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Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.

A 225. LA « 7-ELEVENISATION » DE L’ARCHITECTURE RELIGIEUSE TRADITIONNELLE DU NORD-EST DE LA THAÏLANDE.

A 225. LA « 7-ELEVENISATION » DE L’ARCHITECTURE RELIGIEUSE TRADITIONNELLE DU NORD-EST DE LA THAÏLANDE.

Nous avons longuement parlé des peintures murales décorant traditionnellement l’intérieur et l’extérieur des chapelles d’ordination traditionnelles en Isan. Ces chapelles – Ubosot (อุโบสถ) ou Sim (สิม) en langue locale - sont le local le plus sacré dans l’enceinte du temple. Elles ne sont ouvertes qu’à l’occasion des cérémonies rituelles et l’intérieur est en principe interdit aux femmes auxquelles toutefois sont destinées, pour leur édification, les fresques de l’extérieur (1). Elles font l’objet d’articles passionnés d’une universitaire américaine partagée entre l’Université de Khonkaen et celle du Michigan, Madame Bonnie Pascala Brereton (2). Elle nous a livré il y a peu un article au titre délibérément provocateur que nous lui empruntons avec le sourire : « On the « 7-Elevenization » of Buddhist Murals in Thailand: Preventing Further Loss of Local Cultural Heritage in Isan » - « Sur la « 7-Élevenisation » des peintures bouddhistes en Thaïlande : Prévenir de nouvelles pertes du patrimoine culturel local en Isan » (3). La référence aux boutiques de la chaine « Seven Eleven » (7/11) toutes construites sur un modèle tristement similaire n’est pas innocente même si elle est un tantinet agressive (4).

A 225. LA « 7-ELEVENISATION » DE L’ARCHITECTURE RELIGIEUSE TRADITIONNELLE DU NORD-EST DE LA THAÏLANDE.

Le patrimoine culturel de l’Isan comprend ces peintures du début du XXème siècle peintes sur les murs extérieurs et intérieurs des salles d'ordination, notamment, mais pas seulement, dans les provinces de Khonkaen, Mahasarakham et Roi-Et. Toutes présentent des caractéristiques distinctes. Chaque ensemble est unique par sa composition, l’imagination narrative et les compétences artistiques de son auteur. L'état de ces peintures murales est variable : le meilleur exemple est le temple de Wat Chaisi (วัดไชยศรี) à quelques kilomètres à l’ouest de Khonkaen. Il est encore souvent utilisé à l’occasion de festivals et dans le cadre d’activités éducatives destinées à la communauté du village, aux professeurs d'université, aux étudiants et à la municipalité de Khonkaen.

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Certaines sont dans un total état d’abandon comme la chapelle du Wat Buddha Sayaram (วัดพระพุทธไสยาราม สกลนคร) proche de Sakhonnakon

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... ou presque comme celle du Wat Phra Simahapho (วัดพระศรีมหาโพธิ์) sur les rives du Mékong en amont de Mukdahan.

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Le souhait de Madame Bonnie Pascala Brereton dans son article au titre provocateur est que les peintures murales encore restantes soient préservées sous l’égide des autorités locales administratives ou religieuses et des universitaires de l'Isan sur le territoire desquelles elles se trouvent encore, le Wat Chaisi devant servir de modèle.

 

Elles ont cessé d'être peintes après 1957, lorsque les notions de construction de la nation, la fameuse « Thainess », ont remplacé les cultures locales, leur expression artistique et littéraire. Les salles d'ordination construites depuis lors sont généralement basées sur des conceptions génériques du Département des affaires religieuses de Bangkok (kromkansatsana - กรมการศาสนา). En outre, les peintures sont maintenant peintes sur les parois des salles de réunion (ho jaek - หอแจก) ou des salles de prière (wihan – วิหาร) plutôt que sur celles des salles d'ordination et reflètent une esthétique religieuse thaïe centralisée depuis Bangkok.

