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Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.

A 243 – LES FRANÇAIS DU SIAM MORTS À LA GUERRE DE 1914-1918 : LE MONUMENT DU SOUVENIR A BANGKOK

A 243 – LES FRANÇAIS DU SIAM MORTS À LA GUERRE DE 1914-1918 : LE MONUMENT DU SOUVENIR A BANGKOK

Pas un d’entre nous n’a échappé à la « Grande Guerre » au travers de nos grands-parents, d’anciens ou de proches, Français ou pas. Même si aujourd’hui il ne reste plus aucun survivant des combattants, le souvenir est là, parmi nous, dans tous nos villages et dans toutes nos villes, sur nos monuments aux morts et dans nos églises. A la diligence essentielle des représentants du « Souvenir français » en Thaïlande, les monuments à nos morts du Siam ont été réhabilités et inaugurés le 11 novembre 2016 après la construction des nouveaux bâtiments de l’Ambassade. Sans eux, ils auraient probablement disparu.

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Une première plaque y est gravée à la mémoire des trois marins tués par les tirs siamois lors de l’ « incident de Paknam » de juillet 1893. Nous ne connaissons d’eux que leur état civil : François Guéguen, né le 7 mars 1853 à Lambézellec, un quartier de Brest,  François Jaouen, né le 2 juin 1869 à Locquirec dans le Finistère et François Allongue, né le 5 avril 1870 à Fréjus. Ils furent enterrés dans le terrain du Consulat général dans la nuit du 13 au 14 juillet avant que leurs dépouilles ne soit ultérieurement rapatriées en France. Le monument aux morts de Lambézellec ne porte pas de noms pas plus que celui de Locquirec qui ne débute qu’avec les morts de la grande guerre ainsi que ceux de Fréjus. Nous avons parlé des morts français durant l’occupation que certains croient devoir qualifier de « pacifique », de Chantaboun. Une plaque leur est consacrée … moins un officier purement et simplement oublié ! (1) Ne félicitons pas les historiographes de l’Ambassade !

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Le monument aux morts de la grande guerre porte les noms de onze de nos morts.

 

Il comporte une erreur consternante puisque dédié « à la mémoire des Français du Siam morts pour la Patrie » alors qu’ils ont tous eu droit à la qualification honorifique, et plus encore, de « morts pour la France », une distinction particulière qui a de nombreuses conséquences juridiques. Restons-en là et supposons cette erreur comme  involontaire. (2).

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Après que nous nous soyons intéressés aux Siamois morts pendant la grande guerre, il nous a évidemment intéressé de dire quelques mots de ces Français partis du Siam, morts au cours de ce que le Pape Benoit XV a appelé un « massacre inutile » en essayant d’avoir une vision plus humaine qu’une simple liste gravée, même en lettres d’or, dans le granit (3).

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D'août 1914 à novembre 1918, la France mobilisa 8.700.000 soldats et marins, comprenant 33 classes d'âge allant de 20 ans (classe 1919) à 48-50 ans (classe 1886) (4).

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Quelle est la situation au Siam ?

 

Nous avons un bon aperçu de la population étrangère à la veille de la guerre par une source précieuse, le Bangkok Siam directory de 1914.

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Lorsque la guerre éclate, il  y a au Siam 240 français, 146 hommes, 63 femmes et 31 enfants. De ces hommes, 44 sont des prêtres catholiques dépendant des Missions étrangères de Paris. La plupart des femmes, 20, sont des religieuses. L’ordre de mobilisation parvint très rapidement à Bangkok. Nous ignorons quand et comment il est arrivé et comment il a ensuite été répercuté sur nos nationaux dont certains, les missionnaires, résidaient dans des zones reculées.

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Un navire anglais, le Syria quitte Bangkok le 7 août et arrive à Marseille le 14 ou le 15 septembre. Une autre partie des mobilisés semble avoir rejoint également Marseille sur un navire japonais. Ils sont 60 mobilisés dont 11 ne reviendront pas. Nous n’avons pas trouvé d’autres précisions sur des départs ultérieures à la suite de la mobilisation des classes les plus anciennes.

