiter que par les chefs de district, les chefs de villa et les moines qui sont en rapport plus ou moins directs avec Bangkok.

 

La révolution de 1932, a aboli le monthon et rendu le changwat (จังหวัด - province) la division administrative de base. Pour tout le pays, Il y en eut initialement 70 puis 71 en 1947, divisés en districts ; un province supplémentaire a été créée en 1947, et les districts ont été redivisés, de sorte qu'il y a aujourd'hui 71 provinces, 411 districts (อำเภอ - amphoe) et 3327 sous-districts (ตำบล - tambon). Le nombre de districts dans chaque province varie de cinq à dix. Il ne semble pas y avoir de réglementation spécifique de la taille d'un tambon, qui varie tout au long de la pays et est apparemment déterminée par des considérations topographiques et par la facilité de communication. Le tambon moyen est divisé en groupe de villages et villages individuels (บ้าน - ban). Le nombre total de villages dans le recensement de 1947 alors le plus récent le plus récent était de 49.832.

 

La province est dirigée par un gouverneur (ผู้ว่าราชการจังหวัด - phuwaratchakan changwat) nommé par le ministre de l'Intérieur dont il relève. Le pays a été divisé actuellement en 6 régions (nord – nord-est - ouest – centre – est et sud) chacune dirigée par un commissaire régional qui coordonne les activités des gouverneurs de province.

 

Chaque province, selon l'importance de sa population, élit un ou plusieurs membres de l'assemblée des représentants du peuple. Il est permis de penser que le choix des électeurs et électrices dépend largement des « conseils » des chefs de district, de tambon et de villages ? L'institution en 1932 d'élections nationales, fut une expérience entièrement nouvelle pour les paysans. Les comptes rendus de la première élection nationale rapportent que seulement un dixième de la population adulte a voté. . Ce pourcentage est passé à 39 % aux élections de 1952. Il faut tout de même en déduire que les paysans ne manifestaient pas un intérêt marqué pour ces élections nationales. La moitié d'entre eux étaient alors analphabètes et n'avaient aucun moyens d'accès à une quelconque information. Ils étaient probablement beaucoup plus sensibles aux « cadeaux » qu'effectuaient les candidats, pratique détestable qui n'a pas disparu aujourd'hui mais il faut le dire tout bas.

 

Le district est dirigé par un chef (นายอำเภอ - nai-amphoe) assisté d’une équipe de fonctionnaires dépendant des divers ministères. Il est nommé par le ministère de l’intérieur. En ce qui nous concerne, il peut être appelé à régler des différends entre villageois concernant les limites de leurs rizières et juger les différends entre propriétaire et locataire. Il agit alors en véritable juge de paix

 

Le tambon est dirigé par un chef de tambon (กำนัน – kamnan). Il est lui choisi par les chefs de village de son territoire. Ce n’est pas un fonctionnaire. Il organise de fréquentes réunions informelles avec l'aide des chefs de village pour entretenir les paysans des divers problèmes, irrigation au premier chef. Les femmes y participent volontiers surtout lorsque les hommes sont aux champs, rien d'étonnant dans une société largement matriarcale.

 

Les chefs de village (ผู้ใหญ่บ้าน – phuyaiban). Il nous plonge au cœur de la démocratie villageoise. Il est élu par les hommes et femmes du village sans que son mandat ait eu alors une durée fixe. Il peut servir en permanence sans élection tant qu'il conserve la confiance et le respect de ses villageois. Il n'est pas rare qu'un chef de village respecté conserve son poste jusqu'à son décès ou sa retraite, en général à la soixantaine.

 

Les chefs à la retraite ainsi que quelques vieillards du village constituent une espèce de conseil des anciens totalement informel et aucune entreprise importante n’est lancée sans discussion avec eux. Les villageois peuvent demander le retrait d'un chef qui a perdu confiance en s'adressant au chef de district qui a le pouvoir de révoquer les chefs et d'appeler pour une nouvelle élection. En votant pour le chef du village, une réunion est tenue de tous les adultes qui souhaitent voter. Il n'y a pas de campagne; le chef sortant et le conseil informel des anciens recommandent un ou deux candidats issus de familles respectées du village. L'élection se fait généralement au cours d’une assemblée par un vote à main levée à la majorité simple élire. Le scrutin secret n’est pratiquement jamais utilisé. Cette forme même de scrutin interdit toute forme de statistiques puisqu'il n'y avait pas de listes électorales et pas de registre d'émargement parfaitement inutiles puisque dans ce cadre restreint, tous se connaissent.

 

L'élection du chef de village et du kamnan doit être confirmée par le gouverneur de province par l'intermédiaire de son représentant, le chef de district mais on ne cite pas d’exemple d’un refus d’approbation.

