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Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.

H 9 - LES MȎNS DE THAÏLANDE.

H 9 - LES MȎNS DE THAÏLANDE.

Ils s’appellent Môns (หมอญ) ou Raman (รามัญ) ; pour les occidentaux, ce sont des Pégouans (เพกวน) ou des Talaing (ตะเลง). Ils seraient « environ » 8 millions en Birmanie. Combien sont-ils en Thaïlande ? De façon curieuse, la carte ethnolinguistique de la Thaïlande que nous avons souvent citée dans nos articles sur les minorités ethniques reste dans le flou, « entre 45.000 et 400.000 » et les situe géographiquement en des endroits précis, Kanchanaburi, Nonthaburi, Pathomthani, Lopburi, Nakhonrachasima, Samutsakhon, Rachaburi, Petchaburi, Chiangmaï, Lampun, Nakhonphathom, Chachoengsao, Suphanburi, Ayuthaya, Prachinburi et Bangkok. Elle laisse apparaître une présence massive à la frontière avec la Birmanie et plus discrète dans quatre provinces du sud (1). Dispersion géographique et imprécision numérique ? C’est en réalité leur histoire chaotique qui l’explique.

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D’où viennent-ils ?

 

Les Môns constituaient le fond de la population de l'ancienne civilisation Dvaravati à cheval sur la Birmanie et le Siam, centrés dans la région de Pégou, aujourd’hui Bago en actuelle Birmanie,  d’où leur nom de Pégouans, de Suddamavati, ancien nom de la ville de Thaton à l’embouchure de la rivière Sittaung et dans le bassin de la Chaopraya où les vestiges archéologiques et les inscriptions en langue Mône archaïque y sont les plus nombreux (2). Le nom de Talaing leur vient de Télangana, région de l'Inde d'où ils auraient reçu la civilisation indienne et le bouddhisme.

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Les origines légendaires

 

Les anciennes traditions orales mônes ont été pieusement recueillies par le capitaine C.J.F.S Forbes, auteur de très nombreux ouvrages sur l’histoire et la langue de la Birmanie (3). Un mélange de fables et peut-être de faits réels (4). Retenons que l’implantation d’origine des Môns se situe à Thaton entre 700 et 600 avant Jésus-Christ, ils furent civilisés par des populations venues des Indes et sont à l’origine de la première introduction du bouddhisme dans ces pays de l'est des Indes à une époque peu ou prou contemporaine de la vie de Bouddha. Leur pays devint un centre majeur du bouddhisme theravada en Asie du Sud-Est (5).

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Leur histoire et leurs errances

 

Le premier véritable historien de la Birmanie est encore un officier supérieur anglais, le lieutenant General Sir Arthur Purves Phayre, premier gouverneur de la Birmanie britannique entre 1862–1867. Nous lui devons une fondamentale « History of Burma » (6). Notre propos n’est pas de réécrire cette histoire mais de nous interroger sur la présence de ces « colonies » mônes éparses dans le pays et massives à la frontière.

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Robert Halliday, un fonctionnaire du gouvernement britannique en Birmanie s’est livré en 1913 à une étude serrée de leurs migrations (7).

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Thaton fut historiquement le siège d’un royaume môn dans les premiers siècles de l’ère chrétienne. Cet empire s’étendait au moins du Pegu jusqu’à Nakhonphatom en passant par Lopburi ou de nombreuses inscriptions mônes ont été découvertes et déchiffrées par Georges Coédès. Leur roi Bana Ram avait érigé de nombreux édifices religieux. Son fils Smin Dhaw fut le dernier roi de race mône à régner à Pegu. Daka Rat Pi, autre fils et successeur de Bana Ram passait son temps  à la chasse et à la pêche plutôt que de gouverner le pays.

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C'est alors que Tabeng Shwe Thi, roi du petit État de Taungu, profita de l’occasion et après de nombreuses tentatives, finit en 1540 par prendre Pegu et déposer son roi. Devenu suprême roi du Pegu, il manifesta l’intention de soumettre les états voisins. Il est l’auteur de la première grande invasion des Peguan au Siam. Cherchant toutefois à se concilier le peuple mon, il se soumit à leurs coutumes. Le frère de Tabeng Shwe Thi, Bureng Naung, lui succèda sur le trône de Pegu et continua alors ses guerres de conquêtes en vue de créer une « grande Birmanie » en direction du Siam, du Laos et des états Shan. Ces guerres imposèrent aux Môns un devoir militaire qui leur devint un fardeau insupportable.

