Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
Nous devons à Chris Baker sinon la découverte du moins l’étude et surtout la traduction d’un document resté à ce jour relativement confidentiel. (1)
Il est intitulé Athibaiphaenthi Phranakhonsiayutthaya (อธิบายแผนที่พระนครศรีอยุธยา) que l’on peut traduire par explications sur la carte de la ville sainte d’Ayutthaya. Document intéressant s’il en est puisque, si nous bénéficions de nombreuses descriptions de la ville au temps du roi Narai, les sources ultérieures du temps de ses successeurs jusqu’à la chute de 1767 nous manquent.
Ce document, nous apprend Chris Baker, a été trouvé au début du XXe siècle et date probablement de la fin du XVIIIe siècle. Il contient une description détaillée d'Ayutthaya avant la chute en 1767, en particulier sa vie économique. Il nous montre qu’au cours de ce siècle Ayutthaya était une ville industrieuse et commerciale, avec une population probablement en augmentation constante. Au cours de ce siècle, Ayutthaya devint l'un des principaux ports maritimes d'Asie dont l’emplacement était stratégique, entre le commerce de l'océan Indien à l'ouest et celui de la mer de Chine méridionale à l'est. Les visiteurs européens de la ville furent impressionnés par la densité des rues et des canaux de l'île, par les peuplements riverains débordant au fil de l'eau et par ceux des camps de ses proverbiales « quarante nations » situés sur les rives opposées des cours d’eau. Mais si les visiteurs se sont attachés au pittoresque, au nombre invraisemblable des monastères et des lieux de culte et en partie sur l’’occupation des voies navigables, nous savons peu de choses sur l’intense activité économique, commerciale et artisanale pour ne pas dire industrielle de la ville. Ce document aurait établi à partir des souvenirs des habitants qui ont survécu au sac de 1767 et contient une carte dépliante de la ville avec l'emplacement des marchés et des ateliers artisanaux.
D’OÙ VIENT CE TEXTE ?
En 1925, une description détaillée de la ville d’Ayutthaya est découverte parmi les manuscrits légués à la bibliothèque de Wachirayan par le prince Naret Worarit (กรมพระนเรศรวรฤทธิ์), dix-septième fils du roi Mongkut, qui eut une brillante carrière administrative, en particulier comme ambassadeur à Londres et à Washington.
Ce texte comprend deux parties, la première est une version de Phlengphayakon krungsiayutthaya (เพลงยาวพยากรณ์กรุงศรีอยุธยา), prophéties de la ville sainte d'Ayutthaya, un poème prophétique souvent attribué au roi Narai (2).
Il fut imprimé en 1926 et en 1929 sous le titre Athibaiphaenthi photophosphorylation avec une préface du prince Damrong Rajanubhab (กรมพระยาดำรงราชานุภาพ)
contenant de nombreuses annotations du prince Boranaratchanhanin qui était depuis 1898 gouverneur d'Ayutthaya et fut à l’origine des premières recherches archéologiques et historiques sur l'ancienne capitale. Cette édition a été réimprimée à plusieurs reprises, notamment comme volume 63 des Prachum phongsawadan (ประชุมพงศาวดาร -Réunion des Chroniques) dont il constitue la seconde partie, plusieurs fois réédités.
En 1937, une autre version du manuscrit plus complète a été retrouvée dans l’ancien palais de Bangkok et imprimée en 1939 sous le titre Phumisathan krungsiayutthaya (ภูมิสถานกรุงศรีอยุธยา géographie d’Ayutthaya) ainsi que d’autres versions soigneusement analysées par Chris Baker.
Selon la préface du prince Damrong, l’auteur est né à l'époque où Ayutthaya était capitale et a été écrit à l’époque de Bangkok. La carte d’origine a été ultérieurement mise à jour.
La seconde partie est une longue description de la ville, murailles, fortifications, portes, routes, ponts, postes de contrôle, postes de douane, temples et palais, marchés, zones de travail.
Ce sont ces deux derniers postes caractéristiques de l’économie de la ville, qui nous intéressent (3), après avoir abordé la question de la population dans la première partie de cet article (4).
