Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
La vie des grands de ce monde fait rêver dans les chaumières (1). Il en est évidemment de même de l’étendue de leurs fortunes que l’on sait souvent, sans autres précisions, être colossale. Le roi de Thaïlande n’a pas échappé à cette curiosité dont le magazine Forbes a fait sa spécialité. Il évaluait sa fortune « aux environs » de 2 milliards de dollars en 1997 (67 milliards de baths) puis à 5 en 2007 (167 milliards de baths) en se fondant sur on ne sait trop quelles éléments puisqu’il plane une certaine opacité sur laquelle nous reviendrons. Mais il va lancer en 2015 une bombe en plaçant le monarque en tête des fortunes mondiales avec le chiffre de 35 milliards de dollars, environ 1.200 milliards de baths ….
Une bombe qui va se révéler n’être qu’un pétard mouillé puisque la confusion est faite entre les richesses personnelles du monarque et celles du BPC « Bureau des propriétés de la couronne » (Crown property bureau - สำนักงาน ทรัพย์สินส่วนระมหาษัตริย์ - Samnakngan Sapsinsuanphra Mahakasat).
Incompétence notoire (2), malveillance (3) ou les deux à la fois, tout est possible. Si le droit de propriété en Thaïlande est – mutatis mutandis – comme en France « le droit de jouir et de disposer des choses de la manière absolue » (article 544 du code civil), tel n’est évidemment pas le cas des rapports que le roi entretien avec le BPC. La magasine fait référence aux recherches d’un universitaire thaï, professeur d’économie à Sukhothai, Porphant Ouyyanont, ultérieurement publiée en 2016 (4). Or, celui-ci n’a jamais confondu la fortune personnelle du roi avec le patrimoine du BPC comme le démontre le titre de son article !
Point d’ailleurs n’était besoin de rechercher des références fantaisistes puisqu’une première étude - étayée de multiples références justificatives - précédant de plusieurs années les « investigations » de Forbes (2012), émane d’un universitaire thaïe, où nous avons trouvé tout que ce Forbes prétendit avoir trouvé en 2015 (5). L’un s’est intéressé au rôle du BPC dans la politique économique, l’autre dans la préservation de l’héritage culturel. Notons enfin que le Bureau publie régulièrement sur son site Internet depuis 2010 ses rapports d’activité ; il est donc accessible à tous. S’il subsiste des « zones d’ombre » c’est tout simplement parce qu’une partie du site est en cours de construction. Il n’est que partiellement bilingue mais on peut souhaiter qu’un véritable journaliste d’investigation puisse comprendre la partie non traduite (6).
Le « Bureau des propriétés de la couronne » (BPC) et son histoire.
Les actifs immobiliers.
Le Bureau est l'un des propriétaires fonciers les plus importants du pays. Il gère 37.000 contrats de location dont 17.000 à Bangkok, sur une superficie totale de 41.000 rai (6.560 hectares selon le rapport d’activité 2014) dans treize provinces (1.408 hectares à Bangkok et 4.800 en provinces quelques années auparavant). Les propriétés effectivement rentables ne représentent que 7% du total, 93% restants sont loués à zéro % ou à des taux minima, 33 % à des organismes officiels, 2 % à des organismes caritatifs à but non lucratif et 58 % à des « petits locataires ». Malgré ce il a bénéficié de revenus locatifs de 2,5 milliards de baths en 2010 et 2,7 milliards de bahts en 2011 (rapports d’activité 2011 et 2012). Ses propriétés sont essentiellement situées dans les quartiers centraux de la capitale (1.343 hectares avec évidemment des variations en fonction des transactions) où les valeurs foncières sont élevées.
Actuellement le Bureau classe ses propriétés en trois groupes : les palais et résidences, les boutiques et bâtiments commerciaux et les bâtiments commerciaux.
Dans la catégorie des palais et résidences, il existe 24 sites, tous anciennes résidences princières tels le Ladawan Palace, siège du Bureau,
le Maliwan Palace devenu bureau de l'ONU-FAO)
et le Parusakawan Palace (actuellement le National Intelligence Office).
La plupart a été transformé en vue de nouvelles utilisations, bureaux gouvernementaux, associations ou écoles.