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Nanda Bureng, le fils et successeur de Bureng Naung, nous sommes en 1583, va se heurter à des problèmes avec ses voisins siamois : le célèbre Phra Naret (พระนเรศวร) alias Naresuan (นเรศวร) (Sanphet II : 590-1605) engage des campagnes victorieuses contre les Birmans. Il aurait alors selon Phayre déporté un certain nombre des habitants au Siam, apparemment comme prisonniers de guerre. Quelques années plus tard, à la suite d'une attaque infructueuse d'Ayuthia par les Birmans, une tentative infructueuse sur le Pegu suscite toutefois probablement la première véritable immigration des Môns au Siam.

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En 1660 sous le règne de Naraï-le-grand (1657-1688), les Môns immigrèrent de façon passive au Siam probablement pour fuir le roi d’Ava qui les fit désarmer. Phayre parle de cet événement et précise que les Siamois avaient alors de nombreux partisans à Martaban.  Ces événements eurent lieu juste après l'invasion d'Ava par les Chinois en 1658. Les Môns ont alors volontairement cherché refuge au Siam même si à d’autres époques certains y ont été ramenés comme prisonniers de guerre. Robert Halliday cite une lettre de l’évêque de Martaban (probablement anglican ?) datée de 1633 envoyée au roi de Siam en 1633 dans lequel il déclarait que « le Seigneur et roi juste d'Ayuthia, était le havre de la race Mône puisqu’il leur avait en diverses occasions sauvé la vie ».

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Lors des campagnes engagées par les Birmans au Siam, les Môns, voisins les plus proches des Siamois, étaient toujours prêts à s’opposer aux envahisseurs. Ce fut vrai à l’époque de Naresuan et plus encore de Phra Narai : les troupes mônes d'Ayuthia formaient l'avant-garde de son armée et furent les premières à s’opposer aux Birmans. Lorsqu’Alaungphra envahit le Pegu en 1757, la fuite des Môns fut moins massive mais pour Robert Halliday c’est le fruit du régime de terreur qui régna alors. Des moines rassemblés autour de Pegu ont été massacrés et d'autres ont pu fuir jusqu’à Chiangmai conduits par un général Môn. Une nouvelle fuite massive eut lieu en 1774, sous le règne de Hsinbyushin (1763-1776), quelques années après la chute d'Ayuthia. Hsinbyushin était déterminé à récupérer ce qu'il considérait comme des territoires perdus.

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Une armée fut envoyée pour opérer dans le Nord. Le gouverneur de Martaban avait engagé une force composée principalement de Môns pour entrer au Siam par la route de Tavoy. Les troupes Mônes se sont alors mutinées. Poursuivis par le général birman, ils furent obligés de fuir vers le Siam avec leurs femmes et leurs familles. Ceux qui restèrent dans la forêt furent purement et simplement massacrés. En 1814 éclata encore une rébellion des Môns à Martaban, un grand nombre se réfugia au Siam, probablement plus de 100.000. Ce fut probablement le plus grand exode de leur histoire. Ils y furent bien accueillis et furent conduit en divers endroits où on leur attribua des terres et les biens nécessaires à leurs besoins immédiats notamment dans un village proche de Pathomthani visité par Halliday. Quelques années plus tard, le Prince Phra Chom Klao, qui devint plus tard roi sous le nom de Maha Mongkut, fut désigné par le roi son père pour retrouver des immigrés Môns à Kanchanaburi, et les conduire à Bangkok sur trois bateaux de guerre avec une garde d’honneur conduite par lui.

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Il faut toutefois, selon Halliday, relativiser ce désir des Birmans d’éradiquer la culture Mône puisque leurs rois s’efforcèrent de gagner leur confiance comme Tabeng Shwe Thi qui adopta plusieurs de leurs coutumes jusqu’à devenir un « vrai môn » et Alaungphra qui s’établit à Pegu, leur ancienne capitale. Mais ils ne les  gouvernaient pas moins comme un peuple conquis ce qui explique aisément les fuites répétées vers le Siam : ils devinrent un peuple sans pays.

