Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
Nous avions signalé dans notre introduction que cette période avait bénéficié de nombreux écrits comme les correspondances, les récits de voyage, les mémoires des « ambassadeurs », des jésuites, des pères des Missions étrangères, des documents militaires français de Saint-Vandrille, du Général Desfarges, de Beauchamp, et de La Touche, des romans, des études de chercheurs … On entrait là dans un monde, disions-nous, où la diplomatie, la politique, la religion, la science, le commerce, l’aventure se mêlaient pour inspirer de nombreux auteurs.
Nous vous avons présenté les plus connus, comme la première ambassade de 1685 vue par l’Abbé de Choisy, tiré de son « journal de Voyage » de Siam ;
la deuxième vue par de la Loubère, envoyé extraordinaire du Roi auprès du Roi de Siam en 1687 et 1688, avec son étude « Le Royaume de Siam » ;
Les deux ambassades vues par le Comte de Forbin qui nous dévoile les dessous de la politique de Phaulkon, 1er ministre du roi de Siam et qui tient à rappeler que de nombreux mémoires comme ceux de l’abbé de Choisy et du père Tachard ...
...« qui ont fait le même voyage, et qui ont vu les mêmes choses que moi, semblent s’être accordés pour donner au public, sur le royaume de Siam, des idées si brillantes et si peu conformes à la vérité ».
Nous avions rendu compte de l'analyse comparée d'Alain Forest in « Aperçu sur les relations franco-siamoises au temps de Phra Naraï »;Des romans d'Axel Aylwen « Le Faucon du Siam » qui se veut une biographie romancé et de Morgan Sportès « Pour la plus grande gloire de Dieu », qui s'interroge sur la volonté de Louis XIV d’avoir voulu coloniser le Siam en cette année 1687 avec l’arrivée de la deuxième ambassade menée par Simon de la Loubère et Claude Céberet du Boullay et le général Desfarges à la tête d’un corps expéditionnaire de 636 officiers et soldats, et l’arrivée du navire l’Oriflamme un an plus tard, en septembre 1688, avec 200 hommes chargés d’incorporer les forces françaises du Siam, avec la promesse que d’autres vaisseaux suivraient chaque année ; et combien d'autres comme la « Révolution du Siam de 1688», In Particularités de la révolution de Siam arrivées en l’année 1688 , par Jean Vollant des Verquains, « L'Europe et le Siam du XVIe siècle au XVIIIe siècle, Apports culturels » par Michel Jacq-Hergouac'h ... Et bien sûr ce que pouvaient en dire les « Chroniques royales d'Ayutthaya ».
Nous ne pouvions -cette fois - que vous inviter à lire ou relire tous nos articles (Cf. Les liens en note (1)) et reprendre -ici- notre article de notre Histoire de la Thaïlande « La fin du règne du roi Naraï et la « révolution » de 1688. » qui en est une bonne illustration. (2)
Nous avions noté, une fois de plus, que les « Chroniques royales d'Ayutthaya », comme à leur habitude, n'avaient pas rendu compte, pour cette période, de la situation géopolitique, et passer sous silence les événements essentiels, comme par exemple la présence et le rôle des soldats français, du général Desfarges, des missionnaires français, la révolte des Macassars en 1686, la présentation et l’action des factions en lutte pour la succession royale, les actions menées par Constance Phaulkon et Phetracha pour accéder au pouvoir ; Les décisions du roi Naraï pour assurer sa succession, avec le choix de sa fille Kromluang Yothathep pour lui succéder malgré ses deux frères (Phra Piya, et le frère cadet Chao Fa Noï),
...personnages clés dans la succession. Et enfin, si les Chroniques évoquaient le complot de Phetracha et de son fils Sorasak, elles « oubliaient » la « guerre » et la victoire contre les soldats français, qui devront négocier leur départ (leur fuite ?), et ce qu'on appellera la « révolution de 1688 ».
(Cf. Notre résumé des Chroniques royales pour cette fin du règne du roi Naraï, en note (3).)