Dans la catégorie des immeubles de bureaux, nous trouvons l'ancienne salle provinciale du Monthon Prachin, maintenant dans la province de Chachoengsao, l'ancien siège de la Metropolitan Water Works Authority à Bangkok et le phare Bang Pa-in dans la province d'Ayutthaya.
Siam commercial bank (photographie de Yontanit Pimonsathean) :
Dans la catégorie des bâtiments commerciaux, il y a quinze sites qui représentent un total de 1.960 unités. Beaucoup sont situés dans l'île de Rattanakosin ou dans d'autres parties du Bangkok historique telles que Na Phralan, Tha Chang, Tha Thian, Praeng Phuthon et Praeng Nara.
Loenrit shophouses (photographie de Yontanit Pimonsathean) :
Ainsi aux termes de la loi de 1936, un certain nombre de biens ont été transférés au Bureau qui a acquis des propriétés supplémentaires en particulier pendant les deux premières décennies suivant la réforme de 1932. Parmi ses multiples propriétés de nombreux bâtiments construits depuis le règne du roi Rama IV ont une valeur historique et architecturale inestimable.
Yongtanit Pimonsathean donne une liste détaillée des Palais, immeubles ou bâtiments locatifs à usage commercial assortie de nombreuses photographies (5).
Madame Susan J. Cunningham la collaboratrice de Forbes et spécialiste des perroquets (2) ...
...ne craint pas d’affirmer « que personne à l'extérieur du bureau ne sache exactement où se trouve ce domaine immobilier » … tout en donnant des précisions sur les quartiers de Bangkok où ils se situent. Comment oser parler d’opacité ?
Au demeurant, il existe dans le pays un « Land office » (กรม ที่ดิน - Krom Thidin), l'organisme gouvernemental responsable de la délivrance des titres de propriété foncière, de l'enregistrement des transactions immobilières, équivalent de notre Conservation des hypothèques et service du cadastre. La consultation est libre et de véritables journalistes d’investigation se seraient penchés sur son étude même si cela représente un travail de bénédictin, l’épluchage de plusieurs milliers de fiches. Non seulement y sont enregistrés les titres de propriété mais également les baux autres qu’à très court terme (moins de trois ans) or le Bureau consent de façon systématique des baux de 3 ou de 30 ans. Ces recherches pourraient bien sûr ne pas se limiter à Bangkok mais dans toutes les provinces où le Bureau possède des propriétés terriennes (Khorat, Nakhon Pathom, Chachoengsao, Ayutthaya, Nakhon Sawan, Lampang, Petchaburi et Songkhla)
Les revenus mobiliers
Il bénéficie aussi des dividendes de trois sociétés de premier plan, 21,47 % de la Siam Commercial Bank pour une valeur estimée de 1,1 milliards de dollars, 30,76 %
30,76 % de The Siam Cement Group (énorme conglomérat fondé par Rama VI) pour une valeur estimée de 1,9 milliards de dollars
et 98,54 % de The Deves Insurance, l’une des plus importantes compagnies d’assurances du pays pour une valeur estimée de 600 millions de dollars.
Le total des dividendes perçus en 2010 a été de 200 millions de dollars (environ 6 milliards de baths). Ces revenus sont évidemment sinusoïdaux en fonction de la loi du marché. Lors de la crise de 1997, ils ont été nuls et le Bureau a dû se séparer de quelques actifs immobiliers pour ne pas se trouver en difficultés. Ce sont des sociétés commerciales qui publient leurs bilans, et ils sont donc disponibles sur Internet, et donc loin de l’opacité déclarée par certains.
Le fonctionnement
Les racines du Bureau remontent au règne du roi Rama V. Sous la monarchie absolue, toutes les terres appartenaient au roi et étaient sous la responsabilité de Phra Khlang Maha Sombat (Trésor national) et Phra Klang Khang Thi (Trésor privé). Rama V sépara ses propriétés privées des propriétés du pays. Ces réformes se situèrent dans le cadre de sa politique de réformes administratives et lui évitèrent d’anciens conflits avec le Trésor qui hésitait à alimenter sa cassette personnelle. Les recettes fiscales et les revenus du domaine public furent placés sous le contrôle du Trésor national et les propriétés privées du Roi provenant d’héritages ou de ses propres activités dans des entreprises immobilières et financières, furent placées sous la responsabilité du Trésor privé, une unité dépendant du Trésor national.