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Lors de l’arrivée des britanniques en Birmanie, en 1824–26, en 1852 et en 1885, un millier de Môns (seulement) prirent encore la fuite vers le Siam.

La colonisation anglaise a eu au moins la vertu de les laisser à l’abri des exactions et massacres des Birmans, tout au plus de survivre tout simplement, bien que l’utilisation de leur langue ait été « vigoureusement découragée » puis « absolument proscrite ».

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Lorsque Halliday écrit, en 1913, les Môns qui se retrouvaient au Siam vivaient encore dans leurs villages en gardant leur langue et leurs traditions.

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Le point en 1973, soixante ans plus tard :

 

Le professeur Brian Foster de l’Université du Missouri-Columbia a effectué dans les villages môns de la Thaïlande de longues recherches dans le début des années 70 (8) rappelant qu’ils existaient en Birmanie du Sud et en Thaïlande bien avant la montée des états thaïs et birman, qu’ils ont été les premiers bouddhistes Theravada d’Asie du Sud-Est et qu’ils ont enseigné aux birmans l’essentiel de leur civilisation, y compris leur système d'écriture (9).

 

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A la date à laquelle écrit Forster, ils ont été « depuis longtemps » assimilés, descendants de réfugiés politiques ou de groupe de prisonniers de guerre, entrés dans le pays à partir du XVIème siècle. Combien étaient-ils alors ? L’auteur avoue son ignorance. Tous devenus citoyens thaïs, tous assimilés : ceux qui seraient généalogiquement des Mons seraient probablement moins de 100.000, beaucoup plus si on comptait ceux qui auraient une ascendance mône (y compris dans la famille royale) et « beaucoup moins » si l’on compte ceux qui connaissent parfaitement leur langue. Dans un article d’Emmanuel Guillon en 1971 nous lisons « l'enseignement de la langue n'existe plus en Birmanie, et elle est mourante en Thaïlande » (10). Leur localisation géographique correspond alors – mutatis mutandis – à celle de 2004 que nous avons citée en tête de cet article. Forster cite avec plus de précision comme les plus peuplés des villages dans le district de Pakkret (ปากเกร็ด) dans la province de Nonthaburi,

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dans celui de Ban Pong (บ้านโป่ง) dans la province de Rachaburi,

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et dans celui de Phrapadaeng (พระประแดง) dans la province de Samut Songkhram mais pas d’implantation marquante dans les grandes villes, notamment Bangkok.

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Ils cultivent en général le riz mais dans le district de Sam Khok (สามโคก), ils moulaient des briques rouges toujours connues sous le nom de « briques môns » (It-mon – อิฐหมอน) lorsqu’ils n’étaient pas occupés dans les champs ...

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... ainsi que les jarres destinées à recueillir l’eau de pluie, activité devenue probablement obsolète depuis la généralisation de l’eau de la ville (nam prapa – น้ำประปา) dans pratiquement tout le pays.

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On trouvait encore de nombreux Môns bateliers dans la province de Pathumthani : une grande partie des matériaux de construction utilisés à Bangkok arrivait  dans des péniches des Môns. Dans un village du district d’Ayuthaya, ils confectionnaient des plaques en chaume provenant du palmier nypa mais cette activité est en voie de totale disparition. 

 

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A Samut Sakhon, ils récoltaient le sel de mer.

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Forster souligne que leur proximité ethnique et religieuse avec les Thaïs et une exogamie courante (plus de 70 % des mariages sont exogames nous dit Forster) les ont rendu potentiellement très assimilables à l’inverse d’autres comme les tribus de la montagne, les Malais, les Chinois ou les Indiens.

 

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 La langue était le trait distinctif. Bien que comportant plusieurs dialectes, ils se comprenaient tous entre eux. L’alphabétisation avait lieu en langue môn dans les écoles des temples môns par des moines môns avec des livres écrits en môn dont Forster n’a trouvé que de rares exemplaires chez des personnes âgées. Dans les temples, les prières étaient chantées en môn, incompréhensible pour les Thaïs. Mais dès le début du XXème siècle, ils étaient déjà pratiquement tous bilingues môn-thaï. Le système scolaire a remplacé les écoles des temples par celles du gouvernement. Forster a encore constaté la disparition totale de la langue en particulier dans les villages de Pakret et Pathumthani,  seuls les vieux pouvant encore la parler. La langue écrite n’était alors plus enseignée et seuls les vieux parvenaient à la lire. Il n’y a plus de « Môn-ness » conclut Forster en 1973… il y a plus de quarante ans !