Il fallait choisir. L'interprétation avancée par Forest in « Aperçu sur les relations franco-siamoises au temps de Phra Naraï » nous semblait la plus intéressante. (4)
Durant l’année 1686, trois événements, dit-il, illustrent chacun à leur manière, l’installation d’une atmosphère de fin de règne au Siam : « la maladie du roi, la fuite de l’éléphant royal interprété comme un mauvais présage, et la révolte des Makassars à Ayutthaya, « découverte mi-juillet, qui ne se termine qu’en septembre, après un véritable bain de sang. » (Cf. Notre article précédent RH 47)
Les Makassars avaient prévu d’attaquer le palais, de tuer le roi, de mettre au pouvoir l’un de ses frères, et de lui faire embrasser la religion musulmane. Bien que n’étant que 300, leur résistance fut acharnée. Phaulkon apparut « comme le vainqueur de la « conjuration ».
Forest ensuite, pour qui Phaulkon est un « escroc » mégalomane, signale comment il multiplie les maladresses, et se met à dos les Hollandais (qui ne veulent plus faire commerce avec Phaulkon) et doit régler de sérieux « démêlées » avec la Compagnie anglaise basée à Madras (L’attaque de Mergui par une escadre anglaise (23 juin- 14 juillet 1687), l’affaire du Pearl (les Anglais voulant installer un gouverneur à Mergui), et la « guerre » contre Golconde.
Outre Forbin, Véret, le responsable du comptoir français depuis la fin de 1685, ne cache pas ce qu’il pense de Phaulkon aux directeurs de la Compagnie, il est « le plus fourbe du monde et capable des plus noires trahisons ». Mais Phaulkon réussit encore, malgré les griefs exprimés par ses « ennemis » et le « désenchantement des missionnaires » qui ne voient aucun signe de conversion du roi, ni « privilèges » accordés aux catholiques», à se poser comme « le bienfaiteur », dit Forest, le « conciliateur dans les conflits entre jésuites et français », l’intermédiaire indispensable pour agir auprès du roi.
Mgr Laneau en mai 1687, ne sait plus toutefois où il en est, mais signale « combien il y a de prophéties ici qui courent parmi les Siamois ; car non seulement les chrétiens, mais encore les gentils et les Mores sont dans une attente continuelle de je ne sais quoi qu’ils disent devoir arriver bientôt. »
Mais le chapitre suivant intitulé « Hostilités siamoises et mores, hostilités religieuse » (p. 382) est plus original. « En 1687, et fait autrement plus important que ses brouilleries avec les Européens du Siam, Phaulkon paraît entièrement « brûlé » auprès des Siamois et des Mores ».
On se doute que la répression des Makassars l’année précédente ne pouvait pas être bien vu par les musulmans encore nombreux dans le gouvernement de plusieurs villes et à certains hauts niveaux militaires. Et les marchands mores ne pouvaient apprécier la mainmise de Phaulkon sur le commerce siamois.
Mais c’est en fait « une campagne d’examen et d’épuration du clergé bouddhique au premier semestre 1687, convoqué par le roi, qui va être exploitée contre Phaulkon, et les Français, et certainement alimentée la vague anti-chrétienne. » Cette campagne, qui visait à vérifier les connaissances des moines bouddhistes fit beaucoup de bruit, car 3 à 4000 moines furent défroqués à cette occasion, ce qui fit dire que le roi allait remplacer les « prêtres d’idoles » par les prêtres chrétiens. Les Chroniques royales prétendent que Sorasak avait attribué cette vague d’épuration à Phaulkon et s’en était plaint auprès du roi. ( Forest, s’appuyant sur de La Loubère précise que c’est Sorasak qui fut l’un des examinateurs des moines). La défense de la religion bouddhiste se transformait en opposition à Phaulkon, et avait davantage passionné les gens du peuple que les jeux d’influence à l’intérieur du palais inaccessible.
L’arrivée des vaisseaux français en septembre 1687 avec la deuxième ambassade française menée par Simon de la Loubère et Claude Céberet du Boullay et le général Desfarges à la tête d'une escadre composée de 5 bâtiments, 1610 personnes, dont 636 soldats ne pouvaient que confirmer les prophéties et les rumeurs.
Le roman de Morgan Sportès « Pour la plus grande gloire de Dieu » nous plonge au milieu des intrigues, des différents points de vue des protagonistes , comme de La Loubère, de Céberet, le général Desfarges, le jésuite Tachard, le grec Phaulkon Constance, du roi du Siam Naraï, de son général Petracha...