Les documents étudiés par Chris Baker donnent la liste des marchés, des zones commerciales de la ville et ses faubourgs, marchés des produits frais, des produits importés intra et extra muros ainsi que des zones artisanales.
Chris Baker relève – par rapport aux plans du siècle précédent – une extension des voies navigables caractérisée par le creusement d’un réseau de canaux au sud-ouest de la ville, probablement des opérations de drainage, qui n’apparaissent pas sur les cartes européennes du XVIIe siècle sinon sur la carte de Kaempfer, où ils sont beaucoup moins étendus.
Il relève encore une certaine augmentation de la population sur l'eau, bateaux, radeaux ou barges, résidences d’habitation et (ou) magasins jalonnant les deux rives des rivières sur plusieurs rangées, déjà signalées par Kaempfer mais qui n’insiste pas sur leur densité et qui seraient – avons-nous dit (4) – probablement 20.000 . Nous savons que Chaumont, Choisy, Gervaise, Tachard, La Loubère, souvent dans le lyrisme, ne parlent pas de cette vie sur l’eau. La difficulté à trouver des terres sur la terre ferme expliquent très certainement cette extension aquatique. Ne revenons pas sur nos extrapolations qui valent ce qu’elles valent sur la possibilité d’une population se situant entre 500.000 et 1 million d’habitants (4).
LES CAMPS ÉTRANGERS
Nous allons évidemment retrouver les camps étrangers comme au siècle précédent. Les cartes du XVIIe siècle, en particulier celle de Courtaulin (5) montrent de nombreuses colonies de non-siamois (Européens, Japonais, Chinois, Malais, cochinchinois) À l'exception d'un quartier chinois dans le sud-est de l'île, itous sont situés au dehors. Les Européens ne sont mentionnés que comme commerçants saisonniers, tandis que les Japonais apparaissent dans leur ancienne colonie située au sud de la ville. C’est évidemment, avec sa périphérie une ville cosmopolite. Apparaissent aussi des Laos, installés de longue date sur la rive opposée au nord-ouest, comme vendeurs d'oiseaux vivants. Des Môns sur les bateaux apportent des noix de coco, du sel, du bois de mangrove (utilisé à la fois pour la confection du charbon de bois et la construction) et sont aussi fondeurs de laiton ou d'autres métaux. Ils tiennent également un marché de produits frais. Les Cham (venus du Cambodge ou du Vietnam) tissent des nattes réputées pour leur qualité, et des vêtements et tiennent négoce dans la zone portuaire. Les Vietnamiens ont un village de yuan thale, (ญวนทะเล) vietnamiens de la mer peut-être parce qu’ils sont arrivés par la mer ? Plusieurs colonies de Khaek » (แขก) sont mentionnées. Ce mot dont le sens premier et significatif est invité désigne aujourd’hui les étrangers non occidentaux (farangs) venant alors probablement de Java ou d'autres parties de l'archipel et peut-être de Perse ou d’Arabie. On trouve encore un autre grand village de Khaek, probablement des Indiens vendant des bracelets et autres colifichets. Il existe également un village de Khaek de Pattani, probablement des mahométans, tissant la soie et le coton, un autre quartier de Khaek de Java et de Malaisie, fabricant des embarcations, vendant du bétel, du rotin, de l’attap
et d’autres feuilles de chaume. Une autre colonie de Khaek non identifiés installée sous les remparts de la ville fabrique des cordes pour les bateaux d'ancre et d'autres objets en coque de noix de coco. D’autres Khaek non identifiés sont commerçants autour du port et d’autres vieux Khaek principaaux sont marchands d’oiseaux. Au nord de la ville, des Indiens fabriquent des bâtons d'encens et des produits cosmétiques parfumés. Nous trouvons encore les chao thale (ชาวทะเล), les habitants de la mer, probablement ces Moken que nous avons rencontrés (6) et qui naturellement vendent les produits de la mer.