Lors de la révolution de 1932 ce système conduisit à séparer les propriétés en trois types : les propriétés publiques, c'est-à-dire celles utilisées dans l'intérêt public, les propriétés privées du roi, c'est-à-dire celles qui lui appartenaient avant de monter sur le trône, et les « propriétés de la couronne », c'est-à-dire celles acquises par tout moyen par le roi pendant son règne. Cette règle a été promulguée en 1936 dans la Loi sur la propriété de la Couronne, et les propriétés de la Couronne devinrent gérées dans le cadre d'une organisation nouvellement créée, le Bureau des propriétés de la Couronne. Le Bureau est devenu une personne juridique en 1948 supervisée par son propre comité exécutif. Il n’a pas le statut d'organisme public et échappe aux règles et procédures de la bureaucratie gouvernementale. Un Conseil des biens de la Couronne a été créé, présidé d'office par le ministre des Finances et composé de quatre administrateurs nommés par le roi qui par ailleurs nomme l'un des membres du conseil d'administration comme directeur général du Bureau. Le Conseil des biens de la Couronne est responsable de la surveillance générale des activités du Bureau.
Jusqu'en 2017, le ministre des finances est à la tête de l'organigramme (site du BPC) :
Le gouvernement a gardé le contrôle du bureau lorsque la famille royale était en exil, mais après tout une série de coups d’état, le sort de la monarchie s’est renforcé et la loi de 1948 a remis le contrôle du bureau à la couronne. La loi précise que l'utilisation de l'actif et des revenus du bureau « dépendent totalement de la décision royale » et que le gouvernement ne peut les saisir ou les transférer ou les taxer. Le bureau n'émet pas de rapport annuel, sauf au roi.
Cette situation est singulière dans laquelle des actifs appartenant de façon incontestable au roi et à sa famille ont été purement et simplement expropriés mais transférés à un organisme sur lequel le roi a la maitrise notamment en ce qui concerne les revenus, rendant difficile de la qualifier dans un cadre juridique qui nous est propre autrement que par celui d’une espèce d’usufruit.
A cette heure, le Bureau s’est consacré à des opérations d’intérêt général. Yongtanit Pimonsathean nous expose de façon magistrale ses réalisations en matière de conservation du patrimoine architectural de Bangkok (5). Porphant Ouyyanont se penche sur son rôle dans les mécanismes économiques.
Nous avons dans les 7 ans de rapports d’activité disponibles (6) un inventaire de ses interventions. L’année 2015 en particulier a été féconde en rénovation de bâtiments historiques et en opérations destinées à sauver les forêts.
Ne citons que des exemples ponctuels : En juin 2016, le Bureau a doté la section médicale de l’Université de Khonkaen d’un scanner (coût ? Un nombre a six chiffres en euros probablement). Il y a quelques semaines, le nouveau roi Rama X a fait via le Bureau un don de 100 millions de baths à un hôpital de Bangkok, toute la presse en a évidemment parlé.
Lors des inondations d’août 2017 catastrophiques dans le nord-est, il fut distribué des milliers de caisses de secours (médicaments de première nécessité, eau et nourriture). Nombre de ces réalisations se retrouvent la page Facebook du Bureau (book https://www.facebook.com/pagecpb/)
Les dépenses de personnel représentent 14,20% du budget 2015 (rapport 2016), étant précisé que le Bureau emploie plus de 1.000 personnes dont la plupart (au moins 90 %) se consacre à la gestion du parc immobilier.
Soulignons enfin que les dépenses de la « liste civile » destinée à financer les interventions de tous les membres de la famille royale sont prélevées sur les recettes du Bureau et se seraient élevées pour l’année 2015 à la somme de 170 millions de dollars, avec donc le mérite de ne pas être financée par le contribuable. C’est toutefois un domaine sur lequel plane une certaine discrétion puisque, si nous connaissons le détail de activités du Bureau, celui-ci ne dévoile sauf au Roi ni le détail de ses comptes ni ses bilans ni sa comptabilité (7). Si cette somme est exacte (dont nous n’avons pas pu vérifier la réalité autrement que sur un site Internet dépourvu de sérieux qui l’avance sans le moindre élément justificatif), elle comprendrait une bonne part des revenus du Bureau, mais il faut tout de même noter qu’au niveau de sa rémunération, la famille royale n’est ni mieux ni plus mal lotie que d’autres dans le monde des têtes couronnées (8). L’ignorance peut engendrer la suspicion, certes mais lorsque Forbes a publié ses fallacieuses conclusions, la presse française et notamment la presse francophone locale s’en est emparée avec avidité en poussant des cris de vertu outragée en oubliant soigneusement de balayer devant leur porte (9).