...des pères missionnaires et des jésuites, des puissances portugaises, hollandaises, anglaises, françaises, maures …
On peut suivre les différentes rivalités et intérêts des uns et des autres, avec les Envoyés extraordinaires, son chef La Loubère, « avec les questions politiques et religieuses » , et son étude « sur le roi du Siam et ses voisins, sur les forces militaires terrestres et maritimes, sur les forteresses, sur l’art de la guerre, sur les revenus du souverains et sur « l’étendue de sa puissance » sur ses sujets, sur le mode de gouvernement tant spirituel que politique, sur l’organisation de la société. »), avec Ceberet, « un des douze directeurs de la Compagnie des Indes orientales », chargé de « la mise au point d’un traité de commerce », sans oublier le père jésuite Tachard qui a une mission secrète établie de concert avec le père jésuite de la Chaise, confesseur du roi Louis XIV,
...et le barcalon, le 1er ministre du roi Naraï, Constance Phaulkon, et une lettre signée par le secrétaire d’Etat à la marine, Seignelay, lui accordant de fait tout pouvoir de négociation ; Et le général Desfarges, le chef militaire de l’expédition, qui a reçu des consignes précises de messieurs de Seignelay, secrétaire d’Etat à la Marine,
...et de Croissy, ministre des affaires étrangères
(respectivement fils et frère du défunt Colbert) : les troupes françaises doivent « s’installer aux deux points stratégiques du royaume : Bangkok et Mergui. En cas de refus, ordre était donné d’attaquer Bangkok ». (« Le fort de Bangkok, véritable verrou tenant l’entrée du fleuve Chao-Praya, et le port de Mergui, sur la côte ouest du pays et le golfe du Bengale, voie d’accès idéale au richissime commerce de l’Inde »).
(Cf. Notre article « A89. Louis XIV a voulu coloniser le Siam ? Notre lecture de Morgan Sportès, « Pour la plus grande gloire de Dieu » )
Alain Forest, citant Morgan Sportès, exhumant la correspondance entre Seignelay et l’intendant de Brest entre autre, confirmera les motifs militaires et commerciaux de cette « ambassade », et qu’outre le motif d’établir la religion catholique au Siam, « le motif principal de l’expédition est cependant l’occupation de Bangkok et Mergui […] S’il y a refus, Louis XIV « a résolu […] de faire attaquer Bangkok et de s’en rendre maître à force ouverte. ». Ce que confirmera aussi Jacq.Hergoualc’h, dans son « Etude historique et critique du Journal du voyage de Siam de Claude Céberet : envoyé extraordinaire du roi en 1687 et 1688 » (L'Harmattan)
Mais le projet échouera.
L’Ambassade arrivée le 26 septembre 1687 au Siam, repart le 3 janvier 1688, avec le bilan qu'en fait de La Loubère :
« Qu’avaient-ils obtenu : rien. Pas de privilèges pour les Chrétiens ; les travaux de fortification de Bangkok piétinaient, les troupes siamoises étaient toujours présentes dans la place ; Du Bruant n’était pas à Mergui, Desfarges roucoulait à Lopburi ; le roi ne serait jamais converti et … pour couronner le tout, selon les informateurs des missionnaires, Phaulkon essayait de se réconcilier avec les Anglais ».
Et encore n’a-t-il pas connu le fiasco final des troupes françaises du général Desfarges, obligées de s’enfuir le 2 novembre 1688.
Le chapitre « La révolution de Siam (1688) » de Forest nous donne quelques repères.
L’installation des troupes françaises à Mergui par du Bruant avec 150 soldats français fin janvier 1688 ne fut pas aisée avec les tergiversations de Phaulkon, qui savait qu’elle serait condamnée et exploitée par ses ennemis. De fait, nous dit Forest, Kosapan (vous vous souvenez ? L’ex-ambassadeur siamois en France) devenu le phra klang du roi Petracha dira plus tard, qu’elle était la première manifestation du complot de Phaulkon, Vertesalle (second du général Desfarges à Bangkok) de Beauregard, et du Bruant. Les soupçons furent renforcés par la décision d’ « embarquer une cinquantaine de Français sur deux frégates du roi de Siam pour croiser dans le golfe ». Il ne reste plus alors que 200-250 soldats français à Bangkok.