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Aujourd’hui en 2017.                              

 

Pour en venir à 2017, peut-on parvenir à retenir un chiffre précis de leurs descendants ? Citons – pour l’anecdote – le premier recensement effectué dans le pays, celui de Bangkok en 1883, il nous apprend qu’ils étaient 2 môns à Bangkok (11). Le premier recensement effectué à l’échelle nationale est celui de 1904. Nous avons souligné dans un précédent article (12) la totale incohérence des estimations des populations mônes effectuées par les auteurs : ainsi pour Crawfurd, ils sont 42.000 en 1822, pour Monseigneur Pallegoix, ils sont 50.000 en 1854, pour Aymonier, ils sont 100.000 en 1901 et pour Lunet de la Jonquières en 1904, ils sont 130.000. Le « Census » de 1904 a fait l’objet d’une étude complète de Volker Grabowsky d’où nous pouvons enfin extraire des précisions chiffrées (13). Certaines provinces ont échappé aux opérations mais elles ne sont pas de celles où la présence de Môns a été constatée, Isan, nord-ouest et extrême sud musulman. La question de la répartition par ethnies posa quelques difficultés : Bien des habitants du royaume étaient d’origines mixtes et difficiles sinon impossibles à classer selon des critères raciaux. Pour les Chinois, le critère fut la natte pour les hommes et les vêtements pour les femmes...

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... pour les Malais également, en sus de la religion, barbe des hommes et voile des femmes,

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pour les Khmers, ce fut le critère linguistique, celui qui fut retenu également pour les Môns.

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Pouvait-il en être autrement ? Ils ne présentent pas de différence physique fondamentale avec les Thaïs et pratiquent la même religion. Le résultat est précis à l’unité : 29.077 répartis comme suit :

Ratchaburi : 12.806

Nakhon Chaisi : 6.822

Nakhon Sawan : 2.943

Krung Kao : 2.532

Nakhon Ratchasima : 2.259

Prachin Buri : 1.715.

 

Ce décompte effectué selon une procédure méticuleuse est précieux puisqu’il est le dernier à avoir retenu les critères ethniques : Les recensements suivants à partir de 1911 ne donneront plus de données ethniques mais seulement religieuses. La raison en est simple, conséquence directe de la montée du nationalisme sous le règne du roi Vajiravudh (1910-1925), visant à unir tous les citoyens sous la bannière «nation – religion - roi », création du sentiment de « thainess » au sein d’une population pluriethnique, une notion qui n’apparait pas encore dans le recensement de 1904.

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Volker Grabowsky considère que les résultats sont sous-estimés de 25% et nous devrions donc avoir une population de 29.077 soit environ 36.000 locuteurs considérés comme des Môns.

 

Ils sont certes arrivés probablement à plus de 100.000 en 1814, pendant près de cent ans, jusqu’en 1913 (date de l’étude de Halliday) c’est-à-dire de trois à quatre générations, ils se sont mélangés aux Thaïs dont ils pratiquement la même religion et au fil des ans étudient dans les écoles du gouvernement et non plus celles des temples môns. De 1904 à 2017, 113 années se sont écoulées, quatre ou cinq générations. A qui reconnaître la « qualité » de Môn aujourd’hui ? La pratique d’une langue pratiquement disparue ? Un ancêtre môn mais à quel degré ? Grands-parents ? Arrières grands-parents ? En l’absence totale en outre d’état civil avant sa mise en place très progressive à partir de 1913 (14), il serait vain d’essayer d’être plus précis. 36.000 en 1904 ?

 

Combien parlent encore la langue ? Une source contemporaine (15) donne pour tous les pays du monde qu’ils occupent un total de 851.000 locuteurs, compris la Birmanie où ils sont environ 800.000 , mais leur langue s’éteint.

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Si l’on suit encore l’estimation de Forster on peut supposer que, compte tenu de l’assimilation progressive et des mariages mixtes, le chiffre de 45.000 est un maximum même s’ils perpétuent encore peu ou prou en certains endroits leurs traditions folkloriques.