Si ces opérations ne sont pas directement financées sur les économies du roi, elles le sont à tout le moins sur les revenus de biens qui appartenaient à sa famille. Il y a donc une certitude, c’est que la fortune du Monarque, que ce soit celle de feu Rama IX ou celle de son successeur, ne peut pas et ne doit pas être confondue avec les actifs du Bureau des propriétés de la couronne. L’attitude de Forbes relève, avons-nous dit, d’une totale incompétence assortie d’une probable incommensurable mauvaise foi.
Effectuant cette constatation d’évidence, nous n’en déduisons pas que la famille royale est pauvre ! La question est simple, Forbes s’est contenté d’utiliser avec une incontestable mauvaise foi des éléments qui étaient depuis longtemps dans le domaine public en prétendant avoir découvert des éléments cachés.
Le défunt roi était incontestablement riche, riche en propriétés foncières, venues de famille mais aussi des nombreux legs qui lui consentent – parait-il – nombre de ses sujets. Il a hérité de son père et de ses oncles qui avaient des avoirs importants notamment en Suisse et en Angleterre. Pour autant que cela présente un intérêt quelconque, aucune investigation n’a été effectuée par notre magazine. Son fils actuellement régnant est également riche, nul ne sait (encore) de combien. On reste, comme toutes les évaluations de Forbes, dans le domaine des évaluations pures et simples. Madame Susan J. Cunningham se complait à souligner que le prince alors héritier et aujourd’hui roi dont tout le monde sait qu’il résidait volontiers en Bavière, y aurait acquis une villa de 10 millions d’euros… La belle affaire, c’est la valeur d’un bungalow à Los Angeles ou d’une très belle propriété au Cap Bénat (10). Il aurait également acquis directement ou par l’intermédiaire d’une holding un hôtel luxueux de Munich où il aurait eu ses habitudes… Vérifications faciles à condition de s’en donner la peine, il y a en Allemagne un « livre foncier » (Grundbuch) dont l’accès est public. S’il a hérité de son père des avoirs en Suisse, même observation !
Toutes les estimations de Forbes sur les fortunes royales sont incertaines sinon fantaisistes tant pour l’incertitude qui plane sur l’étendue de leur patrimoine immobilier souvent organisé le plus régulièrement du monde par l’intermédiaire de holdings ou de sociétés écran que par celle de leurs avoirs financiers organisés de la même façon ? Comment évaluer leurs inestimables collections d’objets précieux, les automobiles anciennes, passion de feu le roi Rama IX,
la collection de bijoux de la reine mère
... ou la collection de timbres-poste de la Reine d’Angleterre, probablement la plus belle du monde ?
Il plane le silence le plus pesant sur les profits certainement énormes que le Prince de Monaco tire en particulier des accords passés entre feu son père et Onassis (« Société des bains de mer » gérant en particulier le Casino de Monte-Carlo.)
Ils ne sont pas astreints comme les hommes politiques de nombreux pays dits « démocratiques » à effectuer des déclarations de patrimoine.
Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Un chef d’état riche sera probablement moins tenté de se vendre au premier financier venu (10). L'ignorance engendre la suspicion avons-nous dit mais la curiosité excessive est souvent malsaine et peut également créer une ambiance nauséabonde. Contentons-nous dire que notre actuel souverain est très, très riche, extrêmement riche.
Un nouveau roi, une nouvelle donne
Le prince Maha Vajiralongkorn devenu roi à la suite du décès de son père est un personnage atypique connu pour ses frasques, qui ne partage en rien la vie frugale de son père et pas plus sa vie conjugale exemplaire.
Unanimement décrié par les médias occidentaux, de nombreux site Internet le concernant sont verrouillés.