Obnubilés par Phaulkon, ils sont peu, dit Forest, à voir en Phetracha, le nouvel homme fort du royaume, alors que la santé du roi s’est aggravée à la fin février. Toutefois Forest cite un document anonyme adressé à Louis XIV, qu’il pense être de la Loubère, qui résume assez bien la situation instable :
« il n’a point de temps à perdre, car le roi du Siam est caduc ». Le roi « n’a que deux frères et une fille […] Il n’y a plus de mandarin en considération, hormis un seul avec son fils [Petracha et Suraçak]. Celui-ci est ennemi, du moins n’est pas ami de Me Constance et si le roi vient à mourir ou il se fera roi ou il fera celui qu’il voudra roi […] le roi a un fils adoptif qui est puissant mais qui est encore jeune ; il se tient en bonne intelligence avec ce mandarin […] Me Constance pourrait aspirer à la couronne, mais il est haï de tout le monde soit naturels soit étrangers ». (p.404). Cela était bien vu.
Poursuivons.
Phaulkon, se sentant infériorisé, doit montrer à ses rivaux qu’il dispose de l’autorité des troupes françaises, tandis que Petracha doit s’assurer de la neutralité des Français. (et pour éliminer Phaulkon et pour la succession.)
En sachant que dans les querelles de succession, la légitimité revient au plus fort ; (Nous l’avons vu pour les derniers rois) Les prétendants peuvent être : les deux frères du roi (l’ainé est paralytique, et le cadet est dans le mutisme), mais le roi les refuse absolument. Par contre, phra Pi, fils adoptif du souverain, bénéficie de l’affection royale, et de solides appuis à Phitsalunok d’où il est originaire, mais n’a pas assez de personnalité. On parle beaucoup de la fille de Naraï, qui déteste Phaulkon, et est opposée aux Français et que l’on dit amoureuse du frère cadet. En janvier 1688, Phetracha semble le plus fort, mais on ne connait pas encore ses véritables intentions. Surtout que « Les rumeurs, les hypothèses les plus folles circulent qui accroissent confusions et doutes ». Et on n’a pas oublié les prophéties.
Nota. Phetracha réglera la succession de façon expéditive : en exécutant les deux frères de Naraï, le fils adoptif Pi, et Phaulkon. Il se fera roi et épousera la fille du roi Naraï pour assurer une forme de légitimité. Et il chassera les soldats français du royaume le 22 novembre 1688. Une « révolution » réussie !
Phaulkon veut faire monter les troupes de Desfarges à Lopburi (lettre du 22 mars 1688) pour neutraliser Phetracha (et phra Pi) et jouer la carte d’un des deux frères. D’abord volontaire, le général Desfarges arrive à Ayutthaya, et Veret (chef du comptoir français d’Ayuttaya) et les missionnaires Mgr Laneau et de Lionne (15 avril),
....lui apprennent que Phaulkon est empêché de voir le roi, et lui recommandent de ne pas intervenir. Ils lui conseillent d’envoyer un officier le 16 avril pour se rendre compte de la situation à Lopburi. Mais l’envoyé ne peut voir le roi, et il est inquiet en voyant sur le retour « un grand nombre de gens armés, dispersés en divers endroits ». Desfarges décide alors de retourner sur Bangkok, après avoir assuré les deux frères du roi de ses services.
Si entre le 16 avril et le 15 mai 1688, la situation semble se clarifier, et aller vers un affrontement entre phra Pi et Phetracha, qui a pris le parti du frère cadet du roi, qu’il reçoit solennellement à Lopburi. Mais Phetracha, simultanément, continue ses manœuvres et laisse croire à Phaulkon qu’il soutient phra Pi.
Mais à la mi-mai, phra Pi dénonce le complot au roi, obligeant Phetracha à réagir, en prenant le 18 mai, le contrôle du Palais.
Le même soir, Phetracha convoque Phaulkon, qui curieusement, passant outre aux supplications de ses amis, s’y rend et est arrêté. Le 20 mai, c’est le tour de phra Pi qui s’était réfugié dans la chambre du roi, d’être fait prisonnier et exécuté.
Les actions et les récits des jésuites français et des missionnaires seront très différents.
Les jésuites sont pour une intervention française contre Phetracha (peur de l’extermination, et devoir envers les rois de Siam et de France et de Phaulkon) et les missionnaires sont pour une non-intervention.
Mgr Laneau malade, de Lionne est chargé par Phetracha, le 24 ou 25 mai, de convaincre le général Desfarges de monter sur Lopburi avec ses troupes. Il se rend à Ayutthaya avec Kosapan qui a pris le parti de Phetracha. Des cadets français, qui résidaient à la cour, s’enfuient et sont repris par des cavaliers mores et placés en résidence surveillée. Cet événement constitue à la fois une preuve pour Phetracha du parti choisi par les Français et pour ceux-ci, cela préfigure le sort qui leur sera réservé.