La colonie la plus importante est celle des Chinois dont la présence était déjà signalée par Tachard, vendant les produits de leur pays ou en provenance du Japon. Ils ont déjà la maîtrise du commerce ! Au début du XVIIIe siècle, un Chinois occupait le poste de Phra Khlang (พระคลัง) chargé de surveiller le fonctionnement du négoce. C’est un titre attribué à Phaulkon dont les français firent le barcalon.
Les Chinois fomentèrent sans succès une révolte de palais en 1730. Au début de l’attaque birmane en 1765, c’est un Chinois ayant rang officiel de un Chinois du rang officiel de Luang (หลวง) qui conduisit une troupe de trois mille Chinois dans une sortie qui s’avéra un échec (7). Un premier marché chinois s’étendait sur un demi-kilomètre dans une rue appelée la rue chinoise bordée de magasins construits en briques, vendant tout et le contraire de tout, des produits de Chine, de la nourriture et des fruits. Un deuxième établissement chinois important se trouvait dans un village purement chinois où se vendaient surtout des produits chinois dans des boutiques en briques. C’était également le quartier des lieux que la morale réprouve. En d’autres endroits, nous trouvons encore des Chinois affairés à toutes sortes d’occupations, distilleries d’alcool, élevage de porcs, fabriques de nouilles de riz, forges, teintureries à l’indigo, poteries, fabrique de meubles en rotin. Ils ont même leur marché aux puces et au moins trois sanctuaires.
L’ÉCONOMIE DE L’ARRIÈRE-PAYS.
La ville tire cette immense variété de produits de l'arrière-pays, notamment les denrées alimentaires, les matériaux de construction, les tissus et les métaux, ainsi que le bois des forêts destiné essentiellement à l’exportation.
Les produits alimentaires viennent pour la plupart de la région. Le riz vient par bateaux le long des voies navigables dans un périmètre de 60 kilomètres au maximum de la ville, au nord et à l’ouest. Le poisson et les autres fruits de mer, à la fois frais et secs, sont importés de Phetchaburi et de la côte ouest par les habitants de la mer qui n’ont pas de camp spécifique. Ce sont les Môns qui importent les noix de coco et le sel probablement aussi de Phetchaburi et des salines de la côte
et d’autres zones côtières de la péninsule supérieure car ils apportent également un type de bois de mangrove qui pousse bien dans cette région. Les Chinois, les Khaek et les Cham apportent le sucre en provenance du sud, probablement de la côte supérieure du golf de Siam où les palmiers à sucre sont fréquents.
Les matériaux de construction proviennent en partie des mêmes régions. Les marchands de produits alimentaires de la côte du Golfe apportent également du bois, du rotin et des feuilles utilisées pour le chaume mais d'autres proviennent de régions plus éloignées. Les marchands qualifiés de Khaek de Java et Malaisie apportent une forme particulièrement pliable de rotin, de cadjan et de feuilles d'attap pour les couvertures de chaume, ainsi qu’une variété de bétel particulièrement appréciée provenant des « îles aux noix de bétel », probablement celles de l’archipel de Salomon valant la peine d'être transportée sur une telle distance. Tissus, produits forestiers, métaux et autres produits spécialisés viennent aussi de loin, amenés par deux groupes de commerçants saisonniers.
Les premiers arrivent par bateau sur les affluents du réseau de la Chaophraya. Les villes d'origine sont Phitsanulok, Phetchabun, Sawankhalok, Tak, Rahaeng toutes situées au nord de la plaine de Chaophraya, à proximité des collines. Les bateaux apportent principalement les produits forestiers, la laque, la cire d’abeille, le benjoin, le bois, le rotin, le tabac, le cuir et l’huile. Phetchabun sert de point de concentration pour le fer et les autres métaux des mines de la chaîne de Dongphayafai (ดงพญาไฟ). Ces commerçants arrivent en haute saison (septembre à octobre) et opèrent à partir des mouillages autour de l'arc sud de la ville.