 

En dehors de l’informel conseil des anciens, nous trouvons un autre fonctionnaire au sein des villages, le « médecin du village » (หมอประจำบ้าน - mo pracham ban). Actuellement, il s’agit d’un corps de volontaire bénévoles ayant reçu une formation médicale et participant au règlement des problèmes de santé au niveau du village et du tambon. A cette époque, il était fonctionnaire rémunéré sous la direction du responsable des services de santé du district. Le mot de médecin est largement surévalué. Il ignore en général tout de la médecine moderne mais n’ignore pas les traditions locales. Chaman, guérisseur, rebouteux, parfois traité de charlatan, il est bien présent.

 

 

L'aspect religieux qui est toujours un mélange de bouddhisme, de chamanisme et d'animisme est toujours présent, j'en parlerai dans le dernier volet de ces articles sur la vie paysanne dans le nord-est.

 

 

 

Monseigneur Pallegoix écrivait en 1854 « .. De temps en temps il y a des années où les pluies sont bien moins abondantes que de coutume; alors le fleuve n'inonde qu'une partie de la plaine; toutes les rizières où l'eau n'arrive pas sont perdues, parce que la plante du riz se dessèche et meurt sans porter de fruits, ce qui occasionne la cherté du riz, mais jamais la famine ».

Il cite toutefois deux famines, la première en 1443 dont l'on ignore les causes, probablement les ravages des guerres et de l'incendie systématique des récoltes. Celle de 1769 est due aux ravages causés par les invasions birmanes pour les mêmes raisons. Je n'ai trouvé trace que d'une autre en 1893 (ce n'est pas dire qu'il n'y en a pas eu d'autres) dans la revue des catholiques américains de Chiangmai (The Sacred Heart Review, Volume 9, Number 23, 29 April 1893) :

« Un missionnaire écrit de Chiangmai, au Siam, qu'il est impossible dans une courte lettre de donner un compte rendu adéquat de la famine dont le peuple Lao souffre depuis un an. Lorsque le riz est la seule nourriture, un échec presque complet de la récolte survenant après deux courtes années laisse les gens sans aucune ressource ; et la difficulté et les frais de transport sont si grands que l'importation sur une grande échelle a été hors de question. Une sorte de tubercule qui pousse à l'état sauvage a été le seul substitut tolérable depuis quatre ou cinq mois, depuis que l'approvisionnement en graines de bambou s'est tari ; mais beaucoup de gens ont été poussés à manger même des coques de noix de coco, qui servent à donner à l'estomac une distension confortable jusqu'à ce que la famine entraîne la mort. Combien de morts il y a eu à cause de la famine, il serait téméraire de le deviner. Ils seraient probablement plusieurs milliers. Dans les endroits les plus démunis, il est presque impossible d'entrer dans les maisons, tant est écœurante la puanteur venant des morts, que les mourants n'ont pas pu enterrer, tandis que les routes menant de ces régions aux provinces les moins malheureuses ont été jonchées de cadavres. Dans la province de Chiangmai à l'heure actuelle, il doit y avoir environ 15 000 ou 20 000 réfugiés de la famine des provinces de l'Est, une immense ponction sur un peuple qui a eu environ la moitié de ce qu'il avait d'habitude pour sa propre subsistance. Ces réfugiés partent en troupes, parfois au nombre de plus d'une centaine. Hier à notre porte, il y en avait plus de trente à midi. Heureusement, le riz y est un peu moins cher qu'il ne l'a été, bien qu'il soit encore quatre fois plus cher les bonnes années ». J'en déduis que cette catastrophe – s'il elle a frappé le Laos a moins frappé le nord-est du Siam puisque ne touchant que 15 ou 20.000 réfugiés sur une population qui devait alors avoisiner les 10 millions d'habitants ?

 

 

 

Que conclure ?

 

Ces paysans vivaient dans une économie de subsistance, certes mais en symbiose avec la nature avec laquelle ils vivent étroitement leur procure ce qui est nécessaire à la vie quotidienne que ce soit le bois pour construire, les cultures essentiellement du riz, le pain quotidien, un peu d'élevage et beaucoup de cueillette, la chasse et la pèche. Ils échappent pour une grande partie à l'économie monétaire et à l'envahissement des publicités créatrices de besoins. La vie familiale, la vie religieuse et la vie communautaire étaient intenses. Cela signifie-t-il le bonheur ?

 

A suivre .../....

 

Sources

 

En dehors de celles que j'ai citées dans la première partie, j'ai utilisé tout en restant prudents sur les chiffres relatifs à cette période

 

Carle C Zimmerman : « Siam: Rural Economic Survey », Bangkok, 1931.

Phya Anuman Rajthon. «ชีวิตชาวนาไทย – Vie du paysan thaï ». en thaï - Bangkok, 1948.

 

 

 

 

 

 

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