Quoi qu’il en soit, le 2 juin le général Desfarges monte sur Lopburi et essuie une colère de Phetracha qui exige la présence des Français à Lopburi (Louvo) pour préparer une guerre contre le Laos ! Phetracha exige aussi que les troupes de du Bruant installés à Mergui reviennent. Le général Desfarges, s’il manifeste son désir d’obtenir des bateaux pour partir du Siam, cède à la pression et semble accepter la proposition. Il laisse même ses deux fils en otage et repart sur Bangkok le 4 juin. Mgr Laneau est aussi convoqué à Lopburi pour servir d’otage.
Phetracha alors, se croit assurer de l’appui des Français, et fait exécuter Constance Phaulkon le même jour (ou le 5 juin).
Mais Desfarges, sur les pressions et les arguments des jésuites, qu’il voit à Lopburi, de son second De Vertesalle qui ne connait que les ordres du roi de France de tenir Bangkok, de Véret, décide de s’enfermer dans une forteresse de Bangkok et organise le siège.
(La décision n’a pas dû être simple à prendre, car on n’oublie pas que les deux fils du général sont otages de Petracha).
On ne va pas refaire ici le récit de la bataille.
Les Français, croyant les Siamois piètres soldats, seront surpris par leur mobilisation rapide, leur organisation, leur combativité, leur nombre avec les Mores, Malais, Chinois, Pégouans, Portugais chrétiens venus les seconder. Bref, ils seront amenés à négocier leur départ.
« dissuader les Français de tirer sur les Siamois ».
Mais les Français assiégés, ont l’idée d’envoyer M. de Saint-Cricq chercher du secours auprès des deux frégates composées de soldats français qui patrouillent dans le golfe. Mais cerné par les barques siamoises, il se fait sauter avec son embarcation.
Il fait revenir le 22 juin Mgr Laneau à Lopburi, ainsi que les autres missionnaires, indiquant par là même qu’ils sont menacés. Petracha fait exécuter les deux frères du roi Naraï, le 9 juillet, pour empêcher toute connexion avec leurs partisans.
Le 10 juillet, la donne change. Le roi Naraï décède. (D’autres témoins avancent le 11 ou le 13)
Il ne lui restait plus qu’à s’assurer du départ des Français, qui rejoindront les 1er et 2 novembre le navire français L’oriflamme qui était arrivé à la barre de Siam le 7 (ou 9) septembre avec 200 hommes pour incorporer les forces françaises du Siam, et les deux navires Le Louvo et Le Siam, pour l’achat desquels Phetracha avait prêté de l’argent.
On passera sur les bévues, querelles et infamies (l’abandon de Mme Constance, l’affaire des otages (Veret, et les mandarins siamois) qui se succéderont lors de ce départ, avant que le 13 novembre les trois bateaux puissent prendre le large.
Phetracha avait réussi sa « révolution » et règnera jusqu’en 1703. Son « fils » Sorasak lui succédera.
Notes et références.
(1) 13. Les relations franco-thaïes : La « Révolution » de 1688 au Siam, vue par Jean Vollant des Verquains, In Particularités de la révolution de Siam arrivées en l’année 1688
14. Les relations franco-thaïes : L’expédition de Phuket de 1689 du général Desfarges
http://www.alainbernardenthailande.com/article-14-les-relations-franco-thaies-l-expedition-de-phuket-de-1689-64176809.html
16. Les relations franco-thaïes : Le Pére Tachard au Siam, une sacrée épopée.
98. Un portrait de Phaulkon original, dressé par les annales siamoises http://www.alainbernardenthailande.com/article-98-un-portrait-de-phaulkon-original-dresse-par-les-annales-siamoises-120183142.html
Roman : A99. Le Faucon du Siam d’Axel Aylwen.
http://www.alainbernardenthailande.com/article-a99-le-faucon-du-siam-d-axel-aylwen-116169404.html
Axel Aylwen a publié en 1988 le roman le plus populaire consacré à Constance Phaulkon, un aventurier grec devenu le 1er ministre du roi du Siam Naraï (1656-1688), dans une trilogie de 1680 pages, intitulée Le Faucon du Siam, L'Envol du Faucon, et Le Dernier Vol du Faucon.