La deuxième série de commerçants saisonniers arrivent de l’Est en charrette, le troisième ou le quatrième mois, de février à mars Ils quittent leur région d’origine après les pluies et mettent quelques mois à atteindre la ville. Ce commerce est si bien établi qu’ils ont procédé à la construction d’un établissement permanent qui se situait à l’est de la ville. Les marchands venus en chariots de Khorat apportent de nombreuses sortes de textiles et de tissus, divers produits dérivés du cerf et des produits forestiers. Khorat constituait probablement le point de transit pour les marchandises provenant de l’Isan. Les marchands venus également de Battambang apportent également des vêtements en tissu et des produits forestiers, mais aussi de l’étain et des pierres précieuses provenant probablement de la région de Pailin.
Battambang sert de point de transit pour les marchandises venant de plus loin, car les produits transportés incluent la soie du Vietnam.
Les transports maritimes de longue distance arrivent également de façon saisonnière en fonction des moussons. Ce sont des navigateurs chinois, des farangs et des Khaek venant de Java et des îles de l'archipel et de l'Inde occidentale (Gujarat, Surat et la côte des Malabar). Parmi les Farangs nous trouvons des Français, des Néerlandais, des Espagnols et des Anglais, mais aussi de certaines colonies, probablement des Philippines, de Timor et de Ceylan.
Nous savons qu’ils ne vendent pas directement leurs marchandises mais louent ou achètent des magasins à l’intérieur des remparts. La seule précision que nous ayons est que les jonques chinoises apportent des vêtements et de petits articles ménagers tels que des carreaux, des pots, des bols, des ustensiles en laiton et des outils en métal.
LES PRODUCTIONS DE LA VILLE.
La ville produit une grande variété de produits finis,, avec une quarantaine de colonies de peuplement artisanales situées à sa périphérie. Il y a également une dizaine de zones de production à l’intérieur décrites comme des rongs (โรง), probablement de petits ateliers.
La plus grande densité de ces colonies artisanales semble se situer au nord, les quartiers étant spécialisés dans une activité particulière bien que l’on puisse trouver des forgerons, des scieries et des fabricants de nouilles dans divers quartiers tout comme des fabricants d’articles ménagers, des potiers, des fabricants de produits aromatiques ou cosmétiques disséminés.
La catégorie la plus importante au sein de ces activités est celle de la transformation des produits alimentaires : Moulins à riz, pressoirs d’huile à partir de diverses graines, brassage de la bière et distillation de l’alcool, fabriques des nouilles et de bonbons, spécialité chinoise. Une autre catégorie également importante est celle liée à la construction des maisons : poteaux en bois; poutres et solives, panneaux muraux en bois, en bambou tissé ou feuilles tissées, tuiles et clous.
De nombreux autres établissements fabriquent des articles ménagers pour le quotidien, meubles en rotin ou en bois, plateaux, tables, couteaux, haches et autres outils de métal, pots et bocaux en terre cuite, bols et récipients en métal et en laiton. Plusieurs autres articles sont répertoriés comme vendus dans les marchés de la ville dont on ne sait s’ils sont de fabrication locale ou importés : matelas, articles de literie, berceaux, nattes tissées, vannerie, cireuses à dents, silex et lampes pour l'éclairage.
Des camps plus modestes fabriquent des jouets pour amuser les enfants, poissons et insectes fabriqués à partir de papier et de fibres, à suspendre au berceau du nourrisson, marionnettes et images en terre cuite de chevaux et d'éléphants.
Les tissus proviennent de diverses sources, notamment de Gujarat, de Surat, de Chine, du Japon, de Khorat, du Cambodge et du Vietnam en l’absence probable de production locale. Les Khaek de Pattani sont spécialisés dans le tissage d’étoffes à motifs floraux, les Chinois dans la teinture à l’indigo et éventuellement au tissage de la soie. En dehors du tissage proprement dit, deux localités sont spécialisées dans la vente du matériel nécessaire au métier à tisser, rouets, lisses, navettes et accessoirement des bobines de fil.
D’autres articles sont disponibles sur les marchés de la ville sans que l’origine locale ou extérieure en soit précisée, comme les bijoux et produits cosmétiques.