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La préservation du patrimoine culturel - en particulier du patrimoine culturel local - est ouvertement négligée dans le climat d'urbanisation, de mondialisation et de développement technologique dans lequel baigne la Thaïlande aujourd'hui.

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Au cours des dernières décennies, d'innombrables édifices religieux reflétant l’âme des divers groupes ethniques du pays et leurs expériences historiques ont été détruits ou simplement laissés à l’abandon. Les bâtiments qui les remplacent sont le plus souvent basés sur des conceptions génériques du Département des affaires religieuses, entraînant la prolifération de bâtiments homogènes de style « Bangkok » dans tout le pays.

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Ces destructions sont la suite de la politique du gouvernement fondée sur la construction de la nation et l’imposition plus ou moins arbitraire de la notion de « Thainess » tout au long du siècle dernier conduisant à une « homogénéisation culturelle » et à des constructions monotones et sans âme, à l’aspect souvent agressif faisant fi des traditions locales.

 

Les habitants des régions éloignées de la capitale ont été conditionnés à penser que s’ils construisaient leurs temples dans le même style que celui de leurs ancêtres, ils seraient considérés comme des « provinciaux » (บ้านนอก - bannok que l’on peut traduire par « plouks » ou bouseux ») pour mieux leur imposer le style de Bangkok.

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Cette situation résulte d’un manque d’intérêt des habitants pour leur propre culture et d’un manque généralisé d'intérêt pour connaître leur passé. Les moines bouddhistes ont en général fait peu de choses pour modifier l’attitude qui préside à la construction d’une nouvelle chapelle d’ordination au vu de l'idée répandue qu’elle présenterait un plus grand mérite que le maintien d'un style traditionnel. Madame Brerereton met de façon assez réaliste ce phénomène en parallèle à la croissance exponentielle des 7-Eleven (7/11) dans le pays, dont l’architecture est tristement la même dans le monde entier.  Dans les deux cas, ils sont fonctionnels tout autant que monotones ce qui pourrait convenir à un petit supermarché mais pas à un bâtiment sacré du bouddhisme.

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Les temples des villages et leurs peintures murales appartiennent au patrimoine culturel.

 

À une époque donnée,  ce terme de « patrimoine culturel » a été appliqué uniquement à l'étude des monuments anciens pour chercher à établir une identité nationale et un passé glorieux souvent mythifié. On a pu le constater dans les travaux de rénovation des sites historiques et archéologiques par le Département des Beaux-Arts. Sukhothai, par exemple, qui est devenu associé à un « âge d'or », celui de la prospérité sous un monarque sage, juste et paternaliste.

 

Cependant ce patrimoine culturel comprend non seulement les monuments anciens, mais aussi la culture vernaculaire, « la sagesse locale » qui ne sont pas le privilège exclusif des élites. En Isan, le patrimoine culturel ne comprend pas seulement les grands monuments khmers, Puay Noï (กู่เปือยน้อย)

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... et Ku Praphachai (กู่ประภาชัย) près de Khonkaen,

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Prasat Phimai (ประวัติศาสตร์พิมาย) près de Korat,

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Phanom Rung (พนมรุ้ง) près de Buriram,

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... Prang Ku (ปรางค์กู่) près de Roi-et

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... ou encore Ku Mahattat (กู่มหาธาตุ) près de Mahasarakham.

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Il comprend aussi, moins bien connus, des objets modestes, éphémères comme les pièces de tissus anciens ou les objets de ce qu’il est convenu d’appeler les « arts et traditions populaires » comme on en trouve exposés au Musée national de Khonkaen

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ou dans celui, beaucoup plus modeste, consacré à l’ethnie So dans le village de Kusuman (กุสุมาลย์) dans la province de Sakhonnakon (5).

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Nous y incluons aussi les représentations de Bouddha en bois - souvent maladroites - comme celles pieusement conservées dans la chapelle du Wat Phochaï (วัดโพธิ์ชัย) proche de Kuchinarai (กุฉินารายณ์) dans la province de Kalasin.