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Qui étaient-ils ?

 

Nous avons une source précieuse même si la consultation n’en est pas toujours facile pour des raisons d’homonymie : Le Ministère des armées propose à travers son site « Mémoire des hommes » de chercher un nom parmi les victimes de la grande guerre. Ce site qui est une mine d'or pour les familles et les chercheurs permet en outre un accès à certaines pièces et livrets matricule patiemment scannés et mis à disposition du public. Il ne commence malheureusement qu’avec la guerre de 14. Pour les conflits antérieurs celui de 1893, nous devrons rester sur notre faim (5).

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Le mémorial de Bangkok respecte – comme tous les monuments aux morts de France – le seul ordre alphabétique, ils sont tous égaux devant la mort. Nous ne le respecterons que partiellement, réservant une place de choix aux religieux pour la bonne raison que le site des Missions étrangères  nous donnera de précieux renseignements, révélateurs de l’état d’esprit de ces combattants.

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Les six civils

 

François Auguste de Fornel, ingénieur au service du gouvernement siamois, est né le 24 juillet 1880 à Angoulême. Il est de la classe 1900, mobilisé comme sergent au 7ème régiment de zouaves. Il est mort à l’ennemi à Ypegaal (Belgique) le 10 novembre 1914. Il avait  34 ans.

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Frédéric Augustin Edmond Fortin, employé au « Comptoir français du Siam » est né le 28 février 1880 à Paris, également de la classe 1900. Sous-lieutenant au 20ème bataillon de chasseurs à pieds, il mourut à l’ennemi à Notre-Dame-de-Lorette le 10 juin 1915, à 35 ans.

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Marcel Henry, fils du directeur de la « Banque de l’Indochine » à Bangkok, mourut à Bangkok le 12 octobre 1920 des suites des blessures au gaz reçues en 1915. Il avait 24 ans. Il est absent de la liste des 29 morts pour la France du Ministère des Armées portant ce nom et ce prénom. Est-ce en raison de la tardiveté de son décès ? Les conditions d’obtention de ce titre étant assez strictes ?

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Louis Emile Jean Baptiste Rabjeau, cadre à la compagnie « Est-asiatique-français » est né le 22 février 1982 à Angers. Il est de la classe 1902. Il  disparut au combat dans le Somme, à Belloy-en-Santerre le 4 septembre 1916 à 34 ans. Il était sergent au 27e bataillon de tirailleurs.

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Maurice François Richer, conseiller juridique du gouvernement siamois, est né à Paris le 4 mai 1881. Il est de la classe 1901. Lieutenant au 21e  régiment d’infanterie coloniale, il mourut à l’ennemi dans la Marne le 3 février 1915 à 33 ans. 

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Henri Isidore Segnitz, membre de la commission des lois au ministère siamois de la justice comme collaborateur de Padoux, est né le 9 novembre 1881 à Paris, de la classe 1901. Il était lieutenant au 308e régiment d’infanterie et fut tué à l’ennemi à Hargicourt dans la Somme le 22 août 1915 à 33 ans. Avocat de formation, docteur en droit, il fut nommé Chevalier de la Légion d'honneur à titre posthume par décret du 1er octobre 1918 et décoré dans les mêmes conditions de la Croix de guerre. Il fut ainsi cité à l’ordre de l’armée « Alors qu'il s'était porté en avant de la première ligne pour donner l'exemple à ses hommes, il perdit connaissance en disant à son colonel « Dites à mes hommes d'avoir du courage, j'ai fait tout mon devoir. » Officier ayant donné, depuis son arrivée au front, le plus bel exemple de courage et de sang-froid. Est tombé mortellement frappé, le 21 août 1915 ». Son nom apparait sur la stèle commémorative à la faculté de droit de Paris (ancienne faculté, actuellement Université Paris-Panthéon-Sorbonne),

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...à l’Ecole libre des  Sciences politiques qui fut considérée comme « l’école de la revanche » ...

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et dans le livre d’or de son régiment.

