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Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.

A 450 - ZOUAVE PONTIFICAL  (1860), HÉROS DE LA RÉSISTANCE POLONAISE (1863), CHEF DES ARMÉES DU SIAM (1869), GÉNÉRAL COMMUNARD (1870)... UN FRANÇAIS : JOSEPH GANIER

 

 

Nous avons consacré deux articles à ce personnage haut en couleur, le premier en 2011 et le suivant en 2014. Il fut tour à tour zouave pontifical en 1860,

 

 

colonel chez les « faucheurs » polonais en 1863,

 

 

général dans les armées siamoises en 1869,

 

 

général dans la Commune de Paris en 1870-71,

 

 

combattant chez les carlistes en 1873,

 

 

cru un moment président de la république de Saint Domingue la même année

 

 

et retourné au Siam en 1874, fermier du monopôle de l'opium au Cambodge la même année où il mène bataille contre des pirates,

 

 

Il mourut probablement au Siam en 1914 (1), Les sources à son sujet sont le plus souvent contradictoires car il déchaîna des passions contradictoires.

 

 

Un coup de fusil ne pouvait se tirer dans le monde, sans qu'il eût probablement pris sa part.

 

Écrire sur l'histoire quand on n'est pas un historien de profession et qu'on le fait du fonds de la Thaïlande profonde, lorsque notre seule source est Internet, reste soumis à l'épreuve de la multiplicité de ces sources qui se multiplient au fils des années sur le toile, J'en ai eu la preuve par 9, car je n'avais pas à l'époque des références que je n'avais pas trouvé (ou peut-être aussi pas su trouver). Il me faut aujourd'hui revenir sur ce personnage haut en couleur, incontestablement de la race en voie de disparition de ces aventuriers de légende, Les sources suivantes m'avaient alors échappé :

 

 

- 1- Un très bel article dans la Revue du monde catholique en 1883 sous la signature de Léonce Dubosc de Pesquidoux, journaliste et écrivain ardent défenseur du trône et de l'autel, En décembre 1870, il se trouvait à Tours où il fut rejoint par un cousin qui avait pris la décision de rejoindre les Éclaireurs de Cathelineau, un groupe de francs-tireurs, fondé par le petit-fils du chef vendéen qui offrit à contre cœur ses services au gouvernement républicain au lendemain de la défaire de Sedan,

 

 

il était accompagné depuis Marseille lors du voyage en chemin de fer par Ganier. L'ancien général des armées du Siam dut reste plusieurs jours à Tours pour soigner une blessure faite accidentellement par balle, Le journaliste lui tint compagnie pendant plusieurs jours au cours des quels il fut charmé par le récit de ses aventures, Le récit de ces entretiens est exceptionnel car il est le seul à avoir recueilli ses confidences sans les considérer comme paroles d'évangile J'ai alors été stupéfait de constater que le Général des armées du Siam partageait avec Pesquidoux les mêmes idéaux politique et religieux,

 

 

D'une piété exemplaire, il s'entourait de scapulaires et de médailles pieuses, préférant les armes spirituelles aux armes temporelles, Ceci ne contredit d'ailleurs pas à mon avis – j'y reviendrai – l'engagement de ce fidèle royaliste et papalin dans les rangs de la Commune.

 

 

- 2 - Le numérisation des archives de l'état civil de la ville de Paris et sa reconstitution au moins partielle après leur destruction par la Commune me permit quelques rectifications sur son état civil et celui de ses proches.

 

 

- 3 – Une très belle page Facebook (en polonais) sur le soulèvement polonais de 1863 nos donne encore quelques précisions sur le personnage :  et nous procure la seule photographie que nous ayons de lui qui correspond au portrait que nous en donne Pesquidoux : «,,, brun, fier, résolu, magnifique; il portait la moustache et la barbiche ….son visage est ferme et viril, et sa voix incisive et sonore....». Jugez sur pièce :

 

 

Ses débuts dans la vie

 

Son acte de naissance n'appartient pas aux actes d'état civil reconstitués mais nous avons son acte de mariage,célébré le samedi 8 décembre 1864 à son retour de Pologne, dans la mairie du dix-septième. Joseph Georges Ganier est né le 23 septembre 1840 et habite avec ses parents, Joseph Ganier et Jeanne Francheteau, tous deux désigné comme propriétaires, lui même est signalé comme employé. Il habite chez eux passage Piemontesi, au cœur de Montmartre. Le couple est probablement aisé.