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La carte ethnolinguistique reproduite en tête de cet article fait par ailleurs apparaître quatre zones d’implantation dans le sud hors leurs zones d’implantation ancienne et historique, Prachuapkirikhan, Ranong, Phannga et Chumpon et donne une évaluation chiffrée entre « 45.000 et 400.000 ». Il n’y a qu’apparente contradiction : Nous avons abordé la question de la présence des Birmans en Thaïlande, pour la plupart illégaux et en nombre indéterminé dans et hors les camps de réfugiés (16). Il y a évidemment des Môns parmi eux.

 

Mais être réfugié ou travailleurs clandestin môn-birman en Thaïlande ne signifie pas être Môns de Thaïlande. 

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Ils méritent toutefois quelques lignes.

 

L’exode des Môns de Birmanie dans les années 90.

 

Un bref retour en arrière s’impose : Il est de bon ton de dire que les Môns ont activement participé à la résistance contre les Japonais. Ce n’est pas notre sujet. Admettons donc que 8 millions de Môns en Birmanie aient participé à la résistance tout comme il y eut 40 millions de résistants en France. Il n’est toutefois pas certain que lorsque l’armée thaïe est entrée en Birmanie, elle ait été mal accueillie par les populations locales ? (17).

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Il est plus assuré qu’ils se soient lancés dans la lutte contre le colonialisme britannique dans le but avoué d’obtenir un référendum d’autodétermination en vue de la création d’un état môn ce qui leur fut refusé par l’ONU.

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La première constitution de 1947 établit une pesante prééminence des Birmans sur les ethnies minoritaires (18).

 

Réprimés par le gouvernement central ils organisèrent plusieurs révoltes armées plus ou moins liées à celles des Karen sous l’égide d’abord du « Mon People's Front » et à partir de 1962 du « New Mon State Party » qui avait une branche armée, la « Mon National Liberation Army ».

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Le gouvernement central lâcha du lest et un État môn plus ou moins autonome fut créé en 1974 couvrant le Tenasserim, Pegu et la rivière Irrawaddy.

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La résistance s'est toutefois poursuivie jusqu'en 1995, date à laquelle intervint un cessez-le-feu. Mais les Môns tout autant que d’autre minorités ethniques (Rohingya et Arakanais, Karen et Shan) restaient martyrisés par le gouvernement central, dictatorial depuis l’indépendance et plus encore depuis la prise du pouvoir par une junte militaire en 1988, beaucoup plus dure que la précédente, qui suspend tous les droits civiques.

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Le 8 août 1988 des milliers de manifestants se lancent dans des manifestations pacifiques qui sont réprimées dans le sang.

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L’exode des minorités ethniques est alors massif à partir de 1990, certains -  ceux qui en ont les moyens – se retrouvent pour la plupart aux Etats-Unis, exil doré – et les autres dans les camps de réfugiés le long de la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie. Les « Américains » constituent en 1995 à Albany et en Pennsylvanie un « Monland Restoration Council » et diverses organisations « caritatives » basées à Bangkok, dont on ne sait trop quelle est l’activité réelle à ce jour (19).

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Leur documentation étant exclusivement en anglais, il est permis de penser qu’elle est strictement inaccessible aux réfugiés et que les responsables ignorent peut être eux-mêmes la langue ! D’ailleurs la page de leur site Internet consacrée à leur langue n’est même pas renseignée !

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Parmi les dizaines de milliers de réfugiés entassés dans des camps frontaliers

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les Môns se retrouvent essentiellement dans ceux de Halockhani

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... et Lohloe à cheval sur la Thaïlande (district de Sangklaburi dans la province de Kanchanaburi) et le sud-est de la Birmanie.

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La vie dans ces camps se passe de commentaires (20). Si les Siamois ont accueilli avec bienveillance les Môns dans les siècles précédents, il n’est pas du tout certain que cette nouvelle vague ait été bien accueillie par les Thaïs (21). Si ces références datent de 1994, nous ne sommes pas démunis de références beaucoup plus proches de nous dans le temps : En décembre 2016 encore, plus de 100.000 réfugiés des ethnies martyrisées dans les camps frontaliers (21). Ce chiffre est évidemment approximatif puisque beaucoup d’entre eux ne sont pas enregistrés administrativement.

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Décembre 2016 ? Mais n’y-a-t-il pas eu un bouleversement politique majeur en Birmanie en 2015 ?