Divorcé plusieurs fois, on lui prête de nombreuses maitresses ce qui ici ne choque personne puisque dans ce pays où le « paraître » l’emporte le plus souvent sur l’ « être » la possession d’une épouse secondaire à la suite de la principale et d’une kyrielle d’épouses temporaires apparait comme un signe de réussite sociale et non de dépravation pure et simple.
Une nouvelle loi est intervenue à son instigation le 24 juillet 2017. Elle lui donne apparemment une plus grande autorité dans la gestion du Bureau, placerait la gestion des propriétés de la Couronne sous sa surveillance directe ainsi que celle de ses biens personnels (ce qui semble normal) et indique que ces propriétés seront gérées « à la discrétion de Sa Majesté » ce qui était déjà le cas. Si le roi a toujours le pouvoir exclusif de nommer les membres du conseil d'administration, il a désormais celui de nommer aussi son président, poste précédemment attribué d’office au ministre des Finances.
Texte du 24 juillet 2017 publié sur le site du Bureau :
Il a immédiatement nommé au poste de Président l’un de ses proches qui fut longtemps son secrétaire privé, l’Air Chief Marshal Satitpong Sukvimol qui avait par ailleurs été chargé de la gestion de son patrimoine privé. Les autres nominations au conseil d'administration concernent également ses proches. Il est également prévu, mais sans précisions, que tous ces revenus, propriété de la couronne ou revenus des biens personnels, seront désormais fiscalisés mais aucune autre précision n’est donnée à ce jour.
Il n’y a pas à priori à s’étonner qu’il mette ses proches en place dans un des très rares domaines ou la législation lui donne quelque latitude alors qu’il est dépourvu constitutionnellement du moindre pouvoir. Le site Internet du BPC en enregistré ces nouvelles données dès le 15 août 2017.
Nouvel organigramme 2017 publié sur le site du BPC, l’Air Chief Marshal Satitpong Sukvimol remplace le ministre des finances :
Notre propos n’est pas de faire de la philosophie du droit mais de préciser qu’une loi n’est pas systématiquement bonne ou mauvaise en soi mais le devient en fonction de l’application qui en est faite. L’avenir seul nous dira si le BPC continue comme par le passé ses efforts pour le bien commun et pour le bénéfice du peuple thaï.
Il est enfin un élément qui mérite d’être souligné : Dans ce pays où plane systématiquement l’ombre de la corruption, nous n’avons pas trouvé un mot, une ligne, sur des actes répréhensibles qui seraient tombés du siège du BPC.
Nous pouvons donc en déduire que si le Bureau est propriétaire d’un patrimoine « considérable », et qu’il n’est pas la propriété du Roi qui n’en gère que les revenus. Il est donc difficile de raisonner autrement qu’en revenus et non en capital. Sans gloser sur des chiffres et en évitant de tenir des propos du niveau des conversations de comptoir, relevons simplement que le Bureau gère un patrimoine dont les revenus ont été (approximativement) de : Pour les Revenus immobiliers : 2,7 milliards de baths, pour les Revenus mobiliers : 6 milliards de baths. Arrondissons les revenus à 10 milliards de bath, soit sauf erreur à environ 335 millions de dollars. Si l’on peut parait-il espérer un rendement de 10 % pour les placements effectués en Thaïlande – c’est du moins ce que prétendent tort ou à raison toutes les agences et officines qui proposent des plans d’investissements - cela correspondrait à un capital de 3,35 milliards de dollars ? Les exonérations fiscales dont bénéficient les biens de la couronne nous permettent de monter ce chiffre à 15 % ce qui conduirait à un chiffre de l’ordre de 4 milliards de dollars proche des estimations initiales de Forbes.
Estimer les immeubles à la seule valeur du marché pour des immeubles similaires ne tient pas compte d’un paramètre pourtant essentiel, leur valeur est partiellement gelée par les baux à long ou très long terme qui les grèvent notamment lorsqu’il s’agit de loyers symboliques payés par les administrations, les organismes officiels ou caritatifs.
Concluons en affirmant que si le Roi et sa famille sont extrêmement riches, ils ne méritent pas d’avoir le premier prix à la distribution de Forbes.