Les 3 tomes du roman d’Aylwen présentent un aventurier, Phaulkon, un personnage « réel » hors du commun, qui réussira à devenir le 1er ministre du roi Naraï (1647-1688) de 1682 à 1688, jusqu’au coup d’État du général Petracha, le futur roi. On pourra ainsi suivre un destin exceptionnel et une période historique de l’histoire du Siam, en profitant au passage des « charmes exotiques » de ce pays asiatique, avec ses us et coutumes, la vie de la Cour, du peuple, ses façons de vivre, d’aimer, de croire … de mêler un art de vivre, ses superstitions, son érotisme, le raffinement et la cruauté, les lumières et les ombres.
89. Louis XIV a voulu coloniser le Siam ? In Morgan Sportès, « Pour la plus grande gloire de Dieu »
« La révolution de 1688 d’après des sources militaires françaises », maîtrise de Predee Phispumvidhi, (Université Silpakorn, 2002, ISBN 974-653-246-4), qui analyse la situation politique selon des documents écrits par les militaires français Saint Vandrille, Général Desfarges, Beauchamp, et de La Touche.
Predee présente les éléments qui lui semblent importants de la dernière décennie du règne de Naraï, marquée par l’influence des étrangers à la cour, la révolte des Macassars de 1686, le débarquement des troupes françaises en octobre 1687, le mécontentement des esclaves chargés de travail, l’inquiétude des bonzes et des mandarins devant la présence étrangère, l’instabilité politique provoquée par la lutte pour le pouvoir entre les factions de Constance Phaulkon, de Phra Naraï, de Phra Petracha, et de Phra Pi .
Les ambassades françaises auprès du roi Naraï :
La première ambassade de 1685 envoyée par Louis XIV à la Cour de Siam, vue par l’Abbé de Choisy, in « Journal de voyage au Siam », M. l’Abbé de Choisy
http://www.alainbernardenthailande.com/article-8-les-relations-franco-thaies-la-1ere-ambassade-de-1685-63771005.html
La deuxième ambassade envoyée par Louis XIV en 1687 au Siam, vue par Simon de la Loubère, In « Du Royaume de Siam ». http://www.alainbernardenthailande.com/article-10-les-relations-franco-thaies-la-2eme-ambassade-de-1687-63771843.htm
M. de La Loubère va profiter de cette Ambassade pour écrire « Du Royaume de Siam», un classique de la littérature de voyage sur la civilisation, la culture et la vie quotidienne du Siam, publié en deux volumes en 1691.
Beaucoup s’accordent à dire que ce livre reste à ce jour une des meilleures études sur la culture et la civilisation du Siam au XVIIe siècle. la Loubère affiche son ambition en précisant qu’il a lu tous les Mémoires disponibles sur la Région (avec l’Inde et la Chine) avant d’embarquer et qu’il lui aurait fallu 3 ans pour écrire ce qu’il a récolté en 3 mois.
Les deux ambassades envoyées par Louis XIV à la Cour de Siam en 1685 et 1687, vues par le Comte de Forbin. ambassades-de-louis-xiv-63639892.html
On peut citer le «Journal du Voyage de Siam de Claude Céberet» dont M. Michel Houthalen-Helchteren nous livre «l'étude historique et critique» publiée en 1992, (Ed. l’Harmattan), et qui était demeuré pratiquement inédit jusqu'à cette date. En effet, seul Lucien Vannier, à qui l'on doit une « Étude historique sur les relations de la France et du Royaume de Siam de 1662 à 1703 », éditée en 1883 (E. Albert éd., Versailles) « fut le premier historien français à étudier sérieusement les relations franco-siamoises au 17e siècle ».
(2) 99. La fin du règne du roi Naraï et la « révolution » de 1688.
http://www.alainbernardenthailande.com/article-99-la-fin-du-regne-du-roi-narai-et-la-revolution-de-1688-120200350.html
(3) Elles sont centrées essentiellement sur l’évocation du complot mené par Petracha et son « fils » Sorasak. On peut y voir :
Les exécutions de Phaulkon, de Phra Pi, et de Aphaitot. (Suggérant la prise du pouvoir par Petracha.)
Le résumé.