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Il comprend enfin les peintures murales des chapelles d’ordination dans nos villages.

 

Elles datent de la première moitié du 20ème siècle et décorent principalement les murs des petites salles d’ordination. On les trouve aussi parfois, plus rarement, dans le Wihan (วิหาร), la salle de réunion, dont l’intérieur est ouvert aux femmes, ce qui n’est en principe pas le cas des salles d’ordination, au moins en Isan.

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Toutes sont différentes, avec une diversité des idées, des styles et des pratiques, avant la centralisation des politiques imposées par le gouvernement de Bangkok et la Sangha au cours du siècle dernier, et chacune représente un élément significatif du patrimoine culturel local, forme architecturale vernaculaire, expression de dévotion jamais reproduite.

 

Ces peintures, ils faut le souligner, ne sont jamais de pales imitations des peintures murales  classiques de la région centrale mais des compositions à base de versions locales d'histoires bouddhistes et des interprétations locales manifestant la créativité des artistes.

 

Elles se composent de plusieurs registres qui serpentent sur le mur, en particulier celles à l'extérieur. Tout ceci exige d’ailleurs pour le spectateur qui n’est pas un spécialiste de l’histoire du bouddhisme et de ses légendes un effort considérable. Une autre caractéristique est la présence de scènes du quotidien, de scènes de débauche ou de détails à connotation sexuelle, ce qui peut choquer des occidentaux à l’esprit chagrin. Mais elles ont souvent été grattées !

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On peut y trouver des représentations singulières de la vie quotidienne comme une naissance aux forceps sur le mur extérieur du Wat Chaisi

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... ou une référence à l’actualité, comme la visite du prince Damrong en automobile au début du siècle dernier dans la province de Mukdahan à l’intérieur de la chapelle du Wat Phra Si Maha Pho (วัดพระศรีมหาโพธิ์) près de Mukdahan.

 

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Leur totale disparition à partir de 1957 coïncide exactement avec les changements dans les priorités du gouvernement du feld-maréchal Sarit Thanarat, qui a pris le pouvoir comme premier ministre après avoir organisé un Nième coup d'état. La loi martiale a eu pour effet d'imposer la conformité et l’uniformité dans tous les aspects de la vie, y compris le bouddhisme. Au demeurant, la construction d’une chapelle d’ordination n’est pas laissée à l’appréciation du clergé local puisqu’elle nécessite une autorisation préalable royale qui passe par le Département des affaires religieuses.

 

Ce fut particulièrement vrai dans le Nord-est en raison de la proximité du Laos et d’une culture commune avec les populations du Laos. En vertu de cette loi martiale, tout moine dans une ville, dans un village ou dans la forêt qui se conformait à la tradition courrait le risque d'être qualifié de communiste et emprisonné. Le simple fait d’être originaire du Nord-est pouvait faire peser sur quiconque un soupçon de communisme. Cette attitude des autorités centrales a alors certainement joué un rôle dans la disparition des peintures traditionnelles.

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Celles qui ont été peintes après 1957 ont radicalement changé dans leur emplacement, leur composition et leur conception. Elles sont présentes à l'intérieur de la salle de réunion mais plus dans la chapelle d’ordination. Elles ont été remplacées par des scènes individuelles, chacune enfermée dans un cadre ...

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.... avec la mention identifiant celui qui l’a financé et le montant de sa contribution.

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 Les compositions prennent une tournure occidentale avec montagnes et routes en arrière-plan. La peinture acrylique de couleur vive remplace les pigments naturels et surtout la composition dans tous les temples est pratiquement le même, inspirée sinon copiée à partir d'impressions produites par une société d'édition religieuse de Bangkok.