Divers autres articles d’ornements personnels sont vendus sur les marchés urbains, mais rien n’indique qu’ils soient fabriqués sur place ou ailleurs. Ils comprennent les bijoux, bracelets, gaines, ceintures et cosmétiques.
Les activités aquatiques et halieutiques sont évidemment présentes : un village s’est spécialisé dans la fabrique des filets, équipements pour la pèche et plombs de lestage. Les chantiers navals sont nombreux, tant pour la construction des embarcations et barges royales que pour celles des embarcations qui constituent le seul moyen de transport, coupe des bois de construction et produits de calfatage à base d’huiles, cordes et poteries pour le stockage des poissons.
Plusieurs camps produisent des articles liés à la religion et aux rituels : bâtons d’encens, cierges, cercueils, images de Bouddha, ateliers de laminage des feuilles de métaux précieux à apposer sur les images que l’on relâche pour gagner des mérites lors des cérémonies religieuses, feux d’artifice pour les cérémonies religieuses.
Un atelier fabrique même des howdahs (nacelles) d'éléphants.
Tout le matériel nécessaire pour l’écriture, feuilles de latanier en accordéon et poudre d'argile blanche utilisée pour l’écrire est vendu dans la ville.
Un quartier est également spécialisé dans la vente des instruments de musique mais l’on ne sait pas s’ils sont de fabrication locale.
Tout ceci répond à plusieurs besoins :
- La ville est portuaire donc il faut y trouver tout le matériel nécessaire en ce qui concerne la marine au sens large.
- La ville est une capitale administrative, il faut donc y trouver tout le matériel nécessaire pour les écritures.
- La ville est une capitale religieuse, il fait donc y trouver tous les équipements nécessaires à tous les rituels.
- La ville enfin et surtout comporte une importante population qu’il faut nourrir, habiller, abreuver et à laquelle il faut procurer tous les équipements domestiques.
Cette description un peu éclectique, appelle quelques observations :
1) Bien que nous ignorions totalement quel était le fonctionnement de ces ateliers et la part des Siamois qui y étaient occupés, elle semble démentir au moins partiellement les observations des visiteurs du siècle précédent suggérant une société où une grande partie de la main-d'œuvre était déviée vers le travail gouvernemental et les services personnels au profit de la noblesse, un despotisme oriental étouffant l’entreprise personnelle. Pour La Loubère « il n'y a personne dans ce pays qui ose se distinguer dans n’importe quel art, de peur d’être obligé de travailler gratuitement toute sa vie pour le service de ce prince ». Cependant, ces visiteurs remarquaient aussi parfois le dynamisme des marchés. La Loubère lui-même constate qu’au Siam les occupations les plus fréquentes pour les habitants sont la pêche pour le peuple et le petit négoce pour les autres.
Pour Gervaise « Les natifs ne sont pas très industrieux par nature » mais il loue ensuite la qualité de leur travail dans les constructions, les arts décoratifs, le travail des textiles et la médecine ( !).
2) L’inflation de courte durée des écrits européens sur le Siam dans les années 1680 a eu tendance à éradiquer l’histoire des huit dernières décennies de la vie de la ville (8).
3) Cette description d'Ayutthaya nous montre une ville qui est un centre de fabrication et de commerce, développée en taille et en activité au cours de cette période, en particulier par l’apport des Chinois important et travaillant de nouveaux produits.
4) Le nombre des marchés et la variété des produits allant des jouets pour enfants aux pierres à feu (silex) en passant par les palanquins à éléphants laissent à penser qu’une partie de la population participaient à une véritable économie de marché alimentée en partie par les importations. N’oublions pas que la Chao Praya est navigable jusqu’à la capitale et accessible, nous dit Kaempfer, jusqu’aux navires de 400 tonneaux, les caravelles qui ont fait le tour du monde n’en jaugeaient que 200. Les jonques chinoises en font entre 100 et 200.
5) Nous retrouvons mais non de façon systématique la tendance à regrouper la même activité dans le même quartier, ce que nous trouvons encore aujourd’hui de façon significative dans le quartier chinois de Bangkok.