Nous avions déjà dans l’article 90, dressé un portrait de Petracha, tiré des chroniques. (pp. 300-302). (Chef des éléphants royaux, expert en dressage d’éléphants et en arts guerriers, combattant redoutable.) Elles montraient en quelles circonstances le roi Naraï, lui avait confié son fils qu’il avait eu, lors de sa campagne contre Chiang Mai, avec une des filles lao du roi de Chiang Mai. Ce fils devenu page royal, conscient de sa royale naissance, était arrogant, mais aussi un « garnement » très courageux, intrépide et surtout maître en dressage d’éléphants. Un jour, après avoir pu maîtriser un éléphant féroce que personne n’avait pu monter et mener à la rivière avec sécurité, il fut nommé par le roi, Luang Sorasak et l’assistant de son « père » Petracha, le maître des éléphants royaux, l’une des fonctions les plus importantes du royaume.
Les Chroniques, ne craignant pas l’ellipse, présentent Sorasak quatre pages plus loin, dans un grave conflit avec Phaulkon, à qui il reproche de défroquer en grand nombre, moines et novices pour les faire travailler au service royal. (Cf. Forest dit que la décision est du roi Naraï, op.cit. p.383). Sorasak juge ce comportement très irrespectueux et préjudiciable envers la religion bouddhiste. (On peut y voir aussi un argument qui sera utilisé plus tard contre Phaulkon.). Sorasak va aller se plaindre auprès de Naraï, qui va soutenir Phaulkon malgré les accusations portées. Sorasak se rendant compte alors que Phaulkon a la confiance totale du roi va décider de se venger lui-même. Il se rendra en son palais et le giflera et frappera avec une telle force qu’il en tombera évanoui, en perdant deux dents. Phaulkon ira alors se plaindre au roi Naraï qui, en colère, enverra la police l’arrêter. Mais Sorasak leur échappera et ira demander l’appui de la mère de Kosa Lek et Kosa Pan, qui avait été nourrice du roi. Mais malgré le respect que Naraï lui accordait, elle n’obtiendra pas le pardon. De même si tous les phraya et les fonctionnaires qui travaillaient aux affaires royales étaient désormais mécontents de Phaulkon, le roi les rappela à l’ordre et au silence, en manifestant une fois de plus toute la confiance qu’il avait en lui, s’appuyant sur le fait qu’il avait obtenu l’appui des Français.
Ensuite, les Chroniques proposent trois versions de la fin du roi Naraï et de l’accession au pouvoir de Petracha. (Prenons celle plus complète partagée par les 3 chroniqueurs CDF).
Il est dit qu’en 1044, du royal Era, l’année du chien de la 4ème décade, le roi fut très affecté par la maladie de son éléphant blanc et qu’il tomba lui-même malade. Sa maladie s’aggrava et voyant qu’il ne pouvait plus administrer les affaires du royaume, le roi nomma Petracha comme le nouvel administrateur des affaires royales.
Aussitôt Petracha prit les affaires en main et convoqua tous les praya, ministres, commissaires et envoya l’ordre à tous les gouverneurs et chefs de villes de fermer tous les postes de douanes et de contrôler toutes les routes pour prévenir toute action ennemie et être prêt à se battre contre les opposants et adversaires du royaume, susceptibles de profiter de la maladie du roi. Il ne pouvait alors, est-il précisé, être accusé de complot.
Le lendemain, il alla converser avec Saming Phrataba, une personne âgée et respectée, pour connaître les traditions de succession, alors que le roi était prêt de mourir. Il lui rappela que la compétition était sévère, les morts nombreux et qu’il fallait préparer le peuple et être prêt à une attaque surprise. Sorasak entendit aussi la stratégie et demanda à Saming Phrataba, s’il voulait se joindre à lui. Phrataba consentit et Sorasak lui demanda de combien d’hommes il disposait. Il lui répondit 300. Sorasak lui demanda d’être prêt car il n’y en avait plus que pour deux, trois jours. Phrataba alla alors organiser et armer ses hommes.
Luang Sorasak alla le soir, s’enquérir des intentions de Petracha et lui demanda s’il voulait se saisir du pouvoir ou s’il avait pensé à un autre prétendant. Petracha lui désigna « l’enfant royal », qui réside au Holy Royal Rare Palace Enclosure) (Qui est cet Apaithot ?).
On voit ensuite Luang Sorasak mettre en place son plan. Il s’assure que ses partisans sont bien armés et placés avec discrétion dans les différents monastères et maisons amis. Petracha s’assure aussi que le plan se met bien en action ; et envoie ses hommes armés à la maison de Sorasak, tout en assumant le matin et le soir l’administration du royaume, à la Mansion of Holy Lord Hao.