 

Apparemment rien n’a changé ...  sauf l’espoir ! (22)

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La répression contre les minorités ethniques continue sans que l’on sache trop si c’est avec la bénédiction au moins implicite de la première ministre de facto Aung San Suu Kyi, icone de la bonne conscience universelle ou à son corps défendant mais apparemment tous les dirigeants birmans, militaires ou civils, sont hostiles à une solution fédérative qui donnerait un embryon d’indépendance aux minorités ?

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La question est donc loin d’être résolue, la Thaïlande n’est apparemment pas fort satisfaite de la présence de ces dizaines de milliers sur son territoire, la Birmanie – même devenue « démocratique » n’a manifestement aucune envie de les récupérer. Quant aux intéressés eux-mêmes, ils ne semblent pas très chauds pour rejoindre leur pays ? A ce jour, nous avons relevé le retour d’une « soixantaine de Karens » et de « dix-sept » réfugiés politiques, la belle affaire (23) ! Mais cette question, aussi douloureuse soit-elle excède à la fois nos compétences et le cadre de cet article.

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NOTES

 

(1) « Ethnolinguistic maps of Thaïlande », publication de l’Université Mahidol, 2004 (en thaï).

 

(2) Voir les deux articles de Christian Bauer « NOTES ON MON EPIGRAPHY – I » et « NOTES ON MON EPIGRAPHY – II » in Journal de la Siam society  volumes 79-I et 79-II de 1991.

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(3) « Legendary history of Burma and Arakan » à Rangoon, 1882.

 

(4) Nous sommes à l’époque de Bouddha. Il y avait deux princes, Teiktha et Zayyakonema, fils du roi de Thoopienna dans le pays de Karannaka sur la côte orientale de l’Inde. Ils se firent ermites et résidaient sur la montagne de Zingyike, entre Thaton et Martaban. Le plus jeune se déplaça ensuite vers la montagne de Zwehgabin sur la rive gauche de la rivière Salouén. Le frère aîné marchait un jour au bord de la mer au pied de la montagne de Zingyike lorsqu’il trouva deux œufs dont jaillirent deux garçons. L’ermite donna le premier à son jeune frère mais il mourut de variole à l'âge de dix ans. Toutefois avant sa mort il avait eu le privilège de rencontrer le Seigneur Gaudama devenu l’ « éveillé ». Quand l'autre eut atteint l'âge de sept ans, il fonda une ville appelée Thaton et prit le nom de Theeharaza. Cette histoire merveilleuse et à première vue absurde de la fondation de Thatone, première implantation des Môns comme nation, révèle toutefois quelques faits importants. Le fondateur de la ville fut un prince d'origine fabuleuse, né d'un œuf de dragon femelle et élevé par un ermite de sang royal du pays de Karannaka.

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D'autres localités mentionnées dans ces premières traditions ont été clairement identifiés par Forbes comme des parties de l'ancien royaume dravidien de Telangana sur la côte est de l'Inde. Les habitants de Thaton comprenaient également des étrangers venus de la côte indienne. L’interprétation que fait Forbes de ces légendes est la suivante : La région autour de Thaton et Martaban était habité par des Mons représentés dans leur propre tradition comme une race sauvage et barbare. Elle fut alors colonisée par des habitants civilisés de la côte de Telangana qui prirent des femmes du pays (dragons femelles !) et fondèrent la ville de Thaton. Dans la tradition indienne, les dragons représentent les habitants aborigènes. Forbes trouve une preuve géologique de l’ancienneté de cette fondation puisqu’alors Thaton était situé en bord de mer et qu’elle est aujourd’hui à environ 25 kilomètres. Par ailleurs l’existence de très anciens mouvements commerciaux entre le royaume de Telangana et les pays situés à l'est du golfe de Bengale est un fait bien connu. La tradition bouddhiste enfin veut que Gaudama ait personnellement visité et prêché à Thaton soit sous le règne de Theeharaza soit sous celui de son fils Theereemathawka. Ces précisions relatives permettent à Forbes de situer la fondation de Thaton soit en 603 avant Jésus-Christ soit entre 700 et 600 avant Jésus-Christ. Il y avait de toute évidence à cette époque un lien étroit entre le Pegu et la côte orientale de l'Inde dont Forbes donne de nombreuses justifications. Le point le plus important de cette histoire est la première introduction du bouddhisme dans ces pays de l'est des Indes à une époque peu ou prou contemporaine de la vie de Bouddha.