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Nous sommes mieux renseignés sur eux pour la raison que le site des Missions étrangères - l’Ordre est fidèle à ses morts - leur consacre une notice souvent émouvante fondée pour une grande partie sur les correspondances adressées à Paris ou communiquées par leurs familles (6). Le déclenchement de la guerre ne suscita pas chez les religieux des terres lointaines les mêmes réactions que chez les civils lesquels sont tous partis comme dans la métropole la fleur au fusil, les frères se quittant en se disant « Au revoir, à Berlin ! ».

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Cette question a fait l’objet d’une longue étude de Paul Christophe (7).  La question était simple, il s’agissait tout simplement de savoir s’ils devaient quitter leur mission pour participer à une guerre dont on ignorait la durée même si tous pensaient qu’elle serait brève. Les avis des vicaires apostoliques divergèrent. Il ne s’agissait bien évidement pas de déserter mais de savoir s’il était possible d’abandonner les ouailles. Les autorités civiles estimaient parfois que la présence des missionnaires serait plus utile sur place pour  éviter toute agitation dans les populations locales. Certes, cette question pouvait se poser directement dans les pays sous tutelle coloniale, Cambodge ou Indochine, mais elle pouvait aussi se poser de façon marginale dans les régions du Siam occupées par de fortes minorités annamites, cambodgiennes ou laotiennes souvent en majorité catholiques : Les missionnaires tenaient leurs paroissiens en mains alors que dans leurs pays d’origine commençaient à surgir des symptômes indépendantistes. Jusqu’au printemps 1915 au moins, certains missionnaires d’Indochine ont pu ainsi rester dans leur « poste avancé », le Gouverneur fermant les yeux, considérant qu’ils y étaient plus utiles pour encadrer une population non encore turbulente mais en passe de le devenir.

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Mais pour Monseigneur Perros, vicaire apostolique du Siam ...

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les missionnaires doivent partir en répétant la devise de Jeanne d’Arc « Pour Dieu, pour la patrie ». C’est ainsi que onze missionnaires débarquèrent à Marseille où, après avoir dit la messe à Notre Dame de la Garde, ils attendirent d’être dirigés sur leurs postes. La plupart résumerons le dilemme comme suit « S’il faut être soldat, soyons soldat. Le missionnaire est le soldat de Dieu, toujours et partout ».

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Qui étaient-ils ?

 

Le Révérend Père Auguste Marie Joseph Boursolles est né le 25 décembre 1889 à Tence (Haute Loire). Il était de la classe 1909. Il était missionnaire à Ubonrachathani. Sergent au 22e régiment d’infanterie coloniale, il mourut le 8 novembre 1915 à l’hôpital de Braux-Sainte- Cohière dans la Marne  des suites de ses blessures.