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Madame Brerereton nous donne un exemple significatif de la même scène tirée du Vessantara (มหาเวสสันดรชาดก) – l’histoire du bouddhisme theravada, en version du début du siècle dernier et en version moderne. Dans le vieil Ubosot du Wat Na Khwai (วัดนาควาย) à Ubonrachathani, la scène se situe dans le vaste paysage de la forêt,

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... dans la seconde, au Wat Ban Lan (วัดบ้านลาน) à Khonkaen, la scène est isolée et placée dans un cadre.

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Le but est de créer des images simplifiées d'histoires traditionnelles bouddhistes en intégrant des perspectives occidentales et des formes humaines réalistes qui peuvent facilement être comprises des laïcs.

 

Ce réalisme favoriserait la force et l'unité de la nation comme on le retrouve dans les scènes sculptées sur le monument de la démocratie lui-même lourd de symboles : une identité thaïe partagée par tous dans le pays (6). Or, la vie de Bouddha, le Phra Malai et le Vessantara Jataka ont tous des versions régionales sensiblement différentes.

 

Les modèles sont désormais peints à travers le pays par des artisans travaillant à la copie ou pour les plus habiles de mémoire. Ils portent des photocopies des modèles pour que les populations locales puissent choisir l'image qu'ils souhaitent parrainer.

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La quasi-totalité de ces modèles provient de la « So. Thammaphakdi postcard » qui diffuse une immense quantité de cartes postales ou de posters. Les dessins sont pour la plupart et toujours de Phra Thewaphinimmit (พระเทวาภินิมมิต), dessinateur mort en 1942. Une comparaison des peintures murales ne révèle plus dès lors que des variations mineures résultant des différences dans les talents des peintres.

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 Que faire pour préserver les salles d’ordination locales et leurs peintures murales?

 

Ces nouvelles peintures murales sont toutefois très populaires parmi les Thaïs dans tout le pays, source de fierté pour une communauté. Mais les peintures murales anciennes et les « Sims » sur les parois desquels elles sont peintes sont aussi un patrimoine culturel précieux qui doit être préservé. De nombreuses chapelles anciennes non encore peintes – probablement faute de moyens financiers – font l’objet d’une conservation attentive de la part des autorités religieuses du temple. Citons par exemple la chapelle du Wat Sittikharan (วัด สิทธิการาม) à Nongrua (หนองเรือ) près de Khonkaen,

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celle du Wat Phochaï (วัดโพธิ์ชัย) proche de Kuchinarai (กุฉินารายณ์) déjà cité

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 ou celle du Wat Nonwararam (วัดนรวราราม) non loin de Mukdahan.

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Dans ces temples dont la chapelle est placée sous la « protection » d’une université voisine, les responsables – nous en avons rencontré – se plaignent de l’absence réelle d’aide. L’entretien des toitures en tuiles de bois ou la préservation du blanc éclatant des murailles qui n’ont pas eu le temps d’être décorées sont une lourde charge.

 

Mais d’autres sont dans un état d’abandon lamentable comme on peut le voir au Wat Klang (วัดกลาง) à Huaymek (ห้วยเม็ก) dans la province de Kalasin ou la chapelle ancienne complétement délabrée est mitoyenne à la nouvelle construite au début du siècle.

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Au Wat Chaisi à Ban Sawatthi, non loin de Khonkaen la conservation des peintures murales alignées sur les murs intérieurs et extérieurs de la chapelle, est due aux efforts conjoints de l'abbé, de la communauté villageoise locale, et quelques professeurs de l'Université de Khonkaen. D’autres temples ont pu bénéficier d’un généreux soutien financier mais curieusement l'incitation à la conservation et à la préservation vient de l'extérieur, contrairement à Wat Chaisi, où elle fut l’œuvre de l'abbé.

 

Que conclure ?