 

 

Lors du décès du père en 1872, il est mentionné comme menuisier. Sa mère est la fille de Jeanne Dabin ce qui explique l'ajout que fit Ganier à son patronyme en le particulant en devenant Ganier d'Abin mais n'apprend pas pourquoi il choisit le prénom de Paul.

 

 

Si je l'ai précédemment mentionné comme Paul Ganier, c'est tout simplement parce qu'il est ainsi qualifié dans les dizaines et dizaines d'ouvrages ou d'articles de journaux le concernant, j'en ai donné le détail dans mes articles précédents en citant mes sources (2). Nous trouvons aussi d'autres orthographes fantaisistes comme Garnier, Gagnier, Garnier d'Aubain. Son épouse, c'est tout de même une singularité, Hyacinthe Clarisse Ricou est née bien avant lui le 14 janvier 1824. 16 ans les séparent. Elle est propriétaire et habite au 202 boulevard Malsherbes, elle est donc probablement riche. Un contrat de mariage a été signé chez Fovard, notaire à Paris, le 17 septembre. Il semble que seuls sont numérisés les contrats des notaires de Paris concernant des commerçants. Le divorce interviendra en 1884. Il couvait probablement entre les époux une situation pathologique mais le divorce ne fut réintroduit en France que par la Loi Naquet du 27 juillet 1884. Nous ignorons avec précision où il se trouvait à cette date mais son épouse n'était probablement pas encore veuve.

 

 

Nous ignorons tout de son enfance et de sa jeunesse, fut-il ce « mauvais garçon » signalé par la presse hostile ? Il reçut en tous cas une éducation religieuse chez les jésuites, dit-il à Pesquidoux.

 

 

Cette éducation et ses choix mystiques expliquent au moins en partie ses engagements ultérieurs. L'ardeur de ses sentiments et la pureté de ses croyances lui faisaient envisager sans crainte de donner sa vie pour la cause sacrée de l'autel et du trône !

 

 

Zouave du Pape

 

Il dit avoir voulu donner à sa foi le service de son sang et s'engage dans les zouaves pontificaux. Il se trouva à la sanglante bataille de Castelfidardo en 1860

 

 

...aux côtés de Charette et échappe à la mort. Il avait 20 ans.

 

 

Aux côtés des «  faucheurs polonais »  en 1863

 

Il se précipita en Pologne, après cette défaite, aux premiers signes du mouvement des faucheurs qui se battaient pour la liberté de leur pays et leur religion catholique contre les Russes.

 

 

Aux côtés de François Rochebrune qui avait créé l'unité des « zouaves de la mort ,

 

 

ils menèrent contre les Russes une sanglante guérilla, armés le plus souvent de leurs seuls faux emmanchés à rebours.

 

 

Leur cause fut particulièrement populaire en France depuis toujours mais Napoléon III qui s'était engagé en 1853 aux côtés des mahométans ottomans contre la Russie ne voulut rien faire pour les Polonais catholiques.

 

 

Sa conduite à l'égard de la Pologne fut aussi méprisable que celle de son oncle le Ier. Le bruit court alors dans la presse française qu'il serait mort et enterré. Une ruse pour tromper les Russes ?

 

 

C'est probable mais il est considéré comme un héros français mort pour l'indépendance polonaise. Sa tombe vide de Cyrusowa Wola fut néanmoins fleurie par l'Ambassadeur de France lors des cérémonies célébrant le centenaire de l’insurrection polonaise de 1863.

 

 

Au service du Siam

 

Revenu bien vivant à Montmartre, et après son mariage, il disparaît à nouveau. Après une période d'école buissonnière, la presse française annonce alors qu'un colonel français, grade acquis chez les Polonais, était devenu commandant en chef des armées du Siam. Mes articles précédant relatent tout ce qui s'est écrit dans la presse à ce sujet, n'y revenons pas. Citons ce qu'il en a dit à Pesquidoux. Il faudrait évidemment avoir accès à des sources siamoises pour démêler la vérité des possibles fanfaronnades : D'Abin abordait aux rivages de Siam. Il se présenta au roi du pays, lui remontra que, pour un grand potentat, Sa Majesté était pauvrement armée et possédait de tristes troupes; finalement, il proposa de lui constituer une belle année, habillée et manœuvrant à l'européenne, avec de bons fusils, de beaux canons, une armée modèle, digne de sa puissance, qui ferait la joie de son cœur de père et la terreur de ses voisins. Le roi de Siam donna carte blanche. Ravi par la haute mine et l'air vainqueur de l'étranger, il lui confia ses troupes, le fit premier ministre, généralissime, et lui fournit un train de prince. D'Abin s'éleva à la hauteur de ses promesses et des espérances du roi. En peu de temps, le monarque eut la douce jouissance de contempler trente mille hommes, d'un aspect formidable, vêtus et opérant d'une manière neuve, avec des canonniers, des fusiliers, des cavaliers, tous se mouvant comme un seul homme. Et, dans son légitime orgueil, le roi de Siam comblait de faveurs son généralissime. Après avoir expérimenté sa nouvelle armée dans de menues rencontres, d'Abin s'apprêtait à frapper un coup terrible, dont tout l'Orient eût retenti, quand il apprit notre guerre avec la Prusse. Il va donc se précipiter au service de son pays.