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Il avait 26 ans. Telle est la mention très administrative du Ministère des Armées. Les Missions étrangères sont plus prolixes : Il fit ses études secondaires à Monistrol et entra au Séminaire des Missions Etrangères le 11 septembre 1907. Ordonné prêtre le 7 mars 1914, il part le 15 avril suivant pour la Mission du Laos. Il lui est attribué le poste de vicaire à Ubon. Il y est à peine arrivé que la guerre éclate. Le 6 novembre 1915, dans les tranchées de Champagne, il est grièvement blessé au crâne par un éclat d'obus. Porté à l'ambulance, il y meurt le 8 novembre, assisté du Père Darles, missionnaire de Mandchourie. Plusieurs autres missionnaires mobilisés assistèrent à ses funérailles. « C’était mon meilleur ami », écrit un de ses confrères du Laos, mobilisé au même régiment. « Je l’appréciais beaucoup et j’aurais vivement désiré l’avoir avec moi pour retourner là-bas, après la guerre. Il était d’un caractère très doux, d’une grande délicatesse dans ses rapports avec les autres, et ne faisait jamais de peine à personne. Il n’a laissé que des amis partout où il a passé ». Des soldats coloniaux disaient un jour : « Ah ! c’est grand dommage que nous n’ayons plus Boursolles comme caporal… Quel bon type, toujours de bonne humeur ! Et puis, il avait ce beau calme de vieilles troupes coloniales. Simple, il l’était aussi, cherchant constamment à s’effacer ». S’il est parti comme sergent, c’est à son corps défendant. Il répondit à son capitaine, qui lui demandait s’il voulait avoir de l’avancement : « Non, mon capitaine, car je ne me sens aucune aptitude pour le commandement ; je demande plutôt à rendre les galons que j’ai ». Il paraît bien avoir eu le pressentiment de sa mort. Dans la dernière carte qu’il écrivait, des tranchées de Champagne, à M. Burguière, son curé au Laos, mobilisé comme lui, il disait : « Priez pour moi, si vous voulez garder votre petit vicaire d’Oubone ... Comment, sinon par une protection spéciale de la sainte Vierge, ai-je pu échapper jusqu’ici à la mort, alors que j’en ai vu tomber tant auprès de moi ? ». Le 1er novembre, 5 jours avant qu’il ne fût blessé à mort, il écri­vait à un ami: « Hier pendant la nuit, j’ai été rêveur, malgré les 77 et les shrapnells… Beaucoup d’obus sont tombés sur nos parapets... Tout cela est terrifiant, et cependant c’est du pain quotidien. La mort nous guette à chaque instant. J’ai connu ces heures d’attente, l’arme en mains et la baïonnette au canon, où l’on n’attend qu’un ordre pour s’élancer sous une pluie de mitraille et de feu. J’ai piétiné des cadavres allemands, étendus au milieu d’équipements et de fusils. J’ai connu la tristesse d’un soir de bataille, où chacun réfléchit et où la pensée se reporte bien loin, vers les parents et le pays natal. Quelle différence avec le passé, c’est-à-dire avec le Séminaire de Paris, où régnait une douce tranquillité ; avec le Laos, où je me sentais déjà si heureux ! Me voilà en pleine mêlée... J’ai vu tomber, sous les éclats d’obus, mes voisins de droite et de gauche, et moi seul j’ai été épargné comme par miracle. Je prie le bon Dieu, j’égrène souvent mon chapelet, invoquant le secours de la sainte Vierge, qui certainement m’a protégé ».

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Le révérend père Henri Cavaillé  est  né le 3 avril 1889 à Puylaroque (Tarn et Garonne) de la classe 1909 et fut incorporé comme caporal au 280e régiment d’infanterie.

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Missionnaire à Nakhonchaisi, il mourut des suites de ses blessures contactées en captivité,  le 1er novembre 1918 à Nancy, à 29 ans. Le site des Missions étrangères est moins austère : Il avait été admis au Séminaire des Missions Étrangères le 5 janvier 1907, fut ordonné prêtre le 7 mars 1914, et partit pour le Siam le 15 avril suivant. Il venait juste de commencer l’étude du thaï à Nakhonchaisi quand l'ordre de mobilisation le ramena en France. Bientôt fait prisonnier, il endura cinquante mois de captivité. Après sa libération, il fut envoyé à Nancy, où il mourut le 1er décembre 1918, épuisé par sa longue détention. Il était dans sa trentième année et n'avait passé que deux mois et demi dans sa mission.

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Le Révérend Père Gustave Rouan Marie Lagathu naquit le 15 mars 1885 à Guilers (Finistère) et fut incorporé comme 2e classe en 2e régiment d’infanterie coloniale, classe 1905 comme brancardier-aumônier.

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Admis au Séminaire des Missions étrangères en 1906, ordonné prêtre le 6 mars 1909, partit le 21 avril suivant pour la mission du Laos. Après l’étude du laotien à Nong Seng, il fut nommé vicaire à Tharé (Sakonnakhon). C’est le seul de nos prêtres de l’Isan. Il assista au sacre de Monseigneur Prodhomme à Saïgon, le 14 septembre 1913.

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Il fut tué au Chemin des Dames, le 16 avril 1917, alors qu'il portait secours à un blessé.