 

Depuis le milieu du siècle dernier, de nombreux aspects du patrimoine culturel local dans tout le pays sont tombés en ruine ou ont été détruits, y compris les salles d’ordination et leurs peintures murales. Nous pouvons toutefois constater – affirme Madame Brereton - un « intérêt croissant » pour la préservation des peintures murales venant d’universitaires, d’artistes, d’historiens de l'art et du grand public, comme en témoignerait le nombre de pages Facebook et des sites Web consacrés à la culture du Laos / Isan.

 

Cette quantité « considérable » d'échange est en cours mais est-elle suffisante ?  La question est de savoir comment cet intérêt, ce partage et cette recherche peuvent être canalisées dans un mouvement qui favorisera la préservation durable des peintures murales ? Madame Brereton préconise la création d’associations composées d'abbés et d’universitaires des universités des provinces où se trouvent les Sim sur le modèle de Wat Chaisi. Il faudrait aussi, dit-elle, apprendre aux habitants à identifier des fresques. La chose n’est pas toujours évidente d’autant que les inscriptions explicatives sont souvent en écriture traditionnelle (อักษรธรรมอีสาน) dont la connaissance et la pratique sont presque perdues (7). Il faut, dit-elle, encourager les habitants à participer à des visites guidées pour leur faire comprendre la spécificité de leur culture isan-lao dont ils ont tout lieu d’être fiers. Par ailleurs, si le tourisme pouvait apporter des ressources financières, il entraînerait les inévitables dégradations qui en sont le corollaire. Il n’y a à ce jour aucun danger compte tenu de l’extrême difficulté à localiser ces temples en raison en particulier de l’absence systématique (peut-être voulue ?) de panneaux indicateurs bilingues.

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Mais les habitants eux-mêmes participent-ils vraiment à cette renaissance de la culture locale ? Il est permis d’avoir une vision tout à fait relative de cette affirmation peut-être trop péremptoire. Elle cite d’abondantes sources bibliographiques. 22 références d’ouvrages ou d’articles d’érudition certes, mais des auteurs japonais, australiens et américains pour la plupart. Nous y trouvons quelques érudits locaux, mais tous (sauf deux !) écrivent en thaï. La revue dans laquelle écrit notre américaine, le Journal of Mekong Societies refuse tout article écrits dans une autre langue que l’anglais alors qu’il s’agit d’une publication éditée sous l’égide l’Université de Khonkaen.

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D’autres références proviennent d’articles publiés dans le Journal of the Siam Society qui regroupe les écrits de tout ce que le pays compte d’érudits. Les Thaïs ont pourtant le droit de préférer leur langue. Le pire est un article publié en 2012 dans le Journal of the Siam Society sous le titre « Siam’s Threatened Cultural Heritage » « Le patrimoine culturel du Siam menacé » écrit en anglais, c’est proprement consternant alors que l’une des plus graves menaces qui pèse sur ce patrimoine culturel, est justement sa langue !

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La langue vernaculaire de la Thaïlande reste le thaï et celle de l’Isan est l’isan-lao. Nous avons vu au sujet de l’écriture locale traditionnelle et sacrée (7) virtuellement perdue que sa « renaissance » ne concernait en réalité que quelques centaines d’intéressés alors qu’il y a quelques 25 millions de Thaïs-isan.

A 225. LA « 7-ELEVENISATION » DE L’ARCHITECTURE RELIGIEUSE TRADITIONNELLE DU NORD-EST DE LA THAÏLANDE.

Critiquer l’invasion tentaculaire de la « 7-elevenisation » est une bonne chose et la formule est heureuse mais encore faut-il ne pas aller faire ses emplettes au 7/11 du coin.

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Sources Internet :

Une intéressante visite guidée du Wat Chaisi par des étudiants de l’Université de Khonkaen sur Youtube :

Le temple a aussi sa page Facebook tout comme le Wat Nonwararam. La mention du nombre de visiteurs ou les « j’aime » laisse toutefois à penser que l’intérêt manifesté par les Thaïs pour ce patrimoine culturel reste tout à fait relatif.