Pendant que la santé du roi s’aggrave, Sorasak joint ses forces à celle de Luang Song Bat et des 300 soldats de Phrataba. Il communique alors une stratégie pour prendre le Holy Royal Rare Palace Enclosure. Il rejoignit ensuite avec 16 soldats Petracha à la Mansion of Holy Lord Hao et lui confia qu’il était prêt à prendre le pouvoir, pendant que ses soldats entraient par les fenêtres et les portes. Les phraya, phra, luang, khun et mün présents furent effrayés et Sorasak qui avait brandi son épée leur demanda s’ils voulaient se joindre à eux. Ce qu’ils firent individuellement. Ensuite Sorasak, après avoir réalisé le ralliement des nobles, rendit hommage à son père Petracha et lui promis obéissance. Une cérémonie religieuse fut organisée qui faisait de Sorasak le « chef » des affaires royales.
Ensuite Petracha fit convoquer Phaulkon par le Chaopraya Sura Songkhram. Phaulkon malgré le danger encouru, estima qu’il ne pouvait pas désobéir à une proclamation royale. Pendant ce temps, Sorasak, le nouveau vive-régent des affaires royales, envoya ses hommes à chaque tour et porte du palais et leur ordonna de tuer Phaulkon dès qu’il entrerait. Ce qui fut fait avec des bâtons en bois, précise-t-on. Ses suivants s’enfuirent effrayés.
Petracha et Sorasak se rendirent alors devant le roi à qui ils firent un rapport complet et détaillé, et lui suggérant de nommer « son fils » comme successeur. (On ne voit pas trop de qui il s’agit ? Phra Pi ? ). Le roi, dit-on, comprit la rébellion et voulut les frapper avec son épée, mais affaibli, tomba. Il réclama 7 jours de vie à Bouddha pour voir échouer les deux rebelles. Mais Petracha et Sorasak étaient convaincus que c’était le dernier jour du roi, et envoyèrent un messager prévenir le jeune fils du roi de venir à Lopburi. (Quel est-il ? car Naraï n’pas de fils « reconnu »)
Le roi, était conscient que sa maladie s’aggravait et était proche de sa fin. Il convoqua ses 15 servants royaux pour les informer de la rébellion de Petracha et de son fils et pour les prévenir qu’ils allaient être tués. Il convoqua environ une vingtaine d’abbés et leur demanda de les escorter et de les aider à devenir moine pour mener une vie exemplaire. Mais il est dit ensuite que le groupe de servants (les mêmes ?) complotait en secret avec Petracha.
Seul, Phra Pi, qui était le fils de khun Trai Sitttisak, et qui avait été comme adopté par le roi, lui manifestait sa loyauté et couchait juste à côté. (Les chroniques à aucun moment ne rappellent le contexte de la succession, les forces en présence. Elles ne disent pas que Naraï avait même songé à un moment de le faire son successeur. ). Par contre, Sorasak ne devait pas ignorer le danger qu’il représentait ; et dès le lendemain, alors que Phra Pi se rafraichissait la bouche et le visage près de la tour de cristal, il fut fait prisonnier par le commandant khun Phiphit Raksa ; il poussa alors un cri qu’entendit le roi, et fut tué. Le roi sans doute sérieusement affecté, mourut ce jour, le jeudi, le 3e jour de la lune décroissante du 5e mois, de 1044 du royal Era, l’année du chien, de la 4e décade. Il avait régné 32 ans.
Les Chroniques se terminent en racontant brièvement comment le seigneur Aphaitot fut arrêté en arrivant à Lopburi par les gardes de Sorasak et assassiné avec des bâtons de santal, près du temple de Carrion.
Et ensuite les Chroniques passent, sans transition, au règne de Petracha (1688-1703).
(4) Livre1, Annexe 1- Aperçu sur les relations franco- siamoises au temps de Phra Narai,
In Alain Forest, Les missionnaires français au Tonkin et au Siam. XVIIe- XVIIIe siècles, Analyse comparée d’un relatif succès et d’un total échec, préface de Georges Condominas, Livre I, II, et III, Histoires du Siam, L’ Harmattan, 1998.
(pp. 371-428) : « VII- Au Siam : vers la crise (1686-septembre 1687) » ; VIII- En France, une décision aberrante » « XIX- L’occupation française (septembre 1687 - début janvier 1688 », « X- La Révolution du Siam (1688) » et « XI- Epilogue »
Cf. Aussi le site « Mémoires de Siam ».