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Le Révérend Père Charles Valentin Joseph Sommelet, naquit le 14 mars 1885 à Humes-Jorquenay dans la Haute Marne. Admis au Séminaire des Missions Étrangères en 1904, ordonné prêtre le 18 décembre 1909, partit pour la mission du Siam le 11 mai 1910. Il fut envoyé à Nonghin (dans la province de Loei) en 1912, pour se perfectionner dans la langue, puis fut affecté à la paroisse du Calvaire à Bangkok en 1914. Mais il fut bientôt mobilisé pour la guerre et revint en France où il fut incorporé au 21e régiment d’infanterie.

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Il fut tué au front, dans l'Artois, le 30 décembre 1914.

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Le frère Eugène-Clovis Roux, il n’était pas prêtre mais c’était un « petit frère », religieux n’ayant pas reçu le sacrement de l’Ordre sacerdotal, grâce auquel il peut célébrer le sacrifice de la messe et réaliser des tâches propres au ministère pastoral, mais membre d’un ordre. Nous savons peu de choses sur lui. Professeur au collège de l’Assomption à Bangkok, donc sous la tutelle des Missions étrangères.

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Il était né au Puy-Saint-Vincent dans les Hautes-Alpes, le 4 mai 1883. De la classe 1903, il fut incorporé comme sergent au 159e régiment d’infanterie. Il fut tué à l’ennemi à Barleux dans la Somme le 4 septembre 1914, il avait 31 ans.

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Le 13 novembre 1917, dans un retentissant discours devant la chambre, Clémenceau déclara sous un tonnerre d’applaudissements : « … Ces Français que nous fûmes contraints de jeter dans la bataille, ils ont des droits sur nous.. ».

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Qu’en reste-t-il ?

 

Probablement 1.400.000 morts français, 100.000 peut-être venus de nos colonies, nos bons « nègres », nos bons Annamites et nos bons arabes. La victoire de 1918, fruit de 18 ou 19 millions de morts militaires, ne parlons pas des civils, suscita dans le monde un espoir immense, que cette guerre soit la dernière, « la der des der ». On chanta Paul Arène, le très oublié poète de Sisteron « demain sur nos tombeaux, les blés seront plus beaux ». Les blés n’ont pas repoussé sur les terres ravagées de la Somme ou de la Champagne. Bien au contraire, cette guerre porta incontestablement en germe les 25 ou 30 millions de morts seulement militaires de la suivante, ne parlons toujours pas des civils.

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Il est incontestable qu’un vent de folie a alors soufflé sur le monde et a soulevé une tempête qui a déséquilibré les esprits. Nos missionnaires sont partis en ayant l’assurance de faire la volonté de Dieu. Chez leurs ennemis « Boches », Allemands ou Autrichiens, les militaires portaient un ceinturon sur la boucle duquel était inscrit « Got mit uns » (« Dieu avec nous »).

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Ce Dieu était le même que le leur. Lorsque, quand la guerre fut déclenchée, l’ambassadeur d’Autriche – seul pays de tous les belligérants alors catholique - au Vatican demanda au pape Pie X de bénir ses armés, celui-ci répondit « je ne bénis pas les armes, je bénis la paix ».

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Mais pour nos missionnaires, le service de Dieu et celui de la Patrie fut indissociable. Le R.P.Boursolle en fut l’archétype. Ce langage nous est devenu non pas incompréhensible mais étranger alors que ce patriotisme fut partagé par tous les prêtres et les catholiques de l’Europe belligérante. Les nations s’étaient alors sacralisées et les religions nationalisées. Cette tragédie aboutira à la réflexion de Vatican II dans l’encyclique Gaudium et Spes sur la guerre et la paix du 7 décembre 1965 et au cri retentissant du Pape Paul VI à la tribu de l’ONU le 4 octobre 1965 « Plus jamais la guerre ». Le ciel ne l’a pas entendu.

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60 Français du Siam ont été mobilisés, 11 sont morts, dont 5 religieux. Ils sont bien tous « morts pour la France ».