 

Le Wat Chasi a sa propre page Internet (en thaï), il semble qu’il soit le seul :

https://sites.google.com/site/watchaisri/home/prawati-wad-chiy-sri-2

 

Le site http://isan.tiewrussia.com/ consacré à la sauvegarde de la culture isan consacre de très belles pages (en thaï) aux vieilles chapelles d’ordination avec de nombreuses photographies et de précieuses indications pour leur localisation.

A 225. LA « 7-ELEVENISATION » DE L’ARCHITECTURE RELIGIEUSE TRADITIONNELLE DU NORD-EST DE LA THAÏLANDE.

Citons en particulier à la suite de Madame Brereton :

 

http://isan.tiewrussia.com/wat_sanaunwari/

http://isan.tiewrussia.com/wat_bannakai/

http://isan.tiewrussia.com/wat_photharam/

http://isan.tiewrussia.com/wat_palalai/

http://isan.tiewrussia.com/wat_srabauwkaew/

http://isan.tiewrussia.com/wat_chaisri/

http://isan.tiewrussia.com/wat_yangchuang/

 

Notons toutefois qu’un inventaire exhaustif des chapelles d’ordination dans les temples de nos villages n’est pas une tâche à l’échelle humaine. Dans notre seule province de Kalasin, il y a un total de 670 temples. Dans l’un des amphoe où réside l’un d’entre nous, il y a 27 temples pour 84 villages et dans l’autre, il y en a 67 pour 111 villages. Tous n’ont pas de chapelle d’ordination, car il est nécessaire qu’il y ait un nombre minimum de moines permanents. Mais si nous avons l’inventaire des temples en activité, nous n’avons pas celui des chapelles.

NOTES

 

(1) Voir notre article A 196 « LES PEINTURES MURALES, L’ÂME DES TEMPLES DU COEUR DE L’ISAN » : http://www.alainbernardenthailande.com/2015/11/a-196-les-peintures-murales-l-ame-des-temples-du-coeur-de-l-isan.html.

 

(2) Voir en particulier « Towards a Definition of Isan Mural Painting: Focus on the Heartland » in Journal of the Siam Society, volume 98 de 2010  et « Preserving Temple Mural in Isan : Wat Chaisi, Sawatti Village, Khonkaen, a Sustainable model » in Journal of the Siam Society, Volume 103 – 2015.

 

(3) In Journal of Mekong Societies, Volume 11 n° 1 de janvier - avril 2015 pp. 1-20.

 

(4) Cette chaine a été fondée au Texas en 1946. Initialement, ces petites boutiques de proximité étaient ouvertes de 7 heures à 23 heures d’où leur nom. Elles ont littéralement envahi la Thaïlande à partir de 1989. Le premier magasin a ouvert en 1989 sur Patpong Road à Bangkok. En septembre 2016, il y avait 9.400 magasins 7-Eleven en Thaïlande dont environ la moitié à Bangkok. La société mère a prévu pour 2017 l’ouverture de 500 nouveaux points de vente. Les boutiques en Thaïlande sont ouvertes 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. C’est leur seul avantage puisque toutes les denrées de première nécessité que l’on y trouve, du dentifrice et des préservatifs aux bouteilles de bière sont systématiquement plus chères que dans le petit commerce local ce qui n’empêche pas les Thaïs de s’y précipiter.

 

(5) Voir notre article « L’ethnie So du nord-est de la Thaïlande » :

http://www.alainbernardenthailande.com/2017/01/insolite-13-l-ethnie-so-de-l-isan-nord-est-de-la-thailande.html

 

(6) Voir notre article A 205 « Le monument de la démocratie le mal nommé » : http://www.alainbernardenthailande.com/2015/12/a-205-le-monument-de-la-democratie-le-mal-nomme.html

 

(7) Voir notre article « Vers une renaissance de l’ancienne écriture isan » :

http://www.alainbernardenthailande.com/2015/09/vers-une-renaissance-de-l-ancienne-ecriture-isan.html

 

 

 

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