 

(5) Voir l’article de NAI PAN HLA « THE MAJOR ROLE OF THE MONS IN SOUTHEAST ASIA » in Journal de la Siam Society n° 79-I de 1991

 

(6) « History of Burma including Burma proper, Pegu, Taungu, Tenasserim and Arakan from the earliest time to the end of the first war with British India » publiée à Londres en 1883.

 

(7) « Immigration of the Mons into Siam ». In Journal de la Siam society, volume 10-III de 1913.

 

 

(8) « ETHNIC IDENTITY OF THE MONS IN THAILAND » in Journal de la Siam society, 1973-I.

 

(9) Leur écriture, beaucoup plus ancienne que l’écriture thaïe, a servi de modèle à l’écriture birmane. Elle a fait l’objet d’une longue étude dans le curieux ouvrage de Léon de Rosny « L’écriture des Talaing » in « Archives paléographiques de l’Orient et de l’Amérique », tome I de 1869, pp 137-142. Voir aussi « The Talaing language » par le révérend Francis Mason, 1853. Leur alphabet vient probablement du sud de l’Inde.

H 9 - LES MȎNS DE THAÏLANDE.

(10) Emmanuel Guillon « Chansons populaires môn », In : L'Homme, 1971, tome 11 n°2. pp. 58-108.

 

(11) Voir notre article 152 « Le premier recensement effectué au Siam en 1883 » : http://www.alainbernardenthailande.com/article-152-le-premier-recensement-effectue-au-siam-en-1883-124510064.html

 

(12) Voir notre article 195 « La population du Siam en 1904 – Le premier recensement de 1904 » : http://www.alainbernardenthailande.com/2015/08/195-la-population-du-siam-en-1904-le-premier-recensement-de-1904.html

 

(13) Voir l’article de Volker Grabowsky, un ethnologue allemand, « The Thai Census of 1904 : Translation and Analysis » in Journal de la Siam society, volume 84-I de 1996.

 

(14) Voir notre article 169 « Rama VI crée l’état civil siamois » : http://www.alainbernardenthailande.com/2015/02/169-rama-vi-cree-l-etat-civil-siamois.html

 

(15)  https://www.ethnologue.com/language/mnw

 

(16) Voir nos articles

http://www.alainbernardenthailande.com/article-a129-travailleurs-illegaux-ou-birmanisation-du-sud-de-la-thailande-120218930.html

http://www.alainbernardenthailande.com/article-a130-la-birmanisation-du-sud-de-la-thailande-est-elle-ineluctable-120323933.html

 

(17) Votre notre article « L’armée thaïe entre en Birmanie » :  http://www.alainbernardenthailande.com/2016/07/200-2-l-armee-thaie-entre-en-birmanie-le-10-mai-1942.html

(18) Voir l’article de Martial Dacé « LES DROITS DES MINORITES NATIONALES DANS LA CONSTITUTION BIRMANE DE 1947 » in Journal de la Siam Society, n°64-II de 1976 et Mr Ashley South « Mon Nationalism and Civil War in Burma: The Golden Sheldrake », Bangkok, 2003 (ISBN-13: 978-0700716098).

 

(19) Voir le site http://www.albany.edu/~gb661/index.html  « Mon Information Service (MIS) » - « Overseas Mon National Students Organization » - « Overseas Mon Young Monks Union ».

 

(20) Voir par exemple le lien http://www.albany.edu/~gb661/mary.html ou encore « BURMA/THAILAND - THE MON :  PERSECUTED IN BURMA, FORCED BACK FROM THAILAND », une publication de Human Rights Watch/Asia, décembre 1994  Vol. 6, No. 14.

H 9 - LES MȎNS DE THAÏLANDE.

(21) Voir le site :

 http://www.theborderconsortium.org/

(22) Voir l’article de « Libération » du 12 janvier 2017 « Birmanie: l'armée met Aung San Suu Kyi face à ses limites ».
(23) Voir l’article de RFI du 26 octobre 2016 « Une soixantaine de Karens réfugiés en Thaïlande rentrent chez eux en Birmanie » (http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20161026-karens-refugies-thailande-rapatriement-birmanie-hcr) et Global Voice du 6 décembre 2016 (https://fr.globalvoices.org/2016/12/06/204181/

 

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