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La plaque commémorative d’origine avait été inaugurée par le Maréchal Joffre, notoirement anticlérical, en 1921 sans que les autorités religieuses soient invitées à la cérémonie, cela ne fut fait que par le Maréchal Foch, notoirement clérical, en février 1925 lors d’un voyage d’agrément au Siam (8).

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SOURCES

 

Chaque régiment ayant participé à la guerre eut son livre d’or publié dans les années 20 donnant la liste de ses morts. Tous y figurent, mais seuls en général les officiers supérieures y ont une notice détaillée.

 

NOTES

 

(1) Voir notre article H 17- L’OCCUPATION DE CHANTHABURI PAR LES FRANÇAIS, « UNE PAGE SOMBRE DE L’HISTOIRE DU SIAM » (1893-1905).

 

(2) La mention « mort pour la France » est un honneur posthume. Elle a été créée par la loi du 2 juillet 1915, aux fins d’honorer la mémoire des victimes de guerre. Les dispositions initiales applicables à compter du 2 août 1914 ont évidemment été adaptées pour tenir compte des victimes des conflits ultérieurs. Elle est attribuée par l’autorité militaire lorsque la preuve est rapportée que le décès est imputable à un fait de guerre, que ce décès soit survenu pendant le conflit ou ultérieurement. Elle doit être obligatoirement apposée en marge par l’officier d’état civil qui établit l’acte de décès. Elle est essentiellement honorifique et aucun pécule, capital ou pension ne sont versés lors de son attribution. L'inscription des Morts pour la France sur le monument aux morts de leur lieu de naissance ou de leur dernier domicile est obligatoire. Elle donne le droit à une sépulture individuelle et perpétuelle dans un cimetière militaire aux frais de l’État. Elle a une incidence non négligeable sur le bénéfice des droits d’auteurs au profit des ayant-droits puisqu’elle est prolongée de 30 ans. Les œuvres de Guillaume Apollinaire, mort pour la France en 1918, sont tombées dans le domaine public français en 2013. Celles d’Antoine de Saint-Exupéry, mort pour la France en 1944, entreront dans le domaine public en 2033.

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 Notons que, dans son incommensurable bonté,  le législateur de 1915 décida que devaient en bénéficier les « indigènes de l’Algérie, des Colonies, ou pays de protectorat et des engagés au titre étranger tués ou morts dans les mêmes circonstances ». Naturellement, les mânes des Sénégalais utilisés essentiellement pour « nettoyer les tranchées », des Annamites ou des Arabes d’Afrique du nord utilisés comme « chair à canon » en éprouvent une intense satisfaction.

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(3) Voir notre article A 176  « Le Mémorial de Bangkok à la mémoire des 19 militaires Siamois morts au cours de La grande guerre » :

http://www.alainbernardenthailande.com/2015/02/le-memorial-de-bangkok-a-la-memoire-des-19-militaires-siamois-morts-au-cours-de-la-grande-guerre.html

 

(4) La première vague de mobilisation, en août 1914, porta sur les classes 1896 à 1910 soit les hommes de 24 à 38 ans. Les hommes de 21 à 23 ans des classes 1911, 1912 et 1913 étaient déjà sous les drapeaux. Les classes plus anciennes - 1892 à 1895 - de 39 à 42 ans - seront mobilisées entre septembre et décembre 1914. Deux nouvelles fournées interviendront en mars-avril 1915, classes 1889 – 1891, les hommes de 43 à 45 ans et un an plus tard, les classes 1886-1888 pour les hommes de 48 à 50 ans.

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(5) Le site est le suivant :

http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/article.php%3Flarub%3D24%26titre%3Dmorts-pour-la-france-de-la-premiere-guerre-mondiale

 

(6) http://archives.mepasie.org/fr

 

(7) « Des missionnaires plongés dans la grande guerre » éditions du Cerf, 2012.

 

(8) « J’en avais tellement assez de cet après-guerre que je partis pour  le Siam » cité par Katia Bogopolskaia « Diplomates écrivains : correspondances diplomatiques », 1999.

 

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J
Grand merci pour vos recherches.
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G
Ils méritaient quelques pages !