6) Nous constatons enfin que les étrangers ont tendance à se regrouper par origines ethniques, un phénomène de ghettoïsation que nous retrouvons de façon systématique de nos jours.
C’est un sujet que nous avons abordé en d’autres temps de façon moins énumérative et plus synthétique ce qui n’est évidemment pas l’intention de l’auteur de ce récit siamois dont nous ignorions alors l’existence (9). Ce sont deux visions différentes.
NOTES
(1) Chris Baker « Before Ayutthaya Fell: Economic Life in an Industrious Society - Markets and Production in the City of Ayutthaya before 1767 : Translation and Analysis of Part of the Description of Ayutthaya » in Journal de la Siam society volume 99 de 2011.
(2) Ce texte, même traduit en anglais, est d’un accès difficile et plus encore. Voir Richard Cushman, traducteur et David K. Wyatt, éditeur « Translating Thai poetry: Cushman, and King Narai’s Long Song Prophecy for Ayutthaya » in Journal de la Siam Society, vol. 89, pp. 1–11 de 2001.
(3) Cette description est beaucoup plus longue et très différente dans ses détails de celle d’autres documents dont l’origine et les auteurs sont controversés, analysés par Chris Baker dans un autre article suivant de la même revue : « Before Ayutthaya Fell : Economic Life in an Industrious Society - Note on the Testimonies and the Description of Ayutthaya » :
Khamhaikan chao krungkao (คำให้การชาวกรุงเก่า – Témoignages des habitants de la ville capitale)
Khamhaikan khunluang ha wat (คำให้การขุนหลวงหาวัด – Témoignage du Roi qui est entré au temple)
Khamhaikan khunluang wat pradusongtham (คำให้การขุนหลวงวัดประดู่ทรงธรรม – Témoignage du roi du wat pradusongtham).
(4) Voir notre article « AYUTTHAYA AVANT LA CHUTE DE 1767, LA POPULATION ET SES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES - PREMIÈRE PARTIE ».
(5) Jean de Courtaulin de Maguelonne était un prêtre des Missions étrangères de Paris qui a séjourné au Siam de 1670 à 1672. Nous lui devons cette carte intitulée « Siam ou Iudia Capitalle (sic) du Royaume de Siam. Dessinée sur le lieu par M. Courtaulin, missionnaire apostolique de la Chine ». Source : archives des Missions étrangères de Paris :
https://archives.mepasie.org/fr/notices/notices-biographiques/courtaulin-de-maguelonne
(6) Voir nos deux articles :
INSOLITE 16 - LES PEUPLES DE LA MER DE LA CȎTE OUEST DE LA THAÏLANDE : MYTHES ET RÉALITÉS :
INSOLITE 17 - LES PEUPLES DE LA MER DE LA CȎTE OUEST DE LA THAÏLANDE : MYTHES ET RÉALITÉS :
(7) Voir notre article H 35 - QUI A DÉTRUIT AYUTTHAYA EN 1767 ? … LES BIRMANS MAIS PAS QU'EUX ?…. Les Chroniques royales traduites par Cushman (page 517) nous rappellent qu’en 1766 pendant le siège d’Ayutthaya, une troupe armée de Chinois envoyée contre les Birmans avait été surprise en train de piller aux alentours de la sainte empreinte de Bouddha à Saraburi. Ils y avaient enlevé des tapis d’argent et l’or qui recouvrait la flèche des toitures.
(8) Nous n’en voulons qu’un exemple : la monumentale « Histoire Universelle depuis le commencement du monde jusqu’à présent » publiée en 1783 sous la direction de Psalmanazar mais qui est un ouvrage collectif (il comprend 126 volumes) consacre 400 pages de son volume 52 au Siam.
C’est un monumental ouvrage de compilation d’à peu près tous les auteurs européens qui ont écrit sur le Siam. Aucun du XVIIIe n’est cité et l’auteur prend la précaution de rajouter souvent que la situation a pu évoluer alors qu’il poursuit l’historique jusqu’après le sac de 1767.
(9) Voir notre article: 87 « Le commerce du royaume de Siam au temps du roi Naraï (1656-1688) » :