 

 

L'épisode communarde

 

Lorsqu'il débarque en décembre 1870, ce fut après la bataille de Sedan, l'empire était tombé et la république proclamée. Fallait-il demander la paix ou continuer à se battre envers et contre tout comme le firent de nombreux groupes de francs tireurs ? Ganier choisit la Commune de Paris, c'est tout de même sa ville, non pas probablement pour ses choix idéologiques libertaires mais parce qu’elle refusait la capitulation de la France devant la Prusse. Il y a incontestablement dans le mouvement de la Commune un fond sinon nationaliste (encore que...) au moins patriotique.

 

 

On rêva de 1792 et de la Nation en armes. Ce choix là fut donc celui non plus du chrétien fervent mais du patriote. Son rôle exact est d'ailleurs difficile à déterminer tant les versions furent contradictoires dans notre presse. Celle de Versailles qui lui était hostile signale qu'on le voyait plus souvent aux bras d'une actrice célèbre que sur les barricades. Il fut condamné à mort par les autorités communardes comme espion versaillais,,, et à la déportation par les versaillais communard. Il avait en tous cas passé à travers les mailles de tous les filets. Où est-il donc ?

 

 

La guerre carliste

 

C’est ensuite que se situe son passage en Espagne, lors de la troisième guerre carliste, sans que l’on sache exactement s’il est trabucaire avec les républicains ou dans les rangs royalistes ? Compte tenu de son mysticisme de catholique, on peut penser qu'il était tout simplement du côté des carlistes attachés à la défense de la religion catholique et au maintien des traditions hostiles au libéralisme ambiant et plus encore aux républicains. Le 10 octobre 1873 toutefois, la presse française annonce sa mort à Carthagène à la tête d’un groupe de partisans. Pleurs à Montmartre. Non, il n'est pas mort !

 

 

La farce de Saint Domingue qui ridiculise la presse française

 

La presse française annonce a la fin du mois d'octobre 1873 qu'il a pris le pouvoir dans l'île indépendante depuis 1865, successeur de Toussaint Louverture.

 

 

C'est en réalité une gigantesque farce, un « canard » comme on disait à l'époque quand les journalistes écrivaient en français avant de parler de « fake news ». C'est probablement lui qui fut à l’origine de cet énorme canard pour ridiculiser la presse française qui n'avait pas toujours été tendre avec lui. Voici ce qu'en écrivit le Journal des débats le 4 décembre 1873 : « Nous avons reproduit dernièrement quelques lignes que l'agence Havas disait avoir empruntées au Courrier des États-Unis, et qui étaient relatives à une révolution qui aurait eu lieu à Saint-Domingue, et dans laquelle un certain Ganier d'Abin aurait joué le principal rôle. Voici la note que nous trouvons à ce sujet dans le journal cité par l'agence Havas « Plusieurs journaux français attribuent au Courrier des États Unis la nouvelle d'une prétendue révolution à Saint-Domingue, qui aurait abouti au renversement de Baez. Il n'y a pas un mot de vrai dans le récit qu'ils publient et qui ne peut être qu'une mystification. Jamais le Courrier des États-Unis n'a rien publié de semblable, et il décline absolument la responsabilité du canard que ses confrères de France ont eu la singulière idée de publier sous son nom ».

 

Voilà comment une certaine presse transmettait les informations, rien n'a changé au XXIe siècle !

 

 

Le retour au Siam ?

 

C'est probable. Nous retrouvons en effet sa trace dans une revue américaine, le Scribner's monthly, un mensuel populaire qu'il dota de deux articles dans sa livraison de mai à octobre 1874 sous la signature Ganier d'Aubin : « A elaphant Hunt in Siam » une chasse organisée par la Cour et à laquelle il aurait participé en compagnie de tout ce que la colonie « farang » connaissait de notabilités.