NOTES
Nos comparatifs dollar-euro-bath sont effectués sur le taux de change en aout 2017.
(1) « Point de vue » qui se qualifie de « Journal des princes d’aujourd’hui » tire à environ 200.000 exemplaires, autant sinon plus que « Le Monde » qui passe à tort ou à raison pour être le plus sérieux de nos quotidiens, et « Voici » à au moins 300.000.
(2) Un article à l’origine des conclusions de Forbes en février 2015 (« The Crowning Fortune ») émane d’une dame Susan J. Cunningham professeur de biologie animale à l’Université sud-africaine du Cap, apparemment spécialiste dans l’étude des perroquets.
Sa page de garde sur Twitter nous revèle ses compétences :
(3) Forbes est proche de l'ancien président Bush et président d’honneur de la Fondation nationale cubano-américaine (FNCA), une organisation créée par Ronald Reagan dans les années 1980, et dirigée par les descendants de l’oligarchie cubaine prérévolutionnaire. Ceci explique qu’il a accusé feu Fidel Castro d’avoir une fortune de 900 millions de dollars en 2006 et de détenir des comptes en Suisse, ce qui s’est révélé parfaitement faux. Pour des raisons restées à ce jour mystérieuses, les fortunes de quelques personnalités, comme celle de la reine d'Angleterre, ne sont pas prises en compte.
(4) Journal of contempory Asiam 2016 volume 4 n° 3 « Crown property in Thailand and is role in political economy ».
(5) « The Crown Property Bureau and Heritage Conservation » in Journal de la Siam society, volume C de 2012. Yongtanit Pimonsathean enseigne l'urbanisme et la conservation du patrimoine à la section d'architecture et de planification de l’Université Thammasat. Il détient un diplôme de docteur en génie urbain de l'université de Tokyo. Il est actuellement président de l’ONG ICOMOS en Thaïlande (International council on monuments and sites) et Conseiller du Bureau des propriétés de la Couronne.
6) http://www.crownproperty.or.th et pour les rapports d’activité de 2010 à 2016 : http://www.crownproperty.or.th/en/Top-stories/Annual-report
(7) Un exemple parmi d’autres, l’hôtel Dusit Thani, de renommée mondiale, situé à l'intersection de Silom Road et de Rama 4 et construit sur un terrain appartenant au BPC. La presse nous a appris en début d’année 2017 que le bail d’origine avait été prolongé de 30 ans avec droit de prolongation de 30 sous engagement de la Dusit Thani Public Company Limited d’étendre l’ensemble hôtelier par la construction de résidences, surfaces de vente et bureaux, avec un grand espace vert. Le prix n’apparait pas, que les curieux aillent donc consulter le bail au Land office !
(8) Ce ne sont pas à ce stade les pays les plus riches qui rémunèrent le mieux leurs familles royales : 35 millions d’euros pour la Belgique, 9 seulement pour les Espagnols, 12 pour la Suède, 110 pour la Hollande et 55 millions pour les Anglais. C’est tout de même le roi du Maroc qui vient en tête avec 230 millions qui s’ajoutent au fait qu’il a littéralement transformé son pays en société à responsabilité limitée dont il détient la majeure partie des actions.
(9) Il existait en France des « fonds secrets » dont seul le montant était connu pour qui avait le courage de détailler le budget. Supprimés à la suite de divers scandales puisqu’ils servaient en particulier à remplir les poches de certains ministres, ils ont été remplacés par les « fonds spéciaux », dont seul le nom a changé, et ils ne sont soumis à strictement aucun contrôle autre que le bon plaisir du Président. Le montant pour 2016 fut de 47 millions d’euros, presque le budget de la Reine d’Angleterre. Il n’y a guère que le « Journal officiel » où l’on trouvait le chiffre en cherchant bien. Peut-être le « Canard enchaîné » - qui est avec le « Journal officiel » l’un de nos rares périodiques sérieux - se consacrera-t-il un jour à cette curiosité.
(10) Le manoir de l’histrion défunt Michael Jackson s’est vendu 28 millions de dollars.
(11) C’est en partie parce qu’elle estimait sa dotation insuffisante pour son rang et espérait un petit geste des Cortès qu’une Infante d’Espagne a plongé dans une sombre affaire de corruption.