 

 

...et un autre intitulé « STRANGE SCENES IN STRANGE LANDS - ADVENTURES OF AN OPIUM MONOPOLIST IN CAMBODIA » dans lequel il se présente comme titulaire de la ferme du monopole de l'opium ? Vrai ou faux ? Il y réprime en tous cas des hordes de pirates. Si ces aventures comme général des armées siamoises sont exactes et ses liens certains avec le roi, il n'y aurait rien au d'extraordinaire à ce que, revenu au Siam retrouver les deux épouses qu'il avait eu lors de son premier séjour, il soit invité à des festivités royales et bénéficie par ailleurs d'un poste au Cambodge, pays tributaire du Siam pour sa partie non encore colonisée.

 

 

Est-ce la fin ? Probablement non ? La dernière trace que je trouve de lui est en effet un petite article (en anglais) dans le près précieux « Directory for Bangkok and Siam » de 1914 « An elephant hunt in Siam » reprenant le précédent. Etait-il encore en vie à cette date ? La page polonaise que lui consacre Facebook le fait en tous cas mourir probablement au Siam en 1914 ?

 

 

Il console un peu de la platitude des temps au milieu desquels on éprouve quelque plaisir à voir un Français donner si dextrement de si amusants coups d'épaule à l'histoire

 

NOTES

 

  1. Voir nos deux articles

     

Paul Ganier, un voyou de Montmartre, Commandant en chef des armées du Roi du Siam

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/article-paul-ganier-un-voyou-de-montmartre-commandant-en-chef-des-armees-du-roi-du-siam-87943667.html

 

137. Paul Ganier, un aventurier, Commandant en Chef des armées du Roi du Siam en 1869 ?

https://grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-blog.com/article-137-paul-ganier-un-aventurier-commandant-en-chef-des-armees-du-roi-du-siam-en-1869-123550227.html

 

  1. En voici un aperçu

     

Livres :

 

Almanach de Gotha, 1874

Anonyme « La terreur en 1871 » Paris 1871

Augu Henri « les zouaves de la mort – un épisode de l’insurrection polonaise de 1863 »

Conseils de guerre de Versailles, procès des chefs de la commune et du comité central, Paris, 1871

Da Graca John V. « Head of state and government » Macmillan 1985.

De la Brugère « Histoire de la commune de Paris »

Delion Paul , « les membres de la Commune et du comité central, Paris 1871

Du Camp Maxime « les convulsions de Paris », tome 4, Paris 1883

Fiaux Louis « histoire de la guerre civile de 1871 »

Gréhan A, « nouvelles annales de voyage – notices sur le royaume de Siam » 1869

 Histoire du corps des gardiens de la paix de Paris » 1896

Jaurès Jean « la guerre franco-allemande – la commune » 1901

La Brugère « Histoire de la commune de 1871 » Paris 1871

Lissagaray « Histoire de la commune de 1871 » Paris 1929

Malon Benoît «  la troisième défaite du prolétariat français » Neufchâtel 1871

Michel Louise « mémoires de Louise Michel écrites par elle-même » Paris 1886

Montferrier (Comte de) « Histoire de la révolution du 18 mars 1871 dans Paris » Bruxelles 1871

Moriac Edouard « Paris sous la commune » Paris 1871

Rodrigues Edouard « Le carnaval rouge » Paris 1872

Vésinier Pierre « Comment a péri la Commune » Paris 1892

 

Périodiques

 

Bulletin de l’association des anciens élèves de l’école polonaise  du 15 avril 1899 - du 15 août 1907 – du 15 septembre 1907 - du 15 mai 1912 – du 15 juillet 1914 -

Journal des commissaires de police ; 1871 – 1872

Journal militaire officiel, année 1871

 Le Petit Journal  du 11 juillet 1864 - 15 mai 1869 - du 23 mars 1871 – du 30 mars 1871

La presse  du 8 août 1871 – du 13 août 1873 – du 6 novembre 1873

Le Gaulois  du 21 mai 1869 – 6 octobre 1873 - 10 octobre 1873 – du 6 novembre 1873 – du 8 novembre 1873 – du 16 mars 1877 - du 18 mars 1895

Le Temps du 8 août 1871 – du 6 novembre 1873 –

La feuille de Madame Angot, 30 novembre 1873

Le Figaro des 29 juillet et 3 août 1871 et du 6 novembre 1873

Revue des deux mondes » 11.1904

 

 

 

 

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